Pelletier c. 9412-4823 Québec inc. | 2025 QCTAL 513 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
Bureau dE Laval |
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No dossier : | 818277 36 20240910 G | No demande : | 4454354 |
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Date : | 08 janvier 2025 |
Devant la juge administrative : | Sylvie Lambert |
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Myriam Pelletier | |
Locataire - Partie demanderesse |
c. |
9412-4823 Québec Inc. | |
Locateur - Partie défenderesse |
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Service Conseil Richmond Inc. | |
Partie intéressée |
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D É C I S I O N
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- Par un recours introduit le 10 septembre 2024, la locataire demande la résiliation du bail, l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel, plus les frais.
- La demande, l’amendement[1] et l’avis d’audience ont été signifiés par huissier au locateur.
- Bien que dûment avisé de la présente audience, le locateur est absent.
- Au soutien de sa demande, la locataire allègue ce qui suit :
« Les escaliers anti feux ne sont plus sécuritaires et le rapport des pompiers de la ville déclare que le logement est au risque niveau trois élevé pour un incendie. Multiples réparations jamais faites : ascenseur non fonctionnel, internet inclut dans le loyer fournit sporadiquement, lumières de couloir défectueuses, disjoncteur électrique qui saute tout le temps, porte de garage intérieur brisée, trappes d’égout dans le garage brisées, ménage non effectué régulièrement, enlèvement des ordures non effectué pendant 4 mois, ne retourne jamais les courriels ou appels, revêtement extérieurs endommagés et à refaire
La locataire a de sérieuses craintes pour sa sécurité dans ce logement. Qu’il plaise au Tribunal de résilier son bail. »
[Reproduit tel quel]
Contexte
- La locataire est liée par un bail du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025 au loyer mensuel de 1 510 $.
- Le logement concerné est un 3½ pièces, situé à l’étage supérieur d’un immeuble de 40 logements répartis sur 4 étages.
- Service Conseil Richmond Inc. (Richmond) est le gestionnaire mandaté par la créancière hypothécaire du locateur, Compagnie de fiducie Peoples Peoples Trust company (Peoples).
- Le 6 février 2024, Peoples signifie au locateur et à tous les locataires de l’immeuble un avis de retrait de l'autorisation de percevoir les loyers.
- Un recours pour vente de l’immeuble sous contrôle de justice est inscrit au registre foncier et cette procédure suit actuellement son cours.
- Vision Immo est responsable de la gestion de l’immeuble jusqu’en juin 2024. Elle sera remplacée par Richmond qui agit comme gestionnaire de l’immeuble depuis le 20 juin 2024, et ce, jusqu’à ce jour.
- Richmond souligne en début d’audience qu’en tant que gestionnaire de la créancière hypothécaire, son rôle est limité à la conservation de l’immeuble et qu’elle ne peut acquiescer ou s’opposer à la présente demande.
- Également, elle déclare que les mesures qu’elle peut prendre dans le cadre de son mandat de gestion sont limitées.
- À la date de l’audience, 25 des 40 locataires ont quitté ou déguerpi des lieux. Il n’en reste que 15, dont la locataire en l’instance.
- La locataire souhaiterait quitter les lieux puisqu’elle ne se sent pas en sécurité dans l’immeuble. Depuis février 2024, elle n’a plus la jouissance paisible de son logement et le locateur (ou gestionnaire) refuse ou néglige d’effectuer les travaux nécessaires.
- La locataire produit des documents qui font mention des nombreux problèmes et défectuosités qu’elle vit depuis février 2024 et des nombreuses démarches, courriels, messages et appels qu’elle a dû faire afin que le locateur ou les gestionnaires de la créancière hypothécaire exécutent les obligations du locateur[2].
- Elle souligne qu’au numéro d’urgence de Vision Immo, personne ne répondait. Même les tentatives des pompiers et des policiers pour joindre Vision Immo ont été vaines.
- Chez Richmond, le numéro d’urgence fonctionne. Une personne répond qu’elle fait le message, mais il n’y a aucun suivi. Ainsi, avant qu’une situation soit prise en main, il faut rappeler, envoyer des messages et, malgré cela, certains problèmes ne se règlent pas.
- Encore aujourd’hui, plusieurs défectuosités ou problèmes dénoncés à plusieurs reprises ne sont toujours pas corrigés, dont certains reliés à la sécurité.
- Le 20 août 2024, la locataire écrit à Richmond pour demander la résiliation de son bail pour le 3 septembre suivant.
- Le 11 septembre, Richmond lui répond par écrit qu’elle ne peut se prononcer sur une telle demande en tant que gestionnaire de la créancière hypothécaire. Le représentant de Richmond mentionne cependant verbalement à la locataire que Richmond ne la poursuivra pas en justice si elle quitte avant la fin du bail, mais qu’il n’est pas exclu que d’autres personnes la poursuivent en justice.
- La locataire déclare avoir introduit le présent recours puisqu’elle ne veut pas prendre le risque que des procédures soient introduites contre elle.
- La mandataire de Richmond témoigne que des réparations ont été effectuées, dont l’ascenseur et qu’un suivi est fait concernant le service Internet. Elle ajoute qu’avant de prendre en charge une problématique, plusieurs jours peuvent s’écouler puisque des approbations sont nécessaires.
- Elle n’est pas au courant de certains problèmes auxquels réfère la locataire, dont celui des disjoncteurs qui sautent régulièrement dans le logement, bien que la preuve démontre que la locataire a dénoncé cette situation à plus d’une reprise.
- Elle ajoute qu’en tant que gestionnaire de la créancière hypothécaire, son rôle est de préserver l’immeuble. Ainsi, elle ne peut prendre en mains certains problèmes, par exemple l’absence de pelouse et de paysagement sur le terrain de l’immeuble.
- Par ailleurs, elle ajoute que quelqu’un a été mandaté pour vérifier le système d’alarme incendie. Toutefois, aucune indication n’est donnée quant à la date ou la période à laquelle les travaux seront exécutés.
Le droit
- Le locateur a, notamment, les obligations suivantes : délivrer le logement en bon état de réparations de toutes espèces et procurer aux locataires la jouissance paisible du logement (article 1854 C.c.Q.), délivrer et maintenir le logement en bon état d'habitabilité (article 1910 C.c.Q.) et faire toutes les réparations nécessaires, à l'exception des menues réparations d'entretien, ces dernières étant à la charge du locataire, à moins qu'elles ne résultent de la vétusté du bien ou d'une force majeure (article 1864 C.c.Q).
- De plus, l'article 1912 C.c.Q. énonce :
« 1912. Donnent lieu aux mêmes recours qu'un manquement à une obligation du bail:
1. Tout manquement du locateur ou du locataire à une obligation imposée par la loi relativement à la sécurité ou à la salubrité d'un logement;
2. Tout manquement du locateur aux exigences minimales fixées par la loi, relativement à l'entretien, à l'habitabilité, à la sécurité et à la salubrité d'un immeuble comportant un logement. »
- Pour obtenir la résiliation du bail, deux options s’offrent à la locataire. Soit qu’elle démontre 1- l'inexécution substantielle des obligations du locateur et le préjudice sérieux qu'elle subit (article 1863 du Code civil du Québec) ou 2- que le logement est impropre à l'habitation. (articles 1913 et 1915 C.c.Q.)
- L’article 1913 C.c.Q. décrit le logement impropre à l’habitation, comme suit :
« 1913. […].
Est impropre à l'habitation le logement dont l'état constitue une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public, ou celui qui a été déclaré tel par le tribunal ou par l'autorité compétente. »
Analyse et conclusion
- En l’espèce, la preuve démontre que, depuis février 2024, le locateur néglige ou refuse d’effectuer des travaux ou réparations requises.
- La locataire a dû transmettre de nombreuses missives et consacrer beaucoup de temps et d’énergie afin que le locateur respecte ses obligations. Malgré cela, le locateur ou les gestionnaires n’ont toujours pas effectué plusieurs des travaux requis pour remédier aux défectuosités ou problèmes dénoncés.
- Parmi les problèmes vécus depuis février 2024, il vaut de souligner ceux-ci :
- plusieurs interruptions du service Internet, dont une qui a duré 17 jours. Richmond a proposé aux locataires de prendre leur propre fournisseur de service Internet, mais lorsqu’il s’est présenté, il n’a pu avoir accès à la salle qui contient les branchements électroniques, Richmond refusant de fournir le code d’accès;
- ascenseur brisé et inutilisable à plusieurs reprises. L’ascenseur est le seul lien direct avec le garage par l’intérieur, les locataires doivent passer par l’extérieur pour avoir accès au garage;
- serrures de portes défectueuses- personne ne pouvait les débarrer. Pour résultat, des locataires n’ont pu avoir accès à leur véhicule dans le garage. La locataire souligne que sur les 6 portes principales, les clés fonctionnent seulement dans 2 portes. Pour cette raison, les deux portes arrière doivent restées débarrées en tout temps;
- absence de gazon depuis la construction en 2021. Présence de mauvaises herbes qui atteignent plusieurs mètres. À la suite de plaintes, c’est la Ville qui a tondu les mauvaises herbes;
- porte de garage défectueuse pendant 4 ou 5 mois. Elle demeurait complètement ouverte. Des boulons se détachaient de la porte et tombaient sur la tête des locataires;
- aucun rapport ou vérification confirmant le bon fonctionnement des gicleurs;
- aucun ménage ou nettoyage des aires communes pendant 2 mois. Ce sont les locataires qui devaient nettoyer;
- structure et revêtement extérieur endommagés- des morceaux de soffite sont manquants, emportés par le vent;
- une trappe d’égout surélevée a dû être réparée par un locataire puisque des dommages ont été causés à une voiture en passant dessus;
- des fils électriques qui pendent;
- lumières défectueuses dans les corridors;
- -Selon le rapport du Service de sécurité incendie de la Ville Terrebonne[3] daté du mois de juin 2024 (le SSIT), en raison des défectuosités constatées, l’immeuble représente un risque élevé (niveau 3).
- Les problèmes suivants sont notés au rapport : portes anti-feu des deux cages d’escaliers non-fonctionnelles ou brisées (ne se ferment pas automatiquement), porte de secours de la cage d’escalier arrière impossible à ouvrir, portes donnant accès au garage défectueuses, absence de rapport confirmant le bon fonctionnement du système d’alarme incendie, éclairage défectueux dans les aires communes,
- Jusqu’à ce jour, le SSIT aurait transmis à Richmond ou au locateur trois avis d’infraction. La locataire produit copie du 1er avis.
- Le Tribunal retient le témoignage sincère, pondéré, détaillé et crédible de la locataire quant au fait que plusieurs problèmes n’ont toujours pas été réglés, alors qu’ils sont dénoncés depuis longtemps.
- Parmi ceux-ci, elle relève toutes les défectuosités et problèmes soulevés dans le rapport du SSIT, les disjoncteurs qui sautent dans son logement, l’absence de pelouse sur le terrain de l’immeuble et les odeurs de cannabis qui persistent.
- La déclaration de la mandataire de Richmond à l’effet que quelqu’un s’est vu confié le mandat de remédier aux défectuosités et problèmes rapportés par le SSIT n’est pas convaincante. Aucune preuve écrite d’un tel mandat n’est produite. Si effectivement ce mandat a été donné, la preuve est silencieuse quant au moment où les travaux nécessaires seront exécutés. Comme le dit l’expression, c’est trop peu, trop tard.
- Cela étant, le Tribunal conclut que la locataire est justifiée d’obtenir la résiliation du bail aux torts du locateur.
- La preuve démontre des manquements substantiels aux obligations du locateur et ceux-ci causent un préjudice sérieux à la locataire.
- De plus, le Tribunal est d’avis que tant que les problèmes soulevés dans le rapport du SSIT ne seront pas réglés, l’immeuble met à risque la sécurité des occupants.
- Ainsi, le bail sera résilié à compter du départ des lieux de la locataire. La locataire devra transmettre un préavis écrit d’au moins 15 jours au locateur et à Richnond indiquant la date de son départ. Pour le mois du départ, le loyer sera payable au prorata des jours pendant lesquels la locataire occupe le logement.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- RÉSILIE le bail aux torts du locateur, sur préavis écrit d’au moins 15 jours au locateur indiquant la date du départ des lieux de la locataire;
- DÉCLARE le bail résilié à la date du départ de la locataire;
- ORDONNE l’exécution provisoire immédiate de la décision malgré l’appel;
- CONDAMNE le locateur à payer à la locataire les frais de justice de 138 $.
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| Sylvie Lambert |
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Présence(s) : | la locataire le mandataire de la partie intéressée |
Date de l’audience : | 5 novembre 2024 |
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