Décision

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Gabarit EDJ

Bélanger Corbeil c. Holiday Inn Laval Montréal

2017 QCCQ 6469

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LAVAL

LOCALITÉ DE

LAVAL

« Chambre civile »

N° :

540-32-029618-160

 

 

 

DATE :

Le 14 août 2017

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

RICHARD LANDRY, J.C.Q.

 

 

 

______________________________________________________________________

 

 

MARIE-EVE BÉLANGER CORBEIL

Partie demanderesse

c.

HOLIDAY INN LAVAL MONTRÉAL

Partie défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT RECTIFIÉ [1]

______________________________________________________________________

 

[1]           La demanderesse Marie-Eve Bélanger Corbeil réclame 15 000 $, dont 10 000 $ en dommages moraux et 5 000 $ pour dommages-intérêts punitifs, suite à un choc anaphylactique (réaction allergique aux arachides) survenu lors du réveillon de Noël familial tenu au Holiday Inn Laval Montréal de Laval («Holiday Inn») le 24 décembre 2015.

[2]           Holiday Inn plaide qu’il n’est pas responsable des dommages subis par madame Bélanger Corbeil et, qu’à tout événement, sa réclamation est grossièrement exagérée.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[3]           Les questions en litige se résument comme suit :

1)    La partie défenderesse est-elle responsable de la réaction allergique éprouvée par la demanderesse lors de ce réveillon?

2)    Dans l’affirmative, quelle est la valeur des dommages encourus?

3)    Y a-t-il lieu d’octroyer des dommages-intérêts punitifs?

LES FAITS

[4]           La demanderesse est allergique aux arachides, aux noix et aux graines de tournesol depuis son très jeune âge [2].

[5]           À l’automne 2015, un réveillon de Noël s’organise pour la famille de son conjoint, Sébastien Marette.  Aux fins du présent dossier, nous la désignerons comme étant la «famille Bachant».

[6]           De fait, au début novembre, l’une des membres de la famille, madame Pauline Bachant, amorce l’organisation de ce réveillon avec la coordonnatrice des banquets pour le Holiday Inn, madame Noémie Morin.  Les nombreux courriels échangés à compter du 2 novembre en font état [3].

[7]           Le 4 novembre 2015, madame Bélanger Corbeil soulève ses problèmes d’allergies en prévision de cette soirée.  Elle fait part de ses allergies à une membre de la famille qui relaie l’information à madame Bachant qui elle-même transmet l’information à madame Morin.

[8]           De fait, dans le contrat intervenu entre la famille Bachant et le Holiday Inn le 13 novembre 2015 [4], il est mentionné :

«Allergies :

·         Marie-Ève Bélanger : arachides, toutes les noix, graines et huile de tournesol.»

[9]           Des questions sont posées par l’établissement concernant une allergie possible à l’huile d’olive ou à l’huile végétale et la réponse est négative.

[10]        Le 18 décembre, madame Caroline Jobin du Holiday Inn souligne qu’il y a des marrons dans le dindonneau choisi par madame Bélanger Corbeil et que cela risque de poser problème.  On convient dans son cas de remplacer la poitrine de dindonneau pour un effiloché de canard aux oignons caramélisés par mesure de précaution; on ne sait pas si les marrons peuvent être dangereux.

[11]        Le 24 décembre, le soir du réveillon, madame Bélanger Corbeil se présente à la salle de réception en même temps que tous les autres convives vers 17 h 30.

[12]        D’entrée de jeu, elle rencontre la superviseure et personne chargée du service de la réception de la famille Bachant, madame Marie-Pier Beauregard, pour lui énumérer la liste de ses allergies mentionnées plus haut.

[13]        Un premier service de bouchées est servi et madame Beauregard l’informe que celles-ci ne comportent pas d’ingrédients allergènes.

[14]        Vient ensuite vers 19 h 30 le service des entrées et du pain (blanc et de blé).  Encore là, pas de problème selon madame Beauregard.  Madame Bélanger Corbeil préfère cependant s’en tenir au pain blanc qui, en raison de ses allergies, est beaucoup plus sécuritaire que le pain brun.  Quant aux entrées, il s’agit de canard servi de trois façons : en tartare au sésame, en foie gras mi-cuit et fumé.

[15]        Du moment où elle prend une bouchée du tartare avec du pain, madame Bélanger Corbeil éprouve les symptômes suivants : bouche pâteuse, démangeaison au visage, maux de cœur, maux d’estomac, gorge enflée, congestion nasale, nausées.  Elle se dirige alors à la salle de bains.

[16]        Dans les minutes suivantes, son visage se remplit d’urticaire qui, par la suite, s’étend sur tout son corps.  Elle pleure.  Elle vomit.

[17]        Monique, une des membres de la famille Bachant qui est infirmière, est alertée par ce qui vient de se produire et rejoint la demanderesse dans la salle de bains.  Elle lui suggère de prendre du Benadryl immédiatement, espérant que ce médicament règlera le problème.  Madame Bélanger Corbeil possède également avec elle un tube d’épinéphrine («Epipen») mais, après discussion avec l’infirmière, juge qu’il n’est pas nécessaire d’en faire usage immédiatement.  L’usage de l’Epipen aurait fait en sorte qu’elle aurait à se rendre à l’hôpital sans tarder pour contrôler sa réaction.

[18]        Cependant, les malaises augmentant par la suite, il est convenu qu’il est préférable que madame Bélanger Corbeil se rende le plus rapidement à l’urgence de la Cité-de-la-Santé de Laval.

[19]        Dans l’attente de son départ vers l’hôpital, madame Bélanger Corbeil est assise sur un banc et frissonne beaucoup.

[20]        La superviseure Beauregard le remarque et vient la rencontrer pour s’informer de son état ainsi que remplir un rapport d’incident [5].  Ce rapport relate essentiellement ce qui est mentionné ci-dessus.

[21]        Madame Bélanger Corbeil demande à madame Beauregard une copie des recettes des entrées qui ont été servies.

[22]        On lui fournit celle de la pâte à brioche, du torchon au foie gras [6] ainsi que de la baguette niçoise [7].  Cependant, celle du tartare n’est pas disponible parce que le chef qui l’a préparé n’est pas en devoir et n’est pas joignable ce soir-là.

[23]        La baguette niçoise contient «2 % de graines de tournesol», un des ingrédients allergènes.

[24]        Madame Bélanger Corbeil est formelle que madame Beauregard lui a mentionné lors de leurs échanges que le même couteau avait servi à couper les baguettes de pain brun et les baguettes de pain blanc, ce qui a pu causer une contamination «croisée».  Madame Beauregard lui a précisé qu’il n’y a «que 2 % de graines de tournesol» dans le pain brun, suggérant que ce n’est pas très grave.  À l’audition, madame Beauregard ne se souvenait pas de façon précise de ce qu’elle avait pu mentionner ce soir-là vu le temps écoulé depuis mais ne contredit pas formellement la demanderesse sur son témoignage.

[25]        La recette du tartare est transmise le lendemain 25 décembre [8].  On y lit que le premier ingrédient sur la liste consiste en 20 grammes de «beurre d’arachide crémeux», l’un des produits auxquels la demanderesse est allergique.

[26]        Madame Bélanger Corbeil attribue l’origine des symptômes éprouvés lors de ce réveillon à la présence du beurre d’arachide dans le tartare et possiblement à la contamination «croisée» du pain blanc avec le pain brun qui contient les graines de tournesol.

[27]        Le rapport d’hôpital [9] fait état de son admission à 22 h 35.  On lui injecte de l’Epipen, du Dilaudid et un comprimé de cortisone en constatant qu’elle avait la luette, la gorge, les ganglions et cordes vocales enflés.

[28]        Au cours de la nuit, elle donne «congé» à son conjoint monsieur Marette pour qu’il puisse aller retrouver au réveillon les membres de sa famille qu’il n’avait pas vus depuis longtemps, considérant que son état médical était sous contrôle et qu’elle était assoupie.

[29]        Elle reçoit son propre congé à 4 h du matin, étant donné qu’elle est devenue asymptomatique et qu’elle connaissait son allergie et qu’elle possédait des doses d’Epipen avec elle en cas de récidive des symptômes.  On lui prescrit de la Novo Prednisone et du Gravol qu’elle achète à la pharmacie à son ouverture [10].

[30]        Dans son courriel du 25 décembre 2015 [11], la superviseure Beauregard confirme la présence de beurre d’arachide dans le tartare et informe monsieur Marette que :

«Votre repas sera sans frais comme celui de votre conjointePour toutes autres compensations, nous vous recontacterons très prochainement.

Je vous demande pardon pour cet incident et assure que nous sommes là pour vous en cas de besoin.»

[31]        La demanderesse est en mesure de reprendre son travail de partenaire d’affaires à Radio-Canada lundi le 28 décembre, comme prévu.

[32]        La directrice de l’hôtel, madame Patricia Alaouz, revient de vacances le 5 janvier 2016 et prend en charge la réclamation de madame Bélanger Corbeil.  Dans un courriel du 5 janvier, elle déclare que ce qui est survenu…«ce n’est pas de la négligence, c’est un accident».  Elle conclut : «on ne peut jamais garantir totalement», tout en offrant une nuitée à l’hôtel et le remboursement de son repas et celui de son conjoint (59 $ par personne plus taxes) [12].

[33]        Insatisfaite de cette réponse, madame Bélanger Corbeil transmet une mise en demeure au Holiday Inn Laval le 5 février 2016 [13].  Elle y relate les événements mentionnés ci-dessus et formule une réclamation de 15 000 $ pour troubles, ennuis, inconvénients et dommages punitifs.

[34]        Par la suite, des échanges de courriels ont lieu entre elle et l’expert en sinistre engagé par le Holiday Inn [14] qui font surtout état de l’incapacité des parties à s’entendre sur le règlement du dossier.

[35]        La demanderesse dépose la poursuite à l’étude le 27 mai 2016.

LES RÈGLES DE DROIT APPLICABLES

[36]        Le soussigné considère que nous sommes ici en matière contractuelle, à savoir qu’un contrat est intervenu entre le Holiday Inn et les invités de la famille Bachant pour la tenue d’un réveillon avec repas [15].

[37]        En matière contractuelle, c’est l’article 1458 du Code civil du Québec qui trouve application :

1458. Toute personne a le devoir d’honorer les engagements qu’elle a contractés.

Elle est, lorsqu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu’elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l’application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables.

[38]        En principe, c’est la partie demanderesse qui a le fardeau de prouver le bien-fondé de son recours et de sa réclamation (article 2803 par. 1 C.c.Q) :

2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

[39]        Cependant, il existe essentiellement deux types d’engagements en matière contractuelle, à savoir l’obligation de «moyen» et l’obligation de «résultat».

[40]        L’obligation de «moyen» est, par exemple, celle du médecin qui doit prendre les «moyens» appropriés pour guérir son patient sans être tenu de lui garantir sa guérison.

[41]        À l’opposé, l’obligation de «résultat» est celle d’un transporteur qui s’engage à livrer un produit à une adresse et date données et qui doit garantir que le service sera rendu.

[42]        L’intérêt de la distinction porte principalement sur la partie qui doit assumer le fardeau de la preuve, comme l’écrivent les auteurs Baudouin et Jobin dans leur ouvrage sur Les Obligations [16] (à la page 51) :

«Dans le cas d’une obligation de moyen, le créancier a le fardeau de prouver, pour faire tenir le débiteur responsable, que celui-ci n’a pas exercé une diligence et une prudence raisonnables dans la poursuite du but fixé...»

[43]        Par contre, dans le cas d’une obligation de «résultat» (page 52) :

«La simple preuve par le créancier de l’absence de résultat suffit à faire présumer la responsabilité du débiteur.  Dès lors, le débiteur, pour dégager sa responsabilité doit aller au-delà d’une preuve de simple absence de faute.  Du point de vue probatoire, l’absence de résultat fait donc présumer la responsabilité du débiteur et place sur ses épaules le fardeau de démontrer que l’inexécution provient d’une cause qui ne lui est pas imputable.  Le débiteur n’a pas la possibilité de tenter de prouver absence de faute de sa part; il doit identifier, par prépondérance de la preuve, une force majeure ou encore le fait de la victime, qui a empêché l’exécution de l’obligation.  À défaut de décharger ce fardeau, le débiteur est tenu responsable de l’inexécution

[44]        Il existe peu de jurisprudence de fond au Québec en matière de choc anaphylactique suite à la consommation d’aliments allergènes.

[45]        Toutefois, une affaire a été entendue en 2011 par Monsieur le juge Currie de la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan [17].  Même s’il s’agit d’un jugement de «common law», il comporte des enseignements intéressants pour notre litige.

[46]        Monsieur Martin est un chasseur américain qui loge à l’Hôtel Travelodge de Melfort, en Saskatchewan, hôtel qui appartient à Interbrooks.  Le 22 septembre 2006, il se rend à la salle à dîner avec d’autres membres de son groupe.  Ils sont servis par madame Geddes.

[47]        Monsieur Martin s’informe auprès d’elle s’il y a des noix dans le gâteau au fromage en lui mentionnant qu’il est très allergique aux noix pour avoir eu de sévères réactions dans le passé.

[48]        Le juge Currie retient de la preuve prépondérante que madame Geddes l’a rassuré quant à l’absence de noix et monsieur Martin commande ce dessert.

[49]        Dès la première bouchée, il déclare que le gâteau contient des noix car il réagit vivement : respiration pénible, sensations de brûlure sur l’ensemble de son corps, plaques d’urticaire, accélération du rythme cardiaque, perte de conscience, etc.

[50]        Il demande d’être conduit d’urgence à l’hôpital.  Dans l’attente, il va chercher une seringue d’épinéphrine/adrénaline (Epipen) qu’il garde dans sa chambre, le traitement privilégié lors d’un choc anaphylactique.  Cependant, vu que l’hôpital est tout près (2 minutes), il préfère de ne pas se l’injecter tout de suite et attendre d’être rendu à l’urgence.

[51]        Son choc est très violent et il passe près de mourir car il ne réagit pas à la médication pendant les quatre premières heures.  Finalement, après quatre heures de soins intensifs, il revient à lui et reçoit son congé dans la journée, avec restrictions médicales.

[52]        Un collègue de monsieur Martin vérifie pendant ce temps à la cuisine de l’hôtel les ingrédients inscrits sur le contenant du gâteau au fromage pour constater qu’il contient des noix.

[53]        Dans sa revue de la preuve et des considérations légales applicables, Monsieur le juge Currie conclut notamment ce qui suit :

-       la serveuse avait l’obligation de s’assurerto ascertain») qu’il n’y avait pas de noix dans la gâteau et de fournir une réponse exacte aux questions du client;  elle a manqué à ses devoirs (par. 30 et 31 de la décision), ce qui la rend responsable des dommages encourus par le demandeur (par. 49 et 55);

-       l’employeur Interbrooks est également responsable des manquements de son employée car il doit fournir à ses clients de la nourriture sans risque pour leur santé (par. 59 et 60) :

«Generally, the law of negligence requires a restaurant operator to exercise a care porportionate to the serious consequences which may result from a lack of care.  He his necessarily bound to ensure that the food prepared and served by him is fit for human consumption and may be eaten without causing sickness or endangering life by reason of its condition…It has also been said that the standard of care would be the same care as a person would use in preparing his own food[18]

-       l’employeur a l’obligation de former ses employés sur les dangers liés aux allergies et sur leur obligation de s’assurer que la nourriture servie soit exempte des ingrédients allergènes dénoncés par leurs clients (par. 61 et 62);

-       il n’y a pas eu de faute contributoire du client pour ne pas s’être injecté immédiatement sa seringue d’Epipen car il n’a pas été prouvé que la réaction aurait été moins grave vu son administration dès l’arrivée à l’urgence quelques minutes plus tard;

-       il y a application de la Loi sur la protection du consommateur de la Saskatchewan.

[54]        Sur ce dernier point, l’article 48 de la Loi sur la protection du consommateur de la Saskatchewan ressemble aux articles 37, 40 et 42 de la loi québécoise [19] qui prévoient ce qui suit :

37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.

40. Un bien ou un service fourni doit être conforme à la description qui en est faite dans le contrat.

42. Une déclaration écrite ou verbale faite par le représentant d’un commerçant ou d’un fabricant à propos d’un bien ou d’un service lie ce commerçant ou ce fabricant.

219. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, par quelque moyen que ce soit, faire une représentation fausse ou trompeuse à un consommateur.

(nos souligés)

[55]        On peut invoquer ces articles pour conclure qu’un employé qui répond erronément à un client qu’il n’y a pas d’ingrédient allergène dans la nourriture fait «une représentation fausse ou trompeuse» prohibée par la loi.

[56]        De plus, comme les garanties de qualité et de conformité s’appliquent aux appareils domestiques, aux automobiles, etc., on peut également les appliquer à un repas vendu dans un restaurant.

[57]        Cela crée une obligation de résultat, voire de garantie, sur le commerçant.

[58]        Monsieur le juge Currie précise que la relation juridique entre un restaurateur et son client est un contrat :

«I observe, however, that typically a person ordering food or drink in a restaurant is entering into an oral contract, to pay for the items…I conclude that Mr. Martin had made a contract with Interbrooks to pay for the items that he had ordered…» (par. 71).

[59]        Cette décision supporte donc les affirmations précédentes selon lesquelles:

-       1o un contrat est intervenu entre les parties;

-       2 o il existe une garantie en faveur du client que la nourriture qui lui sera servie sera exempte des ingrédients allergènes dénoncés au départ par ce client et cela constitue une obligation de résultat .

[60]        La jurisprudence québécoise contient également quelques décisions d’intérêt en matière alimentaire.

[61]        Ainsi, dans Boucher c. Mc Donalds Canada ltée [20], Monsieur le juge Laroche tient le restaurateur responsable de la présence d’un ver de terre dans un hamburger.

[62]        Dans Cadieux c. Aliments Fontaine Santé inc, [21], Monsieur le juge Barbe fait de même pour la présence d’un morceau de plexiglas dans un taboulé.  Il fait état d’une obligation de résultat pour le commerçant (à la page 4) :

«Une preuve prépondérante établit que des couvercles de plastique furent brisés par les employés de l’intimée et que des morceaux de plastique se sont retrouvés dans le taboulé.  À cet égard, l’obligation de l’intimé en est une de résultat (Carrier c. David Lord ltée 1989 RRA 67, juge Yvon Roberge)

[63]        Dans Daigle c. Monsieur Steerburger (1974) ltée [22], Monsieur le juge Pierre Labbé condamne par défaut le restaurant qui a servi un hamburger contenant des ingrédients allergènes malgré la déclaration préalable du client qu’il souffrait d’allergies aux arachides, aux noix et aux œufs.  La preuve révélait que la serveuse avait été peu préoccupée par la demande de vérification du client et qu’elle avait simplement déclaré «qu’il n’y avait pas de problème» (par. 8).  Les symptômes habituels déclenchent dès la première bouchée : maux de ventre, crampes, vomissements, difficultés respiratoires, œdème, etc.

[64]        Monsieur le juge Labbé fait notamment référence à l’article 1463 du Code civil du Québec pour conclure à la responsabilité du restaurateur pour la négligence de son employée :

1463. Le commettant est tenu de réparer le préjudice causé par la faute de ses préposés dans l’exécution de leurs fonctions; il conserve, néanmoins, ses recours contre eux.

[65]        Dans Berzan c. Giorgi [23], Madame la juge Brigitte Gouin condamne un traiteur à rembourser le dépôt versé par une cliente pour son mariage.  Lors d’une dégustation préalable, la cliente constate que l’entrée du repas prévu contenait des amandes alors que le traiteur avait été prévenu à l’avance qu’elle avait une allergie mortelle aux noix.  Les notes d’entrevue du traiteur contenaient d’ailleurs  la mention «no peanuts».  La juge note que les employés n’avaient pas été informés de cette allergie ou n’avaient pas pris les précautions requises.

[66]        Dans Dion c. Club Voyages Côte des Neiges [24], c’est dans un hôtel de St-Martin que la cliente a éprouvé des ennuis avec la présente d’arachides dans les aliments.  Au moment d’acheter son voyage, l’agence de voyage et l’hôtel choisi ont été prévenus de son allergie et les deux l’avaient convaincue de ne pas s’en inquiéter.  L’hôtel et l’agence ont été condamnés par la juge Marengo pour les inquiétudes causées par la présence d’ingrédients allergènes dans les repas servis.

[67]        Dans Parent c. Centre hospitalier universitaire de Québec (Hôpital St-François d’Assise[25], c’est un centre hospitalier qui est condamné à indemniser un patient à qui on a administré du Dilaudid alors qu’un bracelet à son poignet indiquait qu’il était allergique à ce médicament.

[68]        Par contre, dans Larouche c. 9255-3538 Québec inc. (Dame Tartine) [26], Monsieur le juge Sabourin rejette la poursuite au motif que la demanderesse n’avait pas prouvé de manière prépondérante que les malaises éprouvés après un déjeuner au restaurant étaient causés par des rôties contenant du gluten auquel elle est allergique.

[69]        Cette revue de jurisprudence démontre que les problèmes d’allergies doivent être pris très au sérieux vu les conséquences souvent très graves qu’un choc anaphylactique cause à sa victime.  Cela est d’autant plus vrai que les allergies de toutes sortes sont en hausse exponentielle au Québec.

ANALYSE ET DÉCISION

 

1)    La partie défenderesse est-elle responsable de la réaction allergique subie par la demanderesse lors de ce réveillon?

[70]        Dans la présente affaire, le Tribunal constate que la partie défenderesse a pris l’engagement clair de fournir à madame Bélanger Corbeil un repas exempt des allergènes qui lui ont été dénoncés.  Le défaut de l’établissement de lui procurer le résultat promis fait en sorte que l’établissement est responsable de ne pas y être parvenu.

[71]        De plus, la preuve révèle que la recette accompagnant le tartare avait été préparée en octobre et/ou novembre 2015 et que la présence de beurre d’arachide était facilement vérifiable auprès du chef responsable de cette recette dès l’époque de la signature du contrat (13 novembre).  Cela n’a pas été fait.

[72]        On ajoute à cela la probabilité de contamination «croisée» par l’usage du même couteau pour couper le pain brun (avec tournesol) et le pain blanc.  Au sujet du 2 % de graines de tournesol, il importe de savoir qu’une très petite quantité d’un ingrédient allergène est souvent suffisante pour engendrer une réaction importante.

[73]        Pour toutes ces raisons, le choc anaphylactique subi par madame Bélanger Corbeil fait «présumer la responsabilité de la défenderesse».

[74]        La défenderesse tente de se décharger en invoquant que madame Bélanger Corbeil avait elle-même l’obligation de vérifier ce qu’elle mange, ce qu’elle n’aurait pas fait pour le dindonneau aux marrons.

[75]        D’une part, il n’est pas établi que le dindonneau aux marrons aurait posé quelque problème que ce soit.  D’abondant, il serait difficile d’exiger de madame Bélanger Corbeil plus de précautions que celles qu’elle a prises dès l’organisation du réveillon en novembre et par ses interventions auprès de madame Beauregard le soir du réveillon pour s’assurer davantage qu’il n’y avait pas d’éléments allergènes dans sa nourriture.

[76]        De plus, tout comme dans l’affaire Martin, le Tribunal ne retient pas de reproche contre madame Bélanger Corbeil de ne s’être pas injecté de l’Epipen immédiatement vu la possibilité que le Benadryl suffise (conseil d’infirmière) et la proximité de l’urgence de l’hôpital.

[77]        La partie défenderesse ne s’est donc pas déchargée du fardeau qui lui incombait en vertu de son obligation de résultat, voire de garantie de prouver force majeure ou faute de la victime.  D’ailleurs, elle n’insiste pas beaucoup pour clamer son innocence, appuyant sa contestation surtout sur l’exagération de la réclamation.

2)    Dans l’affirmative, quelle est la valeur des dommages encourus?

[78]        En matière de détermination des dommages, le Code civil du Québec contient les dispositions suivantes :

1611. Les dommages-intérêts dus au créancier compensent la perte qu’il subit et le gain dont il est privé.

On tient compte, pour les déterminer, du préjudice futur lorsqu’il est certain et qu’il est susceptible d’être évalué.

1613. En matière contractuelle, le débiteur n’est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir au moment où l’obligation a été contractée, lorsque ce n’est point par sa faute intentionnelle ou par sa faute lourde qu’elle n’est point exécutée; même alors, les dommages-intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution.

[79]        Les auteurs Baudouin, Deslauriers et Jobin, dans leur traité sur La Responsabilité civile [27], émettent les commentaires suivants :

No I-370 :      «Le but principal de l’action en responsabilité civile est de permettre à la victime d’obtenir une juste compensation pour le préjudice subi.  La première caractéristique de la réparation du préjudice est d’être compensatoire…La seconde caractéristique est que la réparation doit être intégrale c’est-à-dire permettre de replacer la victime dans la situation où elle aurait été si la faute n’avait pas eu lieu en l’indemnisant pour la perte subie et le gain manqué (art. 1611 C.c.Q.)».

No-I-372 :      «Les dommages non pécuniaires sont souvent difficiles à chiffrer de manière exacte ou même approximative (ex : diffamation, discrimination raciale, arrestation et détention illégales, agression, etc.)…Dans tous ces cas cependant, le préjudice est direct, certain et réel et doit donc être compensé même s’il n’existe pas de base scientifique et objective permettant de l’évaluer précisément…»

(nos soulignés)

[80]        Ces balises font état de la difficulté d’indemniser certains types de dommages comme ceux touchant à la santé et à l’intégrité de la personne.

[81]        L’une des méthodes préconisée pour éviter l’arbitraire et tenter d’harmoniser les compensations allouées au Québec pour des dommages similaires consiste à examiner les jugements déjà rendus et comparer les indemnités accordées.  C’est la méthode que le soussigné entend suivre dans la présente affaire.

[82]        Au soutien de sa réclamation de 10 000 $ pour troubles, soucis, inconvénients et perte de jouissance de la vie, madame Bélanger Corbeil fait valoir les éléments suivants :

1)    les souffrances éprouvées du 24 décembre en soirée jusqu’au 28 décembre, jour de son retour au travail à Radio-Canada.

2)    sa perte de confiance dans le sens des responsabilités des restaurateurs quant aux mesures prises concernant les personnes allergiques.  Soit qu’elle doit poser beaucoup de questions pour s’assurer de l’absence d’éléments allergènes, soit qu’elle apporte son propre repas lors des soupers de groupe pour éviter qu’une erreur se reproduise, ce qui la prive de sérénité lors de ses sorties censées être festives;

3)    la perte de jouissance de sa période des Fêtes 2015 alors qu’elle avait besoin de détente et de repos, n’ayant pas de vacances à ce nouvel emploi;

4)    le risque d’une réaction accrue lors d’un prochain incident.  Tel que l’écrit le docteur Caron, allergologue, dans un article joint à la pièce P-13 : «un syndrome oropharyngé occasionné par d’autres aliments, tels les arachides…ne doit pas être pris à la légère et peut fort bien être le prélude de réaction beaucoup plus sévère dans l’avenir, telles que celles que nous décrivons à la suite»;

5)    le temps consacré aux négociations avec l’établissement et son assureur, les consultations avec des avocats, la médiation, etc.;

6)    les dépenses encourues (frais de repas, médicaments).

[83]        Au départ, madame Bélanger Corbeil a droit au remboursement de son repas (67,83 $) et de ses médicaments (9,99 $), totalisant 77,82 $.

[84]        Quant au reste, les préjudices énoncés ci-dessus par madame Bélanger Corbeil sont des volets d’un même problème qui revient constamment en matière alimentaire.  Dans ce cas, il y a lieu d’octroyer une somme unique qui compensera pour l’ensemble de ces préjudices.

[85]        Dans un jugement rendu en 2007 [28], Monsieur le juge Alain Désy procède à une revue de jurisprudence dans des cas où des personnes ont trouvé des corps étrangers dans des aliments.  Même s’il ne s’agit pas exactement de notre cas, les indemnités accordées peuvent illustrer les sommes accordées pour le stress, l’anxiété et la perte de confiance découlant de semblables événements, Monsieur le juge Désy relève ce qui suit :

[29]  « Ainsi, les montants accordés varient beaucoup d'un cas à l'autre, comme le montrent les exemples suivants :

-  dans l'affaire Samson c. Pepsi-Cola Canada Ltd, un montant de 25 $ a été accordé suite à la découverte d'un corps étranger dans une bouteille de boisson gazeuse.  La demanderesse éprouvait du dédain en voyant des boissons gazeuses ; elle avait pratiquement cessé d'en boire;

- dans l'affaire Carrier c. David Lord Limitée, un montant de 50 $ a été accordé suite à la découverte d'un insecte de couleur rougeâtre dans une boîte de haricots.  Le demandeur alléguait qu'il ne pouvait plus manger de légumes en conserve depuis ;

- dans l'affaire Pelletier c. Coca-Cola, un montant de 1 435,60 $ a été accordé suite à l'ingestion d'une substance visqueuse ressemblant à des vers dans une bouteille de boisson gazeuse ;

- dans l'affaire Ferrante c. Restaurant McDonald's du Canada, un montant de 500 $ a été accordé suite à la découverte d'un morceau de tissu provenant d'une guenille dans un « Big Mac »;

- dans l'affaire Cadieux c. Aliments Fontaine Santé Inc., un montant de 1 000 $ a été accordé suite à la découverte d'un morceau de plexiglas alors que le demandeur consommait du taboulé ;

- dans l'affaire Boucher c. McDonald's Canada Ltée, un montant de 4 042,78 $ a été accordé suite à la découverte d'un ver mort de couleur blanchâtre dans un « Big Mac» ;

- dans l'affaire Poirier c. Bertrand Degré inc., un montant de 2 000 $ a été accordé suite à la découverte d'une dent caduque dans un morceau de gâteau aux carottes ;

- dans l'affaire Lanctôt c. Groupe Ouimet inc., un montant de 1 500 $ a été accordé suite à la découverte d'un morceau de vitre dans une boîte de fèves au lard, morceau de vitre s'étant retrouvé dans la bouche de M. Lanctôt.»

[86]        À la suite de son examen, il accorde lui-même 500 $ au demandeur qui a découvert un insecte dans son berlingot de yogourt.

[87]        L’inflation faisant son œuvre, les indemnités accordées il y a plusieurs années doivent être indexées.  Il y a également lieu de compléter l’exercice réalisé par Monsieur le juge Désy en insistant surtout sur les cas d’allergies alimentaires.  Cet exercice donne les résultats suivants :

-       dans Lafortune c. Chubb, Group of Insurance compagnies [29], un montant de 2 000 $ a été accordé en 2003 pour une réaction allergique causée par un gel capillaire (rougeurs, démangeaisons, inflamations, enflures à la bouche) et les inconvénients encourus pendant plusieurs mois;

-       dans Parent c. Centre hospitalier universitaire du Québec [30], une somme de 500 $ est octroyée en 2009 à un patient hospitalisé à qui on a administré du Dilaudid malgré son allergie connue à ce médicament (rougeurs, démangeaisons, inconfort qui ont duré une heure);

-       dans Dion c. Club Voyages Côté des Neiges [31], une somme de 1 000 $ est accordée en 2010 à une cliente en voyage qui a été exposée pendant une semaine à la menace d’arachides malgré qu’elle avait dénoncé son allergie avant de partir (il n’y a pas eu ingestion);

-       dans Martin c. Interbrooks [32], décision que nous avons examinée en détail plus haut, une compensation de 25 000 $ est octroyée pour un choc anaphylactique qui a engendré de la claustrophobie post-traumatique, des déficits cognitifs, un changement de personnalité (irritabilité élevée), anxiété non spécifique, perte du goût de conduire un avion (claustrophobie), perte du goût de faire de la plongée sous-marine, peur d’être en train de mourir à l’hôpital, mémoire diminuée, difficultés interpersonnelles en milieu de travail, insomnies, dépressions cauchemars, maux de tête, stress, prise de médications; certains désordres étaient préexistants (choc en 2003) mais ont été exacerbés par le choc anaphylactique de 2006;

-       Dans Verner c. A. Lassonde inc. [33], une somme de 1 000 $ est allouée en 2013 pour avoir trouvé un morceau de moisissure dans un contenant de jus de pommes;

-       Dans Daigle c. Monsieur Steerburger [34], une somme de 4 000 $ est allouée en 2014 à un client allergique aux arachides, noix et œufs qui a subi un choc anaphylactique après avoir pris une bouchée dans un hamburger; le juge Labbé note des maux de ventre, des crampes, des vomissements, des difficultés respiratoires, de l’œdème au visage, une hospitalisation de 5 heures.

[88]        Concernant l’indemnité accordée dans l’affaire Martin, il y a lieu de constater qu’il n’y a pas de commune mesure entre les problèmes qu’il a éprouvés sur le champ (il a failli mourir) et les handicaps qui en ont découlé avec ceux encourus par madame Bélanger Corbeil.  L’indemnisation accordée à Monsieur Martin ne peut donc être utilisée ici.

[89]        J’estime que le jugement, rendu en août 2014 par Monsieur le juge Labbé dans l’affaire Daigle, s’approche le plus du cas à l’étude en terme de réactions allergiques et la compensation de 4 000 $ est retenue ici.

[90]        Il y a cependant un volet qui n’avait pas été soulevé dans cette affaire soit l’insécurité et la perte de confiance de madame Bélanger Corbeil depuis décembre 2015 à l’endroit des restaurants et autres établissements servant des repas.  Malgré toutes les précautions qu’elle avait prises, elle a quand même été victime d’un choc anaphylactique.  Elle devra vivre avec ces inquiétudes et une privation de pleine jouissance de ses sorties au restaurant pour le reste de ses jours.  Elle n’avait que 27 ans au moment des événements et cette privation de la jouissance de la vie mérite une compensation supplémentaire.

[91]        Ces désagréments sérieux et permanents causés par les événements du 24 décembre 2015 justifient une allocation additionnelle de 1 500 $, portant la compensation totale à 5 577,82 $.

3)    Y a-t-il lieu d’octroyer des dommages-intérêts punitifs?

[92]        L’article 1621 du Code civil du Québec prévoit ce qui suit :

1621. Lorsque la loi prévoit l’attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.

Ils s’apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l’étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers.

[93]        De tels dommages peuvent être octroyés pour décourager la répétition de négligence comme celle relevée ici.  Une condamnation sous ce chapitre n’a pas pour but de compenser la victime mais dissuader les conduites répréhensibles.

[94]        Il y a eu dans le cas à l’étude une atteinte à la sûreté et à l’intégrité de la demanderesse (article 1 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne[35] et à des dispositions spécifiques de la Loi sur la protection du consommateur mentionnée plus haut.  Cela entraine l’application des dispositions suivantes :

Charte québécoise des droits et liberté de la personne :

1. Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu’à la sûreté, à l’intégrité et à la liberté de sa personne.

49. Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d’obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.

En cas d’atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.

Loi sur la protection du consommateur :

272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:

a)  l’exécution de l’obligation;

b)  l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;

c)  la réduction de son obligation;

d)  la résiliation du contrat;

e)  la résolution du contrat; ou

f)  la nullité du contrat,

sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.

(nos soulignés)

[95]        Ce qui choque particulièrement ici, c’est le fait que la préparation du tartare contenant du beurre d’arachide a eu lieu en octobre/novembre 2015 au lieu de 2016, au moment de sa signature du contrat, au moins cinq semaines avant la tenue du réveillon du 24 décembre.

[96]        Que la défenderesse n’ait pas procédé pendant toute cette période à une simple vérification de la recette de ce tartare dénote une insouciance coupable à l’égard de la demanderesse.

[97]        Dans Daigle c. Monsieur Steerburger [36], jugement dans lequel j’ai trouvé beaucoup de similarités avec la présente affaire, Monsieur le juge Labbé octroie 1 500 $ à titre de dommages-intérêts punitifs en ces termes :

[21] « Considérant qu’il y a eu atteinte à l’intégrité physique du demandeur qui est un droit garanti par la Charte des droits et libertés de la personne et que la preuve révèle que cette atteinte est illicite et intentionnelle;

[22]  Considérant l’insouciance de la préposée de la défenderesse pour les conséquences hautement probables de sa négligence;

[23]  Le Tribunal juge raisonnable d’accorder au demandeur la somme 1 500 $ à titre de dommages punitifs.»

[98]        Je considère que cette conclusion s’harmonise bien dans le présent dossier et l’octroi de 1 500 $ est retenu ici aussi.

[99]        POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[100]     ACCUEILLE en partie la demande;

[101]     CONDAMNE Holiday Inn Laval Montréal à payer à madame Marie-Ève Bélanger Corbeil la somme de 5 577,82 $, avec intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 5 février 2016;

[102]     CONDAMNE Holiday Inn Laval Montréal à payer à madame Marie-Ève Bélanger Corbeil la somme de 1 500 $ à titre de dommages-intérêts punitifs, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement jusqu’à parfait paiement;

[103]     LE TOUT, avec les frais de justice de 200 $ remboursable à la partie demanderesse et les frais de présence à la Cour des témoins suivants :

Sébastien Marette :                                             76,56 $

Pauline Bachant :                                                 82,84 $

 

 

 

__________________________________

RICHARD LANDRY, J.C.Q.

 

 

 

 

Date d’audience :

29 mai 2017

 



[1] Les rectifications concernent le nom de la demanderesse (Eve sans accent); paragraphe [1] : (« arachides » au lieu de « noix »); paragraphe [91] : « 2015 » au lieu « 2016 »; paragraphe [95] : «décembre» au lieu «d’octobre »

[2]     Voir le rapport du docteur André Caron, allergologue, du 28 octobre 2013, pièce P-13

[3]     Courriels, pièce P-4

[4]     Contrat, pièce P-5

[5]     Rapport, pièce P-2

[6]     Recettes, Pièce P-7

[7]     Recettes, pièce P-6

[8]     Correspondance et recette, pièce P-8

[9]     Pièce P-1

[10]    Pièce P-3

[11]    Pièce P-8

[12]    Courriel, pièce P-10

[13]    Pièce P-11

[14]    Pièces P-9 et P-12

[15]    Contrat, pièce P-5

[16]    7ième édition 2013, Les Éditions Yvon Blais ltée, Cowansville 1934 pages

[17]    Martin c. Interbrooks Ltd et Geddes 2011 SKQB 251 (Can LII)

[18]    Extrait provenant de Heimler c. Calvert Carterers ltd (1974) 49 D.L.R. (3d) 36, par. 43-44

[19]    RLRQ c. P-40.1

[20]    B.E. 99BE-340

[21]    B.E. 99BE-101

[22]    2014 QCCQ 8244

[23]    2007 QCCQ 2242

[24]    2010 QCCQ 4984

[25]    2009 QCCQ 1131

[26]    Jugement du 25 octobre 2016; Laval 540-32-028306-155

[27]    2014, 8e édition, Les Éditions Yvon Blais ltée, Cowansville, 1738 pages

[28]    Nadeau c. Aliments Ultima inc. 2007 QCCQ 3013

[29]    2003 Can LII 13303, Monsieur le juge De Pokomandy (décision invoquée par la défenderesse)

[30]    2009 QCCQ 1131, Madame la juge Anne Laberge (décision invoquée par la défendresse)

[31]    2010 QCCQ 4894, Madame la juge Eliana Marengo

[32]    2011 SKQWB 251

[33]    2013 QCCQ 9559, Madame la juge Céline Gervais

[34]    2014 QCCQ 8244, Monsieur le juge Pierre Labbé

[35]    RLRQ c. C-12

[36]    Déjà cité, notes 21 et 33

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.