[1] L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 13 février 2018 par la Cour du Québec, district de Terrebonne (l’honorable Georges Massol), lequel rejette son appel de l’avis de cotisation émis par l’intimée lui réclamant 147 000 $.
[2] Pour les motifs du juge Schrager, auxquels souscrivent les juges Beaupré et Moore, LA COUR :
[3] REJETTE l’appel avec les frais de justice.
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MOTIFS DU JUGE SCHRAGER |
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[4] L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 13 février 2018 par la Cour du Québec, district de Terrebonne (l’honorable Georges Massol), lequel rejette son appel de l’avis de cotisation émis par l’intimée lui réclamant 147 000 $[1] due par son ex-conjoint, au motif qu’elle a reçu un transfert d’une personne liée sans juste contrepartie[2].
[5] Mme Jézabelle Drolet (l’« appelante ») et M. L... M... se marient le 4 juin 2005. Le 19 mai 2006, M. M... fait seul l’acquisition de la résidence familiale.
[6] Vu les problèmes de consommation de M. M... et l’accumulation de dettes, résultat d’un problème de jeu, l’appelante demande à son mari de quitter la résidence familiale le 17 mai 2010. Il met la maison en vente le mois suivant.
[7] Selon le témoignage de l’appelante, face à la possible vente de la résidence dont M. M... est l’unique propriétaire et à l’intensification de ses problèmes, celle-ci cherche à garantir sa sécurité financière et celle de leur fils. Elle lui demande donc de retirer la maison du marché et de lui transférer une part des droits dans la résidence familiale. Elle témoigne avoir renoncé au même moment à toute pension alimentaire pour elle-même.
[8] Le 16 décembre 2010, M. M... cède la moitié indivise de la résidence à l’appelante, en contrepartie de sa responsabilité conjointe dans les dettes hypothécaires grevant l’immeuble. L’acte est publié le lendemain.
[9] Le 20 janvier 2011, la Caisse populaire Desjardins d’Anjou signifie à l’appelante un préavis d’exercice d’une vente sous contrôle de justice. L’appelante annonce la résidence, qui est vendue le 1er juin 2011 pour 729 000 $. Elle reçoit sa part de l’équité (selon son témoignage, environ 144 000 $), et procède à l’achat de sa propre maison.
[10] Au printemps 2012, l’appelante entreprend des procédures de divorce, lequel est prononcé le 20 novembre 2015.
[11] Parallèlement, l’Agence du revenu du Québec (l’« intimée ») entreprend en juillet 2013 des vérifications fiscales concernant M. M... relativement aux années d’imposition 2005 à 2008 et prend, par le fait même, connaissance de la cession de copropriété intervenue en décembre 2010. Des avis de cotisation sont transmis à M. M... en novembre 2013, auxquels il ne fait pas opposition.
[12]
Face aux mesures de perception infructueuses encourues contre M. M...,
l’intimée entreprend un recours contre une personne liée, ici l’appelante, en
vertu de l’article
[13] Le 12 mars 2014, l’intimée émet donc un avis de cotisation pour 147 000,00 $ à l’intention de l’appelante, relativement à la dette fiscale de M. M... pour les années d’imposition 2005 à 2008.
[14] La cotisation est émise à l’encontre de l’appelante en raison de la cession intervenue le 16 décembre 2010, par laquelle elle a reçu la moitié indivise de la résidence familiale appartenant à M. M... pour une contrepartie inférieure à sa juste valeur marchande, alors qu’ils étaient conjoints.
[15]
Le montant réclamé à l’appelante correspond à une partie de la dette
fiscale de M. M..., qui s’élève à 326 244,34 $ au dernier jour de l’année
d’imposition au cours de laquelle a lieu la cession. En application de
l’article
[16] Pour les fins de son calcul, l’intimée établit la juste valeur marchande de la résidence au moment de la cession à 700 000 $ et, en conséquence, celle de la moitié indivise transférée à l’appelante à 350 000 $. Pour ce faire, elle tient compte de l’évaluation municipale (620 300 $), ainsi que du prix de vente de l’immeuble (729 000 $), réalisée à peine six mois suivant la cession. La contrepartie est établie en fonction de l’information se trouvant dans l’acte de cession, qui prévoit la responsabilité conjointe de l’appelante dans les dettes hypothécaires grevant l’immeuble. L’intimée calcule que le solde hypothécaire à ce moment est de 406 000 $ et établit la contrepartie à 203 000 $. La responsabilité fiscale de l’appelante a donc été limitée à 147 000 $, montant considéré comme l’avantage reçu à la suite de la cession. Vu la preuve administrée au procès, ce montant est réduit à 145 422 $.
* * *
[17] Ce pourvoi soulève la seule question de l’application de l’article 14.7 L.a.f.[5].
[18] Les dispositions applicables de la L.a.f. sont ainsi rédigées :
14.4. Lorsqu’une personne cède un bien, directement ou indirectement, par fiducie ou autrement, à une personne avec laquelle elle a un lien de dépendance au sens de la Loi sur les impôts (chapitre I‐3), à une personne qui est âgée de moins de 18 ans, à son conjoint ou à une personne qui, après cette cession, devient son conjoint, le cessionnaire devient solidairement débiteur avec le cédant du moindre des montants suivants:
a) l’excédent de la juste valeur marchande du bien cédé au moment de la cession sur la juste valeur marchande au même moment de la contrepartie donnée pour le bien;
b) l’ensemble des montants que le cédant est tenu de payer en vertu de toute loi fiscale au cours de l’année d’imposition, au sens de la Loi sur les impôts, dans laquelle le bien est cédé ou d’une année d’imposition antérieure ou pour une de ces années.
Lorsque le bien cédé est une part dans un bien indivis, la juste valeur marchande de la part dans ce bien indivis au moment de la cession est réputée égale à la proportion de la juste valeur marchande du bien indivis à ce moment représentée par le rapport entre cette part et l’ensemble des parts dans ce bien indivis.
Le présent article ne libère pas le cédant ni le cessionnaire de leurs obligations respectives aux termes de toute autre disposition d’une loi fiscale.
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14.4. Where a person transfers property, directly or indirectly, by means of a trust or by any means whatever to a person with whom he is not dealing at arm’s length within the meaning of the Taxation Act (chapter I‐3), a person who is under 18 years of age, his spouse or a person who, after the transfer, becomes his spouse, the transferee becomes solidarily liable with the transferor to pay an amount equal to the lesser of the following amounts:
(a) the amount by which the fair market value of the property at the time it was transferred exceeds the fair market value at that time of the consideration given for the property;
(b) the aggregate of the amounts that the transferor is liable to pay under any fiscal law during the taxation year, within the meaning of the Taxation Act, in which the property was transferred or any preceding taxation year or in respect of any of such years.
If the transferred property is a share in undivided property, the fair market value of the share in that undivided property at the time of the transfer is deemed to be equal to the proportion of the fair market value of the undivided property at that time that that share is of the aggregate of the shares in that undivided property.
This section does not free the transferor or the transferee from their respective obligations under any other provision of a fiscal law.
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14.5. Le ministre peut, dans les quatre ans suivant le jour où il a eu connaissance de la cession d’un bien, établir une cotisation ou une nouvelle cotisation à l’égard d’un cessionnaire relativement à un montant à payer en vertu de l’article 14.4.
[…]
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14.5. The Minister may, within four years after the day on which the Minister becomes aware of the transfer of property, make an assessment or a reassessment in respect of a transferee in relation to an amount payable under section 14.4.
(…) |
14.7. Aux fins de l’article 14.4, lorsque le bien est cédé à un conjoint à la suite d’une ordonnance ou d’un jugement d’un tribunal compétent ou à la suite d’une entente écrite de séparation, la juste valeur marchande du bien au moment de la cession est réputée égale à zéro si, à ce moment, le cédant et son conjoint vivent séparés en raison de l’échec de leur mariage. |
14.7. For the purposes of section 14.4, where the property is transferred to a spouse pursuant to a decree, order or judgment of a competent tribunal or pursuant to a written separation agreement, the fair market value of the property at the time of the transfer is deemed to be equal to zero if, at that time, the transferor and his spouse are living separate and apart because of the breakdown of their marriage. |
* * *
[19]
Vu l’absence de jurisprudence interprétant l’article
[20] Le juge détermine que l’acte de cession est exécuté pendant que le couple est toujours marié et qu’il ne fait pas référence à la séparation ou à un accord de séparation, ni ne comporte les modalités de base que comprend généralement un tel accord.
[21] Le juge conclut que la seule mention dans le jugement de divorce du 20 novembre 2015 que les effets du partage du patrimoine familial remontent au 17 décembre 2010 ne suffit pas pour rencontrer les critères de l’article 14.7 L.a.f.[7], d’autant plus qu’il a été décidé que ce droit au partage du patrimoine familial ne confère pas un droit réel ni un droit de propriété constituant une contrepartie au sens de l’article 14.4 L.a.f.[8].
[22]
Puisqu’il conclut que l’exemption prévue à l’article
[23]
L’appelante ne conteste pas l’application des articles
[24] Elle affirme que l’acte de cession constitue une entente écrite de séparation au sens de la disposition, puisqu’il consacre une telle entente verbale. L’appelante soumet d’autre part qu’en raison du jugement de divorce qui donne effet au partage du patrimoine familial à la date du 17 décembre 2010, elle avait droit au produit de ce partage, donc au produit de la vente de la résidence, que sa part indivise dans l’immeuble soit consacrée ou non par l’acte de cession.
[25]
L’appelante insiste sur la distinction entre la disposition provinciale,
qui précise que le transfert doit avoir lieu à la suite d’un jugement,
d’une ordonnance ou d’une entente écrite de séparation, et la disposition
fédérale qui précise plutôt que le transfert doit avoir lieu en vertu
d’un tel document, pour remettre en question l’interprétation par le juge de la
disposition provinciale. Elle semble argumenter qu’« à la suite de »
signifie « découlant des effets de » et non simplement
« après ». Selon elle, l’interprétation qu’a adoptée le juge de
première instance vient contrecarrer les articles
[26]
S’appuyant sur les décisions Richard c. La Reine[10]
et Vassilaki Monios c. Agence du revenu du Québec[11]
citées par le juge et qui précisent que le droit de créance que constitue le
droit dans le patrimoine familial prend naissance au moment où le droit au
partage du patrimoine familial naît, l’appelante soutient que son droit de
créance dans la résidence a pris naissance le 17 décembre 2010, tel que
consacré dans le jugement de divorce et que l’exception de l’article
[27] C’est une prémisse de base que, suivant l’article 1014 de la Loi sur les impôts[12], la cotisation que conteste l’appelante est présumée valide. Pour contester la cotisation fiscale avec succès, le ou la contribuable doit réussir à « “démolir” l’exactitude de la présomption en présentant une preuve prima facie »[13].
[28]
Lorsqu’un débiteur fiscal cède ou transfère un bien à une personne avec
laquelle il a un lien de dépendance pour un prix inférieur à sa juste valeur
marchande, l’article
[29] La Cour a constaté qu’il s’agit « d’une mesure extraordinaire qui vise à empêcher un contribuable de se départir de ses biens en les transférant à son conjoint ou à une autre personne avec laquelle il a un lien de dépendance dans le but d’échapper à ses obligations fiscales. »[15]. La Cour d’appel fédérale rappelle que l’objectif est « d’assurer la conservation de la valeur des biens existants dans le patrimoine du contribuable aux fins de recouvrement » par les autorités fiscales, en prévoyant « la possibilité pour celle[s]-ci d'exercer [leurs] droits sur lesdits biens contre le bénéficiaire de leur transfert »[16].
[30] Il n’est pas nécessaire que le cessionnaire ait connaissance de la dette fiscale du cédant ni l’intention de l’aider à éviter ses obligations fiscales pour être tenu de la dette de ce dernier[17].
[31]
La lecture de l’article
[32]
La distinction que suggère l’appelante entre les formulations « à
la suite » et « en vertu de » qui distinguent les versions
françaises des articles
[33] Il apparaît également que la jurisprudence en matière fédérale considère nécessaire l’antériorité de l’acte[23]. Cette position se précise davantage lorsque l’on analyse les décisions relatives à l’entente écrite de séparation.
[34] En effet, certains principes se dégagent des décisions traitant de la question de l’entente écrite de séparation qui indiquent que le transfert du bien doit être prévu dans l’entente même[24]. On peut donc en conclure que celle-ci doit précéder. Dans Carrière c. La Reine, la Cour canadienne de l’impôt précise qu’une telle entente écrite doit comprendre les modalités de base relatives à la séparation, notamment le partage des biens, la garde et l'entretien des enfants et la pension alimentaire[25]. Sans aller aussi loin, d’autres décisions insistent que le fait que le transfert est effectué en vertu d’une séparation doit ressortir clairement de l’accord écrit[26]. Il a ainsi été jugé insuffisant de simplement mentionner que les parties sont séparées[27], ou de prévoir que l’une d’elles devient l’unique propriétaire de la résidence familiale[28]. A également été jugée trop imprécise l’entente écrite qui convient d’une séparation légale et stipule que l’une des parties « conserve la propriété exclusive de la résidence familiale », puisqu’aucune disposition ne prévoyait le transfert du bien en tant que tel. La Cour canadienne de l’impôt a considéré que l’on ne pouvait dire qu’un transfert avait été effectué en vertu d’un tel accord[29].
[35] Lorsqu’il est plaidé que l’acte de transfert ou de cession en lui-même constitue l’entente de séparation, la jurisprudence est unanime à dire qu’il doit contenir une référence à la séparation en vertu de laquelle le transfert est effectué[30]. Les déclarations contenues dans l’acte de transfert, notamment quant à l’état matrimonial des parties, leur état civil ou leur lieu de résidence ne doivent pas non plus être prises à la légère[31].
[36] C’est ce que plaide l’appelante en l’espèce, qui affirme que l’acte de cession confirme l’entente verbale intervenue peu avant, par laquelle elle renonçait à toute pension pour elle-même, mais s’assurait de protéger la part de la propriété qui lui reviendrait. L’acte de cession signé le 16 décembre 2010 ne fait cependant aucune mention de cette entente ou de toute entente de séparation. Il n’est pas spécifié qu’en contrepartie du transfert, l’appelante renonce à réclamer une pension alimentaire. Il fait plutôt mention que la contrepartie pour le transfert de l’immeuble est de zéro (0,00 $).
[37] L’acte de cession ne mentionne pas non plus le fait que les parties sont, à ce moment, séparées. Il y est spécifié que les parties se déclarent mariées sous le régime de la société d’acquêts depuis le 4 juin 2005 et que leur état civil et leur régime matrimonial sont demeurés inchangés depuis. Ces informations sont reprises dans l’acte de vente intervenu le 1er juin 2011. Bien qu’il ne soit pas impossible que le couple était séparé de fait, ces indications ne doivent pas être prises à la légère[32]; il n’existait pas à ce moment de jugement de séparation de corps ni de divorce entre les parties et ces déclarations ne s’écartaient donc pas de leur situation réelle[33].
[38] Le consentement sur les mesures accessoires, signé par les parties les 31 août et 10 septembre 2014, confirme qu’elles avaient cessé de faire vie maritale à l’automne 2010, soit avant l’acte de cession et l’acte de vente, bien qu’elles aient partagé le même lieu de domicile jusqu’au 1er avril 2011. Il contient également les mentions suivantes :
3. En considération du partage des biens mobiliers et immobiliers que les parties ont fait en décembre 2010 et au début de l’année 2011, la demanderesse renonce à une pension alimentaire pour elle et à tous les recours qu’elle pourrait faire valoir dans le patrimoine du défendeur que ce soit au niveau des biens mobiliers, immobiliers et/ou les entreprises de celui-ci;
4. Ainsi, les parties de déclarent satisfait du partage qu’ils ont accompli entre eux et ils conserveront les biens meubles et immeubles présentement en leur possession, se donnant mutuellement quittance complète et finale quant au partage de tous les biens dans le patrimoine familial;
[Transcription textuelle; soulignements ajoutés]
[39] On comprend que ces clauses font référence à l’entente verbale intervenue entre les parties et au transfert de la moitié indivise de la résidence en décembre 2010. Elles ne sont cependant pas suffisamment précises pour conclure, d’une part, que le consentement sur les mesures accessoires entérine une entente écrite de séparation intervenue auparavant entre les parties[34] et, d’autre part, que l’acte de cession constituait une telle entente.
[40]
En conséquence, le juge ne fait pas d’erreur révisable en concluant que
l’on ne peut pas interpréter l’acte de cession signé le 16 décembre 2010 comme
constituant une entente écrite de séparation, condition essentielle à
rencontrer pour que l’exception prévue à l’article
[41] L’appelante plaide que tous les écrits (acte de cession, consentement et jugement sur mesures accessoires, jugement de divorce) pris ensemble constituent une entente écrite de séparation. Même si, pour fins de discussion, on concède ce point, cela ne change pas le fait que tous les documents (autre que l’acte de cession) sont rédigés après le transfert de la moitié indivise de la maison et que le critère d’antériorité de l’article 14.7 L.f.a. n’est donc pas satisfait.
[42] L’appelante ajoute que l’effet du jugement de divorce, qui fait rétroagir son droit au partage des biens du patrimoine familial au 17 décembre 2010, signifie que la cession de copropriété publiée cette même date a été réalisée à la suite du jugement de divorce du 20 novembre 2015.
[43]
S’appuyant sur les décisions Richard[35] et Vassilaki[36], l’appelante
soutient que son droit de créance dans la résidence a pris naissance le 17
décembre 2010, tel que consacré dans le jugement de divorce et qu’en
conséquence, l’exception de l’article
[44]
L’interprétation suggérée par l’appelante revient à vider l’article
[45] Comme le rappelle l’intimée, les dispositions fiscales relatives au transfert de biens à un ou une conjointe existent « afin d’éviter que les contribuables puissent soustraire aux autorités fiscales des sommes sous le paravent de l’institution juridique du patrimoine familial. » Ce droit reconnu à l’ARQ peut paraître très dur, voire injuste pour certains, lorsqu’il est exercé comme ici, à l’encontre d’une ex-conjointe qui ne semble pas agir dans le but de dérober le patrimoine du cédant du fisc.
[46] Il demeure que l’on ne peut pas créer d’exceptions par interprétation[40]. L’exception prévue à l’article 14.7 est claire; le bien en question doit être cédé après l’intervention d’une entente écrite de séparation, d’un jugement ou d’une ordonnance.
[47] Le juge a conclu que « [l]a seule mention au jugement de divorce du 20 novembre 2015 que les effets du partage du patrimoine familial remontent à la date de la cession de vie commune des parties, soit le 17 décembre 2010 […] ne suffit pas à rencontrer les critères de l’article 14.7 Loi sur l’administration fiscale »[41]. Il n’y a aucune erreur du juge à cet égard.
[48] À l’audience, l’appelante soutient que l’augmentation du solde dû aux créanciers hypothécaires, après la cession, devrait être comprise dans le calcul de la contrepartie, entraînant une réduction du bénéfice qu’elle a reçu et de sa responsabilité envers l’intimée. Elle s’appuie sur le jugement dans Agence du revenu du Québec c. St-Laurent[42], où la Cour a jugé que l’engagement pris par l’épouse au moment de la cession de payer les dettes de son mari constituait une « contrepartie » en vertu du paragraphe 14.4 (a) L.f.a., bien que les paiements aient été faits après la cession. Ce jugement est difficilement transposable en l’espèce puisque le solde dû sur la marge de crédit hypothécaire dans le présent cas était susceptible de varier quotidiennement, rendant le calcul de la contrepartie difficile à évaluer. En l’espèce, la prise en charge de la moitié du solde hypothécaire constituait la seule contrepartie déterminable au moment de la cession. Même si le solde dû aux créanciers hypothécaires a été acquitté lors de la vente de la maison, la responsabilité en vertu de l’art. 14.4 L.f.a. prend naissance et se calcule au moment de la cession selon le libellé même de l’article, tel que souligné par le juge[43]. Par ailleurs, le montant déterminé aux fins de la responsabilité fiscale de l’appelante concorde avec le bénéfice qu’elle témoigne avoir reçu.
[49] Pour tous ces motifs, je propose le rejet de l’appel avec les frais de justice.
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MARK SCHRAGER, J.C.A. |
[1]
Cette somme se compose d’une cotisation de 144 860,89 $ émise en vertu
de la Loi sur les impôts, RLRQ, c. I-3, et d’une autre de 2 139,11
$ émise en vertu de l’article
[2]
Drolet c. Agence du revenu du Québec,
[3] Loi sur l’administration fiscale, RLRQ, c. A-6.002 [L.a.f.].
[4] Art. 14.4
[5] L.a.f., supra, note 3.
[6] Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) [L.i.r.] :
Transfert de biens entre personnes ayant un lien de dépendance
160 […] |
Tax liability re property transferred not at arm’s length
160 (…)
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Règles concernant les transferts à un époux ou conjoint de fait
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Special rules re transfer of property to spouse or common-law partner
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(4) Malgré le paragraphe (1), lorsqu’un contribuable a transféré un bien à son époux ou conjoint de fait en vertu d’une ordonnance ou d’un jugement d’un tribunal compétent ou en vertu d’un accord écrit de séparation et que, au moment du transfert, le contribuable et son époux ou conjoint de fait vivaient séparément par suite de la rupture de leur mariage ou union de fait, les règles suivantes s’appliquent :
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(4) Notwithstanding subsection 160(1), where at any time a taxpayer has transferred property to the taxpayer’s spouse or common-law partner pursuant to a decree, order or judgment of a competent tribunal or pursuant to a written separation agreement and, at that time, the taxpayer and the spouse or common-law partner were separated and living apart as a result of the breakdown of their marriage or common-law partnership, the following rules apply:
|
a) relativement à un bien ainsi transféré après le 15 février 1984:
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(a) in respect of property so transferred after February 15, 1984, |
(i) l’époux ou conjoint de fait ne peut être tenu, en vertu du paragraphe (1), de payer un montant relatif au revenu provenant du bien transféré ou du bien qui y est substitué ou un montant relatif au gain provenant de la disposition du bien transféré ou du bien qui y est substitué,
|
(i) the spouse or common-law partner shall not be liable under subsection 160(1) to pay any amount with respect to any income from, or gain from the disposition of, the property so transferred or property substituted therefor, and
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(ii) pour l’application de l’alinéa (1)e), la juste valeur marchande du bien au moment du transfert est réputée être nulle;
|
(ii) for the purposes of paragraph 160(1)(e), the fair market value of the property at the time it was transferred shall be deemed to be nil, and
|
b) relativement à un bien ainsi transféré avant le 16 février 1984, lorsque l’époux ou conjoint de fait serait, sans le présent alinéa, tenu de payer un montant en application de la présente loi en vertu du paragraphe (1), il est réputé s’être acquitté de son obligation relativement à ce montant le 16 février 1984;
|
(b) in respect of property so transferred before February 16, 1984, where the spouse common-law partner would, but for this paragraph, be liable to pay an amount under this Act by virtue of subsection 160(1), the spouse’s or common-law partner’s liability in respect of that amount shall be deemed to have been discharged on February 16, 1984, |
aucune disposition du présent paragraphe n’a toutefois pour effet de réduire les obligations du contribuable en vertu d’une autre disposition de la présente loi. |
but nothing in this subsection shall operate to reduce the taxpayer’s liability under any other provision of this Act. |
[7] Jugement entrepris, supra, note 2, par. 89-90.
[8] Id., par. 76-80 et 90.
[9] Id., par. 107-109 et 117.
[10] Richard c. La Reine, 2003 CCI 790 [Richard].
[11]
Vassilaki Monios c. Agence du revenu du Québec,
[12] Loi sur les impôts, RLRQ, c. I-3.
[13]
Alertpay Incorporated c. Agence du revenu du Québec,
[14]
Agence du revenu du Québec c. St-Laurent,
[15] St-Laurent, supra, note 14, par. 12.
[16]
Livingston, supra, note 14, par. 27, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 25 septembre 2008, nº 32630.
Aussi : Canada
c. 9101-2310 Québec Inc.,
[17]
St-Laurent, supra, note 14, par. 20; 9101-2310 Québec Inc.,
supra, note 16, par. 60; Livingston, supra, note 14, par. 19, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 25 septembre 2008,
nº
32630; Wannan, supra, note 16, par. 3; Waugh,
supra, note 14, par. 14, confirmé dans
[18]
9101-2310 Québec Inc., supra, note 16, par. 60; Yates c. Canada,
[19] Selon le dictionnaire Le Robert, éd. 2019, « suite » signifie : action de suivre, ou situation de ce qui suit, qui vient après.
[20] Toujours selon le dictionnaire Le Robert, éd. 2019, « vertu », lorsque employé dans la locution « en vertu de » signifie par le pouvoir de, ou au nom de.
[21] Selon le Collins Dictionnary, éd. en ligne, « pursuant to » s’emploie dans le sens de « following upon » ou de « in accordance with ». Même si la deuxième définition peut appuyer l’argument qu’il n’est pas requis que l’entente soit antérieure à la cession, la première définition est en accord avec la version française de l’art. 14.7 L.f.a. Donc, il n’y a pas en réalité un conflit d’interprétation entre les deux versions.
[22]
Hypothèques Trustco Canada c. Canada,
[23] Viau c. La Reine, 2011 CCI 193, par. 23, 25 et 26 [Viau]; Burns c. La Reine, 2006 CCI 309, par. 21 [Burns]; Barroso c. Canada, [1997] 3 CTC 2673, par. 12 [Barroso], confirmé par 52 DTC 6272.
[24]
Par exemple : Apa c. La Reine, 2004 CCI 212, par. 16-18.
Selon l’art.
[25] Carrière c. La Reine, 2006 CCI 289, par. 6 [Carrière].
[26]
Bashir c. La Reine,
[27] Carrière, supra, note 25, par. 5-6.
[28] Lessard-Cartier c. La Reine, [2000] 2 CTC 2709, 1999 CanLII 511, par. 15 (C.C.I.) [Lessard-Cartier].
[29] Cooke c. Canada, [1994] 1 CTC 2061, par. 9-10 (C.C.I.), confirmé par [1997] 2 CTC 254, par. 7, 1997 CanLII 4914 (C.F.). L’entente manuscrite était ainsi rédigée :
[TRADUCTION]
E. Cooke et V. Cooke conviennent par les présentes d'une séparation légale. E. Cooke conserve la propriété exclusive du 491, route Island, à Parksville, et V. Cooke, la propriété exclusive du 211, Blair Gowrie Place, à Nanaimo.
[Soulignement dans l’original]
Aussi : Yeramiyan c. Canada, [1999] 1 CTC 2733, par. 14-15 (C.C.I.) [Yeramiyan].
[30] Bashir, supra, note 26, par. 24; Viau, supra, note 23, par. 6, 20 et 23; Carrière, supra, note 25, par. 5-6; Burns, supra, note 23, par. 21; Lessard-Cartier, supra, note 28, par. 15; Barroso, supra, note 23, par. 12, confirmé par 52 DTC 6272.
[31] Yeramiyan, supra, note 29, par. 14-15 et 18-20. Voir : Sokolowski, supra, note 14, par. 5-7, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 30 mai 2013, no 35248; Bashir, supra, note 26, par. 24-27; Carrière, supra, note 25, par. 6; Lessard-Cartier, supra, note 28, par. 15; Barroso, supra, note 23, par. 12, confirmé par 52 DTC 6272.
[32] Bashir, supra, note 26, par. 25-28.
[33] J.B., supra, note 24, par. 80-82.
[34] Id., par. 68-69; Viau, supra, note 23, par. 19, 23 et 25-26.
[35] Richard, supra, note 10.
[36] Vassilaki, supra, note 11, désistement d’appel, 18 mars 2013, nº 500-09-023314-131.
[37]
Droit de la famille — 083179,
[38]
Art.
[39]
Richard, supra, note 10, par. 5; Droit de la famille,
977
[40] Yates, supra, note 18, par. 67 (motifs concourants du j. Blais). Aussi : Vassilaki, supra, note 11, par. 72, désistement d’appel, 18 mars 2013, nº 500-09-023314-131.
[41] Jugement entrepris, supra, note 2, par. 89.
[42] St-Laurent, supra, note 14.
[43] Jugement entrepris, supra, note 2, par. 58 et 63.
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