Décision

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R. c. Damphousse

2022 QCCA 1302

COUR D'APPEL

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

MONTRÉAL

 

No : 

500-10-007492-216

        (705-01-106540-182)

 

 

PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE

 

 

MISE EN GARDE : Les parties ont informé la Cour qu’une ordonnance a été prononcée par la Cour du Québec, district de Terrebonne, en vertu de l’article 486.4 C.cr. limitant la publication ou la diffusion de quelque façon que ce soit de tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la victime ou d’un témoin. Cette ordonnance est toujours en vigueur.

 

 

DATE : Le 23 septembre 2022

 

 

 

FORMATION : LES HONORABLES

MARTIN VAUCLAIR, J.C.A.

 

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

 

BENOÎT MOORE, J.C.A.

 

PARTIE APPELANTE

AVOCAT

 

SA MAJESTÉ LE ROI

 

Me jason vocelle lévesque

(Directeur des poursuites criminelles et pénales)

Absent

 

PARTIE INTIMÉE

AVOCATS

 

Pierre damphousse

 

Me FÉLIX BEAUCHEMIN pour

Me Philippe comtois

(OMC Avocats)

Absents

 

 

En appel d’un jugement sur la culpabilité rendu le 17 décembre 2020 par l’honorable Jean Roy de la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale, district de Joliette.

 

NATURE DE L’APPEL :

Acquittement Agression sexuelle.

 

Greffière-audiencière : Lesly Ramos

Salle : Antonio-Lamer

 

 

AUDITION

 

9 h 38

Début de l’audience.

Continuation de l'audience du 22 septembre 2022. Les parties ont été dispensées d’être présentes à la Cour.

PAR LA COUR : Arrêt unanime – voir page 3.

9 h 39

Fin de l’audience.

 

 

 

 

Lesly Ramos, Greffière-audiencière

 


 

ARRÊT

 

MISE EN GARDE : Les parties ont informé la Cour qu’une ordonnance a été prononcée par la Cour du Québec, district de Terrebonne, en vertu de l’article 486.4 C.cr. limitant la publication ou la diffusion de quelque façon que ce soit de tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la victime ou d’un témoin. Cette ordonnance est toujours en vigueur.

[1]                L’intimé a été acquitté d’une accusation d’agression sexuelle. À l’adolescence, la plaignante et lui avaient été des amis proches. Au cours d’une soirée de retrouvailles chez un dénommé S…, réunissant l’intimé, un autre ami et la plaignante, il ressort de la preuve que cette dernière était très intoxiquée par l’effet de l’alcool. Une photo la montre face au sol, immobile. À un moment donné, elle a été placée dans le lit de S…, duquel elle ne se relèvera qu’au matin.

[2]                La plaignante explique qu’elle est couchée, incapable de bouger ou d’ouvrir les yeux. Elle décrit néanmoins avoir senti des attouchements et une brève pénétration vaginale. Elle témoigne aussi des différents sons, paroles et mouvements dont elle se souvient. La plaignante est l’unique témoin au procès. Une déclaration de l’accusé est déposée de même que des échanges de textos, ce qui complète la preuve de la poursuite.

[3]                Le ministère public écrit dans son exposé que «[m]ême si elle est incapable d’ouvrir les yeux ou de bouger, elle peut entendre et affirme reconnaître l’intimé. Le matin suivant, à son réveil, elle constate que l’intimé est encore présent et elle quitte la chambre en raison du malaise qu’elle ressent».

[4]                Le juge n’a pas été convaincu hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l’intimé. Immédiatement après les plaidoiries, il enchaîne avec sa décision prononcée oralement. Par conséquent, et malheureusement, la clarté des motifs en souffre.

[5]                Procédant à l’analyse du témoignage de la plaignante, le juge retient en premier lieu que, selon lui, le comportement de celle-ci, postérieurement à l’agression alléguée, est incongru. Même si le juge dit qu’il ne veut pas « rentrer dans les stéréotypes de l’agression sexuelle », sa décision démontre le contraire sur ce point. Le ministère a raison de le soulever. Ce raisonnement introduit des préjugés évidents et sans équivoque, cela constitue une erreur de droit : R. c. A.R.J.D., [2018] 1 R.C.S. 218, par. 2.

[6]                Les juges doivent cesser d’évaluer les comportements d’une personne en fonction d’une réaction « normale » ou « attendue ». Le comportement humain est complexe. Dès lors, il est hautement problématique et souvent réducteur de juger du comportement « normal » d’un individu, qu’il soit victime ou accusé, dans une circonstance donnée.

[7]                Il n’est plus contestable que, même à l’égard de son agresseur, une victime n’adopte pas nécessairement une réaction normalisée : R. c. J.F., 2018 QCCA 986, par. 12; R. c. D.D., [2000] 2 R.C.S. 275. Ainsi, le juge a eu tort de commenter le comportement de la plaignante qui, selon lui, n’avait pas tenté « d’éviter son agresseur » puisqu’elle avait accepté de le revoir avec le groupe d’amis. Il ne pouvait rien tirer de ce comportement qui est, par ailleurs, expliqué par la plaignante. Cette partie de l’analyse le mène à conclure que la plaignante est « incertaine quant à ces événements » (jugement, M.A. page 32).

[8]                Ce n’est toutefois pas, doit-on comprendre, uniquement pour cette raison qu’il prononce l’acquittement.

[9]                Dans un second temps, et ses motifs auraient sans doute pu être plus clairs, le juge s’attarde à l’état d’intoxication de la plaignante. Évaluant ce dernier de même que l’ensemble de la preuve, le juge conclut que le récit de la plaignante n’atteint pas le degré de fiabilité nécessaire pour le convaincre hors de tout doute raisonnable que l’intimé a commis les gestes reprochés. En ce sens, la première erreur est isolée et dissociée de la preuve d’identification : R. c. Gul, 2020 QCCA 1557, par 43; confirmé sommairement à 2021 CSC 14.

[10]           Dans ce contexte, analysant le témoignage de la plaignante sur l’identification, et sans oublier la preuve matérielle présentée, le juge conclut que l’intimé est probablement coupable, sans plus. La force probante de la preuve n’est pas une question de droit seulement. Il s’agit d’une question de fait. Vu sous cet angle, le ministère public ne peut interjeter appel d’une question de fait : art. 676 C.cr.; R. c. Boudreault, [2012] 3 R.C.S. 157, par. 7; R. c. Biniaris [2000] 1 R.C.S. 381.

[11]           En ce sens, malgré l’erreur de droit démontrée, l’appelant ne convainc pas la Cour que, compte tenu de l’ensemble de la preuve, cette erreur a eu une incidence significative sur le verdict : R. c. Graveline, [2006] 1 R.C.S. 609, par. 14.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[12]           REJETTE l’appel.

 

 

MARTIN VAUCLAIR, J.C.A.

 

 

 

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

 

 

 

BENOÎT MOORE, J.C.A.

 

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