Décision

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Gabarit EDJ

R. c. Delisle

2016 QCCS 6299

JM1879

 
 COUR SUPÉRIEURE

(Chambre criminelle et pénale)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

 QUÉBEC

 

N° :

200-01-146883-107

 

 

 

DATE :

21 décembre 2016

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

BENOIT MOULIN, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

Intimée;

c.

JACQUES DELISLE,

Requérant.

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

sur demande du requérant pour mise en liberté

______________________________________________________________________

 

Présentation

[1]           Le requérant, Jacques Delisle, demande d’être mis en liberté sous conditions dans l’attente d’une décision de la ministre fédérale de la Justice à la suite de sa demande de révision au motif qu’une erreur judiciaire aurait été commise à son endroit.

 

 

[2]           Monsieur Delisle a, le 14 juin 2012, à l’issue d’un procès devant juge et jury, été reconnu coupable du meurtre au premier degré de son épouse, madame Nicole Rainville. Le chef d’accusation porté contre lui se lit :

Le ou vers le 12 novembre 2009, à Québec, district de Québec, a causé la mort de Marie Nicole Rainville, commettant ainsi un meurtre au premier degré, l’acte criminel prévu à l’article 235 du Code criminel.

[3]           Il a, en conséquence, été condamné à l’emprisonnement à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.

[4]           Il a porté le verdict en appel. La Cour d’appel du Québec a, par jugement du 6 juillet 2012[1], rejeté sa requête pour mise en liberté dans l’attente de la décision sur son appel puis, dans un arrêt prononcé le 29 mai 2013[2], rejeté l’appel.

[5]           La Cour suprême du Canada a, le 12 décembre 2013[3], rejeté sa requête pour autorisation de pourvoi.

[6]           Monsieur Delisle était aussi accusé dans le même dossier d’avoir eu illégalement en sa possession, le 12 novembre 2009, une arme à feu prohibée chargée :

Le ou vers le 12 novembre 2009, à Québec, district de Québec, a eu en sa possession une arme à feu prohibée chargée sans être titulaire à la fois d’une autorisation ou d’un permis qui l’y autorise à l’avoir et du certificat d’enregistrement de cette arme, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 95 (2) a) du Code criminel.

[7]           Cette infraction est passible d’un emprisonnement maximal de dix ans. Elle était aussi sujette, jusqu’au 14 avril 2015, à une peine minimale de trois ans. À cette date, la Cour suprême du Canada a prononcé un arrêt déclarant la peine minimale obligatoire inconstitutionnelle et inopérante[4].

[8]           Monsieur Delisle a demandé et obtenu par jugement du 5 avril 2012 que des procès distincts se tiennent à l’égard des deux chefs.

[9]           Après l’épuisement des recours de ce dernier, le Procureur général a, le 3 mars 2014, en vertu de l’article 579 C. cr. ordonné au greffier de mentionner au dossier que les procédures sur ce deuxième chef d’accusation étaient arrêtées. Cette disposition aurait permis qu’elles soient reprises dans l’année de l’ordonnance, soit avant le 3 mars 2015.

[10]        Le 19 mars 2015, monsieur Delisle a formulé une demande de révision auprès du ministre de la Justice en vertu de la partie XXI.I du Code criminel du Canada dont les articles 696.1, 696.2 (1), 696.3 (3) et 696.4 prévoient :

Demandes de révision auprès du ministre — erreurs judiciaires

696.1 (1) Demande - Une demande de révision auprès du ministre au motif qu’une erreur judiciaire aurait été commise peut être présentée au ministre de la Justice par ou pour une personne qui a été condamnée pour une infraction à une loi fédérale ou à ses règlements ou qui a été déclarée délinquant dangereux ou délinquant à contrôler en application de la partie XXIV, si toutes les voies de recours relativement à la condamnation ou à la déclaration ont été épuisées.

(2) Forme de demande - La demande est présentée en la forme réglementaire, comporte les renseignements réglementaires et est accompagnée des documents prévus par règlement.

696.2 (1) Instruction de la demande - Sur réception d’une demande présentée sous le régime de la présente partie, le ministre de la Justice l’examine conformément aux règlements.

696.3 …

(3) Pouvoirs du ministre de la Justice - Le ministre de la Justice peut, à l’égard d’une demande présentée sous le régime de la présente partie :

a) s’il est convaincu qu’il y a des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite :

(i) prescrire, au moyen d’une ordonnance écrite, un nouveau procès devant tout tribunal qu’il juge approprié ou, dans le cas d’une personne déclarée délinquant dangereux ou délinquant à contrôler en vertu de la partie XXIV, une nouvelle audition en vertu de cette partie,

(ii) à tout moment, renvoyer la cause devant la cour d’appel pour audition et décision comme s’il s’agissait d’un appel interjeté par la personne déclarée coupable ou par la personne déclarée délinquant dangereux ou délinquant à contrôler en vertu de la partie XXIV, selon le cas;

b) rejeter la demande.

696.4 Facteurs - Lorsqu’il rend sa décision en vertu du paragraphe 696.3(3), le ministre de la Justice prend en compte tous les éléments qu’il estime se rapporter à la demande, notamment :

a) la question de savoir si la demande repose sur de nouvelles questions importantes qui n’ont pas été étudiées par les tribunaux ou prises en considération par le ministre dans une demande précédente concernant la même condamnation ou la déclaration en vertu de la partie XXIV;

b) la pertinence et la fiabilité des renseignements présentés relativement à la demande;

c) le fait que la demande présentée sous le régime de la présente partie ne doit pas tenir lieu d’appel ultérieur et les mesures de redressement prévues sont des recours extraordinaires.

[11]        Le « Règlement sur les demandes de révision auprès du ministre (erreurs judiciaires)[5] », adopté en vertu de la partie XXI.1 du Code criminel du Canada, prévoit que le ministre procède d’abord à une évaluation préliminaire de la demande et décide de la suite à lui donner soit une enquête, un nouveau procès, un renvoi à la Cour d’appel de la province où a été instruite l’affaire, soit un rejet.

[12]        Les articles 3 et 4 (1) du Règlement se lisent :

Examen de la demande

3.          Sur réception d’une demande de révision présentée conformément à l’article 2, le ministre :

a) transmet un accusé de réception au demandeur et, le cas échéant, à la personne qui a présenté la demande en son nom;

b) procède à une évaluation préliminaire de la demande.

4. (1)    Une fois l’évaluation préliminaire terminée, le ministre :

a) enquête sur la demande s’il constate qu’il pourrait y avoir des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite;

b) ne mène pas d’enquête dans les cas où :

(i) il est convaincu qu’il y a des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite et que, pour éviter un déni de justice ou pour des raisons humanitaires, une décision doit être rendue promptement en vertu de l’alinéa 696.3(3)a) du Code,

(ii) il est convaincu qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite.

 

[13]        Le groupe de révision des condamnations criminelles (GRCC) qui a étudié la demande pour la ministre a, par son avocate, fait part aux avocats de monsieur Delisle, par lettre du 10 août 2016, de la décision suivante :

Please be advised that pursuant to section 4 (1) (a) of the Regulations Respecting Applications for Ministerial Review-Miscarriage of Justice, the above mentioned application has advanced to the Investigation stage of the conviction review process.

When the investigation is complete, a copy with any annexes will be forwarded to you for your comments.

[14]        Selon monsieur Delisle, il appert de cette décision que la ministre a constaté qu’il pourrait y avoir des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite dans son cas. Il demande, en conséquence, sa libération dans l’attente de la décision finale.

[15]        Cette décision finale sera rendue une fois l’enquête terminée. La ministre rédigera alors un rapport, le transmettra au demandeur, lui offrira la possibilité de fournir des renseignements additionnels et décidera, si elle est convaincue qu’il y a des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite, d’ordonner un nouveau procès ou de renvoyer la cause devant la Cour d’appel ou, si elle n’est pas ainsi convaincue, de rejeter la demande.

La compétence de la Cour supérieure

[16]        Le Code criminel ne contient aucune disposition autorisant une personne qui purge une peine d’emprisonnement pour un crime dont elle a été reconnue coupable à présenter une requête pour mise en liberté dans le cadre d’une demande de révision auprès du ministre alléguant une erreur judiciaire advenant qu’à la suite d’une évaluation préliminaire, le ministre décide de procéder à une enquête.

[17]        Toutefois, en 2003 dans R. c. Phillion[6], le juge Watt, siégeant alors à la Cour supérieure de justice de l’Ontario, maintenant à la Cour d’appel de l’Ontario, a conclu qu’une Cour supérieure a le pouvoir de se prononcer sur une telle demande, tant pour des motifs d’ordre constitutionnel qu’en vertu de sa compétence inhérente.

 

 

 

[18]        En bref, selon le juge Watt, maintenir en détention une personne reconnue coupable d’un crime alors qu’il y a des motifs raisonnables de croire à une erreur judiciaire contreviendrait, notamment, à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés[7] :

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

[19]        De plus, selon le juge Watt, quand existe un pouvoir de révision d’une condamnation, celui de mettre la personne visée en liberté pendant le processus, s’il n’est pas prévu expressément, doit être considéré accessoire.

[20]        Quant à la notion de compétence inhérente, la Cour suprême l’explique comme suit dans Canada (Commission de droits de la personne) c. Canadian Liberty Net[8] :

32.        La notion de «compétence inhérente» découle de la présomption qui veut que, s’il existe un droit justiciable, il doit alors exister un tribunal compétent permettant de le faire valoir. …

(…)

35.        … , la théorie de la compétence inhérente a pour effet de garantir que, une fois analysées les diverses attributions législatives de compétence, il y aura toujours un tribunal habilité à statuer sur un droit, indépendamment de toute attribution législative de compétence. Le tribunal qui jouit de cette compétence inhérente est la juridiction de droit commun, c’est-à-dire la cour supérieure de la province. …

[21]        La Cour du Banc de la Reine du Manitoba et la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse dans plusieurs jugements soit : R. v. Driskell[9], Unger v. Canada (Minister of Justice)[10], Ostrowski v. Canada (Minister of Justice)[11], R. v. Assoun[12] ont aussi statué sur une demande de mise en liberté dans le même contexte. Aucun de ces jugements n’a été porté en appel[13].

 

[22]        En l’espèce, le ministère public et monsieur Delisle reconnaissent la compétence de la Cour à se prononcer sur la requête soumise. La compétence d’une cour de justice est une question d’ordre public. Elle ne peut se fonder sur l’admission des parties. Soulignons que la position de ces dernières indique toutefois leur accord avec la teneur des jugements rendus en la matière.

Les critères d’analyse

[23]        Dans le même jugement R. c. Phillion, le juge Watt propose comme critères d’analyse ceux qu’une cour d’appel applique en vertu de l’article 679 (3) C. cr. quand un appelant condamné à une peine d’emprisonnement lui demande d’être mis en liberté pendant le processus d’appel, soit :

a)    Que la demande n’est pas futile;

b)    Que le requérant se livrera en conformité avec les termes de l’ordonnance;

c)    Que sa détention n’est pas nécessaire dans l’intérêt public.

[24]        Dans les jugements Driskell, Unger, Ostrowski et Assoun, les critères d’analyse proposés dans Phillion ont aussi été considérés avec toutefois des variantes, notamment quant au premier et au troisième critères. Ainsi, dans Phillion, le juge Watt écrit :

113       The conditions precedent that the applicant proposes are those of section 679(3) of the Criminal Code:

i. the application is not frivolous;

ii. the applicant will surrender himself into custody, according to the terms of the order; and

iii. the applicant's detention is not necessary in the public interest.

The requirements are cumulative.

114       An application is not frivolous if it is arguable. An applicant need not establish actual or near certainty of success, but should be able to demonstrate that there are serious concerns about the accuracy of the verdict because of further information. See, R. v. Baltovich (2000), 144 C.C.C. (3d) 233, 247 (Ont. C.A. - Ch'rs), per Rosenberg J.A.

(…)

120       The public interest requirement takes on added significance in a case where an applicant has been convicted of a serious crime, albeit more than three decades ago. It has been held, however, that where the grounds for review are strong and there is a serious concern about the accuracy of the verdict at trial, the public interest may well shift in favour of release. See, R. v. Baltovich, above, at p. 241, per Rosenberg J.A.

[Je souligne]

[25]        Pour sa part, dans Driskell, le juge Scurfield écrit :

11         In order to establish that the application is not frivolous, Watt J. found that an applicant need not prove actual or near certainty of success. In his opinion, it should be sufficient if the applicant demonstrates that there are serious concerns about the "accuracy of the verdict" because of new evidence. The Crown argues that this standard is too low.

12         There is no direct appellate authority on this point. However, there is no doubt that at such an early stage in this extraordinary process, the standard for release should be high. After all, Mr. Driskell is a person who has been convicted of a crime at a trial before a judge and jury. He has exhausted the ordinary appeal process without success. The new evidence upon which he relies has not been adjudicated by any independent body. These factors support the imposition of a high onus on any applicant who seeks interim release at the preliminary stage in the process of a section 696.1 application.

13         What then is the appropriate standard for release? The Crown does not reject the formulation of the test in Phillion directly. Rather, it says that the test developed by Watt J. should not be applied to applications for interim release after the preliminary assessment. It says that the Phillion test is more appropriately applied after the Minister of Justice has completed an investigation and referred the application to a Court of Appeal for a new appeal. With respect, I agree. I am not persuaded that the same standard for release should be applied to an application that has just passed the preliminary stage in the process since the new evidence has not yet been subjected to a rigorous review.

14         The Crown submits that at this early stage in the process of a section 696.1 application, there must be not just serious concerns, but "very serious concerns" about the reliability of the conviction before I can consider releasing Mr. Driskell. For the purposes of this application, I am content to apply that higher standard. However, it appears to me that what will give rise to very serious concerns requires some further definition.

15         Mr. Driskell seeks a Charter remedy. The court does not need to invent totally new principles to guide such an application. Clearly, as Watt J. stated, the submission of new evidence that leads the court to conclude that keeping Mr. Driskell in custody would be fundamentally unjust meets the standard. However, some new evidence will be contentious, and some will be beyond dispute. Thus, the community's tolerance for keeping an applicant in custody will logically vary with the extent to which the new evidence has been validated by an independent process, or is incontrovertible on its face. This logic supports a standard that is driven as much by the quality of the evidence as the stage in the process.

16         Finally, since this application for interim release is closely connected to a section 696.1 application, the court should consider the evidence relied upon by Mr. Driskell in the context of the evaluative principles that the Minister of Justice is obligated by section 696.4 to consider when conducting his review, including

(a) whether the application is supported by new matters of significance that were not considered previously by the courts or by the Minister in a previous application;

(b) the relevance and reliability of information that is presented in connection with the application; and

(c) the fact that the application itself is not intended to serve as a further appeal and any remedy available on such an application is an extraordinary remedy.

17         In essence, section 696.4 of the Criminal Code also provides this court with a reasonable approach to assessing the significance of the evidence being offered in support of the application.

18         In conclusion, it is always difficult and often unwise to define a standard in absolute terms. Suffice it to say that at a preliminary stage in the process of a section 696.1 application, an applicant clearly meets the standard to be considered for interim release when he establishes on a balance of probabilities that there is new, reliable evidence that is sufficiently material to raise very serious concerns as to the reliability of the original conviction. Once that standard has been met, before ordering interim release, the court should still consider whether it is probable that the particular applicant will surrender himself into custody if required to do so, or whether he generally presents as a danger to public safety.

[26]        Ainsi, eu égard au troisième critère, celui de l’intérêt public, on constate que selon le juge Watt, le requérant doit démontrer par des informations additionnelles de « sérieuses préoccupations » quant à la justesse du verdict, et ce, même dans le contexte d’une condamnation remontant à plus de trente ans, alors que selon le juge Scurfield, le requérant doit démontrer l’existence d’une preuve nouvelle et fiable suffisamment importante pour soulever de « très sérieuses préoccupations » quant à la fiabilité du verdict.

[27]        Dans Unger, la juge Beard résume comme suit les critères d’analyse :

10.        …

- the criteria for release at this stage should be the same as those set out in s. 679(3) of the Criminal Code, being:

(i) that the application is not frivolous;

(ii) that the applicant will surrender himself or herself into custody, according to the terms of the order; and

(iii) that the applicant's detention is not necessary in the public interest;

- these requirements are cumulative;

- to establish that an application is not frivolous, the applicant does not have to establish actual or near certainty of success, but should be able to demonstrate that there are serious concerns (or possibly "very serious concerns") about the accuracy of the verdict because of further information;

- where the Minister has concluded, after the preliminary assessment, that there may be a reasonable basis to conclude that a miscarriage of justice likely occurred and ordered an investigation, that is indicative that the application is not frivolous;

- the public interest would normally favour the continued detention of a person convicted of a serious crime such as murder;

- where the grounds for review are strong and there is serious (or possibly very serious) concern about the accuracy of the verdict at trial, the public interest may well shift in favour of release;

- the community's tolerance for keeping the applicant in custody will vary with the quality of the evidence being put forward in support of the application;

- an application for release is brought by the applicant, and therefore he or she bears the burden of proof, which is proof on a balance of probabilities;

- it is arguable that the standard for release may vary depending on the stage of the application - that is, an application that has just passed the preliminary assessment stage has not been subjected to the intense scrutiny of an investigation, and as a result, must meet a higher standard of raising not just "serious concerns" about the reliability of the conviction, but "very serious concerns";

- the grounds being relied on by the applicant should be considered in the context of the evaluative principles that the Minister is obligated to consider in s. 696.4 of the Criminal Code:

- whether the application is supported by new matters of significance that were not considered by the courts or previously considered by the Minister in a previous application;

- the relevance and reliability of information that is presented in connection with the application; and

- the fact that an application is not intended as a further appeal and any remedy is an extraordinary remedy.

[28]        Dans Ostrowski, le juge C. Suche semble adopter la position de son collègue, le juge Scurfield dans Driskell, alors que dans Assoun, le juge J. L. Chipman adopte une position plus compatible avec celle du juge Watt dans Phillion, laquelle, comme l’écrit le juge Watt, au paragraphe 118 de son jugement, est prise « In the circumstances of this case… ».

[29]        Selon ce qui ressort de l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario R. c. Mullins-Johnson[14] prononcé le 19 octobre 2007, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a aussi exercé sa compétence sur une demande de mise en liberté formulée à la même étape des procédures que dans le présent dossier. Soulignons que dans cette affaire, monsieur Mullins-Johnson a été mis en liberté du consentement du ministère public sans que la Cour supérieure de justice de l’Ontario n’élabore de motifs sur sa compétence et les critères d’analyse.

La position du ministère public en regard de celle du requérant

[30]        En l’espèce, le ministère public ne prétend pas que la demande de monsieur Delisle est futile. Le fait que la ministre de la Justice, à partir des éléments qui lui ont été soumis, a décidé de procéder à une enquête, permet, selon lui, de ne pas écarter la requête pour un motif de futilité.

[31]        Le ministère public concède aussi que s’il est mis en liberté, monsieur Delisle respectera les conditions qui pourraient lui être imposées, notamment celle de se livrer, le cas échéant. D’ailleurs, ce dernier a été, dès le 28 juin 2010, après son arrestation du 15 juin 2010, mis en liberté sous conditions. Il l’est demeuré jusqu’au prononcé du verdict, le 14 juin 2012. Rien n’indique qu’il n’a pas respecté les conditions imposées. Il propose comme cautions des personnes solvables et dignes de foi.

[32]        Par contre, le ministère public est d’avis, contrairement à monsieur Delisle, que ce dernier ne démontre pas, par prépondérance des probabilités, que l’intérêt public justifie sa mise en liberté. En fait, il est plutôt d’avis que dans l’intérêt public, il doit continuer de purger la peine qui lui a été imposée.

 

 

 

La notion d’intérêt public

[33]        Dans Candappa c. R.[15], la juge Marie St-Pierre, j.c.a., saisie d’une requête pour mise en liberté dans l’attente d’une décision sur l’appel logé par l’appelant à l’encontre d’un verdict de culpabilité, écrit au sujet des circonstances dans lesquelles un appelant peut être mis en liberté et particulièrement sur la notion d’intérêt public :

Principes de droit applicables

[15]       Comme l’écrivent mes collègues François Doyon, dans J.V. , et Robert Mainville dans Durand , tout appelant peut présenter une requête pour mise en liberté pendant l’appel, « quelle que soit la gravité de l’infraction dont il a été reconnu coupable », puisqu’il «n’existe aucune entrave formelle pour qu’une personne déclarée coupable d’une infraction criminelle sollicite sa mise en liberté en attendant la décision de son appel. »

[16]       Pour réussir, la personne qui recherche sa mise en liberté durant l’appel doit se décharger du fardeau d’établir qu’elle satisfait à trois conditions, interdépendantes ou interactives , soit :

Ø  que son appel n’est pas futile;

Ø  qu’elle se livrera en conformité avec les termes de l’ordonnance;

Ø  que sa détention n’est pas nécessaire dans l’intérêt public, une notion qui comporte deux volets soit, d’une part, la protection du public et, d’autre part, la confiance du public dans l’administration de la justice .

[17]       La situation dans laquelle cette personne se trouve après le verdict, alors qu’elle a été reconnue coupable, est différente de celle qui prévalait précédemment . Elle doit maintenant composer avec un jugement qui jouit d’une présomption de validité et sans pouvoir invoquer, comme c’était le cas antérieurement, la présomption d’innocence. À ce propos, je rappelle ce qu’écrivait le juge Yves-Marie Morissette de la Cour dans Borris  :

[12]            Il existe une différence fondamentale entre une demande de remise en liberté comme celle que présenta le requérant le 9 décembre 2008, et qui fut accueillie sous diverses conditions, et la demande qu’il présente ici. En effet, il y a maintenant un verdict de prononcé contre lui dans un jugement qui jouit d’une présomption de validité. En revanche, la présomption d’innocence ne peut plus être invoquée par le requérant comme elle le pouvait au procès. Rendant jugement récemment dans une affaire Paquet c. R., mon collègue le juge Gagnon citait à ce propos les remarques du juge Brooke de la Cour d’appel de l’Ontario dans le dossier R. c. McAuley :

It is clear that the applicant does not succeed simply by satisfying the first two requirements. Her conviction ends any presumption of innocence. Indeed, in my view, until her conviction is set aside, the contrary is true and this underlies the significance of the third requirement: The public interest is engaged by the release of a convicted criminal, and the maintenance of public confidence in the administration and enforcement of justice requires that an applicant establish a persuasive case for release. The public interest criterion was considered in R. v. Farinacci (1993), 86 C.C.C.(3d) 32 (Ont.C.A.), which referred to relevant cases. In that case, Arbour J.A., speaking for the court, agreed with Goodman J.A. in R. v. Pabani (1991), 10 C.R. (4th) 381 (Ont.C.A.) adopting the statement of Culliton C.J.S. in R. v. Demyen (1975), 26 C.C.C. (2d) 324 (Sask.C.A) [.]

Inévitablement, ce facteur rend la troisième condition de l’article 679 plus onéreuse à satisfaire.

[13]            Dans le dossier Kyling c. R., ma collègue la juge Bich était saisie elle aussi d’une requête pour remise en liberté présentée par un requérant dont l’appel n’était pas futile et à l’égard de qui on devait conclure qu’il se livrerait aux autorités si son appel était rejeté. Commentant ce genre de situation, ma collègue écrivait (je cite sans reproduire les notes de base de page) :

[7]     Cependant, la demande de l'appelant ne remplit pas la troisième des conditions prescrites par l'article 679, paragr. (3), C.cr., sa remise en liberté s'avérant contraire à l'intérêt public, principalement au regard de la confiance des justiciables dans le système de justice. …

[8]     Bref, la présomption d'innocence ne joue pas au stade de la présente demande de remise en liberté et il faut tenir compte de ce changement de paradigme même si l'appel est sérieux, tout comme il faut tenir compte de la présomption de validité des jugements et de la nécessité d'appliquer ces derniers. C'est une personne coupable (et non plus une personne présumée innocente, comme en première instance) qui demande à être libérée provisoirement et c'est dans cette perspective que doit être examinée la requête.

[…]  

[18]       Le seuil applicable à la première condition de mise en liberté, appel qui n’est pas futile, n’est pas élevé.

[10]            […] « Futile », paradoxalement, n’est pas un vain mot : il a pour synonymes, entre autres termes, « insignifiant, creux, frivole, vain, vide, léger, puéril ». […]

[19]       Bref, pour y satisfaire, il suffit que les moyens d’appel proposés ne soient pas frivoles, qu’ils soient soutenables ou défendables .

[20]       Je m’abstiens d’élaborer quant aux principes relatifs à la seconde condition, voulant que l’appelant se livre en conformité de l’ordonnance s’il est mis en liberté, alors que le ministère public concède que ce sera le cas et que je partage ce point de vue.

[21]       Quant au respect de la troisième condition qui comporte deux volets (protection du public et confiance dans l’administration de la justice), disons, d’abord, qu’il ne suffit pas pour l’établir de se décharger du fardeau quant aux deux premières conditions (appel qui n’est pas futile et se livrer en conformité de l’ordonnance, le moment venu) : il faut plus .

[22]       En effet, pour répondre à cette troisième condition, la personne qui veut obtenir sa mise en liberté durant l’appel doit effectivement démontrer, par prépondérance et tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce , que la protection et la sécurité du public ne requièrent pas qu’elle demeure détenue et que sa mise en liberté n’entrainera pas une perte de confiance du public dans l’administration de la justice.

[23]       Quant au premier volet (protection du public), de nombreux éléments doivent être pris en compte dont l’âge, la personnalité et la situation de l’appelant , la nature du crime (violent ou non) , les antécédents judiciaires et la situation qui a prévalu au cours du dossier , les risques de récidive , les diverses conditions susceptibles d’être imposées , etc.

[24]       Quant au second volet, qui requiert l’examen de l’effet d’une mise en liberté sur la confiance du public dans l’administration de la justice, il y a lieu d’y procéder sous l’angle d’un public « formé de personnes raisonnables, bien informées des dispositions législatives et des circonstances réelles de l’affaire, qui apprécient les fondements de notre système de justice criminelle et qui ne sont pas mus par la passion, mais bien par la raison .» .

[25]       Si la perte de confiance de ce public dans l’administration de la justice peut résulter d’une mise en liberté inopportune, elle peut aussi découler d’un refus injustifié d’accueillir une demande de mise en liberté pendant l’appel. Comme l’écrit le juge Wagner, alors de la Cour, dans Delisle :

[16]            […], le droit de porter en appel les décisions prises en première instance est intégré à nos mœurs judiciaires et à nos règles de droit fondamentales. Le droit de se pourvoir permet aux citoyens de garder confiance envers le système de justice pénale et criminelle en autant qu'ils ont l'intime conviction que la réformation d'une erreur de fait ou de droit, en appel, pourra se traduire dans l'intervalle par une mise en liberté salutaire dans les cas qui le permettent.

[26]       Le degré de sérieux des moyens d’appel constitue l’un des éléments pertinents à l’analyse requise. À ce sujet, je fais miens les propos de mon collègue le juge François Doyon dans J.V.  :

[10]            […] « plus les moyens d’appel sont sérieux et paraissent fondés, plus la mise en liberté peut se justifier vu la nécessité de maintenir l’équilibre entre l’objectif d’assurer l’exécution d’un jugement et celui de permettre l’exercice véritable du droit d’appel. La confiance du public dans l’administration de la justice requiert non seulement que les jugements produisent leur plein effet, mais également que les erreurs puissent être valablement corrigées : R. c. Parsons (1994), 30 C.R. (4th) 169 (Nfld C.A.). Cette recherche d’équilibre est au cœur de l’analyse, surtout lorsque, comme en l’espèce, la seule et unique raison qui pourrait justifier la détention de l’appelant est la nécessité d’assurer la confiance du public dans l’administration de la justice.

[27]       Ainsi, bien que consciente que mon rôle n’est pas de décider du bien-fondé des moyens d’appel énoncés , il  demeure que je dois me livrer à une certaine analyse (à cette recherche d’équilibre), à une certaine évaluation . À cet égard, je reprends de nouveau ce qu’écrivait le juge Wagner aux paragraphes 20 à 23 et 52 de sa décision sur requête pour mise en liberté dans Delisle :

[20]            La décision de remettre en liberté l'appelant, une fois que ce dernier a été reconnu coupable par ses pairs, n'est pas le fruit d'un exercice capricieux ou arbitraire. Le juge saisi d'une telle requête doit résister aux appels à la passion et à d'autres considérations du même type qui relèvent plus du préjugé que de la raison. Ils n'ont pas le mérite et le sérieux de conclusions rationnelles tirées d'une juste évaluation des moyens d'appel par rapport à la gravité du crime, des circonstances et de l'impact de la mise en liberté dans l'esprit d'un public par ailleurs bien informé.

[21]            Le critère de l'intérêt public participe de ces notions juridiques qui échappent aux définitions exclusives et dont les contours ne sont pas facilement définis.

[22]            Quand je souligne que l'exercice n'est pas arbitraire, je n'écarte pas, évidemment, le caractère discrétionnaire de la décision. Elle doit, cependant, découler d'un exercice judiciaire pondéré et fondé sur des valeurs reconnues et partagées par l'ensemble de la population.

[23]            Ainsi, il est loisible de soutenir que plus les moyens d'appel sont sérieux et susceptibles d'entraîner la révision du verdict déjà rendu, plus le juge penchera en faveur de la mise en liberté puisque la confiance du public ne sera pas ébranlée. Par contre, même si les moyens d'appel ne sont pas futiles, mais qu'ils n'entraînent pas pour autant de très sérieuses chances de réformation en appel, le juge doit alors soupeser l'opportunité de remettre l'appelant en liberté sous l'angle du caractère plus définitif du verdict de culpabilité, de la force exécutoire des jugements et de l'intérêt public.

[…]           

[52]            Au stade de la requête pour remise en liberté, le juge ne doit pas décider du bien-fondé des moyens en appel. Il doit cependant procéder à une évaluation sommaire de ceux-ci et décider non seulement qu'ils ne sont pas futiles, mais également, dans l'examen du critère de l'intérêt public, qu'ils représentent de sérieuses chances de réformation du verdict déjà prononcé.

[références omises]

[Je souligne]

La question en litige

[34]        En l’espèce, malgré la violence du crime, tenant compte de l’âge du requérant (81 ans), de l’absence d’antécédents judiciaires et de risque de récidive, de même que de la situation de ce dernier décrite notamment dans des déclarations sous serment d’ex-collègues, le volet « Protection du public » n’est pas en cause. L’objection du ministère public repose sur « la confiance du public dans l’administration de la justice ».

[35]        Au stade actuel des procédures, il ne s’agit pas de décider du bien-fondé des moyens invoqués mais plutôt d’évaluer s’ils soulèvent de très sérieuses préoccupations quant à la fiabilité du verdict ou, à tout le moins, de sérieuses préoccupations quant à sa justesse.

[36]        Cette évaluation nécessite l’examen des faits ayant conduit au verdict de culpabilité en regard des informations additionnelles soumises.

[37]        Ainsi, plus le requérant aura démontré, par prépondérance des probabilités que les moyens qu’il invoque soulèvent de sérieuses préoccupations à l’égard de la fiabilité ou de la justesse du verdict, mieux le critère de la confiance du public dans l’administration de la justice sera rencontré par une mise en liberté. À l’inverse, moins le requérant aura démontré que ses moyens soulèvent de telles préoccupations à l’égard de la fiabilité ou de la justesse du verdict, plus le critère de la confiance du public dans l’administration de la justice sera servi par la poursuite de la détention.

 

 

 

Les faits à l’appui du verdict de culpabilité

[38]        Les faits ayant conduit au verdict de culpabilité prononcé le 14 juin 2012 sont amplement décrits dans l’arrêt de la Cour d’appel du 29 mai 2013 qui rejette l’appel de monsieur Delisle à l’encontre de ce verdict, notamment aux paragraphes :

[2]         Le 12 novembre 2009, M. Delisle appelle les services d'urgence à 10 h 31 de sa résidence. Il explique à la préposée qu'il vient d'arriver chez lui, que son épouse Mme Rainville, âgée de 71 ans, s'est enlevé la vie et qu'il n'a aucune idée de ce qui s'est passé. Il lui dit qu’il y a un revolver à côté d'elle. Questionné par la préposée sur l'existence de signes avant-coureurs du suicide, M. Delisle répond qu'il s'agit d'une longue histoire, que Mme Rainville a subi un AVC en 2007 l'ayant laissée paralysée du côté droit et qu'elle a récemment été hospitalisée pendant quatre mois pour une fracture de la hanche. La préposée l'avise que les ambulanciers sont en chemin.

[3]         Quelques minutes plus tard, deux policiers se présentent à l'appartement du couple pour y découvrir Mme Rainville, étendue et inanimée, sur le divan du salon. Elle est couchée sur le dos, la tête reposant sur un oreiller taché de sang et penchant légèrement à droite, vers le dossier du divan. Celui-ci est aussi taché de sang. Le bras droit de Mme Rainville est replié sur sa poitrine, la main recroquevillée, et son bras gauche pend sur le côté du divan. Un pistolet Sterling de calibre .22 est retrouvé par terre, à la hauteur du bras gauche de Mme Rainville, à côté d'un chargeur. Bien que le chargeur ait été enlevé, le pistolet contient toujours une balle. Une plaie apparaît sur la tempe gauche de Mme Rainville.

[4]         Un agent constate que le pouls de Mme Rainville ne bat plus. Il exerce une pression sur sa cage thoracique pour vérifier si elle réagit à la douleur, sans résultat.

[5]         Rejoints par des collègues dans les minutes qui suivent, les policiers trouvent une douille de pistolet sur une table basse, située à la droite du divan, c'est-à-dire à la droite du corps de Mme Rainville vu de face, ainsi qu'une boîte de pistolet à l'entrée de l'appartement.

[6]         M. Delisle dit aux policiers présents à son domicile que Mme Rainville s'est tiré une balle dans la tête et qu'elle était paralysée du côté droit en raison d'un AVC. Il leur apprend qu'il est un juge à la retraite. À l'un d'eux, il confie à quel point il est difficile de s'occuper d'une personne qui n'a pas toute son autonomie et qu'il n'envisageait pas sa retraite de cette façon. M. Delisle explique également qu'il s'est disputé avec son épouse vers 9 h du matin, dispute au cours de laquelle il lui a dit « ça vas-tu finir un jour, tout ça? », puis qu'il a quitté l'appartement vers 9 h 30 pour aller à l’épicerie « Roset ». Il dit avoir découvert le corps inanimé à son retour et qu'il a lui-même enlevé le chargeur du pistolet, afin de le sécuriser et d'éviter ainsi tout risque de décharge accidentelle.

[7]         En ce qui concerne ce pistolet, M. Delisle dit aux policiers qu'il lui appartient. Il affirme que c'est un ami qui le lui a donné en cadeau du temps qu'il chassait les oiseaux migrateurs, plusieurs années auparavant. Il ajoute qu'il l'a conservé dans son bureau de juge jusqu'à sa retraite, puis l'a apporté chez lui. M. Delisle explique que le pistolet était chargé depuis des années et se trouvait dans la boîte à l'entrée de l'appartement. Il comptait s'en défaire et le remettre à la police. Il leur dit aussi ne pas l'avoir enregistré au Registre canadien des armes restreintes.

[8]         Les ambulanciers dépêchés sur les lieux prennent les signes vitaux de Mme Rainville et constatent qu’elle n’a pas de pouls et qu’elle ne respire pas. À quelques reprises, M. Delisle leur demande de ne pas procéder à des manœuvres de réanimation sur son épouse par respect pour ses volontés.

[9]         À l'invitation d'un policier, M. Delisle téléphone à sa fille d'un véhicule de police stationné au bas de l'immeuble. Il lui dit qu'un drame s'est produit, que sa mère s'est enlevé la vie et que des policiers vont l'accompagner à l'hôpital.

[10]       M. Delisle est effectivement conduit à l'hôpital, où le médecin traitant lui annonce, à 11 h 42, le décès de son épouse.

[11]       Toujours le 12 novembre, un technicien en scène de crime, Denis P. Turcotte, se rend à l'appartement de M. Delisle, où des policiers le mettent au fait de la situation. Il se dirige ensuite à l'hôpital, vers 12 h, pour examiner le corps de Mme Rainville. Il y remarque une plaie d’entrée de projectile à la région temporelle gauche. La plaie est difforme et noircie sur son pourtour. Aucune plaie de sortie du projectile n'est apparente. Sur la paume de la main gauche de Mme Rainville, il note du noir de fumée et des grains de poudre incrustés dans sa peau. Son expérience de tireur et de technicien ne lui permet pas d'expliquer la présence de ces marques. Il fait part de ses observations à deux enquêteurs et, vers 13 h 30, appelle le pathologiste pour s’informer des mesures à prendre afin de ne pas altérer les taches sur la main gauche de Mme Rainville.

[12]       Deux enquêteurs rencontrent M. Delisle, qui a été rejoint par ses deux enfants et leurs conjoints, dans une salle de l'hôpital. L'un d'entre eux informe M. Delisle qu'il ne pourra pas retourner à son appartement pour l'instant, car des policiers y procèdent à des expertises. M. Delisle lui répond que personne ne pourra l'empêcher de retourner chez lui et qu'il refuse que des expertises y soient effectuées en son absence. Prévenu qu'il s'expose à des accusations s'il entrave le travail des policiers, M. Delisle dit à une enquêteuse « [j]e sais ce que vous pensez, mais je ne l'ai pas tuée ». Les deux enquêteurs se sont dits très surpris par son attitude. M. Delisle rappelle cependant l'enquêteuse en après-midi pour l'autoriser à fouiller son appartement en sa présence.

[13]       L'autopsie de Mme Rainville est pratiquée le 17 novembre 2009. Le Dr André Bourgault, spécialisé en pathologie judiciaire, constate alors que la plaie d'entrée du projectile, située à la région temporale gauche de la tête, mesure environ 4 x 3 cm au total. L'orifice a une dimension d'environ 1 x 1 cm et présente un aspect étoilé. Pour le Dr Bourgault, l'aspect de la plaie et des fractures du crâne suggère que l'extrémité du canon touchait la tempe de Mme Rainville, ou du moins en était très proche, au moment du tir. Le Dr Bourgault s'aperçoit en outre que le projectile n'est pas ressorti de la tête. Une radiographie lui révèle que le projectile est demeuré dans la partie postérieure droite de la tête de Mme Rainville. Il en conclut que le projectile a « emprunté dans le corps une direction de la gauche vers la droite, d'avant vers l'arrière et pratiquement horizontale ». Son rapport d'autopsie comporte un dessin représentant la trajectoire présumée du projectile, où l'on voit une ligne diagonale droite qui relie le point d'entrée du projectile à son point d'arrivée.

[14]       Au cours de son examen, le Dr Bourgault remarque, comme l'avait fait M. Turcotte avant lui, un dépôt de noir de fumée sur la paume de la main gauche de Mme Rainville, dans sa partie antérieure, à proximité de l'articulation du cinquième doigt. Ce dépôt mesure environ 2,6 cm par 1,4 cm. Il observe au même endroit des écorchures superficielles et des particules de poudre. Il observe aussi, près du pouce de la main gauche, un second dépôt de noir de fumée, plus petit et moins prononcé que le premier. Intrigué par ces marques, le Dr Bourgault demande conseil à Gilbert Gravel, un expert en balistique œuvrant dans le même laboratoire. Ce dernier, informé que Mme Rainville était paralysée de la main droite, manipule le pistolet pour tenter de reproduire une position compatible avec un suicide qui laisserait de telles traces sur la main gauche. Il en vient à la conclusion que Mme Rainville n'a pas pu s'auto-infliger une telle blessure.

[15]       Au terme de l'enquête sur les circonstances du décès de Mme Rainville, le ministère public dépose une accusation de meurtre au premier degré contre M. Delisle.

***

[16]       Quelques jours avant l'ouverture du procès, M. Delisle s'oppose à la mise en preuve de ses déclarations extrajudiciaires aux policiers et de son attitude à leur endroit. Dans un jugement interlocutoire rendu le 4 mai 2012, le juge rejette ses arguments concernant l'admissibilité de ces déclarations, mises à part certaines d'entre elles protégées par son droit au silence. Le juge décide également d'admettre la preuve démontrant que l'attitude de M. Delisle a changé à partir du moment où il rencontre les enquêteurs, tout en se réservant le pouvoir de « faire les mises en garde qui s'imposent pour s'assurer qu'il n'en résulte pas de préjudice inapproprié pour monsieur Delisle ». Le juge se dit également d'avis que l'« évaluation du poids d'un tel élément de preuve relève entièrement des jurés appelés à l'apprécier ».

[17]       Plusieurs témoins sont entendus au procès, tenu devant jury du 8 mai au 14 juin 2012. M. Delisle, comme c'est son droit, ne témoigne pas.

[18]       Au cours du procès, les jurés apprennent notamment que Mme Rainville a été victime d'un accident vasculaire cérébral en avril 2007, qui l'a laissée avec une faiblesse à la jambe droite et une paralysie totale du bras droit. Son moral s'est considérablement dégradé après cet accident. Plusieurs personnes de son entourage affirment l'avoir entendue tenir des propos suicidaires dans les années qui ont précédé son décès.

[19]       En outre, Mme Rainville s'est fracturé la hanche en juillet 2009. Elle a subi une opération et a suivi un traitement en physiothérapie. Vers la fin de son séjour à l'hôpital, aux dires de sa physiothérapeute, Mme Rainville était en mesure de se lever seule avec un léger appui et de se déplacer à l'aide d'une marchette. Le personnel soignant lui a recommandé de s'établir dans une résidence adaptée, mais Mme Rainville a finalement décidé, après quelques hésitations, de retourner chez elle. Elle quitte donc l'hôpital le 31 octobre 2009 pour revenir à son domicile.

[20]       La défense présente au jury une preuve de bon caractère en faisant témoigner des membres de la famille et des amis de M. Delisle. Le fils de M. Delisle le décrit comme un « père irréprochable », un « mari extraordinaire » et un homme « sévère, intègre, droit, mais tellement juste aussi en même temps ». Plusieurs témoins affirment qu'il était attentionné pour son épouse et qu'il la soutenait au quotidien de façon exemplaire.

[21]       Par ailleurs, Johanne Plamondon, une ancienne secrétaire de M. Delisle, témoigne au sujet de la relation amoureuse qu'elle entretenait avec lui depuis quelques années. Leur liaison aurait débuté en 2007, quelques mois avant que Mme Rainville subisse son accident vasculaire cérébral. Deux proches de M. Delisle, interrogés sur cette liaison, en ignoraient l'existence. Entre le retour de Mme Rainville à son domicile, le 31 octobre 2009, et son décès, le 12 novembre 2009, M. Delisle annonce à Mme Plamondon qu'il cherche une résidence adaptée pour son épouse et il évoque la possibilité qu'ils fassent vie commune.

[22]       Le lendemain du décès de Mme Rainville, au matin, M. Delisle attend Mme Plamondon à leur point de rendez-vous habituel. M. Delisle paraît bouleversé et il lui annonce que son épouse s'est enlevé la vie. Il lui dit de ne pas s'inquiéter et qu'« il serait peut-être un petit bout de temps sans donner de nouvelles parce que, là, il y aurait sûrement une enquête ». Quelque temps plus tard, M. Delisle explique à Mme Plamondon que le pistolet ayant causé la mort de Mme Rainville se trouvait dans un meuble qui garnissait son cabinet d'avocat et qui l'a suivi à la Cour supérieure, puis à la Cour d'appel. Il a retrouvé le pistolet en vidant ce meuble avant de partir à la retraite.

[23]       Au printemps 2010, M. Delisle demande de nouveau à Mme Plamondon de faire vie commune, évoquant la possibilité qu'elle emménage avec lui dans son appartement. Il lui dit qu'il veut avoir une autre vie, voyager, et il lui parle de partir en croisière en été. La fin de semaine du 13 au 14 juin, Mme Plamondon annonce à son mari qu'elle le quitte pour aller demeurer chez M. Delisle. Ce projet ne se réalisera pas. M. Delisle est mis en état d'arrestation le 15 juin.

[24]       Le ministère public appelle également une notaire, Me Danielle Beausoleil, à témoigner au sujet des impacts financiers d'un éventuel divorce entre M. Delisle et Mme Rainville. La notaire explique que M. Delisle aurait dû verser 1 402 901 $ à Mme Rainville s'ils avaient divorcé, en raison du partage du patrimoine familial et de leur régime matrimonial, soit la communauté de biens réduite aux acquêts. À la suite du décès de Mme Rainville, M. Delisle a plutôt hérité de l'ensemble des biens du couple, en vertu d'une donation à cause de mort incluse dans le contrat de mariage.

[25]       À noter, la défense s'est opposée à la production du rapport d'expertise de la notaire et à son témoignage, ne voyant aucune connexité entre ses constatations et le crime reproché. Le juge a rejeté l'objection de la défense au motif que « le témoignage de Me Beausoleil peut raisonnablement permettre aux jurés d'inférer que Jacques Delisle avait un mobile économique et amoureux d'éliminer son épouse ».

[26]       Deux expertises en balistique ont été effectuées, à la demande du ministère public, afin de déterminer s'il était possible qu'un tir auto-infligé laisse sur la main gauche de Mme Rainville les marques y retrouvées, sachant qu'elle était paralysée de la main droite. Les deux experts, Gilbert Gravel et André Desmarais, présentent le résultat de leurs essais balistiques au procès. Les deux experts excluent l'hypothèse du suicide, étant d'avis qu'il est impossible que Mme Rainville ait utilisé sa main gauche pour appuyer sur la détente tout en ayant la paume de cette même main suffisamment proche de la bouche du canon pour que s'y déposent des grains de poudre et de la suie. Ils en déduisent qu'une autre personne a nécessairement dû appuyer sur la détente.

[27]       Dans son témoignage, M. Gravel explique en outre au jury que le pistolet fonctionne à « action simple, c'est-à-dire qu'on doit d'abord armer le percuteur en retirant la culasse vers l'arrière et en la relâchant ». Ainsi, avant de pouvoir faire feu en appuyant sur la détente, une manœuvre est nécessaire et requiert, habituellement, l'usage des deux mains.

[28]       La défense produit une contre-expertise, réalisée par l'expert en balistique Vassili Swistounoff. Ce dernier exprime l'avis qu'il est possible que Mme Rainville ait mis fin à ses jours, en tenant le pistolet de la main gauche de façon inhabituelle, ou « non conventionnelle » selon les termes employés à l'audience, c'est-à-dire à l'envers et de façon à ce que la bouche du canon se situe à proximité de sa paume. Selon M. Swistounoff, le tir auto-infligé constitue l'hypothèse la plus compatible avec les différentes marques relevées sur la personne de Mme Rainville.

[29]       M. Swistounoff présente également au jury un film où l'on peut voir une dame armer le pistolet de sa seule main gauche, en appuyant le pistolet sur le coin d'un meuble.

[30]       Le rapport d'expertise de M. Swistounoff contient par ailleurs une déclaration supplémentaire de M. Delisle : M. Delisle lui a dit que la douille se trouvait sur le sein gauche de Mme Rainville lorsqu'il a découvert son corps et qu'il l'avait projetée d'un seul geste vers la table du salon .

[31]       D'autres témoins experts sont entendus à l'initiative du ministère public, dont une toxicologue judiciaire, deux biologistes judiciaires et un chimiste. Il suffit de dire, pour la bonne compréhension de ce pourvoi, que l'une des biologistes judiciaires a cherché à déterminer la position exacte de la tête de Mme Rainville au moment du tir à l'aide des projections de sang retrouvées sur le divan. Dans son rapport, elle a conclu que ces projections indiquaient que le visage de Mme Rainville était orienté « vers la jonction du dossier et du siège » au moment du tir, ce qui signifiait que le corps de Mme Rainville était tourné vers la droite. Cette conclusion a cependant été contestée par la défense, qui a cherché à démontrer en contre-interrogatoire que le sang projeté sur le divan pouvait provenir de la bouche de Mme Rainville plutôt que de la plaie d'entrée sur sa tempe.

[32]       Enfin, le ministère public démontre que la porte d'entrée de l'immeuble où se trouvait l'appartement de M. Delisle et de Mme Rainville était sécurisée par un code d'accès, et qu'aucun indice d'entrée par effraction n'a été relevé dans l'immeuble ou dans l'appartement du couple. À ce sujet, la défense reconnaît dans son mémoire d'appel que « […] jamais personne n’a prétendu que si l’événement n’était pas un suicide, Mme Rainville avait pu être assassinée par un mystérieux passant ou voleur, ce que d’ailleurs la preuve excluait catégoriquement et clairement, et que la défense n’a jamais au moindre degré suggéré ».

[références omises]

[39]        Dans sa requête, monsieur Delisle soutient que la preuve lors du procès a porté principalement sur des questions de pathologie et de balistique. Il reproduit les paragraphes 43 et 44 de même que les paragraphes 147 à 154 de l’arrêt :

[43]       Dans le cas présent, le procureur de M. Delisle a demandé au juge du procès d'inclure dans son exposé final une directive particulière enjoignant au jury d'appliquer la norme du doute raisonnable au conflit entre les opinions des experts en balistique, de façon à ce que les jurés comprennent l'importance d'être convaincus hors de tout doute raisonnable que les experts de la poursuite avaient raison d'exclure l'hypothèse du suicide. Le juge du procès a accepté et s'est exécuté dans la seconde partie de ses directives :

Messieurs Desmarais et Gravel expriment l'avis que madame Rainville n'a pu elle-même presser la détente et qu'une autre personne a fait feu sur elle. Les traces laissées sur sa main seraient dues à un geste défensif de sa part au moment de la mise à feu. L'expert Swistounoff prétend quant à lui que la plaie, la déformation du projectile, les traces à la main de madame Rainville lui indiquent clairement qu'il s'agit d'un tir auto-infligé et vous invite plutôt à conclure comme lui à un suicide.

Vous ne pouvez pas résoudre ce désaccord ou ces désaccords en choisissant simplement une opinion plutôt qu'une autre. Toutefois, avant d'accepter l'opinion des experts de la Couronne sur cet élément essentiel, à savoir s'agit-il d'un tir auto-infligé ou s'agit-il d'un tir infligé par une autre personne, vous devez être convaincus hors de tout doute raisonnable que les experts de la poursuite ont raison. Si vous n'êtes pas certains qu'ils ont raison, la Couronne n'a pas réussi alors à prouver hors de tout doute raisonnable l'élément essentiel de l'infraction reprochée et vous devriez en pareil cas prononcer un verdict d'acquittement. Lorsque, comme dans le présent cas, la preuve de cet élément essentiel porte principalement, est supporté principalement par le témoignage des experts, vous devez être convaincus hors de tout doute raisonnable que les experts de la poursuite à cet égard ont raison pour pouvoir prononcer un verdict de culpabilité.

[44]       Puisque les experts en balistique ont donné des avis contraires sur la question fondamentale en cause, soit de savoir si Mme Rainville pouvait avoir fait feu elle-même, il était tout à fait approprié d'inclure un tel avertissement dans les directives finales. Il fallait éviter que le jury soit tenté de simplement choisir entre les opinions divergentes des experts en balistique, ce qui aurait privé l'appelant de son droit au bénéfice du doute raisonnable. Le juge devait bien faire comprendre au jury que, pour pouvoir conclure au meurtre, il devait croire, hors de tout doute raisonnable, l'avis exprimé par les experts du ministère public voulant qu'il faille écarter la possibilité du tir auto-infligé.

(…)

[147]     Lors du procès, les experts des deux parties ont présenté des opinions divergentes quant à l'angle du canon par rapport à la tempe de Mme Rainville au moment du tir.

[148]     Pour les experts de la poursuite, au moment du tir, le canon du pistolet est en angle par rapport à la tempe de Mme Rainville. Pour l'expert de la défense, le tir est forcément quasi perpendiculaire à la tempe de Mme Rainville, le canon laissant une légère ouverture vers l'avant du visage de Mme Rainville.

[149]     La question de l'angle du tir était déterminante. Dans un tir à angle, l'ouverture entre la bouche du canon et la peau de Mme Rainville, par laquelle se seraient échappés le noir de fumée et la poudre, se situerait vers l'arrière de son visage. Comme les traces retrouvées sur la main gauche de Mme Rainville indiquaient que la partie antérieure de cette main était positionnée face à cette ouverture au moment du tir, il devenait impossible pour Mme Rainville d'appuyer elle-même sur la détente du pistolet. En revanche, un tir quasi perpendiculaire laissait une légère ouverture vers l'avant du visage de Mme Rainville, rendant possible que la partie antérieure de sa main gauche soit située à cet endroit et qu'elle puisse presser elle-même la détente, dans l'une des positions dites « non conventionnelles » identifiées par l'expert de la défense.

[150]     L'opinion de la poursuite sur l'angle de tir était préconisée par le pathologiste, le Dr Bourgault, puis reprise par les experts Gravel et Desmarais. Elle repose sur l'identification de la trajectoire du projectile dans la tête de Mme Rainville, projectile retrouvé par le Dr Bourgault dans la partie postérieure droite de son crâne. Pour déterminer la trajectoire du projectile, le Dr Bourgault a relié l'emplacement de la plaie d'entrée, sur la tempe gauche, à l'endroit où le projectile a terminé sa course. Le Dr Bourgault a également pu suivre la trajectoire de la balle dans le cerveau, après avoir récliné le cuir chevelu et scié le crâne. Il a ainsi conclu que le projectile s'était dirigé vers l'arrière du cerveau, de la gauche vers la droite et selon un angle pratiquement horizontal.

[151]     L'appelant conteste cette conclusion du Dr Bourgault, qu'il estime avoir discrédité lors de son contre-interrogatoire. Selon lui et son expert, la configuration de la plaie d'entrée, l'absence de suie sur la peau du visage de Mme Rainville, la présence d'une chambre de mine sous la plaie et l'aspect déformé du projectile démontrent que le tir était perpendiculaire, ce qui implique une déviation du projectile à l'intérieur de la tête de Mme Rainville. Par conséquent, il devient possible que le tir soit auto-infligé.

[152]     À l'issue des représentations de la défense, nous sommes d'avis qu'il n'était pas déraisonnable pour le jury de retenir la trajectoire identifiée par le Dr Bourgault, et donc l'hypothèse du tir à angle. D'une part, le jury pouvait raisonnablement se fier à l'opinion du Dr Bourgault, fondée sur l'observation directe du cerveau de Mme Rainville, qu'il a été le seul à manipuler. D'autre part, adopter l'hypothèse du tir perpendiculaire nécessitait de croire en la possibilité d'une déviation significative du projectile dans le cerveau, prémisse rejetée par un expert en balistique, M. Gravel, et vigoureusement contestée lors du contre-interrogatoire de M. Swistounoff.

[153]     Les experts du ministère public ont été longuement contre-interrogés par la défense à propos de chaque élément de preuve qui contredirait leur thèse du tir à angle, c'est-à-dire l'apparence de la plaie d'entrée, l'absence de suie sur la peau du visage, la chambre de mine et l'aspect du projectile. Ils ont répondu aux questions posées en apportant certes des précisions par rapport à leurs opinions initiales, mais ils ne se sont jamais formellement rétractés sur l'essentiel et la défense n'a pu leur soutirer des aveux de nature à ébranler leur thèse au point où elle devrait être revue.

[154]     La question de l'angle du tir relevait directement de l'interprétation de la preuve d'expert. Le jury était confronté à deux expertises contradictoires et il n'était pas déraisonnable, pour lui, de retenir l'opinion des experts de la poursuite.

[Je souligne]

Les informations additionnelles

[40]        À l’appui de sa requête, à titre d’information additionnelle ou preuve nouvelle, monsieur Delisle produit les rapports de plusieurs experts dont l’un a témoigné à l’audience :

·        Ceux du 10 mars et du 4 mai 2016 du pathologiste et médecin légiste Michael Shkrum;

·        Celui du 15 mars 2016 du pathologiste et médecin légiste Peter Markesteyn;

·        Celui du 14 mars 2015 du consultant en balistique Liam James Hendrikse;

·        Celui du 19 août 2016 d’un panel d’experts en balistique effectué à la demande du groupe de révision des condamnations criminelles pour la ministre de la Justice.

[41]        Il produit aussi plusieurs déclarations sous serment détaillées dont la sienne du 18 mars 2015 soumise à la ministre de la Justice dans le cadre de sa demande de révision.

[42]        Le ministère public a été autorisé à produire un rapport d’expert en balistique, celui du 8 novembre 2016 de monsieur Guillaume Arnet, spécialiste en balistique judiciaire. Ce dernier a aussi témoigné à l’audience.

[43]        Dans l’attente de la production de ce dernier rapport, monsieur Delisle a introduit d’autres rapports d’experts :

·        Celui du 24 octobre 2016 des pathologistes A. Thambirajah Balachandra et Matt Bowes;

·        Celui du 25 octobre 2016 du pathologiste Michael S. Pollanen

a)         Les experts

[44]        Dans son rapport du 10 mars 2016, le docteur Shkrum conclut :

Conclusions

Based on my review of this case, a review of the evidence of this case is essential and necessary particularly because of new autopsy findings.

1.    The medical history indicated that the deceased, Nicole Rainville, despite having had a stroke which left her paralyzed and unable to use her right hand, was able to write and function with her left hand. Based on this fact, she would have been able to hold objects such as a handgun in her hand. She had a history of depression and suicidal ideation which were risk factors predisposing her to kill herself.

2.    Based on the external appearance of the entry wound, the deceased sustained a contact gunshot wound of the left temple.

3.    There were no external features, i.e. eccentric deposit of soot around the entry wound to support the conclusion by Dr. Bourgault that the muzzle of the handgun was at an acute angle to the skin surface.

4.    Review of the postmortem radiographs showed a few small bullet fragments on the right side of the skull, opposite to the entry wound. This means that there was an internal ricochet of the bullet inside the cranium before it finally came to rest in the brain near the back of the skull.

5.    It is not possible to review the intracanial path of the bullet. The autopsy report done by Dr. Bourgault does not describe it. There are no autopsy images showing the wound track in the brain. If internal cuts of the brain were done, there is nothing to suggest in Dr. Bourgault’s report they were. Dr Bourgault does not reference their examination in his report. There is no description of the stroke which caused Ms. Rainville’s paralysis which one would have been expected if the brain had been sectioned. There is only one image of the interior of the skull, and it is of the base of the skull. There are no images of the interior of the top (calvarium or cap) of the skull.

6.    The presence of fractures on the opposite (right) side and base of the skull, discontinuous from the fractures originating from the gunshot entry site, supports the radiological evidence of an impact by the bullet on the right side. The forward (anterior) extent of the skull fractures on the right side establishes that the orientation of the intracranial wound track and firearm was likely perpendicular of more close to perpendicular from the deceased’s left temple to right temple. This conclusion is consistent with the shape of the entry wound and absence of soot residue around it.

7.    The simulations done by the Crown and defence firearms experts needed to account for the distribution and appearance of soot where it appeared on the deceased’s palm. The testing done by the prosecution expert was based on the original depiction by the forensic pathologist that the handgun was fired at an acute (30 degree) angle relative to the entry wound. However, his simulations did not show the same pattern of soot deposits observed on the left palm at the time of the autopsy. The testing by the defence expert, based on the deceased using her own hand to fire the handgun at a perpendicular angle (90 degrees), was offered as an alternative explanation. The deposits of soot in his simulations fit the distribution and appearance of the soot seen on the deceased’s palm.

8.    There were features (i.e. crease lines in the most prominent soot deposit on the palm not stained by soot) which indicate that the deceased’s left hand was clenched and not extended straight as depicted in the simulations done by the Crown Ballistics expert when the handgun was fired. This is in keeping with the simulations done by the defence firearms expert.

[Je souligne]

[45]        Dans celui du 4 mai 2016, il écrit :

Conclusions

1)    There is no new information about the location of the skull fractures in Dr. Bourgault’s handwritten notes which affects the opinions in my original report. His notes about the fractures are sparse. The only information in his handwritten notes in addition to his typed report referred to the fracture of the left pars petrosa and his suggestion that the fractures were due to the effects of gas. I agree that the left pars petrosa fracture and the other fractures on the left side were continuous with the entry site hole and could, in part, have been due to the effects of gas at the entry site. Dr. Bourgault did not observe and so did not describe the discontinuous fractures on the outside and inside of the right side of the skull and on the base of the skull going from the midline to the right side. These fractures were not due to the effects of gas by the dissipation of energy as the projective went through the brain and struck the right side. If Dr. Bourgault had observed these fractures on the right side, he would have noted them.

2)    There is no suggestion in Dr. Bourgault’s handwritten notes that he cut the brain to document the path of the bullet. If he had done so, he would have documented it. The observations that Dr. Bourgault did make of the bullet’s entry into the brain, the recovery of the bullet at the back of the brain and the old stroke would all have been made by examination of the outside surface of the brain.

3)    Dr. Bourgault did not mention in his handwritten notes that there were small bullet fragments on the inside of the right side of the skull. It is reasonable to conclude that he did not look for them, because he did not see the fractures on the right side of the skull or vice versa.

4)    Having reviewed Dr. Bourgault’s handwritten notes, my opinion remains that the bullet traveled perpendicular or close to the perpendicular from the deceased’s left temple to the right temple area of the skull where it ricocheted and lodged on the surface of the back of the right side of the brain.

[46]        Dans son témoignage à l’audience, le docteur Shkrum reconnaît toutefois que :

·        Son opinion n’exclut pas l’homicide;

·        Tout en étant d’avis que la façon de procéder du docteur Bourgault diffère de celle préconisée en Ontario, ce dernier est le seul à avoir bénéficié de l’avantage de pratiquer l’autopsie sur la victime et donc de constater visuellement ce qu’il a décrit.

[47]        Il ressort aussi de son témoignage et de ses rapports, notamment de celui du 10 mars 2016 à la page 16, que le projectile entré par la tempe gauche de la victime n’a pas nécessairement suivi une trajectoire en fonction d’un tir à 90 degrés. L’expert en balistique Arnet a mesuré la ligne tracée en guise d’explication par le docteur Shkrum à même un modèle de crâne humain. Ces données permettent d’établir que de son point d’entrée, le projectile a atteint l’intérieur droit du crâne de la victime à un endroit situé en fonction d’un angle de tir variant de 90 degrés à quelque 54 degrés, soit sur une distance de quelque 77 millimètres, ce point d’impact se trouvant donc à une distance variant de 127 à 50 millimètres de celui identifié par le docteur Bourgault.

[48]        Cette dernière information affaiblit la sixième conclusion du docteur Shkrum à savoir « that the orientation of the intracranial wound track and firearm was likely perpendicular or more close to perpendicular from the deceased’s lef temple to right temple ».

[49]        Ainsi, il ressort une certaine incertitude du témoignage du docteur Shkrum et de ses rapports. En effet, selon cet expert, dû à la forme du crâne (ovale), il peut se créer une ouverture (un « gap ») entre l’arme et la tête de la victime. Dans le cas d’un tir perpendiculaire, ce « gap » peut se trouver vers l’avant, ce qui expliquerait les taches retrouvées à la main gauche de la victime. Par contre, si le tir n’a pas été effectué de façon perpendiculaire mais plutôt dans un angle inférieur à 90 degrés allant jusqu’à 54 degrés, ce « gap » se trouve alors vers l’arrière, ce qui est de nature à exclure le tir auto-infligé. Une explication semblable a été fournie au procès (voir paragraphe 149 de l’arrêt de la Cour d’appel).

[50]        À la suite de ces rapports du docteur Shkrum, le docteur Bourgault a produit une déclaration sous serment portant la date du 29 septembre 2016 dans laquelle il affirme avoir coupé le cerveau comme dans toutes les autopsies, effectué des prélèvements après sa coupe pour examen histologique éventuel, constaté sur les radiographies la présence de plusieurs fragments de projectile dont certains au côté droit de la tête, constaté la présence de fractures du crâne au côté droit de la tête. Il précise que ces fractures sont visibles sur les photos et/ou notées dans les schémas réalisés lors de l’autopsie; il les explique par l’effet des gaz lors d’un tir à bout touchant ou presque.

[51]        Pour sa part, le docteur Peter H. Markesteyn écrit en conclusion de son rapport du 15 mars 2016 :

Conclusion :

If it were to be shown that the pattern of the soot and gunpowder deposits on the left hand of the deceased were only compatible with the gun having being held upside down at the time of firing, then, in my opinion, a homicidal manner of death can be excluded to a degree of reasonable medical probability.

I, as a forensic pathologist/coroner/medical examiner, consider it highly unlikely that a person would intentionally inflict a contact gunshot wound to the head of another person, while holding the gun upside down.

Finally, I note that there is no evidence that the discharge was the result of a struggle. There was no disruption of the clothing of the deceased, or the furniture near the body in the room, to support such a theory.

[52]        Toutefois, comme on le verra plus loin, le panel d’experts en balistique dans leur rapport du 19 août 2016, ne confirme pas l’hypothèse du docteur Markensteyn se trouvant au premier paragraphe de sa conclusion quant à la tenue de l’arme.

[53]        Quant au second paragraphe de cette conclusion, il appert, selon le témoignage du docteur Shkrum à l’audience, que le docteur Markesteyn ne tient compte que de la position de la personne qui tient l’arme et non pas de la position relative de cette arme par rapport à la victime. Ainsi, le docteur Shkrum reconnaît qu’une victime étant couchée, si un tiers tient une arme dans une main qu’il place à l’horizontale (le dos de la main vers le haut), l’arme se trouve pratiquement à l’envers par rapport à la tête de la victime. Or, selon des vidéos produites, les experts en balistique Swistounoff (R-19) et Arnet (D-19) ont réalisé des essais de tirs en tenant l’arme alors que leur main se trouve à l’horizontale, une position qui n’est donc pas hautement improbable.

[54]        Quant au consultant en balistique Liam James Hendrikse, il conclut son rapport du 14 mars 2016 comme suit :

CONCLUSION

In my opinion, the physical evidence from the autopsy did not demonstrate support for the theory of a 30 degree front-to-back, angled contact gunshot.

In my opinion, the physical evidence and results of tests conducted by Mr Gravel and Mr Desmarais using that theory of a 30 degree front-to-back, angled contact gunshot with the left hand of the deceased in the positions proposed did not replicate what was observed on the deceased’s palm and left temple area at autopsy.

Mr Swistounoff’s opinion as to the trajectory of the projectile after it entered the brain was inconsistent with the physical evidence.

It is my opinion that the physical evidence and results of tests conducted by Mr Swistounoff are consistent with the theory of a perpendicular, self-inflicted contact gunshot to the head.

[55]        À la lecture de cette conclusion, force est de constater que même si cet expert épouse la position de l’expert Swistounoff produit en défense au procès quant à l’angle du tir, il ne retient pas les explications de ce dernier quant à la trajectoire suivie par le projectile dans le crâne de la victime.

[56]        En effet, l’expert Swistounoff a expliqué que selon lui, le projectile est entré dans le crâne de façon perpendiculaire (tir perpendiculaire), selon une trajectoire de gauche à droite et légèrement descendante. Selon lui, lorsque la balle a perforé le crâne, elle n’était pas complètement à l’horizontale, ce qui a créé un déséquilibre au moment de l’impact et a pu faire dévier la trajectoire. Cette déviation a pu être amplifiée et/ou provoquée par la déformation du projectile causée par son entrée dans le crâne. Ce serait donc suite à la perforation du crâne que la balle a dévié de sa trajectoire perpendiculaire initiale pour adopter une trajectoire courbe vers sa position de découverte[16].

[57]        Le panel d’experts mandaté par le groupe de révision des condamnations criminelles dans son rapport du 19 août 2016 conclut :

Conclusions :

The muzzle of the firearm was in close proximity to the palm of the left hand of Mrs. Rainville at the moment of discharge. A pattern of Firearm Discharge Residue (FDR) similar to that observed on Mrs. Rainville’s hand, including the position, morphology, density, and dispersion of soot and powder was reproduced during the additional firearms testing. The FDR pattern was replicated when the barrel of the firearm was held adjacent (tangential) to the palm of the hand and the muzzle was directed toward the hypothenar eminence and immediatly forward of the soot pattern (Figure 53 & 54). The position of the muzzle at the moment of discharge affects the deposition of the FDR pattern. The pattern is not affected by whether the firearm is held right side up or upside down. Tests by previous firearms experts produced using a similar process exhibited similar characteristics. During testing, this FDR pattern could not be reproduced with the muzzle of the firearm in contact with a target surface at the moment of discharge.

[Je souligne]

[58]        Dans ces « figure 53 et 54 », la main se trouve ouverte et non refermée fermement comme préconisé par le docteur Shkrum dans son rapport du 10 mars 2016 (conclusion 8).

[59]        Quant aux pathologistes Thambirajah Balachandra et Matt Bowes, ils concluent leur rapport du 24 octobre 2016 :

SUMMARY

1.    The cause death is a gunshot wound of the head.

2.    The range of fire was contact range or nearly so.

3.    Additional testing ordered by the Panel yields novel findings. The hypothesis that Mrs. Rainville herself discharged the firearm is not excluded.

4.    The trajectory of the projectile in Mrs. Rainville’s head is not knowable on the basis of the autopsy record, but other elements of the reviewable record contain new information that supports the hypothesis that the projectile ricocheted inside Mrs. Rainville’s head. This information does not appear to have informed the Court’s opinion on this matter.

We hope that the foregoing is satisfactory. If you should wish to discuss these opinions further, please do not hesitate to contact us.

[Je souligne]

[60]        On peut noter de ce « Summary » que les pathologistes Balachandra et Bowes ne concluent pas à un tir perpendiculaire et ne se prononcent pas sur la trajectoire du projectile dans la tête de la victime.

[61]        On peut noter aussi que dans leur rapport, les mêmes pathologistes écrivent, à la page 7, dans la partie où ils s’intéressent à la présence de marques dans la main de la victime :

We conclude that the hypothesis that Mrs. Rainville herself discharged the firearm is not excluded. The alternate hypothesis (that someone else discharged the firearm) is also not excluded.

[Je souligne]

[62]        Quant au pathologiste Michael S. Pollanen, il écrit dans son rapport du 25 octobre 2016 :

In my role as chair of the forensic pathology panel, I will provide my view of the most substantive issue that arose. My assessment considered the deliberations of the panel and the available evidence, including Dr. Andre Bourgault’s autopsy report.

The main result is that the panel did not agree with the stated path of the bullet inside the head and brain of Nicole Rainville.

The bullet did not follow the path indicated by Dr. Bourgault. The bullet followed the path adduced by Dr. Mike Shkrum.

The actual bullet path can be inferred because there are bullet fragments visible on the radiographs (X-ray films) of the head taken at autopsy. The location of these bullet fragments indicates that the bullet ricocheted inside the head and did not follow an entirely straight path through the brain.

The post-conviction forensic pathology review is now concluded.

[Je souligne]

[63]        Rappelons que le docteur Shkrum soulève plusieurs hypothèses quant à la trajectoire du projectile dans la tête de la victime.

[64]        Notons aussi que le docteur Pollanen n’émet aucune opinion quant à savoir si la victime est décédée à la suite d’un tir auto-infligé ou d’un tir par un tiers.

[65]        Par ailleurs, les pathologistes Balachandra, Bowes et Pollanen ont eu accès à beaucoup de rapports, de documents et de témoignages. Ils n’ont toutefois pu prendre connaissance du témoignage du docteur Shkrum à l’audience, ni du rapport et du témoignage du spécialiste en balistique judiciaire Guillaume Arnet.

[66]        Monsieur Arnet a réalisé des essais avec une arme et des projectiles qu’il affirme semblables à ceux impliqués dans le décès de madame Rainville.

[67]        Des tirs ont été effectués à travers un os (mandibule de vache) et du gel balistique : le projectile tiré à un angle de 45 degrés[17] parcourt une distance de 60 % inférieure à celui tiré perpendiculairement et présente une déformation qui s’apparente à celui retrouvé dans le crâne de la victime contrairement à celui tiré à 90 degrés.

[68]        Monsieur Arnet a également procédé à des tirs perpendiculaires dans un crâne synthétique rempli d’un produit simulant le cerveau humain. Selon lui, lors d’un tir perpendiculaire, le projectile traverse les deux parois du crâne sans ricocher. Il écrit :

Dans ces deux essais de tir perpendiculaire à la tête, le projectile traverse donc efficacement 10 mm d’os synthétique et 18 cm de gel balistique Permagel ou de simulant de cerveau Sylgard 527. En comparaison, la trajectoire perpendiculaire proposée par le Dr Shkrum implique que le projectile n’a pas été en mesure de traverser un total de 6 mm d’os et 10 cm de cerveau. Une épaisseur osseuse de 40 % inférieure et une distance parcourue dans la tête 35 % inférieure aux essais de tirs effectués.

[69]        Ces résultats ne semblent pas concorder avec des données auxquelles réfère le docteur Shkrum dans son témoignage, données tirées notamment d’une étude du docteur Vincent J.M. DiMaio, une autorité en matière de blessures par balle[18]. Toutefois, comme le fait remarquer monsieur Arnet, ces données reposent sur des statistiques comme semblent le démontrer les extraits suivants :

A bullet entering the skull through the thick occipital bone is less likely to exit than a bullet entering through the thin temporal bone. Thus, a contact wound of the temple, from a .357 Magnum handgun, firing a FMJ bullet, should result in the bullet exiting, while a distant wound of the occipital area, from a .22 lead bullet, should result in the bullet being retained.

(…)

Of the bullets that do not exit the head, the vast majority are retained in the cranial cavity. Thus, internal ricochet is fairly common, occurring anywhere from 10 % to 25 % of the cases, depending on the caliber of the weapons and the diligence with which the evidence of internal ricochet is sought. As a general rule, internal ricochet is more commonly associated with lead bullets and bullets of small caliber. …

[70]        Monsieur Arnet s’est aussi intéressé à la direction des lacérations produites par les grains de poudre dans la main de madame Rainville. Il écrit :

…, l’observation de la direction des lacérations produites par ces flocons dans la peau de la main de Mme Rainville indique aussi la position du canon de l’arme à feu en relation avec la main lors du tir (le canon pointant vers les doigts).

[71]        Monsieur Arnet, en plus de considérer la déformation du projectile retrouvé dans le crâne, la capacité du projectile, par tir perpendiculaire, à rester dans le crâne et la trajectoire des flocons de poudre dans la main (tatouage), a également tenu compte des éléments suivants :

·        Position de l’hématome dans la main

·        Forme de la tache de suie dans la main

·        Asymétrie de la plaie d’entrée à la tempe

·        Capacité d’éjection de la douille sur la scène du crime

[72]        Ces considérations l’amènent à conclure comme suit :

4.          CONCLUSION

À la lumière des essais tirs produits entre septembre 2010 et octobre 2016, ainsi que des documents consultés :

1.    Tous les indices recueillis abondent pour corroborer un homicide, avec une trajectoire très proche de celle observée par le Dr Bourgault lors de l’autopsie ou de la trajectoire limite suggérée par le Dr Shkrum et une position de la main très proche de celle suggérée par l’expert en balistique Gilbert Gravel.

2.    Tous les indices recueillis sont aussi incompatibles avec l’auto-manipulation de l’arme à feu par Mme Rainville lors du tir perpendiculaire allégué.

[73]        Monsieur Delisle produit aussi le rapport du pathologiste Claude Pothel du 19 mai 2012. L’opinion de ce dernier était disponible avant le procès. Il a choisi de ne pas l’invoquer. Dans son rapport, le docteur Pothel préconise un tir perpendiculaire et une trajectoire non rectiligne du projectile dans le crâne de la victime.

 

 

 

b)         La déclaration du requérant

[74]        À l’appui de sa demande, monsieur Delisle produit aussi en preuve une déclaration sous serment détaillée souscrite le 18 mars 2015 dans laquelle il ne nie pas son implication dans le décès de son épouse : il lui aurait apporté l’aide dont elle avait besoin pour mettre fin elle-même à ses jours.

[75]        Ainsi, il aurait mis à sa portée et chargé l’arme à partir de laquelle le coup fatal est parti. Il affirme avoir agi à sa demande et sur son insistance parce qu’elle voulait mettre fin à ses jours puisqu’elle ne tolérait pas l’état dans lequel elle se trouvait : dépendante, sans espoir d’amélioration de son état, incapable de s’occuper d’elle-même, de ses petits-enfants, de se livrer à ses passe-temps favoris, toujours fatiguée.

[76]        La conversation tenue entre elle et lui à ce sujet le 12 novembre 2009 en matinée aurait duré environ une heure au cours de laquelle il aurait tenté de la dissuader.

[77]        Avant son départ de la résidence, il relate que madame Rainville est allée à la salle de bain, en est revenue et a parlé d’une lettre reçue la veille qui l’aurait attristée puis, il poursuit son récit :

61.        Nicole continuait à me demander le pistolet. Je lui ai promis que j’allais prendre soin d’elle. Elle disait « Mais c’est cela la dépendance » et parlait des choses que j’avais faites pour elle ce matin même. Je lui ai dit que j’avais pris ma retraite par anticipation justement pour m’occuper d’elle :

« J’ai pris ma retraite un an avant le temps pour m’occuper de toi. Tant que mes forces seront là tu peux compter sur moi. »

Nicole répondit :

« C’est précisément ce que je ne suis plus capable d’accepter : la dépendance. As-tu déjà pensé, Jacques, à ce que c’est de ne pas être maître de ses activités, de n’être même plus capable de couper la viande, de n’être même pas soi mais l’ombre de quelqu’un d’autre? Je voudrais bien te voir dans la même situation. »

Elle ajouta :

« Je ne peux pas accepter de vivre comme ça plus longtemps. Est-ce que je n’ai pas le droit de mettre fin à mes jours. »

Je lui ai dit que je partageais la philosophie qu’elle avait le droit de mettre un terme à sa vie si elle était absolument certaine que c’est ce qu’elle voulait. Nicole était désespérée et j’étais sensible à son désespoir. En cet instant, toute la souffrance des deux années précédentes était portée à son comble. Elle avait abandonné et, pour moi, elle avait droit de mettre un terme à sa vie si elle le souhaitait vraiment et je considérais qu’il était de mon devoir de l’aider dans cette démarche et de ne pas l’en empêcher.

62.        J’ai demandé à Nicole :

« C’est ta décision! Ce n’est pas à moi de la prendre. »

Elle répondit :

« Donne-moi le pistolet et laisse-moi réfléchir. »

Je lui ai demandé pourquoi elle ne prenait pas des pilules. Elle m’a répondu :

« Le résultat n’est pas certain. Je veux être certaine du résultat. »

J’ai dit :

« Pense à moi et aux enfants. Es-tu absolument sûre que c’est ça que tu veux? »

Je lui ai fait promettre que si je lui apportais le pistolet, elle allait d’abord réfléchir pendant un certain temps avant de prendre sa décision :

« Nicole, promets-moi une chose : de penser au moins une demi-heure avant de poser quelque geste que ce soit. »

Elle a dit :

« Donne-moi le pistolet chargé et laisse-moi penser à tout ça. »

63.        Je ne crains pas la mort, Nicole non plus. Nous partagions un point de vue selon lequel chacun avait le droit de mettre un terme à sa vie, du moment qu’il était lucide et capable de prendre cette décision. Nous en avions discuté à de nombreuses reprises l’un avec l’autre, et avec des amis. Pour moi, cette question m’a toujours beaucoup touché parce que mon père, qui est mort à 92 ans en 2000, avait perdu dans les derniers douze mois de sa vie ses facultés mentales. Nicole et moi avions eu ce genre de discussion avec la propriétaire de la résidence spécialisée où il a passé sa dernière année.

64.        J’ai été profondément bouleversé et résigné. J’ai considéré que j’avais fait tout ce qui était en mon pouvoir pour dissuader Nicole de s’enlever la vie. J’avais exposé tous les arguments qui m’étaient venus à l’esprit. Elle refusait toute forme de pitié. Elle était déterminée dans sa volonté d’obtenir le pistolet. J’ai décidé que je n’avais pas d’autre choix et qu’il fallait faire ce qu’elle demandait. Elle avait le droit de mettre un terme à ses souffrances. Elle voulait en finir avec ce qu’elle considérait comme une vie misérable même si, selon moi, sa vie n’était pas si misérable que cela puisque j’étais là pour prendre soin d’elle. J’ai décidé qu’il me fallait seconder son dessein. Je me suis demandé, et je me demande encore, si j’ai pris la bonne décision. Quelques jours après sa mort, je me suis agenouillé auprès de sa photographie dans le journal et je lui ai demandé : « Ai-je posé le bon geste? ». Depuis ce temps, j’ai souvent posé à son esprit la même question.

65.        J’étais bouleversé. Je me souviens d’être allé dans mon cabinet et d’avoir pris le pistolet sur le dessus du meuble. Peut-être ai-je utilisé une chaise pour y parvenir. J’ai sorti le pistolet de la boîte, le chargeur contenait trois cartouches. Je l’ai inséré dans le pistolet et j’ai activé la glissière pour placer une cartouche dans la chambre. J’imagine que j’ai fait tout cela non seulement parce que Nicole me l’avait demandé, mais aussi parce que je voyais bien que, à cause de son handicap, elle éprouverait quelques difficultés à le charger elle-même.

66.        J’ai placé la boîte sur une table à l’entrée de l’appartement et j’ai remis le pistolet chargé sur la table en face de Nicole. Je l’ai embrassée sur le front, et serrée dans mes bras et lui ai demandé : « Es-tu convaincue? » Elle m’a dit :

« Jacques, voici plusieurs mois que j’y pense. C’est une chose d’y penser et c’est une autre chose de le faire. Maintenant, laisse-moi seule, s’il te plaît. »

La dernière chose que je lui ai dit: « Pense à nous, réfléchis bien. Je t’aime. »

J’ai quitté. Je ne sais pourquoi, je me souviens d’avoir entendu la radio en sortant. Il était 9h25.

[reproduction textuelle]

[78]        Monsieur Delisle raconte dans cette déclaration avoir confessé à son avocat quelques mois avant le début du procès son implication dans le décès de son épouse. Il a, plus tard, relevé son avocat de son secret professionnel et l’a autorisé à transmettre l’information à un nombre limité de personnes, ses enfants et leurs conjoints.

[79]        L’avocat a donc rencontré le 24 mai 2012 le fils et le gendre de monsieur Delisle et leur a transmis ces informations leur demandant toutefois de les garder confidentielles pour le moment. Le lendemain, 25 mai, comme prévu, le fils a témoigné au procès. L’information a, par la suite, été transmise le mardi suivant, 29 mai 2012, à la fille de monsieur Delisle et à la conjointe de son fils.

[80]        Selon monsieur Delisle, il était alors prévu qu’il témoigne et que dans le cadre de son témoignage, il fasse part de son implication dans le décès de son épouse. Sa belle-fille lui aurait toutefois rendu visite la veille du jour prévu pour ce témoignage pour le dissuader de témoigner; il explique dans sa déclaration :

95.        À 8h00 du soir, le dimanche 3 juin, ma belle-fille Dominique, qui avait suivi le procès en son entier avec sa mère, s’est présentée à mon appartement. Elle m’a dit qu’elle venait de la part de la famille. Elle était en larmes et m’a communiqué son émotion. Elle me priait de ne pas témoigner. Elle me demandait de réfléchir aux gros titres qui allaient paraître dans les journaux si je devais déclarer en Cour ce qui s’était réellement passé. Elle m’a rappelé que mes petits-enfants étaient harassés à l’école parce que leur grand-père avait tué leur grand-mère. Elle me dit qu’il lui paraissait horrible que je révèle des choses qui jetteraient tant de honte sur la famille, spécialement sur mes enfants, ma petite-fille Anne-Sophie et mes autres petits-enfants lorsqu’ils auraient grandi. Elle m’apprit que la famille était extrêmement bouleversée par la révélation de ce qui s’était vraiment passé ce matin-là et que Élène, en particulier, était inconsolable. Elle m’a dit qu’ils étaient en colère que je leur ai caché la vérité si longtemps. Elle m’a reproché. Elle me dit qu’ils seraient tous publiquement humiliés et discrédités par mon témoignage. Elle m’a dit qu’elle croyait que je serais acquitté de toute façon, avec ou sans mon témoignage, et donc pourquoi témoigner? J’étais ébranlé par ce qu’elle me disait et j’ai réalisé que j’avais commis une énorme erreur en cachant la vérité à ma famille.

96.        Après environ une heure et demie de discussion, Dominique a quitté. J’ai passé le reste de la nuit à réfléchir à ce qu’elle m’avait dit. J’ai décidé que je ne pouvais pas témoigner. Elle avait raison. C’est moi qui avais créé ce problème en cachant la vérité et je ne voulais pas nuire davantage à ma famille. Je leur en avais fait assez supporté jusqu’alors. Je n’avais aucun doute qu’elle avait raison quant aux gros titres qu’on verrait dans les journaux si je témoignais. Je ne voulais donc pas leur causer cette disgrâce par mon témoignage.

[81]        La belle-fille de monsieur Delisle, dans une déclaration sous serment souscrite le 4 mars 2015, confirme pour l’essentiel cette explication. Elle soulève toutefois un aspect qui porte à réflexion sur la stratégie de défense de son beau-père :

20.        I told him that he had let us all down by not having told us the truth from the outset. He tried to explain why he had done this. I asked him to imagine the television news headlines the night he testified, and the newspaper headlines the next day. I reminded him of how this had affected Élène, François, Jean and myself - we had always defended him and spoken up for him and I told him I felt betrayed and so did they. We talked about how Jean had testified the previous Friday and had given evidence as if the defence position was still that his wife had got the gun herself. I asked him whether it was right to have let Anne-Sophie testify for him that week having been told what had actually happened. I asked him, « How will you look in the public eye? »[19]

[82]        Ainsi, monsieur Delisle n’aurait pas témoigné non seulement pour éviter de causer de la « disgrâce » à ses proches mais aussi pour sa propre image. Le ministère public soulève aussi la question du crédit que le jury aurait accordé à cette version si elle lui avait été présentée dans le contexte où monsieur Delisle a déployé beaucoup d’efforts pour démontrer par une preuve d’expert que madame Rainville, malgré les problèmes physiques qui l’affligeaient, aurait été en mesure d’aller prendre le pistolet et de l’armer.

[83]        Monsieur Delisle voudrait que cette déclaration puisse être reçue à titre de preuve nouvelle.

[84]        Il soumet à l’appui de cette demande l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, R. vs P.G.[20], une affaire dans laquelle la Cour d’appel a considéré à titre de preuve nouvelle la déclaration sous serment du fils de l’accusé produite dans les circonstances suivantes. L’accusé a été reconnu coupable à la suite d’un procès devant un juge et jury d’agression sexuelle et condamné à douze mois d’emprisonnement. Il a témoigné pendant le procès invoquant le consentement de la victime à l’activité sexuelle à laquelle ils se sont livrés. Or, le témoignage de son fils aurait pu confirmer le consentement de la victime. Il a décidé de ne pas le faire entendre parce qu’il était impliqué dans des procédures judiciaires avec son ex-conjointe concernant, entre autres, la garde de leur fils et les accès à son endroit et qu’à son avis, le fait que l’enfant témoigne au procès aurait pu être préjudiciable à ce dernier.

[85]        Dans ces circonstances, la Cour d’appel a considéré, à titre de preuve nouvelle, la déclaration sous serment du fils et a ordonné la tenue d’un nouveau procès.

[86]        Dans cette affaire, R. vs. P.G., toutefois, la preuve nouvelle repose sur le témoignage d’un tiers et non celui de l’accusé. De plus, l’accusé dans cette affaire a soulevé cette question de preuve nouvelle dans le cadre de son appel du verdict.

[87]        En l’espèce, si les raisons invoquées par monsieur Delisle dans sa prise de décision de ne pas témoigner à son procès étaient retenues alors qu’on lui a suggéré qu’il pouvait être acquitté sans témoigner, ce qui n’est pas acquis, il n’explique d’aucune façon les motifs pour lesquels il n’a pas tenté d’introduire cette preuve en appel, surtout après les commentaires suivants figurant au jugement de la Cour d’appel du 6 juillet 2012 rejetant sa requête pour mise en liberté dans l’attente de la décision sur son appel :

[60]       Somme toute, les moyens d'appel en droit invoqués par l'appelant sont peut-être sérieux mais ils sont tributaires, en grande partie, d'une appréciation des faits et de la crédibilité des témoins, domaines qui relèvent exclusivement de l'appréciation des membres du jury.

[61]       Au surplus, les moyens d'appel liés à l'incapacité des membres du jury d'apprécier une preuve scientifique dite complexe laissent songeur. Nous ne connaîtrons jamais les raisons qui ont amené les douze membres du jury à conclure aussi rapidement (un peu plus de deux jours de délibérations) à la culpabilité de l'appelant. Ce dernier soutient qu'il s'agit de la preuve éclatante de l'incapacité du jury à maîtriser une preuve trop complexe. L'argument me semble un peu court. Le lien de cause à effet entre la durée du délibéré et les prétentions de l'appelant relève beaucoup plus de la spéculation, d'autant que l'expérience judiciaire a démontré que le système de justice rendue par un jury a fait ses preuves.

[62]       À l'exception des dossiers dans lesquels le ministère public a indûment surchargé les actes d'accusation, les membres d'un jury réussissent habituellement à maîtriser la preuve qui leur est présentée. Pour sa part, le ministère public se conforte dans ce court délibéré en soutenant qu'il témoigne de la solidité de sa preuve. Le seul fait d'adhérer à la thèse de l'homicide et de rejeter celle du suicide ne veut pas dire nécessairement que le jury n'a pas correctement apprécié la preuve qui lui a été présentée.

[63]       Sans pour autant diminuer la valeur des arguments que pourra défendre l'appelant lors de l'audition de son pourvoi, il faut ajouter que la preuve du ministère public n'était pas seulement limitée à des témoignages d'expert mais participait d'une preuve circonstancielle qui incluait un mobile bien identifié, en plus des verbalisations et des agissements de l'appelant relatés et captés immédiatement après les événements tragiques.

[64]       L'appelant demandera à la Cour de conclure que le verdict prononcé par le jury ne peut s'expliquer et qu'il est donc déraisonnable selon le sens que la Cour suprême  a donné à cette expression. Le témoignage de son expert, jumelé à certains aveux, admissions ou lacunes qui affectaient les témoignages des experts du ministère public, devrait alimenter un doute raisonnable quant aux éléments essentiels de l'infraction de meurtre. La tâche n'est pas impossible mais, à première vue, le fardeau est lourd à satisfaire sur ce volet des moyens d'appel.

[65]       Il appartiendra à une formation de cette Cour de se prononcer sur la valeur des moyens soulevés, mais dans le cadre de la décision sur remise en liberté, et même si certains moyens d'appel sont sérieux, ils ne permettent pas l'élargissement de l'appelant pendant son pourvoi. Ici, l'appelant a été reconnu coupable par douze personnes, impartiales et indépendantes, d'avoir commis l'un des crimes les plus sérieux sanctionnés par le Code criminel. Il s'agit d'un meurtre prémédité d'une violence évidente sur une personne vulnérable. L'appelant devait établir l'existence de très sérieux moyens d'appel pour justifier, à la lumière de toutes les circonstances de cette affaire, sa remise en liberté. Cette démonstration n'a pas été faite.

[références omises]

[Je souligne]

 

 

[88]        Dans cette déclaration, monsieur Delisle reconnaît avoir menti à ses proches quant à son implication dans le décès de son épouse et aux policiers, entre autres, sur la façon dont madame Rainville est entrée en possession du pistolet parce que, dit-il :

80.        … Je ne pouvais me permettre d’informer ma famille du fait que j’avais assisté Nicole dans son suicide et, sur le moment, je ne voyais pas de mal à mentir au policier.

[89]        Par ailleurs, il ne traite pas dans cette déclaration de la conversation qu’il a tenue avec madame Plamondon quant à la possibilité qu’ils vivent ensemble, et ce, avant le décès de madame Rainville. Or, selon la Cour d’appel, l’élément « préméditation » du meurtre au premier degré repose sur cette conversation :

[170]     L'élément de preuve fondamental sur lequel repose la thèse de la préméditation est une conversation entre Mme Plamondon et M. Delisle survenue entre le 31 octobre 2009, date où Mme Rainville quitte l'hôpital après son opération de la hanche pour retourner chez elle, et le 12 novembre 2009, date de son décès. Lors de cette conversation, M. Delisle annonce à Mme Plamondon qu'il cherche une résidence pour son épouse, une démarche infructueuse de l'avis de Mme Plamondon, et lui demande d'envisager de vivre avec lui. La nature de cette conversation et sa date, quelques jours avant le décès de Mme Rainville, pouvaient raisonnablement permettre au jury d'inférer, une fois qu'il en était venu à la conclusion que M. Delisle avait tué Mme Rainville, que celui-ci projetait de le faire pour s'établir avec Mme Plamondon avant de passer à l'acte.

[90]        Monsieur Delisle a maintenu sa première version des faits auprès de ses proches qui le soutenaient pendant plus de deux ans. Il leur a fait part de sa nouvelle version en mars 2012. Ces derniers continuent de le soutenir.

Précédents jurisprudentiels

[91]        Dans R. c. Phillion[21], l’accusé a été trouvé coupable de meurtre au premier degré et condamné à l’emprisonnement à perpétuité. Il a toujours clamé son innocence. Il n’a pas demandé sa libération conditionnelle après 25 ans d’emprisonnement puisque selon lui, la libération conditionnelle s’applique à ceux qui sont coupables.

[92]        Au moment de l’audition de sa requête pour mise en liberté, il était détenu depuis plus de 31 ans.

[93]        La demande de révision auprès du ministre et la décision de le remettre en liberté reposent principalement sur l’omission du ministère public d’avoir divulgué à l’accusé une preuve disculpatoire tendant à démontrer qu’il se trouvait ailleurs au moment du crime.

[94]        Dans R. c. Driskell[22], l’accusé a été reconnu coupable en juin 1991 d’un meurtre au premier degré allégué commis en juin 1990. Il a été condamné à l’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Ses appels ont tous été rejetés. Treize ans plus tard, en 2004, il a présenté une demande de révision au ministre de la Justice et la même année, une demande de mise en liberté.

[95]        La preuve au procès se résume comme suit.

[96]        La victime, accusée de crimes allégués commis avec Driskell, a donné une déclaration incriminant ce dernier et indiqué son intention de plaider coupable aux crimes reprochés. Elle a été tirée à l’aide d’une arme décrite, selon la preuve scientifique, comme probablement de calibre 22. Driskell possédait une arme de ce calibre.

[97]        En plus de ces éléments, la preuve a reposé sur le témoignage de deux individus aussi complices de Driskell dans la commission d’infractions à qui il aurait déclaré vouloir tuer la victime après l’avoir enlevée et transportée dans son véhicule automobile. On a retrouvé dans le véhicule en question des cheveux qui, selon un expert, provenaient probablement de la victime.

[98]        La nouvelle preuve rendue disponible plusieurs années plus tard a démontré, entre autres, que :

·        Les témoins en poursuite étaient rémunérés pour coopérer avec la police; l’un avait reçu quelque 70 000 $, le montant versé à l’autre est inconnu, la preuve de paiement ayant été détruite;

·        L’un des témoins a prétendu s’être vu offrir l’immunité à l’égard d’une accusation d’incendie criminel;

·        Ces informations disponibles dans le cadre du procès tenu en 1991 n’ont pas été divulguées à la défense;

·        L’un des témoins lors d’une conversation téléphonique qui a été enregistrée après le verdict aurait reconnu que son témoignage au procès relevait de la fabrication;

·        Cette information connue des policiers avant l’audition en appel n’a pas été divulguée à la défense;

·        Une nouvelle analyse par empreintes génétiques (ADN) a démontré qu’aucun des cheveux trouvés dans le véhicule automobile de Driskell ne provenait de la victime.

[99]        Dans Unger v. Canada (Minister of Justice)[23], Unger a été avec un coaccusé reconnu coupable le 28 février 1992 de meurtre au premier degré. Il a présenté une demande de révision au ministre de la Justice en 2005 et la même année, une demande de mise en liberté. La preuve au procès repose essentiellement sur :

·        Un cheveu retrouvé sur le gilet que portait la victime, déclaré compatible à la suite d’une analyse microscopique avec ceux de l’accusé;

·        Le témoignage d’un détenu informateur à l’effet que Unger lui aurait formulé des commentaires inculpatoires;

·        Une déclaration inculpatoire que Unger a faite lors d’une opération d’infiltration policière.

[100]     La nouvelle preuve rendue disponible plusieurs années plus tard a démontré, entre autres, qu’une nouvelle analyse par empreinte génétique (ADN) révèle que le cheveu retrouvé sur le gilet de la victime n’appartient pas à Unger. De plus, le ministère public reconnaît que la déclaration inculpatoire faite par Unger à un détenu informateur ne remplit pas les critères d’admissibilité adoptés en juillet 2000.

[101]     Selon le ministère public, demeurerait valable la déclaration inculpatoire faite par Unger lors d’une opération d’infiltration policière. Cette déclaration présentait toutefois d’importantes faiblesses en ce que plusieurs détails mentionnés par Unger étaient faux, par exemple le lieu du crime identifié par lui à savoir un pont a été construit plusieurs mois après l’acte.

[102]     Dans Ostrowski v. Canada[24], Ostrowski a été reconnu coupable de meurtre au premier degré en mai 1987. Son appel à la Cour d’appel du Manitoba a été rejeté en 1989, celui à la Cour suprême du Canada en 1992. Il a présenté une demande de révision au ministre de la Justice en juillet 2009 et une demande de mise en liberté en septembre 2009.

[103]     La preuve au procès peut se résumer comme suit.

[104]     Ostrowski aurait planifié le meurtre de la victime et fourni l’arme utilisée par deux coaccusés pour le commettre.

[105]     La preuve en poursuite repose principalement sur le témoignage d’un client de l’accusé en matière de drogue. Ce client a affirmé que l’accusé lui a dit :

·        croire que la victime avait donné de l’information aux policiers à son sujet;

·        avoir fourni une arme à feu à un autre de ses associés autre que les coaccusés;

·        avoir des amis qui s’occuperaient du cas de la victime.

[106]     Ce client affirme aussi avoir contacté les policiers le jour précédant le meurtre pour les prévenir que la vie de la victime était en danger.

[107]     Or, le rapport du policier qui a reçu l’appel de ce client révèle qu’il n’a pas identifié la victime par son nom et qu’il visait, en fait, une autre personne. Ce rapport n’a pas été divulgué à la défense avant le procès.

[108]     Le ministère de la Justice fédérale a aussi divulgué des informations à l’égard de ce témoin révélant une entente à l’effet que des accusations à son égard seraient rejetées s’il témoignait dans le dossier d’Ostrowski. Ce témoin a affirmé le contraire lors du procès.

[109]     Après que l’appel d’Ostrowski fut rejeté, le ministère public a déclaré dans le dossier de ce témoin ne pas avoir de preuve à offrir.

[110]     Enfin, dans une déclaration sous serment et dans des transcriptions d’interrogatoires, un autre témoin laisse entendre que l’un des associés d’Ostrowski a ordonné le meurtre de la victime et qu’il s’est procuré l’arme dans un endroit secret connu de lui et d’Ostrowski.

[111]     Dans R. c. Assoun[25], en 1998, Assoun a été reconnu coupable de meurtre au deuxième degré et condamné à l’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 18½ ans. Son appel a été rejeté au printemps 2006 et sa requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada à l’été 2006. Il a introduit une demande de révision auprès du ministre de la Justice en avril 2013.

[112]     La preuve apportée par Assoun dans le cadre de cette demande de révision et dans le cadre de sa demande de mise en liberté ne ressort pas de la lecture du jugement. Les éléments de preuve ont été mis sous scellés. Assoun a été libéré sous conditions du consentement du ministère public sur recommandation commune le 24 novembre 2014, 16 ans après sa condamnation.

[113]     Dans R. c. Mullins-Johnson[26], l’accusé a été trouvé coupable en 1993 de meurtre au premier degré de sa nièce. Il a passé douze ans en prison. Il a été libéré en 2005 sur la foi d’une nouvelle preuve balistique.

[114]     La victime, selon la preuve au procès, aurait été agressée sexuellement et asphyxiée. L’accusé gardait la victime et son jeune frère au moment du décès.

 

[115]     La nouvelle preuve pathologique que le ministère public a considéré fiable et fort convaincante a révélé que la victime n’avait jamais été agressée sexuellement et n’était pas décédée d’asphyxsie, la cause de son décès demeurant inconnue. La Cour d’appel d’Ontario, à qui le ministre de la Justice a renvoyé la cause en vertu de l’article 696.3 (3) (a) (ii) du Code criminel écrit notamment :

[20]       We agree with the submissions of Crown counsel about the fresh evidence as expressed in para. 12 of their factum:

There is no doubt that the new expert opinions in this case are credible and highly cogent.  They go to the very core of whether there was an offence committed in this case.  The opinions have been provided by some of the leading Canadian and international experts in forensic pathology and pathology.  The opinions not only have a profound impact on the reliability of the jury verdict reached at trial, it is submitted that they are dispositive of the result.

[21]       Finally, in their excellent factums the parties have fully reviewed for us the entire body of evidence aside from the expert evidence.  In short, without the expert evidence there is no case against the appellant and no evidence of a crime.  The non-expert evidence, if anything, is inconsistent with guilt and, again, is not indicative of a crime.  Now that the trial expert evidence has been completely discredited, there is no case against the appellant and he is clearly entitled to an acquittal.

Conclusion

[116]     L’analyse des opinions des divers experts mène à la conclusion qu’à tout le moins, la preuve pathologique et balistique demeure litigieuse : si une partie de cette preuve soulève, comme au procès, l’hypothèse d’un suicide, une autre partie de cette même preuve l’exclut. Par ailleurs, aucun expert n’exclut l’homicide.

[117]     De plus, comme souligné au paragraphe 63 du jugement de la Cour d’appel du 6 juillet 2012 rejetant la requête pour mise en liberté dans l’attente de la décision sur l’appel, le verdict de culpabilité de meurtre au premier degré n’a pas été prononcé sur la seule preuve par experts. En outre, la Cour d’appel dans son arrêt du 29 mai 2013 le souligne expressément :

[45]       Cela ne signifie cependant pas que le jury devait prendre sa décision uniquement en fonction des expertises balistiques et faire abstraction du reste de la preuve.

[46]       Tout d'abord, les expertises balistiques ne pouvaient être évaluées en vase clos alors que l'opinion des experts, de part et d'autre, s'appuie sur une quantité de faits dont la preuve a été administrée par d'autres témoins. Le procureur de M. Delisle a d'ailleurs admis lors de l'audition de l'appel que les témoignages du pathologiste, de l'experte en projection de sang, de la biologiste judiciaire et des thérapeutes de Mme Rainville, de même que la preuve du déplacement de la douille par M. Delisle, étaient tous susceptibles d'influencer l'appréciation des expertises. Le jury devait soupeser ces éléments de preuve sous-jacents aux expertises balistiques pour pouvoir se prononcer adéquatement à leur sujet.

[47]       De plus, les expertises balistiques de M. Gravel et de M. Desmarais ne constituaient qu'un pan de la preuve circonstancielle mise de l'avant par le ministère public pour établir que M. Delisle avait fait feu sur Mme Rainville, un pan fondamental, mais pas exclusif. Le ministère public aurait certes pu décider de s'appuyer uniquement sur sa preuve d'expert, accompagnée d'une preuve établissant que seul M. Delisle avait eu l'opportunité de commettre le crime, mais il a choisi d'apporter également une preuve de mobile et une preuve fondée sur le comportement de M. Delisle après le décès de Mme Rainville. La défense, parfois en réplique à la preuve du ministère public, mais parfois aussi de sa propre initiative, a d'ailleurs elle aussi présenté une preuve à décharge débordant la preuve de son propre expert en balistique. Elle s'est par exemple efforcée de soulever un doute raisonnable en mettant en preuve le bon caractère de M. Delisle, son dévouement envers son épouse et les propos suicidaires de cette dernière.

(…)

[162]     De plus, la thèse du meurtre, bien qu'elle repose essentiellement sur l'avis des experts du ministère public, était complétée par une preuve circonstancielle, dont le mobile et le comportement après le fait. Ajoutons à la preuve des experts balisticiens de la poursuite celle du pathologiste Bourgault et de l'experte en projection de sang Prévost. Mentionnons aussi la preuve de la localisation de la boîte du pistolet dans l'appartement et celle portant sur les limitations physiques de Mme Rainville qui affectaient notamment sa capacité à déplacer le pistolet de la boîte au divan, à l'armer et à le décharger. L'ensemble de cette preuve circonstancielle a pu contribuer à convaincre le jury hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de M. Delisle pour meurtre.

[118]     Au surplus, retenir la version de monsieur Delisle exposée dans sa déclaration sous serment détaillée du 18 mars 2015 entraîne la conclusion qu’il est impliqué dans le décès de la victime : il reconnaît, dans cette déclaration, avoir commis l’infraction d’aide au suicide prévue à l’article 241 (1) du Code criminel passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans. Il pourrait aussi, comme le soutient, le ministère public, avoir commis un homicide involontaire coupable en fournissant à une personne suicidaire une arme à feu chargée, un crime passible d’un emprisonnement à perpétuité.

[119]     La considération de l’ensemble des informations additionnelles produites par monsieur Delisle démontre que sa situation est bien différente de celles traitées dans les précédents jurisprudentiels.

 

[120]     Dans chacun de ces précédents dont les éléments de preuve sont publics, la preuve nouvelle en est une disculpatoire non contestée non seulement à l’égard du crime reproché mais aussi quant à une infraction incluse ou concomitante. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

[121]     L’affaire présente plutôt des similitudes avec celle dans Walchuk v. Canada (Minister of Justice)[27]. Dans Walchuk, l’accusé a été reconnu coupable du meurtre au second degré de son épouse décédée dans un incendie. Le juge du procès a conclu que l’accusé, après avoir battu la victime, l’avoir laissée dans le sous-sol de la résidence et avoir répandu de l’essence dans l’escalier et sur le palier, a allumé le feu avec une allumette. Ses recours rejetés, l’accusé a invoqué une erreur judiciaire. Il a produit trois rapports d’expert en incendie qui contredisent la preuve de la poursuite au procès. Ces experts concluent à l’absence de preuve supportant l’opinion qu’un « accélérant » a été utilisé et émettent celle qu’il était erroné de conclure que le feu ne pouvait être d’origine électrique. Le ministre de la Justice a refusé la demande; la Cour fédérale a rejeté le recours de l’accusé en révision; la Cour d’appel fédérale a rejeté son appel. Cette dernière en est arrivée à cette conclusion parce qu’aucun des experts n’a conclu que l’incendie était accidentel ou n’a exclu la possibilité que l’accusé ait mis le feu d’une autre façon; or, selon la Cour d’appel fédérale, la preuve circonstancielle permettait de conclure que l’accusé avait intentionnellement mis le feu à l’origine du décès de la victime.

[122]     Autrement dit, une preuve nouvelle qui démontre qu’un crime n’a pas été commis de la façon invoquée dans un procès n’invalide pas nécessairement le verdict.

[123]     Ainsi, même si la trajectoire du projectile qui a causé le décès de madame Rainville n’était pas exactement celle préconisée par le docteur Bourgault, le verdict ne deviendrait pas de ce seul fait non fiable ou injuste. Rappelons qu’aucun expert n’exclut l’homicide, qu’une partie de la preuve nouvellement administrée exclut le suicide et que la preuve circonstancielle à l’appui du verdict demeure pertinente.

[124]     En somme, les informations additionnelles soumises dans le cadre de la présente requête, en tenant pour acquis que toutes constituent de la preuve nouvelle, ne permettent pas de conclure qu’elles soulèvent de sérieuses préoccupations quant à la justesse du verdict, encore moins de très sérieuses préoccupations quant à sa fiabilité.

[125]     Dans ces circonstances, la confiance du public dans l’administration de la justice commande que monsieur Delisle continue de purger sa peine : un public formé de personnes raisonnables, bien informées des dispositions législatives et des circonstances réelles de l’affaire, qui apprécient les fondements de notre système de justice criminelle et qui ne sont pas mues par la passion mais par la raison, n’accepterait pas la mise en liberté, à ce stade des procédures, dans l’attente que la ministre de la Justice ait complété son enquête et rendu une décision finale.

[126]     L’âge du requérant et le soutien dont il bénéficie de la part de ses proches et de plusieurs ex-collègues, de même que la conviction que certains expriment quant à son innocence ne diminuent en rien cette conclusion.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[127]     REJETTE la requête du requérant pour mise en liberté.

 

 

__________________________________

BENOIT MOULIN, j.c.s.

 

Me Jacques Larochelle

Me James Lockyer

Me Tara Santini

Avocats du requérant

 

Me Michel Fortin

Avocat de l’intimée

 

Dates d’audience :

18, 19, 20, 21, 24 et 25 octobre 2016

6, 7, 8 et 9 décembre 2016

 



[1] Delisle c. R., 2012 QCCA 1250

[2] Delisle c. R., 2013 QCCA 952

[3] Delisle c. R., C.S. Can., 2013-12-12, 35491

[4] R. c. Nur, 2015 CSC 15

[5] Règlement sur les demandes de révision auprès du ministre (erreurs judiciaires), DORS/2002-416

[6] R. c. Phillion, [2003] O.J. no. 3422

[7] Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 (annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.)

[8] Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626

[9] R. v. Driskell, [2004] M.J. No. 7

[10] Unger v. Canada (Minister of Justice), [2005] M.J. No. 396

[11] Ostrowski v. Canada (Minister of Justice), [2009] M.J. No. 426

[12] R. v. Assoun, [2014] N.S.J. No. 607

[13] Ils auraient sans doute pu l’être sur autorisation devant la Cour suprême du Canada en vertu de l’article 40 de la Loi sur la Cour suprême, L.R.C. 1985, chapitre S-26

[14] R. c.Mullins-Johnson, 2007 ONCA 720 (CanLII)

[15] Candappa c. R., 2016 QCCA 395

[16] Rapport de l’expert Vassili Swistounoff du 22 avril 2012 produit sous R-15, page 26

[17] Monsieur Arnet explique avoir considéré la tempe du crâne humain pour évaluer l’angle alors que le docteur Bourgault a établi cet angle par rapport au crâne. Selon monsieur Arnet, l’angle de 45 degrés qu’il utilise correspond à celui de 30 degrés décrit par le docteur Bourgault

[18] Vincent J.M. DIMAIO, Gunshot wounds, pratical Aspects of Firearms, Ballistics and Forensic Techniques, Third Edition, CRC Press, 2015

[19] Les personnes Jean et Anne-Sophie dont il est question dans cette déclaration sont respectivement le fils et la petite-fille de monsieur Delisle. Cette dernière, âgée de 19 ans, a témoigné au procès le 31 mai 2012

[20] R. vs P.G.¸ 2013 ONCA 520

[21] R. c. Phillion, précité note 6

[22] R. v. Driskell, précité note 9

[23] Unger v. Canada (Minister of Justice), précité note 10

[24] Ostrowski v. Canada, précité note 11

[25] R. c. Assoun, précité note 12

[26] R. c. Mullins-Johnson, précité note 14

[27] Walchuk v. Canada (Minister of Justice), [2013] A.C.F. no 1030

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