Deng c. Lemay | 2023 QCTAL 25104 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Québec | ||||||
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No dossier : | 714272 18 20230605 G | No demande : | 3931495 | |||
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Date : | 09 août 2023 | |||||
Devant la juge administrative : | Chantale Trahan | |||||
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Lihua Deng |
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Locatrice - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Patrick Lemay |
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Locataire - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Par une demande introduite le 5 juin et un amendement déposé le 28 juin 2023, la locatrice demande la résiliation du bail et l’expulsion du locataire en raison de ses comportements qui troublent la jouissance paisible des autres locataires, leur causant ainsi un préjudice sérieux. La locatrice allègue également que le locataire contrevient à son obligation d’user du bien loué avec prudence et diligence (encombrement) et qu’il est en retard dans le paiement de son loyer.
CONTEXTE
[2] Les parties sont liées par un bail verbal à durée indéterminée ayant débuté le 1er avril 2022 au loyer mensuel de 490 $, qui a été modifié à 540 $ à compter du 1er avril 2023.
[3] Le logement consiste en une maison de chambres pour quatre locataires, avec cuisine, salon et salle de bain communes.
[4] Bien que la demande et l’amendement lui furent notifiés par courrier recommandé le 30 juin 2023, le locataire est absent à l’audience.
TÉMOIGNAGE DE LA LOCATRICE
[5] La locatrice témoigne que le locataire doit une somme de 200 $ en loyer impayé. En date de l’audience, le locataire n’est pas en retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer, de sorte qu’elle ne peut obtenir la résiliation du bail pour ce motif. Toutefois, le locataire doit cette somme à la locatrice.
[6] Elle fait la preuve que le locataire n’entretient pas convenablement son logement car beaucoup d’objets sont accumulés dans sa chambre et des mauvaises odeurs s’en dégagent.
[7] Elle reproche au locataire Lemay son caractère intempestif et imprévisible qui nuit à la tranquillité des autres locataires. Ce dernier a des problèmes de consommation et il peut s’en prendre verbalement et physiquement aux autres locataires ou à toute personne qui se rend au logement, y compris la locatrice elle-même. Elle a tenté de lui parler et de le sensibiliser à adopter un comportement acceptable, mais peine perdue, il continue de troubler la jouissance paisible des lieux et ne se soucie pas des avertissements de la locatrice.
TÉMOIGNAGE DE JASON CHRISTOPHER BEAULIEU
[8] Monsieur Beaulieu a été locataire dans la maison de chambre de la locatrice de 2014 à mai 2023. Il relate que le locataire Lemay adopte un comportement perturbateur, en criant et insultant les autres résidents pendant plusieurs heures. Il a été lui-même la cible de ce dernier en mai 2023, qui tentait de le provoquer pour se bagarrer avec lui. Monsieur Beaulieu relate que ce genre de comportement se produit souvent de la part du locataire Lemay, à toute heure du jour ou de la nuit. Il dérange tout le monde, en usant d’intimidation et en alimentant le conflit avec les autres locataires qui sont majoritairement immigrants. Monsieur Beaulieu sait également que le comportement irrationnel du locataire Lemay est aussi dû à sa consommation de drogues. Il affirme avoir quitté la maison de chambres car il ne pouvait plus côtoyer monsieur Lemay et il est déménagé dans un autre logement appartenant à la locatrice.
TÉMOIGNAGE DE HUA SHAO
[9] Madame Shao est locataire de l’endroit depuis 2015. Elle relate que le locataire est très raciste envers elle et les autres locataires immigrants et qu’il use de violence psychologique et sexuelle à son endroit. Cette situation est intenable et madame Shao est vulnérable et sévèrement privée de la jouissance paisible des lieux loués. Elle relate de plus que le locataire Lemay consomme et vend de la drogue dans les lieux loués, de sorte qu’il y a un va-et-vient de personnes qui fréquentent les lieux à cette fin.
QUESTION EN LITIGE
La locatrice a-t-elle démontré que les comportements du locataire Lemay troublaient la jouissance paisible des autres locataires et qu’ils lui causaient un préjudice sérieux justifiant la résiliation du bail ?
ANALYSE ET DÉCISION
[10] Le Tribunal tient à souligner qu’il appartient à celui qui veut faire valoir un droit de prouver les faits qui soutiennent sa prétention, et ce, de façon prépondérante. Ainsi, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante, la preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante. La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du Tribunal.
[11] Le degré de preuve requis ne réfère pas à son caractère quantitatif mais plutôt qualitatif. La preuve testimoniale est évaluée en fonction de la capacité de convaincre des témoins et non pas en fonction de leur nombre.
[12] Le plaideur doit démontrer que le fait litigieux est non seulement possible mais probable et il n'est pas toujours aisé de faire cette distinction. Par ailleurs, la preuve offerte ne doit pas nécessairement conduire à une certitude absolue, scientifique ou mathématique. Il suffit que la preuve rende probable le fait litigieux.
[13] Si une partie ne s'acquitte pas de son fardeau de convaincre le Tribunal ou que ce dernier soit placé devant une preuve contradictoire, c'est cette partie qui succombera et verra sa demande rejetée[1].
La résiliation du bail
[14] Le recours du locateur est basé sur l’article
« 1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.
Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.
Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail. »
« 976. Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n'excèdent pas les limites de la tolérance qu'ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux. »
[16] La résiliation du bail est une sanction sévère et le Tribunal doit être objectivement convaincu par une preuve concluante, sans considération subjective, à la fois sur les manquements allégués et sur le préjudice sérieux qui en découle. Ces deux éléments sont essentiels.
[17] Or, qu’en est-il en l'espèce ?
[18] Le Tribunal est d'avis que la locatrice a démontré, au terme d'une preuve prépondérante, que le locataire Lemay est une source de nuisance causée par ses comportements et son attitude, lesquels sont assez répétitifs et persistants pour constituer une source d'ennuis et d'inconvénients sérieux et importants pour les occupants de l'immeuble. La preuve a démontré que le locataire Lemay nuit de façon importante aux autres locataires qui sont dérangés par ses comportements, ses cris et ses insultes à toute heure du jour ou de la nuit. De plus, il adopte un comportement abusif totalement inacceptable et intolérable envers la locataire Shao, voire de nature criminelle qui justifie le présent Tribunal à intervenir sans délai dans la présente situation.
[19] La preuve révèle que ces troubles excèdent les inconvénients normaux du voisinage reliés à une occupation dans un immeuble à plusieurs logements, qui perdurent dans le temps. La preuve démontre que la locatrice subit un préjudice sérieux qui justifie la résiliation du bail.
[20] La preuve justifie l'exécution immédiate de la décision malgré l'appel Loi sur le Tribunal administratif du logement[2].
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[21] ACCUEILLE la demande de la locatrice;
[22] RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion du locataire Patrick Lemay ainsi que celle de tous les occupants du logement;
[23] ORDONNE l’exécution immédiate de la présente décision;
[24] CONDAMNE le locataire à payer à la locatrice la somme de 200 $, plus les frais de 93,75 $.
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Chantale Trahan | ||
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Présence(s) : | la locatrice | ||
Date de l’audience : | 8 août 2023 | ||
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[2] Loi sur le Tribunal administratif du logement, L.R.Q., c. T-15.01.
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