Décision

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Gabarit de jugement pour la cour d'appel

Séquestre de Media5 Corporation

2020 QCCA 943

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-028772-200

(450-11-000197-198)

 

DATE :

20 juillet 2020

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

MARK SCHRAGER, J.C.A.

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

STEPHEN W. HAMILTON, J.C.A.

 

 

DANS L’AFFAIRE DE LA NOMINATION DU SÉQUESTRE AUX BIENS DE MEDIA5 CORPORATION ET ACQUISITIONS ESSAGAL INC.

 

BANQUE LAURENTIENNE DU CANADA

APPELANTE - requérante

c.

 

MEDIA5 CORPORATION

ACQUISITIONS ESSAGAL INC.

INTIMÉES - débitrices

et

 

PRICEWATERHOUSECOOPERS INC.

MISE EN CAUSE - séquestre proposé

et

 

9271-9378 QUÉBEC INC.

9271-8345 QUÉBEC INC.

PLACEMENTS BON SENS

INVESTISSEMENTS SAFRAN

DANIEL ROCHEFORT

JEAN CRÉPEAU

CÉSAR CESARATTO

EZ BAY HOLDINGS

MIS EN CAUSE

et

 

INSOLVENCY INSTITUTE OF CANADA

INTERVENANTE

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           L’appelante porte en appel le jugement du 16 décembre 2019 de l’honorable Gaétan Dumas de la Cour supérieure, district de Saint-François, rejetant sa demande modifiée pour la nomination d’un séquestre intérimaire aux biens des sociétés intimées afin d’entreprendre un processus de sollicitation d’offres pour vendre leurs entreprises en continuité d’affaires.

[2]           Pour les motifs du juge Mainville, auxquels souscrivent les juges Schrager et Hamilton, LA COUR :

[3]           ACCUEILLE la demande d’amendement de l’appelante et PERMET à celle-ci de demander la nomination d’un séquestre en vertu du paragraphe 243(1) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, telle qu’elle l’avait fait dans sa première demande en date du 18 novembre 2019;

[4]           ACCUEILLE l’appel en partie;

[5]           INFIRME le jugement de la Cour supérieure du 16 décembre 2019;

[6]           RETOURNE le dossier à la Cour supérieure afin qu’un autre juge se prononce dans les meilleurs délais sur la nomination d’un séquestre conformément au paragraphe 243(1) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité;

[7]           LE TOUT, sans frais de justice.

 

 

 

 

MARK SCHRAGER, J.C.A.

 

 

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

 

 

 

 

STEPHEN W. HAMILTON, J.C.A.

 

Me Fabrice Benoît

Me Julien Morissette

Me Ilia Kravtsov

OSLER, HOSKIN & HARCOURT

Pour l’appelante

 

Me Annie-Claude Beauchemin

Me Elyssa Leiberman

ROBINSON SHEPPARD SHAPIRO

Pour les intimées

 

Me Yanick Vlasak

LAVERY, DE BILLY

Pour PricewaterhouseCoopers inc.

 

Me Karim Renno

RENNO VATHILAKIS INC.

Pour les mis en cause

 

Me Christian Lachance

Me Hannah Toledano

Me Gabriel Lavery Lepage

DAVIES WARD PHILLIPS & VINEBERG

Pour l’intervenante

 

Date d’audience :

16 juin 2020


 

 

MOTIFS DU JUGE MAINVILLE

 

 

[8]          Sur permission d’un juge de cette Cour[1], la Banque Laurentienne du Canada (la « Laurentienne ») porte en appel le jugement du 16 décembre 2019[2] de l’honorable Gaétan Dumas de la Cour supérieure, district de Saint-François, rejetant sa demande modifiée pour la nomination de PricewaterhouseCoopers inc. (« PWC ») comme séquestre intérimaire en vertu de l’art. 47 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité[3] (« LFI ») aux biens des sociétés intimées Media5 Corporation (« Media5 ») et Acquisitions Essagal inc. (« Essagal »), afin d’entreprendre un processus de sollicitation d’offres pour vendre leurs entreprises en continuité d’affaires.

[9]          La principale question soulevée par l’appel concerne la portée du par. 243(1) LFI, eu égard aux dispositions du Code civil du Québec (« C.c.Q. ») traitant de l’exercice des droits hypothécaires. Pour les motifs qui suivent, je conclus que la Cour supérieure peut procéder à la nomination d’un séquestre conformément au par. 243(1) LFI à la demande d’un créancier hypothécaire afin de vendre l’entreprise d’un débiteur insolvable en continuité d’affaires. Par contre, les préavis et délais afférents prévus dans le Code civil du Québec pour exercer un droit hypothécaire doivent être respectés. Une fois ces exigences satisfaites, la Cour supérieure peut alors exercer sa discrétion en vertu du par. 243(1) LFI pour désigner un séquestre et lui conférer les pouvoirs qu’elle estime utiles, dont celui de vendre en continuité d’affaires l’entreprise du débiteur insolvable.

[10]       Je conclus aussi que l’art. 47 LFI ne permet pas de nommer un séquestre intérimaire afin d’entreprendre un processus de sollicitation d’offres pour vendre une entreprise en continuité d’affaires. C’est plutôt le séquestre nommé en vertu du par. 243(1) LFI qui peut entreprendre une telle mesure dans les circonstances du présent dossier. 

[11]        Finalement, je propose de retourner le dossier à la Cour supérieure afin de permettre à un autre juge de procéder à l’analyse qui s’impose pour exercer sa discrétion judiciaire conformément au par. 243(1) LFI, en tenant compte de l’ensemble des éléments de preuve déjà dans le dossier, de même qu’une mise à jour de la situation financière de Media5 et d’Essagal.

 

LE CONTEXTE

[12]       Media5 est une société par actions régie par la Loi canadienne sur les sociétés par actions[4]. Elle exploite une entreprise de recherche et de développement des technologies de télécommunications. Essagal est aussi une société par actions régie par la même loi. Il s’agit d’une société de portefeuille détenue et contrôlée par Media5 à des fins d’acquisitions internationales. Essagal contrôle à son tour deux entreprises, l’une située aux Émirats arabes unis et l’autre au Qatar, qui se spécialisent dans les technologies de l’information et les projets d’infrastructures de réseaux dans la région du golfe Persique. Ces deux entreprises sont désignées dans ces motifs comme les « Sociétés FOSS ».

[13]       En mars 2017, la Laurentienne fournit du financement à Media5 au moyen de divers prêts qui, au 14 novembre 2019, présentent un solde combiné d’environ 2 700 000 $, en capital, intérêts et frais. La Laurentienne fournit également à Essagal du financement sous forme d’un prêt à terme qui, au 14 novembre 2019, présente un solde d’environ 6 000 000 $ US, en capital, intérêts et frais. Ce dernier financement a permis à Essagal d’acquérir les Sociétés FOSS. Media5 cautionne d’ailleurs le prêt à terme consenti à Essagal.

[14]       Les prêts de Media5 et d’Essagal souscrits auprès de la Laurentienne sont garantis par diverses sûretés, notamment des hypothèques de premier rang grevant l’universalité de leurs biens et une sûreté en vertu de l’art. 427 de la Loi sur les banques[5]. Exportation et Développement Canada (« EDC »), une société d’État, garantit également à 100 % le prêt à terme d’Essagal pour l’achat des Sociétés FOSS, de même qu’une partie des prêts de Media5[6].

[15]       Depuis l’automne 2017, la Laurentienne constate plusieurs défauts de Media5 et d’Essagal sous leurs conventions de prêts, dont le défaut d’Essagal d’effectuer les paiements de capital et d’intérêts sur son prêt à terme. Ces défauts ont provoqué de nombreuses rencontres entre les représentants de la Laurentienne et ceux de Media5 et d’Essagal. Les discussions entre les parties mènent à diverses conventions d’atermoiement au sein desquelles les sociétés intimées reconnaissent leurs défauts et leurs dettes et prennent divers engagements.

[16]       La Laurentienne expédie aussi plusieurs avis de défaut à Media5 et à Essagal, dont :

(a)  le 28 juin 2018, un préavis en vertu de l’art. 244 LFI de l’intention de mettre à exécution les hypothèques mobilières consenties par Media5 en regard du financement d’Essagal[7];

(b)  le 19 juillet 2018, un préavis en vertu de l’art. 244 LFI de l’intention de mettre à exécution diverses garanties consenties par Media5 en regard de son propre financement, dont une hypothèque mobilière sur l’universalité de ses biens meubles[8];

(c)  le 10 avril 2019, un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire en vertu des articles 2757 et s. et 2791 C.c.Q., soit la vente sous contrôle de justice de l’ensemble des biens hypothéqués de Media5[9];

(d)  le 10 avril 2019, un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire en vertu des articles 2757 et s. et 2791 C.c.Q., soit la vente sous contrôle de justice de l’ensemble des biens hypothéqués d’Essagal[10].

[17]       Le 9 juillet 2019, dans le cadre de l’une des conventions d’atermoiement, Media5 et Essagal s’engagent à payer dans un court délai toutes les sommes en capital, intérêts et frais requises pour régler tous les arrérages dus à la Laurentienne en lien avec le prêt à terme accordé à Essagal, soit approximativement 2 300 000 $ US[11]. Ces arrérages ne seront pas remboursés.

[18]       Dans le cadre de cette même convention d’atermoiement, Media5 et Essagal acquiescent aussi à une demande de nomination de PWC comme séquestre en vertu du par. 243(1) LFI aux fins, notamment, de procéder à la vente de leurs entreprises; cet acquiescement devant être tenu sous écrou jusqu’au 31 août 2019, date à compter de laquelle la Laurentienne pourra l’utiliser à son gré[12]. Bien que la validité de cet acquiescement soit contesté, il n’est pas nécessaire d’en décider puisqu’il ne peut lier le tribunal dans l’exercice de sa discrétion en vertu du par. 243(1) LFI.

[19]       Tenant compte des défauts de Media5 et d’Essagal et de l’accroissement des montants dus aux fournisseurs de ces sociétés, la Laurentienne estime que ces sociétés sont insolvables. Le 18 novembre 2019, elle demande donc à la Cour supérieure de nommer PWC comme séquestre conformément au par. 243(1) LFI dans le but de procéder à la vente de leurs entreprises en continuité d’affaires dans le cadre d’un processus de sollicitation d’offres. La Laurentienne justifie cette mesure en alléguant que la valeur de ces entreprises en continuité d’affaires est nettement supérieure à la valeur de liquidation de leurs actifs.

LE JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE

[20]       Le 25 novembre 2019, lors de la présentation de la demande de nomination d’un séquestre en vertu du par. 243(1) LFI, le juge de première instance informe les procureurs qu’il est d’avis que cet article ne crée pas de recours au Québec. Il invite la Laurentienne à envisager la présentation d’une demande de nomination d’un séquestre intérimaire conformément à l’art. 47 LFI.

[21]       L’audition est alors reportée, ce qui permet à la Laurentienne de modifier ses procédures afin de rechercher la nomination d’un séquestre intérimaire comme le lui suggère le juge. Ces modifications se limitent principalement à la mention de l’art. 47 LFI au lieu de l’art. 243 LFI dans les procédures entreprises, mais sans véritables modifications de substance aux allégations invoquées et aux conclusions, vu que l’objectif demeure toujours la vente des entreprises en continuité d’affaires.

[22]       L’audition se poursuit donc le 2 décembre 2019 et le jugement rejetant la demande est prononcé le 16 décembre suivant.

[23]       Le juge se dit lié par ses décisions antérieures où il interprète l’arrêt Lemare Lake[13] de la Cour suprême du Canada comme ne permettant pas, au Québec, la nomination d’un séquestre en vertu du par. 243(1) LFI afin de vendre les biens d’une entreprise à la demande d’un créancier hypothécaire. Selon le juge, cet article aurait une portée grandement limitée au Québec. Il s’explique comme suit :

[13]      La Cour suprême, dans l’affaire Lemare Lake, ne règle pas seulement la question de l’obligation de respecter les délais de préavis prévus aux lois provinciales, mais affirme également que le recours au séquestre prévu à l’article 243 LFI est grandement limité.

[14]      Y voir autre chose serait à notre avis contraire à ce qu’affirme unanimement la Cour suprême. La juge dissidente dans Lemare Lake mentionne :

« [91] Selon les juges majoritaires, l’art. 243 ne vise qu’un seul objectif : permettre aux créanciers garantis de demander la nomination d’un séquestre national, les dispensant ainsi de la nécessité d’entreprendre le long et fastidieux processus les obligeant à demander la nomination d’un séquestre dans plusieurs provinces. Avec égards, je ne puis souscrire à une interprétation aussi étroite. »

[15]      Nous comprenons que la juge dissidente n’est pas d’accord avec cette interprétation, mais elle comprend bien que c’est là l’interprétation de la Cour suprême.

[16]      Pour les motifs que le soussigné exprimait dans l’affaire Syndic de Moulée R.L. le Tribunal croit toujours qu’il ne peut « inventer » un recours qui n’existe pas en vertu de la Loi sur la faillite. (Les motifs de cette décision peuvent être considérés comme faisant partie de la présente).

[Soulignement ajouté; renvoi omis]

[24]       En effet, dans Syndic de Moulée RL inc.[14], dont les motifs sont incorporés dans le jugement, le juge de première instance s’est appuyé sur Lemare Lake pour conclure que l’art. 243 LFI n’écarte pas les recours prévus par la législation provinciale portant sur la réalisation des garanties conférées par un débiteur à son créancier hypothécaire. De sa lecture de l’arrêt Lemare Lake, le juge tire la conclusion que le créancier hypothécaire ne peut, en invoquant le par. 243(1) LFI, contourner ou éviter la mise en œuvre des dispositions du Code civil du Québec portant sur les recours hypothécaires[15] :

[46]      À notre avis, la requérante est mal venue de réclamer les droits qu’elle détient en vertu de ses garanties, mais sans respecter les recours prévus au Code civil pour l’exécution de ses garanties.

[…]

[82]        Le Code civil contient déjà des remèdes en cas d’urgence. Les institutions financières qui font le commerce de prêts garantis doivent respecter les lois en vertu desquelles les garanties ont été données.

[83]        Le tribunal n’a pas à décider pour les autres provinces, mais force est de constater que dans les provinces autres que le Québec, le législateur a décidé d’utiliser la voie du séquestre comme mode de réalisation des garanties. Ce n’est pas la voie empruntée par le législateur québécois.

[84]      Si le législateur désire changer la loi, il peut le faire facilement. Il n’appartient pas aux tribunaux de le faire.

[25]       Écartant ainsi la possibilité de nommer un séquestre en vertu du par. 243(1) LFI, le juge se penche ensuite sur la demande pour nommer un séquestre intérimaire conformément à l’art. 47 LFI. Il l’écarte aussi pour plusieurs raisons.

[26]       D’abord, puisque la demande vise principalement à permettre au séquestre intérimaire de mettre en œuvre un processus de sollicitation d’offres pour vendre les entreprises de Media5 et d’Essagal, cela serait contraire au caractère conservatoire de sa fonction[16]. Ensuite, la mise en place d’un processus de vente des entreprises par un séquestre intérimaire serait de toute façon prohibée puisqu’elle constituerait un moyen détourné d’obtenir ce qui serait défendu au Québec, soit la nomination d’un séquestre à cette fin en vertu du par. 243(1) LFI[17].

[27]       De toute façon, selon le juge, la nomination d’un séquestre intérimaire ne serait pas justifiée[18]. Le juge est d’avis que les sociétés intimées, bien qu’elles soient en défaut en vertu des conventions de prêts, collaborent avec la Laurentienne afin de résoudre leurs difficultés financières. Il n’y aurait donc aucune urgence à lancer un processus de vente[19] :

[44]      Il est vrai que la débitrice a un problème de fonds de roulement déficitaire et que ses problèmes de liquidités sont causés par un endettement qu’elle supporte pour l’acquisition d’actifs ne rapportant aucun revenu. Malgré tout, la débitrice a tout de même été rentable et a tiré des profits de 165 000 $ après le paiement de frais non récurrents de 1 200 000 $ représentant des frais de tolérance pour la banque de 705 000 $, les frais du séquestre proposé au montant de 293 990 $ et les frais des procureurs de la requérante au montant de 487 000 $.

[45]        En l’espèce, la requérante ne peut plaider l’urgence puisque la première convention de tolérance signée par les parties date du 22 mars 2018. Depuis cette date, les débitrices collaborent avec la requérante pour tenter de trouver une solution. Dans l’état actuel du dossier, le Tribunal ne croit pas qu’il est opportun de nommer un séquestre intérimaire et de lancer un processus de vente des actifs de la débitrice.

LES QUESTIONS EN APPEL

[28]       Lors de l’audition de l’appel, en réponse aux questions de la Cour quant au but véritable poursuivi par ses procédures, la Laurentienne a confirmé qu’elle cherche toujours la mise en œuvre d’un processus de vente des entreprises de Media5 et d’Essagal et la vente de ces entreprises en continuité d’affaires, peu importe que cela s’effectue par l’entremise de l’art. 47 LFI ou du par. 243(1) LFI. La Laurentienne a donc soumis une demande séance tenante afin de modifier à nouveau ses procédures. Elle cherche à ajouter une conclusion portant non seulement sur la nomination d’un séquestre intérimaire en vertu de l’art. 47 LFI, mais aussi, autrement, d’un séquestre conformément au par. 243(1) LFI, comme elle le demandait à l’origine avant que le juge de première instance lui fasse savoir que cette voie ne lui serait pas ouverte. Cette demande fut mise en délibéré par la Cour pour être décidée dans le cadre du présent arrêt.

[29]       Quel que soit le sort de cette demande de modification, la principale question à laquelle la Cour doit répondre dans le cadre de l’appel concerne la portée du par. 243(1) LFI eu égard aux dispositions du Code civil du Québec traitant de l’exercice des droits hypothécaires. C’est la principale question traitée par le juge de première instance et par les parties. C’est d’ailleurs sur cette question que porte l’intervention de l’Insolvency Institute of Canada[20].

[30]       La seconde question que soulève l’appel concerne la portée de l’art. 47 LFI, plus précisément si un créancier hypothécaire peut recourir à la nomination d’un séquestre intérimaire afin de placer en vente l’entreprise insolvable de son débiteur.

[31]       Finalement, la troisième question consiste à déterminer si la nomination d’un séquestre en vertu de la LFI afin de vendre les entreprises des sociétés intimées en continuité d’affaires se justifie dans les circonstances du présent dossier.

L’ANALYSE

PREMIÈRE QUESTION : L’ARTICLE 243 LFI

[32]       La question de la mise en œuvre de l’art. 243 LFI, eu égard aux dispositions du Code civil du Québec portant sur l’exercice des droits hypothécaires, fait l’objet d’une vive controverse au sein de la Cour supérieure du Québec.

[33]       Plusieurs juges soutiennent, comme le juge de première instance dans l’affaire dont nous sommes saisis, que les dispositions du Code civil du Québec portant sur les droits hypothécaires s’appliquent toujours au créancier hypothécaire, même en cas d’insolvabilité de son débiteur[21]. Selon cette thèse, la LFI n’a pas pour objet d’écarter les exigences de fond et de procédure énoncées dans le droit provincial qui balisent le droit des sûretés.  La demande de nomination d’un séquestre en vertu de la LFI ne saurait donc être régie par une discrétion judiciaire élargie qui permettrait d’écarter les dispositions du Code civil du Québec portant sur ces exigences de fond et de procédure. Agir autrement contournerait les dispositions impératives du Code civil du Québec, tel que le soutenait récemment un juge de la Cour supérieure[22] :

[20]      C’est un secret de polichinelle qu’au Québec l’article 243 LFI a été utilisé pour court-circuiter les procédures d’exécution - et les délais que celles-ci garantissent aux débiteurs -  stipulées au chapitre cinquième (de l’exercice des droits hypothécaires) du troisième titre du sixième livre (des priorités et des hypothèques) du Code civil du Québec. Or, la Cour suprême a dit clairement que des considérations de célérité ne peuvent servir à élargir la portée de l’article 243 LFI d’une façon qui le fasse entrer en conflit avec la procédure d’exécution des sûretés prévue par le droit provincial, laquelle continue de s’appliquer.

[34]       Cette école se répartit elle-même en deux courants. Certains juges sont d’avis que les préavis requis en vertu du Code civil du Québec et les délais afférents à ceux-ci doivent être respectés, sans toutefois écarter complètement le recours au séquestre nommé en vertu du par. 243(1) LFI, tandis que d’autres, tel le juge de première instance, écartent presque entièrement l’application de cette disposition au motif que les droits hypothécaires prévus dans le Code civil du Québec constituent un code complet auquel on ne peut ajouter en l’absence de circonstances démontrant une dimension nationale.

[35]       D’autres juges soutiennent plutôt que la nomination d’un séquestre en vertu du par. 243(1) LFI serait une mesure entièrement distincte des dispositions du Code civil du Québec portant sur l’exercice des droits hypothécaires[23]. Un séquestre pourrait donc être nommé en vertu de cette disposition sans nécessairement se plier aux exigences de fond et de procédure prévues dans le Code civil du Québec, sujet toutefois à la preuve du caractère opportun du recours. Ainsi, selon cette thèse, les dispositions du Code civil du Québec portant sur l’exercice des droits hypothécaires ne concernent que les droits du créancier hypothécaire énoncés à l’art. 2748 C.c.Q. et ne s’étendent pas au recours du par. 243(1) LFI, celui-ci n’étant pas visé par cet article du code. La nomination d’un séquestre en vertu du par. 243(1) LFI à la demande d’un créancier hypothécaire serait donc une mesure discrétionnaire distincte qui s’exercerait sans égard aux prescriptions du Code civil du Québec.

[36]       Il appartient à la Cour de trancher ce débat. Pour ce faire, il y a lieu d’étudier (a) les dispositions du Code civil du Québec portant sur l’exercice des droits hypothécaires; (b) celles de la LFI portant sur la nomination d’un séquestre; (c) ensuite les enseignements de l’arrêt Lemare Lake; et (d) pour finalement déterminer la portée de l’art. 243 LFI au Québec.

A- Les dispositions du Code civil du Québec portant sur l’exercice des droits hypothécaires

[37]       L’hypothèque est un droit réel sur un bien affecté à l’exécution d’une obligation. Elle confère au créancier le droit de suivre le bien, meuble ou immeuble, en quelques mains qu’il soit, de le prendre en possession ou en paiement, de le vendre ou de le faire vendre et d’être alors préféré sur le produit de cette vente suivant le rang fixé par le Code civil du Québec[24]. L’hypothèque est conventionnelle ou légale[25].

[38]       Elle peut être mobilière ou immobilière selon qu’elle grève un meuble ou un immeuble[26]. L’hypothèque du Code civil du Québec se démarque ainsi du concept de l’hypothèque retenu par la majorité des pays de droit civil, puisqu’elle peut grever non seulement un immeuble, mais aussi un bien meuble[27]. Elle confère un droit de préférence qui prend effet et rang dès le moment où elle reçoit publicité conformément à la loi[28].

[39]       Seule la personne, la société ou le fiduciaire qui exploite une entreprise peut consentir une hypothèque sur une universalité de biens, meubles ou immeubles, présents ou à venir, corporels ou incorporels. C’est ainsi que seul celui qui exploite une entreprise peut hypothéquer l’outillage ou le matériel professionnel, les créances et comptes clients, les brevets et marques de commerce de l’entreprise, ou encore les meubles corporels qui font partie de l’actif de l’entreprise et qui sont détenus afin d’être vendus, loués ou traités dans le processus de fabrication ou de transformation d’un bien destiné à la vente, à la location ou à la prestation de services[29]. De plus, la personne, la société ou le fiduciaire qui exploite une entreprise peut consentir une hypothèque ouverte sur les biens de l’entreprise[30].

[40]       L’exercice des droits hypothécaires est régi par le chapitre V (« De l’exercice des droits hypothécaires ») du titre troisième (« Des hypothèques ») du livre sixième (« Des priorités et des hypothèques ») du Code civil du Québec, comportant les articles 2748 à 2794.

[41]       L’art. 2748 C.c.Q. énonce de façon exhaustive les droits hypothécaires que les créanciers peuvent faire valoir, soit la prise de possession du bien pour l’administrer, la prise en paiement du bien, la vente du bien par le créancier lui-même et la vente du bien sous contrôle de justice :

2748. Outre leur action personnelle et les mesures provisionnelles prévues au Code de procédure civile (chapitre C-25.01), les créanciers ne peuvent, pour faire valoir et réaliser leur sûreté, exercer que les droits hypothécaires prévus au présent chapitre.

2748. In addition to their personal right of action and the provisional measures provided in the Code of Civil Procedure (chapter C-25.01), creditors may exercise only the hypothecary rights provided in this chapter for the enforcement and realization of their security.

Ils peuvent ainsi, lorsque leur débiteur est en défaut et que leur créance est liquide et exigible, exercer les droits hypothécaires suivants: ils peuvent prendre possession du bien grevé pour l’administrer, le prendre en paiement de leur créance, le faire vendre sous contrôle de justice ou le vendre eux-mêmes.

Thus, where their debtor is in default and their claim is liquid and due, they may exercise the following hypothecary rights: they may take possession of the charged property to administer it, take it in payment of their claim, cause it to be sold under judicial authority or sell it themselves.

 

[Soulignement ajouté]

(Emphasis added)

[42]       Seuls ces droits hypothécaires peuvent être exercés par le créancier hypothécaire, qui ne peut y ajouter par la voie contractuelle. Dans ses commentaires sur l’article 2748, le ministre de la Justice du Québec le note d’ailleurs[31].

[43]       Le créancier ne peut exercer ses droits hypothécaires avant l’expiration d’un délai qui fait suite à la production au bureau de la publicité d’un préavis signifié au constituant de l’hypothèque et à toute autre personne contre laquelle il entend exercer son droit[32]. Ce délai est de 20 jours à compter de l’expiration du préavis s’il s’agit d’un bien meuble, de 60 jours s’il s’agit d’un bien immeuble, ou de 10 jours lorsque l’intention du créancier est de prendre possession du bien (sauf s’il s’agit d’un accessoire à un contrat de consommation où ce délai est prolongé à 30 jours)[33].

[44]       Le préavis d’exercice d’un droit hypothécaire doit dénoncer tout défaut par le débiteur d’exécuter ses obligations et rappeler le droit, le cas échéant, du débiteur ou d’un tiers, de remédier à ce défaut. Il doit aussi indiquer le montant de la créance en capital et intérêts, fournir une description du bien grevé et sommer celui contre qui le droit hypothécaire est exercé de délaisser le bien avant l’expiration du délai imparti[34].

[45]       Le créancier doit aussi indiquer dans le préavis la nature du droit hypothécaire qu’il entend exercer[35]. Cependant, cela ne l’empêche pas de changer de recours par la suite, mais il doit alors donner un nouveau préavis à cette fin en respectant les délais afférents à celui-ci[36].

[46]       Le délai de préavis permet au débiteur ou à celui contre qui le droit hypothécaire est exercé, ou à tout autre intéressé, de faire échec à l’exercice du droit du créancier en lui payant ce qui lui est dû ou en remédiant à l’omission ou à la contravention mentionnée dans le préavis, et ce, jusqu’à ce que le bien ait été pris en paiement ou vendu ou, si le droit exercé est la prise de possession, à tout moment[37].

[47]       Par contre, malgré ces délais, le créancier peut exercer immédiatement ses droits hypothécaires lorsque le tribunal l’autorise parce qu’il est à craindre que, sans cette mesure, le recouvrement de sa créance ne soit mis en péril, ou lorsque le bien est susceptible de dépérir ou de se déprécier rapidement[38]. De même, le créancier hypothécaire peut se prévaloir des mesures provisionnelles, telles l’injonction[39], la saisie avant jugement[40] ou la nomination d’un séquestre[41], qui sont prévues dans le Code de procédure civile, si les circonstances s’y prêtent, puisqu’il y a lieu de distinguer entre, d’une part, placer un bien entre les mains de la justice en le confiant à un gardien et, d’autre part, obtenir le délaissement du bien afin d’exercer un droit hypothécaire[42].

[48]       Pour exercer son droit hypothécaire, le créancier obtient le délaissement de la possession du bien hypothéqué, soit de façon volontaire, soit de façon forcée[43]. Le délaissement est forcé lorsque le tribunal l’ordonne, après avoir constaté l’existence de la créance, le défaut du débiteur, le refus de délaisser volontairement et l’absence d’une cause valable d’opposition[44]. Le tribunal détermine alors le délai et la manière dont le délaissement doit s’opérer et désigne la personne en faveur de qui il a lieu[45]. Le créancier qui a obtenu le délaissement du bien en a alors la simple administration jusqu’à ce que le droit hypothécaire qu’il entend exercer soit effectivement exercé[46].

[49]       Le premier des droits hypothécaires énumérés, soit la prise de possession à des fins d’administration avec les pouvoirs de pleine administration, ne s’applique qu’aux biens d’une entreprise et est régi par les articles 2773 à 2777 C.c.Q. L’art. 2773 C.c.Q. prévoit d’ailleurs que cette prise de possession pour fins d’administration doit être temporaire :

2773. Le créancier qui détient une hypothèque sur les biens d’une entreprise peut prendre temporairement possession des biens hypothéqués et les administrer ou en déléguer généralement l’administration à un tiers. Le créancier, ou celui à qui il a délégué l’administration, agit alors à titre d’administrateur du bien d’autrui chargé de la pleine administration.

2773. A creditor who holds a hypothec on the property of an enterprise may temporarily take possession of the hypothecated property and administer it or generally delegate its administration to a third person. The creditor or the person to whom he has delegated the administration acts in such a case as administrator of the property of others charged with full administration.

[Soulignement ajouté]

(Emphasis added)

[50]       Les articles 2778 à 2783 C.c.Q. traitent du second droit hypothécaire, soit la prise en paiement. La prise en paiement confère la propriété du bien au créancier, libre des hypothèques publiées après la sienne, tout en éteignant l’obligation garantie par l’hypothèque[47]. Ce droit ne peut être exercé sans l’autorisation du tribunal lorsque le débiteur a déjà acquitté la moitié, ou plus, de l’obligation garantie par hypothèque au moment de l’inscription du préavis du créancier[48].

[51]       Les articles 2784 à 2790 C.c.Q. traitent du troisième droit hypothécaire, soit la vente par le créancier. Ce droit ne s’exerce que sur les biens d’une entreprise[49]. La vente par le créancier se fait soit de gré à gré, par appel d’offres sur invitation ou au public, ou encore aux enchères, à un prix commercialement raisonnable et dans le meilleur intérêt de celui contre qui le droit hypothécaire est exercé[50] :

2784. Le créancier qui détient une hypothèque sur les biens d’une entreprise peut, s’il a présenté au bureau de la publicité des droits un préavis indiquant son intention de vendre lui-même le bien grevé et, après avoir obtenu le délaissement du bien, procéder à la vente de gré à gré, par appel d’offres ou aux enchères.

2784. A creditor who holds a hypothec on the property of an enterprise and who has filed a prior notice at the registry office indicating his intention to sell the charged property himself may, after obtaining surrender of the property, proceed with the sale by agreement, by a call for tenders or by auction.

2785. Le créancier doit vendre le bien sans retard inutile, pour un prix commercialement raisonnable, et dans le meilleur intérêt de celui contre qui le droit hypothécaire est exercé.

2785. The creditor shall sell the property without unnecessary delay, at a commercially reasonable price, and in the best interest of the person against whom the hypothecary right is exercised.

S’il y a plus d’un bien, il peut les vendre ensemble ou séparément.

If there is more than one property, he may sell them together or separately.

[Soulignement ajouté]

(Emphasis added)

[52]       Finalement, les articles 2791 à 2794 C.c.Q. traitent du quatrième et dernier droit hypothécaire, soit la vente sous contrôle de justice. Le tribunal désigne alors la personne qui y procédera, détermine les conditions et les charges de la vente, indique si elle peut être faite de gré à gré, par appel d’offres ou aux enchères et, s’il y a lieu, fixe une mise à prix[51]. La personne chargée de la vente est tenue de respecter, en faisant les adaptations nécessaires, les règles des titres III (« La vente sous contrôle de justice ») et IV (« La distribution du produit de l’exécution ») du livre huitième (« L’exécution des jugements ») du Code de procédure civile[52], y compris celle exigeant la publication d’un préavis de vente de 30 jours dans le registre des ventes tenu par le ministre de la Justice, de même qu’au registre foncier, s’il y a lieu[53]. La vente doit se faire dans l’intérêt du débiteur et des créanciers, à un prix commercialement raisonnable et selon le mode de réalisation le plus adéquat dans les circonstances[54]. Dès que la vente est effectuée, un avis doit être publié au registre des ventes indiquant le prix et les conditions de la vente[55].

[53]       Comme tous les autres droits énoncés dans le Code civil du Québec, les droits hypothécaires ne peuvent être exercés en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi[56]. Ces exigences, qui sont au cœur du droit civil québécois, s’appliquent tout autant au créancier qui cherche à exécuter sa créance hypothécaire.

B- Les dispositions de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité portant sur les créanciers garantis et les séquestres

[54]       Bien que le par. 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867[57] confère aux provinces la compétence de légiférer sur la propriété et les droits civils, le par. 91(21) permet au Parlement du Canada de légiférer sur la faillite et l’insolvabilité[58].  C’est en vertu de cette disposition constitutionnelle que fut adoptée la LFI laquelle, avec la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies[59] (« LACC ») et la Loi sur les liquidations et les restructurations[60], régit principalement le régime canadien portant sur ce champ de compétence fédérale.

[55]       Ces lois, dont la LFI, poursuivent un grand nombre d’objectifs réparateurs généraux, dont « régler de façon rapide, efficace et impartiale l’insolvabilité d’un débiteur; préserver et maximiser la valeur des actifs d’un débiteur; assurer un traitement juste et équitable des réclamations déposées contre un débiteur; protéger l’intérêt public; et, dans le contexte d’une insolvabilité commerciale, établir un équilibre entre les coûts et les bénéfices découlant de la restructuration ou de la liquidation d’une compagnie »[61].

[56]       La LFI établit ainsi des mécanismes pour le règlement méthodique des dettes des faillis et la liquidation de leurs actifs. Les créances sont réglées selon des mécanismes et un ordre prévu dans la loi, lesquels tendent à respecter les sûretés offertes par les débiteurs à leurs créanciers préalablement à leur faillite. Les mécanismes prévus comprennent notamment la possibilité pour un débiteur de faire une proposition concordataire à ses créanciers. La LFI offre donc à la fois des mécanismes de redressement financier et de liquidation méthodique. Elle prévoit aussi un cadre administratif et judiciaire afin de gérer les cas de faillite et d’insolvabilité, dont notamment la nomination de syndics de faillite et de séquestres.

[57]       Bien que la LFI relève de la compétence exclusive fédérale, elle prévoit que ses mécanismes pour le règlement des dettes et la liquidation des actifs doivent s’appliquer en accord avec la législation provinciale portant sur la propriété et les droits civils, dans la mesure où celle-ci n’est pas incompatible avec les dispositions de la loi fédérale. En principe du moins, les dispositions du Code civil du Québec continuent donc de s’appliquer dans le cadre d’une insolvabilité ou d’une faillite dans la mesure où elles sont compatibles avec celles de la LFI[62] :

72 (1) La présente loi n’a pas pour effet d’abroger ou de remplacer les dispositions de droit substantif d’une autre loi ou règle de droit concernant la propriété et les droits civils, non incompatibles avec la présente loi, et le syndic est autorisé à se prévaloir de tous les droits et recours prévus par cette autre loi ou règle de droit, qui sont supplémentaires et additionnels aux droits et recours prévus par la présente loi.

 (1) The provisions of this Act shall not be deemed to abrogate or supersede the substantive provisions of any other law or statute relating to property and civil rights that are not in conflict with this Act, and the trustee is entitled to avail himself of all rights and remedies provided by that law or statute as supplementary to and in addition to the rights and remedies provided by this Act.

[58]       C’est ainsi que les sûretés consenties sous le droit provincial, telle l’hypothèque du Code civil du Québec, continuent d’avoir effet malgré la faillite ou l’insolvabilité d’un débiteur. D’ailleurs, les paragraphes 69.3(2) et 70(1) LFI le prévoient expressément en cas de faillite, sous réserve d’un possible report de l’exercice de ces droits pour un court laps de temps[63] :

 (1) Sous réserve des paragraphes (1.1) et (2) et des articles 69.4 et 69.5, à compter de la faillite du débiteur, ses créanciers n’ont aucun recours contre lui ou contre ses biens et ils ne peuvent intenter ou continuer aucune action, mesure d’exécution ou autre procédure en vue du recouvrement de réclamations prouvables en matière de faillite.

 (1) Subject to subsections (1.1) and (2) and sections 69.4 and 69.5, on the bankruptcy of any debtor, no creditor has any remedy against the debtor or the debtor’s property, or shall commence or continue any action, execution or other proceedings, for the recovery of a claim provable in bankruptcy.

[…]

(…)

(2) Sous réserve des articles 79 et 127 à 135 et du paragraphe 248(1), la faillite d’un débiteur n’a pas pour effet d’empêcher un créancier garanti de réaliser sa garantie ou de faire toutes autres opérations à son égard tout comme il aurait pu le faire en l’absence du présent article, à moins que le tribunal n’en décide autrement. Tout report ordonné à cet égard doit toutefois être conforme aux règles suivantes :

(2) Subject to sections 79 and 127 to 135 and subsection 248(1), the bankruptcy of a debtor does not prevent a secured creditor from realizing or otherwise dealing with his or her security in the same manner as he or she would have been entitled to realize or deal with it if this section had not been passed, unless the court otherwise orders, but in so ordering the court shall not postpone the right of the secured creditor to realize or otherwise deal with his or her security, except as follows:

a) dans le cas d’une garantie relative à une dette échue à la date où le failli est devenu tel ou qui le devient dans les six mois suivants, l’exercice des droits du créancier ne peut être reporté à plus de six mois après cette date;

(a) in the case of a security for a debt that is due at the date the bankrupt became bankrupt or that becomes due not later than six months thereafter, that right shall not be postponed for more than six months from that date; and

b) dans le cas d’une garantie relative à une dette qui ne devient échue que plus de six mois après la date où le failli est devenu tel, l’exercice des droits du créancier peut être reporté à plus de six mois après cette date — mais en aucun cas au-delà de la date à laquelle la dette devient exigible en vertu de l’acte ou de la règle de droit instituant la garantie — seulement si tous les versements d’intérêts en souffrance depuis plus de six mois sont acquittés et si tous les autres manquements de plus de six mois sont réparés, et seulement tant qu’aucun versement d’intérêts ne demeure en souffrance, ou tant qu’aucun autre manquement ne reste sans réparation, pendant plus de six mois.

(b) in the case of a security for a debt that does not become due until more than six months after the date the bankrupt became bankrupt, that right shall not be postponed for more than six months from that date, unless all instalments of interest that are more than six months in arrears are paid and all other defaults of more than six months standing are cured, and then only so long as no instalment of interest remains in arrears or defaults remain uncured for more than six months, but, in any event, not beyond the date at which the debt secured by the security becomes payable under the instrument or law creating the security.

        

[…]

(…)

 (1) Toute ordonnance de faillite rendue et toute cession faite en conformité avec la présente loi ont priorité sur toutes saisies, saisies-arrêts, certificats ayant l’effet de jugements, jugements, certificats de jugements, hypothèques légales résultant d’un jugement, procédures d’exécution ou autres procédures contre les biens d’un failli, sauf ceux qui ont été complètement réglés par paiement au créancier ou à son représentant, et sauf les droits d’un créancier garanti.

 (1) Every bankruptcy order and every assignment made under this Act takes precedence over all judicial or other attachments, garnishments, certificates having the effect of judgments, judgments, certificates of judgment, legal hypothecs of judgment creditors, executions or other process against the property of a bankrupt, except those that have been completely executed by payment to the creditor or the creditor’s representative, and except the rights of a secured creditor.

       [Soulignement ajouté]

(Emphasis added)

[59]       Cela étant, la Partie XI de la LFI (« Créanciers garantis et séquestres ») établit des mécanismes d’avis préalables et permet la nomination de séquestres lorsque les débiteurs sont insolvables. 

[60]       Ainsi, selon l’art. 244 LFI, le créancier garanti, ce qui comprend le créancier hypothécaire en vertu du Code civil du Québec[64], qui propose de mettre à exécution une garantie sur la totalité ou la quasi-totalité du stock, des comptes recevables ou des autres biens d’une personne insolvable, acquis ou utilisés dans le cadre des affaires de cette dernière, doit lui donner un préavis de 10 jours avant de mettre à exécution la garantie visée par le préavis.

[61]       À l’expiration du délai de préavis de 10 jours - ou selon un délai plus court que peut établir le tribunal ou que peut consentir le débiteur insolvable - outre l’exécution de sa garantie, le créancier garanti peut demander au tribunal de nommer un syndic de faillite comme séquestre conformément au par. 243(1) LFI afin de prendre possession des biens acquis ou utilisés dans le cadre des affaires du débiteur et pour exercer sur ceux-ci, ainsi que sur les affaires de ce dernier, le degré de prise en charge que le tribunal estime indiqué. Le tribunal peut aussi autoriser le séquestre à prendre toute autre mesure qu’il estime indiquée :

 (1) Sous réserve du paragraphe (1.1), sur demande d’un créancier garanti, le tribunal peut, s’il est convaincu que cela est juste ou opportun, nommer un séquestre qu’il habilite :

 (1) Subject to subsection (1.1), on application by a secured creditor, a court may appoint a receiver to do any or all of the following if it considers it to be just or convenient to do so:

a) à prendre possession de la totalité ou de la quasi-totalité des biens — notamment des stocks et comptes à recevoir — qu’une personne insolvable ou un failli a acquis ou utilisés dans le cadre de ses affaires;

(a) take possession of all or substantially all of the inventory, accounts receivable or other property of an insolvent person or bankrupt that was acquired for or used in relation to a business carried on by the insolvent person or bankrupt;

b) à exercer sur ces biens ainsi que sur les affaires de la personne insolvable ou du failli le degré de prise en charge qu’il estime indiqué;

(b) exercise any control that the court considers advisable over that property and over the insolvent person’s or bankrupt’s business; or

c) à prendre toute autre mesure qu’il estime indiquée.

(c) take any other action that the court considers advisable.

       (1.1) Dans le cas d’une personne insolvable dont les biens sont visés par le préavis qui doit être donné par le créancier garanti aux termes du paragraphe 244(1), le tribunal ne peut faire la nomination avant l’expiration d’un délai de dix jours après l’envoi de ce préavis, à moins :

(1.1) In the case of an insolvent person in respect of whose property a notice is to be sent under subsection 244(1), the court may not appoint a receiver under subsection (1) before the expiry of 10 days after the day on which the secured creditor sends the notice unless

a) que la personne insolvable ne consente, aux termes du paragraphe 244(2), à l’exécution de la garantie à une date plus rapprochée;

(a) the insolvent person consents to an earlier enforcement under subsection 244(2); or

b) qu’il soit indiqué, selon lui, de nommer un séquestre à une date plus rapprochée.

(b) the court considers it appropriate to appoint a receiver before then.

       […]

(…)

       (2) Dans la présente partie, mais sous réserve des paragraphes (3) et (4), séquestre s’entend de toute personne qui :

(2) Subject to subsections (3) and (4), in this Part, receiver means a person who

a) soit est nommée en vertu du paragraphe (1);

(a) is appointed under subsection (1); or

b) soit est nommément habilitée à prendre — ou a pris — en sa possession ou sous sa responsabilité, aux termes d’un contrat créant une garantie sur des biens, appelé « contrat de garantie » dans la présente partie, ou aux termes d’une ordonnance rendue sous le régime de toute autre loi fédérale ou provinciale prévoyant ou autorisant la nomination d’un séquestre ou d’un séquestre-gérant, la totalité ou la quasi-totalité des biens — notamment des stocks et comptes à recevoir — qu’une personne insolvable ou un failli a acquis ou utilisés dans le cadre de ses affaires.

 

(b) is appointed to take or takes possession or control — of all or substantially all of the inventory, accounts receivable or other property of an insolvent person or bankrupt that was acquired for or used in relation to a business carried on by the insolvent person or bankrupt — under

(i) an agreement under which property becomes subject to a security (in this Part referred to as a “security agreement”), or

(ii) a court order made under another Act of Parliament, or an Act of a legislature of a province, that provides for or authorizes the appointment of a receiver or receiver-manager.

[…]

(…)

       (4) Seul un syndic peut être nommé en vertu du paragraphe (1) ou être habilité aux termes d’un contrat ou d’une ordonnance mentionnée à l’alinéa (2)b).

(4) Only a trustee may be appointed under subsection (1) or under an agreement or order referred to in paragraph (2)(b).

       [Soulignement ajouté]

(Emphasis added)

[62]       Le séquestre doit alors gérer les biens en toute honnêteté et de bonne foi, selon des pratiques commerciales raisonnables et il doit suivre les instructions du tribunal[65].

C - L’arrêt Lemare Lake

[63]       L’interaction entre, d’une part, l’art. 243 LFI portant sur la nomination d’un séquestre à la demande d’un créancier garanti et, d’autre part, les dispositions d’une loi provinciale portant sur les conditions à respecter avant la mise en œuvre d’une garantie, a fait l’objet d’une étude exhaustive dans l’arrêt Lemare Lake de 2015. Dans cette affaire provenant de la Saskatchewan, un créancier avait demandé la nomination d’un séquestre en application du par. 243(1) LFI à l’égard des biens de son débiteur, lequel se qualifiait en vertu de la Saskatchewan Farm Security Act[66] (« SFSA »). Selon la partie II de la SFSA, comportant notamment les articles 9 à 22, avant d’intenter une action à l’égard d’une terre agricole, un créancier est tenu de signifier un avis d’intention, d’attendre l’expiration d’un délai de 150 jours, de participer à un processus de médiation obligatoire et doit démontrer qu’il n’existe aucune possibilité raisonnable que le débiteur s’acquitte de ses obligations, ou que celui-ci ne déploie aucun effort sincère et raisonnable pour s’acquitter de celles-ci.

[64]       Le créancier soutenait que la doctrine de la prépondérance fédérale rendait ces dispositions de la SFSA constitutionnellement inopérantes lorsque la demande visait la nomination d’un séquestre en vertu du par. 243(1) LFI. La Cour d’appel de la Saskatchewan a conclu en ce sens puisque, selon elle, le par. 243(1) LFI avait pour objet non seulement de permettre la nomination d’un séquestre national, mais aussi de veiller à ce que celui-ci soit en mesure d’agir efficacement vu le contexte d’insolvabilité du débiteur. L’affaire fut portée devant la Cour suprême du Canada où six des sept juges du banc, pour les motifs conjoints des juges Abella et Gascon, ont conclu que les articles 9 à 22 de la SFSA n’étaient pas constitutionnellement inapplicables et leurs exigences devaient donc être satisfaites, et ce, même dans le contexte d’une demande de nomination d’un séquestre en vertu du par. 243(1) LFI.

[65]       Les juges Abella et Gascon énoncent que la doctrine de la prépondérance fédérale doit recevoir une interprétation restrictive et que les tribunaux doivent donc chercher à donner aux lois provinciales et fédérales une interprétation harmonieuse fondée sur le fédéralisme coopératif, plutôt qu’une interprétation qui mène à une incompatibilité[67]. Ils ont aussi conclu à l’absence d’un conflit d’application entre l’art. 243 LFI et les articles 9 à 22 de la SFSA, puisqu’il est possible pour une personne de se conformer aux deux lois en obtenant une ordonnance en vertu de la SFSA avant de demander la nomination d’un séquestre conformément au par. 243(1) LFI[68].

[66]       Les juges Abella et Gascon ont aussi conclu que les articles 9 à 22 de la SFSA n’entravaient pas la réalisation de l’objet du par. 243(1) LFI. Ils ont ainsi écarté la proposition voulant que la réalisation de cet objet commande la célérité au moyen d’un recours efficace qui est à la fois souple, applicable au moment opportun et uniforme à travers le Canada[69]. Ils ont conclu que « [c]e qui ressort de la preuve, c’est plutôt un objet simple et restreint : la création d’un régime permettant la nomination d’un séquestre national, éliminant de ce fait la nécessité de demander la nomination d’un séquestre aux tribunaux de plusieurs ressorts »[70].

[67]       Plus particulièrement, ils ont conclu que, vu le caractère discrétionnaire de la nomination d’un séquestre, le délai de préavis de 10 jours prévu au par. 243(1.1) LFI n’était qu’une période minimale, de sorte que les périodes plus longues de préavis et les conditions préalables aux recours des créanciers garantis prévues par la législation provinciale, en l’occurrence les articles 9 à 23 de la SFSA, n’entravaient pas l’objet de la disposition législative fédérale[71] : « Ni la disposition en cause, ni la LFI dans son ensemble, ne permettent de conclure que l’art. 243 se veut un recours exhaustif qui exclut l’application des lois provinciales ».

[68]       Après une analyse exhaustive des amendements législatifs qui ont mené à l’adoption de l’art. 243 LFI dans sa forme actuelle, les juges Abella et Gascon énoncent que cette disposition ne peut faire échec aux exigences de fond et de procédure énoncées par la législation provinciale et portant sur l’exécution des garanties des créanciers[72] :

[68]      L’article 243 visait ainsi l’établissement d’un régime national de mise sous séquestre. L’objectif consistait à éviter la multiplicité des procédures et l’inefficacité qui en résultait. Rien dans la preuve ne permet de conclure que cette disposition devait faire échec aux exigences de fond et de procédure énoncées dans les lois en vigueur dans la province où la demande de nomination est présentée. Des considérations générales de célérité et de possibilité d’agir en temps opportun, qui constituent certes une préoccupation valide dans tout processus de faillite ou de mise sous séquestre, ne peuvent servir à écarter l’objet précis de l’art. 243  et à étendre artificiellement son objet pour créer un conflit avec une loi provinciale. Interpréter plus largement l’objet de l’art. 243 , en l’absence d’une preuve claire de l’intention du législateur d’élargir l’objectif de la loi, est incompatible avec l’approche restrictive qu’il convient d’adopter à l’égard de la doctrine de la prépondérance ainsi qu’avec la règle d’interprétation constitutionnelle fondamentale dont nous avons déjà fait état : par. 20-21. Les notions vagues et imprécises que sont la possibilité d’agir en temps opportun ou l’efficacité ne peuvent constituer un objectif fédéral général tel qu’il empêcherait la coexistence d’une loi fédérale avec les lois provinciales telle la SFSA.

[Soulignement ajouté]

[69]       La juge Côté, dissidente dans Lemare Lake, est d’avis contraire. Selon elle, la célérité est un facteur essentiel à l’objet de l’art. 243 LFI[73]. Elle se dissocie donc nettement de ses collègues sur cette question. La juge Côté perçoit donc l’objet de la disposition fédérale comme étant intimement lié à des considérations d’efficacité, de rapidité et d’urgence[74]. Selon celle-ci, la partie II de la SFSA entraverait donc la réalisation de l’objet de l’art. 243 LFI et serait inopérante dans la mesure où elle serait incompatible avec le régime fédéral de mise sous séquestre prévu à cet article de la LFI[75].

            D- La portée de l’article 243 LFI au Québec

[70]       Le créancier hypothécaire peut-il demander la nomination d’un séquestre en vertu du par. 243(1) LFI ou doit-il plutôt se contenter d’exercer ses droits hypothécaires prévus dans le Code civil du Québec, comme le soutient le juge de première instance dans cette affaire?

[71]       L’art. 2748 C.c.Q. prévoit en effet que le créancier hypothécaire ne peut exercer que les droits hypothécaires prévus par le chapitre du Code civil du Québec portant sur l’exercice des droits hypothécaires, soit la prise de possession à des fins d’administration, la prise en paiement, la vente par le créancier et la vente sous contrôle de justice. Cependant, le fait que les dispositions du Code civil du Québec restreignent l’exercice des droits hypothécaires à quatre mesures n’a pas pour effet d’empêcher le Parlement de permettre l’exercice d’autres recours par un créancier garanti - y compris un créancier hypothécaire au sens du Code civil du Québec - en cas d’insolvabilité de son débiteur. Le Parlement détient en effet la compétence constitutionnelle en matière de faillite et d’insolvabilité. Cette compétence lui permet ainsi, dans les cas d’insolvabilité, d’adopter le par. 243(1) LFI comme un recours additionnel pour le créancier garanti.

[72]       Ainsi, lorsque le débiteur est insolvable, le créancier hypothécaire peut exercer ses droits hypothécaires en vertu du Code civil du Québec ou requérir la nomination d’un séquestre conformément au par. 243(1) LFI. Le recours à la nomination d’un séquestre s’ajoute donc aux recours hypothécaires lorsque le débiteur est insolvable.

[73]       L’auteur Jacques Deslauriers s’exprime comme suit à cet égard[76] :

1754. La réalisation des garanties selon la Partie XI de la loi est une option de réalisation des sûretés consenties par une entreprise sur [s]es biens, notamment sur [s]es stocks et ses équipements. En effet, quand un débiteur est en défaut, un tel créancier, s’il est titulaire de sûretés en vertu du Code civil, peut décider d’exercer les recours hypothécaires prévus par le Code civil, ou bien, si l’insolvabilité de la personne en défaut est avérée, il peut préférer utiliser le processus prévu par la partie XI de la loi, faire nommer un syndic comme séquestre, et procéder à la réalisation de ses garanties. […]

[74]       Le recours à l’art. 243 LFI est d’ailleurs fort utile tant pour le créancier hypothécaire que pour son débiteur confronté à une situation d’insolvabilité. Comme le signalait récemment la Cour d’appel de l’Ontario en citant divers auteurs, la possibilité de vendre les actifs d’un débiteur sous contrôle de justice comme une entreprise en exploitation active plutôt qu’en pièces détachées, ainsi qu’un tribunal peut le permettre en vertu de l’al. 243(1)c) LFI, est l’une des pierres angulaires du droit moderne de l’insolvabilité au Canada[77] :

[26]   A review of relevant literature on the subject reflects the pervasiveness of vesting orders in the insolvency arena. Luc Morin and Nicholas Mancini describe the common use of vesting orders in insolvency practice in “Nothing Personal: the Bloom Lake Decision and the Growing Outreach of Vesting Orders Against in personam Rights” in Janis P. Sarra, ed., Annual Review of Insolvency Law 2017 (Toronto: Thomson Reuters, 2018) 905, at p. 938:

Vesting orders are now commonly being used to transfer entire businesses. Savvy insolvency practitioners have identified this path as being less troublesome and more efficient than having to go through a formal plan of arrangement or BIA proposal.

[27]   The significance of vesting orders in modern insolvency practice is also discussed by Bish and Cassey in “Vesting Orders Part 1”, at pp. 41-42:  

Over the past decade, a paradigm shift has occurred in Canadian corporate insolvency practice: there has been a fundamental transition in large cases from a dominant model in which a company restructures its business, operations, and liabilities through a plan of arrangement approved by each creditor class, to one in which a company instead conducts a sale of all or substantially all of its assets on a going concern basis outside of a plan of arrangement

Unquestionably, this profound transformation would not have been possible without the vesting order. It is the cornerstone of the modern “restructuring” age of corporate asset sales and secured creditor realizations ... The vesting order is the holy grail sought by every purchaser; it is the carrot dangled by debtors, court officers, and secured creditors alike in pursuing and negotiating sale transactions. If Canadian courts elected to stop granting vesting orders, the effect on the insolvency practice would be immediate and extraordinary. Simply put, the system could not function in its present state without vesting orders.

[Italiques dans l’original; soulignement ajouté]

[75]       Cela étant, la nomination d’un séquestre en vertu du par. 243(1) LFI est-elle possible même si le débiteur hypothécaire n’a des biens qu’au Québec et pas ailleurs au Canada? Il est vrai qu’aux fins de leur analyse de la doctrine de la prépondérance fédérale, les juges majoritaires dans Lemare Lake définissent l’objet du par. 243(1) LFI comme étant de permettre la nomination d’un séquestre national, éliminant de ce fait la nécessité pour les créanciers garantis de demander la nomination d’un séquestre aux tribunaux de plusieurs ressorts[78]. Cependant, rien dans le texte de l’art. 243 LFI ou ailleurs dans la LFI ne laisse entendre que la nomination d’un tel séquestre n’est permise que lorsque le débiteur détient des biens dans plus d’une province ou territoire du Canada. Le seul prérequis constitutionnel pour procéder à la nomination du séquestre est l’insolvabilité du débiteur, et non pas que ses actifs soient répartis dans plus d’une province. D’ailleurs, dans Lemare Lake, le débiteur ne possédait des actifs que dans une seule province, la Saskatchewan, ce qui ne constituait pas un empêchement pour son créancier de se prévaloir du par. 243(1) LFI dans la mesure où les prescriptions de fond et de forme prévues par la loi provinciale, la SFSA, pour exercer ses garanties étaient satisfaites.

[76]       Ainsi, la nomination d’un séquestre peut être autorisée par. 243(1) LFI si le débiteur est insolvable, et ce, même si ses actifs ne sont situés que dans une seule province. L’auteure Torrie le note d’ailleurs[79] :

However, there is no condition in the Act which limits the applicability of BIA receiverships to cases where a receiver needs to operate in multiple jurisdictions (e.g., because the debtor’s assets are located in two or more provinces). In other words, a secured creditor can apply for a BIA receiver, instead of a provincially appointed receiver, even if there is no jurisdictional reason for seeking a federal appointment.

[77]       L’auteur Wood ajoute que des séquestres sont fréquemment nommés en vertu de la LFI alors que les biens visés se trouvent dans une seule province[80] :

The vast majority of court appointments are authorized under the federal provision. It is difficult to square these developments with the idea that the sole purpose of the federal appointment of a receiver was simply to permit the appointment of a national receiver who could act throughout Canada. Federal receivership appointments were routinely used both before and after the 2009 amendments when the debtor did not have extra-provincial assets.

[78]       Toutefois, tel que déjà noté, le par. 72(1) LFI prévoit que cette loi fédérale doit s’appliquer en accord avec la législation provinciale portant sur la propriété et les droits civils, dans la mesure où celle-ci n’est pas incompatible avec les dispositions de la loi fédérale.

[79]       Comme le signalent les juges Abella et Gascon dans Lemare Lake, les tribunaux doivent « donner aux lois provinciale et fédérale une interprétation harmonieuse plutôt qu’une interprétation qui donne lieu à une incompatibilité »[81]. Ainsi, à moins d’une incompatibilité d’application ou d’objet, les dispositions du Code civil du Québec portant sur les droits hypothécaires doivent cohabiter avec celles de la LFI portant sur le séquestre, et vice versa.

[80]       D’ailleurs, comme la Cour en a décidé dans les arrêts Maisons Marcoux inc. (Syndic de)[82] et Anglo Pacific Group, p.l.c. c. Ernst & Young inc.[83], il n’y a pas d’incompatibilité entre une vente par un séquestre nommé conformément au par. 243(1) LFI et une vente à la demande d’un créancier hypothécaire en vertu des articles 2791 à 2794 C.c.Q.; dans les deux cas, il s’agit d’une vente sous contrôle de justice[84]. Le séquestre peut donc être autorisé par le tribunal à vendre le bien du débiteur insolvable, libre de toute charge[85], et les effets d’une telle vente sont ceux d’une vente sous contrôle de justice[86]

[81]       Puisque le séquestre nommé en vertu du par. 243(1) LFI est une personne que la Cour supérieure peut désigner en vertu de l’art. 2791 C.c.Q. pour procéder à une vente sous contrôle de justice[87], il ne peut y avoir d’incompatibilité entre ces dispositions.

[82]       De plus, à la lumière des motifs de la majorité dans Lemare Lake, il semble bien que les exigences de fond et de procédure énoncées dans le Code civil du Québec pour exercer un droit hypothécaire ne sont pas inapplicables ou inopérantes lorsqu’un créancier hypothécaire demande à la Cour supérieure de nommer un séquestre conformément au par. 243(1) LFI. Les deux régimes fonctionnent donc de pair.

[83]       Lemare Lake prévoit en effet que les exigences préalables à l’exercice du recours d’un créancier garanti énoncées dans la législation provinciale s’imposent tout autant à la demande d’ordonnance de mise sous séquestre fondée sur le par. 243(1) LFI[88].

[84]       Ainsi, l’article 3 de la SFSA traité dans Lemare Lake définit l’action qui y est visée comme « compren[ant] l’action en justice intentée par un créancier hypothécaire en vue de la vente ou de la prise de possession de terres agricoles sur lesquelles il détient une hypothèque […] »[89]. L’objet de la SFSA est d’imposer au créancier des exigences préalables à l’exercice de cette action en justice de la nature d’un droit hypothécaire, notamment afin de permettre au débiteur de profiter d’un délai pour prendre les mesures correctives qui s’imposent[90].

[85]       Comme celles de la SFSA, les dispositions du Code civil du Québec obligent le créancier hypothécaire à donner un préavis à son débiteur avant d’exercer l’un des droits hypothécaires que lui confère la loi, dont la vente sous contrôle de justice du bien.

[86]       Tel que déjà constaté, ce préavis est de 20 jours s’il s’agit d’un bien meuble et de 60 jours pour un bien immeuble[91]. Pendant le délai de préavis prévu par le Code civil du Québec, le droit hypothécaire invoqué par le créancier ne peut s’exercer puisque l’art. 2749 C.c.Q. l’interdit. L’objet même de ce préavis et du délai qui s’y rattache est de permettre au débiteur ou à celui contre qui le droit hypothécaire est exercé, ou à tout autre intéressé, de faire échec à l’exercice du droit du créancier en lui payant ce qui lui est dû ou en remédiant au défaut qu’on lui reproche[92].

[87]       Les exigences de fond et de procédure du Code civil du Québec au chapitre de l’exercice des droits hypothécaires et ceux de la partie II de la SFSA ont donc des objets similaires, quoique ces dispositions ne soient pas identiques. Il faut en conclure, selon les enseignements de Lemare Lake, que ces exigences de fond et de procédure doivent être respectées lorsque le créancier hypothécaire se prévaut du par. 243(1) LFI afin d’obtenir la nomination d’un séquestre pour vendre les biens de son créancier. D’autant plus, tel que constaté ci-haut, qu’une vente par un séquestre nommé en vertu du par. 243(1) LFI est une vente sous contrôle de justice et peut donc s’assimiler à l’exercice d’un droit hypothécaire de vente sous contrôle de justice.

[88]       En résumé, la Cour supérieure peut procéder à la nomination d’un séquestre conformément au par. 243(1) LFI à la demande d’un créancier hypothécaire afin de vendre l’entreprise d’un débiteur insolvable en continuité d’affaires. Par contre, puisque c’est la sûreté hypothécaire qui permet au créancier d’invoquer le par. 243(1) LFI, les exigences de fond et de procédure prévues dans le Code civil du Québec pour exercer un droit hypothécaire, soit les préavis et les délais afférents, doivent être respectées. Une fois ces exigences satisfaites, la Cour supérieure peut alors exercer sa discrétion conformément au par. 243(1) LFI pour désigner un séquestre et lui conférer les pouvoirs qu’elle estime utiles, dont celui de vendre l’entreprise en exploitation active selon un processus de vente qu’elle détermine et dont les modalités sont établies par elle selon ce qu’elle estime juste et opportun selon les circonstances.

[89]       Ceci implique que le créancier garanti qui détient des sûretés affectant les biens du même créancier situés dans plusieurs provinces sera obligé de se conformer aux exigences de fond et de procédure pour l’exécution de ses sûretés prévues par la loi de chacune des provinces concernées avant de faire nommer un séquestre en vertu du par. 243(1) LFI qui pourra agir seul à l’égard de l’ensemble de ces biens, peu importe où ils sont situés. Cela est le résultat inéluctable de l’arrêt Lemare Lake par lequel nous sommes liés selon la règle du stare decisis. D’ailleurs, il n’y a là rien de particulièrement inhabituel ou exorbitant vu que les sûretés du créancier garanti découlent précisément des diverses lois provinciales et que, de toute façon, le créancier qui agit à l’égard d’un débiteur détenant des biens situés dans plusieurs provinces doit, pour exécuter ses garanties, se conformer aux exigences de fond et de procédure énoncées dans les diverses lois locales s’appliquant là où les biens de son débiteur sont situés.

[90]       Il s’agit maintenant de traiter des critères qui doivent être satisfaits pour que la Cour supérieure puisse nommer un séquestre en vertu du par. 243(1) LFI à la demande d’un créancier hypothécaire afin de vendre l’entreprise de son débiteur. Il ne semble pas s’être dégagé de la jurisprudence de la Cour supérieure des critères précis à cette fin. Tout au plus, énonce-t-on des critères généraux qui s’assimilent à ceux développés par les tribunaux et repris par les auteurs de common law pour la nomination d’un séquestre selon le droit provincial[93]. Or, ces critères méritent d’être précisés afin de tenir compte des particularités du droit civil, notamment les dispositions du Code civil du Québec portant sur les droits hypothécaires.

[91]       En effet, outre le séquestre prévu par les articles 2305 à 2311 C.c.Q. et l’art. 524 C.p.c. - lequel n’a qu’un mandat conservatoire en regard d’un bien en litige et dont la nomination demeure une mesure d’exception[94] - le régime du séquestre a peu d’usage dans le droit civil québécois. Contrairement aux provinces canadiennes de common law, le Code civil du Québec ne favorise pas la nomination d’un séquestre afin d’assurer l’exécution des sûretés d’un créancier et, de fait, ne le prévoit pas pour l’exercice des droits hypothécaires. Il faut donc être prudent avant d’importer au Québec les critères développés au sein des provinces de common law pour les nominations de séquestres qui, dans plusieurs cas hors Québec, résultent à la fois tant de la loi provinciale que du par. 243 (1) LFI[95].

[92]       Au Québec, il faut plutôt considérer la nomination d’un séquestre en vertu du par. 243(1) LFI en fonction des critères énoncés dans la LFI qui sont propres à ce recours, tout en tenant compte du caractère exorbitant de cette mesure en regard de la tradition civiliste du droit québécois, comme nous y invite d’ailleurs la Loi d’interprétation[96] :

8.1 Le droit civil et la common law font pareillement autorité et sont tous deux sources de droit en matière de propriété et de droits civils au Canada et, s’il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue d’assurer l’application d’un texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s’y opposant, avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province au moment de l’application du texte.

8.1 Both the common law and the civil law are equally authoritative and recognized sources of the law of property and civil rights in Canada and, unless otherwise provided by law, if in interpreting an enactment it is necessary to refer to a province’s rules, principles or concepts forming part of the law of property and civil rights, reference must be made to the rules, principles and concepts in force in the province at the time the enactment is being applied.

8.2 Sauf règle de droit s’y opposant, est entendu dans un sens compatible avec le système juridique de la province d’application le texte qui emploie à la fois des termes propres au droit civil de la province de Québec et des termes propres à la common law des autres provinces, ou qui emploie des termes qui ont un sens différent dans l’un et l’autre de ces systèmes.

8.2 Unless otherwise provided by law, when an enactment contains both civil law and common law terminology, or terminology that has a different meaning in the civil law and the common law, the civil law terminology or meaning is to be adopted in the Province of Quebec and the common law terminology or meaning is to be adopted in the other provinces.

[93]       À cette fin, le juge de la Cour supérieure doit être satisfait que celui qui demande la nomination du séquestre agit de bonne foi et sans but détourné, tel que l’exige l’art. 4.2 LFI; cette exigence de bonne foi rejoint d’ailleurs les exigences similaires énoncées aux articles 6 et 7 C.c.Q. qui s’imposent au créancier hypothécaire selon le droit civil.

[94]       Le juge doit aussi être d’avis que la nomination du séquestre et les pouvoirs qui lui sont conférés ne nuiront pas aux autres créanciers de façon telle que leurs créances seraient plus en péril qu’en cas de faillite du débiteur.  

[95]       La nomination du séquestre et ses pouvoirs ne devraient pas être susceptibles de nuire non plus à la mise en œuvre d’une proposition concordataire en vertu de la LFI ou d’un arrangement sous la LACC, dans la mesure où cette proposition ou cet arrangement est susceptible de se concrétiser.

[96]       Le juge doit aussi constater que la nomination du séquestre se justifie dans les circonstances particulières du dossier en tenant compte des objectifs qui sous-tendent plus largement les dispositions de la LFI. Il y a lieu de s’inspirer à cet égard de la jurisprudence développée sous la LACC[97]. Il s'agit, entre autres, de vérifier si cette nomination contribuera utilement à éviter, dans la mesure du possible, les pertes sociales et économiques résultant de la liquidation d'une société commerciale insolvable, tout en favorisant le règlement juste et ordonné des dettes de cette société.

[97]       Pour résumer, un créancier hypothécaire peut obtenir la nomination d’un syndic de faillite comme séquestre en vertu du par. 243(1) LFI afin de vendre l’entreprise de son débiteur si les exigences préalables suivantes sont respectées :

(1)  le débiteur est insolvable;

(2)   la garantie hypothécaire porte sur la totalité ou la quasi-totalité du stock, des comptes recevables ou des autres biens acquis ou utilisés par le débiteur insolvable;

(3)  ces biens sont utilisés dans le cadre des affaires du débiteur insolvable;

(4)  le préavis prévu par l’art. 244 a été donné et le délai prévu par le par. 243(1.1) LFI a été respecté;

(5)   les exigences de fond et de procédure préalables à l’exercice d’un recours hypothécaire prévues dans le Code civil du Québec ont été respectées, soit (i) la publication d’un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire selon les formalités des articles 2757 et 2758 al. 1 C.c.Q., et (ii) le respect des délais prévus par l’art. 2758 al. 2 C.c.Q., sous réserve de l’art. 2767 C.c.Q. si les circonstances s’y prêtent.

[98]       Si ces exigences préalables sont satisfaites, le tribunal peut alors procéder à la nomination du séquestre s’il est d’avis que cette nomination est juste et opportune, en tenant compte de l’ensemble des circonstances, notamment celles identifiées aux paragraphes [93] à [96] ci-avant, soit :

(6)  le créancier hypothécaire qui demande la nomination du séquestre a agi de bonne foi et sans but détourné;

(7)  la nomination du séquestre et les pouvoirs qui lui sont conférés ne nuiront pas aux droits des autres créanciers de façon telle que leurs créances seraient plus en péril qu’en cas de faillite du débiteur;

(8)   la nomination du séquestre et les pouvoirs qui lui sont conférés ne sont pas susceptibles d’empêcher la mise en œuvre d’une proposition concordataire en vertu de la LFI ou d’un arrangement sous la LACC, dans la mesure où il est raisonnable de croire qu’une telle proposition ou qu’un tel arrangement pourrait recevoir les approbations requises; et si

(9)  ces mesures se justifient dans les circonstances particulières du dossier en tenant compte des objectifs plus larges de la LFI et du droit de l’insolvabilité, notamment qu’elles contribueront utilement à éviter, dans la mesure du possible, les pertes sociales et économiques résultant de la liquidation d'une société commerciale insolvable, tout en favorisant le règlement juste et ordonné des dettes de la société visée.

DEUXIÈME QUESTION : L’ARTICLE 47 LFI

[99]       La portée de l’art. 243 LFI au Québec ayant été traitée, il y a maintenant lieu de décider si le séquestre intérimaire nommé en vertu de l’art. 47 LFI peut, lui aussi, procéder à la mise en vente d’une entreprise insolvable en mettant en œuvre un processus de sollicitation d’offres d’achat à la conclusion duquel un séquestre serait nommé conformément au par. 243(1) LFI pour conclure l'acquisition.

[100]    Les pouvoirs du séquestre nommé en vertu du par. 243(1) LFI sont ceux anciennement conférés aux séquestres intérimaires nommés conformément à l’art. 47 LFI sous la rédaction antérieure de l’al. 47(2)c), dont le texte suit :

47 (1) S’il est convaincu qu’un préavis est sur le point d’être — ou a été — envoyé aux termes du paragraphe 244(1), le tribunal peut, sous réserve du paragraphe (3), nommer, pour la durée qu’il détermine, un syndic à titre de séquestre intérimaire de tout ou partie des biens du débiteur faisant l’objet de la garantie sur laquelle porte le préavis.

47 (1) Where the court is satisfied that a notice is about to be sent or has been sent under subsection 244(1), the court may, subject to subsection (3), appoint a trustee as interim receiver of all or any part of the debtor’s property that is subject to the security to which the notice relates, for such term as the court may determine.

(2) Le tribunal peut enjoindre au séquestre intérimaire :

(2) The court may direct an interim receiver appointed under subsection (1) to do any or all of the following:

a) de prendre possession de tout ou partie des biens du débiteur mentionnés dans la nomination;

(a) take possession of all or part of the debtor’s property mentioned in the appointment;

b) d’exercer sur ces biens ainsi que sur les affaires du débiteur le degré de contrôle que le tribunal estime indiqué;

(b) exercise such control over that property, and over the debtor’s business, as the court considers advisable; and

c) de prendre toute autre mesure qu’il estime indiquée.

(c) take such other action as the court considers advisable.

(3) La nomination d’un séquestre intérimaire aux termes du paragraphe (1) ne peut se faire que s’il est démontré au tribunal que cela est nécessaire pour protéger soit l’actif du débiteur, soit les intérêts du créancier qui a donné le préavis visé au paragraphe 244(1).

(3) An appointment of an interim receiver may be made under subsection (1) only if it is shown to the court to be necessary for the protection of

 

(a) the debtor’s estate; or

 

(b) the interests of the creditor who sent the notice under subsection 244(1).

[Soulignement ajouté]

                 (Emphasis added)

[101]    Les tribunaux de plusieurs provinces canadiennes ont accru considérablement les pouvoirs du séquestre intérimaire en se prévalant de la faculté d’enjoindre celui-ci à « prendre toute autre mesure qu’il estime indiquée ».  Ces « autres mesures » ont été élargies à un point tel qu’elles permettaient au séquestre intérimaire de vendre les actifs d’un débiteur insolvable, y compris au moyen d’un processus de sollicitation d’offres d’achat afin de vendre l’entreprise du débiteur en exploitation active.

[102]    Dans Société de crédit commercial GMAC - Canada[98], la Cour suprême du Canada a d’ailleurs reconnu que, sans être illimités, les pouvoirs qu’un séquestre intérimaire pouvait se voir accorder par un tribunal en vertu du par. 47(2) LFI, tel qu’antérieurement rédigé, étaient « assez souples pour permettre une vaste gamme de mesures en rapport avec la prise en charge, la gestion et l’aliénation éventuelle des biens du débiteur »[99].

[103]    Or, ces pouvoirs élargis conférés au séquestre intérimaire concordaient mal avec le rôle conservatoire du séquestre intérimaire énoncé au par. 47(3) LFI et ils n’étaient l’objet que de peu de surveillance judiciaire. Comme le note l’auteur Wood[100] :

Courts began to employ the interim receiver provisions for a much broader purpose. Interim receivers were appointed to operate the business and to sell the assets. The advantage of using an interim receiver was that the court appointment was national in scope and was therefore recognized throughout Canada. A serious drawback of this practice was that all of the federal provisions that were designed to regulate receivers did not apply to an interim receiver.

[Soulignement ajouté; renvois omis]

[104]    Le Comité sénatorial perma­nent des banques et du commerce, chargé d’examiner l’administration et l’application de la LFI, a donc recommandé que le rôle et les pouvoirs du séquestre intérimaire, ainsi que la durée de ses fonctions, soient précisés et restreints à celui de gardien temporaire, tel qu’il devait être à l’origine[101]. Les modifications législatives portées par la suite aux articles 47 et 243 LFI visaient donc à s’assurer que le séquestre intérimaire soit véritablement nommé temporairement avec des pouvoirs limités, c’est-à-dire qu’il ne puisse poser que des gestes de nature conservatoire sur les biens du débiteur insolvable[102].

[105]    Le nouveau texte de l’art. 47 LFI reflète bien cette intention législative, puisque la disposition antérieure qui autorisait le tribunal à permettre au séquestre intérimaire de prendre toutes les mesures indiquées n’y apparaît plus. Ce sont seulement des mesures conservatoires que peut prendre dorénavant le séquestre intérimaire. De plus, la durée du mandat du séquestre intérimaire est fortement balisée, ce dernier devant cesser ses fonctions dans les 30 jours de sa nomination, à moins que le tribunal n’en décide autrement, ou dès la prise de possession des biens par un séquestre au sens du par. 243(2) LFI ou par un syndic de faillite :

47 (1) S’il est convaincu qu’un préavis a été envoyé ou est sur le point de l’être aux termes du paragraphe 244(1), le tribunal peut, sous réserve du paragraphe (3), nommer un syndic à titre de séquestre intérimaire de tout ou partie des biens du débiteur faisant l’objet de la garantie sur laquelle porte le préavis. Ce séquestre intérimaire demeure en fonctions jusqu’à celui des événements ci-après qui se produit le premier :

47 (1) If the court is satisfied that a notice is about to be sent or was sent under subsection 244(1), it may, subject to subsection (3), appoint a trustee as interim receiver of all or any part of the debtor’s property that is subject to the security to which the notice relates until the earliest of

 

a) la prise de possession par un séquestre, au sens du paragraphe 243(2), des biens du débiteur placés sous la responsabilité du séquestre intérimaire;

(a) the taking of possession by a receiver, within the meaning of subsection 243(2), of the debtor’s property over which the interim receiver was appointed;

b) la prise de possession par un syndic des biens du débiteur placés sous la responsabilité du séquestre intérimaire;

(b) the taking of possession by a trustee of the debtor’s property over which the interim receiver was appointed, and

c) l’expiration de la période de trente jours suivant la date de la nomination du séquestre intérimaire ou de la période précisée par le tribunal.

(c) the expiry of 30 days after the day on which the interim receiver was appointed or of any period specified by the court.

(2) Le tribunal peut enjoindre au séquestre intérimaire :

(2) The court may direct an interim receiver appointed under subsection (1) to do any or all of the following:

a) de prendre possession de tout ou partie des biens du débiteur mentionnés dans la nomination;

(a) take possession of all or part of the debtor’s property mentioned in the appointment;

b) d’exercer sur ces biens ainsi que sur les affaires du débiteur le degré de contrôle que le tribunal estime indiqué;

(b) exercise such control over that property, and over the debtor’s business, as the court considers advisable;

c) de prendre des mesures conservatoires;

(c) take conservatory measures; and

d) de disposer sommairement des biens périssables ou susceptibles de perdre rapidement de leur valeur.

(d) summarily dispose of property that is perishable or likely to depreciate rapidly in value.

(3) La nomination d’un séquestre intérimaire aux termes du paragraphe (1) ne peut se faire que s’il est démontré au tribunal que cela est nécessaire pour protéger soit l’actif du débiteur, soit les intérêts du créancier qui a donné le préavis visé au paragraphe 244(1).

(3) An appointment of an interim receiver may be made under subsection (1) only if it is shown to the court to be necessary for the protection of

 

 

(a) the debtor’s estate; or

 

(b) the interests of the creditor who sent the notice under subsection 244(1).

(4) La demande visant l’obtention de l’ordonnance prévue au paragraphe (1) est déposée auprès du tribunal compétent dans le district judiciaire de la localité du débiteur.

(4) An application under subsection (1) is to be filed in a court having jurisdiction in the judicial district of the locality of the debtor.

[Soulignement ajouté]

(Emphasis added)

[106]    Tel que les auteurs Bourassa et Helkaa le précisent[103] :

The recent legislative amendments to the BIA in sections 47 and 47.1 limit the period of the interim receiver appointment and also the powers that may be granted to the interim receiver. The function of an interim receiver has essentially been reduced to its original concept as a “watchdog” role for monitoring the debtor’s estate through the 10-day standstill period required by section 244 of the BIA.

[Soulignement ajouté; renvoi omis]

[107]    En contrepartie, par le biais d’amendements au par 243(1) LFI, le Parlement a ajouté à la LFI la possibilité de nommer un séquestre national agissant sous le contrôle des tribunaux et a conféré à ce séquestre les pouvoirs élargis de disposer des actifs qui avaient été conférés antérieurement par les tribunaux au séquestre intérimaire. Ainsi, comme je l’ai déjà noté, l’art. 47 LFI n’autorise plus le tribunal de permettre au séquestre intérimaire de « prendre toute autre mesure qu’il estime indiquée / take such other action as the court considers advisable », comme le permettait l’ancien al. 47(2)c) LFI. C’est plutôt le séquestre nommé conformément à l’art. 243(1) LFI qui se voit maintenant conférer de tels pouvoirs[104].

[108]    Tel que le note la Cour d’appel de l’Ontario dans Third Eye Capital, le pouvoir de vente anciennement conféré au séquestre intérimaire a été dévolu au séquestre nommé sous le par. 243(1) LFI[105] :

[57]   When Parliament enacted s. 243s. 243s. 243, it was evident that courts had interpreted the wording “take such other action that the court considers advisable” in s. 47(2)(c) as permitting the court to do what “justice dictates” and “practicality demands”. As the Supreme Court observed in ATCO Gas & Pipelines Ltd. v. Alberta (Energy & Utilities Board), 2006 SCC 4, [2006] 1 S.C.R. 140: “It is a well-established principle that the legislature is presumed to have a mastery of existing law, both common law and statute law”. Thus, Parliament’s deliberate choice to import the wording from s. 47(2)(c) into s. 243(1)(c) must be considered in interpreting the scope of jurisdiction under s. 243(1) of the BIA.

[58]   Professor Wood in his text, at p. 510, suggests that in importing this language, Parliament’s intention was that the wide-ranging orders formerly made in relation to interim receivers would be available to s. 243 receivers:

The court may give the receiver the power to take possession of the debtor’s property, exercise control over the debtor’s business, and take any other action that the court thinks advisable. This gives the court the ability to make the same wide-ranging orders that it formerly made in respect of interim receivers, including the power to sell the debtor’s property out of the ordinary course of business by way of a going-concern sale or a break-up sale of the assets. [Emphasis added.]

[Soulignement ajouté]

[109]    Ainsi, les auteurs Bélanger et Rigaud concluent à leur tour que les pouvoirs du séquestre intérimaire sont maintenant purement conservatoires[106] :

Au niveau de la limitation des pouvoirs pouvant être conférés au séquestre intérimaire, les anciens alinéas 47(2)c) et 47.1(2)d) LFI, qui permettaient au tribunal d'enjoindre le séquestre intérimaire « de prendre toutes autres mesures qu'il estime indiquées » et qui avaient été invoquées par le juge Farley à l'origine dans l'affaire Curragh pour justifier d'accorder des pouvoirs de plus en plus étendus en faveur des séquestres intérimaires nommés en vertu des articles 47 et 47.1 LFI, ont été abrogés. Ces alinéas sont remplacés aux paragraphes 47(2) et 47.1(2) LFI par deux alinéas d'une portée beaucoup plus limitée et compatible avec le rôle traditionnel du séquestre intérimaire, à savoir : la prise de mesures conservatoires, et la disposition sommaire de biens périssables ou susceptibles de se déprécier rapidement.

[Soulignement ajouté; renvois omis]

[110]    Ainsi, le séquestre intérimaire de l’art. 47 LFI ne peut dorénavant que prendre des mesures conservatoires. De par sa nature même, une mesure conservatoire ne s’étend pas à la vente de l’entreprise débitrice ou à la mise en place d’un processus de sollicitation d’offres d’achat afin de procéder à une telle vente. Il y a donc lieu de proscrire la nomination d’un séquestre intérimaire en vertu de l’art. 47 LFI afin de mettre en œuvre un processus de sollicitation d’offres d’achat d'une entreprise, puisque cela dépasse largement les pouvoirs qui peuvent lui être conférés conformément à l’art. 47 LFI, tel que présentement rédigé.

[111]    En conclusion, il serait contraire à l’économie de la LFI, telle que présentement rédigée, de procéder à la nomination d’un séquestre intérimaire en vertu de l’art. 47 LFI afin de confier à celui-ci la mise en place d’un processus de vente d’une entreprise, puisqu’il ne s’agit manifestement pas là d’une mesure conservatoire.

TROISIÈME QUESTION : UN SÉQUESTRE DEVRAIT-IL ÊTRE NOMMÉ DANS CE CAS-CI?

[112]    Puisque le recours au séquestre intérimaire n’est pas possible aux fins recherchées par la Laurentienne, y a-t-il lieu de faire droit à la demande de modification des procédures soumise par celle-ci afin d’obtenir la nomination d’un séquestre conformément au par. 243(1) LFI? Notons que les sociétés intimées et les actionnaires minoritaires mis en cause s’opposent à cette demande de modification et la Cour leur a permis de produire des notes écrites supplémentaires à cette fin après l’audition de l’appel.

[113]    Il est reconnu depuis longtemps qu’une partie en appel peut modifier ses actes de procédure en première instance, même lors de l’audition de l’appel, afin de permettre que la véritable question soit placée devant la Cour[107].

[114]    Il y a lieu de faire droit à la demande de modification dans ce cas-ci. Bien que le débat en première instance ait porté, entre autres, sur le caractère urgent de la demande, un facteur pertinent sous l’art. 47 LFI, il demeure que le débat, tant en première instance qu’en appel, a aussi largement porté sur l’art. 243 LFI. De fait, les questions factuelles liées à la pertinence de procéder à la nomination d’un séquestre intérimaire pour la mise en vente des sociétés intimées sont essentiellement les mêmes que celles liées à la pertinence de la nomination d’un séquestre en vertu du par. 243(1) LFI. De plus, n’eût été l’erreur de droit du juge quant à sa compétence conformément au par. 243(1) LFI, la Laurentienne n’aurait assurément pas modifié sa demande originale.

[115]    Cela étant, la nomination d’un séquestre en vertu du par. 243(1) LFI afin de procéder à la vente en continuité d’affaires se justifie-t-elle dans les circonstances de ce dossier?

[116]    Dans l’affaire dont nous sommes saisis, les conditions préalables à la nomination d’un séquestre en vertu du par. 243(1) LFI sont satisfaites. En effet, les garanties hypothécaires de la Laurentienne portent sur la totalité ou la quasi-totalité du stock, des comptes recevables et des autres biens acquis ou utilisés par Media5 et Essagal, ces biens sont utilisés dans le cadre des affaires de ces entreprises, les préavis de l’art. 244 LFI ont été donnés, le délai du par. 243(1.1) LFI a été respecté, les préavis d’exercice des droits hypothécaires cherchant la vente des biens sous contrôle de justice ont été dûment inscrits et notifiés par la Laurentienne, et les délais rattachés à ces préavis sont aussi respectés.

[117]    C’est la question de l’insolvabilité qui doit être examinée plus attentivement afin de décider si les conditions préalables au recours au par. 243(1) sont satisfaites. En effet, certains propos du juge de première instance et le mémoire en appel des intimées et des actionnaires mis en cause laissent entendre que les sociétés intimées ne sont pas véritablement insolvables. Qu’en est-il?

[118]    L’insolvabilité est la situation de fait qui se présente lorsqu’un débiteur n’est pas en mesure de payer ses créanciers[108]. Aux fins de décider si un débiteur est, de fait, insolvable, la définition de « personne insolvable » à l’art. 2 LFI énonce les critères suivants :

personne insolvable Personne qui n’est pas en faillite et qui réside au Canada ou y exerce ses activités ou qui a des biens au Canada, dont les obligations, constituant à l’égard de ses créanciers des réclamations prouvables aux termes de la présente loi, s’élèvent à mille dollars et, selon le cas :

insolvent personmeans a person who is not bankrupt and who resides, carries on business or has property in Canada, whose liabilities to creditors provable as claims under this Act amount to one thousand dollars, and

a) qui, pour une raison quelconque, est incapable de faire honneur à ses obligations au fur et à mesure de leur échéance;

(a) who is for any reason unable to meet his obligations as they generally become due,

b) qui a cessé d’acquitter ses obligations courantes dans le cours ordinaire des affaires au fur et à mesure de leur échéance;

(b) who has ceased paying his current obligations in the ordinary course of business as they generally become due, or

c) dont la totalité des biens n’est pas suffisante, d’après une juste estimation, ou ne suffirait pas, s’il en était disposé lors d’une vente bien conduite par autorité de justice, pour permettre l’acquittement de toutes ses obligations échues ou à échoir. (insolvent person)

(c) the aggregate of whose property is not, at a fair valuation, sufficient, or, if disposed of at a fairly conducted sale under legal process, would not be sufficient to enable payment of all his obligations, due and accruing due; (personne insolvable)

[Soulignement ajouté]

(Emphasis added)

[119]    Au vu de la preuve au dossier, Essagal est effectivement insolvable au sens de la LFI puisqu’elle ne verse plus depuis novembre 2017 ses paiements de capital et d’intérêts sur son prêt à terme auprès de la Laurentienne[109].

[120]    La situation de Media5 est quelque peu différente. Le juge de première instance a conclu que les activités de cette dernière sont rentables puisqu’elle « a tiré des profits de 165 000 $ après le paiement de frais non récurrents de 1 200 000 $ représentant des frais de tolérance pour la banque de 705 000 $, les frais du séquestre proposé au montant de 293 990 $ et les frais des procureurs de la requérante au montant de 487 000 $ »[110]. Il s’agit donc d’une société qui génère un flux monétaire lui permettant de faire face à ses obligations courantes et qui, au surplus, est profitable. Or, puisque Media5 cautionne le prêt à terme d’Essagal lié à l’acquisition des Sociétés FOSS, le fardeau de cette dette repose aussi sur celle-ci[111]. Ainsi, bien que les fonds générés par Media5 semblent suffisants pour assurer la continuité et la profitabilité des activités d'affaires qui lui sont propres, ces fonds semblent insuffisants pour assurer le service de la dette si on ajoute celle liée à l’acquisition des Sociétés FOSS par Essagal et qui est cautionnée par Media5[112].

[121]    De plus, dans le cadre de la convention d’atermoiement du 9 juillet 2019, Media5 s’est formellement engagée à rembourser les arrérages en lien avec le financement d’Essagal d’un montant approximatif de 2 300 000 $ US; elle est toujours en défaut de le faire, ce qui constitue aussi un indice d’insolvabilité.

[122]    Nous nous retrouvons donc dans la situation où la dette d’acquisition des Sociétés FOSS pèse lourdement sur les capacités financières de Media5, au point de faire raisonnablement craindre que la totalité de ses biens ne sera pas suffisante pour permettre l’acquittement de toutes ses obligations échues ou à échoir. La preuve au dossier permet donc de conclure que tant Media5 qu’Essagal sont insolvables, ce qui permet de demander la nomination d’un séquestre en vertu du par. 243(1) LFI à l'égard des deux sociétés.

[123]    Toutes les conditions préalables à une demande présentée conformément au par. 243(1) LFI étant satisfaites, la question qui se pose donc maintenant est celle du caractère opportun du recours.

[124]    À cet égard, la Laurentienne est d’avis que la vente des entreprises de Media5 et d’Essagal en continuité d’affaires s’impose afin de rembourser les prêts consentis à ces deux entreprises tout en préservant les emplois qui se rattachent à leurs entreprises.

[125]    La preuve démontre en effet que l’essentiel des actifs des sociétés intimées est intangible et leur valeur repose surtout sur la continuité de leurs activités. Une interruption de leurs activités occasionnerait donc une perte de valeur significative et probablement irréversible[113]. La vente des deux sociétés en continuité d’affaires semble donc une mesure envisageable.

[126]    Rien dans la preuve ne démontre non plus que la nomination d’un séquestre aux fins de procéder à la vente en continuité d’affaires nuirait outre mesure aux droits des autres créanciers. La preuve révèle que le principal (sinon le seul) créancier garanti est la Laurentienne et que la dette totale due à cette dernière est largement supérieure à celle des créanciers non garantis. De fait, la nomination d’un séquestre et la vente éventuelle des entreprises concernées en continuité d’affaires pourraient être plus bénéfiques aux autres créanciers (notamment les employés) qu’une vente sous contrôle de justice dans l’exercice des droits hypothécaires de la Laurentienne ou qu’une liquidation des actifs dans le cadre d’une ordonnance de faillite en vertu de la LFI. Quoi qu’il en soit, les conditions proposées pour la nomination du séquestre prévoient qu’aucune vente de l’entreprise ne pourra avoir lieu sans l’autorisation préalable de la Cour supérieure à la fin du processus de sollicitation d’offres, ce qui, comme il se doit, assure un regard judiciaire sur la vente elle-même.

[127]    De plus, rien dans la preuve ne démontre non plus que la nomination d’un séquestre ferait échec à une proposition concordataire en vertu de la LFI ou à un arrangement sous la LACC.

[128]    Il est vrai que les prêts de la Laurentienne sont en partie garantis par EDC, ce qui peut laisser entrevoir que la banque se satisferait d’une vente à un prix qui lui permettrait de régler la portion non garantie de ses créances, sans égard aux intérêts des autres créanciers. Par contre, les parties n’ont pas produit les ententes qui lient EDC et la Laurentienne et il est donc difficile de tirer une conclusion à cet égard. D’ailleurs, EDC ne s’est pas manifestée en première instance ou en appel. Il y a cependant lieu de noter que, même si la Laurentienne se faisait payer par sa caution EDC, la dette des sociétés intimées ne disparaitrait pas puisque EDC deviendrait alors créancière par subrogation[114]. En l’occurrence, le fait qu’EDC cautionne cette dette en partie n’affecte en rien le recours pour vendre les entreprises des sociétés intimées, les dettes de celles-ci étant dues sans égard à ce que le cautionnement soit exercé ou non.

[129]    De toute façon, selon l’art. 247 LFI, le séquestre doit gérer les biens de la personne insolvable en toute honnêteté et de bonne foi selon des pratiques commerciales raisonnables. Ces devoirs s’étendent à la vente des entreprises en continuité d’affaires. Il s’agit donc de devoirs similaires à ceux assumés lors d’une vente sous contrôle de justice en exécution d’un droit hypothécaire, où la vente doit se faire dans l’intérêt du débiteur à un prix commercialement raisonnable[115]. Le tribunal peut d’ailleurs préciser ces devoirs dans l’ordonnance de nomination du séquestre.

[130]    Je note enfin que la Laurentienne a communiqué sur une longue période avec les sociétés intimées quant à l’exécution de leurs obligations et a même convenu de plusieurs ententes d’atermoiement, ce qui laisse entendre qu’elle agit de bonne foi. Il est vrai que, malgré cela, la bonne foi de la banque a été remise en question par les actionnaires minoritaires mis en cause, mais rien dans la preuve devant la Cour ne permet de conclure que ce soit le cas.

[131]    Le critère qui demeure donc sans réponse est celui de déterminer si la nomination d’un  séquestre afin de procéder à la vente en continuité d’affaires se justifie dans les circonstances en tenant compte des objectifs plus larges de la LFI, en ce que cela contribuera utilement à éviter, dans la mesure du possible, les pertes sociales et économiques résultant de la liquidation de ces sociétés (notamment les pertes d’emplois) tout en favorisant le règlement juste et ordonné des dettes de celles-ci.

[132]    Dans ce cas-ci, la vente en continuité d’affaires semble, à première vue du moins, préférable à une liquidation pure et simple à la suite d’une ordonnance de faillite ou à une vente d’actifs sous contrôle de justice dans l’exercice des droits hypothécaires de la Laurentienne. Par contre, le juge de première instance ne s’est pas vraiment prononcé à ce sujet puisqu’il a conclu qu’il n’avait pas la compétence en vertu de l’art. 47 LFI ou du par. 243(1) LFI pour procéder à la nomination d’un séquestre. Bien que le juge laisse entendre que Media5 et Essagal font des efforts véritables pour trouver des solutions au problème de fonds de roulement et énonce qu’il aurait suspendu une requête en faillite si elle lui avait été présentée afin de permettre à ces sociétés de proposer un plan de redressement acceptable[116], ces commentaires ne constituent pas une véritable analyse permettant au juge d’exercer valablement sa discrétion pour la nomination d’un séquestre, celui-ci se croyant, à tort, sans compétence à cette fin.

[133]    Les erreurs de droit déterminantes du juge de première instance portant sur sa compétence permettraient à la Cour de procéder elle-même à l’analyse en lieu et place du juge. Par contre, il ne serait pas opportun de le faire dans ce cas-ci.

[134]    Premièrement, plus de six mois se sont écoulés depuis l’audience en première instance et, selon la procureure de Media5 et d’Essagal, la situation financière de ces sociétés se serait considérablement améliorée depuis, notamment la dette de Media5 envers la Laurentienne aurait considérablement diminué et la dette totale combinée des deux sociétés serait relativement stable. Deuxièmement, la Cour ne peut profiter de l’analyse du juge de première instance quant au caractère justifié de la vente en continuité d’affaires en tenant compte des objectifs de la LFI, puisque ce dernier n’a pas mené une analyse approfondie sur cette question, ce qui rend d’autant plus difficile l’analyse de ce critère par cette Cour.

[135]    Dans ces circonstances, il est préférable de retourner le dossier à la Cour supérieure afin de permettre à un autre juge de procéder à l’analyse qui s’impose pour exercer la discrétion judiciaire en vertu du par. 243(1) LFI, en tenant compte de l’ensemble des éléments de preuve déjà dans le dossier, de même que d’une mise à jour de la situation financière de Media5 et d’Essagal. De plus, les conditions d’exercice et l’étendue des pouvoirs du séquestre doivent être établies en fonction d’une preuve de la situation réelle des sociétés intimées mise à jour au moment où l’ordonnance est prononcée, ce qui justifie d’autant plus le retour du dossier devant un autre juge d’instance.

[136]    Finalement, dans leur mémoire d’appel, les sociétés intimées soutiennent que PWC n’aurait pas l’impartialité requise pour agir comme séquestre. Or, outre que cette question n’a pas été soulevée en première instance, rien dans la preuve ne permet de croire que PWC n’agira pas comme séquestre en respectant pleinement les devoirs d’honnêteté et de bonne foi qui lui incombent et qui sont prévus par la loi.

LES CONCLUSIONS

[137]    En conclusion, je propose à la Cour (a) d’accueillir la demande d’amendement de la Laurentienne et d’ainsi permettre à celle-ci de demander la nomination d’un séquestre sous le par. 243(1) LFI telle qu’elle l’avait fait dans sa première demande en date du 18 novembre 2019; (b) d’accueillir en partie l’appel du jugement du 16 décembre 2019; (c) d’infirmer ce jugement; (d) de retourner le dossier à la Cour supérieure afin qu’un autre juge se prononce dans les meilleurs délais sur la demande de nomination d’un séquestre conformément au par. 243(1) LFI; et (e) le tout, sans frais de justice.

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 



[1]     Séquestre de Media5 Corporation, 2020 QCCA 241.

[2]     Séquestre de Media5 Corporation, 2019 QCCS 5369.

[3]     Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B-3.

[4]     Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. 1985, ch. C-44.

[5]     Loi sur les banques, L.C. 1991, ch. 46.

[6]     Transcription du témoignage du 25 novembre 2019 de Christian Bourque, p. 45, ligne 10 à p. 46, ligne 25.

[7]     Pièce R-32, Préavis en vertu de l’article 244 de la LFI transmis le 28 juin 2018.

[8]     Pièce R-33, Préavis en vertu de l’article 244 de la LFI transmis le 19 juillet 2018.

[9]     Pièce R-70, Préavis d’exercice du droit hypothécaire de vente sous contrôle de justice daté du 10 avril 2019, enregistré le 11 avril 2019 au Registre des droits personnels et réels mobiliers; Pièce R-71, Extrait du RDPRM relatif au préavis du droit hypothécaire de vente sous contrôle de justice.

[10]    Id.

[11]    Pièce R-49, Convention de tolérance datée du 9 juillet 2019; Pièce R-50, Acte d’acquiescement à la demande daté du 9 juillet 2019.

[12]    Pièce R-49, Convention de tolérance datée du 9 juillet 2019, clauses 9 et 10.

[13]    Saskatchewan (Procureur général) c. Lemare Lake Logging Ltd., 2015 CSC 53, [2015] 3 R.C.S. 419 (« Lemare Lake »).

[14]    Syndic de Moulée RL inc., 2017 QCCS 1386.

[15]    Id., par. 46 et 82-84.

[16]    Jugement de première instance, par. 23-33.

[17]    Id., par. 34-38, citant notamment sa décision dans Ferme des Hautes Collines (Séquestre de) c. Banque Nationale du Canada, 2008 QCCS 1495, par. 35-44 et 70-73.

[18]    Id., par. 39-44.

[19]    Id., par. 44-45.

[20]    Séquestre de Media5 Corporation, 2020 QCCA 389.

[21]    Voir notamment Ferme des Hautes Collines (séquestre de) c. Banque Nationale du Canada, 2008 QCCS 1495; Média5 Corporation inc. (Séquestre de), 2011 QCCS 6874; Boréal - Informations stratégiques inc. (Avis d’intention de), 2014 QCCS 5595; Viandes Laroche inc. (Avis d’intention de), 2015 QCCS 5768; Atelier Ferland inc. (Séquestre de) et Raymond Chabot inc., 2016 QCCS 6038; Syndic de Moulée RL inc., 2017 QCCS 1386; Séquestre de Gestion EGR inc. et Lemieux Nolet inc., syndics de faillite et gestionnaires, 2017 QCCS 5062, demande de permission d’appeler à la Cour d’appel et appel rejetés, plumitif n° 200-09-009753-184 et 200-09-009640-175; Séquestre de St-Onge et Banque de Montréal, 2017 QCCS 5455; Mise sous séquestre de Mécanique NS inc., 2020 QCCS 1010; Mise sous séquestre de DAC Aviation internationale ltée, 2020 QCCS 1077.

[22]    Mise sous séquestre de Mécanique NS inc., 2020 QCCS 1010,  par. 20.

[23]    Voir notamment 9113-7521 Québec inc. (Syndic de), 2011 QCCS 3429; Groupe Arsenault inc. (Avis d’intention de), 2015 QCCS 898; Groupe Ferme Sylvain Rivard inc. (Séquestre de) et Restructuration Deloitte inc., 2016 QCCS 5088; Transport Passion R inc. c. Banque de développement du Canada, 2019 QCCS 2518; Séquestre de Roland Boulanger & cie ltée, 2019 QCCS 4838. Il faut noter que plusieurs jugements autorisent la nomination d’un séquestre en vertu du par. 243(1) LFI sans préciser si cette mesure fait suite ou non à des préavis selon le Code civil du Québec, voir notamment : 9010-8986 Québec inc. (Syndic de), 2015 QCCS 5856; Groupe Sylvain Rivard inc, (Séquestre de) et Restructuration Deloitte inc., 2016 QCCS 3468; 9099-5374 Québec inc. (Séquestre de) et Financière Transcapital inc., 2016 QCCS 3762; Proposition de Structures Royal inc., 2018 QCCS 2377; Séquestre de Gestion Artemano Canada inc. et Banque de développement du Canada, 2018 QCCS 2572; Séquestre de Société en commandite Portage, 2018 QCCS 5946; Séquestre de Marcoux, 2019 QCCS 3401; Séquestre de Heckey, 2019 QCCS 3399. Voir aussi : Philippe Bélanger et Sylvain Rigaud, « L’arrêt Lemare Lake change-t-il la pratique au Québec en matière de nomination de séquestre? », dans Janis P. Sarra et Barbara Romaine (dir.), Annual Review of Insolvency Law, Toronto, Thomson Reuters, 2016, p. 874.

[24]    Art. 2660 C.c.Q.

[25]    Art. 2664 al. 2 C.c.Q.

[26]    Art. 2665 al. 1 C.c.Q.

[27]    Louis Payette, Les sûretés réelles dans le Code civil du Québec, 5e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2015, no 317 (« Payette »).

[28]    Payette, no 319.

[29]    Art. 2684 C.c.Q.

[30]    Art. 2686 C.c.Q.

[31]    Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice : Le Code civil du Québec, Québec, Publications du Québec, 1993, art. 2748; voir aussi Payette, no 1629; Denise Pratte, Priorités et hypothèques, 4e éd., Sherbrooke, Éditions Revue de Droit de l’Université de Sherbrooke, 2015, no 491, p. 339.

[32]    Art. 2749 et 2757 C.c.Q.

[33]    Art. 2758 al 2. C.c.Q.

[34]    Art. 2758 al. 1 C.c.Q.

[35]    Id.

[36]    Payette, no 1760-1763; Fiducie MCM no 2 c. Marché Central Métropolitain inc., J.E. 2000-1995, EYB 2000-20270, par. 13-14 (C.S.).

[37]    Art. 2761 C.c.Q.

[38]    Art. 2767 C.c.Q.

[39]    Art. 509-515 C.p.c.

[40]    Art. 516-523 C.p.c.; Matériaux Inter-Québec inc. c. Caisse Desjardins du Grand-Coteau, 2006 QCCA 964, par. 5-15 (Beauregard, j.c.a.) et par. 28-34 (Côté, Frappier, jj.c.a.).

[41]    Art. 524-526 C.p.c.

[42]    L’art. 2748 C.c.Q. prévoit effectivement que les mesures provisionnelles prévues dans le Code de procédure civile s’appliquent; voir aussi : Édith Lambert, Commentaires sur le Code civil du Québec (DCQ), Les sûretés, vol. 5, « Exercice des droits hypothécaires et extinction des hypothèques », 2e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2019, no 2748-565 (« Lambert »).

[43]    Art. 2763-2765 C.c.Q.

[44]    Art. 2765 al. 1 C.c.Q.

[45]    Art. 2765 al. 2 C.c.Q.

[46]    Art. 2768 et 1301-1305 C.c.Q.

[47]    Art. 2781-2783 C.c.Q.

[48]    Art. 2778 C.c.Q.

[49]    Art. 2784 C.c.Q.

[50]    Art. 2784-2785 C.c.Q.

[51]    Art. 2791 C.c.Q.

[52]    Art. 2793 C.c.Q.

[53]    Art. 748-749 C.p.c.; Lambert, no 2793-565.

[54]    Art. 744 al. 2 C.p.c.

[55]    Art. 757 C.p.c.

[56]    Art. 6-7 C.c.Q.

[57]    Loi constitutionnelle de 1867 (R.-U.), 30 & 31 Vict., c. 3, reproduite dans L.R.C. 1985, annexe II, n° 5.

[58]    La version française officielle de la Loi constitutionnelle de 1867 utilise les termes « la banqueroute et la faillite » pour traduire « Bankruptcy and Insolvency »; les termes « faillite et insolvabilité » sont par contre d’usage courant.

[59]    Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C. 1985, ch. C-36.

[60]    Loi sur les liquidations et les restructurations, L.R.C. 1985, ch. W-11.

[61]    9354-9186 Québec inc. c. Callidus Capital Corp., 2020 CSC 10, par. 40.

[62]    LFI, par. 72(1).

[63]    Par. 69.3(1) (2) et 70(1) LFI. Il faut noter que la règle est quelque peu différente en cas de proposition concordataire, mais il n’est pas nécessaire d’en traiter dans le cadre du présent appel.

[64]    L’art. 2 LFI définit le « créancier garanti / secured creditor » comme comprenant la personne titulaire d’une hypothèque, ce qui comprend la personne titulaire d’une hypothèque au sens du Code civil du Québec.

[65]    Art. 247 et 249 LFI.

[66]    Saskatchewan Farm Security Act, S.S., 1988-89, c. S-17.1.

[67]    Lemare Lake, par. 17-23.

[68]    Id., par. 25.

[69]    Id., par. 44-45.

[70]    Id., par. 45 in fine.

[71]    Id., par. 46-48.

[72]    Id., par. 68.

[73]    Id., par. 75.

[74]    Id., par. 82.

[75]    Id., par. 129.

[76]    Jacques Deslauriers, La faillite et l’insolvabilité au Québec, 2e éd., Montréal, 2011, Wilson & Lafleur, n1754, p. 530. Voir aussi Philippe Bélanger et Sylvain Rigaud, « L’arrêt Lemare Lake change-t-il la pratique au Québec en matière de nomination de séquestre? », dans Janis P. Sarra et Barbara Romaine (dir.), Annual Review of Insolvency Law, Toronto, Thomson Reuters, 2016, p. 870 (renvoi omis) : « L’article 2748 CcQ se veut clairement exhaustif en matière de mise à exécution des recours hypothécaires. Par contre, il n’exclut pas d’autres types de recours, notamment  le recours personnel et les mesures provisionnelles du Cpc. Rien ne laisse croire à la lecture de l’article 2748 CcQ que le législateur québécois avait l’intention d’exclure toute autre forme de recours en vertu d’une législation fédérale. »

[77]    Third Eye Capital Corporation v. Ressources Dianor Inc./Dianor Resources Inc., 2019 ONCA 508, par. 26-27 (« Third Eye Capital »).

[78]    Lemare Lake, par. 45 et 57-67.

[79]    Virginia Torrie, « Should Paramountcy Protect Secured Creditor Rights? Saskatchewan v Lemare Lake Logging in Historical Context », (2017) 22 Review of Constitutional Studies/Revue d’études constitutionnelles 405, p. 417.

[80]    Roderick J. Wood, « The Incremental Evolution of National Receivership Law and the Elusive Search for Federal Purpose », (2017) 26 Constitutional Forum 1, p. 4-5.

[81]    Lemare Lake, par. 21.

[82]    Maisons Marcoux inc. (Syndic de), 2012 QCCA 192, par. 49-60.

[83]    Anglo Pacific Group, p.l.c. c. Ernst & Young inc., 2013 QCCA 1323, par. 95-104.

[84]    Id., par. 104.

[85]    Id., par. 98.

[86]    Id., par. 100.

[87]    Mise sous séquestre de Mécanique NS inc., 2020 QCCS 1010, par. 21 et 23.

[88]    Lemare Lake, par. 3.

[89]    Id., par. 35.

[90]    Id., par. 36-38.

[91]    Art. 2758 al. 2 C.c.Q.

[92]    Art. 2761 C.c.Q.; Payette, no 1629.

[93]    Corriveau (Proposition de), 2013 QCCS 5442, par. 63-65; Groupe Arsenault inc. (Avis d’intention de), 2015 QCCS 898, par. 38; Mise sous séquestre de DAC Aviation internationale ltée, 2020 QCCS 1077, par. 24.

[94]    Sénécal c. Reid, [1984] C.A. 643, p. 646; Giguère c. Giguère, [1992] R.D.J. 156, 1991 CanLII 3111 (C.A.); Giroux c. Fondation Paul A. Fournier, [1996] R.D.J. 339, 1996 CanLII 6450 (C.A.), par. 22-23; Desjardins c. Desjardins, 2006 QCCS 6292, par. 50.

[95]    Mise sous séquestre de Mécanique NS inc., 2020 QCCS 1010, par. 15-19.

[96]    Art. 8.1 et 8.2 de la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I-21.

[97]    Voir notamment Century Services Inc. c. Canada (Procureur général), 2010 CSC 60, [2010] 3 R.C.S. 379, par. 69-70 et 9354-9186 Québec inc. c. Callidus Capital Corp., 2020 CSC 10, par. 49-51.

 

[98]    Société de crédit commercial GMAC - Canada c. T.C.T. Logistics Inc., 2006 CSC 35, [2006] 2 R.C.S. 123, par. 45.

[99]    Id., par. 45.

[100]   Roderick J. Wood, « The Regulation of Receiverships », dans Janis P. Sarra (dir.), Annual Review of Insolvency Law, Toronto, Thomson Reuters, 2009.

[101]   Lemare Lake, par. 56-58; Third Eye Capital, par. 51-56.

[102]   Lemare Lake, par. 59-60 et 67.

[103]   Kelly J. Bourassa et Deryck Helkaa, « Increased Flexibility in Appointments of Receivers: The Highlights from 2009 », dans Janis P. Sarra (dir.), Annual Review of Insolvency Law, Toronto, Thomson Reuters, 2009, p. 312.

[104]   Al. 243(1)c) LFI; Anglo Pacific Group, p.l.c. c. Ernst & Young inc., 2013 QCCA 1323, par. 97-100; Third Eye Capital, par. 85.

[105]   Third Eye Capital, par. 57-58.

[106]   Philippe H. Bélanger et Sylvain Rigaud, La réforme en matière d'insolvabilité: nouveautés et codification de pratiques existantes, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 108.

 

[107]   Art. 378 et 206-208 C.p.c.; Hamel c. Brunelle et al., [1977] 1 R.C.S. 147; Louise Mailhot et Lysanne Pariseau-Legault, L’appel, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, p. 79.

[108]   Century Services Inc. c. Canada (Procureur général), 2010 CSC 60, [2010] 3 R.C.S. 379, par. 12.

[109]   Par. 173 l) de la Demande de nomination d’un séquestre du 18 novembre 2019, appuyé par la déclaration sous serment de Michael Tsang du 18 novembre 2019.

[110]   Jugement de première instance, par. 44.

[111]   Rapport du séquestre proposé PWC à la Cour supérieure en date du 20 novembre 2019, par. 19.

[112]   Id., par. 22.

[113]   Id., par. 95 iii).

[114]   Art. 1656 et 2356 C.c.Q.

[115]   Art. 744 al. 2 C.p.c.

[116]   Jugement de première instance, par. 46-47.

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