[1]
L’appelant se pourvoit contre un verdict rendu le 14 mai 2018 par un
jury au terme d’un procès présidé par l’honorable Guy Cournoyer de la Cour
supérieure, district de Montréal, lequel le déclare coupable d’avoir comploté
en vue de commettre un acte criminel, soit l’infraction prévue à l'article
[2] Pour les motifs du juge Schrager, auxquels souscrivent la juge en chef Savard et le juge Ruel, LA COUR :
[3] REJETTE l’appel;
[4] ORDONNE à l’appelant de se présenter aux autorités carcérales le ou avant le 1er décembre 2020, à 16 h 00.
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MOTIFS DU JUGE SCHRAGER |
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[5] L’appelant se pourvoit contre un verdict rendu le 14 mai 2018 par un jury au terme d’un procès présidé par l’honorable Guy Cournoyer de la Cour supérieure, district de Montréal[1], lequel le déclare coupable d’avoir comploté en vue de commettre un acte criminel, le complot en question ayant pour objet l’importation et la possession en vue de trafic de résine de cannabis[2].
[6] L’appelant a comparu le 18 avril 2012 et, au procès qui a débuté le 3 avril 2018, il était accusé d’un chef de complot d’importation et de possession en vue de trafic de résine de cannabis ainsi que de trois chefs d’importation.
[7] Les accusations se rapportent à l’arrivée de trois conteneurs en sol canadien, à trois dates distinctes. Acheminés au pays par voies maritimes et ferroviaires, ces conteneurs ont servi au transport de 15 tonnes de résine de cannabis en provenance du Pakistan. Ils ont été interceptés par la Gendarmerie royale du Canada (« GRC »).
[8] Un jury a déclaré l’appelant coupable du premier chef d’accusation (le complot), l’a acquitté du quatrième chef (importation du 3e conteneur) et, faute d’entente, n’a rendu aucun verdict à l’égard des deux autres chefs d’importation (importation des 1er et 2e conteneurs).
[9] Devant la Cour, l’appelant soulève plusieurs moyens d’appel qui peuvent être regroupés sous cinq thèmes : 1) le rejet de sa requête en arrêt des procédures pour délais déraisonnables; 2) l’admissibilité en preuve d’une conversation rapportée par un agent de police; 3) l’ordonnance de procès devant un jury bilingue; 4) la justesse des directives communiquées au jury; et 5) le caractère raisonnable et la compatibilité des verdicts.
[10] Afin de résoudre le premier moyen d’appel, le déroulement des procédures devant la Cour supérieure sera détaillé ci-après. Vu le jugement de première instance et la manière dont je propose de décider de ce moyen d’appel, le sommaire des délais suggéré par le juge suffira pour la compréhension de mes motifs :
[14] […]
14.1. un délai de 5 mois et 29 jours avant la fixation de la première semaine de l'enquête préliminaire;
14.2. un délai de 7 mois et 12 jours entre la fixation du début de l'enquête préliminaire et le début de celle-ci;
14.3. un délai de 19 mois et 11 jours pour compléter l'enquête préliminaire;
14.4. un délai de 4 mois et 26 jours entre le renvoi à procès et la fixation de la date du procès;
14.5. un délai de 34 mois et 1 jour depuis la fixation de la date de procès jusqu'au début de celui-ci et un délai de 36 mois et 27 jours jusqu'à la fin anticipée du procès.
[11] La requête en arrêt des procédures pour délais déraisonnables a été entendue le 9 juin 2017 et a été rejetée le 5 septembre 2017.
[12] Dans son jugement sur la requête fondée sur l’article 11b) de la Charte, le juge résume la position des parties à l’égard des délais dans le tableau ici reproduit[3] :
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Renonciation aux délais |
Attribuable aux co-accusés |
Institutionnel |
Inhérent |
Attribuable à la défense |
Attribuable à la poursuite |
Position de la défense |
0 |
4 mois et 11 jours |
4 ans, 2 mois et 25 jours |
29 jours |
4 mois et 25 jours |
1 an, 1 mois et 12 jours |
Position de la poursuite |
3 ans, 7 mois et 9 jours |
0 |
11 mois et 17 jours |
7 mois et 25 jours |
11 mois et 22 jours |
0 |
[13] D’emblée, il note que la requête de l’appelant est intervenue tardivement. Il émet l’observation liminaire suivante[4] :
[80] Après réflexion et avec le bénéfice du recul, la demande de M. Charron se révèle une tactique dilatoire, frivole et illégitime. Le Tribunal aurait dû la rejeter sommairement.
[81] Nul ne peut reprocher à M. Charron de faire valoir avec vigueur et conviction tous ses droits. Il ne doit pas sacrifier toutes les procédures préliminaires ni sa stratégie, mais il faut en tenir compte pour déterminer le délai qui est raisonnable, tout comme l’inaction d’un accusé à faire valoir son droit.
[82] Or, rien dans le présent dossier ne démontre l’empressement de M. Charron à être jugé rapidement.
[83] Les commentaires qui précèdent justifient d’une manière autonome et indépendante le rejet de la demande de M. Charron.
[14] Il procède tout de même à l’analyse détaillée des délais selon le cadre d’analyse de l’arrêt Jordan[5].
[15] Il fixe le délai total entre le dépôt des accusations (16 avril 2012) et la fin anticipée du procès (29 juin 2018) à 6 ans, 2 mois et 11 jours[6]. Il retranche un délai de 340 jours qu’il impute à la défense, lequel est composé des trois périodes suivantes[7] :
- Le délai de 161 jours entre la fin de la deuxième semaine d’enquête préliminaire (22 novembre 2013) et sa continuation le 2 mai 2014 «doit être attribué pleinement au changement soudain et imprévu de la position de la défense communiquée par lettre le 23 septembre »[8];
- Le délai de 153 jours entre le 2 mai 2014 et la continuation de l’enquête préliminaire le 2 octobre 2014 « s’explique par la demande d’ajournement présenté par l’avocate de M. Charron ». L’ensemble des circonstances établit que l’appelant y a renoncé[9];
- Le délai de 26 jours entre le 7 mai 2015 et le 2 juin 2015 « doit être attribué à M. Charron en raison de la non-disponibilité de son avocate »[10].
Ces déductions effectuées, le délai net est de 63 mois et 8 jours.
[16] Le juge constate que les principales sources de délais se rapportent à la tenue de l’enquête préliminaire (19 mois et 11 jours) et au délai entre la fixation de la date du procès et sa fin anticipée (36 mois 27 jours)[11]. Quant au premier, il affirme que le morcellement de l’enquête préliminaire n’aurait vraisemblablement jamais eu lieu si les parties avaient connu le nouveau cadre d’analyse de l’arrêt Jordan[12]. Il estime que l’appelant a contribué à l’allongement de cette durée[13]. Quant au second, il reconnaît qu’il s’agit d’un symptôme du problème de délais institutionnels important qui a cours dans la région métropolitaine de Montréal[14].
[17] Il s’attarde brièvement au préjudice allégué par l’appelant[15] avant d’énumérer les facteurs entourant l’application de la mesure transitoire exceptionnelle[16]. Il conclut en ces termes[17] :
[121] Le délai dans la présente affaire s’avère considérable.
[122] M. Charron porte la responsabilité de certains délais. Il ne prend aucune initiative pour réduire les délais. Il ne démontre jamais son empressement pour assurer la tenue d’un procès rapide.
[123] Le dossier ne fait voir aucun impair ou aucune erreur de la poursuite. Elle prend plusieurs initiatives pour réduire les délais. Dans les circonstances, elle ne pouvait faire mieux.
[124] Quelle que soit la manière d’aborder la question du préjudice, il faut conclure que la conduite de M. Charron réfute complètement et totalement l’existence d’un préjudice.
[125] M. Charron fait partie des accusés qui ne souhaitent pas véritablement la tenue d’un procès dans un délai raisonnable.
[126] L’ensemble du dossier, les délais attribuables à M. Charron et son manque d’initiative, la conduite exemplaire de la poursuite de même que les longs délais institutionnels systémiques justifient l’application de la mesure transitoire exceptionnelle.
[18] L’appelant formule les arguments suivants afin de démontrer que l’arrêt des procédures devait être ordonné. Il soutient que le juge :
a. a erré en droit en concluant que la requête tardive de l’appelant démontrait son manque d’empressement et justifiait « d’une manière autonome et indépendante le rejet de la demande de M. Charron »;
b. a erré en lui imputant le délai lié au morcellement de l’enquête préliminaire, soit le délai de 161 jours entre le 22 novembre 2013 et le 2 mai 2014 et le délai de 153 jours entre le 2 mai 2014 et le 2 octobre 2014;
c. a erré en concluant que l’appelant n’avait pris aucune initiative pour accélérer les procédures et a erré en concluant que la poursuite avait eu un comportement exemplaire;
d. a erré en concluant que le comportement de l’appelant réfutait complètement et totalement l’existence d’un préjudice;
e. a erré en refusant, ultimement, d’ordonner l’arrêt des procédures.
[19] Dans l’arrêt Jordan, la Cour suprême établit un nouveau cadre d’analyse pour l’application de l’alinéa 11b) de la Charte[18]. Ce cadre vise à mettre fin à la culture de complaisance à laquelle l’ancien cadre d’analyse développé dans l’arrêt Morin[19] n’a pas su remédier[20]. La Cour suprême établit un plafond au-delà duquel le délai est présumé déraisonnable : elle fixe ce plafond à 18 mois pour les affaires instruites devant une cour provinciale et à 30 mois pour celles instruites devant une cour supérieure ou devant une cour provinciale au terme d’une enquête préliminaire[21]. La Cour suprême insiste : « Si le délai total entre le dépôt des accusations et la conclusion réelle ou anticipée du procès (moins les délais imputables à la défense) dépasse le plafond, il est présumé déraisonnable » et il appartient alors au ministère public de réfuter cette présomption[22]. Si, au contraire, le délai est en deçà du plafond présumé, c’est à la défense que revient le fardeau de démontrer le caractère déraisonnable du délai[23].
[20] Le délai devant être comparé au plafond présumé est le délai net, c’est-à-dire le délai total duquel on déduit les délais imputables à la défense. Les délais imputables à la défense sont de deux ordres : 1) les délais que la défense renonce à invoquer de manière claire et sans équivoque, de manière implicite ou explicite; et 2) les délais qui résultent uniquement ou directement de sa conduite illégitime. L’illégitimité peut s’étendre tant aux actions qu’à l’inaction de la défense. La conduite de la défense doit faire l’objet d’un examen global : « [l]e nombre total de demandes présentées par la défense, leur solidité, leur importance, la proximité des plafonds établis dans Jordan, le respect de toutes les exigences en matière de préavis ou de dépôt et la présentation de ces demandes dans les délais impartis constituent autant de considérations pertinentes qui peuvent être prises en compte »[24]. Bref, l’examen de la conduite vise autant la décision de prendre une mesure que la manière dont celle-ci est exécutée. Une requête manifestement mal fondée, une multiplicité de requêtes dilatoires ou l’indisponibilité de l’accusé ou d’un procureur peuvent constituer des exemples de délais résultant uniquement de la conduite de la défense. Cela dit, rappelons que le plafond établi prend en considération le délai nécessaire à la préparation d’un dossier et des requêtes légitimes et non frivoles qui visent à répondre aux accusations. Partant, les délais qui découlent de la conduite légitime de la défense ne doivent pas lui être imputés[25].
[21] Dans les cas où le plafond fixé est dépassé, le ministère public peut démontrer que le délai est raisonnable dans les circonstances exceptionnelles du dossier. Les circonstances exceptionnelles sont décrites comme suit :
Des circonstances exceptionnelles sont des circonstances indépendantes de la volonté du ministère public, c’est-à-dire (1) qu’elles sont raisonnablement imprévues ou raisonnablement inévitables, et (2) que l’avocat du ministère public ne peut raisonnablement remédier aux délais lorsqu’ils surviennent. […] Il n’est pas nécessaire qu’elles satisfassent à un autre critère en étant rares ou tout à fait insolites. […]
Une fois que le plafond est dépassé, le ministère public ne peut se contenter d’invoquer une difficulté passée. Il doit aussi démontrer qu’il a pris des mesures raisonnables qui étaient à sa portée pour éviter et régler le problème avant que le délai maximal applicable — le plafond — ne soit dépassé.[26]
[22] La Cour suprême identifie deux types de circonstances exceptionnelles : 1) les événements distincts; et 2) les affaires particulièrement complexes. Dans tous les cas, le ministère public doit avoir pris des mesures raisonnables pour atténuer les délais découlant de ce type de circonstances[27].
[23] Il n’est pas nécessaire pour les fins du présent dossier d’examiner en détail ce qui peut constituer un événement distinct ou bien le critère servant à déterminer si une affaire est particulièrement complexe.
[24] Le cadre d’analyse développé dans Jordan s’applique avec souplesse aux affaires déjà en cours. La Cour suprême prévoit que, dans les cas où la déduction des délais liés à des événements distincts ne permet pas d’abaisser le délai sous le plafond et où un délai supérieur au plafond ne peut être justifié par la complexité de l’affaire, une mesure transitoire exceptionnelle peut s’appliquer. Cette mesure transitoire vise à permettre aux justiciables du système de s’adapter au nouveau cadre d’analyse prescrit; comme l’explique la Cour suprême, il « ne serait pas juste de juger rigoureusement les participants du système de justice criminelle au regard de normes dont ils n’avaient pas connaissance »[28]. Cela étant, la mesure transitoire peut justifier les délais qui excèdent le plafond dans deux situations distinctes.
[25] Premièrement, les délais qui dépassent le plafond peuvent être justifiés si :
[…] le ministère public convainc la cour que le temps qui s’est écoulé est justifié du fait que les parties se sont raisonnablement conformées au droit tel qu’il existait au préalable. Cela suppose qu’il faille procéder à un examen contextuel, eu égard à la manière dont l’ancien cadre a été appliqué et au fait que la conduite des parties ne peut être jugée rigoureusement en fonction d’une norme dont ils n’avaient pas connaissance. Par exemple, le préjudice subi et la gravité de l’infraction ont souvent joué un rôle décisif dans la décision quant au caractère raisonnable du délai lorsqu’il s’est agi d’appliquer l’ancien cadre d’analyse. Pour les causes en cours d’instance, ces considérations peuvent donc aider à déterminer si les parties se sont raisonnablement fondées sur l’état antérieur du droit. Bien entendu, si, après le prononcé du présent jugement, les parties ont eu le temps de corriger leur conduite et le système a disposé d’un certain temps pour s’adapter, le juge du procès doit en tenir compte.[29]
[Soulignement ajouté]
[26] Bref, pour la portion du délai survenu « avant Jordan, il importe de s’attacher aux facteurs qui étaient pertinents pour l’application du cadre établi dans Morin […]. Pour la partie du délai qui s’écoule après le prononcé de Jordan, il faut plutôt s’attacher à la question de savoir si les parties et les tribunaux ont disposé de suffisamment de temps pour s’adapter »[30]. La complexité de l’affaire, la longueur de la période excédant les lignes directrices de l’arrêt Morin, le degré général de diligence des parties, l’existence de délais institutionnels tenaces et connus, le préjudice subi par l’accusé et la gravité de l’infraction sont tous des facteurs à prendre en compte dans l’application de la mesure transitoire exceptionnelle[31]. S’il est clair que l’évaluation du préjudice et de la gravité de l’infraction a été évacuée du cadre de l’arrêt Jordan, ces deux facteurs continuent de tenir un rôle prépondérant dans l’application de la mesure transitoire[32].
[27] Deuxièmement, « le délai peut excéder le plafond parce que la cause est moyennement complexe dans une région confrontée à des problèmes de délais institutionnels importants »[33]. La Cour suprême précise cependant la portée de cette seconde justification en ces termes :
La mesure transitoire exceptionnelle dont il est question ici reconnaît qu’il faut du temps pour implanter des changements et que les délais institutionnels — même s’ils sont importants — ne donneront pas automatiquement lieu à des arrêts de procédures.
Les droits de tous les accusés protégés par l’al. 11b) ne peuvent pas pour autant être suspendus pendant que le système cherche à s’adapter au nouveau cadre d’analyse établi en l’espèce. Les tribunaux vont donc continuer à conclure à la violation des droits protégés par l’al. 11b) et des causes pendantes feront encore l’objet d’ordonnances d’arrêt des procédures. Par exemple, dans une cause simple, si le délai excède considérablement le plafond en raison d’erreurs et d’impairs répétés du ministère public, le délai pourrait être jugé déraisonnable même si les parties agissaient en fonction de l’ancien cadre d’analyse. L’examen doit toujours être contextuel. Nous nous fions au bon sens des juges de première instance pour juger du caractère raisonnable du délai dans les circonstances de chaque cas.[34]
[28] Dans Rice, la Cour affirme que, même si l’affaire est moyennement complexe dans une région confrontée à des problèmes de délais institutionnels importants, « cela ne met pas fin à l’analyse qui exige de regarder si ce sont bien ces délais qui sont à l’origine du dépassement et, sous ce rapport, le comportement du ministère public est pertinent »[35].
[29] Dans tous les cas, la diligence de la poursuite est souvent un critère décisif pour l’application des mesures transitoires[36] et, comme l’exprime la Cour suprême :
[…] pour la plupart des affaires en cours d’instance, le prononcé du présent jugement ne devrait pas transformer automatiquement en un délai déraisonnable ce qui aurait antérieurement été considéré comme un délai raisonnable. Il faut du temps pour changer les choses.[37]
[30] Enfin, rappelons que les tribunaux d’appel doivent faire montre d’une grande déférence envers les conclusions du ou de la juge du procès. On considère que les juges de première instance sont bien placés pour déterminer les causes et répercussions des délais dans les procédures qu’ils président. En particulier, les cours d’appel doivent accorder beaucoup de déférence aux conclusions du juge de première instance prises en première instance quant aux délais imputés à la défense, à la complexité du dossier, aux raisons des délais et à la pondération des facteurs pertinents à l’application des mesures transitoires[38]. Dans Rice, la Cour détaille la latitude dont jouissent les tribunaux d’appel :
31 Le défi est donc
grand pour les juges et peut-être encore plus pour les juges d'appel, de qui la
Cour suprême requiert la déférence envers « l'expertise », ou
pourrait-on dire, l'expérience, des juges de procès : R. v. Cody,
32 L'approche préconisée est rigoureuse, mais fondée sur des concepts généraux. Le juge doit respecter le cadre d'analyse pour déterminer s'il y a violation, sous peine de voir sa décision révisée par un tribunal d'appel qui constatera alors une erreur de droit.
33 Toutefois, il appartient
aux juges d'instance d'évaluer les situations. Sous ce rapport, les tribunaux
d'appel doivent faire preuve de déférence. À défaut de démontrer que le juge
a tiré une inférence ou une conclusion clairement erronée, qui n'est pas fondée
sur la preuve ou clairement déraisonnable ou encore une autre erreur manifeste
et déterminante ayant un impact sur la décision finale, les tribunaux d'appel
ne doivent pas intervenir : R. v. Clark,
34 Cette intervention limitée évitera de nous ramener à la situation antérieure où les nuances de gris n'en finissent plus, de sorte que la ligne à ne pas franchir s'y fond et s'y perd.
35 Une cour d'appel doit nécessairement laisser la discrétion au juge d'instance d'évaluer les différentes situations. Il connaît sa cour, son fonctionnement, son milieu et les acteurs. Entre autres, le juge d'instance bénéficie d'une connaissance privilégiée des affaires comparables qui ne font ni l'objet d'appel ni d'analyse particulière, mais qui agissent néanmoins comme des points de repère indéniables.[39]
[Soulignements ajoutés]
[31] J’examine maintenant les arguments de l’appelant en fonction de ces principes.
[32] Les propos liminaires du juge ne sont pas déterminants puisque, en définitive, il procède à l’évaluation au fond suivant le cadre de l’arrêt Jordan. Cela dit, ses constatations sur le comportement de la défense, à ce stade de son analyse, ont tout de même une grande influence sur les autres arguments soulevés par l’appelant. Je m’y attarderai donc brièvement.
[33] Le pouvoir des juges d’instance de rejeter sommairement des requêtes en arrêt de procédures a été expressément reconnu par la Cour suprême dans l’arrêt Cody[40].
[34] Le tribunal ne peut rejeter la requête sur le simple fondement de sa présentation tardive; il doit d’abord vérifier ses chances de succès. La présentation tardive de la requête demeure toutefois un facteur pertinent dans l’évaluation du préjudice relié aux délais[41].
[35] En l’espèce, le juge retient que l’appelant n’avait aucun empressement à être jugé dans un délai raisonnable. À titre de juge gestionnaire, il était aux premières loges pour constater le manque de diligence de l’appelant qui, je tiens à le souligner, s’appuie fortement sur la preuve. D’abord, soulignons que la requête fut signifiée le 17 mars 2017, soit plusieurs mois après le jugement de la Cour suprême dans Jordan (8 juillet 2016). Avant cette date, aucune requête de ce type n’était envisagée. Au cours de la gestion d’instance, l’avocate de l’appelant a tenté de minimiser l’impact des délais, notamment pour justifier sa demande de suspension de la gestion d’instance et ses multiples demandes de remise. Elle affirmait alors que les délais ne posaient pas problème et qu’aucune requête en arrêt des procédures ne serait présentée. Elle a toujours été réticente à fixer des dates de procès avant de connaître l’issue de la contestation du renvoi à procès et elle n’a pas manqué l’occasion d’en faire part au juge gestionnaire et au juge coordonnateur. Lors des plaidoiries sur sa requête en suspension de la gestion d’instance (qui a été présentée près de quatre ans et demi après le dépôt de la dénonciation), l’avocate de l’appelant indique que les délais ne seront pas invoqués.
[36] L’absence d’empressement constaté en l’espèce est certainement un indice du peu de préoccupation de l’appelant à l’égard des délais. Le juge ne commet pas d’erreur en tenant compte de ce facteur dans l’analyse du préjudice subi. J’y reviendrai sous peu.
[37] Après toute l’analyse de l’imputation des délais, la poursuite arrive à un délai net de 63 mois et 8 jours et la défense à 68 mois et 3 jours. Dans les deux cas, le délai excède grandement les lignes directrices établies dans l’arrêt Morin et le plafond fixé dans l’arrêt Jordan. Le juge le constate d’ailleurs dans ses motifs. L’argument central de l’appelant, voulant que certains délais ne lui soient pas réellement imputables (notamment sa façon de consentir aux admissions recherchées par la poursuite), n’a, ce faisant, aucun impact sur le résultat ultime de la requête en vertu de l’article 11 b) de la Charte.
[38] Le juge de première instance a bien exposé le cadre juridique applicable et a déduit, comme il se doit, les trois périodes occasionnées par les mesures illégitimes de la défense. C’est à l’étape de l’application de la mesure transitoire exceptionnelle qu’il évalue le degré de diligence global des parties et conclut comme suit[42] :
[9] L’analyse contextuelle du présent dossier fait ressortir que M. Charron ne démontre aucun intérêt soutenu et pressant à être jugé rapidement.
[10] Il n’a pris aucune initiative pour accélérer les procédures et certains délais lui sont attribuables.
[11] Aucune erreur ou impair répétés ne peuvent être imputés à la poursuite qui, elle, prend certaines initiatives pour accélérer les procédures. De plus, on ne peut reprocher à la poursuite de ne pas avoir pris de mesures additionnelles. Sa vigilance se révèle constante.
[39] À mon avis, ces conclusions sont raisonnables et trouvent appui dans la preuve.
[40] L’appelant soutient à tort que le juge a omis de considérer plusieurs facteurs dans son évaluation de la conduite des parties. Avant de conclure que la défense avait manqué d’initiative et que l’intimée avait fait preuve d’un comportement exemplaire, le juge a procédé à une analyse contextuelle du dossier. S’il omet de mentionner certains éléments de preuve dans ses motifs, cela ne veut pas nécessairement dire qu’il a omis de les considérer[43].
[41] Somme toute, l’évaluation globale du comportement de l’appelant révèle le manque d’empressement et d’initiative d’être traduit en justice. La difficulté de collaborer à l’égard des admissions, les multiples demandes de remise et le désir de suspendre la gestion d’instance près de quatre ans et demi après le début des procédures sont plusieurs indices qui appuient la conclusion que l’appelant a fait preuve d’un manque de diligence.
[42] Quant à l’attitude de l’intimée, le juge ne commet pas d’erreur révisable quand il conclut qu’elle « ne pouvait faire mieux »[44]. Plusieurs facteurs illustrent la diligence dont elle a fait preuve tout au long des procédures, notamment :
- sa rapidité à transmettre le projet d’admissions;
- le fait qu’elle communique, très tôt dans le processus, ses inquiétudes vis-à-vis de la durée de l’enquête préliminaire;
- son empressement à demander la tenue d’une conférence préparatoire à la suite du changement de position soudain de la défense;
- son empressement à fixer les dates d’enquête préliminaire manquantes;
- son objection constante aux demandes de remise de la défense et sa détermination à poursuivre la gestion de l’instance malgré les procédures en appel.
[43] Le juge était justifié de conclure que « la conduite de M. Charron réfute complètement et totalement l’existence d’un préjudice »[45].
[44] Sous Morin, le facteur du préjudice subi par l’accusé était une condition essentielle à toute demande fondée sur l’alinéa 11 b) de la Charte, de sorte que « [d]ans des circonstances où on ne déduit pas qu’il y a eu préjudice et où celui-ci n’est pas autrement prouvé, le fondement nécessaire à l’application du droit individuel est gravement ébranlé »[46]. Le préjudice pouvait être déduit du seul écoulement du temps ou pouvait faire l’objet d’une preuve spécifique[47].
[45] Certes, la question du préjudice est intimement liée à la longueur du délai[48]. Cependant, il appartient ultimement à l’accusé de démontrer qu’il y a eu préjudice ou d’écarter une telle conclusion en se fondant sur la preuve[49]. À titre d’exemple, la poursuite peut tenter de démontrer « que l'accusé fait partie de la majorité qui ne souhaite pas avoir un procès rapproché et que le délai lui a profité plutôt que de lui causer un préjudice »[50].
[46] Bien que le droit que la protection de l'alinéa 11b) de la Charte ne soit pas limité aux accusés qui démontrent « qu'ils désirent un règlement rapide de leur affaire en faisant valoir le droit d'être jugés dans un délai raisonnable »[51], le tribunal doit tout de même tenir compte de l'inaction d’un accusé afin d’évaluer le degré de préjudice[52]. Dans Rice, le juge Vauclair réitère que « [l] ’absence d’empressement est un indice du peu de préoccupation de l’accusé à l'égard des délais et peut servir à évaluer le préjudice »[53].
[47] Dans le présent dossier, la preuve révèle que l’appelant a fait preuve de peu d’empressement. Comme je l’indiquais plus haut, cette conclusion du juge est raisonnable et s’appuie sur la preuve. Partant, il lui était loisible de conclure que la conduite de l’appelant réfutait la présomption simple selon laquelle le seul écoulement du temps lui causait un préjudice. L’argument de l’appelant doit donc échouer.
[48] Ultimement, le juge de première instance décide d’appliquer la mesure transitoire exceptionnelle. Cette décision est prise au terme d’un exercice de pondération des divers facteurs pertinents, qui incluent la complexité de l’affaire, la longueur de la période excédant les lignes directrices de l’arrêt Morin, le degré général de diligence des parties, l’existence de délais institutionnels tenaces et connus, l’absence de préjudice subi par l’accusé et la gravité de l’infraction en cause[54]. En dernière analyse, le juge indique que « [l]’ensemble du dossier, les délais attribuables à M. Charron et son manque d’initiative, la conduite exemplaire de la poursuite de même que les longs délais institutionnels systémiques justifient l’application de la mesure transitoire exceptionnelle » [55].
[49] Ce constat est raisonnable et il mérite la déférence de la Cour. Comme il est mentionné dans Rice[56] :
Il appartient aux juges de recourir à leur expérience pour déterminer si, dans un cas donné, la mesure transitoire s'applique malgré des délais qui peuvent être qualifiés de très longs. Il s'agit d'une évaluation multifactorielle qui relève avant tout du juge d'instance. Il n'y a pas de réponse parfaite à cette équation qui est tout sauf mathématique. Si le cadre d'analyse doit nécessairement être suivi et correct, la pondération des différents facteurs menant à une évaluation et à un résultat raisonnable demeure à l'abri d'une intervention du tribunal d'appel.
[Soulignement ajouté]
[50] Dans ses motifs, le juge de première instance énonce correctement le cadre d’analyse applicable. D’emblée, il souligne que les délais excèdent grandement les lignes directrices de l’arrêt Morin[57]. Il mentionne que l’appelant a fait preuve de peu d’initiative pour accélérer les procédures et que certains délais lui sont attribuables[58]. En contrepartie, il indique que « la vigilance de la poursuite se révèle constante » et que « le dossier ne fait voir aucun impair ou aucune erreur » de sa part[59]. Il reconnaît que « le dossier cheminait dans un ressort aux prises avec certains problèmes de retard systémiques »[60]. Quant au préjudice, il conclut que la conduite de l’appelant réfute complètement et totalement l’existence d’un préjudice[61]. Dans son analyse, ce dernier facteur semble déterminant.
[51] Ces conclusions sont raisonnables et appuyées par la preuve. Rappelons que l’évaluation du préjudice continue de tenir un rôle important dans l’application de la mesure transitoire[62]. En conséquence et vu la déférence due au juge d’instance, il n’y a aucune raison d’intervenir quant au jugement sur l’application de l’article 11 b) de la Charte dans ce dossier.
[52] Je traiterai maintenant des autres moyens d’appel.
[53] Je rappelle que les accusations concernent l’importation au Canada de trois conteneurs.
[54] Les 15 et 16 août 2010, un conteneur en provenance du Pakistan en direction de Montréal est intercepté par les autorités italiennes à la demande de la GRC dans le port de Gênes en Italie. Les autorités italiennes saisissent environ 7,1 tonnes de résine de cannabis. La GRC et les autorités italiennes remplacent la résine de cannabis par du sel en laissant deux échantillons de stupéfiant dans le conteneur. Elles installent également du matériel technique, dont un dispositif de localisation qui détecte les mouvements. Elles replacent par la suite le conteneur dans le port de Gênes afin de procéder à une livraison contrôlée.
[55] Les présumés conspirateurs récupèrent les documents d’expédition du conteneur et en prennent possession dans le port de Montréal le lendemain de son arrivée (2 septembre 2010). Ils transportent le conteneur dans un parc industriel à LaSalle. Le même jour, l’un des présumés conspirateurs téléphone à l’appelant à plusieurs reprises.
[56] La preuve permet d’inférer que le conteneur est ouvert par deux des présumés conspirateurs dans la nuit du 8 au 9 septembre. Au cours de cette opération, l’un d’eux tente de communiquer avec l’appelant à diverses reprises. Ce même individu communique de nouveau avec l’appelant le matin du 9 septembre, puis à plusieurs reprises dans la journée.
[57] Le 12 septembre 2010, le conteneur est saisi par la GRC. Lors de l’ouverture des portes, l’enquêteur constate que, contrairement à la façon dont les marchandises étaient disposées lors de la fermeture des portes en Italie, des boîtes au centre sont écrasées et qu’un sac contenant du sel de substitution est ouvert et se trouve à l’extérieur de sa boîte d’origine.
[58] Le 21 septembre 2010, un conteneur transportant 6 tonnes de résine de cannabis en provenance du Pakistan arrive par voie ferroviaire au Canada après avoir transité par les États-Unis.
[59] Cette même journée, alors que le conteneur se trouve sur les rails à la station l’interchange d’Huntingdon (une zone sous douanes au Canada), une série d’appels intervient entre certains des présumés conspirateurs et l’appelant. Plus tard, cette même journée, les présumés conspirateurs se rendent à la station l’interchange d’Huntingdon où se trouve le conteneur. Ils détectent la surveillance des agents de l’Agence des services frontaliers du Canada (« A.S.F.C. ») et quittent les lieux.
[60] Le 22 septembre 2010, l’A.S.F.C. et la GRC saisissent le conteneur avec les 6 tonnes de résine de cannabis. Les 23 et 24 septembre 2010, l’un des présumés conspirateurs et l’appelant ont deux conversations au cours desquelles il est question de fixer une rencontre.
[61] Le 2 décembre 2010, lors d’une conversation téléphonique avec l’un des coaccusés, l’appelant est informé que la femme d’un membre du groupe a eu une visite de la GRC au sujet du deuxième conteneur et qu’il s’agit « the same thing as last time ».
[62] Le 4 octobre 2010, un conteneur en provenance du Pakistan en route vers Montréal est intercepté par les autorités belges à la demande de la GRC dans le port d’Anvers en Belgique. Les autorités belges saisissent 2,5 tonnes de résine de cannabis dans le conteneur et la GRC procède à une livraison contrôlée.
[63] Le 21 octobre 2010, l’appelant communique avec l’un des présumés conspirateurs et une rencontre est prévue pour le lendemain. Celle-ci se déroule à l’ancien Forum de Montréal en compagnie de plusieurs des présumés conspirateurs, dont l’appelant. Le conteneur arrive à Montréal le 3 novembre, et plusieurs appels et messages textes sont échangés par le groupe, incluant l’appelant.
[64] Le comportement des présumés conspirateurs, lors de ces rencontres et des communications qui les précèdent, est décrit par l’expert au procès comme des méthodes de contre-filature (exemple : langage évasif, utilisation de code et de surnoms).
[65] D’après les communications interceptées entre l’appelant et l’un des présumés conspirateurs, une seconde rencontre est planifiée le 23 octobre.
[66] Le 3 novembre, le conteneur arrive dans le port de Montréal. Cette même journée, l’appelant et l’un des présumés conspirateurs se donnent rendez-vous dans le Vieux-Port de Montréal. Un échange de documents y a lieu. L’appelant repart avec des documents qu’il place dans la poche de son manteau. Ces documents pourraient correspondre aux documents de transport maritime récupérés plus tôt par le complice.
[67] Plus tard dans la journée, l’appelant est observé dans un bar avec un homme du nom de Mireault. Tous deux discutent de documents qui sont disposés sur la table devant eux. Au même moment, les bribes suivantes sont entendues par un policier en filature :
CHARRON : …vingt (20) tonnes minimum…y ont de l'équipement en tabarnak…
CHARRON : …Dis-y qu’il m'appelle…
MIREAULT : …Je vais y dire en chrisse…
CHARRON : …Pas de problème avec ça…
MIREAULT : …Je peux le prendre mardi ou jeudi midi…
CHARRON : …Jeudi midi pour toé…
CHARRON : …De toute façon, on règle ça demain…
MIREAULT : …Y a rien de garanti…
CHARRON : …J'ai hâte de voir qu’essé qu’y avait là-dedans…
[68] Les différentes bribes de conversation ne sont pas entendues de manière continue, c’est-à-dire que quelques minutes peuvent s’être écoulées entre chacune d’elles. Toutefois, le policier a précisé qu’il a entendu ces paroles dans cet ordre. À un certain moment, l’appelant plie les documents qui sont sur la table et les remet dans la poche de son manteau.
[69] Le 12 novembre 2010, le conteneur est saisi par la GRC dans le port de Montréal. Trois jours après cette saisie, le 15 novembre 2010, une conversation est interceptée entre l’appelant et l’un des présumés conspirateurs au cours de laquelle ils tentent d’organiser une rencontre. L’appelant utilise, une fois de plus, un intermédiaire et du langage évasif pour faire référence au lieu de la rencontre.
[70] L’appelant soutient que le juge de première instance a erré en fait et en droit en admettant en preuve les bribes de conversation citées ci-haut. Il ajoute que le juge a erré en droit en omettant d’émettre une directive limitative sur l’usage que le jury pouvait faire de cet élément de preuve.
[71] Au cours du procès, l’appelant s’est fermement opposé à l’admissibilité de cette preuve. Devant la Cour, il soutient que le contexte qui entoure ces bribes de conversation est insuffisant pour permettre au jury de lui attribuer un sens. Il souligne que le policier a capté certaines paroles au travers des bruits ambiants du bar où il se trouvait, mais qu’il est incapable de rapporter l’ensemble de la conversation qui s’est déroulée de 19 h 40 à 20 h 06. Dénuée de tout contexte, la signification de ces paroles demeure hautement spéculative. En l’absence de signification, ces paroles n’ont aucune valeur probante et donc, par le fait même, aucune pertinence à un fait en litige. La position de l’appelant s’appuie principalement sur la décision Ferris de la Cour d’appel de l’Alberta[63].
[72] Quant au préjudice, l’appelant soutient qu’il est de deux ordres : d’une part, le jury risquait d’inférer à tort que ces paroles fragmentées constituaient une admission de sa participation aux infractions et, d’autre part, les paroles « 20 tonnes minimum » risquaient d’amener le jury à spéculer sur l’existence d’un autre complot ou d’autres importations sans rapport avec les présentes accusations. En outre, il affirme que les directives qui ont été communiquées au jury étaient insuffisantes pour neutraliser ces risques de préjudice.
[73] Le 21 mars 2018, au terme de son délibéré, le juge rejette l’objection de l’appelant et déclare la preuve admissible[64].
[74] Le 18 avril 2018, l’appelant présente une seconde requête afin d’exclure les bribes de conversation, et, plus précisément, les paroles « 20 tonnes minimum ». Cette requête est rejetée séance tenante.
[75] Dans ses motifs, le juge reproduit intégralement les observations écrites de l’intimée[65] avant d’indiquer qu’il adhère à sa position[66]. Il appuie sa conclusion sur la doctrine et la jurisprudence pertinente, notamment les arrêts Ferris[67] et Hunter[68] :
[23] Dans la présente affaire, le contexte de la conversation entre l’accusé et M. Mireault s’avère légèrement plus précis et détaillé que dans les affaires Ferris et Hunter, mais, sans un contexte plus large, ces bribes seraient clairement inadmissibles.
[24] Toutefois, la chronologie des événements, les conversations qui précèdent cette rencontre, la remise de documents par Forget à l’accusé, le contexte de cette conversation et l’utilisation de ces documents lors de la conversation avec Mireault accroissent suffisamment la force probante de ses bribes de conversations pour les admettre en preuve.
[25] Il va de soi qu’une mise en garde appropriée au jury pour en expliquer l’utilisation qui peut en être faite et les paramètres entourant l’évaluation de leur force probante s’avérera nécessaire.
[76] Pour donner suite aux débats supplémentaires qui ont eu lieu le 18 avril 2018, le juge rend les motifs suivants :
Alors,
je suis prêt à rendre jugement. Alors, maître Nedelcu m'invite à réviser un
jugement qui a été rendu le vingt et un (21) mars deux mille dix-huit
(2018), la référence étant
Monsieur Charron s'oppose à la mise en preuve des mots «vingt (20) tonnes minimum» parce que cette preuve serait susceptible d'avoir un préjudice qui dépasse la force probante. La question du préjudice exige d'évaluer, comme le dit le Juge Binnie dans l'arrêt Handy au paragraphe... Handy, H-A-N-D-Y, au paragraphe 100:
«Il est nécessaire d’évaluer à la fois le préjudice moral (c’est à dire la stigmatisation susceptible de découler de la “mauvaise personnalité”) et le préjudice par raisonnement (y compris la possibilité de semer la confusion dans l’esprit des jurés et de détourner leur attention de l’accusation réellement portée contre l’intimé).»
Bien que je reconnaisse qu'un certain préjudice est susceptible de découler de cette preuve, j'estime qu'une mise en garde sur, d'une part, le contexte de cette conversation et, d'autre part, une directive générale, mais spécifique à cette conversation, interdisant aux jurés la spéculation, en d'autres termes, d'indiquer aux jurés la différence entre une inférence et la spéculation, est susceptible d'atténuer tout préjudice qui pourrait en résulter.
Au final, il s'agit d'une preuve circonstancielle. Cette preuve n'est pas différente de certains des autres éléments qui sont mis en preuve dans une preuve de communication privée interceptée par écoute électronique.
Pour ces motifs, je rejette la demande de révision et la demande d'exclusion des termes «vingt (20) tonnes minimum».
[77] Ultimement, l’agent a donc rendu témoignage devant le jury afin de relater ses observations du 3 novembre 2010. Au moment de livrer ses directives finales, le juge a communiqué une directive particulière à l’égard de cette preuve[69] :
[142] Au sujet de la conversation entre M. Charron et M. Mireault, la prudence s'impose.
[143] Le policier qui se trouve le plus loin s'avère celui qui entend le mieux la conversation. Seules des bribes de conversations sont entendues. La preuve fournit un contexte minimal de cette conversation et de son contenu. Le tout se déroule dans un endroit relativement bruyant. La nature de la relation entre M. Charron et M. Mireault n'a fait l'objet d'aucune preuve par la poursuite. Même si M. Mireault est identifié comme co-conspirateur dans le chef d'accusation de complot, ceci ne constitue pas une preuve comme je vous l'ai déjà dit. Ainsi, bien qu'il soit identifié comme co-conspirateur, aucune preuve n'a été présentée pour établir sa participation dans le présent dossier.
[144] Voilà pourquoi vous devez aborder avec prudence l'évaluation de cette preuve de même que les conclusions que vous pourriez tirer quant à la nature des discussions entre eux. Cette évaluation vous appartient à la lumière de l'ensemble de la preuve et des événements qui précèdent leur rencontre.
[78] Je propose de rejeter ce moyen d’appel. Voici pourquoi.
[79] Comme règle générale, une preuve pertinente à l’égard d’un fait en litige est admissible, mais son admissibilité demeure sujette à la règle d’exclusion générale voulant que sa valeur probante surpasse son effet préjudiciable[70].
[80] Dans Ferris[71], un individu avait été arrêté pour meurtre et mis en détention. Au cours de son séjour au poste de police, il a été autorisé à téléphoner à son père. Un policier passant tout près de lui a alors entendu certaines bribes de conversation, dont les paroles « …I killed David … ». Le policier était toutefois incapable d’affirmer si ces paroles étaient précédées ou suivies d’autres mots, ou bien encore de recadrer ces paroles dans une phrase ou dans la conversation qui avait eu lieu.
[81] La majorité de la Cour d’appel de l’Alberta a conclu à l’inadmissibilité de cette preuve vu l’absence de circonstances ou de contexte pouvant permettre d’en inférer le sens[72]. C’est donc dire que les paroles étaient trop équivoques pour constituer un aveu. La Cour suprême confirme la décision dans un court arrêt où le juge Sopinka mentionne que « […] sa signification était si conjecturale et sa valeur probante si faible que le juge du procès aurait dû l'exclure pour le motif que son effet préjudiciable l'emportait sur sa valeur probante »[73]. En effet, comme le souligne la Cour d’appel de l’Alberta, les mots « I killed David » ne peuvent constituer une admission sans contexte élargie; la phrase complète aurait bien pu être « They think I killed David but I didn’t »[74].
[82] De manière similaire, la Cour d’appel de l’Ontario déclare inadmissible la bribe « I had a gun but I didn’t point it … ». Est-ce que la phrase complète était « I could say I had a gun but I didn’t point it but I won’t because it is not true … ». Nul ne peut le savoir. Même si cette preuve peut avoir une certaine pertinence, le sens des mots est si spéculatif que leur valeur probante devient minime, alors que leur effet préjudiciable est substantiel[75].
[83] Les principes énoncés dans Ferris ne doivent pas être compris comme une règle d’inadmissibilité stricte : les déclarations incomplètes ou équivoques ne sont pas toutes inadmissibles. Il est également faux de prétendre qu’une déclaration incomplète est automatiquement dénuée de toute valeur probante. L’évaluation diffère selon chaque cas d’espèce. L’exercice de mise en balance entre la valeur probante et l’effet préjudiciable est un exercice particularisé qui, ultimement, dépend des faits de chaque dossier[76].
[84] Dans tous les cas, l’appréciation de la valeur probante et de l’effet préjudiciable commande une grande déférence en appel[77]. Lorsque le juge du procès détermine que la valeur probante d’un élément de preuve l’emporte sur son effet préjudiciable, il lui est permis de tenir compte des directives limitatives qui seront éventuellement communiquées au jury afin d’atténuer l’effet préjudiciable de l’élément de preuve en question[78].
[85] Le juge ne commet aucune erreur en énonçant les principes juridiques applicables. Il conclut à bon droit que « la chronologie des événements, les conversations qui précèdent cette rencontre, la remise de documents par Forget (un complice) à l’accusé, le contexte de cette conversation et l’utilisation de ces documents lors de la conversation avec Mireault accroissent suffisamment la force probante de ses bribes de conversations pour les admettre en preuve »[79].
[86] À mon avis, la preuve en question diffère foncièrement de celle dont il était question dans les arrêts Ferris, Hunter et Cody (QCCA)[80]. Contrairement à ces causes, la conversation en l’espèce n’est pas déposée à titre d’aveu. Clairement, il ne s’agit pas d’une admission de culpabilité. Les bribes de conversation en question constituent une preuve circonstancielle pertinente à l’égard de certaines questions en litige, notamment l’existence de l’entente ainsi que la participation de l’appelant à celle-ci. Elle était également admissible puisque le contexte élargi de la conversation entre l’appelant et Mireault accroissait suffisamment la force probante des bribes pour supplanter leur effet préjudiciable.
[87] Le fait que Mireault soit ou ne soit pas nommé comme coconspirateur dans le chef d’accusation ne change rien à l’admissibilité de ses paroles. Celles-ci servaient, tout au plus, à contextualiser les paroles prononcées par l’appelant[81]. Je note d’ailleurs que les paroles de Mireault ne sont pas incriminantes comme telles.
[88] Les risques de préjudice évoqués par l’appelant sont plutôt faibles et ont été grandement mitigés par les directives[82]. D’abord, les bribes ne risquaient pas d’être confondues avec un aveu de sa participation au complot. Il s’agit tout au plus d’un élément de preuve circonstancielle qui, à lui seul, ne pouvait établir un fait en litige. Il se distingue donc de la preuve d’aveu qui, elle, emporte de lourdes conséquences, lorsque acceptée par le jury. Ensuite, le risque que le jury associe cette preuve à l’existence d’une autre transaction criminelle, non visée par les chefs d’accusation, était minime. La conversation interceptée entre l’appelant et Mireault s’est déroulée la journée même de l’arrivée du troisième conteneur et non plusieurs semaines après sa saisie, comme c’était le cas dans l’arrêt Cody (QCCA).
[89] Bien que l’une des bribes mentionne « 20 tonnes », un volume qui ne concorde avec aucune des trois importations mises en preuve ni avec le total de 15,6 tonnes, il s’agit là possiblement d’une incohérence qui devait ultimement être laissée à l’appréciation du jury. Il en va de même des inférences qui pouvaient raisonnablement être tirées de la preuve. Il revenait au jury, juge des faits, d’apprécier la preuve circonstancielle présentée par le ministère public, d’y ajouter foi ou non et, en définitive, d’en tirer les inférences raisonnables qu’il jugeait à propos.
[90] Les directives finales du juge étaient suffisantes pour réduire considérablement le risque de préjudice lié à l’admission de cette preuve. D’emblée, le juge explique au jury qu’il doit tirer ses propres conclusions de la preuve et qu’il doit « toujours s'appuyer sur des faits présentés devant [lui] ». Il ajoute :
Vous ne devez pas spéculer, vous livrer à des conjectures ou vous demander si d'autres éléments de preuve auraient pu vous être présentés ou non. Vous ne devez pas élaborer de scénarios ou de théories qui ne sont pas fondées sur les faits présentés en preuve devant vous.
[91] Au sujet de la conversation entre l’appelant et Mireault, il mentionne que « la prudence s’impose ». Il énumère certains facteurs pouvant servir à évaluer la valeur probante de la preuve, notamment le positionnement du policier Laquerre au moment de capter cette conversation, le bruit ambiant du bar, le caractère incomplet des paroles et l’absence de preuve quant à la nature de la relation entre l’appelant et Mireault. Il souligne que « la preuve fournit un contexte minimal de cette conversation et de son contenu ». Il conclut sa directive en affirmant que l’évaluation de la preuve doit se faire « à la lumière de l’ensemble de la preuve et des événements qui précèdent leur rencontre ».
[92] Pour tous ces motifs, je propose le rejet de ce moyen d’appel.
[93]
Le 2 juin 2015, lors de la fixation de la date de procès, l’appelant
demande et obtient une ordonnance pour la tenue d’un procès devant juge et jury
en français suivant l’article
[94]
Le 16 mars 2017, le ministère public dépose une requête afin que le
procès se déroule dans les deux langues officielles suivant l’article
530(5) Modification de l'ordonnance
Toute ordonnance rendue en vertu du présent article prévoyant le déroulement d'un procès dans l'une des langues officielles du Canada peut, si les circonstances le justifient, être modifiée par le tribunal pour prévoir son déroulement dans les deux langues officielles du Canada, et vice versa. |
530(5) Variation of order
An order under this section that a trial be held in one of the official languages of Canada may, if the circumstances warrant, be varied by the court to require that it be held in both official languages of Canada, and vice versa. |
[95] Pour justifier sa demande, le ministère public mentionne que la majorité des communications interceptées sont en anglais; tous les coconspirateurs sont anglophones, à l’exception de l’appelant. Il prévoit mettre en preuve 2 660 sessions audio et 826 messages SMS afin d’établir l’identité des utilisateurs de téléphones cellulaires et l’identification de leur voix (qui ne sont pas admises par la défense). Sur les 2 660 sessions audio, 94 communications serviront à prouver l’infraction de complot. Sur ces 94 conversations, 91 sont en anglais et 7 d’entre elles impliquent l’appelant.
[96]
Le débat porte essentiellement sur les deux questions suivantes : le
ministère public peut-il demander une modification de l’ordonnance suivant
l’article
[97] Dans ses motifs déposés le 2 mars 2018, le juge énonce la question suivante: « La poursuite peut-elle demander d’ordonner la tenue d’un procès devant un jury bilingue si une portion importante de la preuve sera présentée dans une langue officielle différente de celle choisie par l’accusé pour la tenue de son procès[83]? »
[98]
Pour répondre à cette question, il fait longuement état des propos du
juge Bastarache dans l’arrêt R. c. Beaulac[84]
de la Cour suprême, une décision de référence en matière de droits
linguistiques[85].
S’appuyant sur certains passages de la jurisprudence pertinente, il mentionne
que « le droit linguistique de l’accusé repose sur un fondement distinct
du droit à l’équité du procès, du droit à une défense pleine et entière et de
la compréhension linguistique de la preuve par le juge des faits »[86].
Il reconnaît le caractère exceptionnel de l’ordonnance de la tenue d’un procès
devant un jury bilingue[87].
Par ailleurs, il affirme que la rédaction générale du paragraphe
[99] Le juge passe ensuite à l’évaluation des circonstances de l’affaire. Au terme de son analyse, il affirme que les circonstances justifient que le procès se déroule devant un jury bilingue. Il accueille la requête de la poursuite tout en fixant certaines conditions[89] :
[34] Dans la présente affaire, la poursuite entend présenter plus de 2660 conversations et 826 messages textes dont la majorité est en anglais. La durée anticipée de cette écoute sera d’environ 135 heures, ce qui se traduira par plus de 6 semaines de procès.
[35] Pour les motifs formulés par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Sarrazin et adoptés par la Cour d’appel dans l’arrêt Gagnon, les circonstances exigent certainement la tenue du procès devant un jury bilingue en raison de la production volumineuse de l’écoute électronique et des messages textes en langue anglaise.
[36] Toutefois, tel que le reconnait (sic) la poursuite, il convient de rendre une ordonnance selon le paragraphe 530.2(1) qui prévoit que l’accusé, le tribunal et la poursuite utiliseront le français durant le procès. Ainsi l’exposé d’ouverture et la plaidoirie finale de la poursuite seront en français tout comme les directives finales au jury.
[37] La poursuite verra à fournir à l’accusé une traduction officielle de l’écoute électronique et des messages textes qui seront produits en preuve.
[Soulignements ajoutés]
[100]
L’appelant soutient que les circonstances invoquées au sujet de la
demande du ministère public en vertu de l’article
[101] Dans Beaulac, la Cour suprême décrit la portée et l’objectif du droit prévu à l’article 530 C.cr.[90] :
Le paragraphe 530(1) donne à l'accusé le droit absolu à l'accès égal aux tribunaux désignés dans la langue officielle qu'il estime être la sienne. Les tribunaux saisis d'affaires criminelles sont donc tenus d'être institutionnellement bilingues afin d'assurer l'emploi égal des deux langues officielles du Canada. À mon avis, il s'agit d'un droit substantiel et non d'un droit procédural auquel on peut déroger.
[Soulignements ajoutés]
[102] Ce droit est distinct de l’équité du procès[91]. Il vise à protéger les droits linguistiques des minorités d’une langue officielle du Canada et à assurer l’égalité du statut du français et de l’anglais devant les tribunaux[92].
[103]
En d’autres termes, l’imposition d’un procès bilingue n’atténue pas en soi le droit absolu de l’accusé de voir
ses droits fondamentaux en matière linguistique respectés[93]. Les droits prévus aux articles
[104] Dans Gagnon, la Cour dit ceci :
[… ] un procès bilingue est celui qui respecte, « dans la mesure du possible, le droit de l'accusé de subir son procès dans la langue officielle qui est la sienne ». Un procès de cette nature doit garantir à l'accusé et à son avocat la possibilité de communiquer avec le juge et la poursuite dans la langue officielle de son choix, et ce, tant oralement que par écrit.
[36] Il doit aussi recevoir l'assurance que les jurés chargés de décider du verdict comprennent de manière adéquate, sans le filtre d'un interprète, le sens précis des débats tenus en salle de cour, et ce, peu importe la langue officielle employée par les acteurs concernés.[95]
[Soulignement ajouté]
[105] En l’espèce, est-ce que « les circonstances […] justifient » un procès bilingue? Je crois qu’aucune erreur révisable n’est commise par le juge dans l’exercice de sa discrétion à cet égard.
[106] Au moment de débattre de la requête, l’intimée entendait mettre en preuve 2 660 sessions audio et 826 SMS. Elle l’a d’ailleurs clairement mentionné dans sa requête. Lors de l’audition du 15 novembre 2017, l’avocate de l’intimée a modifié sa requête oralement afin de préciser que 94 sessions audio serviraient à prouver les infractions substantielles de complot et d’importation et que, sur ces 94 conversations, 91 étaient en langue anglaise. Les 2 566 sessions restantes demeuraient pertinentes afin d’établir l’identité des utilisateurs de téléphones cellulaires et l’identification de leur voix, puisque la défense n’avait formulé aucune admission à cet égard au moment de la présentation de la requête. Cette dernière allégation n’a jamais formellement été rayée de la requête écrite.
[107] Il était raisonnable d’affirmer que la preuve d’écoute électronique était de taille et qu’elle justifiait d’ordonner la tenue d’un procès bilingue. Cette conclusion s’accorde avec la jurisprudence de la Cour en la matière. Dans Gagnon, la Cour a confirmé deux ordonnances de procès bilingues qui avaient été imposées en raison notamment d’une preuve d’écoute électronique volumineuse[96].
[108] En présence d’une telle preuve d’écoute électronique volumineuse de langue anglaise, la capacité du jury de comprendre la preuve sans le filtre de l’interprète est importante[97].
[109]
En l’espèce, l’ordonnance de procès bilingue pouvait s’appuyer sur ce
seul facteur. Il revenait alors au juge de s’assurer du respect des droits linguistiques de l’accusé « dans la mesure du
possible »[98]. Pour ce faire, le juge a rendu une ordonnance suivant l’article
[110] Au procès, la preuve de la poursuite était composée d’écoute électronique, de registres de téléphones, de filatures, de preuve documentaire et de témoignages, incluant ceux de deux coconspirateurs et d’un expert policier. La défense n’a fait entendre aucun témoin.
[111] L’intimée avançait comme théorie de la cause que l’appelant était un intermédiaire qui avait un intérêt financier dans l’importation ou bien qu’il était lui-même acheteur des stupéfiants.
[112] L’appelant soutient, en premier lieu, que la directive du juge concernant l’infraction de complot était lacunaire et erronée à plus d’un égard. Premièrement, le juge devait aviser le jury que l’accusation de complot, telle que portée, nécessitait qu’il soit convaincu hors de tout doute raisonnable que l’objet du complot consistait à importer les trois conteneurs maritimes. Au départ, l’acte d’accusation comportait trois chefs de complot ayant chacun pour objet une des trois importations. L’intimée a déposé un nolle prosequi sur ces trois chefs de complot spécifiques et a choisi de procéder sur un seul chef de complot général ayant pour objet les trois importations de conteneurs ainsi que la possession en vue de trafic. Ce faisant, l’appelant soutient qu’il lui revenait de prouver que l’entente entre les conspirateurs concernait les trois importations et non l’une ou l’autre d’entre elles. En l’absence d’une directive claire sur l’objet du complot, l’appelant estime qu’il existe un risque que le jury l’ait condamné pour un complot dont l’objet était une importation tout autre que celles prévues dans l’acte d’accusation. En outre, il argue que le juge a erré en omettant d’indiquer au jury que, pour conclure à l’existence du complot détaillé dans le chef d’accusation, il devait être convaincu qu’au moins deux des conspirateurs allégués s’étaient entendus en vue d’importer les trois conteneurs, et que l’appelant avait pris part à cette même entente visant les trois importations.
[113] En deuxième lieu, l’appelant soutient que le juge devait aviser le jury que l’accusation de complot telle que portée nécessitait qu’il soit convaincu hors de tout doute raisonnable que le complot visait à la fois les trois importations et la possession à des fins de trafic, et non l’un ou l’autre de ces objets. Il souligne, en outre, que le juge a fait état à plus d’une reprise d’un complot pour importation et trafic, plutôt que du complot tel que libellé d’importation et de possession à des fins de trafic. Selon l’appelant, ces erreurs ont pu laisser croire au jury que l’appelant pouvait être déclaré coupable d’un complot pour trafic qui n’avait rien à voir avec l’importation des trois conteneurs maritimes.
[114] Enfin, en dernier lieu, l’appelant soutient que le juge a erré en omettant d’indiquer au jury qu’il lui était interdit d’inférer l’existence d’un complot en se fondant uniquement sur la commission des actes substantifs d’importation.
[115] La preuve doit établir l’existence du complot allégué dans le chef d’accusation, sans égard au fait que la preuve révèle l’existence d’une entente plus large que celle imputée[101] ou bien de multiples ententes qui y sont incluses[102].
[116] Les divergences mineures entre le complot établi par la preuve et celui décrit dans l’acte d’accusation ne sont pas fatales. À ce sujet, les commentaires du juge Cory dans l’arrêt Douglas valent d’être reproduits[103] :
Si le complot dont la preuve est faite met en cause un nombre de personnes inférieur au nombre des accusés ou ne s'est produit que durant une partie seulement de la période indiquée, dans ce cas le complot prouvé peut tout de même être assimilé à celui imputé dans l'acte d'accusation. Pour conclure qu'un complot donné est visé par l'acte d'accusation, il suffit que la preuve produite démontre que le complot prouvé met en cause certains des accusés; qu'il a eu lieu au cours de la période indiquée dans l'acte d'accusation; que son objet était le type d'infraction imputé.
[117] Le complot allégué dans le chef d’accusation peut comporter plus d’un objet illégal. La Cour a déjà souligné que la preuve d’une entente en vue de commettre l’un des multiples actes illégaux mentionnés dans l’acte d’accusation était suffisante pour fonder un verdict de culpabilité de complot[104].
[118] Une fois l’existence de l’entente établie, il suffit que l’accusé ait une connaissance générale de celle-ci et qu’il ait l'intention d'y adhérer à une étape[105]. Dès lors, une condamnation sera justifiée[106].
[119] La décision de procéder sur un chef de complot général plutôt que sur trois chefs de complot spécifiques relève du pouvoir discrétionnaire de la poursuivante[107]. Deux choix s’offraient à elle : alléguer et prouver l’existence d’une entente générale (que celle-ci comporte ou non plusieurs sous-ententes spécifiques), ou bien alléguer et prouver l’existence de plusieurs ententes spécifiques comprises dans un plan général[108]. En définitive, ce qui importe est qu’elle ait prouvé, hors de tout doute raisonnable, l’existence de l’entente décrite dans le chef d’accusation.
[120] En l’espèce, l’unique complot allégué était facilement identifiable grâce aux dates, aux lieux et aux prétendus conspirateurs nommés dans le chef d’accusation. Il s’agit, sans équivoque, d’une seule entente générale ayant deux objets illégaux : elle vise à la fois l’importation de résine de cannabis et la possession de cette résine de cannabis à des fins de trafic[109].
[121] Sans les citer au long, j’estime que les directives du juge étaient suffisantes. Évaluées dans leur ensemble, selon une approche fonctionnelle, et sans perdre de vue le contexte global du procès[110], celles-ci ont renseigné adéquatement le jury sur l’objet du complot allégué. La formule abrégée utilisée à quelques reprises par le juge du procès (« complot dans le but d’importer de la résine de cannabis et d’en faire le trafic »)[111] ne peut avoir confondu le jury. Il ressort clairement de son exposé que l’entente alléguée visait deux objets, soit l’importation de résine de cannabis et la possession en vue d’en faire le trafic de cette résine de cannabis. D’ailleurs, l’avocate de l’appelant ne s’est jamais opposée à cette formulation. Sans être déterminante, l’absence d’opposition doit tout de même être prise en compte. Il s’agit certainement d’un indice de la justesse générale des directives ainsi que de la gravité de l’erreur commise[112].
[122] Puisque le chef d’accusation n’impute qu’une seule entente générale ayant plusieurs objets distincts, la preuve hors de tout doute raisonnable d'une entente visant l'un de ces objets illégaux était suffisante pour fonder une condamnation sur ce chef. En cela, l’exposé du juge est conforme au droit applicable.
[123] L’appelant n’a, par ailleurs, aucune raison de prétendre que le jury a pu inférer à tort l’existence d’une entente en se fondant uniquement sur la commission des infractions substantielles d’importation. Le juge mentionne, à plus d’une reprise, que l’infraction inchoative de complot est distincte des infractions substantielles d’importations. Il précise que chaque chef d’accusation doit faire l’objet d’une preuve hors de tout doute raisonnable.
[124] Le juge a clairement distingué le complot des trois autres infractions reprochées. Il a invité le jury à tenir compte des éléments de preuve entourant l’importation des trois conteneurs afin de déterminer si une entente précédait leur arrivée. Il s’agit d’éléments de preuve circonstancielle qui, jumelés à d’autres, permettaient d’inférer l’existence de l’entente. Le juge ne commet donc aucune erreur révisable à ce chapitre.
[125] En conclusion, les arguments de l’appelant concernant les directives ne me convainquent pas que l’intervention de la Cour est méritée.
[126] L’appelant soutient que le verdict de culpabilité rendu sur le chef de complot est déraisonnable; la preuve circonstancielle présentée par le ministère public serait tout aussi compatible avec son innocence. Il soutient également que ce verdict est incompatible avec le verdict d’acquittement prononcé sur le quatrième chef d’accusation et l’impasse sur le deuxième et le troisième chefs d’accusation. Selon lui, la preuve relative aux importations était si inextricablement liée à celle concernant le chef de complot qu’il est logiquement impossible de les dissocier l’une de l’autre. De ce fait, les verdicts incompatibles sur ces chefs doivent être jugés déraisonnables.
[127] Lors d’un appel portant sur le caractère raisonnable d’un verdict rendu par un jury, l’appelant doit démontrer qu’un jury ayant reçu des directives appropriées et qui agit de manière judiciaire n’aurait raisonnablement pas pu rendre le verdict, notamment si un tel verdict ne peut s’appuyer sur la preuve admissible[113]. Lorsque les accusations sont fondées sur une preuve de nature circonstancielle, des considérations particulières s’appliquent, tel que la Cour en fait état dans l’arrêt Dubourg[114] :
[19] Lorsque les accusations sont fondées, en tout ou pour un élément essentiel, uniquement sur de la preuve circonstancielle, des considérations particulières s’appliquent. La Cour suprême dans Villaroman a établi qu’une preuve circonstancielle hors de tout doute raisonnable est faite lorsque la seule inférence raisonnable qu’elle peut soutenir est celle de la culpabilité de l’accusé. Si ce n’est pas le cas et qu’une inférence raisonnable est compatible avec son innocence, il subsiste forcément un doute raisonnable et il doit être acquitté. Les inférences compatibles avec l’innocence n’ont pas à être fondées sur la preuve ou sur des faits prouvés, puisque le doute raisonnable peut découler de l’absence de preuve.
[20] En combinant ces deux ensembles de principes, on conclut que, pour déterminer si un verdict fondé sur de la preuve strictement circonstancielle est raisonnable, il faut se demander si une appréciation raisonnable de toute la preuve peut mener à la conclusion que la seule inférence raisonnable mène à la culpabilité de l’accusé. En résumé, les conclusions tirées de la preuve par le juge des faits et la conclusion que la seule inférence raisonnable est celle de la culpabilité sont-elles raisonnables?
[128] De même, un verdict peut être jugé déraisonnable en raison de son incompatibilité avec d’autres verdicts[115].
[129] En l’espèce, l’appelant ne peut prétendre à des verdicts incompatibles. Il est possible en droit qu’une personne soit déclarée coupable de l’infraction inchoative de complot et acquittée de l’infraction substantielle d’importation. Il est aussi possible que le jury ait trouvé l’appelant coupable d’un complot visant uniquement la possession en vue d’en faire le trafic de résine de cannabis s’il ne pouvait s’entendre sur le volet concernant l’importation. Ainsi, le verdict de culpabilité sur le chef de complot est facilement réconciliable avec le verdict d’acquittement visant la troisième importation.
[130] Un verdict qui repose sur une thèse alternative à celle présentée lors du procès demeure raisonnable s’il trouve assise dans la preuve et qu’il concorde avec les directives données par le juge[116].
[131] Au procès, il est vrai que le ministère public a tenté de démontrer que l’appelant avait participé aux importations à titre d’auteur réel. Cela dit, il était tout de même loisible au jury de conclure que l’appelant avait adhéré à une entente générale visant l’importation de résine de cannabis et/ou sa possession dans un but de trafic, sans pour autant conclure que l’appelant avait importé cette substance à titre d’auteur réel. La preuve permettait au jury d’inférer que le rôle de l’appelant, dans ce complot général, avait commencé après que chacune des importations fut complète en droit[117], notamment à titre d’intermédiaire entre Forget (auteur réel de l’importation) et un acheteur potentiel.
[132] Au cours de ses délibérations, le jury a soumis une question au juge du procès afin de s’assurer que des verdicts distincts pouvaient être rendus sur chacun des chefs. Avec l’accord des avocats, le juge a confirmé que « [l]a condamnation de monsieur Charron à l’égard du premier chef d’accusation ne le rend pas automatiquement coupable de l’un ou l’autre des trois (3) autres chefs d’accusation » et qu’il pourrait « arriver à la conclusion qu’il a conclu une entente en vue d’importer des stupéfiants sans participer à l’importation de la résine de cannabis visée par le complot ». Cette réponse est correcte en droit[118].
[133] En l’espèce, les verdicts ne sont pas incompatibles[119]. Le verdict de culpabilité sur le chef de complot est raisonnable et rien ne justifie de l’annuler.
* * *
[134] Pour tous ces motifs, je propose de rejeter l’appel.
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MARK SCHRAGER, J.C.A. |
[1] Sa Majesté la Reine c. Alain Charron, C.S. Montréal, n° 500-73-003742-125, 14 mai 2018, Cournoyer, j.c.s. [verdict].
[2]
Article
[3]
Jugement sur la requête en délai déraisonnable,
[4] Jugement sur délai, supra, note 3, par. 80-83.
[5]
R. c. Jordan,
[6] Jugement sur délai, supra, note 3, par. 84.
[7] Id., par. 105.
[8] Id., par. 96.
[9] Id., par. 101
[10] Id., par. 104.
[11] Jugement sur délai, supra, note 3, par. 106.
[12] Id., par. 110.
[13] Id., par. 111.
[14] Id., par. 114-117.
[15] Id., par. 118-119.
[16] Id., par. 120.
[17] Id., par. 121-126.
[18] Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11 [Charte].
[19] R. c. Morin,
[20]
Jordan, supra, note 5, par. 29-45; Rice c. R.,
[21]
R. c. Cody,
[22] Jordan, supra, note 5, par. 47; Voir également: Agostini, supra, note 21, par. 11; Rice, supra, note 20, par. 40-43 et 76-79; Béliveau, supra, note 21, par. 91.
[23] Jordan, supra, note 5, par. 48, 82-91.
[24] Cody, supra, note 21, par. 32; Voir aussi : Rice, supra, note 20, par. 66.
[25]
Cody, supra, note 21, par. 30-35; R. c. Williamson,
[26]
Cody, supra, note 21, par. 45-46; Jordan, supra,
note 5, par. 69-70; Voir également : Rice, supra, note 20,
par. 78-81; Béliveau, supra, note 21, par. 91; R. c.
Huard,
[27] Jordan, supra, note 5, par. 71-81; Rice, supra, note 20, par. 84-96.
[28] Id., par. 94.
[29] Id., par. 96; Voir aussi : Cody, supra, note 21, para. 67-71; Agostini, supra, note 21, par. 14; Rice, supra, note 20, par. 103-105, 199-207.
[30] Cody, supra, note 21, par. 71.
[31]
Id., par. 69-71, 74; Williamson, supra, note 25, par.
26-30; Jordan, supra, note 5, par. 96-97; Javanmardi
c. R.,
[32]
R. c. Thanabalasingham,
[33] Jordan, supra, note 5, par. 97; Voir également : Agostini, supra, note 21, par. 14; Rice, supra, note 20, par. 107-110 et 212-213; R. c. Huard, supra, note 26, par. 24-25.
[34] Jordan, supra, note 5, par. 97-98.
[35] Rice, supra, note 20, par. 212. Voir également par. 200 : « La dure réalité à laquelle certains districts sont confrontés au Québec n'a pas pour effet de rendre acceptables des délais institutionnels intolérables sous l'ancien cadre d'analyse. Les délais institutionnels tolérés ne sont qu'un des facteurs. Arrêter l'analyse à ce seul facteur est une erreur de principe ».
[36] Javanmardi, supra, note 31, par. 10, 12, 19; Rice, supra, note 20, par. 219.
[37] Jordan, supra, note 5, par. 102; Voir également : Agostini, supra, note 21, par. 14.
[38] Cody, supra, note 21, par. 31, 43 et 64; Jordan, supra, note 5, par. 65, 71 et 79; Agostini, supra, note 21, par. 12, 18 et 24-26; Rice, supra, note 20, par. 31-35, 67, 81, 97-98, 150-151, 192, 207 et 214.
[39] Rice, supra, note 20, par. 31-35.
[40] Cody, supra, note 21, par. 38.
[41]
R. c. J.F.,
[42] Jugement sur délai, supra, note 3, par. 9-11.
[43]
R. c. J.M.H.,
[44] Jugement sur délai, supra, note 3, par. 123.
[45] Id., par. 124.
[46] Morin, supra, note 19, p. 801.
[47]
R c. Godin,
[48] Godin, supra, note 47, par. 31; Rice, supra, note 20, par. 21.
[49] Morin, supra, note 19, p. 802-803.
[50] Id., p. 803.
[51] Id., p. 801.
[52] Id., p. 802. La Cour suprême ajoute : « Néanmoins, en tenant compte de l'inaction de l'accusé, la Cour doit prendre soin de ne pas renverser le principe selon lequel il n'y a aucune obligation juridique de la part de l'accusé de faire valoir le droit. Toutefois, l'inaction peut être pertinente pour évaluer le degré du préjudice, le cas échéant, qu'un accusé a subi par suite du délai ».
[53] Rice, supra, note 20, par. 202. Voir également : R. c. J.F., supra, note 41, par. 60.
[54] Cody, supra, note 21, par. 69-71 et 74; Williamson, supra, note 25, par. 26-30; Jordan, supra, note 5, par. 96-97; Javanmardi, supra, note 31, par. 17; Rice, supra, note 20, par. 104-105 et 202-203.
[55] Jugement sur délai, supra, note 3, par. 126.
[56] Rice, supra, note 20, par. 207.
[57] Jugement sur délai, supra, note 3, par. 3 et 32.
[58] Id., par. 10.
[59] Id., par. 11 et 123.
[60] Id., par. 12.
[61] Jugement sur délai, supra, note 3, par. 124.
[62] Thanabalasingham, supra, note 32, par. 8; Jordan, supra, note 5, par. 96; Cody, supra, note 21, par. 69-71; Rice, supra, note 20, par. 104-105.
[63]
R. c. Ferris,
[64]
R. c. Charron,
[65] Jugement sur l’admissibilité des bribes de conversation, supra, note 64, par. 19.
[66] Id., par. 20.
[67] Ferris (ABCA), supra, note 63.
[68] R. c. Hunter (2001), 155 C.C.C. (3d) 225 (C.A. Ont.) [Hunter].
[69] Cet extrait est tiré de la copie papier des directives qui a été remise à chaque membre du jury.
[70]
R. c. Calnen,
[71] Ferris (ABCA), supra, note 67.
[72] Ferris, supra, note 67, par. 16 et 17.
[73] Ferris, supra, note 67.
[74] Ferris (ABCA), supra, note 67 , par. 17.
[75]
Hunter, supra, note 68, par.
19-21 et voir aussi Cody c. R.,
[76]
R. c. Alcantara,
[77]
Calnen, supra, note 70, par.
110; R. v. Araya,
[78] Calnen, supra, note 70, par. 25 (motifs majoritaires du juge Moldaver) et par. 179, 189 (la juge Martin, dissidente en partie); R. c. Araya, supra, note 77, par. 36-37.
[79] Voir situation similaire dans Buttazzoni, supra, note 76, par. 56 : « The trial judge then distinguished Ferris on the basis that the uttered words in this case were more than simply partial thoughts, and there was considerable context within which to consider them. I note that that context included all of the evidence regarding the delivery of the container to the storage unit, the unloading of the pallets into the vehicle bound for Ramlall’s house in Whitby, and the fact that one pallet was left behind so that, for example, the utterance by the accused about breaking it open to see how it looks would be understood in that context. Finally, the trial judge observed that the question of the weight to be accorded to the utterances, including the accuracy of the officers’ recollections and of their notes, was for the trier of fact. For example, the fact that some of the recounted utterances were described as “almost verbatim” while others were a “paraphrased synopsis” would go to the weight rather than the admissibility of the utterances ».
[80] Cody (QCCA), supra, note 75.
[81]
Langille c. R.,
[82] Comme la Cour a décidé dans l’arrêt Cody (QCCA), supra, note 75, par. 58.
[83]
Jugement sur la demande de procès bilingue,
[84]
R. c. Beaulac,
[85] Jugement sur la demande de procès bilingue, supra, note 83, par. 7-22.
[86] Id., par. 19.
[87] Id., par. 24.
[88] Id., par. 29.
[89] Id., par. 34-37.
[90]
Beaulac, supra, note 84, par. 28. Voir également : Bessette
c. Colombie-Britannique (Procureur général),
[91]
Bessette, supra, note 90, par. 38; Mazraani, supra, note
90, par. 20; Beaulac, supra, note 84, par. 41, 47, 53; Denver-Lambert
c. R.,
[92]
Bessette, supra, note 90, par. 38; Mazraani, supra,
note 90, par. 20; Beaulac, supra, note 84, par. 34; R. c.
Munkonda,
[93] Munkonda, supra, note 92, par. 63; Gagnon, supra, note 92, par. 32.
[94] Munkonda, supra, note 92, par. 55.
[95] Gagnon, supra, note 92, par. 35-36. Cette citation est reprise par la Cour d’appel de l’Ontario dans Munkonda, supra, note 92, par. 54. Dans cet arrêt, la Cour d’appel de l’Ontario affirme également que, « deux principes qui doivent régir le déroulement d’un procès ou d’une enquête préliminaire bilingue. […] 1) Un accusé conserve son droit à un égal accès aux procédures dans sa langue, et ce, malgré l’imposition d’une procédure bilingue; et 2) La cour et la poursuite doivent être bilingues et ne doivent pas favoriser l’une ou l’autre des langues officielles » (par. 46).
[96] Gagnon, supra, note 92, par. 42.
[97] R. v. Sarrazin, (2005), 195 C.C.C. (3d) 257 (C.A. Ont.), par. 53 [Sarrazin].
[98] Gagnon, supra, note 92, par. 35.
[99] Jugement sur la demande de procès bilingue, supra, note 83, par. 51-52.
[100] Les témoins anglais ont été interrogés et contre-interrogés en anglais (6 sur 41). L’appelant a opté pour l’interprétation simultanée plutôt que consécutive. L’interprétation était enregistrée. Les témoignages en anglais ont tous été interprétés vers le français à l’exception du témoignage de Kimberly Laekas pour lequel l’appelant a renoncé à recourir aux services d’une interprète.
[101]
Eugene Glen Ewaschuk, Criminal Pleadings & Practice in Canada, 2nd
ed., Toronto, Thomson Reuters, 1998, (feuille
mobiles, mise à jour n° 162, avril 2020) n° 19 :
7060 [Criminal Pleadings & Practice in Canada], citant R. v.
Greenfield (1973), 57 Cr. App. R. 849, p. 856; R. v. Coughlan
(1976), 63 Cr. App. R. 33; R. v. Paterson (1985), 18
C.C.C. (3d) 137 (C.A. Ont.), 1985 CanLii 167; confirmé par la CSC dans
[102]
Criminal Pleadings & Practice in Canada, 2nd ed., Toronto, Thomson Reuters, 1998, (feuille
mobiles, mise à jour n° 162, avril 2020) n° 19:
7070, citant R. c. Cotroni,
[103] Douglas, supra, note 102, p. 322.
[104] Cody (QCCA), supra, note 75, par. 69.
[105]
Poirier c. R.,
[106] Lorsque le chef d’accusation impute un complot dont l’unique objet est l’importation d’une substance illicite, la preuve doit établir que l’accusé a pris part à l’entente avant que l’objet du complot ne soit atteint, soit avant que l’infraction d’importation ne soit consommée : Buttazzoni, supra, note 76, par. 41-42 : « In this case, the charge was conspiracy to import cocaine, and the law remains that the Crown was required to prove that the appellant joined that conspiracy before it was terminated - here, by the completion of its object, which was the importation of the cocaine. Therefore, in order to properly ground a conviction for conspiracy to import, it was necessary for the trial judge to find that the appellant joined the conspiracy to import before the object of the conspiracy, the importation of the cocaine, was complete. »; R. v. Vrany, (1979), 46 C.C.C. (2d) 14, p. 26 (C.A. Ont.) (demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejeté : [1980] 1 S.C.R. xiii).
[107]
R. c. Bremner,
[108] Bremner, supra, note 107, par. 31 « The Crown is entitled to allege and prove, if it can, that there were distinct sub-agreements within a wider conspiracy. That is what it did here. The respondent was never charged with, let alone convicted of, the wider, "dominant plan"». Voir également Paterson, supra, note 101, p. 143-144: « Where there is but one agreement, and not separate agreements as to the different unlawful objects, there can only be one conviction (…). R. v. Coughlan; R. v. Young, is not in conflict with this proposition. In that case, while there may have been an overall agreement with respect to bombings in the United Kingdom, there were also subsidiary agreements with respect to bombings in particular places, each of which could properly be the subject of a separate charge of conspiracy. (…) Where the evidence establishes the conspiracy alleged against two or more accused (…), it is immaterial that the evidence also discloses another and wider conspiracy to which the accused or some of them were also parties », passage cité avec approbation dans Douglas, supra, note 102, pp. 317-318.
[109] R. v. Patten, (1990), 61 C.C.C. (3d) 332 (C.A.C.B.), p. 337: « In my opinion the indictment charges a single transaction consisting of one conspiracy constituted by one agreement to carry out three unlawful objects. That conclusion depends only on a consideration of the form of the indictment itself. In my opinion only one transaction is set out in the indictment. That transaction is a single conspiracy and not three conspiracies. (If the indictment had charged three conspiracies in a single count then that count would have been multifarious) ».
[110]
Araya, supra, note 77, par. 39; R. c. Hay,
[111] Formule utilisée à 6 reprises selon l’intimée.
[112]
Comme la Cour le réitérait récemment dans Durand c. R.,
[113]
R. c. R.P.,
[114]
Dubourg c. R.,
[115] R. c. Pittiman,
[116] Pittman, supra, note 115, par. 7 et 8.
[117]
Bell c. La Reine,
[118]
Koury v. The Queen,
[119]
Le juge le mentionne d’ailleurs dans le jugement sur la peine : R. c.
Charron,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.