Décision

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Décision

Hane c. R & H Management 2011 inc.

2013 QCRDL 34729

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier:

101634 31 20130724 G

113564 31 20130930 G

No demande:

100372

1329590

 

 

Date :

29 octobre 2013

Régisseure :

Jocelyne Gravel, juge administratif

 

Rose Hane

 

Locataire - Partie demanderesse

(101634 31 20130724 G)

Partie défenderesse

(113564 31 20130930 G)

c.

R&H MANAGEMENT 2011 INC.

 

Locateur - Partie défenderesse

(101634 31 20130724 G)

Partie demanderesse

(113564 31 20130930 G)

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le 24 juillet 2013, la locataire déposait un recours demandant au tribunal de résilier son bail en date du 1er septembre 2013, l’exécution en nature de certaines obligations du locateur, une diminution de loyer à compter du 1er février 2013 ainsi que des dommages-intérêts au montant de 500 $. Elle demande également l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel ainsi que le remboursement des frais.

[2]      Il n’y a pas lieu de se prononcer sur la demande relative à la durée du bail puisque les deux parties s’entendent pour conclure qu’elles sont liées par bail du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013 au loyer mensuel de 515 $.

[3]      Le 8 octobre 2013, le locateur déposait une demande de résiliation de bail, le recouvrement du loyer dû en date de l’audience ainsi que l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel.

[4]      Les deux dossiers ont été entendus conjointement.

[5]      La locataire a transmis une mise en demeure au locateur lui notifiant plusieurs besoins de réparations. Sur réception de ce document, le 17 juillet 2013, le locateur prenait rendez-vous avec la locataire pour le 23 juillet 2013. À cette occasion, son ouvrier a réparé une fissure au plafond de la salle de bains, il a nettoyé et lubrifié les fenêtres afin qu’elles puissent demeurer ouvertes et il indique avoir gratté certaines surfaces affectées de moisissure à la salle de bains. Ce dernier témoigne avoir été prêt à coller certaines tuiles au plancher et réparer la porte du salon. Il indique ne pas avoir eu les compétences pour réparer le bris de l’interphone, la fuite de la toilette ainsi que le bris de la rampe de fer forgé s’étant détachée du balcon.

[6]      Le témoin est arrivé au logement vers 7 heures et en fin d’avant-midi, la locataire l’informe qu’elle n’est plus disponible en après-midi. Ce dernier quitte donc les lieux. Il prendra en charge la réparation de la rampe du balcon. Quelques jours plus tard, un ouvrier spécialisé la soudera au vieux balcon en plus de la repeindre.


[7]      La locataire a été très insatisfaite des réparations effectuées lors de cette première visite. Elle constate que le locateur n’a pas l’intention de faire de gros investissements. On lubrifie de vieilles fenêtres qui quelques jours plus tard ne demeurent pas ouvertes sans appui, on planifie coller des tuiles sur du plancher pourri et on ressoude une rampe de fer forgé sur un plancher de bois très dégradé. On envisage également recoller une porte sérieusement fendue. Il est clair selon la preuve produite que toutes ces réparations s’avèrent superficielles et qu’elles ont comme but d’allonger la durée de vie d’un matériau déjà fortement dégradé ou usé. 

[8]      Selon son témoignage, il y aurait de plus des fuites d’eau au plafond de la salle de bains ainsi qu’au pourtour de la toilette. Cette version des faits est contestée relativement à la fuite du plafond de la salle de bains. Comme il appartenait à la locataire de faire cette preuve et que les photos produites ne permettent pas au tribunal de constater des traces d’eau, ce besoin de réparation n’est pas établi. Par contre, la fuite à la base de la cuvette est vraisemblable puisqu’un scellant épais a été apposé à cet endroit.

[9]      Elle constate de plus que l’ouvrier n’a pas le matériel nécessaire aux réparations dès son arrivée. Ce dernier explique avec raison qu’il doit d’abord vérifier l’état des lieux avant d’effectuer l’achat des matériaux. Il est également établi à la satisfaction du tribunal qu’à compter de la fin juillet 2013, la locataire n’a plus l’intention de collaborer aux réparations. Elle a plutôt pris la décision de mettre fin à son bail et elle refuse l’accès aux ouvriers notamment par l’annulation de rendez-vous. 

[10]   En résumé, pour la locataire s’est trop peu trop tard. Elle explique sa désillusion comme suit : dès son emménagement, elle transmet de nombreux courriels au mandataire du locateur afin de lui dénoncer les problèmes. Elle n’aurait jamais reçu de réponse de sa part bien qu’il soit autrement établi que des discussions ont eu lieu relativement au bris de la cuisinière. Une diminution de loyer de 75 $ est consentie à ce sujet en début de bail. Aucun courriel n’est déposé en preuve pour établir la fréquence ainsi que l’objet des plaintes. 

[11]   Il n’est cependant pas contesté qu’à l’emménagement, le réfrigérateur est défectueux, que la cuisinière est inutilisable et qu’elle a dû être remplacée aux frais de la locataire malgré qu’il s’agisse d’un service fourni au bail, que la porte d’entrée principale reste entrebâillée si on ne prend pas soin de bien la fermer. Il y aurait également présence d’inconnus flânant dans l’immeuble. La locataire établit à l’aide de photos où l’on voit des rebuts laissés sous le balcon, qu’il y a des déficiences au niveau de l’entretien de l’immeuble. Il n’y aurait pas non plus présence de détecteur de fumée au logement contrairement aux exigences réglementaires. L’interphone du logement ne fonctionne pas non plus obligeant la locataire de sortir de son logement pour accueillir ses invités. À cela s’ajoutent les 3 des 4 fenêtres du logement qui ne fonctionnent pas adéquatement même après le passage de l’ouvrier, la fuite de la cuvette, les tuiles décollées et le balcon dangereux jusqu’à la fin juillet 2013. 

[12]   Notons que la condition du balcon ne pouvait être ignorée du locateur. Ce balcon situé au rez-de-chaussée est fortement dégradé. Sa rampe complètement rouillée et détachée empêche une utilisation sécuritaire du balcon. Il est donc très visible de la rue. Il s’agit donc d’un fait que le locateur ne pouvait ignorer puisqu’il est admis qu’un de ses mandataires habite l’immeuble et qu’un autre s’y rend à l’occasion pour percevoir les loyers.

[13]   La locataire explique de plus avoir éprouvé des problèmes avec un voisin bruyant et harcelant. Elle fait entendre un enregistrement où l’on peut effectivement constater l’ampleur du bruit. Il s’agissait de cris de disputes entre deux occupants du logement voisin. Ce voisin aurait eu des comportements bizarres à son égard. Selon la description crédible faite, les comportements de ce voisin, qui tient des propos illogiques, étaient susceptibles de diminuer la jouissance des lieux de la locataire. Le relevé d’appel policier produit indique que l’agressivité et des comportements possiblement bipolaires ont été constatés. Bien qu’il n’y ait pas eu preuve de dénonciation formelle de ce trouble, la réaction du mandataire à l’audience niant sa responsabilité légale[1] dans la résolution de ce problème, établit qu’aucune action n’aurait de toute façon été prise de sa part afin de faire diminuer ce trouble. Le préjudice de la locataire est donc aggravé.

[14]   Des tentatives informelles de cession de bail seront faites à compter d’août 2013. Selon la locataire, il y aurait eu refus injustifié de certains candidats proposés. Par contre, il ne semble pas y avoir eu transmission d’un avis formel de cession de bail, ni d’un recours en contestation d’un refus de cession. Tel qu’expliqué à l’audience, l’utilisation de ces avenues disponibles aurait pu être plus efficace pour régler le litige. Quoi qu’il en soit, le tribunal n’est pas saisi d’une telle demande et il ne peut donc se prononcer sur cette question.

Le droit applicable

[15]   Le tribunal conclut que les deux parties ont contrevenu à certaines de leurs obligations légales. Tout d’abord, le locateur n’a pas délivré le logement en bon état de réparation de toute espèce[2]. Il est en effet établi que tous les problèmes dénoncés à la mise en demeure, sauf l’écoulement du plafond, étaient présents lors de l’emménagement.

[16]   Dans ce cas, un locateur ne doit pas attendre qu’un locataire lui transmette une mise en demeure pour agir. Il doit s’assurer en début de bail que tout fonctionne et dans le cas contraire, effectuer de lui-même toutes les réparations nécessaires avant la délivrance ou dans un délai raisonnable après l’emménagement. Le Tribunal conclut que le locateur a contrevenu à cette obligation de délivrance donnant ouverture au recours à la résiliation de bail advenant qu’il y ait eu préjudice sérieux occasionné à la locataire.

[17]   En effet, l’article 1863 du Code civil du Québec prévoit :

« 1863.      L’inexécution d’une obligation par l’une des parties confère à l’autre le droit de deman­der, outre des dommages-intérêts, l’exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l’inexécution lui cause à elle-même ou, s'agis­sant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résilia­tion du bail.

                 L'inexécution confère, en outre, au loca­taire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablis­sement du loyer pour l'avenir. »

[18]   Le tribunal conclut que le défaut de recevoir un logement en bonne condition de réparation de toute espèce a causé un préjudice sérieux à la locataire. On ne lui a pas délivré un logement pleinement fonctionnel. Le réfrigérateur est défectueux. On ne peut y conserver des fruits et des légumes frais. On ne peut non plus y garder de la nourriture congelée. Il y a la cuisinière inutilisable dont la locataire a défrayé le remplacement vu le défaut du locateur d’agir en temps utile. La fuite d’eau de la toilette est également dérangeante puisqu’elle a dégradé le plancher de bois devenu mou à cet endroit.

[19]   À cela s’ajoute l’inquiétude relative à l’absence de sécurité. Pas de détecteur de fumée, impossible d’ouvrir les fenêtres, une porte d’entrée qui verrouille mal, un interphone défectueux et un balcon tellement dangereux qu’il est inutilisable. Face à tous ces problèmes, il y a absence complète d’action du locateur avant la réception de la mise en demeure. Il est jugé vraisemblable que la locataire ait dénoncé les problèmes au fur et à mesure de leur découverte. Il est jugé invraisemblable qu’une locataire se résoudre à acheter une cuisinière sans avoir préalablement fait la demande au locateur lui fournissant cet accessoire. 

[20]   Dans l’analyse de la demande de résiliation de bail, on ne peut reprocher le défaut de dénonciation écrite de la locataire, puisque le litige se situe en début de bail. Il s’agit d’une époque où un locateur doit vérifier l’état du logement avant de le louer à un nouvel occupant. La quantité et l’ampleur des problèmes établis amènent le tribunal à conclure, vu les circonstances particulières du présent dossier, à la résiliation du bail. Le locateur ayant eu plus qu’un délai raisonnable pour exécuter des réparations qui devaient être faites à l’emménagement. 

[21]   La locataire a par contre unilatéralement décidé de mettre fin aux travaux et elle a cessé le paiement de son loyer. Bien qu’elle se soit sentie inconfortable au logement à la suite d’un vol survenu le 5 septembre 2013, il n’y avait pas urgence de quitter les lieux. Les soupçons de la locataire que l’auteur de ce vol soit, l’ancien occupant des lieux à qui on n’aurait pas réclamé la clef à son départ, sont insuffisants à faire conclure à la responsabilité du locateur.

[22]   Il est jugé plus juste et raisonnable de prononcer la résiliation du bail à compter du 1er octobre 2013. Le tribunal devant faire assumer à chaque partie la perte locative en fonction de leurs fautes contractuelles respectives.

[23]   D’autre part, la locataire, une fois la mise en demeure transmise devait collaborer aux travaux et permettre l’accès au logement. Il ne lui revenait pas non plus de décider entre le remplacement ou la réparation d’un accessoire. Cette décision revient au locateur qui choisit le moment où les investissements seront faits. Tant que les accessoires sont utilisables, le tribunal n’interviendra pas. Surtout qu’une visite attentive du logement aurait permis à la locataire de constater l’état de délabrement du logement. Elle ne pouvait s’attendre que ce type de logement soit refait selon ses goûts. La locataire a par conséquent contrevenu à son obligation de donner accès au logement en temps utile. Bien qu’il soit préférable qu’une date convenue entre les parties soit trouvée, la locataire ne pouvait mettre fin aux travaux en milieu de journée le 23 juillet. Si elle désirait être présente, il lui revenait de s’informer auprès de l’ouvrier lors de la prise de rendez-vous du temps nécessaire et s’organiser en conséquence. Cette façon de faire a indûment retardé l’exécution des travaux en plus de causer des dépenses inutiles au locateur. L’attitude de la locataire à l’audience à vouloir nier ce fait a diminué sa crédibilité. Le témoignage à l’occasion contradictoire de la locataire n’est pas retenu en partie. À titre d’exemple, elle nie avoir reçu copie de la demande du locateur alors qu’il est établi que l’huissier lui avait remise en main propre.

[24]   Comme une diminution de loyer est généralement calculée à compter de l’envoi de la mise en demeure, donc en l’instance à compter de la mi-juillet 2013, les défauts d’accès subséquents au logement constituent une défense valable. Le locateur ayant démontré avoir été disposé, selon la preuve reçue, à débuter l’exécution de ses obligations. Aucune diminution de loyer n’est par conséquent accordée. Il en est de même pour les dommages moraux réclamés, la locataire n’ayant pas tenté de limiter ses dommages en ne collaborant pas à l’exécution des travaux.

[25]   Concernant la dépense de 75 $ pour le remplacement de la cuisinière, il a été établi que les parties ont conclu une entente sur cet aspect de la réclamation. Une fois l’entente intervenue les parties ne peuvent plus réclamer en surplus.

[26]   Il est admis que les loyers de septembre et d’octobre 2013 n’ont pas été payés. La locataire doit donc la somme de 515 $, soit le loyer exigible de septembre 2013. Le loyer d’octobre n’était plus dû, vu la résiliation prononcée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[27]   ACCUEILLE en partie les demandes des parties;

[28]   RÉSILIE le bail intervenu entre les parties à compter du 1er octobre 2013;

[29]   CONDAMNE la locataire à payer au locateur la somme de 515 $ avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 1er octobre 2013;

[30]   REJETTE les demandes quant au surplus;

[31]   Chaque partie assumant ses frais judiciaires.

 

 

 

 

 

 

 

Jocelyne Gravel

 

Présence(s) :

la locataire

le mandataire du locateur

Date de l’audience :  

17 octobre 2013


 



[1] Voir à ce sujet l’article 1861 du Code civil du Québec :  

«1861.       Le locataire, troublé par un autre loca­taire ou par les personnes auxquelles ce dernier permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci, peut obtenir, suivant les circons­tances, une diminution de loyer ou la rési­liation du bail, s'il a dénoncé au locateur commun le trouble et que celui-ci persiste.

 

                 Il peut aussi obtenir des dommages-intérêts du locateur commun, à moins que celui-ci ne prouve qu'il a agi avec prudence et diligence; le locateur peut s'adresser au locataire fautif, afin d'être indemnisé pour le préjudice qu'il a subi.»

[2] Article 1854 du Code civil du Québec.

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