Luxme International Ltd. c. Lasnier |
2019 QCCS 1180 |
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COUR SUPÉRIEURE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
LONGUEUIL |
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N° : |
505-17-007864-152 |
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DATE : |
27 mars 2019 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
FRÉDÉRIC BACHAND, J.C.S. |
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LUXME INTERNATIONAL LTD. |
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- et - |
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LUXME TECHNOLOGIES INC. |
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Demanderesses |
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c. |
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PATRICE LASNIER |
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AXIS CONVEYOR INC. |
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- et - |
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TUBE4 CONVEYOR INC. |
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Défendeurs |
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JUGEMENT (concurrence déloyale) |
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Table des matières
I..... Contexte.................................................................................................................................. 3
II..... Les reproches formulés à l’encontre des défendeurs...................................................... 11
A... Monsieur Lasnier a-t-il manqué à ses obligations de loyauté, de discrétion et de confidentialité?............................................................................................................ 11
1.... Les manquements à l’obligation de loyauté en cours de contrat de travail 12
2.... Le détournement d’une occasion d’affaires................................................... 14
3.... L’appropriation et l’utilisation de documents administratifs et techniques. 15
B... Les défendeurs ont-ils violé les droits d’auteur de Luxme Tech?......................... 19
III.... Les réparations recherchées par les demanderesses.................................................... 22
A. Les ordonnances de nature injonctive...................................................................... 22
1.... Les ordonnances relatives aux secrets commerciaux des demanderesses 22
2.... L’ordonnance visant les autres informations confidentielles........................ 27
3.... L’ordonnance visant le site Internet d’Axis..................................................... 28
B... La reddition de compte et la remise de documents............................................... 28
C... Les dommages-intérêts pour l’appropriation et l’utilisation illicites des secrets commerciaux de Luxme........................................................................................................................... 28
D... Les dommages-intérêts pour troubles et inconvénients......................................... 31
IV... L’abus de procédure, les manquements importants dans le déroulement de l’instance et les frais de justice..................................................................................................................................... 31
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[1] Les demanderesses poursuivent M. Patrice Lasnier et deux compagnies qu’il a fondées, Axis Conveyor Inc. (« Axis ») et Tube4 Conveyor Inc. (« Tube4 »), pour concurrence déloyale. Pour l’essentiel, elles allèguent que les défendeurs leur font concurrence en utilisant des informations leur appartenant et ayant trait à la conception et à la fabrication de certains systèmes de convoyeurs tubulaires. Il s’agirait d’informations confidentielles auxquelles M. Lasnier avait accès lorsqu’il était à l’emploi de la demanderesse Luxme International Inc. (« Luxme »). En outre, les défendeurs auraient violé des droits d’auteur dont la demanderesse Luxme Technologies Inc. (« Luxme Tech ») serait titulaire.
[2] Les demanderesses recherchent des conclusions de nature injonctive, des dommages-intérêts de plus d’un demi-million de dollars, une ordonnance enjoignant aux défendeurs de leur remettre certains documents, ainsi qu’une reddition de compte relative à certains produits vendus par M. Lasnier et ses entreprises. Leur demande de dommages-intérêts comprend une réclamation de 25 000 $ pour abus de procédure.
[3] En réponse aux prétentions des demanderesses, les défendeurs avancent trois principaux arguments. Premièrement, M. Lasnier aurait créé les convoyeurs tubulaires vendus par Axis en ayant seulement recours à son expérience et à ses connaissances personnelles. Ensuite, les informations dont se sert Luxme afin de fabriquer les convoyeurs tubulaires qu’elle vend ne constitueraient pas des secrets commerciaux à proprement parler. Enfin, Luxme Tech n’aurait pas établi qu’elle était titulaire des droits d’auteur que les défendeurs ont prétendument violés.
[4] Dans leur défense produite à l’automne 2016, les défendeurs se sont également portés demandeurs reconventionnels afin de réclamer aux demanderesses des dommages-intérêts compensatoires et punitifs pour abus de procédure. Leur avocat a cependant concédé durant sa plaidoirie que les demanderesses n’avaient pas agi de manière abusive, tout en ajoutant qu’il ne ferait aucune représentation sur la demande reconventionnelle. Il y a donc lieu de considérer que cette demande a été abandonnée.
[5] Luxme est une entreprise familiale fondée à la fin des années 70. Basée à Brossard, elle œuvre notamment dans le domaine de la fabrication et la vente de systèmes de convoyeurs tubulaires. Il s’agit de systèmes qui permettent à ses clients de transporter, d’un point A à un point B, une grande variété de matières, telles que du verre concassé, des denrées et des minéraux. Ces matières sont déplacées à l’intérieur de tubes par des disques qui sont fixés à une chaîne, laquelle est reliée à une station d’entraînement ainsi qu’à une station de tension. Le tout est actionné par un moteur électrique à vitesse variable[1].
[6] Depuis plus de vingt ans, Luxme bénéficie d’un partenariat avec une compagnie allemande, Schrage Rohrkettensystem GmbH (« Schrage »). Aux termes d’une entente intervenue en 1996, Luxme a acquis le droit exclusif de fabriquer et de vendre, au Canada ainsi qu’aux États-Unis, certains produits — dont des systèmes de convoyeurs tubulaires — développés par Schrage. En contrepartie, Luxme a dû verser à Schrage la somme de 350 000 USD[2].
[7] Luxme ne fait pas que fabriquer et vendre certains produits de son partenaire allemand. En plus d’avoir adapté ces produits au marché nord-américain, Luxme a elle-même développé diverses technologies liées aux systèmes de convoyeurs tubulaires qu’elle propose à ses clients. Elle a notamment développé des systèmes répondant aux exigences strictes de l’industrie laitière, ainsi que des appareils permettant de nettoyer l’intérieur des convoyeurs tubulaires.
[8] M. Lasnier s’est joint à Luxme en mars 2010[3]. Diplômé en conception mécanique du Collège du Vieux-Montréal, il possédait alors une expérience de près de vingt ans comme concepteur mécanique, chargé de projets, chef d’équipe et chef de service. Cette expérience a surtout été acquise durant les 14 années qu’il a passées à l’emploi d’une entreprise spécialisée dans la fabrication de presses commerciales[4].
[9] Lors de son arrivée chez Luxme, M. Lasnier n’avait aucune expérience dans le domaine des convoyeurs tubulaires. Embauché comme dessinateur-concepteur, il relevait directement du président de la compagnie qui comptait alors une vingtaine d’employés. En plus de préparer des dessins de présentation générale des convoyeurs et de participer à la conception de certaines composantes de produits vendus par Luxme, M. Lasnier était régulièrement impliqué dans l’élaboration et la présentation de propositions pour les clients de l’entreprise. Il était essentiellement l’homme de confiance du président.
[10] Dans le cadre de ses fonctions, M. Lasnier était l’un des quelques employés à avoir accès à tous les dessins techniques relatifs aux systèmes fabriqués et vendus par l’entreprise. Ces dessins étaient alors conservés sur un serveur informatique à accès restreint. D’ailleurs, lors de son embauche, M. Lasnier a signé une entente de confidentialité et de non-concurrence comportant six paragraphes[5]. Les trois premiers lui imposent des obligations de confidentialité sans toutefois préciser qu’elles survivent au-delà de la fin du lien d’emploi. Ils se lisent comme suit :
1. L’employé reconnaît et accepte que tous les procédés, toutes les recettes, tous les dessins, tous les designs, tous les plans, tous les diagrammes, toutes les photographies, toutes les esquisses, tous les catalogues, tous les dépliants, toutes les circulaires, tous les graphiques, tous les tableaux, toutes les spécifications, tous les calculs, toute la correspondance, toutes les listes des noms et des spécifications des clients, toutes les listes de prix, tous les procès-verbaux, tous les documents, toutes les machines et pièces mécaniques, et tous les autres matériaux ou objets avec lesquels, pendant son emploi, son contrat ou son sous-contrat, l’employé peut avoir travaillé ou a lui-même fabriqués ou préparés ou qui peuvent être venus en sa possession ou desquels il a pu avoir connaissance, relatifs au commerce de produits d’ouvre-sacs automatiques et de transporteurs à raclettes tubulaires de la société et de tout autre produit connexe, seront en tout temps la propriété confidentielle de la société. L’employé ne pourra pas livrer, divulguer, transférer ou donner les éléments énumérés ci-dessus, n’importe lequel d’entre eux, toute partie de ceux-ci, ou tout renseignement au sujet de ceux-ci à une tierce partie, et ne pourra pas en disposer.
2. L’employé accepte de garder confidentiels le salaire, les avantages sociaux, l’augmentation annuelle de salaire, le pourcentage d’augmentation de salaire et toute autre rémunération versée par la société.
3. L’employé ne pourra pas révéler, divulguer, dire, ou impartir à une tierce partie toute propriété, toute connaissance, tout savoir-faire, tout concept, toute formule, toute expertise, tout détail secret ou tout autre renseignement confidentiel de quelque sorte que ce soit au sujet de ou relatif au commerce de produits d’ouvre-sacs automatiques et de transporteurs à raclettes tubulaires de la société et de tout autre produit connexe, au sujet de la machinerie et de l’équipement, des techniques et des procédés de fabrication, du fonctionnement et des activités, ou des finances, des transactions et des opérations de ceux-ci, sauf au cours de l’exécution de ses tâches légitimes, et chaque employé protégera ces renseignements et les tiendra strictement confidentiels.
Les deux paragraphes suivants imposent à M. Lasnier des obligations de non-concurrence tout en précisant que certaines d’entre elles survivent au-delà de la fin du lien d’emploi. Les parties ont cependant convenu lors de l’instruction que ces dispositions étaient invalides en raison de leur portée trop large[6]. Les parties ont également précisé qu’aucune d’elles n’invoquait ces dispositions au soutien de ses prétentions. Enfin, le sixième et dernier paragraphe de l’entente contient une clause pénale qui se lit comme suit :
6. Toute violation de toute disposition de cette entente par l’employé permettra à la société de réclamer 1 000 $ par violation en guise de dommages anticipés. En dépit de ladite pénalité, la société sera fondée à intenter toutes les actions en justice disponibles pour mettre fin à toute violation de la présente entente. L’employé autorise la société, par les présentes, à déduire de toute somme qui lui est due le montant dû en guise de dommages anticipés.
[11] Fin 2013, alors qu’il était toujours à l’emploi de Luxme, M. Lasnier a entrepris certaines démarches qui sont à l’origine du présent litige. Il a d’abord invité deux employés clés de Luxme — le contremaître d’atelier et l’ingénieur principal — à se joindre à lui à titre d’actionnaires et d’administrateurs d’une nouvelle compagnie qui, comme Luxme, fabriquerait et vendrait des systèmes de convoyeurs tubulaires. C’est également durant cette période que M. Lasnier a incorporé Axis[7].
[12] Un troisième employé clé de Luxme — le concepteur principal — s’est ensuite joint aux discussions, puis, sur une période de plusieurs mois, M. Lasnier et ses trois collègues se sont réunis et ont échangé des courriels à plusieurs reprises.
[13] Les discussions ont notamment porté sur des questions techniques, et M. Lasnier leur a transmis des dessins sur lesquels figurait le logo d’Axis et qui, selon l’un d’eux — le contremaître d’atelier —, semblaient être des copies de dessins de Luxme[8]. Ce même contremaître d’atelier a également fourni à M. Lasnier, à la demande de ce dernier, une liste des clients à qui Luxme avait vendu des pièces de rechange dans le passé[9].
[14] Les échanges ont aussi porté sur une éventuelle convention entre actionnaires, la mise de fonds de chacun, une demande de financement auprès de la Banque de développement du Canada, ainsi que l’élaboration du plan d’affaires d’Axis[10]. Il ressort en outre des courriels qui ont été produits en preuve que, en avril 2014, une ligne téléphonique devant servir aux activités d’Axis a été installée par M. Lasnier[11].
[15] Par ailleurs, d’autres courriels révèlent que M. Lasnier et ses collègues étaient conscients qu’il était important que les produits d’Axis ne soient pas trop similaires à ceux de Luxme[12]. Selon le contremaître de chantier, le plan de M. Lasnier était de faire en sorte qu’Axis utiliserait la même technologie que Luxme, tout en y apportant des modifications mineures afin que les systèmes des deux entreprises ne soient pas identiques[13].
[16] Enfin, la correspondance pertinente révèle que M. Lasnier et ses collègues ont élaboré le plan d’affaires d’Axis en tenant notamment compte d’informations financières relatives aux conditions auxquelles Luxme se procurait certaines pièces auprès de ses fournisseurs[14].
[17] Le plan de M. Lasnier ne s’est cependant pas concrétisé comme il le souhaitait, car les trois autres employés de Luxme ont finalement renoncé à l’accompagner dans l’aventure Axis. Il est tout de même allé de l’avant et a annoncé sa démission de chez Luxme en octobre 2014. Quelques jours plus tôt, M. Lasnier avait incorporé Tube4[15], une compagnie qui n’a jamais été active.
[18] La nouvelle entreprise de M. Lasnier a démarré sur les chapeaux de roue. En effet, moins de trois semaines après son départ de Luxme, Axis a soumis une proposition pour un système de convoyeurs tubulaires à l’entreprise 2M Ressources Inc. (« 2M »)[16]. Une semaine plus tard, la vente était conclue au prix d’environ 88 000 $[17].
[19] 2M est une entreprise que M. Lasnier connaissait bien. Luxme lui avait notamment soumis une proposition détaillée quelques mois auparavant[18] et M. Lasnier avait été impliqué dans cette démarche. L’objet de la proposition faite alors à 2M était d’ailleurs similaire à celui de la proposition d’Axis[19]. En outre, quelques jours avant la démission de M. Lasnier, Luxme avait soumis à 2M une autre proposition[20]. Au moment de la démission de M. Lasnier, 2M était donc un client potentiel de Luxme.
[20] Le système de convoyeurs qu’Axis a vendu à 2M a été fabriqué par un sous-traitant, Les Entreprises Usispec Inc. (« Usispec »)[21]. Cette dernière a travaillé à partir de dizaines de dessins techniques détaillés qu’Axis lui a remis à l’automne 2014[22]. Par ailleurs, en novembre de cette même année, Axis a demandé à Usispec de signer une entente de confidentialité pratiquement identique à celle qu’utilisait Luxme à l’époque où M. Lasnier était à son emploi[23].
[21] C’est également durant cette période que Luxme a appris que M. Lasnier lui faisait désormais concurrence. Elle l’a appris après qu’un de ses fournisseurs, qui venait d’être approché par Axis, eut accidentellement envoyé un courriel à l’ancienne adresse de M. Lasnier[24].
[22] Par ailleurs, toujours à l’automne 2014, les dirigeants de Luxme ont effectué certaines opérations corporatives. Ils ont d’abord incorporé la demanderesse Luxme Tech[25]. Luxme a ensuite cédé à Luxme Tech ses droits de propriété intellectuelle, y compris les droits d’auteur dont elle était titulaire, en contrepartie d’un paiement de 850 000 $[26]. D’autres opérations ont été effectuées, mais elles ne sont pas pertinentes aux fins du présent litige[27].
[23] Luxme a institué son action à la mi-février 2015. Quelques semaines plus tard, elle a présenté une demande d’injonction interlocutoire. Sa demande était notamment appuyée d’un rapport d’une compagnie faisant affaire sous le nom de SIRCO concluant que, dans la nuit du 30 au 31 août 2014, plus de 150 fichiers informatiques se trouvant sur le serveur de Luxme avaient été consultés à partir de l’ordinateur de bureau de M. Lasnier[28].
[24] Bien que cette démarche des demanderesses se soit avérée infructueuse, il convient de s’arrêter sur certains aspects du jugement rendu par le juge Brian Riordan le 1er mai 2015.
[25] Le juge Riordan a d’abord constaté que M. Lasnier avait fait de fausses affirmations dans sa déclaration assermentée en réponse à la demande d’injonction interlocutoire des demanderesses. Plus exactement, M. Lasnier avait affirmé que « [t]outes les activités actuelles et préparatoires d’Axis [avaient] débuté le ou vers le 17 octobre 2014, soit le lundi suivant mon départ de chez la requérante Luxme »[29].
[26] Le juge Riordan a aussi constaté que, lors de son interrogatoire hors cours, M. Lasnier avait été plutôt réticent à répondre à des questions sur la différence entre certains équipements fabriqués par Axis et des équipements similaires fabriqués par Luxme. Ce manque de coopération a conduit le juge Riordan à tirer une inférence défavorable à l’encontre de M. Lasnier.
[27] Ensuite, le juge Riordan a conclu que le rapport d’expertise invoqué par les demanderesses jouait un rôle déterminant à cette étape du dossier. À son avis, les fichiers en question consistaient principalement en des plans et dessins de pièces fabriquées par Luxme. Après avoir considéré les explications de M. Lasnier selon lesquelles il n’était pas au Québec les 30 et 31 août 2014, le juge Riordan les a jugées non probantes. Il a donc tiré les conclusions de fait suivantes (paragr. 16) :
[N]ous devons conclure [que Monsieur Lasnier] a dû utiliser les plans et dessins de Luxme dans la fabrication du système qu’il a vendu en novembre 2014 et qu’il a obtenu copie de ces plans et documents durant la nuit du 30 au 31 août 2014.
[28] Malgré ces conclusions, le juge Riordan a refusé d’émettre l’injonction interlocutoire recherchée par les demanderesses. Il a jugé que la preuve ne permettait pas de conclure que Luxme était susceptible de subir un grand préjudice durant le déroulement de l’instance. Il a également souligné que, à son avis, la prépondérance des inconvénients ne favorisait pas la position des demanderesses. Toutefois, à la fin de ses motifs, le juge Riordan a « incit[é] [M.] Lasnier à changer son attitude en ce qui concerne une divulgation complète et franche de la preuve entourant la situation d’Axis » (paragr. 25).
[29] Les parties ont procédé à des interrogatoires préalables dans les mois qui ont suivi la décision du juge Riordan. Durant cette période, les demanderesses ont notamment obtenu des informations sur le système de convoyeurs qu’Axis avait vendu à 2M à l’automne 2014. Ces développements ont conduit à l’ajout de 2M comme codéfenderesse. Un règlement à l’amiable est toutefois intervenu entre elle et les demanderesses quelques jours avant l’instruction au fond[30].
[30] Les demanderesses ont également obtenu de SIRCO un rapport complémentaire sur les événements survenus durant la nuit du 30 au 31 août 2014[31]. Ce rapport conclut premièrement qu’il est improbable que l’accès aux 150 fichiers informatiques effectué à partir de l’ordinateur de bureau de M. Lasnier ait été causé par un changement de serveur. Deuxièmement, le rapport conclut que, durant plusieurs heures les 30 et 31 août 2014, quelqu’un avait accédé à distance à l’ordinateur de M. Lasnier, et ce, en utilisant son identifiant et son mot de passe.
[31] Par ailleurs, les informations que les demanderesses ont obtenues sur le système qu’Axis a vendu à 2M leur ont permis d’effectuer une expertise qui a été complétée en janvier 2017. Cette expertise est notamment basée sur une analyse comparative de plusieurs dizaines de dessins techniques de Luxme et d’Axis[32]. L’ingénieur de la firme Stantec Experts-Conseils Ltée (« Stantec ») qui l’a préparée conclut son rapport d’une cinquantaine de pages de la manière suivante[33] :
ln this report, we have studied all parts and assemblies of the master components of a tubular chain conveyor. Following our effort to quantify the level of resemblance between the two tubular chain conveyors, we obtain as results that the drive station is copied at 84%, the tension station is copied at 85% and the chain assembly is an exact copy of Luxme. It should also be noted that all the important mechanical considerations we could compare were copied 100%. By this is meant the following aspects:
1. Pitch diameter of sprocket and sprocket teeth design
2. Chain dimensions and hold down plates
3. Conveying disc
4. Shaft diameter
5. Bearings housings
6. Sliding principle of the tensioning mechanism
7. Tensioning system working principle and assembly
8. Anti-torsion reinforcing bars on drive and tension station
We also found many errors on the drawings of Axis that had to be corrected to obtain the final product we see on the photos of their conveyor. Many dates on Axis drawings are in an illogical sequence when you are developing parts for a complex assembly to achieve a functional mechanism. This leads us to think that earlier version of some drawings must have been made (Earlier in October 2014 or months before). We found that Axis drawing 11-0003-00 is dated march 2nd 2014 for the conveying disc. According to the motion to introduce proceedings at art. 18 (Reproduced in APPENDIX B) the defendant Patrice Lasnier was an employee of Luxme until October 10th 2014.
As a designer of specialized machines we think it is impossible to design from scratch including the specialized tool, this type of conveyor and put all the drawings necessary to manufacture it in only 2 months as the dates on the Axis drawings show for all the drawing available with the exception of # 11-0003-00 done earlier.
I am personally convinced that Axis developed its conveyor from the drawings of Luxme by bringing cosmetic changes only.
[32] Cette expertise, comme d’ailleurs celles de SIRCO, n’a fait l’objet d’aucune contre-expertise. En outre, les défendeurs n’ont contre-interrogé aucun des experts en demande.
A. Monsieur Lasnier a-t-il manqué à ses obligations de loyauté, de discrétion et de confidentialité?
[33] La première question qui se pose, à la lumière des arguments avancés par les demanderesses, est de savoir si M. Lasnier a manqué aux obligations de loyauté et de confidentialité lui incombant aux termes de l’article 2088 C.c.Q.
[34] M. Lasnier nie avoir agi de manière fautive. Notamment, il affirme n’avoir jamais emporté avec lui de documents confidentiels appartenant à Luxme ni s’en être servi dans le cadre des activités d’Axis. Sa version des faits est qu’il a préparé les dizaines de plans ayant servi à la fabrication du système de convoyeurs qu’Axis a vendu à 2M en ne faisant appel qu’à ses connaissances et aptitudes personnelles. Ainsi, il invoque la règle jurisprudentielle selon laquelle un employé peut, sans violer ses obligations de loyauté et de confidentialité, se servir des « connaissances générales qu’il a acquises relativement à l’organisation et aux méthodes de commerce de son ancien employeur »[34].
[35] La position de M. Lasnier n’est pas fondée, car il ressort de la preuve qui a été administrée qu’il a violé ses obligations de loyauté, de discrétion et de confidentialité, et ce, à plus d’un égard.
[36] Comme le rappelait la Cour d’appel en 2007, sous la plume de la juge Marie-France Bich, l’article 2088 al. 1 C.c.Q. « impose au salarié [en cours de contrat de travail] une obligation assez lourde, particulièrement dans le cas d’un salarié-clef »[35]. Cette obligation implique notamment que le salarié :
· « ne doit pas se placer en situation de conflit d’intérêts (ce qui pourrait l’amener à privilégier l’intérêt de tiers ou le sien propre plutôt que celui de l’employeur) »;
· « doit se conduire à tout moment avec la plus grande honnêteté envers l’employeur »;
· « ne peut s’approprier les biens matériels ou intellectuels de [l’employeur] ou les utiliser indûment à son avantage »[36].
[37] M. Lasnier a manqué à son obligation de loyauté en se plaçant en situation de conflit d’intérêts alors qu’il était toujours à l’emploi de Luxme. L’incorporation d’Axis, la sollicitation d’employés clés de Luxme, l’obtention et l’utilisation de dessins techniques et d’informations financières appartenant à Luxme, les démarches visant l’obtention de financement externe et l’obtention de la liste de clients à qui Luxme avait vendu des pièces de rechange sont autant de gestes que M. Lasnier a posés — alors qu’il était toujours à l’emploi de Luxme — dans le but de faire progresser son projet de mettre sur pied une entreprise concurrente.
[38] Certes, il ressort de la jurisprudence récente qu’un employé qui, en cours de contrat de travail, pose certains gestes visant à mettre sur pied une entreprise concurrente à celle de son employeur ne contrevient pas nécessairement à son obligation de loyauté[37]. Cependant, en l’espèce, plusieurs facteurs militent fortement en faveur de la position des demanderesses.
[39] D’abord, M. Lasnier était l’homme de confiance du président de Luxme. C’est notamment pour cette raison qu’il avait accès à tous les dessins techniques relatifs aux systèmes que fabrique et vend l’entreprise, ainsi qu’à beaucoup d’informations de nature financière. En raison de ses responsabilités et du rôle qu’il jouait au sein de l’entreprise, M. Lasnier était astreint à une obligation de bonne foi particulièrement lourde[38].
[40] Ensuite, il se dégage de plusieurs éléments du dossier l’impression que M. Lasnier était animé par une intention malveillante envers Luxme. Par exemple, il ne s’est pas gêné pour utiliser des informations d’ordre technique et financier appartenant à Luxme en mettant sur pied Axis et en préparant son plan d’affaires, et il devait savoir qu’il s’agissait d’un usage non autorisé d’informations visées par l’entente qu’il avait signée en mars 2010[39]. Il ressort également de la déclaration assermentée du contremaître d’atelier de Luxme, qui n’a pas été contre-interrogé lors de l’enquête, que M. Lasnier avait l’intention d’utiliser la technologie de Luxme tout en y apportant quelques modifications mineures[40].
[41] Cette impression d’intention malveillante est renforcée par le fait que Luxme aurait probablement eu beaucoup de mal à continuer ses opérations normalement si le projet initial de Lasnier s’était concrétisé. En effet, les trois autres employés de Luxme, en plus d’être des employés de longue date, occupaient des fonctions névralgiques au sein de l’entreprise : contremaître d’atelier, ingénieur principal et concepteur principal. D’ailleurs, le contremaître d’atelier a affirmé sous serment que M. Lasnier leur avait mentionné que, s’ils acceptaient de l’accompagner dans l’aventure Axis, leur démission en bloc porterait ni plus ni moins qu’un coup de grâce à Luxme[41]. Lors de son témoignage, M. Rohan Jagan a confirmé que Luxme aurait eu beaucoup de difficulté à continuer ses opérations si ces trois autres employés avaient quitté le navire.
[42] Enfin, les gestes posés par M. Lasnier l’ont évidemment été à l’insu des dirigeants de Luxme. Ainsi, M. Lasnier s’est placé en situation de conflit d’intérêts sans jamais en informer son employeur. Il a donc manqué de transparence.
[43] Pour ces motifs, il y a lieu de conclure que M. Lasnier ne s’est pas conduit avec la plus grande honnêteté alors qu’il était à l’emploi de Luxme et qu’il a, ce faisant, manqué à son obligation de loyauté.
[44] En vendant — par l’entremise d’Axis — un système de convoyeurs tubulaires à 2M, M. Lasnier a manqué à son obligation de loyauté, car en agissant de la sorte, il a détourné une occasion d’affaires de Luxme au profit de sa compagnie[42].
[45] Au moment où M. Lasnier a démissionné, 2M étudiait toujours la proposition que Luxme lui avait faite à peine dix jours plus tôt. Il s’agissait d’une proposition pour un système de convoyeurs tubulaires qui allait permettre à 2M, une compagnie œuvrant dans le domaine de la gestion des matières résiduelles, de transporter du verre concassé. Le prix demandé par Luxme était de près de 58 000 $. M. Lasnier était bien au courant de cette proposition, puisque c’est lui qui l’avait transmise à 2M[43].
[46] Cette proposition était la troisième que Luxme faisait parvenir à 2M au cours de l’année et demie précédente. En mai 2013, Luxme avait présenté trois options à 2M, dont le prix variait entre 72 000 $ et près de 137 000 $. Les dessins de présentation générale s’y rapportant avaient été préparés par M. Lasnier[44]. Puis, en décembre 2013, Luxme avait proposé à 2M un système composé de deux convoyeurs tubulaires pour un prix de près de 160 000 $. Là aussi, M. Lasnier avait été directement impliqué dans la démarche de Luxme[45].
[47] Bref, lorsqu’il a quitté Luxme, M. Lasnier savait pertinemment que 2M était intéressée à se procurer un système de convoyeurs tubulaires. En raison du rôle qu’il avait joué dans les démarches entreprises par Luxme depuis mai 2013, il était bien au fait des besoins de 2M. Il savait aussi que 2M avait entre les mains une proposition très récente de Luxme, dont il connaissait tous les paramètres. Dans les circonstances, il y a lieu de conclure que les critères devant guider l’analyse en matière de détournement d’une occasion d’affaires[46] sont remplis.
[48] Enfin, la preuve qui a été versée au dossier établit, selon la prépondérance des probabilités, que M. Lasnier a quitté Luxme avec des documents d’ordre administratif et technique dont il s’est ensuite servi, par l’entremise d’Axis, pour faire concurrence à son ancien employeur. Cette concurrence était déloyale et donc fautive eu égard aux articles 1457 et 2088 C.c.Q.
[49] Les documents administratifs. D’abord, à l’automne 2014, Axis a demandé à Usispec, son sous-traitant, de signer une entente de confidentialité pratiquement identique à celle qu’utilisait Luxme lorsque M. Lasnier y travaillait[47]. Interrogé au préalable sur cette entente, M. Lasnier a répondu qu’il l’avait rédigée à partir d’un modèle trouvé sur l’Internet. Il a cependant été incapable de préciser, par la suite, sur quel site il avait trouvé ce modèle. En toute probabilité, M. Lasnier n’a pas dit la vérité sur cette question lors de son interrogatoire préalable.
[50] Mais surtout, en faisant une telle utilisation de l’entente de confidentialité de Luxme, M. Lasnier a manqué à ses obligations de loyauté et de confidentialité. Cette conclusion s’impose à la lumière d’un arrêt récent de la Cour d’appel, rendu sous la plume de la juge Marie-France Bich[48] :
[32] The evidence is unequivocal, indeed, and shows beyond the balance of probabilities required by art. 2804 C.C.Q. that, upon resigning, the appellant appropriated the respondent’s database, which contained a substantial amount of information (confidential and non-confidential) relevant to its business. It also shows that he used this information in the course of his activities at Vican, actively soliciting his former employer’s clientele and letting other Vican employees do the same. As well, when he left the respondent’s firm, he brought with him other administrative documents (purchase orders, invoices, contracts, etc.) that would serve as templates and that he adapted to Vican’s needs or simply copied (even reproducing a mistake found on one of the respondent’s original forms).
[…]
[35] By taking the respondent’s database and other documents when he left for Vican, and then by using the information contained therein to his advantage and that of his new founded company, the appellant breached the post-contractual duty of loyalty and confidentiality owed to his former employer. […]
[Références omises]
[51] Les documents techniques. En ce qui a trait maintenant aux documents techniques, ils consistent en des dessins faisant état des caractéristiques de plusieurs composantes des systèmes de convoyeurs de Luxme, ainsi que des dessins de présentation générale fournissant certaines précisions sur les systèmes vendus à plusieurs de ses clients. La preuve qui tend à démontrer que M. Lasnier a emporté avec lui des documents techniques préparés par Luxme est, certes, circonstancielle. Elle est néanmoins probante.
[52] Revenons d’abord sur les événements survenus dans la nuit du 30 au 31 août 2014. Les expertises non contredites de SIRCO ont notamment démontré que :
· plus de 150 fichiers informatiques se trouvant sur le serveur de Luxme ont été consultés à partir de l’ordinateur de bureau de M. Lasnier;
· il est improbable que cet accès ait été causé par un changement de serveur;
· durant plusieurs heures les 30 et 31 août 2014, quelqu’un a accédé à distance à l’ordinateur de M. Lasnier, et ce, en utilisant son identifiant et son mot de passe.
[53] Comme il l’avait fait lors du débat sur l’injonction interlocutoire, M. Lasnier a continué de nier avoir volé des documents techniques à Luxme en insistant sur le fait qu’il n’était pas au Québec les 30 et 31 août 2014. Au surplus, lors de l’enquête, il a témoigné que les 150 fichiers en question ne seraient d’aucune utilité pour une entreprise intéressée à concurrencer Luxme.
[54] Les affirmations de M. Lasnier ne permettent pas de réfuter l’inférence se dégageant des expertises de SIRCO.
[55] D’abord, même s’il s’était effectivement trouvé à l’extérieur du Québec les 30 et 31 août 2014, ce fait serait peu pertinent étant donné la conclusion de SIRCO selon laquelle l’ordinateur de M. Lasnier avait fait l’objet d’un accès à distance durant la période pertinente.
[56] De plus, M. Lasnier n’a pas tenté de corroborer ses dires quant aux déplacements qu’il aurait effectués à la fin août 2014. Cela est d’autant plus étonnant que le juge Riordan avait expressément noté cette lacune dans son jugement du 1er mai 2015 :
[11] Lasnier nie avoir participé de quelque façon que ce soit à cette affaire. Il allègue avoir été sur un bateau sur le Lac Champlain ce jour et produit des charges sur sa carte VISA pour prouver qu’il était à Plattsburgh à ce moment. Le document ne prouve pas cette prétention car il indique des achats le 29 août et le 1er septembre, mais rien pendant la nuit en question.
[12] Lasnier a sûrement compris l’importance de cette allégation par Luxme, car il essaie de faire cette preuve documentaire de son absence de Brossard la nuit en question. Une meilleure preuve, une qui aurait vraisemblablement été facile à obtenir, aurait été l’affidavit des personnes qui l’accompagnaient cette nuit-là. Il n’a pas fait une telle preuve.
[57] En outre, l’affirmation de M. Lasnier selon laquelle les 150 fichiers en question ne seraient d’aucune utilité pour une compagnie comme Axis est invraisemblable. Ces fichiers, qui ont été produits en preuve[49], comprennent de nombreux plans et dessins de présentation générale qui, en plus d’identifier les clients de Luxme, contiennent beaucoup d’informations sur les systèmes de convoyeurs qu’elle leur a vendus. Il s’agit d’informations potentiellement utiles pour une entreprise concurrente qui pourrait notamment être intéressée à vendre des pièces de rechange à ces entreprises.
[58] Enfin, en appréciant la force probante des affirmations de M. Lasnier sur les événements des 30 et 31 août 2014, il faut tenir compte du fait que sa crédibilité est sérieusement entachée par la déloyauté dont il a fait preuve alors qu’il était toujours à l’emploi de Luxme, ainsi que par les fausses affirmations qu’il a faites dans sa déclaration assermentée en réponse à la demande d’injonction interlocutoire des demanderesses.
[59] Bref, les demanderesses ont prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que, les 30 et 31 août 2014, M. Lasnier a accédé à distance à son ordinateur afin de faire des copies des documents qui ont été produits sous la cote P-14.
[60] Ces documents techniques ne sont probablement pas les seuls que M. Lasnier a volés à Luxme.
[61] En effet, il est hautement improbable que M. Lasnier ait préparé les dizaines de dessins techniques qu’il a remis à Usispec à l’automne 2014 en ayant seulement recours à son expérience et à ses connaissances personnelles. L’expertise non contredite de l’ingénieur de Stantec, M. Luc Royer, tend à démontrer que les composantes clés du système qu’Axis a vendu à 2M étaient, en très grande partie, pratiquement identiques aux composantes équivalentes du système de Luxme. M. Royer a également affirmé qu’il était impossible que M. Lasnier ait pu concevoir de zéro un système de convoyeurs en quelques semaines seulement. Ces conclusions s’avèrent d’autant plus convaincantes lorsque l’on constate le niveau de détail et la complexité des dessins qu’Axis a remis à Usispec en novembre et en décembre 2014[50].
[62] Il est également pertinent de rappeler que, à son arrivée chez Luxme en 2010, M. Lasnier n’avait aucune expérience en matière de convoyeurs tubulaires et que, dans sa déclaration assermentée de février 2015, il a mentionné que « [s]on emploi consistait à préparer les dessins de présentation générale des convoyeurs, puis préparer les estimés de prix » (paragr. 17). Nulle part n’a-t-il alors indiqué qu’il lui revenait aussi de préparer les dessins techniques des composantes des systèmes de convoyeurs de Luxme. On se demande donc où et quand il aurait acquis l’expertise qui lui aurait permis de concevoir de zéro un système de convoyeurs tubulaires à l’automne 2014.
[63] En somme, l’explication la plus probable est que les dessins techniques qu’Axis a remis à Usispec à l’automne 2014 constituent, en très grande partie, des reproductions de dessins de Luxme que M. Lasnier avait en sa possession au moment de sa démission. Ainsi — et contrairement aux prétentions des défendeurs —, il ne s’agit pas d’une de ces affaires où « [l]a simple preuve d’un produit similaire ne suffit pas pour conclure à l’utilisation d’informations confidentielles »[51].
[64] Le dernier point qui mérite d’être abordé en ce qui a trait aux documents techniques dont M. Lasnier était en possession à l’automne 2014 concerne leur caractère confidentiel. Celui-ci ne fait aucun doute, et ce, pour plusieurs raisons.
[65] D’abord, ces documents techniques sont clairement visés par le premier paragraphe de l’entente de confidentialité et de non-concurrence que M. Lasnier a signée lorsqu’il s’est joint à Luxme[52]. Ensuite, comme l’a bien expliqué le président de Luxme — M. Navam Jagan — lors de l’enquête, ces documents étaient conservés sur des serveurs sécurisés auxquels n’avaient accès que quelques employés clés. Au surplus, il ressort des documents techniques de Luxme qui ont été produits en preuve que l’entreprise prenait toujours soin d’inclure sur ceux qu’elle partageait avec ses partenaires d’affaires un avis relatif à leur caractère confidentiel[53]. Enfin, Axis a elle-même traité comme étant confidentiels les dizaines de dessins techniques qu’elle a remis à Usispec à l’automne 2014[54]. Ce faisant, elle a donc reconnu le caractère intrinsèquement confidentiel de l’information que ces dessins contiennent[55].
B. Les défendeurs ont-ils violé les droits d’auteur de Luxme Tech?
[66] Luxme Tech, qui demande notamment à la Cour d’ordonner une reddition de compte en vertu du paragraphe 34(1) la Loi sur le droit d’auteur[56] (« L.d.a. »), soutient que les défendeurs ont violé des droits d’auteur dont elle est titulaire en utilisant les documents techniques qui viennent d’être discutés. Tout particulièrement, les dessins dont Axis s’est servie afin de fabriquer le système qu’elle a vendu à 2M constitueraient — au minimum — des reproductions d’une partie importante de dessins techniques de Luxme, dessins dont les droits d’auteur seraient désormais détenus par Luxme Tech.
[67] D’entrée de jeu, il y a lieu de constater que la position de Luxme Tech est mal fondée à l’égard de Tube4 étant donné l’absence de toute preuve tendant à démontrer qu’elle a eu quelque activité que ce soit depuis sa création en septembre 2014.
[68] Lors de l’instruction, le débat a surtout porté sur la question de la titularité des droits d’auteur revendiqués par Luxme Tech. Selon les défendeurs, cette dernière n’aurait pas démontré qu’elle détenait bel et bien les droits d’auteur en litige. À la réflexion, leur argument s’avère bien fondé.
[69] Le problème ne se situe pas au niveau de la cession des droits de propriété intellectuelle de Luxme à Luxme Tech : en vertu de l’entente de décembre 2014, Luxme a clairement cédé à Luxme Tech tous les droits de propriété intellectuelle qu’elle possédait relativement à ses activités de commercialisation de systèmes de convoyeurs tubulaires, y compris ses droits d’auteur. Le problème est plutôt dû à l’insuffisance de la preuve tendant à démontrer que, avant que cette cession ne survienne, Luxme était bel et bien titulaire de droits d’auteur à l’égard des dessins techniques que M. Lasnier et Axis ont utilisés afin de fabriquer des systèmes de convoyeurs tubulaires.
[70] La preuve qui a été administrée ne permet pas d’y voir clair en ce qui a trait à l’origine des dessins techniques qu’utilisait Luxme et dont s’est servi M. Royer aux fins de son expertise. On ne sait pas précisément qui a préparé ces dessins, à quelle époque ils ont été créés ni dans quel contexte. D’ailleurs, ces dessins n’ont pas été produits en preuve lors de l’instruction au fond.
[71] Luxme Tech n’y voit pas de problème majeur. Comme ses avocats l’ont précisé à la fin de leur plaidoirie, elle estime que l’on peut inférer de la preuve qui a été administrée que les dessins techniques dont se sont servis M. Lasnier et Axis sont des œuvres originales — au sens des dispositions pertinentes de la L.d.a.[57] — créées par des employés de Luxme. Puisque les droits d’auteur d’une œuvre créée dans l’exercice d’un emploi appartiennent, en l’absence de stipulation contraire, à l’employeur et non à l’employé qui en est l’auteur[58], et puisqu’aucun élément du dossier ne donne à penser que cette règle a été écartée par convention, il y aurait lieu de conclure que Luxme était le premier titulaire des droits d’auteur sur les dessins techniques dont se sont servis M. Lasnier et Axis.
[72] L’argument n’emporte cependant pas la conviction, car l’on ne peut tenir pour acquis — comme les demanderesses m’invitent à le faire — que les dessins techniques dont se sont servis M. Lasnier et Axis sont effectivement l’œuvre d’employés de Luxme et qu’il s’agit d’œuvres originales au sens où l’entend la L.d.a.
[73] Pour comprendre pourquoi, il convient d’abord de rappeler que les systèmes de convoyeurs tubulaires que Luxme fabrique et vend sont le fruit d’un partenariat avec Schrage qui remonte à 1996.
[74] On en sait relativement peu sur ce partenariat. L’entente P-7, intitulée « Manufacturing Agreement », est plutôt sommaire : elle tient sur seulement deux pages. Sa principale disposition prévoit que, moyennant paiement d’une somme de 350 000 USD, Luxme aura le droit exclusif « to produce and market the Schrage line of products in the U.S. and Canada ». D’autres dispositions prévoient que Schrage offrira à Luxme un soutien technique ainsi que des services de formation. L’entente ne contient aucune disposition traitant de la propriété intellectuelle.
[75] La demande introductive d’instance ne permet pas vraiment d’y voir plus clair. Au contraire, elle entretient un certain flou quant à la position des demanderesses sur les effets de l’entente P-7. On peut notamment lire au paragraphe 12 que Luxme Tech, qui n’est pas partie à l’entente, serait éventuellement devenue propriétaire du savoir-faire de Schrage (« Luxme Tech became the owner of the Proprietary Technology (including copyrights and trade secrets) developed by Schrage and refined by Plaintif Luxme » [soulignement ajouté]), sans toutefois offrir d’autres explications. Quant à Luxme, le paragraphe 12.1 suggère qu’elle est devenue titulaire d’une licence en raison de ses liens avec Luxme Tech (« Luxme was therefore a user/licensee of the Proprietary Technology (including copyrights and trade secrets) developed by Schrage by virtue of the implicit licence which prevails among entities of the same group of companies » [soulignement ajouté]), mais le paragraphe 25 laisse plutôt entendre qu’elle aurait obtenu une licence de Schrage directement, par l’entremise de l’entente P-7 (« the technology licenced to Plaintiff Luxme by Schrage in the Manufacturing Agreement (P-7) » [soulignement ajouté]); l’entente P-7 n’aurait donc pas opéré de transfert de propriété — à proprement parler — de la technologie de Schrage, contrairement à ce que donne à penser le paragraphe 12.
[76] Quant à l’entente P-9 — celle intervenue en décembre 2014 et en vertu de laquelle Luxme a cédé à Luxme Tech sa propriété intellectuelle —, elle précise, conformément aux termes de l’entente P-7, que Luxme détient « an exclusive right to produce and market the Schrage line of products in USA and Canada ».
[77] Malgré certaines incertitudes persistantes entourant les effets de l’entente P-7, deux choses sont relativement claires.
[78] Premièrement, Luxme n’a pas inventé la technologie utilisée dans la fabrication des systèmes de convoyeurs tubulaires qu’elle vend. Certes, MM. Jagan père et fils ont témoigné que Luxme avait son propre département de recherche et de développement et qu’elle avait, durant plusieurs années, dépensé des sommes importantes afin d’adapter la technologie de Schrage au marché nord-américain. Cependant, il ressort de la preuve que Luxme a tout au plus raffiné ou amélioré, à certains égards, une technologie qui a été développée par Schrage.
[79] Deuxièmement, la preuve n’établit pas, selon la prépondérance des probabilités, que Luxme ou Luxme Tech est devenue propriétaire de cette technologie, ou encore que Schrage leur a cédé des droits de propriété intellectuelle. Il ressort plutôt de la preuve que Luxme a seulement acquis de Schrage un droit d’utilisation de cette technologie dans les marchés canadien et américain.
[80] Ces constats sont très importants quant à la question de la titularité des droits d’auteur à l’égard des dessins techniques dont se sont servis M. Lasnier et Axis. En effet, ces aspects du dossier soulèvent la question de savoir si ces dessins ont été créés chez Schrage plutôt que chez Luxme, auquel cas c’est Schrage et non Luxme qui, en toute probabilité, serait titulaire des droits d’auteur. Et même dans l’hypothèse où les dessins auraient été créés chez Luxme, on ne pourrait non plus exclure la possibilité qu’il s’agisse de reproductions de dessins de Schrage ne constituant pas des œuvres originales au sens où l’entend la L.d.a. Ces questions sont d’autant plus pertinentes que, lors de son interrogatoire préalable, M. Rohan Jagan a affirmé que, dans le cadre de l’entente conclue avec Schrage, Luxme avait acheté de cette dernière certains dessins techniques[59].
[81] En somme, l’on ne peut tenir pour acquis que les dessins dont se sont servis M. Lasnier et Axis ont été préparés par des employés de Luxme et qu’il s’agit d’œuvres originales au sens des dispositions pertinentes de la L.d.a. Pour avoir gain de cause, il aurait fallu que Luxme Tech offre une preuve beaucoup plus précise sur l’origine de ces dessins ainsi que sur la nature et la teneur du partenariat qu’elle a conclu avec Schrage en 1996. La preuve circonstancielle à laquelle elle a choisi de se limiter ne suffit donc pas pour conclure, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle est titulaire de droits d’auteur à l’égard des dessins techniques dont se sont servis M. Lasnier et Axis.
A. Les ordonnances de nature injonctive
[82] Les demanderesses demandent d’abord à la Cour de rendre plusieurs ordonnances de nature injonctive.
[83] Certaines de ces ordonnances visent à protéger leur savoir-faire technologique. Plus particulièrement, les demanderesses souhaitent empêcher les défendeurs d’utiliser de quelque manière que ce soit, ou encore de divulguer à des tiers, toute information faisant partie de leur savoir-faire technologique.
[84] Puisqu’il a été prouvé que M. Lasnier avait subtilisé et fait usage de certains documents techniques que détenait et utilisait Luxme, et qu’il a également copié des documents contenant des informations sur les systèmes de convoyeurs que Luxme a vendus à ses clients, les demanderesses sont en droit d’obtenir des ordonnances de nature injonctive visant à prévenir d’autres utilisations illicites de leur savoir-faire technologique.
[85] Se pose toutefois la question de savoir si ces ordonnances peuvent être d’une durée illimitée, comme le souhaitent les demanderesses.
[86] Il y a d’abord lieu de souligner que les informations visées par les ordonnances recherchées constituent des secrets commerciaux. Comme l’a expliqué le juge J. Roger Banford dans un jugement confirmé par la Cour d’appel, un secret commercial « peut être défini comme étant un ensemble d’informations confidentielles développées et élaborées par une entreprise dans le cadre de ses activités économiques, consistant dans la production ou la réalisation de biens ou dans la prestation de services »[60]. Cette définition ne doit sans doute pas être prise au pied de la lettre, car les secrets commerciaux d’une entreprise peuvent inclure des connaissances qu’elle n’a pas elle-même développées, mais qu’elle a acquises ou qu’elle est en droit d’utiliser aux termes d’une entente conclue avec un partenaire d’affaires.
[87] Le fait que les informations visées par les ordonnances recherchées constituent des secrets commerciaux est important, et ce, pour au moins deux raisons.
[88] D’abord, le droit québécois reconnaît depuis longtemps l’importance de protéger efficacement les secrets commerciaux, notamment par le biais d’ordonnances de nature injonctive. Un arrêt de la Cour du Banc de la Reine rendu en 1967 en témoigne de manière éloquente[61] :
Celui qui possède des secrets de commerce a clairement le droit à la protection de ces secrets. Le seul moyen d’assurer cette protection, c’est d’empêcher ceux qui n’y ont pas droit de s’en servir à leur profit ou de les condamner au paiement des dommages causés par leur usurpation. Il est d’ordre public que les tribunaux puissent accorder ces remèdes, mais la partie demanderesse devra d’abord établir quels sont ces secrets qu’elle possède.
[Soulignement ajouté]
[89] Ensuite, contrairement aux obligations générales de loyauté, d’honnêteté et de confidentialité — qui ne survivent que « pendant un délai raisonnable après cessation du contrat » de travail (article 2088 al. 2 C.c.Q.) —, l’obligation plus spécifique de ne pas faire usage ou de ne pas divulguer des secrets commerciaux détenus par l’ex-employeur doit être d’une durée illimitée[62].
[90] Je reconnais que cette conclusion ne va pas de soi. D’abord, l’article 2088 ne créé aucune distinction entre l’obligation générale de confidentialité et l’obligation plus spécifique de ne pas faire usage ou de ne pas divulguer des secrets commerciaux appartenant à l’ex-employeur. Qui plus est, dans les commentaires publiés à l’occasion de l’entrée en vigueur du Code civil du Québec, le ministre de la Justice a souligné que l’information confidentielle à laquelle l’article 2088 al. 1 C.c.Q. fait référence « inclut la notion de secrets commerciaux »[63]. Enfin, le législateur a pris la peine de préciser, au second alinéa de cet article 2088, que c’est seulement lorsque l’information confidentielle concerne la réputation ou la vie privée d’autrui que l’obligation de confidentialité « survi[t] en tout temps/continue[s] […] permanently ». On pourrait donc penser que le législateur a souhaité assujettir l’obligation de protection des secrets commerciaux au délai raisonnable mentionné au second alinéa cet article 2088.
[91] À la réflexion, j’estime toutefois que la conclusion contraire s’impose.
[92] D’abord, il importe de garder à l’esprit que les commentaires du ministre n’ont pas un poids déterminant dans l’interprétation des dispositions du Code civil du Québec. Comme la Cour suprême l’a expliqué dans l’arrêt Doré, ces commentaires « peuvent parfois constituer un élément utile pour cerner l’intention du législateur », mais ils « ne constituent pas une autorité absolue » et « ne lient [donc] pas les tribunaux »[64]. Ainsi, la référence aux secrets commerciaux dans les commentaires du ministre relatifs à l’article 2088 C.c.Q. n’implique pas nécessairement que leur protection soit assujettie au cadre juridique tracé par cette disposition.
[93] Deuxièmement, dans l’arrêt Concentrés scientifiques[65], la Cour d’appel a confirmé que l’article 2088 C.c.Q. ne réglemente pas de manière exhaustive les obligations de l’ex-employé envers l’ex-employeur. Après le délai raisonnable auquel fait référence l’article 2088 al. 2 C.c.Q. — délai qui « dépasse[ra] rarement quelques mois » —, l’ex-employé demeure assujetti « aux règles ordinaires applicables à la concurrence (en vertu de l’article 1457 C.c.Q.) »[66]. Il s’ensuit que l’interdiction générale de se livrer à une concurrence déloyale s’étend au-delà de l’expiration du délai raisonnable de l’article 2088 al. 2 C.c.Q.[67].
[94] Le troisième élément d’analyse concerne l’état du droit au moment de l’entrée en vigueur du Code civil du Québec. Comme l’explique l’auteur Frédéric Desmarais, il était alors bien établi en jurisprudence que « la protection d’un secret commercial survivait en tout temps à la suite de la cessation d’emploi dans la mesure où le secret demeure comme tel »[68]. Or, rien — ni même les commentaires du ministre — n’indique que le législateur ait eu l’intention de modifier le droit sur ce point. Au contraire, loin d’avoir cherché à atténuer la protection des secrets commerciaux dans le Code civil de 1994, le législateur semble plutôt avoir cherché à la renforcer : en fait foi l’article 1612 C.c.Q., une disposition de droit nouveau ayant pour but de faciliter la tâche du propriétaire de secrets commerciaux désireux de faire sanctionner une violation de ses droits par une condamnation à des dommages-intérêts[69].
[95] Quatrièmement, la thèse assujettissant l’obligation de protection des secrets commerciaux au délai raisonnable mentionné au second alinéa de l’article 2088 C.c.Q. ne semble trouver aucun appui en jurisprudence ni en doctrine. En effet, toujours selon l’auteur Frédéric Desmarais, « aucune décision, pas plus qu’aucun commentateur d’ailleurs, n’a soutenu la position que l’obligation de discrétion et de confidentialité post-contractuelle du salarié devrait être assujettie au délai raisonnable de survie énoncé à l’article 2088 C.c.Q. lorsqu’elle se rapporte à des secrets de commerce »[70].
[96] Cinquièmement, une telle interprétation de l’article 2088 C.c.Q. s’accorderait mal avec la nature intrinsèque des secrets commerciaux, l’importance fondamentale qu’ils jouent dans une économie de marché et l’obligation incombant à toute personne d’exercer ses droits civils conformément aux exigences de la bonne foi (article 6 C.c.Q.). On n’a qu’à penser à la fameuse recette du Coca-Cola, à laquelle la Cour suprême a fait référence dans l’arrêt Cadbury Schweppes Inc.[71]. Il serait pour le moins étonnant que les règles du droit commun permettent à un ancien employé s’étant emparé subrepticement de cette recette de s’en servir pour faire concurrence à son ancien employeur, ou encore de la vendre à des tiers, après l’expiration d’un délai de quelques mois ou même quelques années[72]. Clairement, cela irait à l’encontre de « l’intérêt du public à la promotion de l’innovation et du développement »[73], tout en permettant à l’ex-employé de tirer profit de sa mauvaise foi.
[97] Dans certaines circonstances, il peut être inapproprié de sanctionner l’appropriation et l’utilisation illicites de secrets commerciaux par le biais d’une injonction permanente. Par exemple, dans l’affaire Cadbury Schweppes Inc.[74], la Cour suprême a confirmé la décision du juge de première instance de refuser d’émettre une injonction aux motifs : que les demanderesses avaient attendu plusieurs années avant de faire valoir leurs droits et que les défenderesses avaient, durant cette période, effectué d’importants investissements; que l’information en litige n’avait « rien de très particulier »; et qu’une indemnité pécuniaire pouvait remédier adéquatement à la perte que les demanderesses avaient subie. Toutefois, dans la présente affaire, aucun facteur ne milite aussi fortement à l’encontre des ordonnances recherchées. Luxme n’a certainement pas tardé avant de faire valoir ses droits. En outre, M. Lasnier a indiqué durant son témoignage qu’il avait l’intention de se retirer prochainement du marché des convoyeurs tubulaires, ce qui donne à penser que l’émission des ordonnances recherchées ne lui causerait pas d’inconvénients majeurs.
[98] Enfin, il va de soi que les ordonnances doivent viser Axis, dont M. Lasnier est l’alter ego. Il n’y a cependant pas lieu d’en étendre la portée de manière à ce qu’elles visent aussi Tube4, étant donné que — comme je l’ai souligné plus haut — rien n’indique qu’elle a eu quelque activité que ce soit depuis sa création en septembre 2014.
[99] Les demanderesses recherchent aussi une ordonnance visant à protéger d’autres informations — non techniques — dont M. Lasnier a reconnu la confidentialité lors de son arrivée chez Luxme en mars 2010. Étant donné les fautes commises par M. Lasnier, il y a lieu d’émettre une ordonnance lui enjoignant (ainsi qu’à Axis) de ne pas divulguer à qui que ce soit toute information confidentielle — autre que des secrets commerciaux — dont il est actuellement en possession.
[100] Quelle devrait être la durée de cette ordonnance? Les demanderesses reconnaissent à juste titre que leur demande est assujettie à l’article 2088 al. 2 C.c.Q., et c’est pour cette raison qu’elles ne demandent pas que l’ordonnance soit d’une durée illimitée.
[101] La Cour d’appel a récemment rappelé, sous la plume de la juge Marie-France Bich, que le délai raisonnable mentionné à l’article 2088 al. 2 C.c.Q. ne doit normalement pas dépasser trois ou quatre mois, et que ce n’est qu’exceptionnellement qu’il pourra être de six mois[75] :
It must be noted that art. 2088 does not impose upon the employee the equivalent of a non-competition clause and that the obligations of loyalty and confidentiality only “continue for a reasonable time” after the termination of the contract. The duration of this “reasonable time” may not exceed a few months (seldom more than three or four), to be determined on a case-by-case basis.19 In this instance, the trial judge considered that a six-month period was reasonable. In view of the case law, this appears to be at the upper limit of the acceptable range, but was warranted by the circumstances.
________________
19 See for instance: Concentrés scientifiques Belisle inc. v. Lyrco Nutrition inc., [2007 QCCA 676], para. 42; 9129-3845 Québec inc. v. Dion, [2012 QCCA 1276], paras. 13 (p. 8) and 16-17; Tremblay v. Simple Concept inc., 2010 QCCA 802, para. 4.
[102] Il revenait aux demanderesses d’établir l’existence de motifs particuliers justifiant d’étendre le délai au-delà des trois ou quatre mois mentionnés par la Cour d’appel. Comme elles n’ont offert aucun argument en ce sens, la durée de l’ordonnance sera limitée à quatre mois.
[103] La quatrième ordonnance de nature injonctive que recherchent les demanderesses concerne plus particulièrement le site Internet d’Axis. En voici le libellé :
ORDER Axis Conveyor lnc. and its officers, agents, affiliates and employees, to immediately remove from its website any and all pictures, images, drawings, specifications, illustrations or other information relating to a tubular chain conveyor system or any part thereof;
[104] Formulée de cette manière, l’ordonnance recherchée est beaucoup trop large, car elle vise tout dessin, image, caractéristique ou illustration relatifs à tout système de convoyeurs tubulaires, et ce, quelle qu’en soit l’origine. Certes, les demanderesses sont en droit d’obtenir des ordonnances enjoignant à Axis de ne pas utiliser des documents confidentiels leur appartenant. Mais rien ne justifie d’interdire à Axis de publier tout autre dessin, image, caractéristique ou illustration sur son site Internet.
B. La reddition de compte et la remise de documents
[105] Luxme Tech recherche également des ordonnances de reddition de compte et de remise de documents. Ses avocats ont précisé lors des plaidoiries que les ordonnances recherchées étaient fondées sur des dispositions particulières de la L.d.a. Étant donné que Luxme Tech n’a pas réussi à établir une violation de ses droits d’auteur, il n’y a pas lieu de rendre ces ordonnances.
C. Les dommages-intérêts pour l’appropriation et l’utilisation illicites des secrets commerciaux de Luxme
[106] Luxme réclame aux défendeurs l’équivalent, en dollars canadiens, des 350 000 USD qu’elle a versés à Schrage en vertu de l’entente de 1996[76]. Cette demande est fondée sur l’article 1612 C.c.Q., qui se lit comme suit :
1612. En matière de secret commercial, la perte que subit le propriétaire du secret comprend le coût des investissements faits pour son acquisition, sa mise au point et son exploitation; le gain dont il est privé peut être indemnisé sous forme de redevances. |
1612. The loss sustained by the owner of a trade secret includes the investment expenses incurred for its acquisition, perfection and use; the profit of which he is deprived may be compensated for through payment of royalties. |
[107] Comme l’a souligné le juge Roger Banford en 2008, « cette disposition de droit nouveau vient faciliter la tâche de la victime, en ce que la preuve du préjudice peut porter sur des faits facilement identifiables : le coût des investissements faits pour l’acquisition du secret commercial, sa mise au point et son exploitation et le gain dont il a été privé »[77].
[108] Toutefois, à sa face même, cette disposition ne peut être invoquée que par le propriétaire d’un secret commercial ayant fait l’objet d’une appropriation illicite. La référence à la notion de propriété n’est probablement pas fortuite, car la doctrine enseigne qu’un secret commercial est un bien incorporel pouvant faire l’objet d’un droit de propriété[78]. Si l’objectif avait été de permettre que l’article 1612 C.c.Q. puisse être invoqué par des personnes qui, sans être propriétaires du secret commercial à proprement parler, en tirent néanmoins certains bénéfices — notamment par l’entremise d’un droit d’utilisation —, le législateur se serait sans doute exprimé autrement. C’est d’autant plus vrai que le rapport de réforme du droit dont il s’est partiellement inspiré[79] trace une distinction entre le « owner » d’un secret commercial et « [a] person entitled to the benefit of the trade secret »[80]. Les auteurs de ce rapport recommandaient de ne pas limiter le droit d’action civile au seul propriétaire du secret commercial[81], mais leurs arguments n’ont vraisemblablement pas convaincu le législateur québécois. En outre, l’intention du législateur semble confirmée par une modification apportée en 2002 à la version anglaise de l’article 1612 C.c.Q. : alors que la disposition entrée en vigueur le 1er janvier 1994 faisait référence au « holder of a trade secret », l’article 1612 C.c.Q. ne vise désormais que le « owner of a trade secret ».
[109] Ce constat est d’une importance déterminante en l’espèce. En effet, comme il a été souligné dans la section du présent jugement traitant de la question des droits d’auteur, il ressort de la preuve qui a été administrée que l’entente de 1996 a seulement conféré à Luxme un droit d’utiliser la technologie créée et développée par Schrage. Luxme n’est donc que détentrice de cette technologie, rien n’indiquant qu’elle en est devenue propriétaire, que ce soit par l’entremise de cette entente ou autrement.
[110] À supposer même que l’article 1612 C.c.Q. puisse être invoqué par un simple détenteur d’un secret commercial, la réclamation de Luxme se heurterait possiblement à un autre obstacle. Le problème tiendrait au fait que rien n’indique que les agissements fautifs de M. Lasnier et d’Axis ont fait en sorte que Luxme n’était plus en mesure de profiter économiquement de l’investissement qu’elle a réalisé en 1996, lorsqu’elle s’est associée à Schrage. Luxme répondrait probablement que cela n’est d’aucune pertinence, tout en ajoutant que l’article 1612 doit être applicable dès lors qu’un secret commercial fait l’objet d’une appropriation illicite. Toutefois, il n’est pas évident que cette interprétation soit la bonne. Il serait peut-être plus logique, et davantage conforme aux principes généraux de la responsabilité civile, de limiter l’application de cet article 1612 aux cas où les gestes fautifs de la partie défenderesse ont eu pour effet d’anéantir la valeur du secret commercial en question. D’ailleurs, le rapport de réforme du droit qui est à l’origine de l’article 1612 précise que les coûts d’investissement dont la partie défenderesse devrait être tenue responsable sont ceux « which are likely to be thrown away by the defendant’s misappropriation »[82].
[111] Un dernier point mérite d’être souligné. Aux termes de l’entente de 1996, Luxme n’a pas seulement acquis le droit de fabriquer et de vendre des systèmes de convoyeurs tubulaires basés sur la technologie développée par Schrage. Elle a également acquis le droit de fabriquer et de vendre des mélangeurs et des tamis conçus par Schrage[83]. Cela suggère que les 350 000 USD versés à Schrage à la suite de la conclusion de l’entente de 1996 ne se rapportent qu’en partie à la technologie de convoyeurs tubulaires qui est en litige dans la présente affaire. Toutefois, la preuve offerte par Luxme ne permet pas de déterminer précisément quelle portion de la somme de 350 000 USD se rapporte à chacune des trois technologies visées par l’entente.
[112] Luxme ne pouvant se prévaloir de l’article 1612 C.c.Q., il s’ensuit que sa demande de dommages-intérêts pour appropriation et utilisation illicites de secrets commerciaux doit être rejetée.
D. Les dommages-intérêts pour troubles et inconvénients
[113] Les demanderesses réclament la somme de 25 000 $ en compensation des troubles et inconvénients que leur auraient causés les agissements fautifs des défendeurs. Cette réclamation n’est pas fondée. En plus de s’appuyer sur une preuve très mince en ce qui a trait à la nature et à l’étendue du préjudice prétendument subi, elle se heurte à un courant jurisprudentiel refusant aux personnes morales la possibilité de réclamer une indemnité pour troubles et inconvénients[84].
[114] Les demanderesses réclament enfin 25 000 $ en dommages-intérêts compensatoires pour abus de procédure (articles 51 et s. C.p.c.) ou manquements importants dans le déroulement de l’instance (article 342 C.p.c.). Ils reprochent principalement aux défendeurs de ne pas avoir coopéré et d’avoir manqué de transparence à diverses étapes des procédures.
[115] Lors des plaidoiries, les avocats des demanderesses ont précisé que cette réclamation ne visait pas le remboursement d’une partie de leurs honoraires, mais plutôt à compenser leurs clientes pour les troubles et inconvénients que leur auraient causés les agissements fautifs des défendeurs dans le cadre de la présente instance.
[116] Cette réclamation doit échouer pour la même raison que celle ayant conduit au rejet de leur autre réclamation pour troubles et inconvénients : une personne morale ne peut réclamer une indemnité pour un préjudice de cette nature.
[117] Malgré le sort relativement mitigé de l’action des demanderesses, elles ont gain de cause sur la question clé des manquements qu’elles reprochaient à M. Lasnier et à Axis. Elles ont donc droit aux frais de justice.
[118] TAKES NOTE of the defendants’ withdrawal of their cross-application;
[119] PROHIBITS defendants Patrice Lasnier and Axis Conveyor Inc., individually and collectively, directly or indirectly through their officers, agents, affiliates and employees, sub-contractors or by other ways or means, from designing, manufacturing, machining, re-machining, offering for sale, selling, distributing, delivering or in any other way offering in the market, in whole or in part, tubular chain conveyors, machinery, products or parts created by using, copying or reproducing any plans, documents, drawings held and used by plaintiff, Luxme International Ltd. — including those assigned to plaintiff, Luxme Technologies Inc. —, or trade secrets held and used by plaintiffs, including technical and operating specifications, processes, bills of materials, quality control information, configuration and arrangement of equipment, products or parts;
[120] ORDERS defendants Patrice Lasnier and Axis Conveyor lnc., individually and collectively, to keep in strict confidentiality and not to share or otherwise divulge to anyone, directly or indirectly (including through confidentiality agreements or undertakings), drawings and trade secrets held and used by plaintiffs, including technical and operating specifications, processes, bills of materials, quality control information, configuration and arrangement of equipment, products or parts related to tubular chain conveyors, machinery, products or parts;
[121] ORDERS defendants Patrice Lasnier and Axis Conveyor lnc., individually and collectively, for a period of four months as of the date of the present judgment, to keep in strict confidentiality and not to share or otherwise divulge to anyone, directly or indirectly (including through confidentiality agreements or undertakings), plaintiffs’ confidential information including financial information and information relating to employees, clients (including proposals, prices and profit margins), suppliers and subcontractors;
[122] DISMISSES all of the plaintiffs’ other claims;
[123] WITH LEGAL COSTS, including all expert fees, in favour of the plaintiffs.
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FRÉDÉRIC BACHAND, j.c.s. |
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Me Alexandre Béchard |
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Me Pierre Malo |
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Gascon & Associés S.E.N.C.R.L. |
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Avocats des demanderesses |
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Me André L. Monty |
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Deveau Gagné Lefebvre Tremblay et Associés sencrl |
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Avocats des défendeurs |
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Dates d’audience : |
15, 16, 17, 18, 19, 22 et 23 octobre 2018 |
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[1] Pièces P-1 et P-1.1.
[2] Pièces P-7 et P-7.2.
[3] Pièce P-4.
[4] Pièce E-1.
[5] Pièce P-10.
[6] Art. 2089 al. 2 C.c.Q.; Pitl c. Grégoire, 2018 QCCA 1879, paragr. 54. Voir aussi Restaurant Chez Doc inc. c. 9061-7481 Québec inc., 2006 QCCA 55, paragr. 29 [références omises] :
L’ordre public protège le droit de travailler. Toute clause de non-concurrence déraisonnable est abusive et ainsi frappée de nullité. Un juge n’est pas autorisé à modifier une clause de non-concurrence, par exemple en diminuant la durée ou en restreignant le territoire pour la rendre raisonnable. La clause est valide ou elle ne l’est pas. Il n’y a pas de mi-chemin.
[7] Pièce P-5.
[8] Pièce P-18 et déclaration assermentée de M. Normand Beaudin datée du 13 mars 2015, paragr. 15-16.
[9] Déclaration assermentée de M. Normand Beaudin datée du 13 mars 2015, paragr. 18 et s.; pièce P-19.
[10] Pièce P-16, courriels de M. Patrice Lasnier datés des 5 et 7 mars 2014.
[11] Pièce P-16, courriel de M. Patrice Lasnier daté du 8 avril 2014.
[12] Voir l’échange de courriels de fin février 2014, communiqué à titre d’engagement no 2 suite à l’interrogatoire préalable de M. Lasnier tenu le 17 avril 2015.
[13] Déclaration assermentée de M. Normand Beaudin datée du 13 mars 2015, paragr. 6-8.
[14] Pièce P-16, courriel de M. Patrice Lasnier daté du 24 janvier 2014.
[15] Pièce P-6.
[16] Premier document de l’onglet 5 du cartable remis par les défendeurs au début de l’instruction.
[17] Pièce P-25.
[18] Pièce P-22.
[19] Témoignage de M. Rohan Jagan.
[20] Pièce P-23.
[21] Pièce P-27.
[22] Pièce P-28.
[23] Pièces P-29 et P-30.
[24] Pièce P-15.
[25] Pièce P-3.
[26] Pièce P-9.
[27] Pièce P-32.
[28] Pièce P-13.
[29] Déclaration assermentée de M. Patrice Lasnier datée du 20 février 2015, paragr. 7.
[30] Luxme International Ltd. c. Lasnier, 2018 QCCS 4596.
[31] Pièce P-34.
[32] Rapport d’expertise de M. Luc Royer daté du 24 janvier 2017, p. 1 : « [t]o complete the comparative study, Luxme Tech supplied Stantec Consulting Ltd with 58 drawings and 42 photos related to the type 200 conveyor manufactured by Luxme Tech and 70 drawings and 76 photos of the AC-800 model manufactured by Axis ». Lors de l’enquête, M. Rohan Jagan a précisé que les plans d’Axis qu’a utilisés M. Royer sont ceux que Luxme avait reçus d’Usispec (pièce P-28).
[33] Rapport d’expertise de M. Luc Royer daté du 24 janvier 2017, p. 46.
[34] Voir notamment Mutuelle du Canada, compagnie d’assurance-vie c. Djebbari, 1992 CanLII 3559 (QC CA), p. 27, propos du juge Louis Lebel citant avec approbation Positron Inc. c. Desroches, [1988] R.J.Q. 1636, p. 1652. Voir aussi Improthèque c. St-Gelais, [1995] R.J.Q. 2469, p. 18 : « [l]es aptitudes d’un salarié, ses connaissances, sa compétence et son expérience lui appartiennent, même s’il les a acquises au service d’un employeur, et il n’enfreint aucune obligation en les utilisant chez un autre employeur, s’il respecte son devoir de loyauté et de discrétion ».
[35] Concentrés scientifiques Bélisle inc. c. Lyrco Nutrition inc., 2007 QCCA 676, paragr. 39.
[36] Id. Voir également Pharmacie Jean-Sébastien Blais inc. c. Pharmacie Éric Bergeron et André Vincent inc., 2018 QCCA 1895, paragr. 43 et s.
[37] Voir notamment Marianne St-Pierre Plamondon et Alex O’Reilly, « L’obligation de loyauté s’effrite : quelles protections reste-t-il à l’employeur ? », Service de la formation continue du Barreau du Québec, Développements récents en droit du travail (2014), Cowansville, Yvon Blais, 2014, 99, p. 109 et s.
[38] Banque de Montréal c. Kuet Leong Ng, [1989] 2 R.C.S. 429 (« l’intensité de l’obligation de bonne foi imposée à l’employé augmente avec la responsabilité qui se rattache au poste qu’il occupe »).
[39] Pièce P-10.
[40] Déclaration assermentée de M. Normand Beaudin datée du 13 mars 2015, paragr. 6.
[41] Id., paragr. 30.
[42] Il convient de préciser que M. Lasnier a, et a toujours été, l’alter ego d’Axis.
[43] Pièce P-23.
[44] Pièce P-20. Voir aussi la pièce P-21, qui montre que c’est M. Lasnier qui s’est chargé du suivi auprès de 2M quelques semaines plus tard.
[45] Pièce P-22.
[46] Voir notamment Gravino c. Enerchem Transport inc., 2008 QCCA 1820.
[47] Pièce P-29.
[48] Gutin v. Cenfood International Inc., 2018 QCCA 317.
[49] Pièce P-14.
[50] Pièce P-28.
[51] Jean Lemoine et Émilie Courchesne Tardif, « La théorie du tremplin : quand la concurrence plonge en eaux troubles », dans Service de la formation continue du barreau, Développements récents en droit de la non-concurrence (2009), Cowansville, Yvon Blais, 2009, 5, p. 43.
[52] Supra, paragr. 10.
[53] Voir par ex. la pièce P-14.
[54] Pièces P-28 et P-29.
[55] Voir également Marie-France Bich, « La viduité post-emploi : loyauté, discrétion et clauses restrictives », dans Service de la formation continue du barreau, Développements récents en droit de la propriété intellectuelle (2003), Cowansville, Yvon Blais, 2003, 243, p. 307 : « [s]ont habituellement considérés comme confidentiels les secrets de commerce ou de fabrication, les plans et maquettes liés au développement d’une technique ou d’un produit, les listes de clients secrètes ou contenant des renseignements privilégiés (une liste de clients n’étant pas nécessairement confidentielle, comme on vient de le voir) ou toute autre information qui n’est pas généralement connue et ne peut pas être obtenue ou reconstituée facilement ».
[56] L.R.C. (1985), ch. C-42.
[57] Voir notamment le paragraphe 5(1). Sur cette notion d’œuvre originale, voir l’arrêt de la Cour suprême dans CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, 2004 CSC 13, paragr. 16 et s.
[58] Voir l’article 13(3) L.d.a., qui se lit comme suit : « [l]orsque l’auteur est employé par une autre personne en vertu d’un contrat de louage de service ou d’apprentissage, et que l’œuvre est exécutée dans l’exercice de cet emploi, l’employeur est, à moins de stipulation contraire, le premier titulaire du droit d’auteur/[w]here the author of a work was in the employment of some other person under a contract of service or apprenticeship and the work was made in the course of his employment by that person, the person by whom the author was employed shall, in the absence of any agreement to the contrary, be the first owner of the copyright ».
[59] Transcription de l’interrogatoire préalable de M. Rohan Jagan tenu le 11 mai 2016, p. 7.
[60] Contrôle PC inc. c. DP Sys inc., 2008 QCCS 3712 (conf. 2008 QCCA 2170), paragr. 73, citant avec approbation les travaux de Judith Robinson et Sébastien Jetté, « La protection des secrets commerciaux en dehors de la relation employeur-employé », dans Service de la formation continue du barreau, Développements récents en droit de la propriété intellectuelle (2003), Cowansville, Yvon Blais, 2003, 3. Comme les auteurs Robinson et Jetté le précisent dans leur article, cette définition de la notion de secrets commerciaux est celle du professeur Vincent Karim (Les obligations, 2e éd., vol. 1, Montréal, Wilson et Lafleur, 2002, p. 459.
[61] Continental Casualty Company c. Combined Insurance Company, [1967] B.R. 814, p. 819.
[62] Ou, plus exactement, cette obligation doit durer tant et aussi longtemps que les informations concernées continuent de constituer des secrets commerciaux.
[63] Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice: Le Code civil du Québec, t. I, Québec, Publications du Québec, 1993, p. 997.
[64] Doré c. Verdun (Ville), [1997] 2 R.C.S. 862, p. 873.
[65] Concentrés scientifiques Bélisle inc. c. Lyrco Nutrition inc., 2007 QCCA 676.
[66] Id., paragr. 42.
[67] Voir aussi, en ce sens, Marie-France Bich, « La viduité post-emploi : loyauté, discrétion et clauses restrictives », dans Service de la formation continue du barreau, Développements récents en droit de la propriété intellectuelle (2003), Cowansville, Yvon Blais, 2003, 243, p. 310.
[68] Frédéric Desmarais, « Commentaire sur l’article 2088 C.c.Q. », dans Commentaires sur le Code civil du Québec (DCQ), Cowansville, Yvon Blais, 2014, n° 2088 555.
[69] Voir infra, paragr. 106 et s.
[70] Frédéric Desmarais, « Commentaire sur l’article 2088 C.c.Q. », dans Commentaires sur le Code civil du Québec (DCQ), Cowansville, Yvon Blais, 2014, n° 2088 575.
[71] Cadbury Schweppes Inc. c. Aliments Fbi Ltée, [1999] 1 R.C.S. 142, p. 172.
[72] Voir notamment Gutin v. Cenfood International Inc., 2018 QCCA 317, paragr. 42 (« [t]he duration of this ‘reasonable time’ may not exceed a few months (seldom more than three or four), to be determined on a case-by-case basis »).
[73] Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, paragr. 23.
[74] Cadbury Schweppes Inc. c. Aliments Fbi Ltée, [1999] 1 R.C.S. 142, p. 188 et s.
[75] Gutin v. Cenfood International Inc., 2018 QCCA 317, paragr. 42.
[76] Pièce P-7.
[77] Contrôle PC inc. c. DP Sys inc., 2008 QCCS 3712, paragr. 72, citant avec approbation les travaux de Judith Robinson et Sébastien Jetté, « La protection des secrets commerciaux en dehors de la relation employeur-employé », dans Service de la formation continue du barreau, Développements récents en droit de la propriété intellectuelle (2003), Cowansville, Yvon Blais, 2003, 3.
[78] Voir par ex. : Denys-Claude Lamontagne, Biens et propriété, 8e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2018, p. 31, n° 48; Pierre-Claude Lafond, Précis de droit des biens, 2e éd., Thémis, 2007, p. 34, n° 67. Voir aussi Gaudreau c. 9090-2438 Québec inc., 2007 QCCA 1254, paragr. 41 et 42.
[79] Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice : Le Code civil du Québec, t. I, Québec, Publications du Québec, 1993, p. 997 : « Cet article [1612 C.c.Q.] est de droit nouveau et […] il s’inspire de certaines propositions d’un rapport, publié en juillet 1986 par le ministère fédéral de la Justice, portant sur le secret commercial. Ce rapport a été préparé par l’Institut de recherche et de réforme du droit de l’Alberta et une équipe de travail, fédérale-provinciale, constituée par les sous-procureurs généraux chargés de la justice pénale. »
[80] Institute of Law Research and Reform (Edmonton, Alberta) and a Federal Provincial Working Party, Trade Secrets, Report No. 46, July 1986, p. 136 et s., 226-27 et 256.
[81] Id., p. 256.
[82] Id., p. 172 [soulignement ajouté].
[83] Pièce P-7, paragr. 1.
[84] Voir par ex. : Summerside c. Le Turnberry, syndicat de copropriétaires, 2003 CanLII 15339 (QC CS), paragr. 65; 9014-4080 Québec Inc. c. 2626-8821 Québec Inc., 2005 CanLII 2204 (QC CS), paragr. 80; Paradis Détente soins Corporels Inc. c. Monette, 2011 QCCS 3177 (CanLII) paragr. 17; Carrefour Liberté inc. c. Artefacts et artifices, 2015 QCCS 1454, paragr. 47; Équi-Prêts Canada inc. c. Baril Évaluation ltée, 2014 QCCS 2022, paragr. 29; Érablières Roger Caron inc. c. Fédération des producteurs acéricoles du Québec, 2015 QCCS 645, paragr. 251; Strina c. Syndicat des copropriétaires des Berges de l'Anse III, 2017 QCCS 645, paragr. 180; Gestion Ignièce inc. c. Les Souscripteurs du Lloyd’s, 2017 QCCS 1410, paragr. 78; Syndicat des copropriétaires du condominium Verrières VI c. Maddalon, 2018 QCCS 2312, paragr. 96.
[85] Le dispositif du jugement est rédigé en anglais étant donné que c’est dans cette langue que la demande introductive d’instance et les ordonnances recherchées ont été rédigées.
AVIS :
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