Promutuel l'Outaouais c. Cyr |
2018 QCRDL 31054 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Gatineau |
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No dossier : |
287257 22 20160715 G |
No demande : |
2043080 |
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Date : |
24 septembre 2018 |
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Régisseure : |
Anne A. Laverdure, juge administrative |
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Promutuel L'Outaouais, subrogée dans les droits de Lyne Bigras |
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Partie demanderesse |
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c. |
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Miguel Cyr |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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CONTEXTE
[1] La demanderesse est l’assureur de la locatrice.[1]
[2] Le locataire et la locatrice étaient liés par un bail verbal au loyer de 750 $ par mois[2].
[3] Le logement est situé au sous-sol d’un duplex.
[4] Le 7 août 2013, un incendie se déclare dans le logement du locataire.
[5] La demanderesse indemnisera la locatrice à hauteur de 69 793,73 $ pour les dégâts causés par l’incendie.
[6] Elle réclame maintenant ce montant au locataire.
QUESTION EN LITIGE
[7] L’incendie résulte-t-il de la faute du locataire?
ANALYSE ET DÉCISION
[8] Établissons
d’abord que la demanderesse a intérêt juridique par le biais de la subrogation
prévue à l’article
« L’assureur est subrogé dans les droits de l’assuré contre l’auteur du préjudice, jusqu’à concurrence des indemnités qu’il a payées. Quand, du fait de l’assuré, il ne peut être ainsi subrogé, il peut être libéré, en tout ou en partie, de son obligation envers l’assuré.
L’assureur ne peut jamais être subrogé contre les personnes qui font partie de la maison de l’assuré. »
[9] Ayant indemnisé la locatrice suite à un incendie, elle est donc subrogée dans les droits de celle-ci pour réclamer les sommes payées à l’auteur du sinistre qu’elle identifie comme étant le locataire.
[10] En effet, il est mis en preuve par le témoignage du capitaine Michel Poirier, pompier de son état, que le feu a pris naissance dans la cuisine du locataire. Plus précisément, il s’agit d’un feu de cuisson. Des photos sont déposées à l’appui de ce constat[3].
[11] Selon les aveux du locataire fait à la locatrice, il s’est endormi et a oublié un chaudron sur la cuisinière vers 4h30.
[12] Ce chaudron contenait une matière grasse.[4]
[13] Or, l'article
« Le locataire est tenu de réparer le préjudice subi par le locateur en raison des pertes survenues au bien loué, à moins qu'il ne prouve que ces pertes ne sont pas dues à sa faute ou à celle des personnes à qui il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.
Néanmoins, lorsque le bien loué est un immeuble, le locataire n'est tenu des dommages-intérêts résultant d'un incendie que s'il est prouvé que celui-ci est dû à sa faute ou à celle des personnes à qui il a permis l'accès à l'immeuble. »
[14] Bien que l’incendie n’ait pas été volontairement allumé, le locataire n’a pas agi de façon prudente. Son comportement insouciant est la cause du feu. Il doit donc être tenu responsable des dommages qui en découlent.
[15] Voici donc la chronologie des événements qui suivirent.
[16] À l’arrivée des pompiers, une fumée noire, dense et opaque émane du sous-sol. Le feu sera éteint, mais toutes les pièces du logement, la cage d’escalier et le logement à l’étage seront affectés par la fumée, quoique celui à l’étage le soit de façon moins importante.
[17] Il y a d’abord des travaux d’urgence qui sont effectués au coût de 11 290,61 $[5] auquel s’ajoute un frais d’énergie supplémentaire de 19,40 $[6].
[18] Les travaux de nettoyage suffiront pour le logement à l’étage.
[19] Des réparations d’envergure doivent toutefois être entreprises dans le logement du sous-sol au coût de 55 207,64 $.[7]
[20] Ces travaux se termineront vers le 10 décembre 2013. Le locataire ne réintégrera pas le logement.
[21] En plus des sommes précédentes, la locatrice recevra une indemnité pour les pertes de revenus qui, additionnées, se chiffrent à 3 305,78 $.
[22] Avant même la fin des travaux, le locataire reçoit une lettre de la demanderesse le tenant responsable des dommages. Dans la lettre qui suivra, le 1er mai 2014, le montant des dommages lui est demandé.[8]
[23] Une autre lettre lui sera envoyée avant la mise en demeure du 26 août 2015 qui lui donne 15 jours pour payer[9]. Les intérêts de la condamnation commenceront donc à courir à compter du 11 septembre 2015.
[24] Cependant, l’attribution de dommages-intérêts obéit à des règles qui ont été clairement résumées par la juge administrative Francine Jodoin dans l’affaire Co-Operator Québec c. Garcia :
« [24] L'attribution de dommages-intérêts compensatoires et l'évaluation des pertes subies, dans un tel cas, obéissent aux règles générales du droit commun. Le Tribunal n'est pas lié par le montant total de l'indemnité versée par l'assureur au locateur. Aussi, le Tribunal doit considérer le lien de causalité qui existe entre la faute reprochée et les dommages réclamés.
[25] L'article
[26] L'article
[27] Une fois la
responsabilité, du locataire, retenue, le Tribunal doit évaluer la valeur des
dommages subis, lesquels doivent constituer une suite immédiate et directe de
la faute commise (article
[28] Cette évaluation doit tenir compte d'un facteur de dépréciation pour tenir compte de la valeur réelle des matériaux remplacés et non de leur valeur à neuf ce qui provoquerait un enrichissement pour le locateur.
[29] Aussi, le Tribunal retient les conclusions de l'expert en évaluation de bâtiment (7) et appliquera un pourcentage de 15 % sur le coût total des réparations effectuées. »
[25] Le montant qui sera donc accordé pour les réparations est de 46 926,50 $[10].
[26] En raison de la preuve administrée, les autres montants sont accordés pour un total de 61 542,28 $.
[27] Enfin, il est aussi mis en preuve que la demanderesse a dû procéder par avis public, ce qui lui a occasionné des frais additionnels de 188,56 $[11]. La demanderesse a donc droit à des frais de notification de 109 $ qui s’ajoutent aux frais judiciaires.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[28] CONDAMNE le
locataire à payer à la partie demanderesse la somme de 61 542,28 $
avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article
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Anne A. Laverdure |
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Présence(s) : |
Me Julien L'Abbée Lacas, avocat de la demanderesse |
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Date de l’audience : |
29 août 2018 |
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[1] Pièce P-1.
[2] Pièce P-2.
[3] Pièce P-8.
[4] Pièce P-3, rapport du Service des incendies signé par le capitaine Michel Poirier.
[5] Pièce P-4.
[6] Pièce P-5.
[7] Pièces P-6, P-7 et P-9.
[8] Pièce P-10.
[9] Pièce P-10.
[10] 55 207,64 $ x 15%.
[11] En vertu de l'article
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