Martineau c. Proulx |
2013 QCCS 1490 |
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JM1838 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-17-058035-109 |
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DATE : |
Le 12 avril 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
ROBERT MONGEON, J.C.S. |
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LUCIE MARTINEAU |
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Demanderesse |
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c. |
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GILLES PROULX |
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-et- |
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LE JOURNAL DE MONTRÉAL (Corporation Sun Media) |
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Défendeurs |
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JUGEMENT |
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INTRODUCTION
[1] La Demanderesse Lucie Martineau est présidente du Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ).
[2] Nous sommes en février 2010. Le SFPQ est en pleine négociation d’une nouvelle convention collective. Les 40 000 membres du syndicat apprennent que le gouvernement veut abolir leur banque de congés-maladie accumulés. La tension monte, les positions se polarisent, certains syndiqués envisagent même de quitter la fonction publique et de bénéficier de ces congés accumulés avant de les perdre.
[3] Madame Martineau est la porte-parole du syndicat. C’est elle qui véhicule le message du syndicat dans les médias. Forcément, c’est elle qui subit les attaques des opposants aux revendications des employés de l’État.
[4] Le 2 février 2010, le Journal de Montréal publie un article intitulé « Des milliers de fonctionnaires prennent leur retraite » (D-3) signé par le journaliste Michel Hébert de l’agence QMI. Monsieur Hébert fait état notamment d’une rumeur voulant que 4 500 personnes aient déjà fait une demande de renseignements ou encore aient déjà déposé leurs documents de prise de retraite. Ces demandes sont vues comme un moyen de pression pour faire plier le gouvernement.
[5] Le texte de l’article de monsieur Hébert titre en effet ainsi :
Des milliers de fonctionnaires veulent prendre leur retraite
QUÉBEC Ι C’est l’alerte générale, la débandade, la ruée vers la sortie. Par milliers, les fonctionnaires du Québec veulent utiliser leurs congés accumulés immédiatement et partir à la retraite avant la fin de l’actuelle convention collective.
[6] Deux jours plus tard, le Défendeur Gilles Proulx publie une chronique qu’il y a lieu de reproduire intégralement. Les passages litigieux sont soulignés et le lecteur sera donc en mesure de juger de leur portée et de leur nécessité dans la transmission du message véhiculé par le Défendeur:
Qui est malade? Le fonctionnaire ou la fonction publique?
La syndicalisation, je n’ai rien contre… sauf pour les employés de l’État! Révisons les codes et les chartes, mais corrigeons l’erreur de Jean Lesage : retirons le droit de grève à ceux qui sont en trop bonne position de faire chanter nos élus et d’oublier que leur vrai patron, c’est le peuple. Les malheureux n’auraient plus qu’à aller se syndiquer… dans le secteur privé!
Quelle bonne nouvelle ai-je apprise mardi dernier! Des milliers de fonctionnaires du gouvernement du Québec veulent se hâter de quitter leurs fonctions de crainte qu’après l’échéance de leur convention, leur banque de « congés de maladie » fonde comme neige au soleil. Les rats songent à quitter le navire. Ça donne une idée de leur sens des valeurs.
Ces fonctionnaires affamés de salaire-pour-rien-faire ont accumulé ces « congés de maladie » parce qu’ils ne s’en sont pas encore prévalus, une bonne santé leur ayant permis de travailler comme presque tout le monde depuis Mathusalem.
Ces jours de paie supplémentaires pour ceux qui ont déjà été payés normalement servent à « encourager l’assiduité », nous assure effrontément Lucie Martineau, la présidente du Syndicat de la fonction publique. Quelle « Tartuffe », cette femme! Que fait Lucie Martineau de ceux qui paient des impôts et des taxes pour elle et les siens sans avoir eux-mêmes de tels privilèges?
Si Robin des Bois revenait sur terre, il décocherait sa première flèche aux apparatchiks comme Lucie Martineau. C’est anormal qu’il soit devenu « normal » qu’autant de ronds-de-cuir prennent une « sabbatique » de six ou sept mois, avec plein salaire, juste avant de prendre leur vraie retraite. Le petit « ouernement » a payé annuellement 4 millions de ces bizarres « congés de maladie pour personnes en santé ». Bannissons les syndicats de la fonction publique.
Comment se fait-il que la Charte des droits et libertés ne donne pas aux gens le droit ou la liberté de choisir s’ils veulent ou non adhérer à un syndicat? Pour l’instant, même si cela contrevient à leurs convictions, il sont obligés de payer des cotisations à la centrale, qui a le monopole sur leurs collègues. On sait fort bien que si une telle liberté existait, les syndicats verraient leurs effectifs passer de 40% à 20% de la population.
L’ERREUR DE LESAGE
Même sous Duplessis, avant la syndicalisation, les gens enviaient déjà les fonctionnaires pour leurs emplois garantis à vie et pour leur pouvoir. « On dénonce le peu de salaire que le gouvernement paie, mais tout le monde se bat pour venir travailler pour le gouvernement », rétorquait Duplessis à ceux qui insistaient pour laisser les employés de l’État se syndiquer.
C’est une GROSSE erreur que Jean Lesage a commise de laisser entrer les syndicats dans l’État. C’est ainsi que les privilégiés naturels du système ont hérité d’une arme pour faire chanter les élus et suer le peuple! L’ « équipe du tonnerre » de M. Lesage ne prévoyait pas que les foudres syndicales frapperaient si souvent les cibles les plus vulnérables : le petit peuple sans parapluie et les élus sans paratonnerre.
L’otage principal des syndicats dans l’État, c’est le Parti québécois. En ce moment, parce que Jean Charest accommode si bien les syndicats, le PQ n’a comme plus de « raison d’être »… C’est sans doute Jean Charest qui va gagner les prochaines élections, parce qu’il va céder bientôt au chantage de Lucie Martineau et de sa clique. Après tout, Jean Charest n’a-t-il pas dit, au récent sommet de Lévis, que le Parti libéral s’entend très bien avec les syndicats?
[7] Ce texte est l’objet du présent litige. D’un côté, madame Martineau prétend que les passages soulignés sont diffamatoires à son égard. De l’autre côté, monsieur Proulx allègue qu’il ne fait qu’exprimer son opinion sur un sujet d’intérêt public. Au nom de son droit à la libre expression de ses idées, il considère que les passages en question ne sont pas diffamatoires.
[8] Voilà donc la question que soulève ce dossier.
LES FAITS PERTINENTS ET LES POSITIONS RESPECTIVES DES PARTIES
[9] Présidente de l’un des plus importants syndicats du Québec, la Demanderesse milite dans le milieu syndical depuis 1996. Elle jouit d’une excellente réputation.
[10] Le Défendeur, pour sa part, est un journaliste aguerri doué d’une plume exceptionnelle. Il maîtrise parfaitement les subtilités de la langue française tant parlée qu’écrite, tel qu’en font foi ses multiples fonctions journalistiques, tant à la radio et à la télévision que dans la presse écrite.
[11] Les paragraphes 13, 14, 15 et 16 de la requête introductive d’instance amendée (3 décembre 2010) résument les arguments de la Demanderesse :
…
13. Ces propos sont de nature à suggérer et indiquent aux lecteurs que la demanderesse est une effrontée, une hypocrite, une profiteuse et qu’elle fait changer le Premier ministre du Québec, Jean Charest, dans le cadre de la négociation des conditions de travail des employés du gouvernement;
14. La demanderesse soumet que les propos du défendeur Proulx sont graves et offensants pour une personne engagée dans la vie syndicale et publique du Québec, qu’ils sont très dommageables et qu’ils ont été écrits délibérément dans le but d’attaquer et de nuire à la réputation de la demanderesse;
15. Par leurs agissements, les défendeurs ont causé à la demanderesse des dommages d’autant plus graves en raison du fait que les propos ont été tenus alors que le gouvernement du Québec négocie avec différents syndicats, dont le Syndicat de la fonction publique, le renouvellement des conventions collectives du secteur public;
16. La demanderesse soumet que les déclarations du défendeur Proulx sont fausses, calomnieuses, diffamatoires et lui cause des dommages qu’elle est en droit de réclamer des deux défendeurs;
…
[12] Gilles Proulx et le Journal de Montréal sont défendeurs à l’action[1]. Ils admettent les faits et allèguent plus spécifiquement que :
…
16. Le défendeur Gilles Proulx est chroniqueur et rédige, entre autres, des chroniques pour le Journal dans lesquelles il exprime des commentaires et opinions sur des sujets variés;
17. Les défendeurs participent ainsi à la libre circulation des idées et des informations, laquelle est essentielle au fonctionnement de notre société libre et démocratique;
18. Les défendeurs publiaient le 5 février 2010 dans le Journal, en page 27, un texte rédigé par le défendeur Gilles Proulx intitulé « Qui est malade? Le fonctionnaire ou la Fonction publique? » (ci-après l’ « Article »), le tout tel qu’il appert d’une copie de ladite page du Journal communiquée au soutien des présentes comme pièce D-2;
19. Le défendeur Gilles Proulx y exprimait ses commentaires en regard des syndicats de la fonction publique, notamment à la suite de récentes déclarations publiques de la présidente du Syndicat de la Fonction publique du Québec (ci-après le (…) « SFPQ »), la demanderesse Lucie Martineau, quant aux possibles conséquences, selon elle et le (…) SFPQ, d’une mesure alors considérée par le gouvernement dans le cadre de la négociation de la convention collective par laquelle le gouvernement se proposait d’abolir les congés de maladie déjà accumulés par les fonctionnaires depuis plusieurs années pour ne les payer qu’à 66% de leur valeur.
…
22. Les questions qui concernent les employés de l’État et la négociation des conventions collectives de l’État sont d’intérêt public;
23. La demanderesse Lucie Martineau, à titre de présidente du (…) SFPQ, occupe une fonction publique;
24. Par ses déclarations publiques, la demanderesse a elle-même propulsé la question à l’avant-plan de l’actualité et il était d’intérêt public de la commenter publiquement;
…
26. Le défendeur Gilles Proulx a exprimé de bonne foi dans le texte D-2 des commentaires sur des questions d’intérêt public et sur une personnalité publique, la demanderesse, dans le but de participer à la réflexion sociale et politique initiée par la demanderesse elle-même ainsi que le syndicat qu’elle représente;
27. Les commentaires et opinions exprimés par le défendeur Gilles Proulx étaient raisonnables et d’intérêt public;
…
[13] En conséquence, les Défendeurs prétendent qu’ils sont dans leur droit et que les propos de monsieur Gilles Proulx ne sont ni diffamatoires, ni malicieux et ni écrits dans l’intention de nuire et, qu’au surplus, l’intérêt public dictait que l’on élabore sur le sujet du conflit patronal-syndical en question.
[14] La Demanderesse demande donc une condamnation en dommages de 100 000,00$ et des dommages punitifs de 25 000,00$.
[15] La preuve au procès ne révèlera pas de faits additionnels si ce n’est que la Demanderesse n’a subi aucun arrêt de travail ni perte de revenus. Elle n’a pas été traitée médicalement. Sa perte n’est donc que non-pécuniaire. Par contre, elle a décrit la frustration et l’humiliation ressenties à la lecture des passages soulignés de l’article de Gilles Proulx. Elle ajoute que ces passages n’apportent absolument rien au texte, qu’ils ont été écrits dans le seul but de la blesser, de l’humilier, de dénigrer son rôle et sa fonction de présidente d’un important syndicat. Elle prétend donc que Gilles Proulx a agi délibérément et avec l’intention de lui causer préjudice.
LE DROIT
a) La législation
[16] Les droits de la Demanderesse en matière de diffamation sont assurés par le Code civil et par la Charte des droits et libertés de la personne :
i) Code civil du Québec
DE LA JOUISSANCE ET DE L’EXERCICE DES DROITS CIVILS
Art. 3. Toute personne est titulaire de droits de la personnalité, tels le droit à la vie, à l’inviolabilité et à l’intégrité de sa personne, au respect de son nom, de sa réputation et de sa vie privée.
Ces droits sont incessibles.
…
Art. 6. Toute personne est tenue d’exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.
Art. 7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi.
DU RESPECT DE LA RÉPUTATION ET DE LA VIE PRIVÉE
Art. 35. Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée.
Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d’une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l’autorise.
DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE
Art. 1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde.
ii) Charte québécoise
3. Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d'association.
4. Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.
5. Toute personne a droit au respect de la vie privée.
…
44. Toute personne a droit à l'information, dans la mesure prévue par la loi.
…
49. Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.
En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.
[17] Les droits et obligations du Défendeur à la liberté d’expression sont assurés par les mêmes dispositions, et plus spécifiquement par l’article 3 de la Charte québécoise.
b) Les principes découlant de la jurisprudence
[18] Dans l’affaire Buchwald[2] en 2003, j’écrivais ce qui suit :
[51] Le juge Louis LeBel dans l'arrêt Société Radio Sept-Îles Inc[3]. définit la diffamation comme suit:
"Génériquement, la diffamation consiste dans la communication de propos ou d'écrits qui font perdre l'estime ou la considération de quelqu'un ou qui, désagréables. Elle implique une atteinte injuste à la réputation d'une personne par le mal que l'on dit d'elle ou la haine, le mépris ou le ridicule auxquels on l'expose. La diffamation se définirait comme l'atteinte fautive à la réputation d'autrui. Elle prend diverses formes. Écrite ou verbale, elle peut être le fait des médias écrits ou électroniques."[4]
[52] Dans Leblanc c. Turpin[5], le juge Orville Frenette ajoute:
La diffamation donne lieu à un recours en dommages-intérêts si le "défendeur sciemment, de mauvaise foi, avec l'intention de nuire, s'attaque à la réputation de la victime et cherche à la ridiculiser, à l'humilier, à l'exposer à la haine ou au mépris du public et d'une groupe."
[53] Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin écrivent ce qui suit dans leur Traité sur les obligations[6]:
"De plus, la diffamation, en droit civil, ne résulte pas seulement de la divulgation ou de la publication de nouvelles fausses et erronées. Il y a, à notre avis, responsabilité lorsque les faits publiés sont exacts, mais que la publication n'a pour autre but que de nuire à la victime."[7]
[19] Dans une affaire de Falcon c. Cournoyer[8], mon collègue le juge Julien Lanctôt a tracé une distinction entre la diffamation et l’injure. Citant l’auteur Vallières[9], le juge Lanctôt écrit :
Dans son ouvrage « La presse et la diffamation », Me Vallières précise que la diffamation est différente de l’injure et les distingue de la façon suivante :
« Au Québec, nous employons de façon interchangeable les termes libelle, injure, diffamation et même libelle diffamatoire pour signifier une atteinte à la réputation. Cette terminologie recouvre diverses réalités.
2.1 La diffamation et l’injure
Une première distinction s’impose entre la diffamation et l’injure. L’article 29 du Code français de la presse l’établit avec une remarquable concision. Nous l’avons souligné plus haut : «toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur… est une diffamation». Mais l’article ajoute que « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective, qui ne renferme l’imputation d’aucun fait, est une injure». Nos tribunaux ont entériné cette distinction.
La diffamation doit donc se présenter sous la forme «d'une articulation précise de faits de nature à être sans difficulté l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire». Autrement, il ne peut s'agir que d'une injure. On ne saurait répertorier les expressions ou les termes injurieux qui sont à la mesure de l'imagination et du style de chacun, mais on peut indiquer à titre d'exemples quelques expressions que la jurisprudence a qualifiées d'injurieuses. Il en est ainsi des termes «voyous» et «gibiers» pour qualifier des adversaires politiques ou bien encore «chiens enragés» pour désigner les membres d'un conseil d'administration. »
(soulignements ajoutés)
Me Vallières ajoute que la défense de provocation ne peut être invoquée que dans le cas d'injures :
« On peut également plaider la provocation et la compensation d'injures. Il s'agit ici d'un moyen de défense circonstanciel qui s'applique dans le cas d'injures. Il est rarement suffisant à lui seul car l'injure et la provocation doivent être telles, qu'elles ont fait perdre la tête, c'est-à-dire la faculté de discernement dont il faut jouir pour être tenu responsable de ses actes; de plus, les injures doivent être simultanées, prononcées au cours de la même occasion ou du moins en des circonstances très rapprochées dans le temps. On s'aperçoit que ce moyen d'exonération est plus approprié en matière de radiodiffusion car l'auteur d'un écrit a toujours eu suffisamment de temps pour donner un caractère de préméditation à sa vengeance et ne peut plus invoquer la force irrépressible qui se rattache à la provocation.»[10]
(soulignements ajoutés)
[20] Il y aurait donc une distinction à retenir entre propos diffamatoires, d’une part, et injures, d’autre part[11]. Il est suggéré que l’injure constituerait une forme de faute moindre que la diffamation. Par contre, les deux notions constituent des fautes en droit et si l’injure est prouvée, elle entraîne réparation dans la mesure où elle dépasse les normes de la bonne foi et de la liberté d’expression de son auteur.
[21] Dans Prud’homme c. Prud’homme[12], la Cour suprême du Canada a ainsi résumé l’état du droit en matière de diffamation.
32 Le droit civil québécois ne prévoit pas de recours particulier pour l’atteinte à la réputation. Le fondement du recours en diffamation au Québec se trouve à l’art. 1457 C.c.Q. qui fixe les règles générales applicables en matière de responsabilité civile. Ainsi, dans un recours en diffamation, le demandeur doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, l’existence d’un préjudice, d’une faute et d’un lien de causalité, comme dans le cas de toute autre action en responsabilité civile, délictuelle ou quasi délictuelle.[13]
33 Pour démontrer le premier élément de la responsabilité civile, soit l’existence d’un préjudice, le demandeur doit convaincre le juge que les propos litigieux sont diffamatoires. Le concept de diffamation a fait l’objet de plusieurs définitions au fil des années. De façon générale, on reconnaît que la diffamation « consiste dans la communication de propos ou d’écrits qui font perdre l’estime ou la considération de quelqu’un ou qui, encore, suscitent à son égard des sentiments défavorables ou désagréables ».[14]
34 La nature diffamatoire des propos s’analyse selon une norme objective.[15] Il faut, en d’autres termes, se demander si un citoyen ordinaire estimerait que les propos tenus, pris dans leur ensemble, ont déconsidéré la réputation d’un tiers. À cet égard, il convient de préciser que des paroles peuvent être diffamatoires par l’idée qu’elles expriment explicitement ou encore par les insinuations qui s’en dégagent. Dans l’affaire Beaudoin c. La Presse Ltée[16], le juge Senécal résume bien la démarche à suivre pour déterminer si certains propos revêtent un caractère diffamatoire :
« La forme d’expression du libelle importe peu; c’est le résultat obtenu dans l’esprit du lecteur qui crée le délit ». L’allégation ou l’imputation diffamatoire peut être directe comme elle peut être indirecte « par voie de simple allusion, d’insinuation ou d’ironie, ou se produire sous une forme conditionnelle, dubitative, hypothétique ». Il arrive souvent que l’allégation ou l’imputation « soit transmise au lecteur par le biais d’une simple insinuation, d’une phrase interrogative, du rappel d’une rumeur, de la mention de renseignements qui ont filtré dans le public, de juxtaposition de faits divers qui ont ensemble une semblance de rapport entre eux ».
Les mots doivent d’autre part s’interpréter dans leur contexte. Ainsi, « il n’est pas possible d’isoler un passage dans un texte pour s’en plaindre, si l’ensemble jette un éclairage différent sur cet extrait ». À l’inverse, « il importe peu que les éléments qui le composent soient véridiques si l’ensemble d’un texte divulgue un message opposé à la réalité ». On peut de fait déformer la vérité ou la réalité par des demi-vérités, des montages tendancieux, des omissions, etc. « Il faut considérer un article de journal ou une émission de radio comme un tout, les phrases et les mots devant s’interpréter les uns par rapport aux autres. »
35 Cependant, des propos jugés diffamatoires n’engageront pas nécessairement la responsabilité civile de leur auteur. Il faudra, en outre, que le demandeur démontre que l’auteur des propos a commis une faute. Dans leur traité, La responsabilité civile[17], J.-L. Baudouin et P. Deslauriers précisent, aux p. 301-302, que la faute en matière de diffamation peut résulter de deux types de conduites, l’une malveillante, l’autre simplement négligente :
La première est celle où le défendeur, sciemment, de mauvaise foi, avec intention de nuire, s’attaque à la réputation de la victime et cherche à la ridiculiser, à l’humilier, à l’exposer à la haine ou au mépris du public ou d’un groupe. La seconde résulte d’un comportement dont la volonté de nuire est absente, mais où le défendeur a, malgré tout, porté atteinte à la réputation de la victime par sa témérité, sa négligence, son impertinence ou son incurie. Les deux conduites constituent une faute civile, donnent droit à réparation, sans qu’il existe de différence entre elles sur le plan du droit. En d’autres termes, il convient de se référer aux règles ordinaires de la responsabilité civile et d’abandonner résolument l’idée fausse que la diffamation est seulement le fruit d’un acte de mauvaise foi emportant intention de nuire.
36 À partir de la description de ces deux types de conduite, il est possible d’identifier trois situations susceptibles d’engager la responsabilité de l’auteur de paroles diffamantes. La première survient lorsqu’une personne prononce des propos désagréables à l’égard d’un tiers tout en les sachant faux. De tels propos ne peuvent être tenus que par méchanceté, avec l’intention de nuire à autrui. La seconde situation se produit lorsqu’une personne diffuse des choses désagréables sur autrui alors qu’elle devrait les savoir fausses. La personne raisonnable s’abstient généralement de donner des renseignements défavorables sur autrui si elle a des raisons de douter de leur véracité. Enfin, le troisième cas, souvent oublié, est celui de la personne médisante qui tient, sans justes motifs, des propos défavorables, mais véridiques, à l’égard d’un tiers.[18]
37 Ainsi, en droit civil québécois, la communication d’une information fausse n’est pas nécessairement fautive. À l’inverse, la transmission d’une information véridique peut parfois constituer une faute. On retrouve là une importante différence entre le droit civil et la common law où la fausseté des propos participe du délit de diffamation (tort of defamation). Toutefois, même en droit civil, la véracité des propos peut constituer un moyen de prouver l’absence de faute dans des circonstances où l’intérêt public est en jeu.[19]
38 Dans tous les cas, l’appréciation de la faute demeure une question contextuelle de faits et de circonstances.
(soulignements ajoutés)
[22] Plus récemment, dans Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR Inc.[20], la juge Marie Deschamps de la Cour suprême du Canada a réitéré les mêmes principes :
[18] Le droit à la sauvegarde de la réputation est garanti par la Charte québécoise (art. 4 ) et le Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, art. 3 et 35. Parce qu’elle participe de la dignité (Hill, par. 120-121), la bonne réputation est aussi liée aux droits protégés par la Charte canadienne. La réputation constitue un attribut fondamental de la personnalité, qui permet à un individu de s’épanouir dans la société. Il est donc essentiel de la sauvegarder chèrement, car une fois ternie, une réputation peut rarement retrouver son lustre antérieur (Hill, par. 108).
…
[22] Il n’existe pas, au Québec, de recours particulier pour sanctionner la diffamation. Le recours en diffamation s’inscrit dans le régime général de la responsabilité civile prévu à l’art. 1457 C.c.Q. Le demandeur a droit à une indemnisation si une faute, un préjudice et un lien causal coexistent. La détermination de la faute suppose l’examen de la conduite de l’auteur de celle-ci, celle du préjudice requiert l’évaluation de l’incidence de cette conduite sur la victime et celle de la causalité exige que le décideur conclue à l’existence d’un lien entre la faute et le préjudice. C’est un domaine du droit où il importe de bien distinguer faute et préjudice. La preuve du préjudice ne permet pas de présumer qu’une faute a été commise. La démonstration de la commission d’une faute n’établit pas, sans plus, l’existence d’un préjudice susceptible de réparation.
…
[25] Dans un recours en diffamation, la définition ou les contours de la faute reflètent l’importance croissante accordée à la liberté d’expression (Société Radio-Canada c. Radio Sept-Îles inc., 1994 CanLII 5883 (QC CA), [1994] R.J.Q. 1811 (C.A.), p. 1818). Cependant, un comportement de nature diffamatoire peut procéder d’une simple négligence. La véracité du message ne sera qu’un des facteurs à considérer pour évaluer le caractère fautif du comportement. Bien que vrais, des propos peuvent néanmoins avoir été tenus fautivement. La médisance, tout autant que la calomnie, est sanctionnée (Prud’homme, par. 38; Néron, par. 59).
(ii) Préjudice
[26] Le préjudice qui définit la diffamation est l’atteinte à la réputation. Dans notre droit, l’atteinte à la réputation est appréciée objectivement, c’est-à-dire en se référant au point de vue du citoyen ordinaire (Néron, par. 57; Prud’homme, par. 34; Métromédia C.M.R. Montréal inc. c. Johnson, 2006 QCCA 132 (CanLII), 2006 QCCA 132 , [2006] R.J.Q. 395 , par. 49).
[27] Ce niveau d’analyse se justifie par le fait qu’une atteinte à la réputation se traduit par une diminution de l’estime et de la considération que les autres portent à la personne qui est l’objet des propos. Il n’y a donc pas que l’auteur et la personne qui fait l’objet des propos qui entrent en scène. Une personne est diffamée lorsqu’un individu donné ou plusieurs lui renvoient une image inférieure à celle que non seulement elle a d’elle-même, mais surtout qu’elle projetait aux « autres » dans le cours normal de ses interactions sociales. Dans notre société, toute personne peut légitimement s’attendre à un traitement égal sur le plan juridique. L’atteinte à la réputation se situe à un autre niveau. Diffamer quelqu’un, c’est attenter à une réputation légitimement gagnée. Par conséquent, l’effet de la diffamation n’est pas tant l’incidence sur la dignité et le traitement égal reconnus à chacun par les chartes, mais la diminution de l’estime qui revient à une personne à la suite de ses interactions sociales.
(soulignements ajoutés)
[23] Sur la façon d’apprécier les dommages causés à une personne s’estimant diffamée, la juge Deschamps ajoute :
[28] C’est l’importance de ces « autres » dans le concept de réputation qui justifie le recours à la norme objective du citoyen ordinaire qui les symbolise. Un sentiment d’humiliation, de tristesse ou de frustration chez la personne même qui prétend avoir été diffamée est donc insuffisant pour fonder un recours en diffamation. Dans un tel recours, l’examen du préjudice se situe à un second niveau, axé non sur la victime elle-même, mais sur la perception des autres. Le préjudice existe lorsque le « citoyen ordinaire estim[e] que les propos tenus, pris dans leur ensemble, ont déconsidéré la réputation » de la victime (Prud’homme, par. 34).
[29] Le recours à la norme objective du citoyen ordinaire présente des avantages certains, que décrit bien la juge Bich dans ses motifs :
[Cette norme] a l’avantage de ne pas rendre l’exercice de qualification du propos litigieux et, par conséquent, la détermination du préjudice tributaires de l’émotion ou du sentiment purement subjectif de la personne qui s’estime diffamée. S’il suffisait en effet, pour établir le caractère préjudiciable d’un propos, de faire état de son sentiment d’humiliation, de mortification, de vexation, d’indignation, de tristesse ou de contrariété personnelle ou encore d’un froissement, d’un heurt ou même d’un piétinement de la sensibilité, il ne resterait pas grand-chose de la liberté d’opinion et d’expression. En outre, ce serait faire dépendre l’idée même de diffamation, entièrement, de l’affectivité particulière de chaque individu. [par. 40]
[30] … C’est donc à travers les yeux de ce citoyen ordinaire, récepteur des propos ou des gestes litigieux, que le préjudice est évalué.
[41] Bien que le citoyen ordinaire réagisse en personne sensée qui, tout comme la personne raisonnable, respecte les droits fondamentaux, il faut cependant se garder de l’idéaliser et de le considérer imperméable à tout propos négligent, raciste ou discriminatoire, ce qui aurait pour effet de stériliser le recours en diffamation. Comme l’affirmait la Cour supérieure dans la décision Hervieux-Payette c. Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, [1998] R.J.Q. 131 (infirmée par la Cour d’appel, mais non sur ce point, 2002 CanLII 8266 (QC CA), [2002] R.J.Q. 1669 ), « [c]e citoyen ordinaire n’est ni un encyclopédiste ni un ignare » (p. 143). Je rappelle que, en matière de préjudice dans un recours en diffamation, le citoyen ordinaire ne demeure qu’un procédé pratique permettant d’identifier les atteintes à la réputation. Les juges doivent donc éviter de se limiter à une analyse rigide, à un critère qui les empêcherait de reconnaître les véritables atteintes à la réputation là où elles existent.
(soulignements ajoutés)
[24] Les deux parties ont soumis une abondante jurisprudence (qui se recoupe d’ailleurs) illustrant divers cas d’espèce (Genex Communications Inc. c. Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, [2009] Q.C.C.A. 2201 ; Bertrand c. Proulx, R.E.J.B. 2002-32150 (C.S.) ; Caron c. R.E.T.A.Q., [2003] Q.C.C.S. 738 ; Lafferty, Harwood c. Parizeau, R.E.J.B. 2003-48921 ; Déom c. Brouillette, 2010 Q.C.C.S. 6849 ; Hill c. Église de Scientologie de Toronto [1995] 2 R.C.S. 1130 ; Corriveau c. Canoe Inc., 2010 Q.C.C.S. 3396 ; WIC Radio Ltd c. Simpson [2008] R.C.S. 420 ; Québec c. Syndicat national des employés de l’Hôpital St-Ferdinand [1996] 3 R.C.S. 211 ; Edmonton Journal c. Alberta [1989] 2 R.C.S. 1326 ; Société St-Jean-Baptiste de Montréal c. Hervieux-Payette [2002] R.J.Q. 1669 (C.A.) qui ne constituent en fait que de variables déclinaisons des principes de Prud’homme et de Bou Malhab.
[25] L’analyse de la jurisprudence pertinente ne serait pas complète si l’on ne faisait pas référence à la décision, toute récente, de Lapierre c. Sormany[21], sous la plume de mon collègue le juge Michel Yergeau, notamment sur la question de la liberté de parole et d’expression :
[106] Par contre, en matière de diffamation, il convient de maintenir l’équilibre entre la protection de la réputation et la liberté de parole. Il ne faut pas que la première serve de prétexte pour hypothéquer la seconde.
[107] Comme le soulignait la juge Lemelin dans l’affaire Jacques Saada c. Les Publications Léonardo ltée et David Léonardo[22] :
« [43] Le droit à la réputation est un droit fondamental protégé par le C.c.Q. (articles 3 et 35 ) ainsi que la Charte québécoise (article 4). Le Tribunal doit aussi assurer le respect du droit à la liberté d’expression également protégé par l’article 2 b) de la Charte canadienne et de l‘article 3 de la Charte québécoise.
[44] L’exercice de ces droits n’est pas absolu même si leur importance est indéniable et reconnue dans nos lois. »
[108] Ces propos font écho à ce qu’écrivait la Cour suprême dans l’arrêt Prud’homme[23]:
« Dans tous les cas, l’appréciation de la faute demeure une question contextuelle de faits et de circonstances. À cet égard, il importe de rappeler que le recours en diffamation met en jeu deux valeurs fondamentales, soit la liberté d’expression et le droit à la réputation. »
[109] Il est donc important d’analyser la nature diffamatoire des propos reprochés selon une norme objective. Comme le soulignait la Cour suprême, sous la plume des juges LeBel et L’Heureux-Dubé, dans Prud’homme :
« Il faut, en d’autres termes, se demander si un citoyen ordinaire estimerait que les propos tenus, pris dans leur ensemble, ont déconsidéré la réputation d’un tiers. À cet égard, il convient de préciser que des paroles peuvent être diffamatoires par l’idée qu’elles expriment explicitement ou encore par les insinuations qui s’en dégagent. » (par. 34)
[26] Sur la question de l’évaluation des dommages, le juge Yergeau cite la juge Marie St-Pierre, alors à la Cour supérieure, dans l’affaire Graf. C. Duhaime[24] :
« [263] Huit critères guident le Tribunal dans l'évaluation de la réclamation et du quantum à accorder: (1) la gravité intrinsèque de l'acte, (2) sa portée particulière sur celui ou celle qui en a été la victime, (3) l'importance de la diffusion, (4) l'identité des personnes qui en ont pris connaissance et les effets que l'écrit a provoqués chez ces personnes, (5) le degré de déchéance plus ou moins considérable à laquelle la diffamation a réduit la victime par comparaison à son statut antérieur, (6) la durée raisonnablement prévisible du dommage causé et de la déchéance subie, (7) la contribution possible de la victime par sa conduite ou ses attitudes et, finalement, (8) les circonstances extérieures qui, de toute façon et indépendamment de l'acte fautif, constituent des causes probables du préjudice allégué ou de partie de ce préjudice.»
c) Les Questions
[27] Il faut donc analyser les points suivants :
a) Les propos du Défendeur Proulx constituent-ils des injures à l’endroit de la Demanderesse, lui causant préjudice?
b) Le Défendeur Proulx a-t-il agi avec bonne foi dans un contexte de droit à la libre expression ou, au contraire, a-t-il agi de mauvaise foi et avec l’intention de nuire ?
c) Dans la mesure où il y a effectivement faute de la part des Défendeurs, quels dommages peuvent-ils être attribués à la Demanderesse, compte tenu de l’ensemble des circonstances ?
DISCUSSION
[28] Il s’agit maintenant d’appliquer les principes de droit aux circonstances particulières du présent litige.
[29] Il suffit de relire l’article du Défendeur Proulx pour se convaincre que les passages soulignés et retenus par la Demanderesse comme injurieux ne sont, d’une part, aucunement utiles à la bonne compréhension de l’opinion de l’auteur et, d’autre part, constituent des injures.
[30] Il faut donc se poser la question suivante : pourquoi faire référence à la Demanderesse en utilisant les épithètes choisies de propos délibéré par le Défendeur, alors que cela est complètement inutile et que l’exercice n’apporte rien, si ce n’est que de vouloir dénigrer, blesser et humilier la présidente du SFPQ ?
a) La faute du Défendeur
[31] Il m’apparaît clair et non-équivoque que les propos du Défendeur Proulx à l’endroit de la Demanderesse Martineau sont insultants et injurieux. Pour s’en convaincre, le « citoyen ordinaire » qui lit la chronique de Gilles Proulx du 5 février 2010 :
a) comprend fort bien le message sans que l’on fasse spécifiquement référence à la Demanderesse ;
b) ne peut conclure autrement que l’attaque dirigée contre la Demanderesse est faite dans l’intention de la blesser.
[32] Gilles Proulx a parfaitement le droit de tenir des propos qui font état de son opinion personnelle sur le syndicalisme en général, le droit de grève des fonctionnaires de l’état dans la fonction publique, son désaccord avec les moyens de pression utilisés par ces mêmes fonctionnaires qui entendent appliquer une pression sur le gouvernement, etc… Sa chronique est la sienne et sa liberté d’expression doit être protégée… tant qu’il s’en tient à l’intérieur de la limite de ses propres droits et qu’il n’empiète pas sur la liberté des autres.
[33] Or, comme chacun sait, la liberté d’expression de Gilles Proulx cesse lorsqu’il envahit l’intégrité de Lucie Martineau.
[34] Lorsqu’il utilise l’épithète « effrontément » pour décrire et identifier Lucie Martineau, c’est une injure.
[35] « Quelle Tartuffe cette femme » est une autre injure.
[36] Identifier Lucie Martineau comme une « apparatchik » est péjoratif. Cela laisse supposer qu’elle est à la solde d’une clique.
[37] Suggérer que le Premier ministre du Québec « va céder bientôt au chantage de Lucie Martineau et de sa clique » suggère que la présidente d’un important syndicat se livre à des manœuvres de chantage. C’est une accusation dégradante autant qu’inutile.
[38] Comme le soulignait le juge Lanctôt dans Falcon précitée[25] :
« Il est erroné de croire ou de prétendre qu’un animateur de radio a le droit de dire de quelqu’un ce qu’il veut, quand il le veut. Ce droit - que l’on assimile volontiers à la « liberté d’expression » - est limité. Cette limite est le droit de cette personne à la dignité, l’honneur, la réputation et à la vie privée.
En l’espèce, cette limite n’a pas été respectée. Tout frustré qu’il ait pu être le matin où M. Cournoyer a tenu ses propos, le droit à l’injure n’existe pas et [il] ne peut donc pas se réclamer du droit à la « liberté d’expression ».
[39] Cela vaut pour Gilles Proulx en l’instance.
[40] Un autre passage du jugement du juge Lanctôt s’avère fort pertinent :
« Ceci est d’autant plus important pour un animateur de radio lorsqu’il est en ondes. Ce dernier bénéficie alors d’une position privilégiée dont il doit se prévaloir avec discernement et professionnalisme en tout temps. Lorsque cet animateur s’aventure à injurier une personne, il abuse alors de sa position privilégiée. Surtout lorsque cette personne, par surcroît, est condamnée au silence parce que privée de faire valoir son point de vue, comme ce fut le cas pour Mme Falcon. »
[41] On n’a qu’à changer les mots « animateur de radio » pour « journaliste chroniqueur » et l’enseignement qui précède s’applique intégralement. Gilles Proulx est un journaliste chevronné qui manie la langue française avec une rare habileté et une érudition remarquables. Il n’écrit pas « pour ne rien dire » et son choix de mots et d’images littéraires ne tient pas du hasard.
[42] Ici, son message était fort clair sans même qu’il ne mentionne la personne de Lucie Martineau et sa fonction de présidente du syndicat dont Gilles Proulx voulait critiquer et condamner les agissements.
[43] S’il a « personnalisé » le débat en cherchant à attaquer la présidente du syndicat, c’est qu’il voulait l’atteindre dans son intégrité, la blesser et lui faire du tort. Il avait beau jeu. Le Journal de Montréal rejoignait alors environ 625 000[26] lecteurs quotidiennement.
[44] Traiter quelqu’un d’ « apparatchik »[27], c’est l’associer à un « membre influent du parti communiste soviétique » dans ce qu’il a de moins intéressant. C’est traiter Lucie Martineau de « femme d’appareil, servile et carriériste »
[45] La référence à « Tartuffe » pour décrire « cette femme » qu’est la Demanderesse, c’est l’associer à une personne hypocrite, de fausse dévote, de bigote.[28]
[46] Accuser une présidente de syndicat de faire du chantage auprès du Premier ministre ne fait rien pour relever l’attaque inappropriée du Défendeur envers la Demanderesse.
[47] Mais, tel qu’indiqué ci-haut, ce qui me frappe le plus dans toute cette affaire, c’est l’inutilité de l’attaque personnelle du Défendeur Proulx envers la Demanderesse. Encore une fois, force est de remarquer que la force du message du journaliste était tout à fait claire et précise sans qu’il soit nécessaire qu’il attaque (car c’est de cela dont il s’agit) la présidente du syndicat, sauf s’il tenait à s’en prendre à elle personnellement. L’attaque devient alors intentionnelle et les injures n’en sont que plus fautives.
[48] Je suis donc d’avis que le Défendeur Proulx a volontairement et intentionnellement injurié la Demanderesse, commettant ainsi autant de fautes qu’il y a d’injures inappropriées et inutiles.
[49] La responsabilité des deux parties défenderesses est donc engagée.
c) Les dommages
[50] Gilles Proulx ne fait rien sans très bien savoir ce qu’il fait, lorsqu’il écrit une chronique. On ne saurait l’excuser de s’être laissé dominé par la passion journalistique.
[51] Il n’en est pas à ses premiers démêlés avec la justice en matière de diffamation.
[52] Dans l’affaire Lépine c. Proulx, EYB 1996-83224 , un dossier qui remonte à 1988, jugée en 1996 et dont le jugement en appel a été rendu en 2002, Gilles Proulx, alors animateur de radio a critiqué le contenu du catalogue de la maison Raymond Lépine Inc., celui-ci ayant été rédigé uniquement en langue anglaise.
[53] Le commentaire de Gilles Proulx parle de « l’aliénation, la colonisation, l’irrespect de Raymond Lépine » … « une belle brochure de 124 pages pour ses cochonneries rien qu’en anglais »… « dégueulasse Monsieur Lépine, dégueulasse. »
[54] Le juge Kennedy, malgré la rétractation du Défendeur moins d’une heure plus tard sur les mêmes ondes (la circulaire avait été insérée uniquement en anglais dans la Gazette et uniquement en français dans la Presse et dans le Journal de Montréal, d’où la méprise de l’animateur) a considéré ces propos comme diffamatoires et fautifs et avait condamné le défendeur à payer 20 000,00$ en dommages-intérêts et à 8 700,00$ en dommages exemplaires.
[55] Le juge Kennedy écrit au paragraphe 63 :
Dans l’arrêt Botiuk c. Toronto Free Press[29], le juge Cory dans son analyse dit:
La nature et l’historique de l’action en diffamation ont été examinés dans l’arrêt Hill c. Église de scientologie de Toronto [1995] 2 R.C.S. 1130 .
Il suffit, pour les fins des présents motifs, de dire qu’une publication qui tend à diminuer une personne dans l’estime des membres bien pensants de la société ou à l’exposer à la haine, au mépris ou au ridicule, est diffamatoire et engage la responsabilité de son auteur. Voir l’arrêt Cherneskey c. Armadale Publishers Ltd. [1979] 1 R.C.S. 1067 , à la p. 1079. Il est possible de déterminer ce qui est diffamatoire à partie du sens ordinaire des mots publiés eux-mêmes ou des circonstances entourant leur publication. Dans l’ouvrage intitulé The Law of Defamation in Canada (2e éd. 1994), R.E. Brown affirme, à la p. 1-15 :
[Traduction] [Une publication] peut être diffamatoire dans le sens ordinaire des termes qu’elle utilise ou à cause de faits ou de circonstances extrinsèques, connus de l’auditeur ou du lecteur, qui lui confèrent un sens diffamatoire en laissant entendre quelque chose de différent de ce qui serait normalement compris. Pour en déterminer le sens, le tribunal peut tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire, dont les répercussions que les termes peuvent raisonnablement avoir, le contexte dans lequel ils sont utilisés, l’auditoire à qui ils sont destinés et la façon dont ils ont été présentés.
[56] L’affaire sera portée en appel et l’appel sera accueilli à la seule fin de rayer la condamnation aux dommages exemplaires.[30]
[57] Dans l’affaire Bertrand c. Proulx[31], lors d’une émission radiophonique, le Défendeur a utilisé les épithètes « menteur », « fanatique », « hystérique », « Méphisto » et « malade mental » à l’égard de l’avocat Guy Bertrand.
[58] La juge Carol Cohen a accordé à Me Bertrand des dommages moraux de l’ordre de 50 000,00$ et des dommages exemplaires de 10 000,00$ en plus d’accorder la somme de 14 500,00$ pour honoraires extra judiciaires et débours, le tout pour un total de 74 500,00$.
[59] Dans l’affaire Bertrand, la juge Cohen a pris soin de souligner que la réputation d’un avocat était précieuse au point d’affecter sa compétence professionnelle et sa capacité d’exercer sa profession si cette réputation était entachée.
[60] Madame Martineau est présidente d’un syndicat de 40 000 membres. Ceux-ci comptent sur leur présidente, sur sa crédibilité et sur sa probité pour que leur message passe. Si leur présidente passe pour une hypocrite, une « maître-chanteur », une apparatchik à la solde d’une quelconque « machine », cela affecte directement la capacité de la Demanderesse de bien faire son travail et d’exercer adéquatement sa fonction de présidente du SFPQ.
[61] Madame Martineau a-t-elle, cependant, droit à des dommages moraux de 100 000,00$ et des dommages punitifs de 25 000,00$?
[62] On pourrait penser à première vue qu’il n’y a que très peu de différence entre les insultes dirigées contre Me Guy Bertrand et celles dirigées contre madame Martineau.
[63] Aux yeux de certains, traiter une présidente d’un important syndicat d’effrontée, de tartuffe (sous-entendu hypocrite), d’apparatchik et l’accuser de faire chanter le Premier ministre n’apparaît pas fondamentalement différent que de traiter un avocat de menteur, de fanatique, d’hystérique et de Méphisto ou encore de malade mental.
[64] Il semble que Gilles Proulx n’apprend pas beaucoup de ses erreurs passées ni des remarques des tribunaux à son égard. Il persiste à dire ce qu’il veut, comme il le veut et quand il le veut. Il se préoccupe plus de sa verve, mordante et cinglante, sans se soucier bien longtemps du dommage qu’elle peut causer chez sa victime.
[65] La quantification des dommages en pareilles circonstances n’est jamais facile et demeure essentiellement discrétionnaire. Par contre, la récidive du Défendeur est un facteur aggravant, surtout lorsque ce même Défendeur est un homme cultivé et érudit. Gilles Proulx connaît mieux que quiconque le sens propre et figuré des mots qu’il utilise.
[66] Tartuffe est un bouffon, un hypocrite, un imposteur. Traiter un chef syndical de Tartuffe est insidieux. En choisissant ainsi son personnage théâtral, Proulx porte l’insulte à un niveau plus raffiné que grossier mais il insulte et injurie quand même, sachant très bien qu’il rejoint sa victime avec encore plus d’efficacité.
[67] L’utilisation du mot « apparatchik » est teinté de la même subtilité. C’est le qualificatif à forte teneur péjorative que l’on réserve à ceux et celles qui exécutent les ordres ou les idées des régimes totalitaires.
[68] Derrière le choix des épithètes se cache une intention bien arrêtée de blesser.
[69] Il reste à déterminer le montant de l’indemnité à laquelle la Demanderesse a droit.
[70] La preuve révèle que madame Martineau a dû subir les contrecoups de l’article injurieux. Elle relate que ses enfants, son entourage immédiat et ses collègues de travail ont réagi à la lecture du texte de Gilles Proulx. Par contre, elle n’a subi ni sarcasmes, ni insinuations de mauvais goût ni commentaires directs ou indirects lui laissant l’impression que les gens croyaient les propos injurieux des Défendeurs.
[71] Elle n’a pas perdu d’argent.
[72] Elle n’a pas été traitée médicalement ou psychologiquement.
[73] Elle n’a pas dû s’absenter de son travail.
[74] Son organisation syndicale semble supporter les frais extrajudiciaires qu’elle encourt dans la poursuite de ses droits. Elle ne réclame donc pas d’indemnité à cet égard.
[75] Par ailleurs, si j’applique les huit critères que la juge St-Pierre[32] a retenus aux fins d’évaluer le quantum des dommages en matière de faute diffamatoire, je retiens que (1) la gravité intrinsèque de l’acte se caractérise ici par la gratuité et l’inutilité des propos injurieux. (2) La portée particulière des injures sur la Demanderesse consiste ici en l’humiliation et la frustration d’être gratuitement attaquée sans qu’elle ne puisse se défendre. (3) L’importance de la diffusion est considérable : tout le Québec est rejoint, le Journal de Montréal étant publié à plus de 600 000 exemplaires. On peut supposer que (4) toutes les classes de la société ont été rejointes et que les 40 000 membres du SFPQ ont vu leur présidente ainsi injuriée. Quant au degré de déchéance (5) subi par la Demanderesse, il est sans doute peu important en l’instance et (6) la durée du dommage causé et de la déchéance subie ne sont pas excessivement longs mais nécessairement présents. Quant à la contribution possible de la victime, (7) elle est inexistante : l’acte est gratuit. Finalement, le préjudice subi (8) par la Demanderesse est sans doute plus lourd alors que le syndicat est en pleine période de négociations et qu’un rien peut déclencher une rupture des négociations.
[76] Je suis donc d’avis que la Demanderesse a droit à des dommages qui ne se situent pas à la limite maximum de l’échelle mais qui dépassent certainement le niveau des dommages dits nominaux.
[77] En dernière analyse, les propos injurieux de Gilles Proulx à son égard ne sont certainement pas le genre de mots que l’on veut lire sur soi ou à propos de soi mais la quantification du préjudice moral doit être proportionnelle à l’importance du préjudice subi. Or, ce préjudice se situe à un niveau plus bas que d’autres que l’on peut retrouver en jurisprudence.
[78] Il est tentant de suivre le barème de dommages accordés par la juge Cohen dans l’affaire Bertrand c. Proulx. Avec égards, je suis d’avis que cela ne constituerait pas une bonne solution, et ce, pour deux raisons.
[79] La première est qu’à mon sens, les dommages accordés à Me Bertrand sont trop élevés. Si j’avais eu à décider de l’affaire, je n’aurais pas été jusqu’à accorder 50 000,00$ en dommages-intérêts moratoires.
[80] La seconde est que selon moi, les injures proférées à l’endroit de Me Guy Bertrand étaient plus fortes et plus dénigrantes. Accuser un avocat d’être un menteur alors que sa fonction première est d’agir comme un officier de justice est une attaque plus sérieuse et plus dommageable que celle que madame Martineau a dû subir.
[81] Il en va de même lorsque le défendeur traite Me Bertrand de « malade mental ».
[82] Ainsi, je me démarquerais de l’indemnité de 50 000,00$ pour dommages moraux accordée par la juge Cohen et je fixerais celle à laquelle madame Martineau a droit à la somme de 25 000,00$.
[83] Quant aux dommages punitifs, mon raisonnement est inverse. Je crois que l’indemnité accordée dans l’affaire Bertrand est insuffisante dans les circonstances.
[84] Ces dommages doivent avoir un effet fortement dissuasif et doivent inciter le défendeur à ne pas récidiver.
[85] Deux jugements sanctionnent déjà les propos injurieux et diffamatoires de Gilles Proulx. Il ne semble pas prêt à changer son style pour autant. Où est l’effet dissuasif de cette condamnation chez le Défendeur?
[86] Ici, faut-il le répéter, les propos de Gilles Proulx sont intentionnels en plus d’être totalement gratuits et inutiles. Proulx a le droit à ses opinions. Il ne peut cependant les exprimer en insultant et en injuriant ceux qui ne sont pas d’accord avec lui. Le seul moyen de lui indiquer les limites de sa propre liberté d’expression est de majorer les dommages punitifs à la somme de 20 000,00$.
[87] Je suis donc d’avis de fixer à la somme de 45 000,00$ l’indemnité totale à accorder à la Demanderesse.
PAR CES MOTIFS, le Tribunal
[88] ACCUEILLE l’action de la Demanderesse;
[89] CONDAMNE le Défendeur Gilles Proulx à payer à la Demanderesse Lucie Martineau la somme de 45 000,00$ avec intérêts majorés de l’indemnité additionnelle depuis la date de mise-en-demeure, soit le 9 mars 2010;
[90] AVEC DÉPENS.
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__________________________________ ROBERT MONGEON, J.C.S. |
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Me Jacqueline Bissonnette |
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Poudrier Bradet |
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Procureure de la Demanderesse Lucie Martineau |
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Me Bernard Pageau et Me Éric Meunier |
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Québecor Média inc. |
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Procureurs des Défendeurs Gilles Proulx et le Journal de Montréal |
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Date d’audience : |
Les 4 et 5 octobre 2012 |
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[1] Le Journal de Montréal accepte sa position de Défenderesse sans contestation spécifique.
[2] Buchwald c. 2640-7999 Québec Inc., 2003, CanLII 521 (Q.C.C.S.).
[3] 1994 CanLII 5883 (QC CA), [1994] R.J.Q. 1811 (C.A.), p. 1818.
[4] Idem, p. 1818.
[5] Quicklaw [2001] J.Q., no. 3677 (C.S.).
[6] Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, Traité des obligations, 5è édition, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais Inc.
[7] Idem, p. 302.
[8] CSM 500-05-039542-988, 5 janvier 2000 (C.S.).
[9] Nicole Vallières, « La Presse et la diffamation », Montréal, Wilson & Lafleur 1985, page 8.
[10] Id. p. 118.
[11] Voir aussi Arthur c. Gravel [1991] RJQ 2123 (C.A.).
[12] [2002] 4 R.C.S. 663 ; 2002 CSC 85 .
[13] (Voir N. Vallières, La presse et la diffamation (1985), p. 43; Houde c. Benoit, [1943] B.R. 713 , p. 720; Société Radio-Canada c. Radio Sept-Îles Inc., 1994 CanLII 5883 (QC CA), [1994] R.J.Q. 1811 (C.A.), p. 1818).
[14] (Radio Sept-Îles, précité, p. 1818).
[15] (Hervieux-Payette c. Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, [1998] R.J.Q. 131 (C.S.), p. 143, infirmé, mais non sur ce point, par Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal c. Hervieux-Payette, 2002 CanLII 8266 (QC CA), [2002] R.J.Q. 1669 (C.A.)).
[16] [1998] R.J.Q. 204 (C.S.), p. 211.
[17] La responsabilité civile, 5e éd., 1998.
[18] Voir J. Pineau et M. Ouellette, Théorie de la responsabilité civile, 2e éd., 1980, p. 63-64.
[19] Voir les propos de Vallières, op. cit., p. 10, approuvés par la Cour d’appel du Québec dans Radio Sept-Îles, précité, p. 1819.
[20] 2011 CSC 9 , 2011, 1 R.C.S. 214 .
[21] 2012 QCCS 4190 .
[22] 2006 QCCS 4308 (CanLII), 2006 QCCS 4308 (C.S.).
[23] Voir note 22, par. 38.
[24] JE 2003 -1143, para. 263.
[25] Page 18.
[26] P-3A.
[27] Dictionnaire Robert, édition 2003, pages 114 et 2569. P-4, P-7.
[28] Dictionnaire Robert, voir note 18.
[29] [1995] 3 R.C.S. 3 , page 24.
[30] Date : 2000-02-08, aucune référence exacte disponible. Voir « Historique » dans référence Azimut.
[31] REJB-2002-32150.
[32] Voir paragraphe [26] supra.
AVIS :
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