A.A. et W.J. |
2018 QCCS 5222 |
PROCÈS-VERBAL
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE LONGUEUIL
NO: 505-14-011611-182
Date : 13 décembre 2018
Présente : Me Lindsay Lamothe-Lafrenière
Avocate du Curateur Public du Québec
A… A…
Demandeur
et
W… J…
et
X
et
Y
Personnes concernées
et
LE CURATEUR PUBLIC DU QUÉBEC
Personne intéressée
___________________________________________________
12h06 Appel et identification de la cause;
Représentations de Me Lamothe-Lafrenière;
12h22 Considérant que
l’article
Considérant qu’en l’espèce, l’un des parents est décédé;
Considérant que
l’article
Considérant l’absence de contestation de la demande du Curateur Public en révision d’une décision du greffier spécial;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE la demande en révision de la décision du 30/11/2018 de monsieur Gilles Bussière Jr, greffier spécial;
RÉVISE en partie la décision rendue le 30/11/2018 par le greffier spécial dans le présent dossier;
REMPLACE la conclusion contenue au paragraphe 17 de cette décision par la conclusion suivante :
[17] ATTRIBUE à W… J… le droit d’exercer conjointement avec le demandeur, A… A…, les charges de tuteur légal et de titulaire de l’autorité parentale, eu égard aux deux enfants mineures X et Y.
SANS FRAIS de justice.
______________________
SOPHIE PICARD, J.C.S.
A.A. et W.J. |
2018 QCCS 5222 |
COUR SUPÉRIEURE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
LONGUEUIL |
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« Chambre non-contentieuse » |
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N° : |
505-14-011611-182 |
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DATE : |
30 novembre 2018 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
GILLES BUSSIÈRE JR |
, G.S.C.S. |
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A... A... |
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Partie demanderesse |
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et |
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X ET Y |
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Enfants Mineures |
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Et |
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W... J... LE CURATEUR PUBLIC DU QUÉBEC |
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Mis en cause |
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JUGEMENT SUR LA DEMANDE POUR NOMMER UNE TUTRICE SUPPLÉTIVE |
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[1] Le demandeur, pour cause d’absence à l’extérieur du pays (Arabie Saoudite) pour son travail, demande la désignation de sa conjointe à titre de tutrice supplétive aux enfants mineures, X et Y, vu le décès de la mère desdites enfants (199.1 et 199.2 C.C.Q.);
[2] Conformément aux
articles
[3] Puisqu’il s’agit
de droit nouveau, et notamment d’une première demande de « partage »
des charges de tuteur légal et de titulaire de l’autorité parentale, le
Curateur Public du Québec est intervenu pour faire des représentations quant à
l’interprétation de l’article
En effet, celui-ci stipule que « la désignation d’un tuteur supplétif emporte la suspension des charges de tuteur légal et de titulaire de l’autorité parentale à l’égard du père ou de la mère qui n’est pas en mesure de les exercer pleinement; »
[4] Citant le Journal des débats de la Commission des Institutions[1] des 9 et 12 juin 2017 sur le projet de Loi 113 ainsi que son préambule[2], pour rechercher l’intention du législateur derrière l’adoption de ces dispositions, le Curateur Public estime que cet article ne s’appliquerait pas en cas de partage des charges, puisque la tutrice supplétive « remplace » ici la mère, et qu’il ne viserait qu’à empêcher qu’il y ait plus de deux « parents » exerçant une « autorité parentale » concurremment;
Avec égards, je ne partage pas cet avis;
[5]
La règle d’interprétation, dite de Driedger, bien établie par la
jurisprudence depuis l’arrêt de la Cour Suprême dans Bell Express Vu c. Rex,
Les
articles
« Toute disposition d’une loi est réputée avoir pour objet de reconnaître des droits, d’imposer des obligations ou de favoriser l’exercice des droits, ou encore de remédier à quelque abus ou de procurer quelque avantage.
Une telle loi reçoit une interprétation large, libérale, qui assure l’accomplissement de son objet et l’exécution de ses prescriptions suivant leurs véritables sens, esprit et fin. »
« Les dispositions d’une loi s’interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l’ensemble et qui lui donne effet. »
[6]
L’article
La version anglaise n’offre, quant à elle, aucune différence dans les termes utilisés;
On peut donc
comprendre, selon le sens usuel des mots, qu’il s’agit d’une tutelle complémentaire
(supplétive) permettant aux parents de confier leurs « pouvoirs »
(déléguer) ou de les diviser/répartir (partager) avec une autre personne
lorsqu’ils ne sont pas en mesure de les exercer complètement, sans qu’il
s’agisse pour autant d’une incapacité (légale ou de fait) à les exercer, qui
commanderait alors la mise en place d’une tutelle de « remplacement »
(dative) selon les articles
[7] Quant à son objet, le préambule du projet de loi y reprend ces notions de délégation et de partage dans ces termes :
« Ainsi, la loi prévoit la création de la tutelle supplétive, laquelle offre une alternative à l’adoption lorsque l’intérêt de l’enfant commande uniquement qu’un membre de sa famille élargie puisse agir comme le ferait un parent en lui offrant au quotidien la protection et les soins nécessaires à son bien-être. Cette mesure permet donc aux parents se trouvant dans l’impossibilité d’exercer pleinement leurs charges de tuteur légal et de titulaire de l’autorité parentale de désigner, avec l’autorisation du tribunal, une personne du cercle familial de l’enfant à qui déléguer ces charges. Dans l’éventualité où l’un des parents les exerce seul, les dispositions relatives à la tutelle supplétive prévoient en plus la possibilité pour celui-ci de les partager avec un proche parent de l’enfant. Par ailleurs, sous réserve du respect de certaines exigences attesté par une autorité autochtone compétente, cette loi reconnaît les effets de la tutelle coutumière autochtone lorsqu’ils sont les mêmes que ceux établis pour la tutelle supplétive… » (Mes soulignements);
[8] Les Journaux des débats précités y font aussi référence, comme l’a souligné le Curateur Public, en réponse aux questions posées à la ministre de la Justice d’alors :
« Mme Vallée : …Prenons l'exemple du parent qui est décédé. Le père décède, la mère refait sa vie avec un nouveau conjoint. Pour permettre au nouveau conjoint de jouer pleinement son rôle parental, actuellement, l'alternative, c'est d'adopter l'enfant, … ce qui rompt le lien de filiation avec le père qui est décédé, avec les effets que ça comprend. L'objectif, ce n'est pas ça… L'objectif, c'est de permettre de maintenir ce lien de filiation là, mais de permettre au nouveau conjoint, qui joue un rôle significatif dans la vie de l'enfant, qui a un rôle bien réel, qui fait partie de sa cellule familiale, de pouvoir, au même titre que son père décédé a pu le faire dans le passé, signer les demandes de passeport, jouer le rôle parental… » (Journal des débats du 9 juin, 12h40)
« Le Président (M. Ouellette) : 199.6, Mme la ministre, pour lecture et commentaires.
Mme Vallée : «199.6. La désignation d'un tuteur supplétif emporte la suspension des charges de tuteur légal et de titulaire de l'autorité parentale à l'égard du père ou de la mère qui n'est pas en mesure de les exercer pleinement.»
Le Président (M. Ouellette) : Commentaires?
Mme Vallée : Donc, c'est une disposition qui est prévue afin qu'un enfant ne puisse se retrouver avec plus de deux figures parentales.
Le Président (M. Ouellette) : Ce que vous faisiez référence précédemment.
Mme Vallée : Exact, exact. » (Journal des débats du 12 juin, 16h10)
[9] Ces mêmes Journaux comportent aussi d’autres passages « instructifs » quant à sa finalité, ainsi que certains laissant voir que l’application de cette nouvelle tutelle supplétive n’était pas d’une limpidité exemplaire, possiblement parce qu’il s’agit d’une création en réponse à la « tutelle coutumière » des communautés autochtones :
« Mme Vallée : Constituant une ouverture au principe suivant lequel les père et mère n'ont pas le droit de se décharger de leurs responsabilités envers leur enfant au profit d'autrui, la nouvelle tutelle est restreinte à des situations particulières. Ainsi, elle pourrait être envisagée notamment dans le cas où il y a, d'une part, désintéressement d'un parent et, d'autre part, attachement entre l'enfant et un tiers. Par exemple, la tutelle supplétive pourrait être également une option pour la famille monoparentale ou pour le parent absent… » (Mon soulignement)
« Mme Vallée : Bien, en fait, l'objectif de cette tutelle supplétive là, c'est vraiment d'arriver avec une solution qui est alternative à l'adoption pour permettre d'aller un peu plus loin que ce que permettait la tutelle dative. Donc, on vient, dans le fond, reprendre ce que permettait la tutelle dative et ce que permettait également la délégation de l'autorité parentale… (Mon soulignement)
…Et, dans la tutelle dative, on avait aussi... dans la tutelle supplétive, pardon, c'est sûr qu'on ne vise pas seulement les cas où les deux parents sont empêchés. Ça peut être un ou l'autre des parents qui soit empêché…»
(Journal des débats du 9 juin, 16h40)
« Mme Vallée : …On est dans le cas où on peut avoir un parent qui n'est pas en mesure de prendre ses responsabilités, mais l'autre parent souhaite quand même partager ses responsabilités avec un tiers, avec son conjoint, avec un membre de sa famille immédiate…, et ça, dans le meilleur intérêt de l'enfant. (Mon soulignement)
« Donc, plutôt que de devoir attendre que les deux parents soient empêchés, ici on permet la mise en place d'une tutelle supplétive. En fait, c'est une tutelle qui vient suppléer à l'absence ou au désintérêt d'un parent… »
(Journal des débats du 9 juin, 16h50)
« Mme Hivon : …Alors là, si je retourne au projet de loi n° 113 puis que je lis le premier alinéa du nouvel article, on parle donc... «peut désigner une personne à qui déléguer ou avec qui partager les charges de tuteur légal et de titulaire de l'autorité parentale». Donc, si je simplifie, quand on parle de déléguer, donc, l'autorité parentale, on serait, si on se reporte, là, mais ce n'est pas parfaitement adéquat, mais plus au concept de tutelle, de ce qu'on voyait dans l'ancien projet, puis quand on parle de partager, là, on serait plus dans ce qu'on référait dans 47, dans le partage de l'autorité parentale. Là, c'est très, je dirais, approximatif, là. Je sais que ce n'est pas exactement la même chose, mais on est comme en train de mettre deux concepts sous la tutelle supplétive. Est-ce que c'est possible?
Mme Vallée : Bien, en fait, c'est que lorsqu'il y a un partage de l'autorité parentale, le partage n'équivaut pas nécessairement aux attributs de l'autorité... le partage n'amène pas l'effet de donner...
Une voix : C'est qu'il y a un parent qui est encore...
Mme Vallée : C'est ça. Alors, …le parent qui est apte va partager son rôle, va partager ses pouvoirs avec son conjoint, par exemple, mais il ne s'agit pas d'une... mais ce conjoint-là ne devient pas pour autant titulaire de l'autorité parentale avec ce que ça comporte comme droits. Donc, la tutelle supplétive amène une délégation des... en fait, c'est une délégation des attributs de l'autorité parentale, donc qui est plus importante que la simple délégation des attributs. Alors, on le voit...
Mme Hivon : Juste une petite question. Que l'on délègue ou que l'on partage, c'est toujours les charges que l'on partage …ou qu'on délègue et non pas l'autorité parentale.
Mme Vallée : En fait, la tutelle supplétive amène une autorité parentale et la tutelle. Comme on mentionnait, lorsqu'on parle de partage, c'est qu'on a un des deux parents qui est encore présent, mais lorsqu'on parle de tutelle...
Une voix : De délégation...
Mme Vallée : ...de délégation, pardon, et il y a une absence d'un parent.
Mme Hivon : Est-ce que je pourrais faire une autre approximation un peu grossière mais dire que — c'est pour comprendre — la délégation, donc, on délègue carrément l'autorité parentale...
Mme Vallée : Et la tutelle.
Mme Hivon : ...et la tutelle et non pas juste les charges.
Mme Vallée : Exactement… » (Mes soulignements)
(Journal des débats du 12 juin, 15h20)
« Mme Vallée : Quand on partage l'autorité parentale. Parce qu'on faisait référence au concept de partage de l'autorité parentale...
Mme Hivon : On partage les charges.
Mme Vallée : On partage les charges.
Mme Hivon : Ici, ça dit «les charges».
Mme Vallée : Oui.
Mme Hivon : Quand on délègue, est-ce qu'on délègue les charges ou on délègue l'autorité parentale elle-même?
Mme Vallée : ...on délègue les charges, pardon.
Mme Hivon : Dans les deux cas, c'est les charges.
Mme Vallée : Oui.
Mme Hivon : Parfait, c'est beau. O.K. Donc, on met ce principe-là, mais après on vient préciser que ça va pouvoir être les deux, et, dans tous les cas, on délègue les charges à la fois de tuteur légal et de titulaire de l'autorité parentale. On ne pourrait pas dire juste «tuteur» ou juste «titulaire de l'autorité parentale». Ça va toujours être les deux.
Mme Vallée : Exact. »
(Journal des débats du 12 juin, 15h30)
« Mme Vallée : «199.8. Le père ou la mère peut, lorsque des faits nouveaux surviennent, être rétabli par le tribunal dans ses charges de tuteur légal et de titulaire de l'autorité parentale à la demande de l'un d'eux, du tuteur ou de l'enfant âgé de 10 ans et plus.»
Donc,
puisque les père et mère ont dû démontrer leur impossibilité d'exercer
pleinement leur charge de tuteur et de titulaire de l'autorité parentale, ils devront, pour recouvrer
celle-ci, démontrer qu'ils sont dorénavant en mesure de remplir leur rôle
parental. Le tribunal analysera évidemment la demande suivant l'intérêt de
l'enfant en vertu notamment des articles
(Journal des débats du 12 juin, 16h20)
[10]
Ainsi, malgré l’absence aux articles
Quant à l’exercice « concurrent » de ces
« pouvoirs », le seul indice d’un tel « sous-entendu » proviendrait
de l’application, via l’article
[11]
Même si le soussigné est prêt à concéder que l’assujettissement
de « l’ouverture » de cette tutelle supplétive à l’impossibilité d’un
ou des deux parents de l’exercer pleinement, combiné à la suspension de son
autorité dans un tel cas par 199.6 C.C.Q., produirait un résultat probablement « inopportun »
si le parent-demandeur était, au contraire, encore capable de l’assurer complètement;
permettre une tutelle supplétive dans un tel cas, et ainsi « créer »
un nouveau « parent » à part entière serait faire fi de la rédaction
actuelle de l’article
[12] Toutefois, le cas qui nous occupe est différent. Ici, le père est, de par son éloignement physique, devant une telle « impossibilité » de remplir ses devoirs et obligations paternelles, même si elle n’est probablement que temporaire, et c’est précisément le motif de sa demande de tutelle supplétive;
De toutes les charges tutélaires et attributs de l’autorité parentale, que ce soit la garde, la surveillance, l’entretien, l’éducation, l’exercice des droits civils ou l’administration du patrimoine, seules une partie de l’entretien, l’éducation et l’administration des biens pourraient possiblement être effectués à distance, et sûrement avec une certaine difficulté;
[13] Il s’ensuit donc qu’en absence de modalités pour un tel « partage », spécifiant ce que le demandeur se réserverait et ce dont la conjointe « hériterait », la demande telle que rédigée ne pourrait être accordée;
Toutefois, pour régler plus rapidement la situation et permettre à ladite conjointe d’agir, le demandeur, par le biais de son procureur, a consenti à une délégation totale, et il y aura donc modification de la demande en ce sens;
[14] POUR CES MOTIFS, LE GREFFIER SPÉCIAL :
[15] ACCUEILLE la demande « modifiée »;
[16] DÉSIGNE la mise en cause, W... J..., tutrice supplétive aux enfants mineures, X et Y, afin d’exercer les charges de tutrice légale et de titulaire de l’autorité parentale envers celles-ci;
[17] SUSPEND lesdites charges de tuteur légal et de titulaire de l’autorité parentale à l’égard du père desdites mineures, A... A..., tant qu’il ne sera pas en mesure de les exercer pleinement;
[18] LE TOUT sans frais.
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__________________________________ GILLES BUSSIÈRE JR, G.S.C.S. |
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Me Salam Selman |
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Procureur de la partie demanderesse |
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Me Josée Durand Me Nicolas Hamon Filion & Associés Procureurs du mis en cause, le Curateur Public du Québec |
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[1] http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/ci-41-1/journal-debats/CI-170609.html#12h30
[3]
En fait, l’amendement de concordance de l’article
[4] Paragraphe 6
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.