Décision

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London Life Insurance Company c. Long

2016 QCCA 1434

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-024613-143 et 500-09-024614-141

(500-17-062453-108)

 

DATE :

12 septembre 2016

 

 

CORAM : LES HONORABLES

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

NICHOLAS KASIRER, J.C.A.

MARIE ST-PIERRE, J.C.A.

 

 

500-09-024613-143

LONDON LIFE INSURANCE COMPANY

QUADRUS INVESTMENTS SERVICES LTD.

APPELANTES - Défenderesses

c.

 

YANPING LONG

JIANLI YANG

INTIMÉS - Demandeurs

et

 

DUN (VICTOR) WANG

VICTOR WANG INVESTMENTS AND WEALTH MANAGEMENT INC.

MIS EN CAUSE / Défendeurs

 

 

 

500-09-024614-141

DUN (VICTOR) WANG

VICTOR WANG INVESTMENTS AND WEALTH MANAGEMENT INC.

APPELANTS - Défendeurs

c.

 

YANPING LONG

JIANLI YANG

INTIMÉS - Demandeurs

et

 

LONDON LIFE INSURANCE COMPANY

QUADRUS INVESTMENTS SERVICES LTD.

MISES EN CAUSE - Défenderesses

 

 

ARRÊT

 

 

 

[1]           Les parties appelantes se pourvoient contre un jugement rendu le 19 juin 2014 par la Cour supérieure du district de Montréal (l’honorable Paul Mayer), qui les condamnent solidairement à payer aux intimés 641 017,30 $ plus les intérêts et l’indemnité additionnelle de l’article 1619 C.c.Q. depuis le 10 décembre 2010.

[2]           Pour les motifs de la juge St-Pierre, auxquels souscrivent les juges Doyon et Kasirer, LA COUR :

 

Dans le dossier 500-09-024613-143 :

[3]           ACCUEILLE l’appel de London, avec frais de justice;

[4]           ACCUEILLE l’appel de Quadrus, avec frais de justice;

[5]           INFIRME le jugement entrepris quant à London et Quadrus;

[6]           REJETTE l’action des demandeurs contre London et Quadrus, avec dépens incluant les frais d’expert de Jean Turcotte.

 

Dans le dossier 500- 09-024614-141 :

[7]           ACCUEILLE l’appel de Wang et de Wang Inc. à la seule fin de biffer le paragraphe 320 du jugement entrepris et de le remplacer par les paragraphes suivants :

[320.1]      CONDAMNE Wang et Wang Inc. à payer solidairement aux demandeurs 338 463 $ avec les intérêts et l’indemnité additionnelle de l’article 1619 C.c.Q. depuis le 10 décembre 2010;

[320.2]      CONDAMNE Wang à payer aux demandeurs une somme additionnelle de 54 258 $ avec les intérêts et l’indemnité additionnelle de l’article 1619 C.c.Q. depuis le 10 décembre 2010;

[8]           Avec frais de justice en appel en faveur de Wang et Wang Inc.

 

 

 

 

 

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

 

 

 

 

 

NICHOLAS KASIRER, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARIE ST-PIERRE, J.C.A.

 

 

Me Douglas Mitchell

IRVING MITCHELL KALICHMAN

Me Lynne Chlala

GREAT WEST/LONDON LIFE/CANADA-VIE

Pour les appelantes London Life Insurance Company et Quadrus Investments Services Ltd.

 

Me Marc Champagne

Me Jessica Vu

JURILIS, CABINET D’AVOCATS

Pour les appelants Dun (Victor) Wang et Victor Wang Investments et Wealth Management Inc.

 

Me Magali Fournier

BROUILLETTE & ASSOCIÉS

Pour les intimés

 

Date d’audience :

7 juin 2016


 

 

MOTIFS DE LA JUGE ST-PIERRE

 

 

L’aperçu

[9]           Deux immigrants investisseurs, arrivés au Québec en 2004, retiennent les services d’un conseiller en investissements à compter de mars 2005.

[10]        Jusqu’à l’automne 2008, tout baigne dans l’huile ou presque.

[11]        Mais voilà que la crise financière de 2008 sévit et que la valeur de leurs portefeuilles décroît.

[12]        Qui assume, en l’espèce et s’il y en a, les pertes subies et comment les chiffrer?

[13]        Voilà, pour l’essentiel, ce qui donne lieu à deux appels dont la Cour est saisie à la suite d’un jugement rendu le 19 juin 2014[1] par l’honorable juge Paul Mayer de la Cour supérieure, district de Montréal (« le juge »), qui condamne solidairement les parties appelantes à payer 641 017,30 $ aux intimés :

Ø  Appel dans le dossier 500-09-024614-141 (« dossier Wang ») : Dun Victor Wang (« Wang ») et Victor Wang Investments and Wealth Management Inc. (« Wang Inc. ») demandent à la Cour d’intervenir, de casser le jugement de première instance et de rejeter la réclamation que leurs clients immigrants investisseurs, Yanping Long (« Long ») et Jianli Yang (« Yang »), ont dirigée contre eux à la suite de leur relation d’affaires entre mars 2005 et novembre 2008.

Ø  Appel dans le dossier 500-09-024613-143 (« dossier London-Quadrus ») : London Insurance Company (« London ») et Quadrus Investments Services Ltd. (« Quadrus ») demandent à la Cour d’intervenir, de casser le jugement de première instance et de rejeter la réclamation que Long et Yang ont dirigée contre eux à la suite de la gestion de leurs investissements par Wang et Wang Inc. entre mars 2005 et novembre 2008.

[14]        Wang et Wang Inc. proposent les sept moyens d’appel suivants. Le juge erre :

1.    en décidant que la crise financière de 2008 n’a pas d’impact sur les dommages en l’espèce;

2.    en ignorant que Long et Yang ont vendu leurs placements au pire moment, malgré l’avis professionnel contraire reçu et alors qu’ils auraient dû laisser passer la tempête (la crise);

3.    lorsqu’il retient que Long et Yang n’ont que peu de connaissances en matière de finance et d’investissements;

4.    en ignorant le fait de la planification à long terme suggérée par Wang, acceptée par Long et Yang, mais non suivie;

5.    puisqu’il impose au conseiller en investissements une obligation de résultat alors qu’il s’agit d’une obligation de moyen;

6.    alors que sa conclusion quant à la responsabilité participe d’une sanction disciplinaire imposée en raison des méthodes de travail de Wang plutôt que de l’application des principes de la responsabilité civile;

7.    dans son évaluation des dommages subis et dans les démarches effectuées afin d’y parvenir.

[15]        Quant à London et Quadrus, elles en proposent quatre. Le juge erre :

1.    en retenant que London et Quadrus sont responsables de la faute de Wang, le cas échéant;

2.    en omettant de prendre en compte les faits et gestes de Long et de Yang qui ont empêché London et Quadrus de se prémunir contre les actions ou les omissions de Wang;

3.    dans son évaluation des dommages subis et dans les démarches effectuées afin d’y parvenir;

4.    en condamnant London et Quadrus solidairement.

Le contexte

[16]        Avant d’entreprendre l’analyse des moyens d’appel, sans reprendre pour l’instant la nomenclature des faits (j’en traiterai plutôt à la rubrique « l’analyse »), je présente les parties, je brosse à grands traits la toile de fond et je résume le jugement dont appel.

Les parties

Yanping Long et Jianli Yang

[17]        Au moment de leur arrivée au Québec en qualité d’immigrants investisseurs en 2004, dotés d’un capital d’environ 2,5 millions de dollars américains, Long et Yang, âgés respectivement de trente-trois ans et vingt-neuf ans, se déclarent retraités à la suite des parcours scolaires et professionnels suivants :

Ø  Long : en 1990, à la suite d’une formation scolaire collégiale dans l’armée chinoise, concentration gestion des opérations militaires, Long entreprend une carrière militaire à titre de garde du corps de dirigeants de l’armée. Cette carrière prend fin en 1996. En 1997, pendant une période d’environ huit mois, il devient vendeur d’automobiles. Par la suite, il fonde une compagnie de divertissement qui prend de l’essor jusqu’à posséder trois emplacements (hôtel, spa, boîte de nuit et restaurant). Entretemps, en 2000, il entreprend des démarches afin d’immigrer au Canada avec sa famille. En juillet 2004, obtenant l’autorisation de ce faire à titre d’investisseur, Long vend une large part de ses actions de la compagnie de divertissement, ne conservant que 20 % de l’un des trois centres, et il immigre au Canada (s’établit à Montréal) avec sa conjointe Yang et leur fils de six ans.

Ø  Yang : à la suite de ses études secondaires terminées avec succès, Yang est recrutée comme agente de bord par la compagnie aérienne de Yunnan où elle travaille jusqu’à la naissance de son fils.

Wang

[18]        Arrivé au Canada en août 1999, après qu’il eut complété une maitrise en administration des affaires à l’Université McGill et obtenu un diplôme de MBA en 2001, Wang se joint à London à titre de conseiller en sécurité financière pour exercer en tant que représentant en matière d’assurance de personnes. Il agit également comme représentant de courtier en épargne collective pour Quadrus.

[19]        Wang parle le mandarin.

[20]        De 2001 à novembre 2005, Wang exerce ses activités en assurance de personnes pour le compte de London. En novembre 2005, il démissionne de London alors qu’il incorpore son propre cabinet en assurance de personnes, Wang Inc., dont il devient un représentant autorisé, les démarches requises à cette fin auprès de l’AMF étant complétées conformément à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (la « LDPSF »)[2].

[21]        Cela dit, la mise sur pied de Wang Inc. ne change rien à ses activités en épargne collective qu’il poursuit personnellement en qualité de représentant de courtier pour le compte de Quadrus et conformément à la LDPSF.

Wang Inc.

[22]        Wang Inc. est un cabinet dûment enregistré par Wang auprès de l’AMF, depuis novembre 2005, autorisé à exercer en matière d’assurance de personnes.

[23]        Une entente contractuelle exclusive lie Wang Inc. à London pour la vente de produits d’assurance et de fonds distincts  qui y sont associés.

London Life

[24]        London est un assureur qui offre divers produits d’assurance et d’épargne ainsi qu’un cabinet dûment enregistré auprès de l’AMF, autorisé à exercer en matière d’assurance collective de personnes, d’assurance de personnes et de planification financière. Ce cabinet est également connu sous les noms Financière Liberté 55 et Freedom 55 Financial.

Quadrus

[25]        Quadrus est un cabinet dûment enregistré auprès de l’AMF, autorisé à exercer en courtage d’épargne collective, notamment pour la vente de fonds communs (mutual funds).

La toile de fond

[26]        À leur arrivée au Québec, à l’automne 2004, Long et Yang ont l’intention de s’y établir. Ils parlent alors le mandarin, peu l’anglais et aucunement le français.

[27]        Ils sont dotés d’un capital en main d’environ 2,5 millions de dollars américains, principalement accumulé au cours des années 1997 à 2004 et à la suite de la vente d’une partie substantielle des intérêts de Long dans les trois centres de divertissement. Ils ont déposé cette somme auprès de la Banque de Montréal, dont 1,8 million de dollars sous la forme d’un certificat de placement garanti.

[28]        Long et Yang possèdent d’autres actifs en Chine.

[29]        Dans le journal de la communauté asiatique, dont ils ramassent un exemplaire chaque fois qu’ils vont au supermarché, Long et Yang voient l’annonce publicitaire de Wang en mandarin. Il s’y présente notamment comme spécialiste en investissements en devise américaine. Fin février ou au début de mars 2005, alors que la photographie de Wang reproduite dans l’annonce leur indique qu’il « a l’air très gentil », ils se décident à entrer en contact avec lui.

[30]        À cette époque, je rappelle que Wang est qualifié à titre de représentant pour la vente de produits d’assurance et de fonds distincts auprès de London et, pour la vente de fonds communs, auprès de Quadrus.

[31]        Une première rencontre d’une durée d’environ deux heures a lieu le 11 mars 2005. Wang discute avec Long et Yang de leur situation, de leurs besoins, de leurs intérêts et il leur fait part des services qu’il est en mesure d’offrir. Wang prend des notes, en mandarin, dont il remet le jour même une photocopie à Long et Yang.

[32]        Une seconde rencontre se tient une semaine plus tard, le 17 mars 2005. Le 21 mars 2005, Long et Yang confient à Wang une première somme de 300 000 $US. Comme London n’offre pas de fonds distincts en devise américaine, mais puisque Wang est également représentant de Quadrus, cette somme est investie en deux parts égales de 150 000 $US, par l’entremise de Quadrus, dans les fonds Franklin Templeton et à la suite de l’ouverture des deux comptes appropriés à cette fin (compte 3845960 pour Long et compte 3845982 pour Yang). Les documents acheminés par Quadrus et Franklin Templeton Investments (« Templeton ») à Long et Yang, à leur domicile, indiquent notamment ce qui suit : Templeton est l’administrateur des fonds dans lesquels les sommes ont été investies alors que Quadrus est leur courtier et Wang leur représentant.

[33]        Satisfaits des rendements obtenus de même que de la qualité de la relation professionnelle et personnelle qui se développe avec Wang, Long et Yang décident, en mai 2005, de lui remettre des sommes additionnelles à des fins d’investissements (1,8 million de dollars américains).

[34]        En septembre 2006, ils lui remettent une autre somme de 670 000 $CAN qu’ils comptaient utiliser pour l’achat d’une résidence au Québec, alors que ce projet est reporté à plus tard.

[35]        Ainsi, d’autres comptes sont ouverts pour Long et Yang chez London et Quadrus :

Ø  Pour Long :

Ø  Auprès de Quadrus : le compte 3029741-0, avec dépôt initial en juillet 2005;

Ø  Auprès de London :

Ø  le contrat P1519207-0, avec dépôt initial le 10 juin 2005;

Ø  le contrat P1687967-8, avec dépôt initial le 6 septembre 2006;

Ø  le contrat P1687969-1, avec dépôt initial le 2 novembre 2006.

Ø  Pour Yang :

Ø  Auprès de Quadrus : le compte 3029099-3, avec dépôt initial en juin 2005;

Ø  Auprès de London : le contrat P1519206-9, avec dépôt initial le 8 juin 2005.

[36]        À chacun d’eux, en juin 2005, Wang vend une police d’assurance-vie émise par London (polices qui sont toujours en vigueur au moment du procès).

[37]        Devant le juge, Long et Yang ont soutenu posséder peu de connaissances en matière d’investissement en 2005 et avoir communiqué à Wang les priorités suivantes : assurer la protection de leur capital, obtenir un rendement d’environ 5 % et pouvoir retirer leur argent sans pénalité en tout temps.

[38]        Wang a offert une toute autre version. Selon lui, Long et Yang étaient des gens d’affaires à la recherche d’investissements sur un horizon de 6 à 10 ans qui offrent du rendement et qui sont fiscalement avantageux. Bref, des investisseurs qui acceptent un certain niveau de risques et des fluctuations de portefeuille.

[39]        En mai 2005, Long et Yang décident de retourner vivre en Chine pour quelque temps vu la rigueur de l’hiver canadien et afin de solidifier l’éducation chinoise de leur fils. Leur retour permanent au Québec n’aura lieu qu’à l’été 2008. Ainsi, de 2005 à 2008, Long et Yang passent beaucoup de temps en Chine. L’un ou l’autre vient au Québec de temps à autre,  Wang les visite en Chine à deux reprises, mais les contacts entre eux se font surtout par échanges de courriels.

[40]        Comme on le sait, en novembre 2005, Wang incorpore Wang Inc. qui obtient, de l’AMF, le statut de cabinet. De façon concomitante, Wang démissionne de London, car il exerce dorénavant à titre de représentant, pour la vente de produits d’assurance de personnes, pour le compte de Wang Inc. Wang informe Long et Yang de la mise sur pied de sa propre compagnie précisant que cela ne change rien aux produits qu’il offre et vend : des produits London, en matière d’assurance de personnes et de fonds distincts, et des produits Quadrus pour les fonds communs.

[41]        À l’automne 2006, alors que Long accepte finalement le conseil de Wang voulant qu’il y ait lieu de transformer les investissements américains en canadiens, toutes les sommes encore investies chez Templeton sont retirées, transformées en devises canadiennes et placées chez London. À compter de ce moment-là, bien que Quadrus conserve les sommes déposées dans les comptes Quadrus, il n’y aura plus d’activités de dépôt ou de retrait additionnel dans ces comptes jusqu’à l’automne 2008, alors que le mandat de Wang prendra fin, comme en témoigne Long au procès :

Depuis le mois d’août deux mille six (2006) où on a arrêté de placer l’argent dans les comptes de Quadrus, on ne vérifiait pas vraiment, - non, - on ne s’occupait pas vraiment du compte de Quadrus. L’argent est resté là.

(…)

C’était le huit (8) octobre deux mille huit (2008), euh! j’ai demandé à monsieur Wang de retirer tout mon argent, y compris l’argent dans le compte de Quadrus pour les placer dans le marché monétaire.

[Transcrit tel quel]

[42]        Au fil des ans, et à tout le moins jusqu’à l’été 2008, Long et Yang sont satisfaits des placements réalisés et de leurs rendements dont ils assurent un suivi régulier par Internet, alors qu’ils possèdent des accès sécurisés (avec code d’accès et mot de passe) dont ils font usage.

[43]        En 2007, Long et Yang sont informés, par une tierce partie, du caractère plutôt risqué de certains de leurs investissements. Lors de son interrogatoire au préalable avant défense de mars 2011, Long décrit le contexte dans lequel lui-même et Yang sollicitent l’opinion d’une amie conseillère financière : « [e]n l’an deux mille 2007, ma femme et moi, nous trouvions que la fluctuation était importante chez les produits de London Life et nous avons consulté une conseillère financière nommée Chen Hui Fen ». Quant à Yang, aussi interrogée avant défense le même jour, elle raconte ce que leur a dit cette conseillère en ces termes : « [v]ous m’avez dit que vos investissements étaient placés dans des produits très très sécuritaires, mais j’ai pensé que ce ne sont pas des produits très sécuritaires. »

[44]        Au cours de l’année 2008, les fluctuations observées sont plus fréquentes et souvent à la baisse, Long et Yang s’activent.

[45]        À l’été 2008, à la suite de leur retour de Chine, ils rencontrent Wang alors que les gains réalisés au fil des années s’estompent peu à peu bien que leur capital demeure intouché. Wang les rassure et leur conseille de ne rien modifier.

[46]        Septembre 2008, Long et Yang entrevoient l’atteinte de leur capital. Inquiets, ils contactent Wang à qui ils demandent de tout transférer dans un compte à très faible risque tel que le marché monétaire.

[47]        Contrairement aux instructions reçues, Wang transfère le tout dans les fonds immobiliers de London. Le lien de confiance qui l’unit à Long et Yang est irrémédiablement brisé.

[48]        Pour la première fois, Long et Yang utilisent la ligne téléphonique du service à la clientèle de London et ils portent plainte.

[49]        Le 12 novembre 2008, le mandat de Wang prend fin et Long et Yang demandent à un autre conseiller financier de London de prendre la suite.

[50]        Ces événements de l’année 2008 se produisent alors qu’une crise financière sévit et que nul ne l’a vu venir.

[51]        Puisque Long et Yang estiment avoir subi des pertes dont Wang, Wang Inc., London et Quadrus seraient responsables, ils introduisent un recours en dommages causés par une mauvaise gestion de leurs investissements et par un manque de surveillance.

Le jugement dont appel

[52]        Comme entrée en matière, dans les cinq premiers paragraphes de son jugement, le juge décrit le contexte du litige à décider et les questions qu’il soulève :

1.         INTRODUCTION

[1]        This case illustrates the old adage that friendship and money do not mix.

[2]        Having formed a close social and professional relationship with their financial planner, Mr. Dun (Victor) Wang, the Plaintiffs fired him after they lost some of their savings during the financial crisis of 2008.

[3]        They hold Mr. Wang and his firm, Victor Wang Investments and Wealth Management Inc. (“Wang Inc.), London Life Insurance Company (“London Life”) and Quadrus Investments Services Ltd. (“Quadrus”) responsible for the losses they suffered because Mr. Wang did not properly assess the suitability of their investments.

[4]        The Defendants request that the claim be dismissed.

2.         ISSUES TO BE DECIDED

[5]        The Court proposes to analyse the following issues:

a)         were Mr. Wang and his firm, Wang Inc., faulty in the fulfillment of their mandate?

b)         are London Life and/or Quadrus responsible for the acts of Mr. Wang and Wang Inc.?

c)         in the event that a fault of one or more of the Defendants is established, was it the cause of the losses suffered by the Plaintiffs?

d)         in such event, what are the damages to be awarded?

e)         are punitive damages appropriate?

[53]        Il présente ensuite les différentes parties et entreprend immédiatement l’analyse des cinq questions identifiées.

[54]         Au sujet de la responsabilité de Wang et de Wang Inc. dans l’exécution de leur mandat (la première question), il résume ainsi les principes de droit applicables à l’évaluation de leur conduite à titre de conseiller financier et identifie les deux sous-questions auxquelles répondre afin de conclure :

[14]      What needs to be determined is whether Mr. Wang conducted himself as would have a reasonably prudent and diligent financial planner in similar circumstances.  In the case of Rénald Ringuette and Henriette Larochelle v. Financière Banque Nationale Inc., Mr. Justice Daniel W. Payette, succinctly sets out the legal analysis to be carried out in such circumstances.  He explains that a financial advisor has a duty of care towards a client and that he must act in his best interest with prudence, diligence, honesty and loyalty.

[15]      A financial advisor has the obligation to make a diligent and business like effort to know his client.  Once he does, he must then provide competent advice.  It must be appropriate and in keeping with the client’s investment objectives, risk tolerance and financial circumstances.  For example, if a financial planner is asked to invest a sum for a young couple looking to purchase a home in a few years, he should suggest a safe and low risk product.  A mutual fund with expensive back loaded fees would be unsuitable.

[16]      He must explain things to the client in sufficient detail and in a balanced manner. The positive and negative factors should be indicated.  He should, for instance, inform the client of the inherent risks of a proposed investment and ensure that the client understands his explanations.

[17]      The intensity of the obligations of a financial advisor will vary according to the object of the mandate and the circumstances of each client relationship.  It will, for example, differ depending on the degree of knowledge of a client.  A financial advisor will have a higher duty of care if the client is not an informed investor.

[18]      The obligation of a financial planner is one of means not of results.  A poor investment return on a high risk product is not necessarily synonymous of faulty advice depending on the given facts of a case.

[19]      A client also has obligations.  He cannot operate as an ostrich.  He must be prudent and make a minimum effort to understand the information that is provided to him.

[20]      With this in mind, we will now look at the present situation in two phases:

a)         firstly, did Mr. Wang fulfill his obligation to know his clients?

b)         secondly, did he provide them with competent investment advice?

[Référence omise]

[55]        Procédant à une analyse de la preuve documentaire et des témoignages (notamment ceux des parties et des deux témoins experts entendus à leur demande), le juge conclut, quant à la première sous-question, que Wang ne s’est pas déchargé de son obligation de bien connaître ses clients (« Know your client rule ») et d’évaluer adéquatement leurs besoins, objectifs et profils, en ces termes :

[101]    The Court concludes that Mr. Wang did not fulfill his statutory obligation to properly assess Mr. Long’s and Mrs. Yang’s situation, for several reasons.

[102]    To begin, there is the nagging issue of who is telling the truth as there are two versions of the clients’ investor profiles.

[103]    The Court considers that Mr. Wang’s version of events is not credible.  His initial portrayal of Mr. Long and Mrs. Yang as advanced, experienced and informed investors is simply not supported by the evidence.

[104]    The clients’ limited investment knowledge is reflected in his own handwritten notes.  The information he gave them is very basic.  Such particulars are not necessary for advanced investors.  Further, the constant and regular meetings necessary to educate them show that they were not informed.

[105]    Mr. Long and Mrs. Yang’s testimony has been obtained with the assistance of French-Mandarin translators.  It is not always easy in such circumstances to get a proper sense of a witness’ sincerity and credibility.  In this case, however, they have spoken forcefully, without hesitation and in a consistent manner throughout about their situation and their initial meetings with Mr. Wang.

[106]    This leads the Court to conclude that in 2005 they were essentially unilingual Chinese speaking with little investment knowledge.  As they could not read the English language forms and documents submitted to them, they were almost entirely dependent on Mr. Wang as their bridge with the English language investment world of London Life and Quadrus.  In such circumstances, Mr. Wang had a high duty of care.

[107]    Secondly, the Court concludes that Mr. Wang failed his professional obligation to make a diligent effort to properly document the financial and personal circumstances of the clients.  As we have seen above, the KYC forms completed by Mr. Wang do not objectively reflect all material information about their status and situation.

[108]    Although Mr. Wang spent a lot of time with them and he took many notes during his first meetings, as he did on a flip board when he testified during the trial, the Court concludes that the information he transcribed on the KYC forms and the insurance needs analysis document is flagrantly defective.  The KYC forms and the Investment Voyager do not match the more candid and spontaneous information found in Mr. Wang’s handwritten notes where it is emphasized on several occasions, that the clients’ primary investment objectives was the security of their capital.  They also clearly expressed that their investments should be cashable at any time.

[109]    After having reviewed and explained his handwritten notes during the hearing, Mr. Wang concluded that the three principal objectives of the clients were the following:

a)         to make a lot of money;

b)         to pay the less taxes possible; and

c)         to obtain the security of their investments.

[110]    The Court considers that he is mistaken.  He has the clients’ priorities in the wrong order. The handwritten notes reflect first and foremost that capital preservation is of great importance.  The clients appear therein to be conservative: seeking income with maximum capital preservation over the short term.

[111]    The Court is convinced that the KYC documents of March 2005 are a fictional description of Mr. Long and Mrs. Yang.  They are missing important information and contain flaws and contradictions.  Nowhere is it identified that the primary objective is to preserve the clients’ capital or that they are retirees hoping to live off their savings.  They are wrongly qualified in two documents as 6 to 10 (KYC) and 11 to 19 (Investment Voyager) year investors.  In fact, they were not long term investors as they wanted the ability to cash in their investments at all times.

[112]    Thirdly, the Court is left with serious questions about the authenticity of the undated and unsigned Investment Voyager form.  Is it a forgery?  It is a pure invention drafted by Mr. Wang in the fall of 2008 when he was asked to produce one by the clients?  One observes the notable coincidence that the profile of investors depicted therein matches the portfolio in place in October 2008.  It even correctly identifies that they are not sure they would be willing to hold on if its value dropped suddenly.

[113]    In any event, the advanced investor’s assessment established in the document is incorrect.  It is so uncharacteristic of their profiles that it is jarring.  During her testimony, Mrs. Marquis convincingly showed that at least, seven answers (nos. 2, 5, 6, 11, 12, 14 and 16) are not representative of them.  To be an “advanced” investor, one needs an exceptionally strong stomach and nerves of steel.  This was plainly not Mr. Long’s and Mrs. Yang’s profile.

[114]    The only advanced investor in Mr. Wang’s office on March 17, 2005 when he met with the clients was Mr. Wang himself.  To contend that the clients were such investors in 2005 is defending the non-defendable.

[115]    Both experts agree that the correct investor profile for Mr. Long and Mrs. Yang should have been balanced investors.  As such, they should have invested their savings in a mixture of equity and fixed income given their moderate tolerance to risk.  As we will see hereinafter, the initial mix of investments selected by Mr. Wang reflected such a moderate tolerance to risk.

[116]    Fourthly, there is something important missing in Mr. Wang’s handwritten notes.  Everything is so positive that it is euphoric.  There is no balance at all.  There is no explanation or warning that the clients’ stated objectives could not be realized or respected.  Nowhere is the Chinese word for risk noted.  On the contrary, with London Life products, security is 100% guaranteed.  Nor is the inevitable danger of losing one’s capital with the various funds referred to.  Nowhere is it indicated that the past performance of the funds examined are not a guarantee or a reliable indicator of future results or that all investments contain risk and may lose value.

[117]    There is no discussion of fees.  Rather, the words “no commission” are once indicated.  No load, front end or back loaded redemption fees are not explained.

[118]    Finally, the Court concludes that if the objective of the life insurance policies was to keep the clients’ capital intact, then Mr. Wang should have documented those objectives in a thorough manner in writing that justified the purchase of such policies.  Instead, he submitted a needs analysis form to his supervisors at London Life that did not reflect an accurate picture of who the clients were.

[Références omises, caractère gras et soulignement ajoutés]

[56]        Quant à la seconde sous-question (le caractère adéquat des conseils), reprenant notamment l’historique du processus suivant lequel leurs relations se sont formées, développées et brisées, le juge retient que Wang n’a pas fourni les conseils financiers appropriés dans les circonstances. De nouveau, il énonce plusieurs raisons qui étayent sa conclusion. Voici comment il s’exprime :

[225]    The Court concludes that Mr. Wang did not provide competent investment advice for several reasons.

[226]    Firstly, the record reveals that Mr. Wang has lax ethical values.  He committed a number of improprieties that are contrary to London Life’s Code of Ethics.  Among others:

a)         he had the clients sign blank London Life and Quadrus’ forms and Toronto-Dominion Bank cheques;

b)         he engaged in discretionary trading; and

c)         he did not have a good record retention practice of the clients’ file.

[227]    In addition, the Court considers questionable that he allowed London Life and Quadrus’ statements and documentation to be sent to his home or to other addresses controlled by him and he was involved in the opening of a separate Toronto-Dominion Bank account.

[228]    This misconduct was not done merely to accommodate the clients’ absences.  It also permitted Mr. Wang to invest in a discretionary manner without the benefit of full disclosure to the clients and to his supervisor(s) at London Life and Quadrus.  The evidence clearly shows that numerous transactions were made without the clients’ prior authorization and understanding.  If and when he notified them, it was generally after the fact.  This allowed him to quietly increase the risk of the portfolio without the clients’ knowledge.

[229]    Secondly, the initial balanced asset mix of investments, that is 60% income fund and 40% real estate fund selected in the presence of the clients in the spring of 2005 did not last.  Over time, Mr. Wang transformed their portfolio from low-moderate to high risk.  Yet, the clients’ low risk investment objectives had been clearly stated at the beginning of the relationship.

[230]    The Court considers that Mr. Wang either wrongly assessed their needs, objectives and profiles as advanced investors in March 2005 or he lacked the discipline to respect the boundaries imposed by their conservative profiles.  He invested their savings in a manner that was inconsistent with their moderate needs and objectives.

[231]    Certainly, no one can fault Mr. Wang for his friendly relationship with the clients and the fact that it is in his nature to help people.  He clearly went well beyond his duty when he provided friendly services such as storing their car and guaranteeing their lease agreement.

[232]    Notwithstanding his goodness, he was clearly imprudent and undisciplined.  His primary goal should have been to protect his clients’ money.  He had no business making bets with their savings or in trying to persuade them to make those bets by creating an improperly balanced portfolio with higher than average volatility.  The specific funds selected may have been wholly adequate but they were not sufficiently balanced between fixed income/bonds and equities.

[233]    As a financial planner and a close family friend entrusted with his clients’ life savings, Mr. Wang had a nearly sacred trust and fiduciary obligation to establish a portfolio with a suitable asset mix aligned with the level of returns and tolerance for risk best suited for them

[234]    It is troubling to see that he even invested the money set aside to purchase the family residence in equity funds when a reasonably prudent planner would have selected a lower risk strategy.

[235]    The market momentum caused by a bull market can temporarily reward those who take risks during such periods.  Mr. Wang seems to have forgotten how downward market forces can quickly punish excessive risk when it suddenly corrects.  He sabotaged his initial balanced investment plan.  Successful investing is a long term process.  Letting time do its work is one of the most important ingredients of a successful investment plan.

[236]    One is reminded of the old adage that defines investing as gambling with odds in your favour.  There is indeed, in this case, a thin artificial line between gambling and investing.  The use of the multiple number 8 of the insurance policies is but one example of this.  Mr. Wang’s focus on a prospective price change when contemplating a purchase or the conversion of currency is a form of speculation.  The expressed desire of having a few days to recoup losses is another example.  This is Casino investing.

[Références omises, caractère gras et soulignement ajoutés]

[57]        En raison des moyens de défense proposés par Wang et Wang Inc., et bien qu’à son avis ces derniers ne se soient pas adéquatement déchargés de l’obligation de conseil, le juge se demande aussi si Long et Yang ont ratifié le plan d’investissements plus risqué que Wang a effectivement mis en œuvre au fil des mois et des années.

[58]        Malgré les nombreux éléments de preuve voulant que Long et Yang aient été pleinement conscients de la volatilité de leurs investissements entre 2005 et 2008 et la preuve qu’ils ont requis de leur nouveau conseiller, en mai et juin 2009, qu’il effectue des investissements risqués, contrairement aux profils dégagés depuis les réponses fournies aux formulaires KYC alors complétés, le juge rejette l’idée d’une telle ratification. Il écrit :

[239]    In the case at hand, they were the targets of a skilled salesperson who pushed an inappropriately hazardous strategy.  All that was clear for them before the fall of 2008 was that Mr. Wang’s investment plan was generating profits.  They were quite happy with that.  They often asked questions about the evident volatility for their portfolio but were reassured by their confident friend.

[240]    Human emotions can be powerful drivers behind investment decisions.  Trusting others too much is the ruin of many.  As unsuspecting and inexperienced investors, Mr. Long and Mrs. Yang were ensnared by Mr. Wang’s affable euphoria and friendship.  He had connections and an impressive scope of knowledge in an area unfamiliar to them.  They trusted him fully.  He was one of the cornerstones of their integration in Montreal.

[241]    The Court is convinced that Mr. Wang did not fully disclose the risks associated with the “very secure” funds he said he selected for them and the fees associated with them.  It believes the testimony of Mr. Long and Mrs. Yang to the effect that:

a)         they believed that the strategy selected by Mr. Wang was to secure their capital;

b)         they were not aware of the redemption fees associated with their segregated funds, given their stated intent that the investments be cashable at any time; and

c)         they did not know they were nearly wholly invested in equities until they had lost all the profits they had made and then some.  Here is how they described it to London Life in their letter to the ombudsman of November 2008:

After we saw many losses, we kept asking him whether he put our money in equity funds.  He admitted that he did, but he told us that he had “just put a little money in equity funds”.  In fact, he had already put 100% of our money in equity funds then.

[integral text]

[242]    This explains their angry reaction in October 2008 when they saw that they had lost less than 1% of their capital and their surprise to learn of the redemption fees to be paid if they withdrew all of their funds.

[243]    Further, the Court does not consider that the investments made by the clients in May and June 2009, of some $490,000, from the money market fund to the Canadian Resources Equity Fund and the Canadian Equity Fund, to be contrary to their conservative investor profile or proof that they were willing to accept more risk then they would like us to believe, given that this sum is only a small portion of their overall capital.

[Référence omise]

[59]        En guise de conclusion, quant à la première question portant sur la responsabilité de Wang et Wang Inc., le juge ajoute :

[244]    In closing, the Court notes that there is no proof of any financial misappropriation by Mr. Wang or that the objective behind his hyperactive management was to generate commissions even though there is evidence that shows that Mr. Wang generated some $115,000 in commissions from the clients during his mandate.  Were his services worth every penny?  Certainly not.  There is, however, no direct proof that these fees were generated by the multiple transactions made by him.

[245]    Finally, the Court considers that Wang Inc. is liable for the faults of Mr. Wang. There is no proof that it was able to supervise him.  He signed the annual Code of Ethics compliance declarations on behalf of the firm, knowing full well that he was not respecting London Life’s Code of Ethics.

[Référence omise]

[60]        Le juge aborde ensuite l’examen de la responsabilité de London pour les faits de Wang et Wang Inc. et de celle de Quadrus pour ceux de Wang (la deuxième question).

[61]        Alors que Wang a démissionné en novembre 2005 aux fins de mettre sur pied son propre cabinet en assurance de personnes et d’en devenir un représentant, le juge distingue la source de la responsabilité de London pour les faits de Wang selon la période. Avant la démission de Wang en novembre 2005, il retient que London est responsable en qualité de cabinet-employeur. Par la suite, il conclut que London est également responsable, mais alors selon la théorie du mandat apparent. Voici ses explications :

[257]    Article 2163 C.C.Q. stipulates that an apparent mandate exists when a person allows a good faith third party to believe that a mandate exists.

[258]    The jurisprudence teaches that an apparent mandate will exist when four conditions are in place:

a)         there exists no formal mandate;

b)         the third party must be in good faith;

c)         the circumstances must have created the appearance of a mandate; and

d)         there are no appropriate measures that were taken to prevent the error.

[259]    In the present circumstances, the Court considers that there was an apparent mandate in place.  As such, London Life remained liable for the faults of Mr. Wang after November 2005.

[260]    There was no formal mandate once Mr. Wang resigned as an employee of London Life.  The good faith of the clients is presumed and it has not been challenged by the Defendants.  It is noted that Mr. Wang’s change of status and London Life’s release of responsibility were not properly notified or explained to the clients.

[261]    They were told by Mr. Wang that nothing would change for them.  He recalls that he told them that he had incorporated his own company and that they had rejoiced over his growing success.  He concedes that he did not send them a letter containing the sample wording that had been suggested by London Life to explain that he was no longer an attached representative with London Life.  He admits as well that he did not explain to them that he would no longer be supervised by London Life or that the change could have an impact on their account.

[262]    Mr. Long remembers that throughout Mr. Wang’s three years’ mandate, he spoke to him about the fact that London Life was one of the most important financial firms in Canada.  He often referred to it as “our company”.  He recalls that in 2007 Mr. Wang had written to notify them of his success within the company: he was the number 10 representative of London Life in Canada, number 4 in Quebec and number 1 in Montreal.  Throughout the mandate, Mr. Wang used email addresses that contained London Life’s “Freedom 55” logo: “@F55.com” and: “@freedom55financial.com”.

[263]    On December 5, 2011, Mrs. Michèle Hélie, who was responsible for London Life’s regulatory compliance team testified after plea.  She admitted that London Life did not send the clients a notice to advise them of Mr. Wang’s change of status in November 2005.  She explained that this is normally left to the representative who has the interest of doing so from a marketing point of view.  Instead, she pointed out that the change in status of the account is identified on the semi-annual statements sent to them where one can see that Wang Inc. (not London Life) is the supervisor and servicer of the account.

[264]    She related that in December 2005, she audited Mr. Wang’s practice and she noted that he had not yet changed his business card to reflect his change of status.  When he was re-inspected in August 2006, she noted that he had now done so.  She recalled as well that Wang Inc’s draft letter to the clients was examined by her in December 2005.  She advised him that it was missing a paragraph.  She did not, however, follow up to ensure that it was sent to clients.

[265]    Mrs. Hélie stated that there were several audits of Wang Inc. and ongoing training of Mr. Wang following the incorporation of the company.  A document submitted lists nine professional development courses London Life offered between May 2006 and August 2011.  We can see that Mr. Wang attended five of them.  It also lists the audits conducted during the years 2004, 2005, 2006 and 2007.  She explained that the audits done after November 2005 were part of London Life’s process of verifying that newly formed corporate representatives received training, education and consultation necessary to ensure that they knew how to respect their regulatory compliance obligations.

[266]    She acknowledged that even though Mr. Wang’s office was in London Life’s business centre, that had a manager in charge of the office, it was Wang Inc. (that is, Mr. Wang himself) who was solely responsible to supervise Mr. Wang.

[267]    As stated, the evidence submitted indicates that there were several compliance audits carried out by London Life.  There are, however, only two of them in the record.

[268]    In the first one, it was noted in November 2004, that London Life had some concerns about Mr. Wang’s maintenance of his files.  Among other things reported, it was recommended that Mr. Wang:

a)         should keep notes of all communications with clients;

b)         copies of all transaction forms should be in the clients’ file;

c)         clients should be provided with copies of all forms;

because this had not been satisfactorily done.

[269]    The second audit in evidence, dated November 23, 2007, is particularly interesting because it specifically concerns a review of Mr. Long’s client file.  With the benefit of hindsight and in light of what we know, we can see that this audit was cursory and inadequate.  It gives the impression of having been simulated.  The only brief written record is that there is insufficient documentation of the contacts with the client and that this should be completed.  The manager stated that no follow-up was required.  Most of the items to be verified are not filled in or checked off.

[270]    There is little evidence that was submitted about the supervision of Mr. Wang by London Life and Quadrus between March and November 2005 at a time when he was rather novice as a financial security advisor with only four years of work experience.  The evidence thereafter is also threadbare.

[271]    From the audit of 2004, London Life knew that Mr. Wang was sloppy with file documentation. This should have raised a red flag and required a closer follow up. The Court is left with many unanswered questions:

a)         did London Life have a way of understanding Mr. Wang’s handwritten Chinese notes of his meetings with his clients?

b)         how did it not pick up that the KYC forms were missing relevant information and that there were certain contradictions in the answers given and the proof submitted of four different profiles in the clients’ files?

c)         how could the right hand not have noted the absence of capital on the insurance analysis forms when the left hand held some $2M U.S. in investments?

d)         why did no one notice or raise an issue about the $670,000 that was deposited some two weeks after the bank draft for same?

e)         how were the signed blank documents and cheques missed?

[Références omises]

[62]        Le juge traite de la responsabilité de Quadrus dans les cinq paragraphes suivants :

7.1          Position of the parties

7.1.2    Mr. Long and Mrs. Yang

[272]    The Plaintiffs point out that Mr. Wang was a representative of Quadrus throughout his mandate with them.  As a firm responsible for his supervision, it is responsible for any injury they suffered.

7.1.2    Quadrus

[273]    Quadrus states that it fulfilled its responsibility to oversee the conduct of Mr. Wang.  It points out that the clients received all the information required about their Quadrus investments:

a)         they received the prospectus and financial statements of the funds purchased given that they placed their initials on the Quadrus forms on which they acknowledged receiving same.  They also acknowledged on the document  that investments in mutual funds were not guaranteed;

b)         they received a prospectus and a confirmation of purchase each time a mutual fund was purchased and the by-annual summaries of their Quadrus accounts.

[274]    It says that there was never any complaint from the clients during Mr. Wang’s mandate.

7.2       Analysis

[275]    Pursuant to Section 80 of the DFPS Act, Quadrus is responsible for the faults of Mr. Wang in the present case.

[276]    Furthermore, Quadrus does not appear to have adequately supervised Mr. Wang’s sale of Franklin Templeton and Quadrus mutual funds to the clients.  No evidence has been submitted that Mr. Wang was supervised by a Quadrus manager other than the appearance of initials on KYC forms and purchase orders.

[63]        Ayant conclut à la responsabilité de tous, le juge analyse le lien de causalité (la troisième question).

[64]        Il retient que les fautes sont causales d’un dommage dont les parties défenderesses ne peuvent se libérer ni en raison de la crise économique de 2008 ni à la suite de la décision de Long et Yang de vendre sans délai. Il écrit :

[281]    Certainly, it is well known that it is not the time to sell when there is blood on Wall Street or Bay Street.  Ten days after they sold their funds on October 17, 2008, the New York Times published a letter written by Mr. Warren Buffett.  He is one of the world’s richest men and most famous investors.  He is trusted for his common sense and admired for his investment results by many wise long term investors.  He wrote that it was the time to buy shares of sound American companies.  Mr. Buffet explained that a simple rule dictates his purchase of investments: “Be fearful when others are greedy, and be greedy when others are fearful.

[282]    It indeed takes a lot of courage not to get emotional and panic, that is, to keep your head on when markets tumble.  History teaches us that Mr. Buffett is a courageous investor because the S&P 500 index dropped another 30% between October 1, 2008 and March 31, 2009.  It has since recovered spectacularly allowing him to maintain his hero status.  They do not call him the “Oracle of Omaha” for nothing.

[283]    In this instance, however, the Court finds that Mr. Long and Mrs. Yang did not have to exercise the necessary qualities of patience, perseverance and economic forethought for several reasons.

[284]    Firstly, the preconditions of staying put were not in place.  They had lost complete confidence in Mr. Wang who they believed had deceived them.  Mr. Wang’s relationship with his clients had become emotional and stressful as they had lost faith in their close friend.  Things were highly charged because their relationship with him was based on something very important to them: their life savings.

[285]    Secondly , their portfolio on October 8, 2008 did not meet their objectives and needs of security of capital as it was not balanced having been invested nearly all in equities.  It is unreasonable to conclude that in such circumstances they should have kept their holdings intact with Mr. Wang or with any other financial planner.

[286]    Finally, the Court considers that the financial crisis of 2008 does not constitute an autonomous fact that is independent of the fault of Mr. Wang.  It is not a stand-alone cause of the losses they suffered.  Nor does it create a breach in the causality that links the faults of Mr. Wang and the losses suffered by the Plaintiffs.

[Référence omise]

[65]        Cela dit, le juge traite des questions relatives au quantum des dommages compensatoires et punitifs (les questions quatre et cinq).

[66]        Pour le calcul des dommages compensatoires, le juge applique les principes que voici :

[293]    The Court concludes that Mr. Long and Mrs. Yang sustained damages to be established on the basis of the investment returns they would have achieved if their capital had been correctly invested to reflect their conservative profile.

[294]    The Court considers that the appropriate manner of calculating the damages is as follows:

a)         the reference index to be used should be composed of funds having a mix of 60% fixed income/bonds and 40% shares. This somewhat resembles the initial mix selected in May 2005 and it corresponds to the clients appetite for a low risk portfolio;

b)         the period of time to be considered is between March 12, 2005 and November 12, 2008, the date Mr. Zhou was appointed their new advisor after a period of consultation.  This provides a full picture of the amounts earned and lost during the mandate.  There is no need for a three month transition period given that all of their investments were in a single real estate fund on that date; and

c)         what Mrs. Marquis’s qualified as “non-authorized transactions”, should not have been excluded given that the 20% withdrawal and re-investment plan was well known and agreed to by the clients from day one.

[67]        Alors que les deux témoins experts ont fait usage de la méthode de portefeuille de référence et l’ont recommandée, mais comme ils ont utilisé d’autres hypothèses que celles qu’il envisage, le juge demande, à la suite de la mise en délibéré, la communication de calculs additionnels, ce qu’il mentionne d’ailleurs dans le jugement. Il résume, ensuite, le contenu des rapports additionnels reçus et il énonce la conclusion à laquelle il aboutit, soit une condamnation de 641 017,30 $.

[295]    Pursuant to a request from the Court, the parties were asked to submit their expert advice on how to calculate the damages with the abovementioned parameters.  The following is the expertises that were provided:

A.         Mtre. Jean Turcotte

[296]    Mtre. Turcotte submitted an analysis of the damages dated May 6, 2014 and a critique of Mrs. Marquis’ analysis of May 7th, dated May 15th.  He used a referenced model consisting of 60% fixed revenues, 30% Canadian shares (S&P/TXS Index), 5% U.S. shares (S&P 500 Index) and 5% international shares (S&P Global 1200 Index).  He then compared the value of the clients’ portfolio from March 2005 to November 12, 2008 with the reference model.  He then deducted from the accumulated losses the profits generated by the Franklin Templeton funds.

[297]    Having done so, he concludes that the losses suffered by the clients to be $309,719.

B.        Mrs. Jocelyne Marquis

[298]    Mrs. Marquis used a different method to calculate the damages of the clients.  In her letters of May 7th and 29, 2014, she proceeded by using a reference model composed of 60% Canadian bonds (DEX Universe Index) and 40% Canadian shares (S&P/TSX Index).  Instead of deducting the profits generated from the Franklin Templeton funds, she analyzed what the sums invested in Franklin Templeton funds would have generated had they been invested correctly from the beginning as per the reference model (60% Canadian bonds and 40% Canadian shares).  She calculates the gains that would have been obtained with those funds until November 12, 2008.

[299]    She concludes that the losses suffered by the clients total $641,017.30.

9.2.1    Conclusion

[300]    The Court considers the analysis proposed by Mrs. Marquis to be the most transparent, thorough and convincing.  It agrees with her that Mtre. Turcotte undervalues the damages by deducting the gains realized in the Franklin Templeton funds without taking into consideration the losses suffered because they were not invested in accordance with the reference model.

[301]    It will, therefore, order the Defendants to pay the Plaintiffs the sum of $641,017.30.

[68]        Le juge rejette la réclamation pour dommages punitifs qu’il considère mal fondée en l’absence de comportement malveillant.

[69]        Finalement, il prononce une condamnation solidaire, fondée sur l’article 1480 C.c.Q. entre London et Quadrus, écrivant notamment à ce propos :

[315]    Hence, there exists solidarity between Mr. Wang, Wang Inc. and London Life with respect to the losses suffered with the London Life segregated funds.  There is also solidarity between Mr. Wang, Wang Inc. and Quadrus in respect to losses suffered with respect to the Franklin Templeton funds and Quadrus mutual funds.

[316]    Is there solidarity between London Life and Quadrus?

[317]    The Court concludes that there is solidarity pursuant to Article 1480 C.C.Q.

[318]    Although London Life and Quadrus are separate corporate entities, there is no evidence that Mr. Wang was adequately supervised by either of them.  The investments made by Mr. Wang for Mr. Long and Mrs. Yang have to be seen as a single and global portfolio consisting of various different products.  The first investment was a Franklin Templeton fund.  This was followed with London Life segregated funds and insurance policies.  20% of the London Life funds are then withdrawn and invested in Quadrus funds.  We see the movement of funds back and forth and in and out like musical chairs.  Where they ended up is almost accidental and not reflective of the respective faults committed by the Defendants.

[Référence omise]

L’analyse

[70]        Passons maintenant à l’analyse des moyens d’appel.

[71]        Voici mon plan de présentation : la norme d’intervention et le rôle d’une cour d’appel, l’environnement législatif pertinent, les sept moyens d’appel dans le dossier Wang (ce qui inclut le quantum des dommages), les trois moyens d’appel restants dans le dossier London-Quadrus et les conclusions.

La norme d’intervention et le rôle d’une cour d’appel

[72]        Plusieurs moyens d’appel soulèvent des questions de fait ou des questions mixtes de fait et de droit, de sorte que la norme de l’erreur manifeste et déterminante s’y applique[3]. S’y ajoutent les enseignements de la Cour quant à la déférence dont une cour d’appel doit faire preuve lorsque les moyens d’appel proposés mettent en jeu des questions d’évaluation d’une preuve contradictoire, de crédibilité de témoins ou de fiabilité de leurs propos[4] et d’évaluation de dommages, notamment d’une preuve de dommages par témoins experts[5].

[73]        Comme l’énonce la Cour suprême, sous la plume des juges LeBel et Deschamps, dans AAB inc. c. Domtar inc.[6], l’intervention d’une cour d’appel peut tout de même s’avérer nécessaire, en prenant appui sur les faits retenus par le juge, lorsque ce dernier erre quant aux conséquences qu’il faut en tirer :

34        Dans la discussion de la position de la Cour d’appel, il importe de bien saisir la nature de son intervention à l’égard des faits. Des distinctions fondamentales s’imposent. Dans Desgagné c. Fabrique de St-Philippe d’Arvida, [1984] 1 R.C.S. 19, la Cour distingue la qualification juridique des faits de leur appréciation proprement dite. Ainsi, une cour d’appel a le pouvoir, dans l’exercice de sa compétence, de requalifier juridiquement des faits dont elle accepte par ailleurs la détermination par le tribunal de première instance. Le juge Beetz s’exprime ainsi (p. 31) :

Les procureurs des intimés et de l’appelante Lauréanne Harvey Desgagné ont soutenu que le caractère graduel de la manifestation des vices de construction est une question de fait qui relève de l’appréciation souveraine du juge de première instance. Ce n’est pas mon avis. Il s’agit plutôt d’une question de qualification et par conséquent de bien plus qu’une simple question de fait. Il faut en effet appliquer aux faits le concept juridique de manifestation graduelle de l’art. 2259, au même titre par exemple que dans une affaire de responsabilité civile, il faut qualifier ou non de faute au sens de l’art. 1053 l’acte ou l’abstention d’une personne. C’est là porter un jugement essentiellement normatif. Il ne s’agit donc pas de substituer ma propre appréciation de la preuve à celle du premier juge, mais de tirer des conclusions en droit à partir des faits qu’il a lui-même considérés comme établis. Lorsqu’une juridiction d’appel accepte toutes les conclusions de fait  proprement dites du premier juge, comme je le fais, elle est en aussi bonne position que lui pour qualifier ces faits.

35        Un peu plus tard, dans Placement Jacpar Inc. c. Benzakour, [1989] R.J.Q. 2309, p. 2318, la Cour d’appel a confirmé que la nature juridique de la distinction entre un vice caché et un vice apparent est elle aussi une question de droit :

Pour [Benzakour], la qualification de vice caché serait fondamentalement une question de fait. Avec respect pour l’opinion exprimée dans l’affaire Lafontaine c. Audet, où l’on [y] voyait surtout une question relevant du pouvoir d’appréciation du juge du fait [p. 8 de l’opinion du juge Monet], la position de notre Cour semble plutôt à l’effet qu’il s’agit là d’un problème de qualification juridique. Elle peut aussi bien se prononcer que le juge de première instance, les faits au soutien des conclusions étant établis par celui-ci.

Voir dans le même sens : Marquis c. Saltsman, J.E. 2002-1729 (C.A.), SOQUIJ AZ-50143509, par. 51; Rousseau c. 2732-1678 Québec inc., [1999] R.D.I. 565 (C.A.), p. 568-569; Société en commandite A.C. enr. c. Wadieh, [1997] R.D.I. 345 (C.A.), p. 348; Bertrand c. Pelletier, [1997] R.D.I. 321 (C.A.), p. 325; Poirier c. Martucelli, [1995] R.D.I. 319 (C.A.), p. 320; Trottier c. Robitaille, [1994] R.D.I. 537 (C.A.), p. 538; Cloutier c. Létourneau, [1993] R.L. 530 (C.A.), p. 531; Rousseau c. Gagnon, [1987] R.J.Q. 40 (C.A.), p. 46.

[Soulignement ajouté]


[74]        Il va sans dire que le rôle d’une cour d’appel n’est pas de refaire le procès[7].

[75]        En l’espèce, Wang, Wang Inc., London et Quadrus (les parties appelantes) ne pointent pas d’erreur manifeste et déterminante dans les faits relatés par le juge dans son jugement, de sorte que mon analyse des moyens d’appel est tributaire de ces faits.

[76]        Cela dit, le juge n’analyse pas l’impact de certains faits non contestés ou non contredits essentiels, quelques-uns mentionnés dans le jugement mais pas tous, et il omet de tirer certaines conséquences qui s’imposent de la preuve qu’il retient commettant ainsi des erreurs révisables.

[77]        Voilà pourquoi l’intervention de la Cour est requise quant au quantum des dommages, dans le dossier de Wang et Wang Inc., et quant à la responsabilité et au quantum des dommages, dans celui de London-Quadrus.

[78]        Je m’explique.

L’environnement législatif

[79]        Pour conclure à la responsabilité, le juge prend appui sur la LDPSF ainsi que sur les dispositions du Code civil du Québec relatives au mandat apparent.

[80]        Voyons ce que le législateur y prévoit aux dates pertinentes.

La LDPSF (de mars 2005 à décembre 2008)

[81]        Le représentant en assurance de personnes (art. 3) tout comme le représentant de courtier en épargne collective (art. 9) est une personne physique.

[82]        Le représentant en assurance de personnes ou de courtier en épargne collective ne peut agir ni se présenter comme tel sans détenir l’autorisation requise de l’AMF (art. 12) et sans respecter les limites que lui imposent les disciplines ou catégories de disciplines inscrites au certificat émis par l’AMF (art. 13).

[83]        Le représentant en assurance de personnes doit agir pour le compte d’un cabinet (art. 14). Dans l’hypothèse où il est autorisé à agir pour plus d’un cabinet, il doit nécessairement (obligatoirement) divulguer à la personne avec laquelle il transige, au cas par cas, le nom du cabinet pour le compte duquel il agit (art. 14).

[84]        Le représentant de courtier en épargne collective ne peut agir, à ce titre, que pour un seul cabinet (art. 14).

[85]        Nul ne peut agir ni se présenter à titre de cabinet sans être inscrit, en tant que tel, auprès de l’AMF et sans détenir l’autorisation que l’AMF doit émettre (art. 71).

[86]        Seule une personne morale qui possède un établissement au Québec peut présenter une demande d’autorisation d’agir comme cabinet (art. 72).

[87]        L’AMF n’autorise une personne à agir, comme représentant ou comme cabinet, que si cette personne satisfait aux conditions prévues à la LDPSF et aux règlements qui en découlent (art. 12, 74, 76, 78, 79. 83, 220).

[88]        Le représentant doit faire preuve d’honnêteté et de loyauté envers le client et agir avec compétence et professionnalisme (art. 16). Un cabinet et ses dirigeants doivent faire de même (art. 84).

[89]        Le représentant doit divulguer au cabinet auquel il est lié et qui est concerné par la relation en cause toute l’information qu’il recueille au sujet d’un client dans ce contexte, mais à personne d’autre à moins d’une autorisation découlant de la loi (art. 23).

[90]        Le représentant en assurance de personnes doit recueillir personnellement les renseignements nécessaires lui permettant d’identifier les besoins d’un client afin de lui proposer le produit qui lui convient le mieux (art. 27).

[91]        Un représentant en assurance de personnes qui agit pour le compte d’un cabinet qui est un assureur (par exemple, Wang qui agit pour London jusqu’en novembre 2005) ou d’un cabinet qui est lié par contrat d’exclusivité avec un seul assureur (par exemple, Wang qui agit pour Wang Inc., à compter de novembre 2005, alors que Wang Inc. est elle-même liée à London par un tel contrat d’exclusivité) doit divulguer ce fait au client avec lequel il transige (art. 32).

[92]        Avant d’offrir un produit à un client, le représentant de courtier en épargne collective doit s’assurer que ce produit est adéquat eu égard à la situation financière et aux objectifs d’investissements décrits par le client (art. 51).

[93]        Le cabinet doit surveiller la qualité du travail effectué par ses représentants (art. 85) et il est responsable en cas de faute commise par ces derniers (art. 80).

[94]        Lorsqu’un représentant quitte, démissionne ou est congédié d’un cabinet, le cabinet doit communiquer l’information à l’AMF et même lui divulguer, dans certains cas, les raisons sous-jacentes à la fin de la relation (art. 104).

[95]        La responsabilité d’assurer le respect de la LDPSF est confiée à l’AMF (art. 107 et 184) de même que la mission de protéger le public (voir notamment les art. 115, 184, 218 et 220).

[96]        Le législateur accorde à l’AMF l’autorité d’adopter divers règlements pour la mise en œuvre de la loi (voir notamment art. 196, 198, 200 à 228). Ainsi, à titre d’exemples, l’AMF a adopté le Règlement sur le cabinet, le représentant et la société autonome[8], le Règlement relatif à l’inscription d’un cabinet, d’un représentant autonome et d’une société autonome[9], le Règlement sur l’exercice des activités des représentants[10], le Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant[11] et le Règlement sur les renseignements à fournir au consommateur[12].

[97]        Les représentants et les cabinets doivent obtenir et maintenir en vigueur une police d’assurance responsabilité professionnelle conforme aux exigences de la loi (art. 196) et à ses règlements[13]. Les assureurs qui les souscrivent sont tenus à diverses obligations d’information à l’endroit de l’AMF (art. 197).

[98]        L’AMF tient, conserve et rend accessible au public pour consultation un registre des représentants et des cabinets (art. 234 à 239).

[99]        Ce survol de la LDPSF complété, voici au mot à mot certains de ces articles ou extraits d’articles (tels qu’en vigueur aux périodes pertinentes aux présents motifs) qui traitent de responsabilité, de surveillance, de protection du public et de transparence :

 

80.  Un cabinet est responsable du préjudice causé à un client par toute faute commise par un de ses représentants dans l’exécution de ses fonctions.

 

Il conserve néanmoins ses recours contre eux.

 

 

 

80.  A firm is responsible for any injury caused to a client by the fault of one of its representatives in the performance of the representative’s functions.

 

However, the firm retains the remedies available to it against the representative concerned.

 

85.  Un cabinet et ses dirigeants veillent à la discipline de leurs représentants. Ils s’assurent que ceux-ci agissent conformément à la présente loi et à ses règlements.

85.  A firm and its executive officers shall oversee the conduct of the firm’s representatives. They shall ensure that the representatives comply with this Act and the regulations.

 

104.  Un cabinet qui met fin à ses engagements avec un représentant doit en aviser immédiatement l’Autorité par écrit.

 

S’il met fin à ses engagements pour des motifs reliés à l’exercice de ses activités, le cabinet doit informer l’Autorité de ces motifs.

 

 

Le cabinet qui informe l’Autorité de ces motifs n’encourt aucune responsabilité civile de ce fait.

104.  A firm that terminates its association with a representative must inform the Authority, in writing, without delay.

 

If the firm terminates its association with a representative for reasons relating to the representative’s activities, it must inform the Authority of those reasons.

 

A firm that informs the Authority of such reasons incurs no civil liability thereby.

 

107.  L’Autorité procède, aussi souvent qu’elle l’estime nécessaire, à l’inspection d’un cabinet pour s’assurer du respect de la présente loi et de ses règlements.

 

107.  The Authority may inspect a firm as often as it considers necessary to ensure compliance with this Act and the regulations.

184.  L’Autorité a pour mission de veiller à la protection du public relativement à l’exercice des activités régies par la présente loi.

 

Elle voit à l’application des dispositions de la présente loi et de ses règlements auxquelles sont assujettis les titulaires de certificat, les cabinets ainsi que les représentants autonomes et les sociétés autonomes.

 

184.  The Authority’s mission is to see to the protection of the public regarding the exercise of the activities governed by this Act.

 

The Authority shall ensure compliance with this Act and the regulations governing certificate holders, firms, independent representatives and independent partnerships.

208.  L’Autorité peut, par règlement, déterminer les renseignements qu’un représentant en assurance de personnes, un représentant en assurance collective ou un courtier en assurance de dommages doit divulguer à la personne avec qui il transige au sujet des assureurs dont il offre les produits et la façon dont il doit le faire.

208.  The Authority may, by regulation, determine the information that must be disclosed by representatives in insurance of persons, group insurance representatives and damage insurance brokers to the person with whom they are transacting business concerning the insurers whose products they offer, and the manner in which the information must be disclosed.

 

234.  L’Autorité tient et conserve un registre des représentants auxquels elle délivre un certificat.

 

 

Ce registre contient, à l’égard d’un représentant qui agit pour le compte d’un cabinet, son nom, celui de chaque cabinet pour lequel il agit, l’adresse de chaque établissement auquel il est rattaché, chaque discipline ou catégorie de discipline dans laquelle il est autorisé à pratiquer, les conditions ou les restrictions que peut comporter son certificat et sa période de validité.

 

 

 

[…]

234.  The Authority shall keep and maintain the register of the representatives to whom it has issued a certificate.

 

The register shall, in the case of a representative acting for a firm, contain the representative’s name, the name of each firm for which the representative acts, the address of each establishment to which the representative is attached, each sector or class of sectors for which the representative is authorized to act, the conditions or restrictions appearing on the representative’s certificate and the term of the certificate.

 

[…]

 

235.  L’Autorité tient et conserve un registre des cabinets, des représentants autonomes et des sociétés autonomes qu’elle inscrit.

 

 

Ce registre contient, dans le cas d’un cabinet, son nom, l’adresse de son siège et de tout établissement qu’il maintient au Québec, chaque discipline pour laquelle il est inscrit et, pour chacun de ses représentants, son nom, chaque discipline ou catégorie de discipline dans laquelle il pratique et l’établissement auquel il est rattaché.

 

 

 

[…]

235.  The Authority shall keep and maintain a register of the firms, independent representatives and independent partnerships to which it grants registration.

 

The register shall, in the case of a firm, contain its name, the address of its head office and of each establishment it maintains in Québec, the sector or sectors for which registration is granted, and the name of each of the firm’s representatives together with each sector or class of sectors in which the representative pursues activities and the establishment to which the representative is attached.

 

[…]

 

236.  Les registres contiennent, en outre, tout autre renseignement relatif aux représentants, aux cabinets ainsi qu’aux représentants autonomes et sociétés autonomes que l’Autorité estime approprié.

 

236.  The registers shall, in addition, contain any other information relating to representatives, firms and independent representatives and independent partnerships that the Authority considers relevant.

238.  Un représentant, un cabinet, un représentant autonome ainsi qu’une société autonome informent l’Autorité, de la façon prévue par règlement, de tout changement à un renseignement contenu au registre le concernant.

238.  Representatives, firms and independent representatives and independent partnerships shall inform the Authority, in the manner prescribed by regulation, of any change affecting the information contained in the register in their regard.

 

239.  L’Autorité tient les registres à la disposition du public sauf celui visé à l’article 240. Toute personne peut, en acquittant les frais fixés par règlement, en obtenir copie.

239.  The Authority shall keep the registers available for public consultation, except the register referred to in section 240. Any person may obtain copies on payment of the fees prescribed by regulation.

 

Le mandat apparent (C.c.Q.)

[100]     Pour conclure à la responsabilité de London, le juge applique la théorie du mandat apparent, prenant appui sur les articles 2160 et 2163 du Code civil du Québec, ainsi rédigés :

 

2160.  Le mandant est tenu envers le tiers pour les actes accomplis par le mandataire dans l’exécution et les limites du mandat, sauf si, par la convention ou les usages, le mandataire est seul tenu.

 

 

Il est aussi tenu des actes qui excédaient les limites du mandat et qu’il a ratifiés.

 

 

2160.  A mandatory is liable to third persons for the acts performed by the mandatary in the performance and within the limits of his mandate unless, under the agreement or by virtue of usage, the mandatary alone is liable.

 

The mandatory is also liable for any acts which exceeded the limits of the mandate, if ha has ratified them.

 

2163.  Celui qui a laissé croire qu'une personne était son mandataire est tenu, comme s'il y avait eu mandat, envers le tiers qui a contracté de bonne foi avec celle-ci, à moins qu'il n'ait pris des mesures appropriées pour prévenir l'erreur dans des circonstances qui la rendaient prévisible.

2163.  Where a person has allowed it to be believed that another person was his mandatary, he is liable, as if there had been a mandate, to a third person who in good faith has contracted with that other person, unless he took appropriate measures to prevent the error in circumstances in which it was foreseeable.

 

2164.  Le mandant répond du préjudice causé par la faute du mandataire dans l’exécution de son mandat, à moins qu’il ne prouve, lorsque le mandataire n’était pas son préposé, qu’il n’aurait pas pu empêcher le dommage.

 

2164.  A mandator is liable for any injury caused by the fault of the mandatary in the performance of his mandate unless he proves, where the mandatary was not his subordinate, that he could not have prevented the injury.

[101]     L’environnement législatif décrit, passons maintenant à l’analyse des moyens d’appel.

Dans le dossier Wang

Premier moyen : le juge erre en décidant que la crise financière de 2008 n’a pas d’impact sur les dommages en l’espèce.

[102]     Selon Wang et Wang Inc., le juge a omis de prendre en compte l’opinion convergente des deux témoins experts voulant que nul n’ait anticipé la crise financière de 2008 et qu’elle ait eu un impact sur tous les investissements, dont ceux des intimés. Ils soutiennent que la Cour doit intervenir puisque la preuve révèle, à leur avis, que les intimés n’auraient pas subi de pertes, n’eût été cette crise, et qu’ils en auraient tout de même subi s’ils avaient détenu un portefeuille équilibré.

[103]     Au soutien de leur position, ils citent l’arrêt Valeurs mobilières Desjardins inc. c. Lepage[14] de la Cour dont ils reproduisent les extraits que voici :

[89]      […] Similarly, Mr. Bastien cannot be held responsible for the bursting of the technology bubble and the consequential market downturn that followed.

[…]

[113]    […]  There is also, of course, the significant market downturn that affected the performance of the other components of their portfolio.

[114]    Baudouin and Deslauriers describe the law on causation this way:

[...] Les tribunaux exigent que la victime fasse preuve d'un lien direct entre le préjudice dont elle réclame l'indemnisation et la faute qu'elle reproche au défendeur. Le caractère direct de ce lien est apprécié, avant tout, par l'examen de la situation de fait, au cours duquel le juge est amené à peser l'influence respective de tous les évènements et circonstances ayant entouré l'accident. Pour lui permettre de se faire une opinion, trois éléments principaux entrent en général en ligne de compte soit conjointement, soit alternativement. D'abord, la possibilité objective de la création du préjudice; ensuite, la prévisibilité raisonnable de celle-ci et enfin la situation dans le temps des divers facteurs à caractère causal. On ne saurait s'étonner, dans un tel système, qu'on confonde souvent faute et causalité et que l'on réduise parfois cette dernière à un simple élément de la première.

[Emphasis added, reference omitted]

[115]    Even if one were to accept the premise that it was objectively possible that the faults attributed to the appellants could give rise to losses, it is much harder to conclude that Mr. Bastien ought to have known that his conduct exposed Mr. Ouellet and Ms. Lepage to the losses they claimed based on a mandate they did not give him. […]

[104]     Une crise économique que personne n’a vu venir constitue un élément de preuve pertinent à l’examen de la responsabilité professionnelle d’un conseiller en investissements, mais comme l’écrivent les auteurs Baudouin, Deslauriers et Moore :

[…], les tribunaux refusent de considérer les perturbations anormales du marché boursier tel un « krach » comme une force majeure, eu égard à la nature hautement spéculative de ce genre d’opération en général. Bien qu’un courtier ne soit généralement pas tenu responsable des fluctuations du marché, sa responsabilité sera engagée quant à la réalisation des risques que son client aurait pu éviter s’il n’avait pas commis de faute.[15]

[Références omises]

[105]     Dans le présent dossier, alors qu’il croit les intimés et qu’il qualifie la version de Wang d’indéfendable, le juge retient que Long et Yang n’ont pas obtenu le portefeuille équilibré auquel ils avaient droit en raison de fautes commises par Wang. Il conclut également que leur situation aurait été différente s’ils avaient détenu le bon portefeuille. De fait, les dommages compensatoires qu’il accorde représentent, selon ses calculs, la différence entre le portefeuille équilibré auquel ils avaient droit et celui plus risqué qu’ils détenaient en raison de la faute de Wang.

[106]     Les appelants ne pointent aucune erreur manifeste et déterminante du juge quant aux conclusions de crédibilité des témoins ou de fiabilité de leurs propos.

[107]     De plus, comme on le verra, aucun des moyens d’appel proposés par les appelants aux fins d’écarter la conclusion du juge voulant que Wang ait été fautif ne devrait être retenu.

[108]     De l’intégralité des paragraphes 89, 113 et 115 de l’arrêt Valeurs mobilières Desjardins c. Lepage (ci-après reproduits - les ajouts par rapport aux extraits qui se trouvent au paragraphe [103] des présents motifs sont en caractère gras), je retiens qu’une crise financière ne constitue pas nécessairement une panacée offerte au conseiller fautif qui permet d’éluder toute responsabilité.

[89]      The dilemma in this case is that while it is difficult to challenge the trial judge's finding of fact that Mr. Bastien breached his civil duty to "know your client", the advice he did give with respect to transactions were well within the stated objectives of Mr. Ouellet and Ms. Lepage as he understood them. The fact that many acquisitions he proposed were in the technology sector was not unusual at the time, and it is not with the benefit of perfect hindsight that these transactions should be assessed. Similarly, Mr. Bastien cannot be held responsible for the bursting of the technology bubble and the consequential market downturn that followed.

[…]

[113]    While it may be reasonable to conclude that a young man returning to an academic program and a woman five years away from her retirement should avoid the risks of speculative stocks and concentrate on more secure investments, it is impossible to envisage such a scenario in the case of Mr. Ouellet and that of Ms. Lepage. The vast majority of their losses are attributable to Genomics, with which they arrived at Desjardins, and which they steadfastly maintained, undoubtedly because of a misplaced confidence as to its potential for growth. There is also, of course, the significant market downturn that affected the performance of the other components of their portfolio.

[…]

[115]    Even if one were to accept the premise that it was objectively possible that the faults attributed to the appellants could give rise to losses, it is much harder to conclude that Mr. Bastien ought to have known that his conduct exposed Mr. Ouellet and Ms. Lepage to the losses they claimed based on a mandate they did not give him. In effect, the trial judge was aware of factors that had a direct bearing on causation of which he took no account: the respondents almost obsessive predilection for speculative stocks, manifested not only in their accounts at Desjardins but elsewhere as well; and the severe downturn in the market brought about by the bursting of the technology bubble.

[Caractère gras ajouté]

[109]     Aux termes de la LDPSF et de ses règlements, Wang devait, avant d’offrir à Long et Yang un produit d’assurance de personnes comportant un volet d’investissement ou des fonds communs, analyser avec eux leurs besoins et consigner le tout au dossier. Il lui fallait bien connaître et surtout respecter les objectifs d’investissements de ces derniers de même que leur degré de connaissance en ces matières. Le juge a retenu que Wang avait manqué à ces obligations et que la composition inadéquate de leur portefeuille, eu égard à leurs profils d’investisseur, découlait directement de ce manquement, de sorte que la crise financière ne constituait pas un moyen de défense à l’égard des conditions de responsabilité que sont « la faute » et « le lien de causalité »[16]. Il a également conclu à la responsabilité de Wang Inc., en qualité de cabinet, aux termes de l’article 85 de la LDPSF.

[110]     Les appelants échouent à démontrer une erreur révisable du juge à cet égard.

[111]     Qu’en est-il, cela dit, de la condition de responsabilité qu’est « le dommage »?

[112]     Le juge a-t-il soutenu ou fait en sorte que la crise financière de 2008 n’ait pas d’impact sur le calcul du quantum des dommages?

[113]     Non. Le juge n’a pas ignoré les effets de la crise financière de 2008 sur la condition de responsabilité qu’est « le dommage ».

[114]     Comme on le verra en détail plus loin, lors de l’analyse du moyen d’appel portant sur cette question, l’impact de la crise est pris en compte, alors que le portefeuille de référence utilisé, pour fixer ce quantum, évolue au fil des mois et des années selon le marché, de sorte qu’il traverse la période de la crise de 2008 tout comme les investissements de Long et Yang.

[115]     Ce premier moyen d’appel est donc mal fondé.

Deuxième moyen : le juge erre en ignorant que Long et Yang ont vendu leurs placements au pire moment, malgré l’avis professionnel contraire reçu et alors qu’ils auraient dû laisser passer la tempête (la crise).

[116]     Le juge n’ignore pas que Long et Yang ont vendu leurs investissements au pire moment : aux paragraphes 281 et 282 de son jugement (reproduits au paragraphe [64] des présents motifs), il affirme le principe voulant qu’il ne soit pas souhaitable de vendre en pleine crise, relatant notamment les conseils de Warren Buffett en ce sens et l’avis des deux témoins experts entendus au même effet.

[117]     Comme le laissent voir toutefois les paragraphes 283 à 286 de son jugement (également reproduits au paragraphe [64] des présents motifs), le juge estime que la situation de Long et Yang constitue un cas d’exception et que, dans ce contexte,  il doit retenir l’opinion du témoin expert Marquis de ne pas exiger d’eux qu’ils conservent un portefeuille qui ne correspond pas à leurs profils d’investisseur, alors que la composition de ce portefeuille résulte de la faute de Wang.

[118]     En matière d’investissement, l’obligation de mitiger ses dommages est assujettie aux principes suivants :

[56]      La portée de ce devoir de minimisation des dommages est bien délimitée par les auteurs D. Lluelles et B. Moore :

2966. La portée du devoir de minimisation. Cette obligation de modération des dommages n’est cependant pas absolue : assimilable à une simple obligation de moyens, le devoir de modérer les dommages ne peut imposer à la victime un fardeau hors de ses possibilités. Il ne faut, en effet, pas perdre de vue que le « débiteur » de ce devoir de modérer le préjudice est, d’abord et avant tout, un  créancier victime du comportement fautif de son cocontractant.

[57]      Dans son arrêt Laflamme, la Cour suprême a eu l’occasion d’actualiser l’application des obligations du créancier de minimiser les dommages dans le contexte de la relation professionnelle entre un courtier et son client. Voici ce que le juge Gonthier, pour la Cour, a écrit sur cette question :

Le droit civil impose au créancier l’obligation de minimiser les dommages. Cette obligation, maintenant codifiée à l’art. 1479 C.c.Q., exige du créancier qu’il évite l’aggravation du risque « en prenant les mesures qu’aurait prises, dans les mêmes circonstances, une personne raisonnablement prudente et diligente. (Baudouin et Deslauriers, op. cit., n° 1256). Il y a donc lieu de tenir compte des circonstances propres à chaque situation dans l’évaluation de ce qui constitue le comportement attendu du créancier.

Dans le cas d’un préjudice découlant de la mauvaise gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières, il faut notamment faire preuve de souplesse quant à la détermination de ce qui constitue, de la part du client, un délai raisonnable pour agir et minimiser les dommages. Notamment, il faudra tenir compte de son niveau d’expérience et de connaissances en matière d’investissements ainsi que de la complexité de la situation.

J’ajouterais que le sentiment de confiance dont est empreint le contrat de mandat a aussi un effet appréciable sur l’état d’esprit du client, victime de la faute du gestionnaire. Cette confiance, en l’espèce, c’est la croyance acquise en la valeur professionnelle du gestionnaire qui fait que le client, surtout non averti, puisse être incapable ou du moins hésitant à croire à son incompétence. Tant la confiance que le désarroi suite à sa perte rendent alors d’autant plus difficile pour la victime la prise en main de la situation. L’éveil face à l’étendue du préjudice est plus lent. Il faut tenir compte de cette réalité, que le gestionnaire a lui-même créée en se présentant comme un professionnel digne de confiance, avant de reprocher à la victime un manque de diligence à minimiser les dommages, ceci d’autant plus que les mesures à prendre n’étaient pas évidentes et qu’il appartiendrait en premier lieu aux intimés à titre de courtiers et gestionnaires avertis de le faire ou les conseiller. En effet, plusieurs alternatives se présentaient : le transfert du portefeuille à un autre gestionnaire, la vente des titres détenus ou la conservation de ces titres dans l’espoir que leur valeur augmente. Il est évidemment facile, après le fait, d’identifier la voie à suivre. Or, sur le coup, il s’agit d’une décision impliquant une appréciation de risques fort complexe et comportant ses propres risques. Les Laflamme ont conservé ces titres. Doit-on leur reprocher faute? Dans les circonstances, il nous faut conclure que non.[17]

[Références omises]

[119]     En novembre 2008, Long et Yang avaient déjà subi des pertes et ils cherchaient à se protéger pour la suite des choses.

[120]     Alors que le monde de la finance n’avait pas vu venir la crise, il leur était également impossible de prédire l’avenir.

[121]     Dans ces circonstances, pour satisfaire à leur obligation de mitiger leurs dommages (art. 1479 C.c.Q.), Long et Yang, victimes d’une faute civile commise par Wang, ne pouvaient être tenus de supporter un risque qu’ils n’avaient jamais voulu assumer et de le faire, au surplus, à l’aveuglette.

[122]     Le bénéfice de l’expérience du temps passé permettant l’administration d’une preuve de valeur entre 2008 et 2013 au procès tenu en 2014, la preuve a révélé que Long et Yang auraient non seulement récupéré le capital perdu mais également encaissé d’intéressants profits s’ils avaient conservé le portefeuille construit par Wang. Cela dit, en novembre 2008, personne n’aurait osé le prédire ni le garantir.

[123]     Ainsi, c’est à bon droit que le juge a rejeté l’argument d’un manquement à l’obligation de mitiger les dommages.

[124]     Le deuxième moyen d’appel doit donc lui aussi échouer.

Troisième moyen : le juge erre lorsqu’il retient que Long et Yang n’ont que peu de connaissances en matière de finance et d’investissements.

[125]     Le juge devait qualifier le degré de connaissance ou de sophistication des investisseurs Long et Yang.

[126]     Procéder à une telle qualification c’est, d’abord et avant tout, trancher une question de fait à la suite d’une évaluation de crédibilité de témoins et de fiabilité de leurs propos. Conséquemment, la norme de l’erreur manifeste et déterminante et la déférence s’imposent.

[127]     En l’espèce, le juge ne croit pas la version offerte par Wang, ce qu’il mentionne sans détour au paragraphe 103 de ses motifs et qu’il explique par la suite (le tout est reproduit au paragraphe [55] des présents motifs).

[128]     Les notes manuscrites de Wang rédigées lors des premières rencontres, outil d’évaluation de crédibilité par excellence[18] (document rédigé alors qu’aucun litige n’est en vue) soutiennent la version de Long et de Yang et non celle de Wang.

[129]     Contrairement à ce que plaide Wang, le juge n’a pas omis de faits pertinents. Il note, bel et bien, et il prend en compte, comme le font voir divers paragraphes de son jugement :

Ø  La fréquence des rencontres avec Wang, l’information communiquée par ce dernier et les nombreuses autres communications[19].

Ø  La consultation hebdomadaire ou quotidienne, par Long et Yang, de leurs dossiers par Internet pour le suivi de leurs investissements[20].

Ø  Les interrogations soulevées par Long et Yang, dès l’automne 2005 ou le printemps 2006, selon le cas, au sujet de la volatilité de leurs portefeuilles[21].

Ø  L’information reçue d’une amie conseillère financière, en 2007, voulant que le niveau de risque de leurs portefeuilles soit assez élevé et l’absence de changements requis malgré cet avis[22].

Ø  L’absence de plainte par Long et Yang jusqu’à la crise financière de 2008 et leur satisfaction quant aux résultats obtenus jusqu’alors[23].

[130]     Malgré tout cela, le juge retient un niveau de connaissances peu élevé en 2005 et, par la suite, soulignant que la relation d’amitié entre Long, Yang et Wang a teinté leurs rapports professionnels et accru le degré de confiance qu’ils ont accordé à ce dernier qui s’est toujours fait rassurant.

[131]     Wang ne pointe aucune erreur manifeste et déterminante, nous invitant simplement à reprendre l’analyse, ce qui n’est pas le rôle d’une cour d’appel.

[132]     Qu’un autre juge puisse conclure autrement n’est d’aucun intérêt, alors que la conclusion du juge, en l’espèce, trouve appui dans la preuve.

[133]     Ce troisième moyen d’appel n’est pas fondé.

Quatrième moyen : le juge erre en ignorant le fait de la planification à long terme suggérée par Wang, acceptée par Long et Yang, mais non suivie.

[134]     Le juge ne commet pas l’erreur reprochée.

[135]     L’horizon de placement de 6 à 10 ans s’inscrit dans le contexte du respect des profils investisseur de Long et Yang, profils qui ne sont pas ceux que Wang leur a fournis à compter de l’automne 2006 : en effet, le juge retient que Wang a fait évoluer le portefeuille autrement et que cela constitue une faute de sa part[24].

[136]     Les appelants doivent donc échouer quant au quatrième moyen d’appel.

Cinquième moyen : le juge erre puisqu’il impose au conseiller en investissements une obligation de résultat alors qu’il s’agit d’une obligation de moyen.

[137]     Wang et Wang Inc. soutiennent que le juge leur a erronément imposé une obligation de résultat, prenant appui sur le fait qu’il a calculé les dommages selon la méthode du portefeuille de référence.

[138]     Cette proposition ne résiste pas à l’analyse.

[139]     Premièrement, le juge énonce le principe voulant que l’obligation du conseiller en investissements en soit une, généralement, de moyen et non de résultat et il résume adéquatement les principes de droit applicables à l’examen de la conduite d’un tel conseiller aux paragraphes 14 à 20 de son jugement (reproduits au paragraphe [54] des présents motifs).

[140]     Deuxièmement, identifier la nature d’une obligation (de moyen, de résultat ou de garantie) c’est déterminer les balises suivant lesquelles analyser le comportement reproché aux fins de décider si ce comportement est fautif et s’il engage, potentiellement, la responsabilité. L’exercice n’en est pas un d’évaluation de dommages.

[141]     Troisièmement, l’obligation de Wang et Wang Inc. est effectivement une obligation de moyen, selon ce qu’enseignent la doctrine[25] et la jurisprudence[26], et c’est la conclusion que le juge retient, alors que ni Wang ni Wang Inc. ne se sont engagés à livrer ou à garantir un résultat donné.

[142]     Wang et Wang Inc. ne peuvent soutenir avec succès que l’utilisation d’un portefeuille de référence, comme outil de mesure des dommages subis, signifie l’imposition d’une obligation de résultat.

[143]     En l’espèce, la méthode du portefeuille de référence ne concerne pas l’analyse de la faute, mais uniquement celle du dommage. Il s’agit non seulement de la méthode d’évaluation de dommages utilisée par les deux témoins experts des parties, mais aussi celle que reconnaît la doctrine[27] et que favorise la jurisprudence[28] aux fins de rechercher l’indemnisation à laquelle Long et Yang ont droit conformément à l’article 1611 C.c.Q. qui prévoit que l’indemnité se compose de la perte subie et du gain dont ils ont été privés.

[144]     Ainsi, ce cinquième moyen d’appel est mal fondé.


Sixième moyen : le juge erre alors que sa conclusion quant à la responsabilité participe d’une sanction disciplinaire imposée en raison des méthodes de travail de Wang plutôt que de l’application des principes de la responsabilité civile.

[145]     Le juge commente effectivement le comportement déontologique ou éthique de Wang aux paragraphes 226 à 228 de son jugement (reproduits au paragraphe [56] des présents motifs).

[146]     Tous les faits que le juge y relate trouvent appui dans la preuve.

[147]     S’il est vrai qu’une faute déontologique n’emporte pas nécessairement une faute civile, il demeure qu’un accroc aux normes déontologiques pertinentes qui s’appliquent au comportement d’un professionnel, notamment à un représentant assujetti à la LDPSF, peut constituer un manquement donnant lieu à la faute civile. Dans Richter & Associés inc. c. Merrill Lynch Canada inc., la Cour l’énonce en ces termes :

[74]      Par ailleurs, tout manquement à une disposition statutaire et réglementaire n'entraîne pas de façon inéluctable la responsabilité du courtier. Règle générale, ces différentes règles prescrivent des normes de prudence et de diligence qui balisent la conduite du courtier. Toutefois, pour retenir la responsabilité du courtier, il faut établir un lien de causalité entre le manquement statutaire ou réglementaire et le dommage subi.

[75]      Pour s'acquitter de ses obligations envers un client, le courtier se doit de bien le connaître. Le fait de connaître son client permet au courtier de le jauger correctement et ainsi établir les besoins, les objectifs du client, le niveau d'encadrement requis et ses besoins au chapitre de l'information et du conseil. Cette obligation de bien connaître son client s'impose plus particulièrement si le mandat en est un de gestion de portefeuille.[29]

[Références omises]

[148]     C’est le cas en l’espèce.

[149]     Comme on l’a vu à la rubrique « l’environnement législatif, LDPSF » des présents motifs, le représentant et le cabinet doivent faire preuve d’honnêteté et de loyauté envers le client et agir avec compétence et professionnalisme. Pour se conformer à ces obligations découlant de la loi et des règlements adoptés pour sa mise en œuvre, ils doivent bien connaître le client afin de s'assurer, notamment, du caractère approprié de tout investissement proposé et, en tout temps par la suite, non seulement l'informer et le conseiller adéquatement, mais également respecter son profil investisseur. C’est ce que rappelait d’ailleurs la Cour dans Quesnel c. Laberge[30].

[150]     Le juge retient que Wang et Wang Inc. n’ont pas respecté les profils investisseur de leurs clients Long et Yang ni fourni à ces derniers les produits d’épargne en conséquence.

[151]     À la lecture du jugement, notamment de ses paragraphes 225 à 241 (reproduits aux paragraphes [56] et [58] des présents motifs), force est de constater, d’une part, que le comportement déontologique critiqué n’est que l’un des éléments de contexte dont le juge tient compte pour conclure à la faute civile de Wang et Wang Inc. et que, d’autre part, les comportements décrits génèrent effectivement une faute civile de ces derniers.

[152]     Il y a lieu de rejeter ce sixième moyen d’appel.

Septième moyen : le juge erre dans son évaluation des dommages subis et dans les démarches effectuées afin d’y parvenir.

Le processus de l’article 292 aC.p.c.

[153]     En présence des rapports et des témoignages de deux témoins experts qui prônaient une même méthode d’évaluation des dommages (par usage d’un portefeuille de référence), mais qui prenaient appui sur des hypothèses de calcul différentes et qui n’étaient pas tout à fait celles que le juge estimait devoir utiliser, ce dernier ne pouvait faire œuvre utile selon les résultats proposés.

[154]     Confronté à un tel constat, au cours de son délibéré, cherchant à se doter d’un outil d’évaluation unique ou, à tout le moins, de calculs comparables, le juge a envoyé une lettre aux avocats des parties. En voici les extraits pertinents :

I am concerned that there is a gap in the expert evidence that was submitted.

In the event that a fault and causality are determined, I would appreciate if you could help me bridge the gap in the expert evidence submitted to calculate the potential damages.

Pursuant to article 292 CPC, would you kindly provide me, within 30 days hereof, with the calculation of damages using the following scenario:

·         the period of time to be examined would be from March 12, 2005 to November 12, 2008;

·         the reference index should consist of funds containing 60% fixed income bonds and 40% shares; and

·         there should be no deductions of the sums invested and the profits generated by what has been characterized as non-authorized transactions by Mrs. Jocelyne Marquis.

If both experts can agree on a joint report that would be ideal. Failing agreement, separate reports will do.

In the meantime, the deliberation will be suspended until I have received your replies.

[155]     Comme on le constate, le juge espère un résultat unique : il invite les parties à produire un rapport d’expert commun, depuis certaines hypothèses qu’il identifie. Les parties ne donneront cependant pas suite à cette invitation d’expertise commune.

[156]     Les avocats confient plutôt, à leur expert respectif, un mandat de répondre à la demande et le font, d’ailleurs, deux fois plutôt qu’une, de sorte que chacun des experts produit un rapport complémentaire et une critique de la position mise de l’avant par l’autre expert.

[157]     Alors qu’ils auraient pu réagir autrement, notamment demander une réouverture d’enquête, les avocats ne le font pas. D’ailleurs, ni l’un ni l’autre ne manifeste le désir d’interroger ou de contre-interroger les experts au sujet de ces écrits additionnels communiqués au juge.

[158]     Dans ces circonstances, il y a lieu de retenir que la façon de procéder proposée par le juge leur convenait ou qu’ils y ont acquiescé, de sorte qu’ils sont mal venus de s’en plaindre en appel.

[159]     Le droit d’être entendu, notamment de faire valoir ses moyens[31], vise à permettre qu’une partie puisse corriger ou contredire tout énoncé qui nuit à ses prétentions[32]. Cette occasion doit être dispensée de manière équitable, de telle manière que chaque partie y ait droit[33]. Ce fut le cas en l’espèce alors que, de part et d’autre, les parties ont effectivement communiqué leur point de vue.

[160]     Ainsi, contrairement à ce que plaident les appelants, le dossier ne comporte aucune violation de la règle audi alteram partem.

[161]     Le juge n’a pas commis d’accroc processuel susceptible de justifier une intervention de la Cour en agissant comme il l’a fait.

Le quantum des dommages

[162]     Comme je l’ai déjà énoncé, au paragraphe [143] des présents motifs, la doctrine et la jurisprudence reconnaissent que la méthode de portefeuille de référence est adéquate. Elle l’est d’autant plus, en l’espèce, qu’elle intègre la dimension de la crise financière de 2008 au calcul, sans qu’aucune autre intervention ne soit requise.

[163]     Ainsi, le juge ne commet pas d’erreur lorsqu’il fait usage de cette méthode.

[164]     Les erreurs du juge qui requièrent une intervention de la Cour se situent plutôt au niveau des hypothèses de calcul qu’il propose et de l’application qu’en a fait le témoin expert Marquis dont il retient le calcul.

[165]     En premier lieu, alors que la faute causale du dommage réside essentiellement dans le fait que les portefeuilles de Long et de Yang n’aient pas été équilibrés à compter de 2007 quand ils devaient l’être, mais sachant qu’ils l’étaient en 2005 et 2006 (ce que l’avocate des intimés a d’ailleurs reconnu lors de l’audience devant la Cour), le juge commet une erreur en fixant la période du 12 mars 2005 au 12 novembre 2008.

[166]     En effet, puisque le portefeuille est équilibré jusqu’à l’automne 2006 (jusqu’à la vente des fonds Franklin Templeton), tenir compte de la période antérieure à cette vente constitue une erreur révisable.

[167]     En second lieu, en raison de cette période retenue par le juge, le témoin expert Marquis a établi les dommages en tenant compte de toutes les sommes investies dans les fonds Franklin Templeton et en procédant, pour les fins de ses calculs, à une conversion en devises canadiennes des sommes investies en date du 12 mars 2005.

[168]     Au-delà de l’erreur découlant de la période, une telle conversion en devises canadiennes, dès le 12 mars 2005, mène le juge à commettre une erreur manifeste et déterminante. En effet, la preuve établit que Long et Yang n’ont accepté la conversion de leurs actifs en devises canadiennes qu’à petites doses, n’y acquiesçant finalement qu’à l’automne 2006, malgré les conseils de Wang de le faire beaucoup plus tôt. Considérer les comptes Templeton et les transformer en devises canadiennes depuis mars 2005 pour établir le dommage augmente significativement le quantum des dommages.

[169]     Comme le juge a retenu le chiffre proposé par le témoin expert Marquis, son jugement est irrémédiablement entaché d’une erreur et requiert l’intervention de la Cour.

[170]     En l’espèce, les hypothèses à retenir pour le calcul des dommages sont les suivantes :

·        Période du 1er janvier 2007 au 12 novembre 2008;

·        Usage d’un portefeuille de référence équilibré (selon des proportions de 60 % de revenus et de 40 % d’actions)[34];

·        Absence de déduction des sommes investies qualifiées par le témoin expert Marquis de non autorisées et absence de réduction des pertes par soustraction des profits réalisés à la suite de la vente des fonds Franklin Templeton.

[171]     Procédant au calcul des dommages selon ces hypothèses et en utilisant les informations que comportent les divers rapports produits par les deux témoins experts ainsi que leurs témoignages, je constate que l’écart entre eux rétrécit significativement. De fait, il résulte largement (presque exclusivement) des différences dans la composition des portefeuilles de référence (deux portefeuilles qui répondent aux exigences énoncées à la seconde puce du paragraphe précédent).

[172]     Je note que le témoin expert Turcotte propose des données quant à chacun des comptes de London ou de Quadrus, tant dans le cas de Long que dans celui de Yang, mais que le témoin expert Marquis ne le fait pas. Ainsi, en utilisant les chiffres du témoin expert Turcotte, il est possible de dégager le pourcentage que représente l’un ou l’autre compte dans le total des pertes.

[173]     Entre les intimés ou à l’égard de Wang, cela n’a aucune importance puisqu’ils considèrent et ont toujours considéré les investissements comme un tout. Tenu d’offrir un portefeuille équilibré prenant en compte l’ensemble des investissements, Wang est responsable de la totalité de la perte. Il en est autrement cependant pour Wang Inc., London et Quadrus. Comme cabinet en assurance de personnes, selon l’article 80 de la LDPSF, Wang Inc. ne peut être tenu responsable que de la perte découlant des sommes investies par Wang auprès de London. Dans les cas de London et de Quadrus, elles ne pourraient être tenues, le cas échéant, qu’à la partie de la perte qui correspond aux investissements réalisés auprès de l’une ou de l’autre[35]. J’y reviendrai lors de l’analyse de leur moyen d’appel portant sur la solidarité.

[174]     Voici donc, sous forme de tableau, les chiffres de pertes que je retiens :

 

Turcotte

Marquis

Pertes Long

London P1519207 : (16 957 $) -  7 %

(195 208,32 $)

96 % = (187 400 $)

4 % = (7 808 $)

 

London P16879678 : (16 312 $) -   7 %

London P16879691 : (191 174 $) -  82 %

Quadrus 3 029 741 : (9 799 $) -  4 %

Pertes Yang

London P1512069 : (126 099 $) - 74 %

(185 432,65 $)

74 % = (137 220 $)

26 % = (48 212 $)

Quadrus 302909931 : (44 459 $) - 26 %

Pertes totales

Long +

Yang

 

 

(234 242 $) +

(170 558 $)

 

 

 

(195 208,32 $) +

(185 432,65 $)

Total des pertes

(404 800 $)

(380 640,97 $)

[175]     Cela étant, alors que les deux portefeuilles de référence utilisés correspondent à ce qu’aurait pu être le portefeuille équilibré que Wang devait offrir à Long et Yang, je fixe le quantum total des dommages à 392 721 $, la moyenne des deux résultats. Wang devrait donc être condamné à payer aux intimés 392 721 $ et Wang Inc., condamnée solidairement avec lui, mais à concurrence de 338 463 $ seulement.

Dans le dossier London-Quadrus

[176]     Quatre moyens d’appel ont été proposés[36]. Ayant déjà traité du moyen portant sur le quantum des dommages, il ne reste que trois moyens à analyser : les deux premiers regroupés sous « l’erreur de retenir la responsabilité de London et de Quadrus » et le troisième « l’erreur quant à la solidarité ».

Premier et deuxième moyens : l’erreur de retenir la responsabilité de London et de Quadrus.

[177]     Selon London et Quadrus, le juge erre en les tenant responsables de la faute de Wang, ce qu’il fait en raison d’une mauvaise interprétation des devoirs et obligations des uns et des autres selon la LDPSF, d’une application de la théorie du mandat apparent dans un contexte qui ne s’y prête pas et d’une omission de prendre en compte les comportements de Long et de Yang qui font en sorte que ces derniers sont malvenus de rechercher la responsabilité de London ou de Quadrus dans les circonstances.

[178]     J’estime que London et Quadrus ont raison.

[179]     Voici pourquoi.

En général

[180]     Le juge identifie divers comportements fautifs de Wang, mais l’obligation de Wang d’indemniser Long et Yang ne tient qu’au fait de ne pas avoir fourni un portefeuille d’investissements correspondant à leurs profils investisseur (équilibré), comme on le constate à la lecture des paragraphes 283 à 286 et 293 de son jugement (reproduits aux paragraphes [64] et [66] des présents motifs).

[181]     Avant d’entreprendre l’analyse individualisée, je rappelle que les portefeuilles de Long et de Yang étaient des portefeuilles équilibrés au départ ainsi qu’au cours des années 2005 et 2006 et que ce n’est qu’au fil des mois, par la suite, que la situation a changé. Lorsque sont pris en compte tous les investissements comme il se doit (Templeton-Quadrus et London), cette affirmation trouve appui non seulement dans les rapports des deux témoins experts, mais aussi dans leurs témoignages au procès.

[182]     Dans son rapport d’expertise du 15 juillet 2013, l’expert Turcotte décrit ainsi la  situation :

Dans le présent dossier, nous pouvons constater que les portefeuilles des demandeurs constitués en fonds communs de placement étaient correctement diversifiés entre eux et représentaient un modèle équilibré. D’autre part, nous pouvons constater que les portefeuilles des demandeurs constitués en fonds distincts comportaient une surpondération en titres de participation et une sous pondération de titres à revenu fixes par rapport à un portefeuille modèle équilibré à partir de l’année 2007 jusqu’à l’année 2010.

[Soulignement dans l’original]

[183]     Comme on le sait en l’espèce, les fonds communs sont les produits de Quadrus alors que les fonds distincts sont ceux de London.

[184]     Je signale également que la qualité des divers produits offerts par London ou par Quadrus n’est pas remise en cause.

[185]     Enfin, comme on l’a vu lorsque j’ai traité de l’environnement législatif (aux paragraphes [81] à [98] des présents motifs), la LDPSF régit sévèrement l’accès aux renseignements et aux documents relatifs à toute personne qui fait affaire avec un représentant et son cabinet.

[186]     Ainsi, bien que Wang ait eu accès à tous les renseignements et à tous les documents relatifs à Long et Yang, comme il était leur conseiller en investissements, ce n’était pas le cas de London ou de Quadrus.

[187]     Jusqu’au 21 novembre 2005, à titre de cabinet, London n’avait accès qu’aux renseignements et documents colligés par Wang en qualité de représentant en assurance de personnes, à rien d’autre. À compter du 21 novembre 2005, cet accès n’existait plus en faveur de London, car c’était dorénavant Wang Inc. qui y avait droit comme cabinet.

[188]     Quant à Quadrus, son accès était de tout temps limité aux documents et renseignements détenus par Wang en qualité de représentant de courtier en épargne collective.

[189]     London n’avait pas accès aux renseignements et documents concernant Quadrus et Quadrus n’avait pas accès à ceux relevant de London ou de Wang Inc., selon le cas. Comme le font voir les paragraphes 312, 315 et 318 de son jugement, cette dimension semble avoir échappé au juge, alors qu’il y retient : (1) l’idée que Quadrus est une filiale de London; (2) la solidarité entre Wang, Wang Inc. et Quadrus, alors que Wang Inc. n’a rien à voir dans la relation entre Wang et Quadrus; (3) l’idée que les investissements doivent être traités comme un seul et même portefeuille global, non seulement à l’égard de Wang (ce qui est adéquat), mais aussi à l’endroit de tous les autres défendeurs (ce qui constitue une erreur manifeste).


Le cas de London

[190]     Comme on l’a vu sous la rubrique environnement législatif, au moment de la fin de la relation représentant-Wang/cabinet-London et de la mise sur pied du cabinet Wang Inc. par Wang, les parties et l’AMF avaient respectivement les obligations ou responsabilités suivantes :

Ø  Wang et Wang Inc.

Ø  Obtenir de l’AMF les autorisations requises afin d’agir, selon le cas, comme représentant ou cabinet;

Ø  Informer les clients, selon les exigences des articles 14 et 32 LDPSF (discutés aux paragraphes [83] et [91] des présents motifs), et modifier les cartes professionnelles;

Ø  Assurer à tous égards le respect de la loi et de tout autre règlement pertinent à la relation-client dans ce contexte.

Ø  London

Ø  Prévenir l’AMF, par écrit et sans délai, de la fin de sa relation représentant-cabinet avec Wang (art. 104 LDPSF).

Ø  L’AMF

Ø  Analyser les demandes de Wang et Wang Inc., les accepter ou les refuser, selon le cas;

Ø  Modifier les inscriptions au registre public sur les représentants et les cabinets;

Ø  Assurer la protection du public.

[191]     Au moment où le portefeuille cesse d’être équilibré (fin 2006) et par la suite, London n’a plus de lien juridique avec Wang depuis plusieurs mois déjà. En effet, depuis le 21 novembre 2005, Wang n’est plus un représentant du cabinet London et London n’interagit plus avec Wang à titre de cabinet. N’étant pas un cabinet, London ne peut encourir de responsabilité pour des gestes de Wang qui n’est pas son représentant : l’article 80 de la LDPSF ne s’applique pas.

[192]     De plus, à compter du 21 novembre 2005, ayant cessé d’agir à titre de cabinet, London n’a plus la responsabilité de veiller à la discipline de Wang, ni de s’assurer que Wang agisse conformément à la LDPSF et ses règlements (ces responsabilités relèvent dorénavant de Wang Inc.) selon l’article 85 LDPSF (reproduit au paragraphe [99] des présents motifs).

[193]     À la suite de la démission de Wang qui s’est joint au cabinet Wang Inc. à cette date (21 novembre 2005), London n’a de lien qu’avec Wang Inc. dont elle est le fournisseur de produits en assurance de personnes, sans plus. D’ailleurs, les intimés l’admettent.

[194]     Mais voilà que Long et Yang ont soutenu que ce changement de statut entre Wang et London aurait été invisible à leurs yeux, de sorte que London devait tout de même être tenue de les indemniser en raison d’un mandat apparent, car elle serait demeurée responsable de la faute de Wang (du fait que le portefeuille n’est pas équilibré).

[195]     À mon avis, cette prétention ne résiste pas à l’analyse et, en y faisant droit, le juge a commis une erreur qui justifie une intervention de la Cour.

Le mandat apparent (la théorie)

[196]     L’article 2163 C.c.Q. énonce dans quelles circonstances une personne peut être tenue responsable pour une autre en raison d’un mandat apparent. Il est ainsi rédigé :

 

2163.  Celui qui a laissé croire qu’une personne était son mandataire est tenu, comme s’il y avait eu mandat, envers le tiers qui a contracté de bonne foi avec celle-ci, à moins qu’il n’ait pris des mesures appropriées pour prévenir l’erreur dans des circonstances qui la rendaient prévisible.

 

2163.  Where a person has allowed it to be believed that another person was his mandatary, he is liable, as if there had been a mandate, to a third person who in good faith has contracted with that other person, unless he took appropriate measures to prevent the error in circumstances in which it was foreseeable.

 

[197]     Dans l’arrêt Deslauriers c. Coopérants (Les), société mutuelle d'assurance-vie, la juge Rousseau-Houle de la Cour résume les conditions à satisfaire pour conclure à l’existence d’un mandat apparent comme suit :

On reconnaît généralement qu'un tel mandat existe lorsque les conditions suivantes sont établies: 1) l'absence de pouvoirs de représentation 2) l'erreur de bonne foi commise par le tiers 3) les motifs raisonnables donnés par le mandant de croire au mandat.


1. L'absence de pouvoir de représentation

Il ne peut y avoir de mandat apparent lorsque le mandataire agit en fonction d'un véritable pouvoir de représentation.  Dans un tel cas, les règles du contrat de mandat s'appliquent et suffisent à lier le mandant.  Toutefois lorsque la preuve laisse subsister un doute sur l'étendue des pouvoirs du mandataire ou que ce dernier a agi en outrepassant les pouvoirs de représentation que lui avait donnés le mandant, le tiers de bonne foi qui a raisonnablement cru en l'existence d'un réel pouvoir de représentation peut être admis à invoquer l'apparente autorité du mandataire pour pouvoir tenir le mandant responsable des actes de son mandataire.

(…)

2. La bonne foi des appelants

La condition primordiale de la bonne foi du tiers est qu'il ignore le fait que le mandataire a agi sans pouvoir de représentation ou inversement qu'il a cru en l'existence de tels pouvoirs. (…)

Comme la bonne foi se présume (article 2202 C.c.B.C.),  c'est le mandant qui aura, en principe, le fardeau de prouver que le tiers connaissait la carence des pouvoirs du mandataire ou encore qu'il a commis une faute en ne vérifiant pas les pouvoirs du mandataire.  Il s'agit de questions de faits qui doivent être décidées selon chaque cas.

(…)

3. Les motifs raisonnables de croire au mandat

Les motifs raisonnables de croire au mandat sont ceux qui rendent vraisemblables pour une personne normalement prudente et diligente l'existence des pouvoirs du mandataire de représenter le mandant dans l'acte en litige et non pas ceux qui la rendent certaine.  Comme la condition précédente, il s'agit d'une question de faits qui doit s'apprécier à la lumière des circonstances.

Les motifs raisonnables peuvent être fondés sur des apparences intellectuelles, telle l'attribution par le mandant d'un titre ou d'une fonction comportant des pouvoirs inhérents de représentation (…). Des apparences intellectuelles peuvent encore résulter d'une pratique établie par le mandant et qui laisse croire que le mandataire est autorisé.

Lorsque le mandant voit se créer des circonstances dans lesquelles il est prévisible, en raison de la fonction du mandataire apparent, que les tiers puissent raisonnablement croire au mandat apparent et qu'il laisse les tiers s'enfoncer dans une apparence prévisible, son omission de prendre  les moyens de dissiper cette apparence peut devenir un motif raisonnable au sens de l'article 1730 C.c.B.C.  C'est ainsi qu'on a jugé que lorsqu'un agent d'assurance avait le pouvoir de percevoir des primes ou lorsque sa signature était nécessaire à la validité du contrat, le tiers pouvait présumer qu'il avait la qualité d'agent jouissant de toute l'étendue des pouvoirs inhérents à cette fonction.[37]

[198]     Ces conditions énoncées dans le contexte de l’article 1730 C.c.B.C. sont réitérées par la Cour, dans le contexte de l’article 2163 C.c.Q., dans Bois Expansion inc. c. Yaraghi[38] (en 2008), Inkas Security Services Ltd. c. Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux[39] (en 2010) et Singh c. Kohli[40] (en 2015).

[199]     Dans Ferme des My c. Ferme des Berges inc., la Cour décrit comme suit les éléments constitutifs du mandat apparent:

[47]      Les éléments constitutifs du mandat apparent sont les suivants :

Premièrement, il faut que le mandataire apparent exécute un acte qu’il n’a pas le pouvoir de faire, soit parce qu’il ne détient aucun mandat, soit parce qu’il excède ses pouvoirs.

Deuxièmement, il faut que le tiers ignore que le mandataire agit sans pouvoir. En matière de mandat apparent, le tribunal devra être convaincu que le tiers est de bonne foi, qu’il s’est informé adéquatement de l’autorité du mandataire avant de contracter avec lui.

Troisièmement, il faut que le mandant apparent ait laissé croire qu’une personne était son mandataire. La rédaction de l’article 2163 C.c.Q. diffère sensiblement de celle de l’article 1730 C.c.B.-C. où le législateur utilisait les mots « si le mandant a donné des motifs raisonnables de le croire ». L’obligation positive de donner des motifs est devenue une obligation passive de laisser croire. La jurisprudence avait cependant déjà introduit cette notion et le législateur n’a voulu que préciser cette jurisprudence.[41]

[Références omises]

[200]     Dans Compagnie d’assurances Missisquoi c. Petro-Canada, la Cour écrit :

[5]        Il appert de la définition prévue à l'article 2163 C.c.Q. que le « présumé mandant » doit, par action ou omission, avoir engendré une croyance erronée de la part du tiers.[42]

[201]     Dans le même sens, dans La responsabilité civile, Volume 2 : Responsabilité professionnelle, les auteurs Baudouin, Deslauriers et Moore enseignent ce qui suit :

Quant à l’apparence de mandat, elle doit être évaluée de façon objective par référence au comportement du mandant apparent.[43]

[Références omises, soulignement ajouté]

[202]     Finalement, dans les textes réunis par le Barreau du Québec et la Chambre des notaires lors de la réforme du Code civil, Me Claude Fabien décrit ainsi les conditions d’existence d’un mandat apparent selon l’article 2163 C.c.Q. :

En premier lieu, la situation visée est bien celle où le mandataire a agi sans pouvoir. On l’apprend à la dernière ligne, en lisant le mot « erreur » : la croyance du tiers est erronée et il n’y a pas véritablement mandat.

En second lieu, le tiers doit être de bonne foi. Il faut y voir d’abord une exigence de bonne foi subjective (le tiers doit ignorer l’absence de pouvoirs) et aussi une exigence de bonne foi objective (la croyance erronée du tiers ne doit pas être la conséquence d’une faute de sa part). Cette notion objective de bonne foi est celle-là même qui est introduite en force au Code par les articles 6,7 et 1375 C.c.Q.

En troisième lieu, bien que le nouveau texte fasse disparaître les termes «motifs raisonnables de croire au mandat» auxquels l’article 1730 C.c.B.C. nous avait habitués, on peut en retrouver la substance par interprétation de la «bonne foi» objective. Lorsqu’on applique le test de la «raison» aux «motifs raisonnables» de l’article 1730 C.c.B.C., on se demande en réalité si le tiers a commis une faute dans l’appréciation des faits qui l’ont conduit à croire au mandat, faute que n’aurait pas commis la personne normalement prudente et diligente, placée dans les mêmes circonstances externes. Le test de la bonne foi objective imposé par l’article 2163 C.c.Q. est de même nature. Il écartera, du bénéfice du mandat apparent, le tiers crédule ou négligent.

Le quatrième élément de 1730 C.c.B.C., relatif à la source des apparences, semble avoir été modifié dans le sens indiqué par la jurisprudence. L’article 1730 C.c.B.C. vise le mandant qui «a donné» des motifs raisonnables mais erronés de croire au mandat. L’article 2163 C.c.Q. vise le mandant qui «laisse croire» erronément qu’une personne est son mandataire. Ce terme est plus large. Il ne suppose pas de rapport de causalité étroit et direct. Il englobe les cas où le mandant tient un rôle mineur, partiel, voire même passif. Il recouvre les cas où le rôle du mandant s’est limité à créer une discordance entre les pouvoirs réels qu’il donne à son mandataire et les pouvoirs inhérents au titre ou à la fonction qu’il lui attribue.[44]

[Soulignement et caractère gras ajoutés]

[203]     Bref, pour vérifier si la théorie du mandat apparent bénéficie à celui qui poursuit en responsabilité civile délictuelle pour la faute commise par un mandataire apparent, tenant en compte tous les enseignements qui précèdent, il y a lieu de faire usage d’une grille d’analyse en quatre points : (1) l’absence de mandat ou de pouvoir de représentation du mandataire apparent; (2) la bonne foi du réclamant (le volet subjectif de la bonne foi); (3) une croyance légitime chez le réclamant voulant que le mandataire apparent ait été mandataire ou qu’il ait réellement détenu le pouvoir de représentation (le volet objectif de la bonne foi); (4) une croyance légitime qui découle d’actions ou d’omissions du mandant apparent.

[204]     Avant d’aborder l’analyse du cas en l’espèce, précisons quelque peu le contenu des volets subjectif et objectif de la notion de bonne foi.

La bonne foi

[205]     Pour invoquer la théorie du mandat apparent, une personne doit avoir été de bonne foi : le texte de l’article 2163 C.c.Q. le prévoit expressément.

[206]     Puisque la bonne foi se présume (art. 2805 C.c.Q.), il revient à celui qui allègue la mauvaise foi d’en faire la preuve.

[207]     Comme l’écrit Me Claude Fabien :

La bonne foi est de nature subjective, de sorte qu’il reviendra au tribunal, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, de déterminer selon les circonstances, si le tiers possédait la bonne foi requise […].

[…]

Bien que la bonne foi se présume, il s’agit d’une présomption relative, qui peut être combattue par une preuve contraire. Enfin, la bonne foi étant essentiellement subjective, elle s’apprécie en fonction des connaissances personnelles et de l’expérience d’un individu.

[…]

Il y a lieu maintenant de se demander si le tiers, pour être de bonne foi, a une obligation quelconque de vérifier l’étendue des pouvoirs du mandataire, ou encore si son abstention crée une présomption de mauvaise foi.

1.    Principe général

En principe, le tiers a le devoir de vérifier l’étendue des pouvoirs du mandataire, comme l’exprime Guillouard, cité dans la décision Farmer’s Fence Co. c. Comptoir coopératif:

Il importe toutefois, pour que le mandant soit obligé par les actes du mandataire qui dépassent réellement le but du mandat, tout en le respectant en apparence, que les tiers aient été de bonne foi, et qu’ils n’aient pas eux-mêmes à se reprocher de n’avoir pas suffisamment examiné les prétendus pouvoirs du mandataire.

Toutefois, ce devoir n’a rien d’absolu. […].

[…]

La vérification requise du tiers est celle que ferait le bon père de famille placé dans les mêmes circonstances. […].

[…]

On reprochera au tiers de s’abstenir de vérifier les pouvoirs du mandataire apparent, lorsqu’une personne d’une prudence et d’une diligence raisonnable aurait normalement eu un doute, si elle avait vécu la même expérience.[45]

[Caractères italiques dans l’original, références omises et soulignement ajouté]

[208]     Ces propos de Me Fabien, tenus en 1980-1981, trouvent écho dans les développements jurisprudentiels relatifs aux obligations de renseigner et de se renseigner.

[209]     Dans Banque de Montréal c. Bail Ltée, en 1992, le juge Gonthier écrit :

(…) cependant, j’ajouterais qu’il ne faut pas donner à l’obligation de renseignement une portée telle qu’elle écarterait l’obligation fondamentale qui est faite à chacun de se renseigner et de veiller prudemment à la conduite de ses affaires.[46]

[210]     Un manquement à l’obligation de se renseigner emporte des conséquences que le juge Chouinard de la Cour décrit ainsi dans Bissonnette c. Banque Nationale du Canada :

(…) une victime qui s’est comportée avec une légèreté blâmable, en raison de sa naïveté, de sa crédulité ou autrement, ne pourra recevoir la protection des dispositions pertinentes du Code civil.[47]

[211]     Les propos du juge Gonthier sont aussi repris par le juge Jean-Louis Baudouin de la Cour, en 2002, dans Banque Laurentienne du Canada c. Mackay :

[33]      Toutefois, l’obligation de renseignement du créancier a pour contrepartie celle, à la charge du débiteur, de se renseigner et le juge Gonthier l’a bien souligné également en ces termes :

«J’ajouterais qu’il ne faut pas donner à l’obligation de renseignement une portée telle qu’elle écarterait l’obligation fondamentale qui est faite à chacun de se renseigner et de veiller prudemment à la conduite de ses affaires.»

(p. 587)

[34]      Autrement dit, on ne doit pas pousser l’intensité de l’obligation d’informer jusqu’à une tolérance inconditionnelle et à l’absolution d’une conduite négligente ou imprudente de la part du débiteur. Il convient donc de respecter un certain équilibre.[48]

[Soulignement dans l’original]

[212]     Pour qu’il y ait mandat apparent, il faut que le tiers ait une croyance légitime en son existence, laquelle se mesure par référence à une personne prudente, diligente et avisée. À ce propos, Me Claude Fabien apporte les précisions suivantes :

[…], il faut accorder toute sa portée au terme “raisonnable“, utilisé par le Code pour qualifier les “motifs”. Il ne faut pas hésiter à y voir une référence au standard du bon père de famille, de cette personne normalement prudente, diligente et avisée bien connue en responsabilité civile. L’appréciation des motifs doit donc se faire in abstracto. Le juge doit se demander si une personne normalement avisée, placée dans les mêmes circonstances externes et devant les mêmes apparences, aurait en toute probabilité conclu que le mandataire apparent avait le pouvoir d’accomplir l’acte en litige. […]

Ce critère d’appréciation des “motifs raisonnables” distingue cette notion de celle de “bonne foi” que nous avons étudiée à la section précédente. La bonne foi s’apprécie in concreto, en rapport avec la croyance subjective et véritable du tiers, tandis que les motifs raisonnables s’apprécient in abstracto, en référence à un standard juridique externe. Les deux critères sont utiles et complémentaires : la protection du mandant exige qu’ils soient réunis. En effet, il peut survenir des situations où il existe des motifs raisonnables de croire à un mandat, alors que, de fait, le tiers croit le contraire parce qu’il a eu accès à une information secrète et privilégiée sur le défaut de pouvoir du mandataire apparent. À l’inverse, un tiers peut être absolument convaincu de la qualité du mandataire apparent, mais être victime d’un excès de crédulité, de naïveté, d’ignorance ou d’inexpérience. Dans les deux cas, le bénéfice de la règle de l’article 1730 C.c. [maintenant 2663 C.c.Q.] sera refusé au tiers.

On doit toutefois reconnaître que la frontière entre la bonne foi et les motifs raisonnables est délicate à tracer. Nous avons étudié dans la section consacrée à la bonne foi l’obligation du tiers de vérifier les pouvoirs du mandataire apparent. Il semble bien que cette obligation s’apprécie également in abstracto.  Il y a obligation de vérifier lorsqu’une personne normalement prudente et diligente est placée devant des apparences telles qu’elles créent chez lui un doute sur l’étendue véritable des pouvoirs du mandataire et qu’elles l’incitent à faire une vérification raisonnable. À notre avis, il serait possible de soutenir que “l’obligation de vérifier” n’est que le corollaire des “motifs raisonnables” et qu’il existe un lien logique entre els deux éléments, fondé sur leur critère commun d’appréciation in abstracto. Toutefois, la jurisprudence a traditionnellement fait de l’obligation de vérifier les pouvoirs une condition de la bonne foi du tiers, et dans la mesure où nous avons voulu présenter une image fidèle de la jurisprudence, nous avons suivi cette approche.

En quatrième et dernier lieu, il nous semble utile de préciser que l’appréciation des motifs raisonnables doit être tempérée par leur caractère erroné. […] Le juge doit se garder de qualifier de “raisonnables” uniquement des motifs susceptibles de créer chez le tiers une certitude absolue et irrésistible de l’existence du mandat. […].[49]

[Soulignement ajouté]

[213]     Dans Matte c. Charron, bien que dans un contexte différent de celui du mandat apparent, la Cour relate ainsi les deux volets que comporte la notion de bonne foi (un volet subjectif et un volet objectif) :

[72]      Bien qu'elle ne soit pas définie au Code civil du Québec, la bonne foi imprègne les droits civils et en conditionne l'exercice.  La doctrine identifie deux acceptions de la bonne foi.  La première qui renvoie à l'état d'esprit.  C'est la bonne foi au sens traditionnel qui s'oppose à la mauvaise foi.  Suivant ce sens traditionnel, sera de bonne foi la personne qui agit sans malice, sans réaliser qu'elle agit de façon illégale ou illégitime.  On parle alors de bonne foi subjective.

[73]      Aux termes du Code civil du Québec, la bonne foi ne se limite pas à la subjectivité de la personne qui exerce un droit, elle comporte également un aspect objectif.  Pour rependre l'expression du Code, on dira que les droits doivent être exercés suivant « les exigences de la bonne foi » comme le prévoient les articles 6 et 7 C.c.Q. :

6. Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.

7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi.                                                                                    [Nous soulignons]

[74]      Ainsi, une personne exercera ses droits selon les exigences de la bonne foi dans la mesure où son comportement est acceptable suivant les normes de conduite moralement ou socialement reconnues.  À maintes reprises, notre Cour a eu recours à cette notion de bonne foi objective.

[75]      Dans Acier d'armature Rô inc. c. Stelco inc., la Cour conclut à la bonne foi en l'absence de malice et également parce que la conduite de la partie ne constituait pas non plus « un écart marqué par rapport à la norme de conduite dans le milieu des affaires ».  Dans ABB inc. c. Domtar inc., la Cour a rappelé que l'exigence d'agir de bonne foi va au-delà de la simple absence de mauvaise foi.  Dans Développement Tanaka inc. c. Commission scolaire de Montréal, le juge Forget conclut à l'absence de bonne foi de la Commission scolaire qui a agi de façon déraisonnable « s'écartant clairement de la norme de conduite d'une personne prudente et diligente ».

[76]      La doctrine a identifié plusieurs obligations qui découlent des exigences de la bonne foi : obligations de renseignement, de loyauté, de coopération et de confidentialité.  Ces mêmes obligations recoupent différents concepts qui vont du devoir d'information et de conseil à la conduite qui n'est ni excessive ni déraisonnable.[50]

[Références omises et caractère gras ajouté]

[214]     Bref, comme l’écrit le professeur Adrian Popovici :

On est carrément en pleine théorie de l’apparence. Un contrat apparaît alors que la réalité est autre. Le Code civil du Québec exige que le tiers ait contracté de BONNE FOI avec le pseudomandataire. Cette bonne foi répond à deux tests : 1° le tiers a-t-il réellement cru à l’existence d’un mandat ? Et 2° avait-il des motifs raisonnables d’y avoir cru ? Parfait mariage de la bonne foi subjective et de la bonne foi objective. Croyance subjective et erreur objective.

En France, depuis 1962, on parle de croyance légitime. Il; est opportun de rappeler que le tiers a le DEVOIR de D’INFORMER, devoir dont l’intensité et les modalités varient selon les circonstances.[51]

[Références omises]

Le mandat apparent (l’application en l’espèce)

[215]     Au paragraphe 258 de son jugement, le juge décrit les quatre conditions qui, selon lui, doivent être prouvées pour établir l’existence d’un mandat apparent :

a)            there exists no formal mandate;

b)            the third party must be in good faith;

c)            the circumstances must have created the appearance of a mandate; and

d)            there are no appropriate measures that were taken to prevent the error.

[216]     En comparant cette description aux enseignements relatés précédemment, je constate son caractère incomplet, notamment en ce que :

Ø  Sa description de la troisième condition laisse croire que l’apparence de mandat peut résulter des seules circonstances, sans qu’il soit requis de la relier, d’une manière ou d’une autre, à des actions ou à des omissions du mandant.

Ø  La quatrième condition semble limiter l’analyse aux mesures prises par autrui de nature à éviter l’erreur, sans prise en compte de l’obligation de se renseigner de celui qui cherche à tirer profit d’un mandat apparent allégué.

[217]     Il en découle une analyse déficiente qui justifie, à mon avis, l’intervention en appel.

[218]     Je m’explique.

[219]     Wang n’est pas un mandataire de London puisqu’il a démissionné le 21 novembre 2005, ce que le juge note à bon droit.

[220]     Tenant compte de la preuve retenue, des arguments développés par London et de l’étendue de l’obligation de se renseigner dont Long et Yang étaient débiteurs, dans les circonstances de l’espèce, le juge ne pouvait affirmer que la bonne foi n’était pas en litige. Pour traiter de la bonne foi, il n’était pas suffisant, comme l’a fait le juge (voir le paragraphe [61] des présents motifs), de s’en remettre à la présomption de bonne foi édictée à l’article 2805 C.c.Q. et à un constat voulant que la bonne foi des intimés n’ait pas été contestée par London.  Le volet objectif de la bonne foi devait donner lieu à une analyse bien plus élaborée, d’autant que London a vigoureusement contesté que les intimés justifient d’une croyance légitime tenant compte de leurs faits et gestes au fil des mois; elle reproche d’ailleurs au juge de ne pas avoir pris en compte ses arguments à cet égard.

[221]     L’énoncé du juge « the circumstances must have created the appearance of a mandate » est pour le moins maladroit, car un mandat apparent ne peut résulter du seul constat qu’un ensemble de circonstances en donne l’impression, alors que l’article 2163 C.c.Q. requiert un minimum d’action ou d’omission du mandant dont l’effet est de laisser croire à autrui que la personne avec qui cet autrui contracte possède le pouvoir de le lier contractuellement.

[222]     Le juge ne discute pas de l’obligation de se renseigner des intimés ni des mesures prises par London selon les exigences de la LDPSF et de ses règlements, alors qu’il aurait dû le faire.

[223]     Ces erreurs sont fatales et elles emportent le sort de l’appel de London.

[224]     Tout en retenant, comme le juge l’a fait, que les conditions d’absence de mandat et de bonne foi des intimés, volet subjectif, sont remplies (ce que je ne remets pas en cause), il ne saurait être question à mon avis, en l’espèce, d’une croyance légitime découlant d’actions ou d’omissions de London.

[225]     Il est vrai que London :

Ø  ne s’est pas chargée d’informer Long et Yang du changement de statut de Wang par un avis écrit formel qu’elle leur aurait fait suivre (paragr. 260 et 263 du jugement dont appel); et

Ø  qu’elle n’a pas exigé que Wang procède à l’envoi d’une lettre comportant le mot à mot suggéré (paragr. 261 du jugement dont appel).

[226]     Cependant, et de cela le juge n’en parle pas :

Ø  aux termes de la LDPSF, London n’avait pas d’obligation d’acheminer un avis formel écrit aux clients de Wang et Wang Inc., car l’obligation de divulgation du changement reposait sur ces derniers; et

Ø  London a satisfait à son obligation d’informer l’AMF du changement de statut de Wang, dès novembre 2005 et conformément aux termes de la LDPSF, de sorte que ce changement était divulgué et transparent puisque noté dans le registre public tenu par l’AMF (l’organisme chargé de la mission de protection du public par le législateur) accessible à toute personne.

[227]     Je reconnais que la preuve révèle que :

Ø  les bureaux de Wang sont situés dans un édifice connu comme un centre d’affaires de London (paragr. 266 du jugement dont appel) ;

Ø  bien que Wang ait informé les intimés de l’incorporation de son propre cabinet, il aurait ajouté que cela ne changerait rien à leurs investissements (paragr. 261 du jugement dont appel); et,

Ø  Wang n’a pas fait parvenir aux intimés une lettre contenant le mot-à-mot suggéré par London à la suite de son changement de statut le 21 novembre 2005 (paragr. 261 du jugement dont appel) ni expliqué à ces derniers qu’il ne serait plus l’objet d’une surveillance par London (paragr. 261 du jugement dont appel).

[228]     Cela dit, Long et Yang admettent que Wang les a informés de la mise sur pied de son entreprise, Yang ajoutant qu’ils l’en ont félicité.

[229]     Long et Yang reconnaissent de plus que Wang a modifié sa carte professionnelle, ce qu’il était tenu de faire aux termes de la LDPSF et de l’article 10 du Règlement sur l'exercice des activités des représentants[52]. London a effectué un suivi auprès de Wang et confirmé que ce changement de carte professionnelle était fait : le juge le reconnaît au paragraphe 264 de son jugement.

[230]     Dans son témoignage au procès, Yang ne dit pas que Wang a soutenu être demeuré un représentant de London à la suite de la mise sur pied de son cabinet Wang Inc. Ce qu’elle affirme, c’est simplement ce qui suit :

Alors, il nous a informés la création de sa propre compagnie et même nous lui avons présenté nos félicitations. Alors, nous avons demandé, est-ce qu’il y aurait impact sur notre placement et nos polices d’assurance. Il disait qu’il n’y avait, - qu’il n’y aurait aucun changement, aucun impact sur votre placement et assurance.

[231]     Ni Long ni Yang n’affirme que London leur aurait laissé croire que Wang  demeurait représentant de London tout en étant le représentant de Wang Inc. ou qu’elle aurait posé des actions en ce sens. On retrouve d’ailleurs sur tous les relevés émis par London, subséquemment au 21 novembre 2005,  les noms et coordonnées de Wang et de son cabinet Wang Inc.

[232]     Après novembre 2005, Wang a toujours utilisé l’adresse courriel victor1.wang@gmail.com pour communiquer avec Long et Yang. Le juge commet une erreur manifeste quand il écrit, au paragraphe 262 de son jugement, « [t]hroughout the mandate, Mr. Wang used email addresses that contained London Life’s “Freedom 55” logo: “@F55.com” and: “@freedom55financial.com” ». Si Wang l’a fait avant le mois de novembre 2005, il ne l’a jamais fait par la suite.

[233]     Le 8 août 2006, lors d’une vérification de la conformité du cabinet Wang Inc., London constate la conformité du document de divulgation que Wang Inc. utilisait pour se présenter et présenter son représentant en assurance de personnes (Wang) aux clients selon les exigences de la LDPSF et de ses règlements.

[234]     Comme on l’a vu, celui qui cherche à bénéficier de la théorie du mandat apparent doit établir une croyance légitime fondée sur la bonne foi, laquelle inclut l’obligation de se renseigner, un volet que le juge a omis d’analyser.

[235]     Or, en raison de ce que je mentionne aux paragraphes [222], [226], [228] à [233] des présents motifs et des éléments que je relate ci-après, j’estime que les intimés ne se sont pas déchargés de ce fardeau.

[236]     Dès novembre 2005, Wang Inc. a été inscrit à l’AMF à titre de cabinet et le statut de Wang à titre de représentant en assurance de personnes a été modifié en conséquence. Ces informations, inscrites au registre des représentants et cabinets tenu par l’AMF, aux termes des articles 234 à 239 de la LDPSF (reproduits au paragraphe [99] des présents motifs), étaient publiques et accessibles. Si tant est qu’ils aient véritablement accordé de l’importance à un lien « préposé-commettant », « mandataire-mandant » ou « représentant-cabinet » entre Wang et London, un minimum de prudence et de diligence imposait à Long et à Yang de vérifier la situation à la suite de l’information reçue de la mise sur pied de la compagnie de Wang (une information apparaissant, de plus, sur tous les relevés reçus de London subséquemment au 21 novembre 2005 ainsi que sur les nouvelles cartes professionnelles de Wang). Malgré les obstacles de langue, les intimés possédaient des contacts suffisants et les ressources nécessaires pour réaliser de telles vérifications.

[237]     La preuve révèle que la décision de Long et de Yang de retenir les services de Wang résulte des caractéristiques personnelles de ce dernier et non pas de son lien avec London ou Quadrus en tant que tel. Ce qui a fait la différence, c’est la capacité de Wang de parler le mandarin, son statut personnel d’immigrant au Canada, ses nombreux contacts, politiques et autres, de même que son expertise et expérience professionnelle.

[238]     Qu’il ait été lié à London, une des plus importantes compagnies d’assurance au Canada, était un élément positif parmi d’autres, mais rien de plus.

[239]     Avant novembre 2008, Long et Yang n’ont jamais communiqué avec London pour vérifier quoi que ce soit, bien qu’ils aient eu entre les mains, en tout temps, les coordonnées qui leur permettaient de ce faire. La preuve ne comporte aucun élément voulant que London leur ait représenté quoi que ce soit.

[240]     London a systématiquement fait parvenir à Long et à Yang des relevés de leurs divers comptes, en plus de leur procurer un accès sécurisé par Internet dont ils ont régulièrement fait usage.

[241]     Au fil des années, Long et Yang ont signé des formulaires en blanc à plus d’une reprise en faveur de Wang. Ils ont également accepté le transfert de leur courrier à la résidence de ce dernier. Jamais, jusqu’à la fin du mandat de Wang en novembre 2008, ils n’ont informé London de ce qui précède.

[242]     Si London a accepté toutes les transactions aux divers comptes ouverts par Wang au profit de Long et de Yang, incluant les polices d’assurance, c’est qu’elle a reçu pour chacune d’entre elles les formulaires complétés et dûment signés par eux (les clients), car elle exige qu’il en soit ainsi.

[243]     Le code d’éthique de London pour un cabinet lié à elle par contrat d’exclusivité, tel Wang Inc., interdit expressément la signature de formulaires en blanc et la gestion du courrier-client. Chaque année, depuis 2005, Wang Inc., le cabinet auquel Long et Yang étaient liés depuis novembre 2005, a confirmé à London le respect intégral de ce code d’éthique dans un certificat de conformité dont celle-ci exigeait la signature. Jamais London n’a donc envisagé ou suspecté que Wang et Wang Inc. auraient agi autrement.

[244]     Aux paragraphes 135, 155, 226 et 227 de son jugement, le juge constate la signature de formulaires en blanc ainsi que le renvoi de courrier, alors qu’au paragraphe 228, il écrit :

[228]    This misconduct was not done merely to accommodate the client’s absences. It also permitted Mr. Wang to invest in a discretionary manner without the benefit of full disclosure to the clients and to his supervisor(s) at London Life and Quadrus. The evidence clearly shows that numerous transactions were made without the client’s prior authorization and understanding. If and when he notified them, it was generally after the fact. This allowed him to quietly increase the risk of the portfolio without the client’s knowledge.

[245]     Malgré une connaissance réduite en matière d’investissements, selon ce que conclut le juge, Long et Yang n’étaient pas sans savoir les risques auxquels ils s’exposaient en signant des formulaires en blanc, comme le révèle notamment l’extrait suivant du témoignage de Yang au procès :

R.        Au fond, je ne voulais pas signer des formulaires en blanc. En deux mille cinq (2005), lorsqu’on a décidé de retourner en Chine, nous avons informé monsieur Wang et rencontré monsieur Wang, il a sorti une liasse de formulaires pour nous demander de les signer. À ce moment-là, je ne voulais pas les signer.

Alors, monsieur Wang nous a donné les explications suivantes : «Ces formulaires étaient plutôt pour, - au cas où, parce que vous allez retourner en Chine, on ne sait, - on ne sait pas si on a besoin de ces formulaires, mais au cas où, on va les utiliser, mais avant de les utiliser, je vais vous aviser.»

Et d’ailleurs, monsieur Wang m’a expliqué que le Canada était un pays de loi, tout était protégé par la loi, personne ne peut voler votre argent de vos comptes.

Q.        Alors, tout ça, ça s’est dit en deux mille cinq (2005). Qu’est-ce qui s’est passé en deux mille six (2006), vous avez mentionné que lorsque vous êtes revenus au Canada pour les vacances estivales, vous avez re-rencontré monsieur Wang, qu’est-ce qui s’est passé à ce moment-là au niveau des formulaires en blanc ?

R.        Bon ! pour deux mille six (2006), lorsqu’on est revenus pour les vacances et on a rencontré monsieur Wang, mais cette fois-ci je n’ai pas présenté objection parce que je voyais que le rendement de notre investissement était bon.

Q.        Vous avez mentionné que monsieur Wang vous avait dit qu’il vous aviserait avant de se servir des formulaires; qu’en est-il de cet engagement-là de monsieur Wang?

R.        En fait, il nous a jamais avisés. Quelquefois, c’était après les transactions, il envoyait des courriels à mon mari pour l’informer.

Q.        Vous souvenez-vous au total à peu près combien épais de documents vous avez signés en blanc?

R.        À peu près comme ça.

Q.        Un pouce (1 po), un petit pouce (1 po)?

R.        À peu près.

[246]     Dans l’arrêt Immeubles Jacques Robitaille inc. c. Financière Banque Nationale, la Cour rappelle qu’un certain devoir de prudence et de diligence s’impose à tout investisseur, même au néophyte :

[76]      On doit aussi s'attendre d'un investisseur, même non aguerri, à une élémentaire prudence de sa part. Il doit s'appliquer à prendre connaissance des informations transmises par le représentant de courtier de plein exercice pour mieux le guider dans ses choix. Il doit aussi considérer les relevés et les comptes rendus de la gestion du représentant et du courtier afin d'être en mesure de réagir dans des délais raisonnables, le cas échéant. Bref, on dira de l'investisseur raisonnable qu'il doit fournir un « effort minimum de compréhension » et de collaboration.[53]

[Références omises]

[247]     Cette obligation de prudence et de diligence a été reprise depuis par la Cour dans les arrêts Mazzarolo c. BMO Nesbitt Burns ltée[54] et Huppé (Succession de) c. Valeurs mobilières Banque Laurentienne[55].

[248]     En l’espèce, Long et Yang ont manqué à leur obligation de prudence et de diligence. Ils ont fait défaut de se renseigner, alors qu’ils en avaient l’obligation. Malgré tous les indices qu’ils possédaient et qui suscitaient chez eux des doutes quant au caractère équilibré de leurs investissements dès 2006, ils n’ont jamais fait appel à London. Jamais, si ce n’est vers la fin de 2008, Long et Yang ne se sont enquis d’une surveillance effectuée, le cas échéant, par London.

[249]     Pourtant, le jour où ils ont atteint leur seuil de tolérance (vers la fin de 2008), il leur a fallu très peu de temps pour communiquer avec London. Malgré leur niveau de connaissances peu élevé en matière d’investissements et les obstacles de langue, en quelques jours ils ont saisi l’ombudsman de London d’une plainte détaillée, requis un changement de conseiller en investissements, communiqué avec le service à la clientèle de London, déposé une plainte auprès de l’AMF et entrepris diverses autres démarches de suivi.

[250]     Ni Long ni Yang ne reproche à London un manquement à une obligation de renseignement, alors que la preuve abonde d’exemples d’informations détaillées et adéquates que London leur a acheminées.

[251]     Long et Yang ne se sont pas déchargés de leur fardeau d’établir une croyance légitime dans l’existence d’un mandat apparent découlant d’actions ou d’omissions de London.

[252]     Dans ce contexte, London ne peut être tenue responsable de la faute de Wang sur la base de la théorie du mandat apparent (seule source potentielle de responsabilité) et, en l’absence de tout reproche quant aux produits offerts, l’action de Long et de Yang contre elle aurait dû être rejetée.

[253]     Subsidiairement, comme ils connaissaient les risques découlant de la signature de formulaires en blanc et l’usage que Wang en faisait sans les prévenir, contrairement à leurs instructions (à ce dont ils avaient convenu), ce qui a permis à Wang de modifier leurs profils investisseur (source du dommage réclamé), il y aurait lieu d’opposer une fin de non-recevoir à leur réclamation qui prend appui sur la théorie du mandat apparent, car Long et Yang sont malvenus de demander que London subisse les conséquences des gestes de Wang dont elle n’a pas été en mesure de se prémunir par leur faute. Rappelons que London n’avait plus accès aux dossiers de Wang, en raison des restrictions à l’accès énoncées à la LDPSF, puisque ce dernier n’était plus lié à elle à titre de cabinet depuis novembre 2005.

[254]     Dans ce contexte, les propos suivants des professeurs Jobin et Vézina doivent être appliqués :

Au cours du 20e siècle, est apparu dans la jurisprudence un moyen de défense appelé « fin de non-recevoir ». Quand la conduite du créancier est jugée inacceptable, ce créancier se voit privé d’exercer ses droits en justice, notamment pour tenter d’en obtenir l’exécution, en nature ou par équivalent. Comme l’écrivait Pothier, une fin de non-recevoir n’éteint pas la créance ; elle la rend inefficace en privant le créancier d’être entendu par le tribunal pour la faire valoir. Il s’agit en somme d’un instrument dont se sont dotés les tribunaux pour sanctionner un comportement répréhensible : le créancier ne doit pas être admis à tirer profit de sa mauvaise conduite. C’est une règle d’équité qui écarte la règle de droit normalement applicable. La règle de la fin de non-recevoir n’est pas sans rappeler celle exprimée par la maxime nemo auditur propriam turpitudinem allegans. […].

[…]

On a dit que la fin de non-recevoir trouvait son fondement dans une faute du créancier - bien que cette faute conduise, non à un partage de responsabilité, mais à une exonération complète. À notre avis, toutefois, ce sont plutôt les principes de bonne foi et d’équité qui la justifient. La faute, du moins dans son sens habituel, n’est pas nécessaire. Ainsi, bien qu’elle évoque évidemment l’estoppel de la common law, la fin de non-recevoir, […] elle se situe à la jonction du droit civil et du droit judiciaire.[56]

[Soulignement ajouté, références omises]

Le cas de Quadrus

[255]     Comme je l’ai déjà dit, le juge traite de la responsabilité de Quadrus en cinq paragraphes, dont les deux suivants où il conclut ainsi :

[275]    Pursuant to Section 80 of the DFPS Act, Quadrus is responsible for the faults of Mr. Wang in the present case.

[276]    Furthermore, Quadrus does not appear to have adequately supervised Mr. Wang’s sale of Franklin Templeton and Quadrus mutual funds to the clients.  No evidence has been submitted that Mr. Wang was supervised by a Quadrus manager other than the appearance of initials on KYC forms and purchase orders.

[256]     S’il est vrai que l’article 80 de la LDPSF s’applique à la relation qui lie Wang à Quadrus, encore faut-il en vertu de cet article de loi conclure à une faute spécifique de Wang dans l’exécution de sa fonction de représentant de courtier en épargne collective pour tenir Quadrus responsable de quoi que ce soit.

[257]     Nulle part le juge ne tire une semblable conclusion.

[258]     Jusqu’à la vente des fonds Franklin Templeton, fin 2006, les portefeuilles de Long et de Yang étaient équilibrés.

[259]     De l’automne 2006 à la fin 2008, les comptes Quadrus n’ont donné lieu à aucun dépôt ou retrait additionnel. Aucune transaction n’a requis une intervention particulière de Quadrus susceptible de donner lieu à une surveillance de sa part des actions de Wang.

[260]     Aucun lien juridique ne lie Quadrus et Wang Inc. La seule personne à laquelle Quadrus est liée, en ce qui concerne la vente de fonds communs, c’est à Wang son représentant.

[261]     Aux termes de la LDPSF, Wang ne peut communiquer à Quadrus que les renseignements qu’il recueille dans le cadre de la vente de fonds communs. Sans l’autorisation expresse des clients, il ne peut dévoiler à Quadrus les renseignements recueillis et détenus en matière d’assurance de personnes. Quadrus n’a pas accès aux dossiers de Wang comme représentant en assurance de personnes, ni à ceux de Wang Inc. comme cabinet en assurance de personnes.

[262]     Au sujet des comptes Quadrus, différents de ceux de London, et notamment à la suite de la liquidation des fonds Franklin Templeton, Long et Yang racontent notamment ce qui suit lors du procès (cinq extraits du témoignage de Long et un sixième du témoignage de Yang au procès) :

Premier extrait (Long)

R.        C’est un profit, là, acquis placé dans un autre compte relativement risqué, mais pour un placement à long terme. Ce sont des grandes compagnies, mais à long terme la performance est bonne, mais il y a fluctu…, - fluctuation.

Q.        Alors, dans quelle compagnie est-ce que ce compte d’investissement-là devait être ouvert?

R.        On n’a pas, - on n’a pas parlé des détails parce que tout le temps on parlait des trois sortes de fonds: fonds de dividendes, immobiliers et obligataires. Mais il a mentionné : «C’est peut-être les fonds de Quadrus.»

Deuxième extrait (Long)

R.           OK. Alors, avant notre départ vers la Chine, nous avons dû aviser monsieur Wang que nous n’avions plus besoin de l’argent ici parce que ce serait pendant trois (3) ans qu’on ne demeurera plus ici.

Alors, lorsqu’on est arrivés en Chine, monsieur Wang nous a envoyé un courriel pour nous dire que chaque mois on va retirer un tel montant et par la suite on va le déposer dans notre compte de, - d’investissement.

(…)

Q.           Alors, quelle était votre compréhension du compte d’investissement auquel il faisait référence ?

R.           Alors, précédemment, monsieur Wang a parlé de compte 1 et compte 2. Alors, je comprenais que c’est, - c’était dans le compte chez Quadrus. (…)

Troisième extrait (Long)

R.        Ma compréhension était que comme on avait déjà discuté d’un retrait pour couvrir les dépenses de la vie quotidienne, monsieur Wang a retiré les profits dans les comptes chez la London Life pour les placer dans le compte d’investissement chez Quadrus pour avoir un meilleur rendement.

(…)

Q.        Pendant combien de temps est-ce que cette façon-là de procéder a continué ?

R.        Alors, jusqu’au juillet deux mille six (2006), oui, en juillet deux mille six (2006) nous sommes revenus (…)

(…)

R.        Alors, à notre retour à Montréal en juillet deux mille six (2006), j’ai avisé à monsieur Wang d’arrêter les opérations.

(…)

R.        Arrêter le plan de retrait et de transfert.

(…)

R.        Oui. Alors, monsieur Wang a écrit sur le relevé annuel du compte chez Quadrus que ce serait arrêté le vingt-huit (28) août.

Quatrième extrait (Long)

R.        C’était monsieur Wang qui a fait une planification pour nous dire que les fonds chez la London Life pourraient générer des revenus et je comprenais que c’est une, - London Life est une compagnie d’assurance, c’est plutôt pour la sécurité. Et lorsqu’on plaçait le produit, le revenu généré par les fonds de la London Life chez Quadrus, c’était plutôt pour un placement  à long terme.

Cinquième extrait (Long)

R.        Depuis le mois août deux mille six (2006) où on a arrêté de placer l’argent dans les comptes de Quadrus, on ne vérifiait pas vraiment, - non, - on ne s’occupait pas vraiment du compte de Quadrus. L’argent était resté là.

Sixième extrait (Yang)

R.        Au fond, au sujet du compte chez Quadrus, monsieur Wang nous disait : « On va utiliser le profit des comptes de la London Life pour faire un placement à long terme. »

[Transcrit tel quel]

[263]     De ce qui précède, force est de conclure que Long et Yang étaient informés par Wang d’objectifs spécifiques de rendement poursuivis lors d’investissements chez Quadrus et qu’ils y ont acquiescé. Cela étant, leur inaction entre 2006 et 2008 constitue une fin de non-recevoir à la réclamation de dommages qu’ils dirigent contre Quadrus.

[264]     De plus, sachant que les comptes de Quadrus ont été traités par Wang conformément aux instructions reçues de Long et de Yang lors de leur retour en 2006, j’estime que Long et Yang n’ont pas établi de manquement spécifique de ce dernier, en sa seule qualité de représentant de courtier en assurance collective, qui soit susceptible d’engager la responsabilité de Quadrus selon l’article 80 de la LDPSF.

[265]     Tout comme dans le cas de London, la qualité des produits Quadrus n’est pas en cause, ce que reconnaissent les intimés. Aucun reproche de manquement à une obligation de renseignement n’est de plus adressé à Quadrus.

[266]     Ainsi, le juge aurait dû rejeter l’action de Long et de Yang contre Quadrus.

Conclusion sur le premier et le deuxième moyens d’appel de London et de Quadrus

[267]     Les premier et deuxième moyens d’appel de London et de Quadrus sont fondés et ils justifient l’intervention de la Cour.

Troisième moyen : le juge erre en condamnant London et Quadrus solidairement.

[268]     Cette question n’est abordée que de manière subsidiaire vu mes conclusions précédentes. La solidarité ne se présume pas, elle doit être expressément stipulée par les parties ou prévue par la loi (art. 1525 C.c.Q.).

[269]     En principe, le préjudice causé par plusieurs personnes se partage en proportion de leur faute respective selon l’article 1478 C.c.Q. Ce n’est qu’en situation d’impossibilité de procéder à un tel partage que l’article 1480 C.c.Q. entre en jeu et qu’il permet, le cas échéant, d’imputer la responsabilité collective[57]:

1478. Lorsque le préjudice est causé par plusieurs personnes, la responsabilité se partage entre elles en proportion de la gravité de leur faute respective.

La faute de la victime, commune dans ses effets avec celle de l'auteur, entraîne également un tel partage.

1478. Where an injury has been caused by several persons, liability is shared between them in proportion to the seriousness of the fault of each.

The victim is included in the apportionment when the injury is partly the effect of his own fault.

1480. Lorsque plusieurs personnes ont participé à un fait collectif fautif qui entraîne un préjudice ou qu'elles ont commis des fautes distinctes dont chacune est susceptible d'avoir causé le préjudice, sans qu'il soit possible, dans l'un ou l'autre cas, de déterminer laquelle l'a effectivement causé, elles sont tenues solidairement à la réparation du préjudice.

1480. Where several persons have jointly participated in a wrongful act which has resulted in injury or have committed separate faults each of which may have caused the injury, and where it is impossible to determine, in either case, which of them actually caused the injury, they are solidarily bound to make reparation therefor.

[270]     Aux fins d’expliquer sa conclusion de solidarité entre London et Quadrus, le juge écrit :

[318]    Although London Life and Quadrus are separate corporate entities, there is no evidence that Mr. Wang was adequately supervised by either of them.  The investments made by Mr. Wang for Mr. Long and Mrs. Yang have to be seen as a single and global portfolio consisting of various different products.  The first investment was a Franklin Templeton fund.  This was followed with London Life segregated funds and insurance policies.  20% of the London Life funds are then withdrawn and invested in Quadrus funds.  We see the movement of funds back and forth and in and out like musical chairs.  Where they ended up is almost accidental and not reflective of the respective faults committed by the Defendants.

[271]     J’estime que le juge erre en prononçant une condamnation solidaire.

[272]     L’argument voulant que Quadrus soit une filiale de London et que cela justifie la solidarité ne résiste pas à l’analyse.

[273]     Les données factuelles permettent de déterminer le pourcentage du portefeuille susceptible de donner lieu à une obligation de surveillance de London ou de Quadrus, le cas échéant (voir à ce propos les paragraphes [173] et [174] des présents motifs).

[274]     Au besoin, il était possible de répartir le quantum selon ces pourcentages. Ainsi, le juge a erré en prononçant une condamnation solidaire de London et de Quadrus.

[275]     Le troisième moyen d’appel est aussi bien fondé.

Les conclusions

[276]     En raison de tout ce qui précède, je propose les conclusions suivantes :

Ø  Dans le dossier Wang et Wang Inc. : accueillir en partie l’appel de Wang et de Wang Inc. aux fins de réduire le quantum de l’indemnité à payer aux intimés à 392 721 $, dans le cas de Wang, et à 338 463 $, dans celui de Wang Inc., avec frais de justice, et modifier la conclusion 320 du jugement dont appel en conséquence;

Ø  Dans le dossier London et Quadrus : accueillir l’appel de London et de Quadrus avec frais de justice, infirmer quant à eux la conclusion 320 du jugement dont appel et rejeter l’action des intimés contre London et Quadrus, avec dépens.

 

 

 

 

MARIE ST-PIERRE, J.C.A.

 



[1]     Long c. Wang, 2014 QCCS 3044.

[2]     RLRQ, c. D-9.2.

[3]     H.L. c. Canada (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 401, 2005 CSC 25; Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, 2002 CSC 33; J.G. c. Nadeau, 2016 QCCA 167, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême, 2016-04-04 (C.S. Can.) 36924; P.L. c. Benchetrit, 2010 QCCA 1505. Voir aussi : R. c. South Yukon Forest Corporation, 2012 FCA 165, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2012-12-06) 34946; Vidéotron, s.e.n.c. c. Bell ExpressVu, l.p., 2015 QCCA 422, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2015-10-15), 36414; Laforest c. Boudreault, 2015 QCCA 162, paragr. 36; Bellamy c. Vallée, 2015 QCCA 1912, paragr. 41; et Air Canada c. Québec (Procureure générale), 2015 QCCA 1789, paragr. 49 et s.

[4]     Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, 2002 CSC 33; S.C. c. Motoneiges Géro inc., 2014 QCCA 2180. Voir aussi : R. c. W.H., [2013] 2 R.C.S. 180, 2013 CSC 22; R. c. R.P., 2012 CSC 22, [2012] 1 R.C.S. 746; R. c. Burke, [1996] 1 R.C.S. 474; R. c. W. (R.), [1992] 2 R.C.S. 122, p. 131-132.

[5]     Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette, [2008] 3 R.C.S. 392, 2008 CSC 64; Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand, [1996] 3 R.C.S. 211, paragr. 84; Andrews c. Grand Toy Alberta Ltd., [1978] 2 R.C.S. 229; Vidéotron c. Bell ExpressVu, 2015 QCCA 422, autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada refusée (C.S. Can., 2015-10-15) 36414; La Malbaie (Ville de) c. Entreprises Beau-Voir inc., 2014 QCCA 739, paragr. 36; A.S. c. D.F., J.E. 2005-277, 2005 QCCA 25, paragr. 12; Radiomutuel Inc. c. Savard, [2003] R.R.A. 14 (C.A.), J.E. 2003-75, paragr. 69; Devoir inc. (Le) c. Centre de psychologie préventive et de développement humain GSM inc., J.E. 99-404, [1999] R.R.A. 17 (C.A.); Dicaire c. Chambly (Ville de), 2008 QCCA 54, paragr. 25; Lévesque c. Hudon, 2013 QCCA 920, paragr. 69, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2014-01-09) 35485; Léo Ducharme, Précis de la preuve, 6e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2005, p. 216 (no 541); Jean-Claude Royer, La preuve civile, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, p. 336.

[6]     2007 CSC 50, [2007] 3 RCS 461.

[7]     Homsani c. Kurdi, 2013 QCCA 1752; Bruno c. Filippi, 2013 QCCA 1751; Szondy c. 794204 Ontario inc., 2013 QCCA 1024; Andrade c. Soliman, 2013 QCCA 88, requête en rétractation de jugement rejetée, 2013 QCCA 447; Albernhe c. Rondeau, 2012 QCCA 463, requête pour suspendre l'exécution d'un jugement rejetée, 2012 QCCA 588, requête en rétractation de jugement rejetée, 2012 QCCA 977, requête en prolongation de délai accueillie et requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2012-11-22), 34955; Bouchard c. St-Raphaël (Municipalité de), 2011 QCCA 1826; E.G. c. Carrier, 2010 QCCA 2153, paragr. 13, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2011-05-26) 34071; P.L. c. Benchetrit, 2010 QCCA 1505, paragr. 24; Bui c. Pelletier, 2010 QCCA 855; Usinage Promac inc. c. Chaînes de traction Québec ltée, 2008 QCCA 1310; Regroupement des CHSLD Christ-Roy (Centre hospitalier, soins longue durée) c. Comité provincial des malades, 2007 QCCA 1068, paragr. 54 et 55; Bérubé c. Hôtel-Dieu de Lévis, J.E. 2003-769 (C.A.), paragr. 18.

[8]     Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome, RLRQ, c. D-9.2, r. 2.

[9]     Règlement relatif à l'inscription d'un cabinet, d'un représentant autonome et d'une société autonome, RLRQ, c. D-9.2, r. 15.

[10]    Règlement sur l’exercice des activités des représentants, RLRQ, c. D-9.2, r. 10.

[11]    Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant, RLRQ, c. D-9.2, r. 7.

[12]    Règlement sur les renseignements à fournir au consommateur, RLRQ, c. D-9.2, r. 18.

[13]    Notamment, dans le présent dossier, à l’article 29 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome, aux articles 2 et 9 du Règlement relatif à l’inscription d’un cabinet, d’un représentant autonome et d’une société autonome et à l’article 17 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.

[14]    2011 QCCA 1837, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2012-04-26) 34565.

[15]    Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoît Moore, La responsabilité civile, Volume 2 : Responsabilité professionnelle, 8e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, no 2-226, p. 264-265.

[16]    Voir le paragraphe 286 du jugement dont appel reproduit au paragraphe [64] des présents motifs.

[17]    Financière Banque Nationale inc. c. Dussault, 2009 QCCA 1594.

[18]    Constat que fait le juge - voir les paragraphes 54 et 104 du jugement dont appel.

[19]    Voir notamment les paragraphes 38 à 41, 51, 54, 64, 76, 104, 123 à 128, 129, 139 à 141, 144, 147-148, 157, 166-168, 174-175, 177-178 du jugement dont appel.

[20]    Voir notamment les paragraphes 141 à 145, 162-163, 167, 171 et 179 du jugement dont appel.

[21]    Voir les paragraphes 142-143, 145-146 du jugement dont appel.

[22]    Voir les paragraphes 160, 238 à 240 du jugement dont appel.

[23]    Voir les paragraphes 123-128, 141, 157, 162, 166, 184 à 195, 239 et 240 du jugement dont appel.

[24]    Voir notamment les paragraphes 115, 207, 222, 229, 232, 235, 294 et 308 du jugement dont appel.

[25]    Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoît Moore, La responsabilité civile, Volume 2 : Responsabilité professionnelle, 8e éd., Éditions Yvon Blais, 2014, no 2-209, p. 234-255.

[26]    Immeubles Jacques Robitaille inc. c. Financière Banque Nationale, 2011 QCCA 1952, paragr. 58, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2012-05-03) 34596; Valeurs mobilières Desjardins inc. c. Lepage, 2011 QCCA 1837, paragr. 97, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2012-04-26) 34565; Financière Banque Nationale c. Canonne, 2008 QCCA 2020, paragr. 3; Bélanger c. Geoffrion Leclerc inc., [1997] R.J.Q. 797, 1997 CanLII 10414 (QC CA), p. 801.

[27]    Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoît Moore, La responsabilité civile, Volume 2 : Responsabilité professionnelle, 8e éd. Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, no 2-222, p. 255-262; Raymonde Crête et Cinthia Duclos, « Les sanctions civiles en cas de manquements professionnels dans les services de placement » dans Raymonde Crête et al., dir., Courtiers et conseillers financiers : encadrement des services de placement, Cowansville (QC), Yvon Blais, 2011, p. 361, à la page 401.

[28]    Laflamme c. Prudential-Bache Commodities Canada Ltd., [2000] 1 R.C.S. 638, 2000 CSC 26, paragr. 60-64; Souscripteurs du Lloyd's c. Alimentation Denis & Mario Guillemette inc., 2012 QCCA 1376, paragr. 24, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2013-04-04) 35011; Alimentation Denis & Mario Guillemette inc. c. Groupe Boudreau Richard inc., 2011 QCCS 2362, paragr. 85, appel rejeté, 2012 QCCA 1376 et requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2013-04-04) 35011; Gestion Clermont Pedneault inc. c. Bonneau, 2007 QCCS 6207, paragr. 134-135, appels rejetés et désistement d’appel dans le dossier no 200-09-006223-082 quant à l’intimée Nancy Pedneault, 2009 QCCA 2191, paragr. 7; Roy c. Financière Banque Nationale inc., 2007 QCCS 6068, paragr. 122-127.

[29]    Richter & Associés inc. c. Merrill Lynch Canada inc., 2007 QCCA 124, [2007] R.J.Q. 238, énoncés  repris dans Valeurs mobilières Desjardins inc. c. Lepage, 2011 QCCA 1837, paragr. 88, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2012-04-26) 34565. Voir aussi : Raymonde Crête et Cinthia Duclos, « Les sanctions civiles en cas de manquements professionnels dans les services de placement » dans Raymonde Crête et al., dir., Courtiers et conseillers financiers : encadrement des services de placement, Cowansville (QC), Yvon Blais, 2011, p. 361, aux pages 376 à 378.

[30]    Quesnel c. Laberge, 2011 QCCA 779.

[31]    Endoceutics inc. c. Philippon, 2015 QCCA 1346, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2016-04-07) 36684.

[32]    SITBA c. Consolidated-Bathurst Packaging Ltd. [1990] 1 R.C.S. 282, p. 339; Syndicat des employées et employés professionnels et de bureau, section locale 574, SEPB, CTC-FTQ c. Groupe Pages jaunes Cie, 2015 QCCA 918, paragr. 40 et 41, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2016-02-18) 36562; Société d’habitation et de développement de Montréal c. Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal, section locale 301 (SCFP/FTQ), 2005 QCCA 965, paragr. 28.

[33]    Kane c. Cons. d'administration de l'U.C.B., [1980] 1 R.C.S. 1105; Droit de la famille — 12272, 2012 QCCA 322, paragr. 23 à 34.

[34]    Ce sont les pourcentages que les deux témoins experts ont utilisés, bien que la composition de leurs portefeuilles de référence varie quelque peu. Celui de l’expert Marquis est composé de 60 % en obligations (revenus fixes) selon le rendement total de l’indice DEX Univers et de 40 % en actions canadiennes selon le rendement total de l’indice S&P/TSX, alors que celui de l’expert Turcotte est composée de 60 % en obligations (revenus fixes) selon l’indice SMU univers, de 30 % en actions canadiennes selon le rendement de l’indice S&P/TSX, de 5 % en actions américaines selon l’indice S&P500 et de 5 % en actions internationales selon l’indice S&P global 1200.

[35]    Selon le tableau contenu au paragraphe [174] des présents motifs, appliquant le principe de la moyenne énoncé au paragraphe [175], le montant dans le cas de London est de 338 463 $ et de 54 258 $ dans celui de Quadrus.

[36]    Ces moyens d’appels sont énoncés au paragraphe [15] des présents motifs.

[37] Deslauriers c. Coopérants (Les), société mutuelle d'assurance-vie, J.E. 93-1622 (C.A.), [1993] R.R.A. 874, p. 879 à 881, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 1994-04-28) 23824

[38]    2008 QCCA 739, paragr. 27.

[39]    2010 QCCA 1661, paragr. 2.

[40]    2015 QCCA 1135, paragr. 56.

[41]    2013 QCCA 578.

[42]    Compagnie d’assurances Missisquoi c. Petro-Canada, 2010 QCCA 2085. Voir aussi : Inkas Security Services Ltd. c. Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux, 2010 QCCA 1661, paragr. 2; Bertrand c. Crown, compagnie d’assurance-vie, J.E. 99-1797 (C.A.), [1999] R.R.A. 793; Deslauriers c. Coopérants (Les), société mutuelle d’assurance-vie, J.E. 93-1622 (C.A.), [1993] R.R.A. 874, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 1994-04-28) 23824.

[43]    Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoit Moore, La responsabilité civile, Volume 2 : Responsabilité professionnelle, 8e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, no 2-499, p. 534-535.

[44]    Claude Fabien, « Le nouveau droit du mandat », dans La réforme du Code civil, vol. 2, Ste-Foy, Les Presses de l'Université Laval, 1993, p. 881, aux pages 916-917.

[45]    Claude Fabien et Anne-Marie Morel, Le mandat apparent, Revue juridique Thémis, (1980-81) 15 R.J.T. no 3, p. 319 à 356, aux pages 333 à 335.

[46]    Banque de Montréal c. Bail Ltée, [1992] 2 R.C.S. 554, 587.

[47]    Bissonnette c. Banque Nationale du Canada, J.E. 92-993 (C.A.), [1993] R.L. 234 (C.A.), requêtes pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetées (C.S. Can., 1993-02-04) 23132, 23143, 23144, 23145, 23146, 23147, 23148, 23149, 23150, 23151, 23152 et 23153.

[48]    Banque Laurentienne du Canada c. Mackay, J.E. 2002-467 (C.A.), [2002] R.J.Q. 365 (C.A.). Voir aussi : Québec (Procureure générale) c. Consortium ad hoc Katz, Gendron, Jodoin, Perron, Rousseau, Babin & Associés, Roussy, Michaud & Associés, Cadoret, Savard, Tremblay & Associés, Jean Roy, a.g., 2015 QCCA 159, paragr. 65 et la jurisprudence et doctrine y citées.

[49]    Claude Fabien et Anne-Marie Morel, Le mandat apparent, Revue juridique Thémis, (1980-81) 15 R.J.T. no 3, p. 319 à 356, aux pages 340 et 341.

[50]    Matte c. Charron, 2010 QCCA 1496, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2011-03-24) 33905.

[51]    Anne-Sophie Hulin, Robert Leckey et Lionel Smith, Les apparences en droit civil, Adrian Popovici, Le mandat apparent, une chimère ?, Les apparences en droit civil, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2015, à la p. 6. Sur le mandat apparent en droit français et belge, voir Le droit des obligations dans les jurisprudences française et belge, Collection de l’Académie de droit privé Européens, sous la coordination d’Erik Van den Haute, Paris, Éditions Bruylant, 2013, Jean-François Romain, Partie 8, Étude de la théorie de l’apparence en droit Belge et français, aux pages 187 à 242. Sur le mandat apparent en droit luxembourgeois, voir Pascal Ancel, Contrats et obligations conventionnelles en droit luxembourgeois, Approche comparative, Collection de la Faculté de Droit, d’Économie et de Finance de l’Université du Luxembourg, Bruxelles, Éditions Larcier, 2015, aux pages 362 à 364.

[52]    Règlement sur l'exercice des activités des représentants, c. D-9.2, r. 10.

[53]    Immeubles Jacques Robitaille inc. c. Financière Banque Nationale, 2011 QCCA 1952, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2012-05-03) 34596.

[54]    Mazzarolo c. BMO Nesbitt Burns ltée, 2013 QCCA 245, paragr. 105.

[55]    Huppé (Succession de) c. Valeurs mobilières Banque Laurentienne, 2014 QCCA 294, paragr. 4.

[56]    Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina, Les obligations, 7e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2013, n° 730, p. 852, aux pages 855-856. Voir aussi : Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 2e éd., Montréal, Les Éditions Thémis, 2012, n° 2031, p. 1159.

[57]    St-Jean c. Mercier, 2002 CSC 15, [2002] 1 R.C.S. 491, paragr. 118 à 120.

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