Décision

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Ville de Laval c. Savard

2022 QCCQ 8465

COUR DU QUÉBEC

(Division administrative et d’appel)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LAVAL

« Chambre civile »

 :

540-80-008108-216

 

 

 

DATE :

17 novembre 2022

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ENRICO FORLINI, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

VILLE DE LAVAL

Appelante

c.

LOUIS SAVARD

Intimé

Et

COMMISSION D’ACCÈS À L’INFORMATION

Mise en cause

 

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

Aperçu

[1]   La Ville de Laval se pourvoit en appel d’une décision de la Commission de l’accès à l’information (« Commission ») rendue le 2 mars 2021 qui lui ordonne de communiquer à l’intimé des extraits d’un document que la Commission qualifie d’opinion juridique au sens de l’article 31 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnelsLoi sur l’accès », RLRQ, c. A-2.1)[1]. Le document en question est rédigé par une avocate et est une analyse de la recevabilité d’une plainte pour harcèlement psychologique déposée par l’intimé contre son employeur, la VilleAnalyse de recevabilité »[2]).

[2]   La Ville plaide que la Décision est entachée d’une erreur de droit en ce qu’ayant conclu que l’Analyse de recevabilité constitue une opinion juridique au sens de l’article 31 de la Loi sur l’accès, la Commission ne pouvait, sans violer son droit au respect du secret professionnel de l’avocat, extraire des passages de ce document et ordonner la communication des passages ainsi prélevés. Selon la Ville, un document qui constitue une opinion juridique au sens de la Loi forme un tout et ne peut être scindé en différentes sections ou parties, une étant exempte de communication en vertu de l’article 31 et une autre pouvant être communiquée, car tout le document est protégé par le secret professionnel de l’avocat.

[3]   Subsidiairement, la Ville plaide que si la Commission pouvait agir de la sorte, la Décision est tout de même entachée d’une erreur de droit en ce que la Commission conclut à tort que les passages extraits de l’Analyse de recevabilité qu’elle lui ordonne de communiquer ne sont pas protégés par le secret professionnel de l’avocat.

[4]   L’intimé plaide que la Décision ne contient aucune erreur de droit.

[5]   D’abord, il soutient que la thèse du caractère indissociable d’une opinion juridique n’est pas soutenable vu les termes de l’article 14 de la Loi sur l’accès.

[6]   Ensuite, sur la question du secret professionnel, l’intimé plaide que la Décision n’est entachée d’aucune erreur de droit puisque la Ville de Laval n’a pas prouvé que les extraits de lAnalyse de recevabilité que la Décision lui ordonne de communiquer sont visés par le secret professionnel.

Contexte

[7]   L’intimé, est un employé de la Ville et membre du Syndicat des cols bleus de la Ville.

[8]   Le 16 mai 2018, il dépose une plainte pour harcèlement psychologique qui met en cause la conduite de deux autres employés de la Ville. Elle est déposée en vertu d’une politique interne de la Ville traitant du harcèlement psychologique au travail.

[9]   Le 29 juin 2018, la Ville mandate la firme Professionnels en règlement des différends S.A.PRD ») afin d’analyser la recevabilité de la plainte de l’intimé.

[10]           Le 23 juillet 2018, PRD remet à la Ville deux documents rédigés par Me Stéphanie Pointier en réponse au mandat que la Ville lui a confié : un Rapport à la gestion et une Analyse de recevabilité.

[11]           Le même jour, l’intimé est informé par la Ville que sa plainte est jugée non recevable.

[12]           Le 31 juillet 2018, l’intimé fait une demande d’accès à l’information à la Ville en vertu de l’article 9 de la Loi sur l’accès dans laquelle il demande d’obtenir communication :

« Le rapport intégral des résultats de l’enquête présenté par Me Stéphanie Ponthier (sic) de la firme PRDSA lors de la rencontre de suivi pour plainte de harcèlement psychologique qui a eu lieu le 23 juillet dernier. [3] »

[13]           Le 20 août 2018, la responsable de l’accès à la Ville de Laval informe l’intimé qu’elle refuse sa demande d’accès parce que les documents demandés constituent une opinion juridique au sens de l’article 31 de la Loi sur l’accès et qu’ils sont protégés par le secret professionnel de l’avocat vu l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne (RLRQ, c. 12, la « Charte québécoise»)[4].

[14]           Le lendemain, l’intimé dépose un grief en harcèlement psychologique par le biais de son syndicat[5].

[15]           Le 6 septembre, l’intimé dépose une demande de révision à la Commission de la décision de la Ville de lui refuser la communication des documents[6].

[16]           Après présentation de la preuve devant la Commission, la Ville accepte de communiquer à l’intimé une version caviardée du Rapport à la gestion et de l’Analyse de recevabilité.

[17]           Les versions caviardées du Rapport à la gestion et de l’Analyse de recevabilité sont remises à la Commission et à l’intimé le 10 septembre 2020[7].

[18]           En excluant les passages caviardés du Rapport à la gestion, seule la page frontispice de ce document, une partie de la table des matières et des sous-titres ainsi que la formule de salutations et la signature de l’auteur du document sont transmises à l’intimé. Bref, plus de 98% du Rapport à la gestion est caviardé.

[19]           Il en est sensiblement de même pour l’Analyse de recevabilité.

La Décision

[20]           Le 2 mars 2021, la Commission rend la Décision.

[21]           La Décision identifie cinq questions en litige qui sont reproduites ci-dessous :

1.     Le Rapport à la gestion contient-il une opinion juridique ou des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat?

2.     Le Rapport à la gestion contient-il des recommandations formulées par un consultant permettant à l’organisme d’en refuser l’accès?

3.     L’Analyse de recevabilité contient-elle une analyse dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’avoir un effet sur une procédure judiciaire?

4.     L’Analyse de recevabilité contient-elle des avis formulés par un consultant permettant à l’organisme d’en refuser l’accès?

5.     L’Analyse de recevabilité contient-elle une opinion juridique ou des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat?

[22]           La Commission décide d’abord que le Rapport à la gestion constitue dans son intégralité une opinion juridique au sens de l’article 31 de la Loi sur l’accès. C’est donc à bon droit que la Ville a refusé de communiquer une version intégrale du document à l’intimé. La Ville pouvait se contenter de lui communiquer une version très largement caviardée[8].

[23]           L’intimé ne porte pas en appel cet aspect de la Décision. La question du droit d’accès au Rapport à la gestion ne fait pas l’objet du présent appel.

[24]           Quant à l’Analyse de recevabilité, la Commission décide en premier lieu que les conditions d’application de l’article 32 de la Loi sur l’accès ne sont pas remplies puisqu’il n’existait pas de procédure judiciaire en cours ou imminente au moment où la Ville refuse de communiquer le document à l’intimé[9], son grief ayant été déposé après sa demande d’accès.

[25]           Par la suite, la Commission traite de la cinquième question en litige, celle portant sur l’application de l’article 31 de la Loi sur l’accès et de l’application du secret professionnel de l’avocat.

[26]           La Commission conclut que l’Analyse de recevabilité contient une opinion juridique au sens de l’article 31 de la Loi sur l’accès[10].

[27]           Malgré cette conclusion, la Commission accueille en partie la demande de révision de l’intimé et ordonne à la Ville de lui communiquer les parties suivantes de l’Analyse de recevabilité, passages que a Ville avait caviardés lorsqu’elle lui avait remis une copie du document :

[80]      ORDONNE à l’organisme de communiquer au demandeur [l’intimé], dans les 30 jours suivant la réception de la présente décision, les renseignements caviardés de l’Analyse de recevabilité des sections suivantes :

        La table des matières à la page 2 ;

        3. Description des parties à la page 4 ;

        4. Cadre d’analyse des pages 4 à 12 ;

        5. Analyse individuelle des allégations des pages 12 à 65.

[28]           Aux fins du présent jugement, les parties de l’Analyse de recevabilité que la Décision ordonne à la Ville de communiquer à l’intimé seront désignés « Extraits de l’Analyse de recevabilité » ou tout simplement « Extraits ».

Analyse

  1. Le droit d’appel et la norme d’intervention

[29]           La Ville soulève deux moyens d’appel :

29.1.       La Commission commet-elle une erreur de droit en concluant, après avoir décidé que l’Analyse de recevabilité contenait une opinion juridique, que les Extraits peuvent en être dissociés et être divulgués à l’intimé?

29.2.       La Commission commet-elle une erreur de droit en concluant que les Extraits ne sont pas protégés par le secret professionnel?

[30]           Le Tribunal reformule le premier moyen d’appel comme suit : Un document couvert par le secret professionnel de l’avocat ou encore celui qualifié d’opinion juridique au sens de l’article 31 de la Loi sur l’accès est-il indissociable aux fins de cette loi?

[31]           L’article 147 de la Loi sur l’accès prévoit que toute personne directement intéressée peut interjeter appel sur toute question de droit ou de compétence d’une décision finale de la Commission devant un juge de la Cour du Québec. Il n’y a pas d’appel d’une décision de la Commission sur des questions de faits et les questions mixtes de faits et de droit, sauf, dans ce cas, si une question de droit s’en dégage facilement.

[32]           Les parties conviennent que le droit d’appel de l’appelante est exercé en fonction de cet article.

[33]           Par ailleurs, l’article 83.1 de la Loi sur les tribunaux judiciaires prévoit :

83.1. Dans les cas où la loi lui attribue une compétence en appel d’une décision rendue dans l’exercice d’une fonction juridictionnelle, ou en contestation d’une décision prise dans l’exercice d’une fonction administrative, la Cour rend sa décision sans qu’il y ait lieu à déférence à l’égard des conclusions portant sur les questions de droit tranchées par la décision qui fait l’objet de l’appel ou sur toutes questions concernant la décision qui fait l’objet de la contestation.

Cette compétence est exercée par les seuls juges de la Cour que désigne le juge en chef en raison de leur expérience, leur expertise, leur sensibilité et leur intérêt marqués dans la matière sur laquelle porte l’appel ou la contestation.

À moins de disposition contraire et compte tenu des adaptations nécessaires, l’appel est régi par les articles 351 à 390 du Code de procédure civile (chapitre C-25.01) et le recours en contestation l’est par les règles de ce code applicables en première instance.

[34]           Vu le texte de cette disposition, et conformément à l’enseignement de la Cour d’appel dans Dowd c. Binette[11], et Fernand Gilbert ltée c. Procureure générale du Québec[12] la Cour du Québec doit recourir aux normes applicables en appel pour réviser la Décision.

[35]           En outre, l’intimé convient que les deux moyens d’appel soulevés par l’appelante sont des questions de droit[13].

[36]           Dans ces circonstances, la Cour du Québec siégeant en appel de la Décision doit rendre sa décision sans qu’il y ait lieu à déférence à l’égard des conclusions de droit de la Commission. Sur ces questions, le dernier mot appartient à la Cour du Québec. La Cour du Québec doit appliquer la norme de la décision correcte à la Décision tel que ce concept est défini dans Housen c. Nikolaisen[14]. C’est donc dire que la Cour peut intervenir lorsqu’elle constate la commission d’une simple erreur par le tribunal dont la décision est attaquée[15].

[37]           Une question de droit concerne le cadre juridique applicable[16]. En outre, comme le rappelait la Cour d’appel dans Association québécoise des pharmaciens propriétaires c. Régie de l’assurance maladie du Québec[17] l’interprétation législative soulève une question de droit appelant la norme de la décision correcte.

[38]           C’est le cas lorsque, comme en l’espèce, l’appel porte sur l’interprétation à donner à une disposition législative, en l’occurrence les articles 14 et 31 de la Loi sur l’accès ou à une règle de droit, comme par exemple, le respect du secret professionnel.

  1. Premier moyen d’appel : Un document couvert par le secret professionnel de l’avocat ou encore celui qualifié d’opinion juridique au sens de l’article 31 de la Loi sur l’accès est-il indissociable aux fins de cette loi?

[39]           Le premier moyen d’appel de la Ville s’appuie sur la thèse du caractère indivisible ou indissociable d’un document qualifié d’opinion juridique. Selon elle, dès qu’un document est qualifié d’opinion juridique au sens de l’article 31 de la Loi, ou qu'il constitue un avis juridique et donc couvert par le secret professionnel de l’avocat, le document est indissociable, forme un tout et aucune partie de celui-ci peut être prélevé ou extrait. Si elle a raison, cela signifie que la Commission a commis une erreur de droit en ordonnant à la Ville de communiquer les Extraits de l’Analyse de recevabilité à l’intimé.

[40]           L’intimé ni que cette théorie existe sous la Loi sur l’accès ou en vertu du droit au secret professionnel de l’avocat. Il plaide que la Commission peut prélever des extraits d’une opinion juridique et ordonner à un organisme de le communiquer à une personne puisque l’article 14 de la Loi l’autorise spécifiquement.

[41]           Dans plusieurs décisions, la Commission a décidé que lorsqu’un document constitue une opinion juridique au sens de l’article 31 de la Loi sur l’accès, ce document constitue un tout et dès lors, aucune partie du document ne peut être prélevée et communiquée à la personne qui en demande l’accès : Berberian c. Municipalité de Wentworth-Nord[18], Laplante c. Ville de Saint-Eustache[19], Girard c. Agence du revenu du Québec[20], et 3370861 Canada inc. c. Québec (ministère du revenu)[21].

[42]           D’ailleurs, la Commission s’appuie sur cette règle dans la Décision lorsqu’elle traite de la demande d’accès au Rapport à la gestion et conclut que puisque ce document est visé par l’article 31 de la Loi sur l’accès, il est impossible de prélever quelconque partie du document, incluant la partie contenant l’analyse factuelle :

[29]      La Commission retient que l’avocate utilise des faits recueillis sur lesquels elle fonde son opinion sur un cas particulier, soit les plaintes du demandeur. On ne peut séparer ces faits de cette opinion professionnelle.

[Citation omise-soulignement ajouté]

[43]           Outre l’affaire Broasca, que le Tribunal commentera ci-dessous, il ressort des recherches des parties et du Tribunal que la Cour du Québec ne s’est jamais penchée sur la question de l’indivisibilité d’une opinion ou avis juridique.

[44]           La Ville fonde son argument sur la décision de cette cour dans Québec (Ministère de la Justice) c. Broasca[22], et sur un extrait de l’ouvrage de doctrine de l’auteur Me Raymond Doray.

[45]           Elle plaide que l’affaire Broasca établit « qu’une opinion juridique constitue un « tout indivisible »»[23].

[46]           Or, en analysant le jugement Broasca de près, le juge Simard n’est pas aussi catégorique que l’avance la Ville. Dans cette affaire, M. Broasca fait une demande d’accès au ministère de la Justice qui vise notamment une copie complète d’un rapport préparé par un avocat de ce ministère, Me Vézeau  Rapport de Me Vézeau »).

[47]           Le ministère de la Justice refuse de communiquer le Rapport de Me Vézeau au motif qu’il constitue un avis juridique au sens de l’article 31 de la Loi et de plus, est protégé par le secret professionnel de l’avocat.

[48]           Le Rapport de Me Vézeau est un document de 13 pages, les 8 premières pages comprenant « une série de faits bruts, sans analyse, ni conclusion de fait ou de droit, ni recommandation » alors que les pages 8 à 13 sont de la nature d’une opinion juridique[24].

[49]           La Commission conclut que le Rapport de Me Vézeau constitue une opinion juridique au sens de l’article 31 de la Loi, mais ordonne au ministère de la Justice de communiquer à M. Broasca les pages 1 à 8 de ce document puisqu’elles réfèrent qu’à une série de faits bruts sans analyse ni conclusion de faits ou de droit ni recommandation[25].

[50]           Le juge Simard casse la décision de la Commission. Il est d’accord que le Rapport de Me Vézeau est une opinion juridique au sens 31 de la Loi, mais il déclare que « de par sa nature, il ne peut être scindé tel que l’a fait » la Commission[26].

[51]           Selon le juge Simard, la Commission a erré en prélevant les pages 1 à 8 du Rapport de Me Vézeau puisque ce récit des faits constitue un élément essentiel et constitutif de l’opinion juridique :


[13]            C’est effectivement et seulement ces « faits bruts » ainsi énumérés qui permettent de rattacher en l’espèce l’opinion juridique donnée « à un cas particulier », et dès lors, ces dits faits, en quelque sorte initiateurs de ladite opinion, en font partie intégrante comme un tout indivisible.[27]

[Caractère gras et soulignement dans l’original]

[52]           Comme il ressort de cet extrait, le juge Simard n’a pas décidé que dans tous les cas une opinion juridique constitue un « tout indivisible » comme le plaide la Ville. Ce qu’il a plutôt décidé est que dans les circonstances de cette affaire, la partie « faits bruts » de l’opinion était indissociable du reste du document et donc ne pouvait être extraite et communiquée à M. Broasca.

[53]           La Ville s’appuie aussi sur les auteurs Doray et Charrette pour soutenir son argument selon laquelle une opinion juridique est indissociable. Selon ces auteurs, un tel document est un type de document que l’article 31 de la Loi sur l’accès a voulu protéger de « manière complète et totale, de manière à respecter le droit au secret professionnel de l’avocat consacré à l’article 9 de la Charte » et la Commission ne peut extraire aucune partie de celle-ci et en ordonner la communication :

On retrouve par ailleurs dans la jurisprudence un certain nombre de décisions où la Commission a statué que l’article 31 ne s’applique pas aux passages d’un avis juridique référant à des faits bruts, à des énumérations d’actions entreprises ou de poursuites judiciaires connues des parties. Nous ne pouvons cautionner ce point de vue. À notre avis, une opinion juridique constitue un tout et les faits choisis par son auteur, qu’il s’agisse de faits connus ou méconnus, participent de l’exercice intellectuel qu’est la rédaction d’un avis juridique. Sur un même cas particulier, certains juristes retiendront un ensemble de faits qui ont une importance capitale à leurs yeux en regard de la loi et de la jurisprudence alors que d’autres souligneront d’autres faits dont ils analyseront les conséquences juridiques. Au surplus, l’article 9 de la Charte ne fait pas de telle distinction entre la partie factuelle et la partie délibérative d’un avis juridique. Le document en entier est couvert par le secret professionnel. [28]

[Soulignement ajouté]

[54]           Avec respect, et pour les motifs exposés ci-dessous, la jurisprudence n’appuie pas la position défendue par ces auteurs.

[55]           Par ailleurs, l’intimé plaide que la thèse de l’indivisibilité de l’opinion juridique ne tient pas la route vu les termes de l’article 14 alinéa 2 de la Loi sur l’accès.

[56]           Le Tribunal n’est pas d’accord que cet alinéa apporte une solution au premier moyen d’appel.

[57]           Malgré le droit d’accès énoncé à l’article 9 de la Loi, ce droit est subordonné au droit au respect du secret professionnel, comme nous l’a rappelé la Cour d’appel dans Kalogerakis : si l’information demandée est couverte par ce secret, l’organisme public, comme tout autre justiciable, peut invoquer ce droit pour refuser l’accès aux documents.[29]

[58]           La Cour d’appel ajoute qu’il ne saurait être question ici d’un exercice de pondération entre le droit d’accès d’une personne et celui au secret professionnel d’un organisme public; le droit au respect du secret professionnel est un droit « quasi constitutionnel » qui prime et limite le droit d’accès[30].

[59]           Comme le souligne la juge Gibbens dans Procureure générale du Québec c. Association de l'exploration minière du Québec, le droit au respect du secret professionnel est garanti par l’article 9 de la Charte québécoise, qui a préséance sur la Loi sur l’accès. La Commission doit donc en assurer le respect, même s’il en résulte une restriction aux objectifs de la Loi sur l’accès[31].

[60]           L’article 14 ne peut prévaloir sur les droits conférés à un organisme public par l’article 9 de la Charte québécoise.  Son interprétation ne peut restreindre le droit au respect du secret professionnel de l’avocat.

[61]           L’article 14 ne peut conférer moins de droit à un organisme public que les droits qui lui sont garantis par l’article 9 de la Charte québécoise. En d’autres termes, la Commission ne pourrait extraire des renseignements d’un document couvert par le secret professionnel de l’avocat parce que ceux-ci ne forment pas « la substance » du document si, en application du droit au respect du secret professionnel de l’avocat, il s’agit de renseignements confidentiels au sens de l’article 9 de la Charte québécoise.

[62]           Ainsi, la question de savoir s’il existe en vertu de la Loi sur l’accès une protection complété et totale pour une opinion ou un avis juridique ne repose pas sur les termes de l’article 14 de la Loi, mais plutôt sur les règles élaborées par les tribunaux portant sur le respect du droit au secret professionnel de l’avocat.

[63]           Qu’en est-il?

[64]           Lorsqu’il est question du secret professionnel de l’avocat, la Cour suprême enseigne dans Chambre des notaires du Québec qu’il faut éviter de mettre en place une règle générale en fonction de la nature du document puisque « la nature privilégiée d’un document ou de l’information qu’il contient ne dépend pas de la catégorie à laquelle le document appartient, mais plutôt de son contenu et de ce qu’il peut révéler sur la relation et les communications entre un client et son notaire ou avocat[32]».

[65]           Comme nous le verrons plus en détail dans l’analyse du deuxième moyen d’appel, lorsqu’une communication entre un avocat et un client contient à la fois de l’information protégée par le secret professionnel et de l’information qui ne l’est pas (ces situations se produisent parfois dans des chaînes de courriels), la seconde peut être prélevée ou extraite du document et communiquée dans le cadre d’une demande d’accès, mais seulement si le prélèvement peut être fait sans qu’il n’y ait aucun risque que la communication privilégiée puisse être révélée ou est susceptible d'être constatée  revealed or capable of ascertainment »)[33].

[66]           Ceci dit, quoiqu’il est possible dans certaines situations de prélever d’un document des faits brutes (« pure facts ») ou même des conseils donnés par un avocat[34] qui ne sont pas visés par le secret professionnel de l’avocat, la ligne entre ces faits et les communications privilégiées est parfois difficile à tracer. C’est pourquoi la Cour suprême du Canada a décidé dans Canada (procureur général) c. Chambre des notaires du Québec qu’il n’y a pas lieu de tracer une ligne de démarcation nette entre des renseignements contenus dans une communication qui sont des faits couverts par le secret professionnel du conseiller juridique et des faits non couverts :

[40]   Dans cette optique, il n’est pas approprié de fixer une délimitation stricte entre les communications qui sont protégées par le secret professionnel et les faits qui ne le sont pas (Maranda, par. 30-33; Foster Wheeler, par. 38).  La ligne de démarcation entre les faits et les communications peut être difficile à tracer  (S. N. Lederman, A. W. Bryant et M. K. Fuerst, The Law of Evidence in Canada (4e éd. 2014), p. 941). Selon les circonstances, il est parfois possible, par exemple, que le non-paiement des honoraires d’un avocat puisse être couvert par le secret professionnel (R. c. Cunningham, 2010 CSC 10, [2010] 1 R.C.S. 331, par. 30). La Cour a déjà reconnu que « [l]a divulgation de certains faits peut parfois en dire long sur une communication » (Maranda, par. 48). Il faut donc s’en tenir à l’existence d’une présomption réfragable voulant que « l’ensemble des communications entre le client et l’avocat et des informations seraient considérées prima facie de nature confidentielle » (Foster Wheeler, par. 42).[35]

[67]           Le présent dossier illustre particulièrement bien le fait que parfois même un document qualifié d’opinion juridique peut contenir des renseignements qui ne sont pas couverts par le secret professionnel de l’avocat.

[68]           La section 5 de l’Analyse de recevabilité est intitulée « Analyse individuelle des allégations » et comporte 53 pages. Une partie de cette section comprend une reproduction textuelle et intégrale des nombreuses allégations de harcèlement psychologique formulées par l’intimé.

[69]           Le texte émanant de l’intimé reproduit verbatim dans l’Analyse de recevabilité est un bon exemple d’un cas exceptionnel des faits brut contenus dans un document couvert par le privilège du secret professionnel de l’avocat peuvent néanmoins être prélevés du document et communiqués à la partie adverse sans porter atteinte au droit au respect du secret. D’ailleurs, la Ville le reconnaît puisqu’elle a accepté de remettre à l’intimé une version caviardée de l’Analyse de recevabilité dans laquelle elle a communiqué la portion de la section 5 comprenant la reproduction textuelle et intégrale des diverses allégations de harcèlement psychologique de l’intimé.

[70]           Ce comportement cadre difficilement avec l’argument de la Ville selon lequel une opinion juridique constitue un tout et aucune partie de celle-ci ne peut être prélevée et communiquée à un tiers.

[71]           Comme nous le verrons plus amplement ci-dessous, le secret professionnel de l’avocat couvre une vaste gamme de communications entre un.e avocat.e et son.sa client.e. En raison du type de contenu qui se retrouve habituellement dans un avis ou opinion juridique, le prélèvement de renseignements à partir de tels documents sera possible que dans des circonstances exceptionnelles car le risque que la communication privilégiée puisse être révélée ou est susceptible d'être constatée est nettement plus élevé avec cette catégorie de documents.

[72]           Cela dit, chaque cas est un cas d’espèce et il est possible, comme le document qui fait l’objet du présent litige le démontre, qu’un exercice de prélèvement peut être effectué tout en respectant le droit au respect du secret professionnel de l’avocat.

[73]           Il n’existe pas d’automatisme; tout dépend des circonstances.

[74]           C’est pourquoi le Tribunal souscrit aux propos du juge Stratas de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Canada (Commissaire à l'information), où elle est appelée à trancher un appel portant sur l’application des articles 23 (exception à la divulgation des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat) et 25 de la Loi sur l’accès à l’information fédérale[36] :

[20]           Dans leur mémoire des faits et du droit, les ministres traitent le secret professionnel des avocats comme un problème absolu : soit le protocole est entièrement protégé, soit il ne l’est pas du tout.

[21]           C’est oublier que, dans certains cas, seule une partie d’un document est protégée. Par ailleurs, la Loi ne considère pas la divulgation sous l’angle du tout ou rien. L’article 25 de la Loi oblige par exemple le responsable d’une institution fédérale à prélever du document, s’il peut raisonnablement le faire, les parties dépourvues des renseignements visés par une exception. Si seule une partie du protocole est protégée, la question du prélèvement doit être envisagée.

[Soulignement ajouté]


[75]           La Cour d’appel fédérale s’est prononcée à plusieurs reprises sur la possibilité de prélever des renseignements à partir d’un document par ailleurs soustrait à la communication parce que visé par l’exception du secret professionnel prévue à l’article 23 de la Loi sur l’accès à l’information (L.R.C. (1985), ch. A-1)[37]. Selon la jurisprudence de cette cour, il est possible, lorsque les circonstances le permettent, de prélever des renseignements d’un document couvert par le secret professionnel de l’avocat d’une manière qui reconnait la pleine mesure de la protection accordée par ce privilège[38].

[76]           La Cour d’appel de la Colombie-Britannique est du même avis[39].

[77]           Rappelons que le droit au secret professionnel protégé par l’article 9 de la Charte québécoise comporte deux volets : une règle de fond, qui impose aux professionnels un devoir de discrétion et crée un droit corrélatif du client à la confidentialité, et une règle de preuve, qui crée une immunité de divulgation en justice[40].

[78]           Ce droit à la confidentialité vise des « renseignements confidentiels ».

[79]           Le privilège protège tous les « renseignements confidentiels » révélés par le client à son avocat, tant à l’oral qu’à l’écrit[41]. La portée de la règle du secret professionnel de l’avocat ne se limite pas à celle de l’opinion, de l’avis ou du conseil donné par l’avocat à son client[42]. Lorsque les « renseignements confidentiels » prennent la forme d’un écrit, ils peuvent se retrouver dans un vaste éventail de documents, incluant des lettres, des courriels, des instructions, des rapports remis par un client à son avocat et vice-versa, des notes et rapports rédigés par l’avocat, lesquels peuvent concerner les faits qui lui ont révélés ou qu’il a lui-même constatés, et bien entendu des avis juridiques ou opinions juridiques[43].

[80]           Or, si ces documents visés par le secret professionnel renferment des faits, ces faits peuvent ne pas être protégés par le secret professionnel[44]. Comme l’écrivent les auteurs de l’ouvrage The Law of Evidence, « the privilege does not attach to ‘’pure facts’’ »[45].


[81]           En conclusion, le Tribunal répond par la négative à la première question soulevée par l’appel. La Commission n’a pas commis d’erreur révisable dans la Décision en n’appliquant pas la thèse de l’indivisibilité d’une opinion juridique à l’Analyse de recevabilité.

[82]           Il n’existe pas de règle absolue selon laquelle l’intégralité d’un document couvert par ce secret professionnel de l’avocat ne peut être communiquée à une partie qui fait une demande d’accès. Si les circonstances particulières le justifient, il est possible d’extraire certaines parties du document.

[83]           Lorsque le document en question est un avis juridique fourni dans le cadre d’un mandat ponctuel, il y a une forte présomption que l’ensemble des communications entre le client et l’avocat et des informations seront considérées prima facie de nature confidentielle. Dans pareilles circonstances, le prélèvement est possible mais seulement dans des circonstances exceptionnelles.

[84]           Si l’exercice de prélèvement est fait correctement, le droit au respect du secret professionnel de l’avocat garanti par la Charte québécoise sera préservé. Tout est une question de faits et d’application des normes visant à protéger le droit au secret.

[85]           Ce qui nous amène à la deuxième question soulevée par l’appel, qui vise précisément à savoir si la Commission s’est livrée à un exercice de prélèvement qui est respectueux du droit de la Ville au respect du secret professionnel de l’avocat.

  1. La Commission commet-elle une erreur de droit en concluant que les Extraits de l’Analyse de recevabilité ne sont pas protégés par le secret professionnel?

[86]           La Ville plaide que les Extraits de l’Analyse de recevabilité dont la Commission a ordonné la communication constituent une opinion juridique ou sont des renseignements intimement liés au cheminement intellectuel de l’auteure. Ainsi, son droit au respect du secret professionnel de l’avocat est violé par l’effet de la Décision.

[87]           Elle a raison. Voici pourquoi.

[88]           La Commission décide que l’Analyse de recevabilité contient une opinion juridique au sens de l’article 31 de la Loi sur l’accès. Malgré ce constat, la Commission ordonne néanmoins à la Ville de communiquer à l’intimé les Extraits.

[89]           Voici la Commission motive cette conclusion :

[68]      La Commission conclut que l’Analyse de recevabilité contient une opinion juridique. Voici pourquoi.

[69]      La Commission a déjà décidé des conditions d’application de ce motif concernant le Rapport à la gestion.

[70]      L’Analyse de recevabilité est rédigée par la même avocate que le Rapport à la gestion.

[71]      La première condition d’application de l’article 31 de la Loi sur l’accès est satisfaite.

[72]      Quant à la deuxième condition d’application, tout comme pour le Rapport à la gestion, l’avocate interprète la législation en matière de harcèlement psychologique pour l’appliquer à un cas particulier, soit les plaintes du demandeur.

[73]      La section 5 de l’Analyse de recevabilité ne remplit pas la deuxième condition d’application.

[74]      Cette section n’est pas constituée d’une opinion juridique, mais bien d’une analyse.

[75]      Quant à la section 6 de l’Analyse de la recevabilité, l’avocate émet son opinion sur la recevabilité des plaintes. Il en est de même pour sa conclusion à la section 7.

[76]      L’avocate utilise des faits sur lesquels elle fonde son opinion sur un cas particulier comme la Commission l’a exprimée précédemment concernant l’accès au Rapport à la gestion.

[77]      L’organisme peut user de sa discrétion et décider de ne pas communiquer l’opinion juridique de l’avocate qu’il a mandatée.

[78]      Le demandeur n’aura pas accès aux renseignements caviardés de la section 6, soit l’Analyse globale et de la section 7, soit la conclusion de l’Analyse de recevabilité puisque les conditions d’application de l’article 31 de la Loi sur l’accès sont satisfaites.

[90]           Selon le Tribunal, ces passages démontrent que la Décision est entachée de plusieurs erreurs de droit.

[91]           Premièrement, la Commission n’a pas respecté son obligation de motiver sa décision.

[92]           Deuxièmement, la Commission omet d’appliquer les règles relevant du secret professionnel de l’avocat en ordonnant à la Ville de communiquer à l’Intimé les Extraits de l’Analyse de recevabilité. Ce faisant, elle applique le mauvais cadre juridique à la question qu’elle avait à trancher


C.1. Absence de motivation

[93]           Tout décideur a l’obligation de donner des motifs pour sa décision. Il s’agit d’une des facettes des règles de l’équité procédurale et des règles de justice naturelle[46].

[94]           Les paramètres de cette obligation de motiver sont bien connus et ont été réitérés à maintes reprises par la Cour d’appel et la Cour suprême du Canada.

[95]           Pour l’essentiel, les motifs d’une décision doivent être suffisants pour comprendre ses fondements et permettre sa révision en appel. La suffisance des motifs doit être examinée dans leur ensemble tout en tenant compte du contexte. Les motifs ne doivent pas être tenus pour insuffisants simplement parce qu’ils ne font pas état de chaque argument soulevé ou n’analysent pas tous les moyens invoqués, ni s’ils n’exposent pas tous les éléments de la preuve. Ainsi, un jugement peut être concis et rendre parfaitement justice aux parties sans que le décideur ait à rendre compte de chaque témoignage et répondre à chaque prétention. L’intervention d’une cour d’appel n’est justifiée que lorsque les motifs sont laconiques au point qu’ils font obstacle à l’exercice de révision valable[47].

[96]           En l’espèce, il ressort des paragraphes 68 à 78 de la Décision que la Commission ne s’est pas acquittée de cette obligation de donner des motifs puisqu’il est impossible de comprendre pourquoi elle a décidé d’ordonner la communication de la partie des Extraits qui proviennent de la Table des matières, de la section 3 (« Description des parties ») et la section 4 (« Cadre d’analyse ») de l’Analyse de recevabilité.

[97]           Il y a absence totale de motifs permettant aux parties ou à la Cour du Québec de comprendre le raisonnement de la Commission d’ordonner la communication de ces portions des Extraits.

[98]           L’omission par la Commission de donner des motifs concernant ces portions de l’Extrait de l’Analyse de recevabilité est révisable en appel sur la base de la décision correcte car la question de savoir s’il y a eu un manquement à l’obligation de donner des motifs est une question de droit[48].

[99]           Vu l’absence de motifs, la Cour du Québec doit procéder elle-même à l’analyse concernant les sections de l’Analyse de recevabilité pour lesquelles aucun motif n’est donné, en appliquant la bonne grille d’analyse et rendre la décision qui aurait dû être rendue.


C.2. La Commission omet d’appliquer le cadre juridique qui s’impose vu que l’Analyse de recevabilité est couverte par le secret professionnel de l’avocat

C.2.1. Cadre juridique

[100]       La Ville invoque à la fois le secret professionnel de l’avocat et le fait que l’Analyse de recevabilité constitue une opinion juridique au sens de l’article 31 de la Loi sur l’accès pour refuser de communiquer une version intégrale du document[49].

[101]       La Loi sur l’accès donne à l’intimé le droit d’accéder aux documents d’un organisme public, tel la Ville[50].

[102]       Ce droit général d’accès a ses limites. Il est notamment restreint par les exceptions à la divulgation prévues notamment aux articles 18 à 41.3 de la Loi sur l’accès.

[103]       En outre, bien que la Loi ne le mentionne pas spécifiquement, le droit général d’accès peut aussi être limité par la règle prévoyant le respect du droit au secret professionnel de l’avocat. Si l’information demandée est couverte par ce secret, l’organisme public, comme tout autre justiciable, peut invoquer ce droit pour refuser l’accès aux documents[51].

[104]       Comme le souligne la Cour d’appel dans Kalogerakis, il ne s’agit pas d’une question de pondération entre le droit d’accès et celui qui a droit au respect du secret professionnel de l’avocat puisque ce dernier droit est un droit « quasi constitutionnel » qui prime et limite le droit général d’accès prévu à la Loi sur l’accès[52].

[105]       D’ailleurs, la Commission reconnaît que la Ville soulève ces deux arguments distincts lorsqu’elle identifie les questions en litige, dont la cinquième est formulée comme suit par la Commission : « L’analyse de recevabilité contient-elle une opinion juridique ou des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat? »[53].

[106]       Malgré cela, la Commission ne traite guère de la question de savoir si l’Analyse de recevabilité contient des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat.

[107]       Ayant conclu que la Ville ne pouvait s’appuyer sur l’article 31 de la Loi pour refuser de donner accès a la section 5 de l’Analyse de recevabilité parce que cette portion du document ne remplit pas la deuxième condition d’application de ce que constitue une « opinion juridique » au sens de cette loi[54], la Commission ne pouvait arrêter son analyse là. Elle devait aussi appliquer la cadre juridique portant sur le respect du secret professionnel de l’avocat.  Elle ne l’a pas fait pour la section 5 de l’Analyse de recevabilité, encore moins pour la table des matières, et les sections 3 et 4 de ce document.

[108]       Cette omission constitue une erreur de droit.

[109]       Puisque la Commission n’a pas appliqué cette grille d’analyse, le Tribunal doit le faire.

[110]       Le Tribunal doit répondre à la question suivante : Est-ce que l’exercice de prélèvement effectué par la Commission est fait dans le respect du droit au secret professionnel de l’appelante? En d’autres termes, est-ce les Extraits que la Commission ordonne de communiquer à l’intimé contiennent des renseignements protégés par le secret professionnel des avocats?

[111]       Le secret professionnel de l’avocat est protégé à l’article 9 de la Charte québécoise en ces termes :

9. Chacun a droit au respect du secret professionnel.

Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu’ils n’y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi.

Le tribunal doit, d’office, assurer le respect du secret professionnel.

[112]       L’obligation imposée à tout avocat de voir au respect du secret professionnel est énoncée à l’article 131 de la Loi sur le Barreau (RLRQ, c. B-1) de même que l’article 60 du Code de déontologie des avocats (RLRQ, c. B-1, r. 3.1).

[113]       La Ville plaide que l’Analyse de recevabilité dans son intégralité est protégée par le secret professionnel de l’avocat, incluant bien entendu les Extraits.

[114]       L’intimé ne conteste pas que l’Analyse de recevabilité soit un document visé par le secret professionnel de l’avocat. En outre, l’intimé est d’accord avec l’argument de la Ville selon lequel tout document qui est qualifié d’opinion juridique au sens de l’article 31 de la Loi sur l’accès est forcément aussi visé par le secret professionnel de l’avocat. Le Tribunal partage l’avis des parties.

[115]       Cependant, les parties divergent quant à l’étendue de la protection accordée par le secret professionnel de l’avocat à l’Analyse de recevabilité.


[116]       Pour la Ville, toute l’information contenue dans l’Analyse de recevabilité est visée par le secret professionnel de l’avocat et donc elle ne peut être obligée de communiquer quelconque partie de ce document à l’intimé, incluant évidemment les Extraits que la Commission lui ordonne de communiquer.

[117]       Pour l’intimé, le secret professionnel de l’avocat ne s’étend pas à toute l’information contenue dans l’Analyse de recevabilité. Il plaide que l’Analyse de recevabilité peut être « compartimentée » de sorte que certaines informations contenues dans le document sont visées par le secret professionnel de l’avocat alors que d’autres parties, tels les Extraits, ne le sont pas.

[118]       Selon l’intimé, l’arrêt Société d’énergie Foster Wheeler ltée établit que « [t]out n’est pas nécessairement confidentiel lorsqu’un avocat est entré en rapport avec un client »[55].

[119]       Il plaide que les Extraits que la Commission a ordonné à la Ville de lui communiquer ne sont pas visés par le secret professionnel de l’avocat puisqu’il s’agit de renseignements factuels ou des éléments d’enquête qui peuvent être colligés par un enquêteur qui n’est pas membre du Barreau. Bref, dans la mesure où l’Analyse de recevabilité contient des faits dont la cueillette peut être réalisée par une personne autre qu’un avocat, cette information n’est pas protégée par le secret professionnel de l’avocat.

[120]       Ces arguments amènent le Tribunal à traiter de la portée du secret professionnel de l’avocat.

[121]       L’intimé plaide que la portée du secret n’est pas aussi large qu’argumente la Ville. Il s’appuie sur quelques décisions de la Commission de l’accès à l’information où elle a décidé que des rapports d’enquête en matière de plainte d’harcèlement obtenus par des employeurs auprès de tiers ne sont pas protégés par l’article 31 de la Loi ni par le secret professionnel de l’avocat.

[122]       Notamment, l’intimé s’appuie sur la décision B.K. c. Organisme A[56]. Or, cette décision n’appuie pas sa thèse puisque la Commission ordonne à l’organisme de communiquer que la première page du rapport d’enquête. Quant au reste, l’information ne pouvait être communiquée vu l’applicabilité de l’article 32 de la Loi sur l’accès.

[123]       L’intimé s’appuie également sur la décision N.P. c. Ville de Gatineau[57]. Dans cette affaire, la Commission est appelée à décider du droit d’accès à rapport d’enquête portant sur une plainte d’harcèlement psychologique. La Ville de Gatineau invoquait notamment le secret professionnel de l’avocat ainsi que les articles 37 et 39 de la Loi sur l’accès pour en refuser la communication.

[124]       La Commission décide que l’article 9 de la Charte ne pouvait justifier le refus d’accès puisque l’auteur du rapport, qui n’était pas avocat, agissait en sa capacité de mandataire de la Ville dans l’exécution d’un processus d’enquête administrative et non pas en raison de sa profession de conseiller en relations industrielles[58].

[125]       Bref, les décisions invoquées par l’intimé ne sont pas applicables aux faits en l’espèce.

[126]       Il ressort de la jurisprudence que la grille d’analyse à appliquer lorsqu’il est question de savoir s’il est possible de prélever des renseignements contenus dans une communication entre un client et un avocat est la suivante :

126.1.               Le secret professionnel de l’avocat doit être jalousement protégé[59];

126.2.               Le secret professionnel de l’avocat doit être aussi absolu que possible pour assurer la confiance du public et demeurer pertinent. Il ne cède le pas que dans certaines circonstances bien définies[60];

126.3.               Le privilège peut protéger une communication qui ne comporte pas directement de conseil juridique si elle s’inscrit dans un continuum de communications liées à la demande et à la dispense de conseils juridiques[61];

126.4.               Il y a une présomption réfragable voulant que « l’ensemble des communications entre le client et l’avocat et des informations seraient considérées prima facie de nature confidentielle »[62];

126.5.               La prudence est de mise dans l’exercice de prélèvement[63];

126.6.               Puisque le champ d’application du secret professionnel de l’avocat est large, en procédant à l’exercice de prélèvement, il faut être attentif au risque que la divulgation de ce qui pourrait, à première vue sembler n’être qu’une information générale, puisse permettre à un lecteur averti de déduire le contenu de l’avis juridique expurgé. Le prélèvement d’une partie des renseignements inclus dans un document n’est possible que lorsqu’il n’y a aucun risque de révéler les conseils juridiques[64];


126.7.               L’intention du législateur n’est pas d’exiger le prélèvement de renseignements qui font partie d’une communication visée par le secret professionnel en exigeant, par exemple, la communication de renseignements qui révéleraient le sujet précis de la communication entre avocat et client ou les hypothèses actuelles de l’avis juridique donné ou sollicité[65];

126.8.               Règle générale, les renseignements généraux de nature descriptive, notamment la description du document, le nom, le titre et l’adresse de la personne visée par la communication, et la signature peuvent être prélevés et communiqués[66];

126.9.               L’identification et la sélection des faits qu’un conseiller juridique considère comme pertinents et que cette personne a énoncé pour le conseil juridique qu’elle a été chargée de donner sont très fréquemment liées au conseil donné. Lorsque les faits sont intimement liés à la communication de conseils juridiques, alors il n’est pas possible, règle générale, de les dissocier de l’avis juridique sans porter atteinte de manière justifiée au droit au respect du secret professionnel[67].

[127]       Appliquons cette grille d’analyse aux Extraits de l’Analyse de recevabilité que la Commission ordonne à la Ville de communiquer à l’intimé.

C.2.2. Table des matières

[128]       La Décision ordonne à la Ville de communiquer certaines sections de la table des matières. À première vue, ces renseignements pourraient être qualifiés de renseignements généraux de nature descriptive et donc non couverts par le secret professionnel de l’avocat.

[129]       Mais un examen attentif des termes utilisés par l’auteur du document, lorsque lus dans le contexte global d’une plainte pour harcèlement psychologique et de l’Analyse de recevabilité, permettraient à un lecteur averti de déduire le contenu de l’avis juridique et la stratégie juridique de la Ville.  Ces renseignements sont donc couverts par le secret professionnel de l’avocat. La Commission a erré en ordonnant à la Ville de les communiquer.

C.2.3. Section 3 « Description des parties »

[130]       La Décision ordonne à la Ville de communiquer un paragraphe de la section 3 « Description des parties » qui se trouve à la page 4 du document.

[131]       La première ligne de ce paragraphe contient des renseignements qui se retrouvent par ailleurs dans les sections de l’Analyse de recevabilité que la Ville déjà accepté de communiquer à l’intimé.  Il s’agit essentiellement de renseignements généraux de nature descriptive.

[132]       La deuxième ligne de ce paragraphe contient aussi des renseignements généraux de nature descriptive. Il s’agit de faits purs dont la communication à l’intimé ne crée aucun risque de révéler la nature des conseils juridiques transmis par l’auteure du document à la Ville.

[133]       Ces renseignements contenus dans ce paragraphe de la section 3 ne sont pas couverts par le secret professionnel de l’avocat. La Commission n’a pas erré en ordonnant à la Ville de les communiquer.

C.2.4. Section 4 « Cadre d’analyse »

[134]       La Décision ordonne à la Ville de communiquer la section 4 « Cadre d’analyse » dans son intégralité, c’est-à-dire les pages 4 à 12 de l’Analyse de recevabilité. La Ville avait caviardé toute cette section, à l’exception du titre et d’un sous-titre.

[135]       La section 4 « Cadre d’analyse » est composée de neuf pages. Elle traite des concepts juridiques applicables au mandat confié à l’avocate.

[136]       Sans entrer trop dans les détails de cette partie de l’Analyse de recevabilité, l’auteure décrit le cadre juridique applicable pour évaluer la recevabilité d’une plainte de harcèlement psychologique.

[137]       Pour ce faire, l’auteure commence par citer une définition du terme juridique applicable et ensuite, elle résume, en se référant à la doctrine et la jurisprudence, les grandes lignes du cadre juridique servant de fondement à l’analyse d’une plainte de harcèlement psychologique.

[138]       Elle expose aussi un ou plusieurs moyens de défense que la Ville pourrait faire valoir à l’encontre d’une telle plainte, en se référant à nouveau à la jurisprudence, la doctrine, et une partie de la preuve qu’elle a recueillie.

[139]       il n’y a aucun doute que la section 4 de l’Analyse de recevabilité est de la nature d’un avis ou d’un conseil donné par un avocat à son client. Si l'on devait donner accès à l’intimé à cette section de l’Analyse de recevabilité, cela reviendrait à remettre le livre de jeu d'une équipe à son adversaire.

[140]       La portion des Extraits constituée de la section 4 contient des renseignements confidentiels et donc sont couverts par le secret professionnel de l’avocat et bénéficie d’une immunité de divulgation.

[141]       La Commission commet une erreur en ordonnant à la Ville de communiquer les renseignements contenus à la section 4 de l’Analyse de recevabilité à l’intimé.

C.2.5. Section 5 « Analyse individuelle des allégations »

[142]       La Commission ordonne à la Ville de communiquer à l’intimé la section 5 « Analyse individuelle des allégations » dans son intégralité, c’est-à-dire les pages 12 à 65 de l’Analyse de recevabilité.

[143]       La section 5 comprend 48 tableaux totalisant 53 pages. Chaque tableau  contient une analyse détaillée de chacune des 48 allégations de harcèlement psychologique formulées par l’intimé contre deux employés de la Ville.

[144]        Chaque tableau comprend deux sections. La première partie du tableau, reproduit chacune des allégations formulées par l’intimé.

[145]       Rappelons que la Ville a accepté de remettre à l’intimé une version caviardée de l’Analyse de recevabilité dans laquelle la section 5 est caviardée, à l’exception de la première partie des 48 tableaux, c’est-à-dire la reproduction textuelle et intégrale des 48 allégations de harcèlement psychologique formulé par l’intimé.

[146]       C’est la deuxième portion du tableau qui fait l’objet de la Décision de la Commission.

[147]       Dans cette seconde partie du tableau, l’avocate donne son opinion quant à la recevabilité de chacune des 48 allégations de harcèlement psychologique formulées par l’intimé. En outre, elle donne son opinion sur la question de savoir si, sur la base des faits en cause, les reproches de l’intimé répondent aux critères du harcèlement psychologique, en tenant compte des composantes de la définition de ce terme.

[148]       Le contenu de la deuxième portion des 48 tableaux de la section 5 de l’Analyse de recevabilité que la Commission ordonne à la Ville de communiquer entre tout à fait dans le cadre de ce que constitue des renseignements confidentiels visés par l’article 9 de la Charte québécoise.

[149]       Il s’agit d’une analyse factuelle et juridique de la recevabilité de chacune des 48 allégations de harcèlement psychologique faites par l’intimé. En fonction des faits recueillis, l’avocate donne un avis juridique quant à la recevabilité des plaintes. Les renseignements contenus dans la section 5 sont au cœur de la relation avocat-client[68].

[150]       Le Tribunal voit mal comment la Commission pouvait conclure autrement.

[151]       Même si la Commission n’a pas analysé l’Analyse de recevabilité sous l’angle du secret professionnel de l’avocat, son raisonnement dans l’application des dispositions de la Loi sur l’accès à la section 5 de ce document souffre d’incohérence.

[152]       La Commission décide que l’article 31 de la Loi ne s’applique pas à la section 5 car elle ne constitue pas une opinion juridique mais plutôt une analyse[69].

[153]       Quant aux sections 6 et 7 de l’Analyse de recevabilité, la Commission décide que contrairement à la section 5, elles sont visées par l’article 31 de la Loi car l’avocate « émet son opinion sur la recevabilité des plaintes. » et « utilise des faits sur lesquels elle fonde son opinion sur un cas particulier. »[70]

[154]       Pourtant, la section 5 comprend, comme son titre l’indique, et cela est confirmé par con contenu, une analyse individuelle de chacune des 48 allégations de harcèlement psychologique alors que la section 6, qui porte le titre « Analyse globale », est une synthèse de la section 5 et la section 7 est une conclusion de quelques lignes.  Si la section 6 constitue une opinion juridique, le Tribunal voit mal pourquoi la section 5 ne l’est pas aussi. Bref, il n’y a aucune raison pour laquelle le traitement de la section 5 de l’Analyse de recevabilité devrait être différent des sections 6 et 7.

[155]       En ordonnant à la Ville de communiquer à l’intimé la section 5 de l’Analyse de recevabilité dans son intégralité, la Commission viole son droit au respect du secret professionnel de l’avocat. Si l’intimé obtient les renseignements contenus dans cette section, les conseils juridiques obtenus par la Ville de son avocate lui seront révélés.

Conclusion

[156]       En conclusion, le Tribunal répond par la négative à la première question soulevée par l’appel. Il n’existe pas de règle absolue selon laquelle un document couvert par le secret professionnel de l’avocat constitue un tout indivisible de sorte qu’aucune partie de celui-ci ne peut être communiqué à une partie qui fait une demande d’accès. Il est possible d’extraire une ou des parties d’un document autrement protégé par le secret professionnel de l’avocat.

[157]       Quant au deuxième moyen d’appel, à l’exception des renseignements contenus au paragraphe de la section 3 « Description des parties », page 4 du document, les Extraits de l’Analyse de recevabilité que la Décision ordonne à la Ville de communiquer à l’intimé sont couverts par le secret professionnel. La Commission a eu tort d’en ordonner l’accès. Elle a commis une erreur de droit révisable en appel.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[158]       ACCUEILLE en partie l’appel;

[159]       INFIRME en partie la décision rendue le 2 mars 2021 par la Commission d’accès à l’information;

[160]       REMPLACE le paragraphe 80 de la Décision par le suivant :

[80] ORDONNE à l’organisme de communiquer au demandeur, dans les 30 jours suivant la réception de la présente décision, les renseignements caviardés de l’Analyse de recevabilité de la section 3. DESCRIPTION DES PARTIES à la page 4.

[161]       AVEC FRAIS DE JUSTICE.

 

 

__________________________________

ENRICO FORLINI, J.C.Q.

 

Me Alexandre MacBeth

Ville de Laval

Avocat de l’appelante

 

Me Philippe Dufort

Mme Arianne Mireault, stagiaire

Syndicat canadien de la fonction publique

Avocats de l’intimé

 

Date d’audience :

24 février 2022

 


[1]  Décision rendue dans le dossier 1019290-J de la Commission et rapportée à 2021 QCCAI 51 (la « Décision »).

[2]  Dossier conjoint, Analyse de recevabilité, 23 juillet 2018, pp. 28 à 101 (il s’agit de la version finale caviardée par la Ville et remise à la Commission et à l’intimé le 10 septembre 2020).

[3]  Dossier conjoint, p. 15, demande d’accès à l’information de l’intimé.

[4]  Dossier conjoint, p. 16, réponse de l’appelante à la demande d’accès de l’intimé.

[5]  Dossier conjoint, p. 25, grief déposé par l’intimé le 21 août 2018.

[6]  Dossier conjoint, p. 18, demande de révision de l’intimé.

[7]  Dossier conjoint, Analyse de recevabilité caviardée, pp. 28 à 101; Rapport à la gestion caviardé, pp. 104 à 113.

[8]  Vu cette conclusion, la Commission ne se penche pas sur la deuxième question en litige.

[9]  Décision, paragr. 51 à 54.

[10]  Décision, paragr. 68 à 72.

[11]  2021 QCCA 1663, paragr. 31 à 36.

[12]  Fernand Gilbert limitée c. Procureur général du Québec, 2022 QCCA 209, paragr. 20-21.

[13]  Mémoire de l’intimé, paragr. 19.

[14]  [2002] 2 R.C.S. 235.

[15]  Intact assurance c. Landry, 2021 QCCQ 428, paragr. 13.

[16]  Teal Cedar products Ltd c. Colombie-Britannique, [2017] 1 R.C.S. 688.

[17]  2021 QCCA 699; voir aussi Chowieri c. Ville de Gatineau, 2022 QCCA 1104, paragr. 35.

[18]  2022 QCCAI 231, paragr. 37-38

[19]  2020 QCCAI 300, paragr. 21-22

[20]  2014 QCCAI 215, paragr. 39-41

[21]  2009 QCCAI 94, paragr. 34-35.

[22]  J.E. 2002-767, [2002] C.A.I. 413, 2002 CanLII 31099 (QC CQ).

[23]  Voir paragr. 30 du mémoire de l’appelante.

[24]  Broasca, supra, note 22, paragr. 5.

[25]  Broasca, supra, note 22, paragr. 6.

[26]  Broasca, supra, note 22, conclusion du jugement.

[27]  Ibid. paragr. 13. Caractères gras et soulignement dans le texte original.

[28]  Doray, Raymond et Charette, François, Accès à l'information: loi annotée, jurisprudence, analyse et commentaires, volume 1, Cowansville, Éditions Yvon Blais, mis à jour, p. 31-6; voir aussi p. 14-2.

[29]  Kalogerakis c. Commission scolaire des Patriotes, 2017 QCCA 1253, paragr. 21.

[30]  Ibid., paragr. 22.

[31]  2018 QCCQ 9475, paragr. 62.

[32]  Canada (P.G.) c. Chambre des notaires du Québec, 2016 CSC 20, paragr. 73.

[33]  Ghaddar c. R., 2021 QCCQ 13103, paragr. 24, citant British Columbia (Attorney General) c. Lee, 2017 BCCA 219, paragr. 40, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada rejetée : 2017 CanLII 84240. Dans Lee, il s’agissait d’une chaîne de courriels entre un avocat du ministère de la justice de la province et un employé d’un organisme gouvernemental. Suite à une demande d’accès à l’information, une chaine de courriels comportant 19 pages est communiquée. Une des questions en litige est de déterminer si le secret professionnel de l’avocat s’applique à tous les renseignements contenus dans ces courriels; le juge de première instance a conclu qu’il ne s’appliquait pas. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique renverse cette décision et décide que le prélèvement de certains des renseignements des courriels violait le droit au respect du secret professionnel de l’avocat. Elle écrit: “[36] The principle that privilege attaches to all communications made within the framework of the solicitor-client relationship does not mean that severance of particular communications within that continuum can never be appropriate. Advice given by lawyers on matters outside the solicitor-client relationship is not protected and may be severed…. [38] This Court has also permitted severance in the context of access to information requests in circumstances where the disclosed information was a third party document, disclosure of which could not reveal any of the legal advice given to the client: College of Physicians of B.C. v. British Columbia (Information and Privacy Commissioner), 2002 BCCA 665 at para. 68. …. [40] Thus severance should only be considered when it can be accomplished without any risk that the privileged legal advice will be revealed or capable of ascertainment. [41] In the case at bar, the portion severed by the chambers judge as not protected by the privilege was a continuation of the advice that the chambers judge had already correctly concluded was privileged. In the first disputed portion, the solicitor comments on whether certain conclusions “will withstand judicial scrutiny” and whether certain cases “would be good candidates for defending on judicial review.” [42] Not only are the passages part of the continuum of privileged communications, disclosure of the excised portions would inevitably reveal the legal advice contained in what all agree was a privileged communication. In my opinion, severance of this portion of the solicitor’s communication cannot be reconciled with the principle that all communications made within the framework of the solicitor-client relationship are protected.[Soulignements ajoutés].

[34]  Par exemple, des conseils qui ne relèvent pas de la relation avocat-client.

[35]  Ibid, paragr. 39-40. 

[36]  Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Canada (Commissaire à l'information), 2013 CAF 104 (CanLII), paragr. 21.

[37]  La Loi sur l’accès à l’information (L.R.C. (1985), ch. A-1) prévoit :

 

Renseignements protégés : avocats et notaires

23. Le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication de documents contenant des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat ou du notaire ou par le privilège relatif au litige.

 

Prélèvements

25. Le responsable d’une institution fédérale, dans les cas où il pourrait, vu la nature des renseignements contenus dans le document demandé, s’autoriser de la présente loi pour refuser la communication du document, est cependant tenu, nonobstant les autres dispositions de la présente loi, d’en communiquer les parties dépourvues des renseignements en cause, à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux.

 

 

Protected information — solicitors, advocates and notaries

23. The head of a government institution may refuse to disclose any record requested under this Part that contains information that is subject to solicitor-client privilege or the professional secrecy of advocates and notaries or to litigation privilege.

 

Severability

25. Notwithstanding any other provision of this Part, where a request is made to a government institution for access to a record that the head of the institution is authorized to refuse to disclose under this Part by reason of information or other material contained in the record, the head of the institution shall disclose any part of the record that does not contain, and can reasonably be severed from any part that contains, any such information or material.

[Soulignement ajouté]

 

[38]  Dans Blank c. Canada (Ministre de l’Environnement), 2001 CAF 374, le ministre de l’Environnement plaidait, comme la Ville le fait dans le présent dossier, qu'un document protégé par le secret professionnel de l'avocat n'est pas assujetti à la disposition relative au prélèvement prévue à l'article 25 de la loi fédérale sur l’accès. La Cour d’appel fédérale rejette cet argument et ajoute au paragr. 13 que « si un document renferme un renseignement visé par le secret professionnel prévu par la common law et renferme également des renseignements qui échappent au secret professionnel, le ministre ne peut refuser de communiquer ces derniers renseignements »; Voir aussi Blank c. Canada (Ministre de la justice) 2004 CAF 287, paragr. 65-66, pourvoi à la Cour suprême rejeté, 2006 CSC 39 et Canada (Justice) c. Blank, 2007 CAF 87, paragr. 13. Ces arrêts établissent qu’en vertu de la loi fédérale sur l’accès, la thèse du caractère indissociable d’un document couvert par le secret professionnel de l’avocat n’existe pas.

[39]  College of Physicians of B.C. v. British Columbia (Information and Privacy Commissioner), 2002 BCCA 665, paragr. 68; voir aussi British Columbia (Attonery General) c. Lee, 2017 BCCA 219, paragr. 38.

[40]  Société d’énergie Foster Wheeler ltée c. SIGED inc., [2004] 1 R.C.S. 456, paragr. 27 à 29; voir aussi Procureur général du Québec c. Association de l’exploration minière du Québec, 2018 QCCQ 9475, paragr. 47.

[41]  Claude Marseille, Légis Pratique-Les objections à la preuve en droit civil, Lexis Nexis, 2015, p. 116, paragr. 6-42.

[42]  Société d’énergie Foster Wheeler ltée, supra, note 40, paragr. 38.

[43]  Claude Marseille, ibid, paragr. 6-42; voir aussi Catherine Piché, La preuve civile, 6e édition, 2020, EYB2020PRC130, paragr. 1355.

[44]  Maranda c. Richer, 2003 CSC 67, paragr. 30; Claude Marseille, Légis Pratique-Les objections à la preuve en droit civil, supra, note 41, paragr. 6-31; Catherine Piché, La preuve civile, supra, note 43, paragr. 1352 et 1355.

[45]  David Paciocco, Palma Paciocco et Lee Stuesser, The Law of Evidence, 8ième ed., Toronto, Irwin Law, 2020, p. 300.

[46]  Mastracola c. Autorité des marchés financiers, 2011 QCCA 995, paragr. 18.

[47]  Metellus c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Nord-de-l’île-de-Montréal (Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal), 2018 QCCA 135, paragr. 11.

.[48]  Law Society of Saskatchewan c. Abrametz, 2022 CSC 29, paragr. 26 à 30; voir aussi Ojaghi c. 9348-0408 Québec inc., 2022 QCCQ 5640, paragr. 17-18.

[49]  Décision, paragr. 3.

[50]  Art. 9 Loi sur l’accès.

[51]  Kalogerakis c. Commission scolaire des Patriotes, 2017 QCCA 1253, paragr. 21.

[52]  Ibid., paragr. 22.

[53]  Décision, paragr. 12.

[54]  Il doit s’agir d’une proposition de nature juridique comportant une appréciation qui engage son auteur, selon la Décision, voir par. 20.

[55]  [2004] 1 R.C.S. 456, 2004 CSC 18, par. 37.

[56]  2011 QCCAI 273.

[57]  2012 QCCAI 249.

[58]  2012 QCCAI 249, paragr. 39 à 41.

[59]  Pritchard c. Ontario (Commission des droits de la personne), [2004] 1 R.C.S. 809, paragr. 17; Québec (Procureur général) c. Beaulieu, 2021 QCCA 1305, paragr. 74.

[60]  R. c. McClure, [2001] 1 R.C.S. 445, paragr. 34; Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c. Blood Tribe Department of Health, 2008 CSC 44, paragr. 9.

[61]  Balabel v. Air India, [1988] Ch 317, [1988] 2 All E.R. 246 at p. 254 (C.A.) cité dans Baazov c. Autorité des marchés financiers, 2018 QCCQ 4449, paragr. 135

[62]  Canada (Procureur général) c. Chambre des notaires du Québec, 2016 CSC 20,  paragr. 40.

[63]  British Colombia (Attorney General) c. Lee, 2017 BCCA 219, paragr. 39.

[64]  British Colombia (Attorney General) c. Lee, 2017 BCCA 219, paragr. 35, 40 et 51;  Sidney N. Lederman, Alan W. Bryant, Michelle K. Fuerst, Hamish C. Stewart, Sopinka, Lederman, Bryant — The Law of Evidence in Canada, 6e éd., Toronto, LexisNexis, 2022, p. 1068 (n° 14.69)

[65]  Canada (Justice) c. Blank, 2007 CAF 87, paragr. 13.

[66]  Blank c. Canada (ministre de la justice), 2004 CAF 287, paragr. 66; pourvoi à la Cour suprême rejeté : 2006 CSC 39.

[67]  Graham c. Canada (Minister of Justice), 2021 BCCA 118, paragr. 68 et 72; Raymond Doray et François Charette, Accès à l’information, loi annotée, jurisprudence, analyse et commentaire, volume 2, Cowansville, Éditions Yvon Blais inc., mis à jour, p. 14-1; Intact Assurance c. Landry, 2021 QCCQ 428, paragr. 60-61 (Juge Éric Dufour).

[68]  Selon l’article 128(1)a) de la Loi sur le Barreau, donner des consultations et avis juridiques sont du ressort exclusif de l’avocat en exercice.

[69]  Décision, paragr. 74.

[70]  Décision, paragr. 75-76.

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