Décision

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Droit de la famille — 151172

2015 QCCS 2308

 

JL 3454

 
 COUR SUPÉRIEURE

(Chambre familiale)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-04-062114-138

 

 

 

DATE :

Le 22 mai 2015

 

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

LOUIS LACOURSIÈRE, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

S... H...

-et-

J... F...

Requérants

-et-

LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC

-et-

LE DIRECTEUR DE L’ÉTAT CIVIL DU QUÉBEC

Intervenants

-et-

C... D...

            Mise en cause

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT RECTIFIÉ SUR UNE REQUÊTE EN RÉTRACTATION DE JUGEMENT

DU PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC ET DU DIRECTEUR DE L’ÉTAT CIVIL

DU QUÉBEC ET SUR LA REQUÊTE INTRODUCTIVE D’INSTANCE AMENDÉE

DES REQUÉRANTS EN RECONNAISSANCE D’UN JUGEMENT ÉTRANGER

______________________________________________________________________

 

 

[1]           S... H... et J... F..., mariés depuis le 15 octobre 2005[1], demandent l’homologation d’un jugement rendu le 7 janvier 2013 en Pennsylvanie                         (le « Jugement »)[2].

[2]           Le Jugement se lit comme suit :

IN THE COURT OF COMMON PLEAS OF ADAMS COUNTY, PA

ORPHANS’ COURT DIVISION

IN RE :  BABY X

DECREE

                         And Now, this 7th day of January 2013, upon consideration of the foregoing Petition, and the Affidavits, Acknowledgments and Stipulation attached thereto, it is the determination of this Court that J. F. and S. H. are the legal parents of a child expected to be born on or about […], 2013, at Hanover Hospital, Hanover, Pennysylvania, through C. D. acting as embryo carrier for the said J. F., and S. H., as the intended parents.

             It is hereby Ordered and Decreed that any certified copies of the birth records of said child shall reflect the parentage of J. F. and S. H. whenever parentage appears on such documents.  It is further Ordered and Decreed that all records and papers relating to these proceedings kept in the files of this Court, including without limitation the underlying petition and exhibits, shall be impounded and withheld from inspection except on an order of Court granted upon cause shown.

BY THE COURT:

(s) John D. Kulson, j.

[3]           L’enfant à naître, X, est né le [...] 2013, tel qu’il appert du certificat de naissance qui désigne les requérants comme parents[3].

[4]           Les requérants demandent aussi, par leur requête en homologation, d’être déclarés parents de X et que le Directeur de l’état civil du Québec (le « Directeur ») émette un certificat de naissance pour X ou, subsidiairement, insère l’acte de naissance américain au registre de l’état civil du Québec comme s’il y avait été créé, avec les requérants comme pères.

[5]           La Procureure du Québec (la « PG ») et le Directeur contestent.  Ils allèguent essentiellement que les dispositions du Code civil du Québec (C.c.Q.) relatives à la reconnaissance d’un jugement étranger ne sont pas satisfaites et que les conclusions demandées quant à l’acte de naissance équivalent à cautionner un mode de filiation qui n’est pas reconnu par le Code civil du Québec.

I           CONTEXTE ET PROCÉDURES

[6]           Les requérants sont domiciliés au Québec. M. F... est citoyen américain et résident permanent du Canada. M. H... est citoyen canadien. L’enfant X a la double citoyenneté.

[7]           Les requérants ont recours à une mère porteuse, la mise en cause, américaine, domiciliée aux États-Unis, pour devenir parents[4]. La convention de mère porteuse est soumise aux lois de la Californie. Le père biologique est S... H... et J... F... n’a pas de lien biologique avec l’enfant.

[8]           En octobre 2013, les requérants présentent devant la Cour supérieure une requête pour faire homologuer le Jugement. 

[9]           Le 30 octobre, la Cour supérieure homologue le Jugement et ordonne au greffier de la Cour supérieure de transmettre au Directeur une copie du Jugement pour qu’il délivre un certificat de naissance conformément à l’article 129 C.c.Q.[5]

[10]        Les intervenants PG et le Directeur n’ayant été ni appelés ni représentés, ils présentent une requête en rétractation de jugement, laquelle est reçue le 1er décembre 2014.

II          POSITION DES PARTIES

i)          Les requérants

[11]        Les requérants plaident que les conditions nécessaires à la reconnaissance du Jugement sont satisfaites.  Ils soutiennent que l’intérêt de l’enfant prime et que les motifs de contestation soulevés par les intervenants font abstraction de la souplesse démontrée par les tribunaux qui sont appelés à reconnaître des jugements étrangers en application de principes juridiques différents de ceux reconnus au Québec.

ii)         Les intervenants

[12]        Les intervenants invoquent les moyens suivants de contestation :

a)    la déclaration que demandent les requérants d’être reconnus comme parents de X ne peut faire l’objet d’une ordonnance d’exécution car les requérants sont déjà les parents de X selon l’acte de naissance de Pennsylvanie;

b)    le Jugement ne peut être reconnu et rendu exécutoire car il ne satisfait pas aux conditions de l’article 3155 C.c.Q.; et

c)    la demande d’ordonnance au greffier de la Cour supérieure de transmettre le jugement au Directeur pour qu’il insère au registre de l’état civil l’acte de naissance ajoute aux conclusions du Jugement; elle n’est pas, de toute façon, exécutoire car elle a pour effet de reconnaître une filiation non prévue au Code civil du Québec.

III        LE VÉHICULE PROCÉDURAL

[13]        D’entrée de jeu, il y a lieu de revenir sur la nature de la procédure intentée par les requérants.

[14]        Ils ont en effet choisi de demander l’homologation du Jugement. Or, l’article 137 C.c.Q. [6] permet l’inscription au registre de l’état civil d’un acte de l’état civil fait hors du Québec, telle une reconnaissance de filiation, s’il concerne une personne domiciliée au Québec, sans exiger une décision québécoise de reconnaissance.

[15]        Toutefois, l’article 138 C.c.Q. énonce que, en cas de doute, l’officier d’état civil peut refuser l’inscription à moins que la validité du document à inscrire ne soit reconnu par un tribunal[7].

[16]        Le recours approprié en l’instance eut donc été de demander au Directeur  d’insérer le certificat de naissance de l’enfant X dans le registre. Cependant, ce dernier aurait refusé d’obtempérer; ceci est clair de la position qu’il adopte en l’instance.

[17]        Dans les circonstances, vu notamment les principes de proportionnalité, il y a lieu de trancher les questions en litige comme si ces étapes préliminaires avaient été franchies.   

IV         LES ENJEUX

[18]        Soulignons d’emblée que le Tribunal est compétent à se saisir du présent litige puisque les requérants et X sont domiciliés au Québec :

3147. Les autorités québécoises sont compétentes, en matière de filiation, si l'enfant ou l'un de ses parents a son domicile au Québec.

En matière d'adoption, elles sont compétentes si l'enfant ou le demandeur est domicilié au Québec.

[19]        La filiation de X a été établie en Pennsylvanie par le Jugement. Il s’agit maintenant de déterminer s’il y a lieu de donner effet à cette filiation au Québec.

[20]        À l’évidence, la PG invoque qu’il y a un doute sur la validité de l’acte de naissance au sens de l’article 138 C.c.Q:

138. Lorsqu'il y a un doute sur la validité de l'acte de l'état civil ou de l'acte juridique fait hors du Québec, le directeur de l'état civil peut refuser d'agir, à moins que la validité du document ne soit reconnue par un tribunal du Québec.

[21]        Il est plausible qu’existent des situations où un acte de l’état civil aurait pu être frauduleusement préparé ou modifié. Tel n’est pas le cas en l’espèce.

[22]        Dans les circonstances, selon l’auteur Goldstein, il y a probablement lieu de s’inspirer des règles applicables en matière de reconnaissance de jugements étrangers afin de statuer sur la validité d'un tel acte, d’où l’argument de la PG et la référence à l’article 3155 C.c.Q:

 

Toutefois, l’article 138 C.c.Q. énonce qu’en cas de doute, l’officier d’état civil peut refuser l’inscription et il faudra faire reconnaître judiciairement l’acte selon l’article 3155 C.c.Q.

 

[…]

 

Selon l’article 3155 (5o) C.c.Q., la décision étrangère n’aura pas d’effet au Québec si elle entraîne un résultat contraire à l’ordre public. La vérification de cette condition vise à savoir si la solution donnée par le jugement peut s’intégrer de façon harmonieuse dans l’ordre juridique québécois. L’analyse doit donc être concrète et non abstraite, tout comme sur le plan des conflits de lois[8].

[23]        L’article 3155 C.c.Q. se lit comme suit :

Toute décision rendue hors du Québec est reconnue et, le cas échéant, déclarée exécutoire par l'autorité du Québec, sauf dans les cas suivants:

1°   L'autorité de l'État dans lequel la décision a été rendue n'était pas compétente suivant les dispositions du présent titre;

2°   La décision, au lieu où elle a été rendue, est susceptible d'un recours ordinaire, ou n'est pas définitive ou exécutoire;

3°   La décision a été rendue en violation des principes essentiels de la procédure;

4°   Un litige entre les mêmes parties, fondé sur les mêmes faits et ayant le même objet, a donné lieu au Québec à une décision passée ou non en force de chose jugée, ou est pendant devant une autorité québécoise, première saisie, ou a été jugé dans un État tiers et la décision remplit les conditions nécessaires pour sa reconnaissance au Québec;

5°   Le résultat de la décision étrangère est manifestement incompatible avec l'ordre public tel qu'il est entendu dans les relations internationales;

6°   La décision sanctionne des obligations découlant des lois fiscales d'un État étranger.

[24]        Afin de donner effet à l'acte de naissance en cause, il faut donc établir la juridiction de l'autorité qui l'a émis, et s'assurer que de lui donner effet n'entraînera pas un résultat contraire à l’ordre public (art. 3155(1) et (5) C.c.Q.).

[25]        En l'espèce, la Pennsylvanie avait juridiction pour établir la filiation en vertu de l'article 3166 C.c.Q.[9] Ceci est abordé plus loin dans le jugement. Il y a cependant lieu, d’emblée, de s’attarder à déterminer de quel « ordre public » le Tribunal doit se préoccuper pour invalider l’acte, d’où la référence aux « enjeux ».

[26]        Il est utile, en effet, de fournir un contexte. Les enjeux soulevés par ce qu’on appelle de plus en plus communément « touriste procréatif » ont donné lieu à plusieurs décisions de tribunaux canadiens, américains, français et de nombreuses autres juridictions qui ont été confrontés à la reconnaissance de filiation d’enfant nés de mères porteuses, vivant dans des ressorts différents des parents d’intention.

[27]        Dans le contexte de la notion de « l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales » au sens de 3155 C.c.Q., il est donc utile de référer, ne serait-ce que brièvement, à l’état du droit non seulement québécois mais canadien, américain et international. Ce survol n’est bien sûr pas exhaustif mais doit être fait pour que le Tribunal puisse donner un sens à  l’expression contenue à l’article 3155(5) C.c.Q.

 

 

a)            La situation au Québec

[28]        Au Québec, seulement quelques décisions se sont prononcées sur l’établissement de la filiation d’enfants nés à l’étranger par voie de procréation assistée.

[29]        Ces décisions ont été rendues dans un contexte où le législateur québécois prescrit, à l’article 541 C.c.Q., la nullité de toute convention de mère porteuse :

541. Toute convention par laquelle une femme s'engage à procréer ou à porter un enfant pour le compte d'autrui est nulle de nullité absolue.

[30]        Cet article a été adopté en 2002 dans le cadre d’une réforme importante du droit de la filiation.

b)            La réforme québécoise de 2002

[31]        L’une des réformes les plus importantes du droit de la famille québécois a été adoptée par le législateur en 2002 dans la Loi instituant l’union civile et établissant de nouvelles règles de filiation[10]. Ce qui, à l’origine, proposait la création d’une union civile visant à offrir aux couples homosexuels un substitut au mariage, s’est éventuellement transformé en une réforme majeure du droit de la filiation.

[32]        C’est donc en plus de l’union civile et de nombreuses dispositions en lien avec la procréation assistée que le législateur a aussi tenté d’adapter le droit de la filiation à la réalité de l’homoparentalité :

Depuis le 24 juin 2002, le principe d’égalité des enfants se déploie dans une autre sphère, soit celle de l’homoparenté (sic). En effet, la procréation assistée et l’adoption permettent désormais la création d’un lien filial entre un enfant et deux parents de même sexe. Or ce lien homoparental procurera à l’enfant les mêmes droits et les mêmes obligations qu’un lien hétéroparental[11].

Et aussi :

La première modification, celle qui a fait l’objet même de l’intervention législative sur la filiation, consiste en la désexualisation de celle-ci. D’un couple nécessairement hétérosexuel, nature oblige, le couple parental peut être aujourd’hui uniquement masculin ou féminin. Qui plus est, cette rupture historique du droit d’avec ce que nous sommes, ne se fait pas par une simple technique, l’adoption, mais plutôt par une modification de la notion de filiation elle-même. L’article 115 C.c.Q. portant sur la déclaration de naissance prévoit maintenant que « lorsque les parents sont de même sexe, ils sont désignés comme les mères ou les pères de l’enfant, selon le cas ». Forcément, au sens technique du terme, cette modification porte uniquement sur l’hypothèse de la procréation assistée (sur laquelle nous reviendrons), mais elle doit, selon nous, également s’entendre comme une disposition définitionnelle donnant ancrage, dans l’ensemble de notre droit, à la filiation homosexuelle, ou a ce que l’on a appelé l’homoparentalité[12].

[33]        Un enfant québécois peut donc, depuis 2002, avoir deux parents de même sexe à son acte de naissance, et ce, non seulement à la suite d’une procédure d’adoption. La procréation assistée fait en sorte que cette réalité n’est plus étrangère à notre droit depuis cette réforme de 2002.

                                 c)         L’adoption au Québec

[34]        Le législateur québécois a adopté des dispositions particulières en matière d’adoption internationale quant à l’adoption d’un enfant domicilié hors du Québec par une personne domiciliée au Québec. Prévues aux articles 563 à 565 C.c.Q., ces dispositions ont notamment pour objectif de prévenir le trafic d’enfants et l’adoption contre paiement[13].

[35]        Tel que l’a déjà souligné la Cour d’appel, ces règles ont une importance capitale qui peut parfois prévaloir sur le critère de l’intérêt de l’enfant :

[74] Dans Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), [2004] 1 R.C.S. 76, 2004 CSC 4, la Cour suprême, sous la plume de la juge en chef McLachlin, conclut que « l'intérêt supérieur de l'enfant », bien qu'il s'agisse d'un principe juridique très puissant, peut être subordonné à d'autres intérêts dans des contextes appropriés (paragr. 10). C'est le cas en matière de reconnaissance des décisions d'adoption prononcées hors du Québec lorsque le législateur assujettit le pouvoir du tribunal non seulement au critère de l'intérêt de l'enfant, mais également à celui de l'existence de motifs sérieux justifiant l'adoptant de ne pas s'être conformé aux exigences de la loi en matière d'adoption internationale[14].

[36]        La bonne foi des adoptants est donc particulièrement importante en matière d’adoption internationale[15].

[37]        Notons que le législateur québécois n’a pas adopté de dispositions spécifiques quant aux recours à une mère porteuse hors Québec par des personnes domiciliées au Québec.

[38]        La prohibition de l’article 541 C.c.Q. est à l’origine de développements judiciaires pertinents à l’instance en matière d’adoption.

[39]        En effet, bien que la présente instance ne concerne pas une demande d’adoption, les décisions rendues jusqu’à maintenant au Québec impliquant la détermination de la filiation des enfants de mère porteuse l’ont été dans ce contexte. Ces affaires impliquaient autant les mères porteuses domiciliées au Québec que hors Québec. Ces décisions sont pour plusieurs reprises et résumées dans l’arrêt de la Cour d’appel de 2014 dans Adoption - 1445[16].

[40]        L’une des décisions résumées par la Cour d’appel est celle rendue par le juge Grégoire, j.c.q. qui implique un contrat de mère porteuse conclu aux États-Unis :

[41]  La question fut de nouveau envisagée quelques mois plus tard, et tranchée le 4 août de la même année, mais sous un angle légèrement différent, dans le dossier Adoption — 09558 [2009 QCCQ 20292]. Deux conjoints de même sexe qui souhaitaient devenir parents s’étaient adressés à une agence californienne pour retenir les services d’une mère porteuse. Il est acquis qu’en Californie la loi permet les contrats rémunérés de mère porteuse. Conformément à l’entente ainsi conclue, toutes les dépenses médicales et autres de la mère porteuse furent défrayées par les conjoints qui lui versèrent également un paiement à titre de rémunération. Au terme de sa grossesse, la mère porteuse vint accoucher au Québec. Les conjoints en question présentèrent une demande d’ordonnance de placement en vue de l’adoption de l’enfant, appuyée par le consentement de la mère porteuse. Conscient du jugement récemment rendu par son collègue le juge Dubois, le juge Louis Grégoire en traita en ces termes (je souligne) :

[10] Après analyse, le tribunal constate que plusieurs faits distinguent la présente affaire de l'affaire soumise à l'attention de notre collègue, l'honorable juge Dubois.

[11] Dans un premier temps, tout le côté contractuel de l'aventure a été exécuté en Californie. Ces démarches ont été complétées de façon publique et tout à fait légalement. Une preuve non contredite à cet effet a été présentée au soussigné. Elle consiste en une opinion juridique et un jugement de la Cour Supérieure de l'état de la Californie. La mère n'est venue à ville A que pour donner naissance à l'enfant, consentir à l'adoption et recevoir signification de la requête sous étude.

[12]            Également, et c'est peut-être ici le fait le plus important, la mère de cette enfant apparaît au certificat de naissance québécois de l'enfant. Rien n'a été fait pour cacher, taire ou camoufler l'identité de cette personne. Bien au contraire, elle est venue accoucher au Québec et a dûment signé les registres de l'état civil. Son nom apparaît au certificat de naissance produit.

[13] Avec respect pour l'opinion contraire, le tribunal entend faire droit à la demande du requérant.

[…]

[23] Les auteurs ne sont pas unanimes quant à la légalité de la route empruntée par le requérant. Cependant, certains d'entre eux reconnaissent la validité de cette façon de faire. C'est avec respect pour l'opinion contraire que le soussigné constate que si le législateur au moment d'amender le Code civil du Québec, (notamment lors des ajouts des articles 539.1 et 578.1) avait voulu exclure le cas actuellement sous étude, il l'aurait exprimé soit aux articles 522, 523 et 541 énumérés ici ou dans le chapitre de l'adoption, ce qui n'est pas le cas. Ainsi la nullité absolue prônée à l'article 541 C.c.Q. n'affecte que les parties contractantes.[17]

[Le Tribunal souligne]

[41]        Il y a plusieurs affinités avec l’affaire dont le Tribunal est saisi. Les parties ont conclu un contrat de mère porteuse et obtenu un jugement américain. Par contre, la mère porteuse, dans l’arrêt de la Cour d’appel, a donné naissance à l’enfant au Québec et son nom apparaît au certificat de naissance québécois de l’enfant. Il était donc impératif de procéder par voie de consentement spécial à l’adoption à l’égard de la conjointe du père biologique, puisque l’enfant avait déjà deux parents. Le juge Grégoire souligne de plus, à juste titre, que la démarche entreprise par les parties dans son affaire n’était pas interdite par les dispositions du Code civil du Québec.

[42]        Dans Adoption - 1445, un couple hétérosexuel infertile a eu recours à une mère porteuse québécoise. Il importait donc qu’un jugement rompe le lien de filiation liant l’enfant à la mère porteuse au profit de sa mère d’intention, la conjointe de Monsieur. Ceci fut autorisé par la Cour d’appel dans cette affaire cruciale pour la présente analyse.

[43]        Le jugement Adoption - 1445  s'inscrit dans un contexte où de nombreux auteurs avaient déjà anticipé que des couples, après avoir conclu une convention de mère porteuse,  chercheraient à faire reconnaître la filiation à l'égard du parent d'intention qui n'est pas le parent biologique :

Ensuite, si la mère porteuse désire remettre l’enfant à sa naissance au couple demandeur, elle ne déclare pas la filiation de l’enfant à son égard dans la déclaration de naissance (art. 114 C.c.Q.) (elle n’a donc pas besoin de signer un consentement spécial en vue de l’adoption du bébé en faveur de la conjointe du père). Le père biologique déclare sa filiation de l’enfant à son égard (art. 114 C.c.Q.) et il consent à l’adoption (art. 551 et 555 C.C.Q.) à l’égard de sa conjointe qui devient la mère de l’enfant ou à son conjoint qui devient le deuxième père de l’enfant (art. 115, al. 1 et 578.1 C.c.Q.). Si le couple demandeur n’est pas marié ou uni civilement, il doit cohabiter depuis trois ans pour recourir à l’adoption. Si la mère porteuse désire remettre l’enfant à sa naissance au couple demandeur et que celui-ci n’en veut pas, les règles de l’adoption s’appliqueront[18].

 

Et aussi:

 

Un enfant est né; un couple a voulu sa naissance et est à l’origine de sa conception; sa mère biologique, par ailleurs, l’a mis au monde dans le but de l’abandonner. Quel objectif doit-on poursuivre? Protéger l’intérêt de l’enfant en cause en permettant la consécration juridique d’un lien affectif? Ou imposer à cet enfant, au nom du respect de l’ordre public et de la logique juridique, une vie écartelée entre son véritable père, une mère qui le rejette, et une autre personne qui agit comme deuxième parent sans en avoir le statut? Ne doit-on pas, dans cette situation, préférer la protection de l’intérêt immédiat de l’enfant plutôt que le respect de l’intérêt général? Il faut, selon nous, tolérer le recours à l’adoption en faveur de la conjointe du père, dans la mesure où, évidemment, la mère porteuse y aura consenti[19]. (…)

 

[44]        Reste à voir si l'adoption constitue la seule voie possible pour établir cette filiation alors que les requérants sont déjà les deux pères de l'enfant en vertu  d'un acte de naissance émis aux États-Unis.

d)        La situation au Canada

[45]        Le Gouvernement fédéral a créé en 1989 une Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction. Les travaux de cette Commission on mené à l’adoption en 2004 de la Loi sur la procréation assistée[20]. Cette loi fédérale renferme de nombreuses interdictions, et dispositions visant la mise en œuvre de ces interdictions, notamment en matière de clonage humain, de commercialisation de matériel reproductif humain et de procréation assistée.

[46]        Le procureur général du Québec a reconnu à l’époque que certaines dispositions de cette loi constituaient des règles de droit criminel valide, mais a contesté la constitutionnalité de plusieurs autres au motif principal qu’il y avait ingérence dans la compétence provinciale en matière de santé[21].

[47]        Dans une décision divisée, la Cour suprême a reconnu en 2010 la compétence du législateur fédéral pour certaines des dispositions en question, mais également déclaré inconstitutionnelles un certain nombre d’entre elles. En matière de procréation assistée, la Cour suprême a confirmé les dispositions encadrant les contrats de mère porteuse, mais seulement dans la mesure où ces derniers ne prévoient aucune rémunération pour la mère.

[48]        Contrairement au Québec, la majorité des provinces n’ont pas légiféré restrictivement en matière de procréation assistée. S’inspirant plutôt des dispositions de la loi fédérale qui reconnaît la validité des contrats de mère porteuse, les tribunaux canadiens se sont imprégnés de cette réalité en rendant des décisions reconnaissant la filiation de parents d’intention ayant eu recours à une mère porteuse. L’étendue de cette nouvelle réalité est décrite ainsi :

Canadians participate in surrogacy arrangements. Every jurisdiction except Prince Edward Island and the territories has statutes or reported decisions on surrogacy-related parentage. One Ontario lawyer has handled more than 1,500 surrogacy arrangements, while an Alberta lawyer's website states that she has "helped hundreds" with surrogacy contracts. A BC lawyer testified that he made applications in more than seventy-five surrogacy cases between 2003 and 2011, and a Vancouver assisted human reproduction (ART) clinic states that it performs "gestational carrier surrogacy for 15-20 couples each year." Foreigners engage Canadian surrogates, and Canadian residents seek surrogate mothers abroad. For example, one report states that nine babies were born to Canadian surrogate mothers for intended Australian parents in 2010-11.  While there is no empirical data on how many Canadians travel to other countries to engage surrogate mothers, case law on parentage for children born to such arrangements exists[22].

[49]        En Alberta, Terre-Neuve et Labrador et en Nouvelle-Écosse, les lois en matière de procréation assistée prévoient que des déclarations de parentalité peuvent être rendues afin d’établir la filiation des parents d’intention, et ce, à la suite de la naissance de l’enfant. Le tribunal s’appuie alors, bien sur, sur le consentement libre et éclairé de la renonciation de la mère porteuse[23].

[50]        L’Ontario, la Saskatchewan et le Nouveau-Brunswick, qui n’auraient pas de législation spécifique, ont quand même vu leurs tribunaux octroyer des déclarations de parentalité à des parents d’intention, notamment sur la base du meilleur intérêt de l’enfant[24].

[51]        La Cour d'appel a d'ailleurs déjà souligné cette situation:

[60]  Je souligne également que les législatures de plusieurs provinces canadiennes ont adopté des lois afin d'encadrer le recours aux mères porteuses. Ainsi, dans certaines provinces, il est possible de soumettre au tribunal une déclaration de filiation, ce qui a comme conséquence la radiation du nom de la mère porteuse de l'acte de naissance initial. Dans certaines provinces, on exige qu'au moins un des parents d'intention soit un parent génétique de l'enfant, alors qu’ailleurs il faut que les deux parents d'intention soient les parents génétiques de l'enfant. Parfois aussi, le lien génétique est inutile[25].   [références omises]

 

[52]        Ces déclarations de parentalité ne sont pas toutes soumises à de grandes exigences ou formalités :

The general approach in Canada of legislators, courts, and administrators, with the exception of Quebec, has been to attach few evidentiary, substantive, or procedural requirements to surrogacy-related parentage applications. In the absence of statutory reform, judges and administrators have nonetheless made parentage declaration orders in favour of intended parents. No jurisdiction requires formal judicial or administrative approval prior to conception. Inquiries are neither required nor made into the circumstances of the surrogacy arrangement under either statutory or judge-made law, such as the surrogate mother's capacity to consent, the financial arrangements, or the intended parent or parents' fitness. While applications can be made immediately after birth, in most jurisdictions the surrogate mother must give consent post-birth and she must be given notice of the proceeding and would therefore have an opportunity to express any concerns. Parentage applications can be made regardless of where the child was born as long as the parents are domiciled in the province where the application is made[26].

[53]        Depuis 2013, en Colombie Britannique, le législateur a prévu une procédure administrative afin de valider la renonciation de la mère porteuse au profit des parents d’intention. Dans la mesure où les consentements de toutes les parties ne sont pas remis en question par les officiers publics, la détermination de filiation est émise par voie administrative, sujette à être contestée judiciairement, le cas échéant [27].

[54]        Enfin, dans un rapport publié en 2009, la Conférence pour l’harmonisation des Lois du Canada a fait certains constats sur la question des liens de filiation des enfants nés de procréation assistée[28].

[55]        À la suite de ses travaux, la Conférence a proposé un modèle de loi uniforme, la Loi uniforme sur le statut de l’enfant[29], avec comme objectif d’inciter les provinces à s’en inspirer.

[56]        La Conférence suggère, à titre de principes directeurs, de promouvoir l’égalité de traitement des enfants, indépendamment de leur mode de conception. Elle propose aussi de reconnaître les déclarations de parentalité.

e)         Le contexte américain

[57]        L’« Uniform Parentage Act » est adoptée en 1973 et amendée en 2002 pour prévoir, notamment, des modèles de règles applicables aux enfants nés à la suite de procréation assistée[30]. Cette proposition, tout comme celle de la Conférence pour l’harmonisation des lois du Canada, ne lie pas les états qui sont libres de se pourvoir de leur réglementation particulière.

[58]        Certains états ont réglementé les contrats de mère porteuse, alors que d’autres les proscrivent totalement. Ceux qui les autorisent le font selon des conditions qui varient d’État en État[31].

[59]        Un certain nombre d’États, dont la Californie, prévoient la signature d’un contrat de maternité de substitution qui sert au tribunal à émettre une déclaration de parentalité à l’égard des parents d’intention. Ce jugement peut intervenir avant ou après la naissance de l’enfant[32].

[60]        L’« Uniform Parentage Act » recommande la réglementation de la gestation pour autrui et prévoit que de tels contrats peuvent être rémunérés afin, notamment, de rembourser les dépenses médicales de la mère porteuse et compenser pour une certaine perte de jouissance pendant la grossesse.

f)          La situation juridique d’autres pays

[61]        Non seulement le droit interne de nombreux pays varie-t-il énormément, mais il en est tout autant quant à la possibilité de reconnaitre, ou non, des situations juridiques constituées à la suite de la conclusion de contrats de mère porteuse à l’étranger par des personnes domiciliées dans ces pays. L’extrait suivant résume bien ces enjeux :

Au plan interne, un État peut choisir d’interdire et de sanctionner la gestation pour autrui ou bien au contraire de l’autoriser et de l’encadrer. Il peut également choisir de ne pas la réglementer expressément, tout en acceptant (ou pas) d’aménager, par la mise en œuvre de règles de droit commun, les situations qui résultent de processus de gestation pour autrui éventuellement mis en œuvre. Au plan international, quelles que soient les dispositions qu’ils prennent ou ne prennent pas quant à la maternité de substitution sur leur territoire, les États doivent prendre attitude par rapport aux situations constituées à l’étranger et dont les protagonistes veulent voir les conséquences importées dans l’ordre juridique interne.

 

Un État qui ne souhaite pas autoriser et organiser la gestation pour autrui sur son sol n’est pas dispensé de s’interroger sur la réception dans son ordre juridique de situations d’enfants nés dans un pays qui l’autorise, pas plus qu’un État qui appréhende avec plus de bienveillance la maternité de substitution ne peut faire l’économie d’une réflexion de type internationaliste lorsqu’il s’agit d’importer dans son ordre juridique les conséquences de processus mis en œuvre à l’étranger dans des conditions ne respectant pas les garanties éthiques qu’il a fixées dans son droit interne[33].

[62]        En raison de l’ampleur grandissante du « tourisme procréatif », les questions de droit international privé sont donc de plus en plus importantes pour les États[34].

[63]        Dans un tel contexte, plusieurs se questionnent sur la pertinence et la possibilité d’adopter une convention internationale spécifiquement dédiée aux enjeux soulevés par la procréation assistée.

[64]        Plusieurs se questionnent aussi sur l’application des instruments internationaux de protection des droits de l’homme dans la perspective, notamment, de protéger le droit des enfants.

[65]        La Conférence de La Haye de droit international privé a, depuis 2011, produit deux documents de travail sur le sujet. Une mise à jour récente, en février 2015, proposait d’établir un groupe d’experts internationaux afin d’émettre des recommandations quant à la faisabilité d’adopter des traités ou conventions internationaux.

[66]        Cette mise à jour de 2015 fait état de deux décisions rendues par la Cour européenne des droits de l’homme en juin 2014. Ces dernières ont, en autres, statué que le refus de reconnaître en France la filiation d’enfants nés d’une gestation pour autrui pratiquée légalement dans un autre pays, alors que les parents d’intention sont français, violait le droit de ces enfants au respect de leur vie privée[35].

[67]        Ces deux décisions s’inscrivent dans des contextes factuels bien particuliers. L’affaire Mennesson interpelle puisqu’elle impliquait un couple français, de sexe opposé, qui a eu recours à une mère porteuse en Californie.

[68]        Le Tribunal reprend ici des extraits du communiqué officiel émis par le greffe de la Cour européenne des droits de l’homme le jour où ces décisions ont été rendues le 26 juin 2014 :

La Cour constate que, sans ignorer que les enfants Mennesson et Labassee ont été identifiés aux États-Unis comme étant ceux des époux Mennesson ou Labassee, la France leur nie néanmoins cette qualité dans son ordre juridique. Elle estime que cette contradiction porte atteinte à l’identité des enfants au sein de la société française. Elle note ensuite que la jurisprudence empêche totalement l’établissement du lien de filiation entre les enfants nés d’une gestation pour autrui - régulièrement - réalisée à l’étranger et leur père biologique, ce qui va au-delà de ce que permet l’ample marge d’appréciation qu’elle reconnaît aux États dans leurs décisions relatives à la GPA.

 

[…]

 

En raison de l’infertilité de Mesdames Mennesson et Labassee, les requérants eurent en effet recours à la gestation pour autrui aux États-Unis avec l’implantation d’embryons dans l’utérus d’une autre femme, issus des gamètes de M. Mennesson dans un cas, et de M. Labassee dans l’autre. Ainsi naquirent les jumelles Mennesson et Juliette Labassee. Des jugements, prononcés respectivement en Californie pour la première affaire et dans le Minnesota pour la seconde, indiquent que les époux Mennesson sont les parents des jumelles, et que les époux Labassee sont les parents de Juliette.

 

[…]

 

En revanche en ce qui concerne le droit des jumelles au respect de leur vie privée, la Cour note qu’elles se trouvent dans une situation d’incertitude juridique : sans ignorer qu’elles ont été identifiées ailleurs comme étant les enfants des époux Mennesson, la France leur nie néanmoins cette qualité dans son ordre juridique. La Cour considère que pareille contradiction porte atteinte à leur identité au sein de la société française. De plus, bien que leur père biologique soit français, elles sont confrontées à une troublante incertitude quant à la possibilité de se voir reconnaître la nationalité française, une indétermination susceptible d’affecter négativement la définition de leur propre identité. La Cour relève en outre qu’elles ne peuvent hériter des époux Mennesson qu’en tant que légataires, les droits successoraux étant alors calculés de manière moins favorable pour elles ; elle voit là un autre élément de l’identité filiale dont elles se trouvent privées. Ainsi, les effets de la non-reconnaissance en droit français du lien de filiation entre les enfants conçus par GPA à l’étranger et les couples ayant eu recours à cette méthode ne se limitent pas à la situation de ces derniers : ils portent aussi sur celle des enfants eux-mêmes, dont le droit au respect de la vie privée, qui implique que chacun puisse établir la substance de son identité, y compris sa filiation, se trouve significativement affecté. Se pose donc une question grave de compatibilité de cette situation avec l’intérêt supérieur des enfants, dont le respect doit guider toute décision les concernant.

 

Selon la Cour, cette analyse prend un relief particulier lorsque, comme en l’espèce, l’un des parents est également géniteur de l’enfant. Au regard de l’importance de la filiation biologique en tant qu’élément de l’identité de chacun, on ne saurait prétendre qu’il est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant de le priver d’un lien juridique de cette nature alors que la réalité biologique de ce lien est établie et que l’enfant et le parent concerné revendiquent sa pleine reconnaissance. Or, non seulement le lien entre les jumelles et leur père biologique n’a pas été admis à l’occasion de la demande de transcription des actes de naissance, mais encore sa consécration par la voie d’une reconnaissance de paternité ou d’une adoption ou par l’effet de la possession d’état se heurterait à la jurisprudence prohibitive établie sur ces points par la Cour de cassation. En faisant ainsi obstacle tant à la reconnaissance qu’à l’établissement de leur lien de filiation à l’égard de leur père biologique, l’État français est allé au-delà de ce que lui permettait sa marge d’appréciation. La Cour conclut que le droit des enfants au respect de leur vie privée a été méconnu, en violation de l’article 8[36].

 

[69]        Depuis, la Cour européenne des Droits de l’homme a rendu d’autres décisions impliquant la filiation d’enfants nés de gestation pour autrui dans un contexte international[37].

[70]        Selon les analyses effectuées par la Conférence de la Haye de droit international privé, l’affaire Mennesson aurait déjà eu un impact sur la reconnaissance en droit interne de filiations établie en droit étranger.

[71]        On y souligne en effet deux décisions récentes rendues en Allemagne et en Suisse ayant reconnu la filiation d’enfants nés de mères porteuses aux États-Unis de deux pères de nationalités allemande et suisse. Ces deux instances se seraient notamment appuyées sur l’intérêt de l’enfant à établir un lien de filiation avec son père non biologique, notamment à des fins de droit alimentaire ou de succession[38].

[72]        Faits intéressants, en lien avec les prétentions de la PG, le tribunal allemand aurait rejeté quant à lui la prétention gouvernementale que l’adoption serait le seul recours ouvert dans une telle situation, plutôt que la reconnaissance du jugement américain[39].

V         LE DROIT

[73]        Au titre du Code civil du Québec qui énonce les règles applicables en matière de conflit de lois se retrouvent celles en lien avec l’établissement et les effets de la filiation :

3091. L'établissement de la filiation est régi par la loi du domicile ou de la nationalité de l'enfant ou de l'un de ses parents, lors de la naissance de l'enfant, selon celle qui est la plus avantageuse pour celui-ci.

 

Ses effets sont soumis à la loi du domicile de l'enfant.

[74]        À l’évidence, l’établissement et les effets de la filiation sont deux concepts distincts, et les lois applicables à l’un ou l’autre ne seront pas nécessairement les mêmes.

[75]        L'auteur Kélada souligne que l’article 3091 C.c.Q. est de droit nouveau, tout comme la notion de nationalité en droit international privé :

Le commentaire du ministre nous apprend que cet article, de droit nouveau, s’inspire de la Loi fédérale sur le droit international privé suisse de 1987, que le premier alinéa a pour but de favoriser l’établissement de la filiation et qu’il introduit plusieurs facteurs de rattachement, faisant apparaître la nationalité de l’enfant ou celle de l’un ou l’autre de ses parents aux côtés de la loi applicable à  l’état et à la capacité de ces personnes, laquelle, suivant la règle générale de l’article 3083 C.c.Q., est celle de leur domicile. Il est précisé que l’on doit tenir compte de ces facteurs tels qu’ils existaient au moment de la naissance de l’enfant[40].

[76]        Ce nombre élevé de facteurs de rattachement a sa raison d’être :

Par cette règle de conflit à facteurs alternatifs, il s’agit essentiellement de favoriser l’enfant en lui permettant de créer un lien de filiation selon l’une des six lois potentiellement compétentes.

 

Par contre, selon le second alinéa du même article, les effets de la filiation vis-à-vis des parents sont exclusivement régis par la loi de son domicile[41].

[77]        Bien que le Tribunal soit principalement saisi de l’établissement de la filiation, reste que ses effets sont d’une grande importance à bien des niveaux :

C’est donc la loi du domicile de l’enfant, en principe celle de son milieu familial et donc de ses éventuels frères et sœurs, qui va régir le nom de celui-ci, l’autorité parentale du parent avec lequel la filiation est établie, le droit de garde… (…)[42].

[78]        Le législateur a prévu, au titre quatrième du Livre du droit international privé, les règles applicables à la reconnaissance des décisions étrangères et de la compétence des autorités étrangères. On y retrouve l’article 3166 C.c.Q. :

3166. La compétence des autorités étrangères est reconnue en matière de filiation lorsque l'enfant ou l'un de ses parents est domicilié dans cet État ou a la nationalité qui y est rattachée.

[79]        L’auteur Kélada s’exprime ainsi sur cet article :

En matière de filiation, la compétence des autorités étrangères est reconnue, selon l’article 3166 C.c.Q., lorsque l’enfant ou l’un des parents est domicilié dans cet État ou a la nationalité qui y est rattachée. Le commentaire du ministre de la Justice est que cet article est de droit nouveau, qu’il déroge à la règle générale établie par l’article 3164 C.c.Q. et qu’il permet la reconnaissance des décisions rendues par des autorités étrangères dont la compétence se fonde sur les mêmes critères de compétence que ceux utilisés par les autorités québécoises en vertu du premier alinéa de l’article 3147 C.c.Q. L’article précise à quel moment on doit se placer pour juger de la compétence des autorités étrangères, soit celui où la décision a été rendue.

 

Avant la réforme du Code civil, le droit québécois, en matière de lois applicables au statut personnel, ne reconnaissait que le domicile, parfois la résidence, comme facteur de rattachement. Il n’était pas question de se référer à la nationalité de la personne. G. Goldstein et E. Groffier nous l’enseignent : « Jusqu’à présent, le rôle de la nationalité a été extrêmement restreint sinon inexistant en droit international privé canadien et québécois. La nationalité, traditionnellement appelée citoyenneté pouvait néanmoins jouer un certain rôle dans la preuve du domicile ».

 

En revanche, comme le dit H. P. Glenn :

 

En matière d’état de la personne, plusieurs pays ont adopté la nationalité comme facteur de rattachement, à la fois pour déterminer la loi applicable et, pour établir la compétence internationale. L’article 3166 reconnaît l’importance de ce chef de compétence internationale en l’ajoutant, aux fins de la compétence indirecte, à ceux qui sont utilisés pour déterminer la compétence des autorités québécoises, soit le domicile de l’enfant ou de l’un de ses parents. La nationalité peut être celle de l’enfant ou de l’un de ses parents[43].

 

 

 

[80]        La notion de nationalité est définie ainsi par les auteurs :

40. Nationalité. Selon les auteurs, la nationalité, au sens du droit international privé, est l’ « appartenance juridique d’une personne à la population constitutive d’un État »[44].

[81]        Le législateur québécois a donc choisi de rendre cette « appartenance » susceptible d'être déterminante à la reconnaissance de la juridiction d’un état étranger :

Dans ce cas-ci, la compétence reconnue aux autorités étrangères est plus large que la compétence des tribunaux québécois. Le Code tient compte du fait que le rattachement du statut personnel est fondé sur la nationalité dans un grand nombre de pays de droit civil et que ne pas en tenir compte amènerait à rejeter des jugements, simplement parce que les parties ne seraient pas domiciliées dans l’État où le tribunal a rendu le jugement[45].

[82]        En instance, la nationalité américaine de la mère porteuse, de monsieur J... F... et de l’enfant constituent des facteurs de rattachement déterminants.

[83]        Tel qu’énoncé plus haut, l’article 3155 prévoit que :

3155. Toute décision rendue hors du Québec est reconnue et, le cas échéant, déclarée exécutoire par l'autorité du Québec, sauf dans les cas suivants :

1° L'autorité de l'État dans lequel la décision a été rendue n'était pas compétente suivant les dispositions du présent titre;

 

[…]

 

5° Le résultat de la décision étrangère est manifestement incompatible avec l'ordre public tel qu'il est entendu dans les relations internationales;

 

[…]

[84]        L’ordre public « tel qu’il est entendu dans les relations internationales » a fait l’objet de nombreuses décisions et énoncés doctrinaux. Parmi ceux-ci :

298. (…) Rappelons que les tribunaux québécois distinguent de façon tout aussi traditionnelle l’ordre public québécois au sens du droit international privé de l’ordre public au sens du droit interne. Le premier est conçu de façon moins stricte que le second, afin de favoriser la reconnaissance au Québec des décisions étrangères, même lorsque la loi qui les sous-tend s’écarte du droit québécois, mais dans certaines limites seulement.

[…]

299. (…) D’ores et déjà, rappelons que l’ordre public « tel qu’il est entendu dans les relations internationales » correspond à des valeurs fondamentales qui sous-tendent l’ordre juridique international. Ces valeurs sont véhiculées par la Charte des nations Unies, la Charte internationale des droits de l’homme, d’autres textes comme la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979), les conventions régionales en matière de droits humains, etc.[46]. (…)

[85]        Dans l’affaire Beals c. Saldanha, la Cour suprême du Canada énonce ce qui suit :

71. Le troisième et dernier moyen de défense est fondé sur l’ordre public.  Ce moyen de défense empêche l’exécution d’un jugement étranger contraire à la notion de justice canadienne.  Il s’agit de savoir si le droit étranger est contraire à nos valeurs morales fondamentales.  Comme l’affirment Castel et Walker, op. cit., p. 14-28 :

[traduction]  . . . le moyen de défense traditionnel fondé sur l’ordre public paraît axé sur la notion de lois répugnantes et non sur la notion de faits répugnants. . .

72. Quelle est l’utilité de ce moyen de défense pour le défendeur qui veut empêcher l’exécution d’un jugement étranger?  Il sert notamment à interdire l’exécution d’un jugement étranger fondé sur une loi contraire aux valeurs morales fondamentales du régime juridique canadien.  De même, le moyen de défense fondé sur l’ordre public empêche l’exécution du jugement d’un tribunal étranger indubitablement corrompu ou partial. (…)

[…]

75. Le recours au moyen de défense fondé sur l’ordre public pour contester l’exécution d’un jugement étranger signifie que l’on attaque la validité de ce jugement en dénonçant la loi étrangère sur laquelle il est fondé.  Ce moyen de défense ne doit pas être invoqué à la légère.  Rien ne justifie d’en élargir la portée de manière à pouvoir l’invoquer pour remédier à des injustices perçues qui ne heurtent pas notre sens des valeurs.  Le moyen de défense fondé sur l’ordre public devrait continuer d’être appliqué d’une manière restrictive[47].

[86]        L’auteur Emmanuelli ajoute quant à lui :

299. (…) Elles visent non pas la décision étrangère en soi ou la loi qui la fonde, mais le résultat produit si elle est appliquée au Québec. Ainsi, la décision étrangère peut sembler contraire à l’ordre public, alors que son résultat ne l’est pas nécessairement. (…)

(…) Selon l’article 3155(5), si le jugement étranger produit au Québec un résultat qui heurte l’ordre public au sens des relations internationales, les tribunaux doivent refuser de le connaître sans autre considération. C’est le résultat au Québec de la décision étrangère qui seul compte. Or, si le jugement étranger est appelé à produire des effets au Québec et qu’il est incompatible avec l’ordre public international, il tombe sous le coup de l’article 3155(5) C.c.Q. Son application au Québec devrait donc être exclue à moins de prouver que dans les faits cette application ne produira pas un résultat incompatible avec l’ordre public international[48].

[87]        C’est donc l’application du droit étranger au Québec qui doit primer dans toute analyse sous l’article 3155(5) C.c.Q.[49].

[88]        Il y a maintenant lieu d’appliquer ces principes à l’instance.

VI        ANALYSE

[89]        La vérification de la validité de l’acte de naissance de Pennsylvanie doit donc s’effectuer en s’inspirant des critères de l’article 3155 C.c.Q. en matière de reconnaissance de jugements étrangers; tel que mentionné plus haut, le Tribunal est compétent pour se saisir du présent recours en vertu de l’article 3147 C.c.Q.

[90]        La PG invoque l'absence de juridiction de la Pennsylvanie (art. 3155(1C.c.Q.), et aussi la non-conformité de l’acte de naissance émis sur la base du « Decree » préalablement rendu par un tribunal de cet état (art. 3155(5) C.c.Q.).

[91]        La première étape consiste donc à établir la juridiction.

[92]        Sur ce, la PG invoque d’un même souffle les règles applicables en matière de conflit de lois (art. 3091 C.c.Q.) et celles de la compétence des autorités étrangères (art. 3166 C.c.Q.).

[93]        Avec égard, cette confusion fausse l’analyse.

[94]        Le Tribunal n’est pas saisi d’une demande visant à établir la filiation d’un enfant puisque cette dernière l’a déjà été par un tribunal compétent de la Pennsylvanie. Les règles du titre deuxième en matière de conflit de lois ne reçoivent donc pas application en l’espèce, puisque la Cour supérieure n’a pas à déterminer le système juridique compétent :

378. (…) Il y a conflit de lois lorsqu’une situation donnée est liée à deux ou à plusieurs systèmes juridiques et qu’il s’agit de dire lequel de ces systèmes régit la ou les questions qu’elle pose. Au départ, chacun des systèmes concernés a vocation à s’appliquer; ils sont en conflit. Afin de résoudre la question posée, l’autorité saisie doit d’abord mettre fin au conflit et déterminer le système juridique compétent[50]

[95]        Et aussi :

Cet exemple montre qu’il peut y avoir un conflit, une compétition entre deux ou plusieurs juridictions pour entendre le litige et entre deux ou plusieurs ordres juridiques susceptibles de s’y appliquer.

On va résoudre le premier conflit par une règle en vertu de laquelle le tribunal du Québec acceptera ou refusera de se saisir du problème. Il s’agit d’une règle de conflit de juridictions.

On va résoudre le second conflit par une règle suivant laquelle le tribunal saisi du litige (ici le tribunal québécois) se verra prescrire d’appliquer la loi québécoise ou la loi d’un autre ordre juridique. Il s’agit (normalement) d’une règle de conflit de lois.

[…]

De même, les décisions étrangères posent le problème de leur efficacité au Québec sans qu’il y ait un véritable conflit « ouvert » entre autorités. Le jugement d’un tribunal étranger, la décision d’une autorité administrative étrangère est invoquée devant le tribunal québécois. Il n’y a pas lieu de procéder à un choix entre une décision du for et ce jugement étranger, mais de vérifier si les conditions d’efficacité de la décision étrangère sont remplies (par exemple, ces conditions comprennent l’exigence qu’il n’existe pas de décision du for ayant déjà autorité de chose jugée sur le sujet). Par contre, il peut y avoir lieu de choisir entre deux décisions étrangères contradictoires[51].

[96]        Le Tribunal n'a donc pas à appliquer les lois d'un État américain, mais plutôt à confirmer qu'un officier public de cet État était légalement autorisé, suite à un jugement rendu dans ce même État, à émettre un acte de l'état civil. Pour se faire, le Tribunal doit appliquer les règles en matière de reconnaissance de jugement étranger, tant quant à la vérification de la juridiction étrangère que de la conformité de son jugement et de ses effets avec l'ordre public, tel qu'il est entendu dans le contexte international.

[97]        Rappelons enfin que le Tribunal n’est pas appelé à effectuer un choix de loi pour établir la filiation en vertu de l’article 3091 C.c.Q.

[98]        En effet, ce n’est pas l’article 3091 C.c.Q. qui s’applique en l’espèce, mais bien l’article 3166 C.c.Q., qui détermine que l’officier public de Pennsylvanie avait l’autorité pour émettre l’acte de naissance de l’enfant sur la base du « Decree » préalablement rendu par un tribunal de cet état :

3166.   La compétence des autorités étrangères est reconnue en matière de filiation lorsque l'enfant ou l'un de ses parents est domicilié dans cet État ou a la nationalité qui y est rattachée.

[99]        L’article 3166 C.c.Q. confirme la compétence de l’officier public de Pennsylvanie, puisque l’un des parents, soit la mère porteuse, y était domicilié et a la nationalité américaine. Il en est de même si l’on considère que le parent désigné à cet article est plutôt monsieur J... F... et que ce dernier est également de nationalité américaine.

[100]     La question du domicile de l’enfant est quant à elle plus difficile à établir, bien que le Tribunal pourrait conclure qu’il était domicilié, à sa naissance, au même endroit que sa mère, la mère porteuse. De toute façon, l’enfant a  acquis la nationalité américaine dès sa naissance et cette dernière est le facteur de rattachement le plus certain pour confirmer la compétence de la Pennsylvanie où le Jugement a été rendu et où l’officier public a émis l'acte de naissance.

[101]     Il est donc faux de prétendre, comme le suggère la  PG, qu’il n’y a aucun lien de rattachement entre les requérants et les États-Unis, puisque M. J... F... est un citoyen américain.

[102]     Les requérants, dont l’un est américain, ont en toute légalité bénéficié du régime juridique américain en y concluant légalement une convention de mère porteuse. Ils ont par la suite obtenu légalement, par voie judiciaire, une déclaration de parentalité avant la naissance. Or, tel qu’évoqué précédemment, au titre des enjeux, de telles déclarations sont émises par de nombreuses provinces canadiennes et par d’autres pays.

[103]     La PG prétend ensuite que les requérants tentent d'éviter l’application des garanties de protection des enfants, lesquelles sont intégrées au régime de reconnaissance des jugements d’adoption étrangers et contenues au Code civil du Québec.

[104]     Le Tribunal ne peut retenir qu’un tribunal de Pennsylvanie, qui a revu la convention des requérants avec la mère porteuse, examiné sa conformité au droit californien et évalué le consentement de toutes les parties impliquées, n’avait pas à l’esprit la protection de l'enfant à naître.

[105]     La PG plaide que, lorsqu’il y a naissance d’un enfant via une convention de mère porteuse au Québec malgré la nullité juridique, le parent d’intention qui n’est pas le père biologique doit obtenir un consentement spécial à l’adoption en s’adressant à la Cour du Québec. Elle reproche ensuite aux requérants de ne pas avoir respecté les règles québécoises en matière de filiation et d’adoption.

[106]     Or, le Tribunal ne saurait reprocher aux requérants de ne pas avoir respecté les règles applicables en matière d’adoption puisqu’ils n’ont jamais cherché à adopter un enfant.

[107]     Il est vrai que la Cour d’appel et la Cour du Québec ont reconnu la validité de cette approche dans un contexte où le parent d’intention est la conjointe ou le conjoint du père biologique[52]. Il est cependant difficile de conclure qu’il s’agit là de la seule voie légale pour faire reconnaître la filiation de l’enfant né d’une convention de mère porteuse, alors que de nombreux ressorts avoisinants du Québec prévoient l’émission de déclaration de parentalité, soit avant la naissance ou tout de suite après.

[108]     Bien que ces déclarations ne soient pas prévues par le législateur québécois, ce dernier n'a pas non plus adopté de règles interdisant la voie suivie par les requérants, soit de conclure une convention de mère porteuse à l'étranger, afin d'obtenir une déclaration de parentalité et de la faire reconnaître ensuite au Québec.

[109]     La PG prétend enfin que la filiation est matière d’ordre public et exclue du domaine contractuel. La reconnaissance du jugement étranger aurait donc pour conséquence d’avaliser une telle transaction.

[110]     Même s’il est vrai que l’article 2632 C.c.Q.[53] prévoit qu’on ne puisse transiger relativement à l’état ou à la capacité d’une personne, le législateur prévoit spécifiquement aux articles 538 C.c.Q. et suivants la possibilité de conclure un « projet parental » dans lequel un homme renonce à ce que l’apport de ses forces génétiques puisse fonder un lien de filiation avec l’enfant à naître. L’approche du droit québécois n’est pas aussi contraignante que le soutient la PG.

[111]     La Cour d’appel dans l’affaire Adoption - 1445 et de nombreuses autres autorités doctrinales citées préalablement établissent que des conventions de mère porteuse sont conclues non seulement au Québec, mais aussi à l’étranger par des citoyens canadiens. S’il est clair qu’un tribunal ne pourrait donner effet à une telle convention en vertu de l’article 541 C.c.Q., un tribunal peut intervenir afin de statuer sur la filiation des enfants nés à la suite de ces conventions.

[112]     L’article 3155(5) C.c.Q. précise bien que c’est le résultat de la décision étrangère qui se doit d’être manifestement incompatible avec l’ordre public, tel qu’il est entendu dans les relations internationales. Quel est le résultat en l’espèce? Le résultat du Jugement et de l’acte de naissance qui en découle est de reconnaître la filiation de deux hommes à l’égard de leur enfant. Non seulement ce résultat n’est pas contraire à l’ordre public, tel qu’il est entendu dans les relations internationales, mais il ne l'est pas non plus en vertu de l’ordre public interne du Québec, puisque le Code civil du Québec prévoit spécifiquement la possibilité pour un enfant d’avoir deux parents du même sexe.

[113]     Ajoutons, pour conclure, que la bonne foi des requérants n’est pas mise en cause et qu’on ne leur reproche pas une quelconque fraude à la loi, réelle ou apparente[54]. De plus, l’entente avec la mère porteuse rassure le Tribunal sur la qualité du consentement donné par cette dernière, notamment parce qu’elle ne semble avoir reçu que les dépenses et frais directement afférents à la grossesse.

[114]     Dans Adoption - 1445, la Cour d’appel fait état des conséquences néfastes d’un refus judiciaire de consentir à l’adoption à l’égard de la conjointe du père biologique, les deux ayant eu recours à une mère porteuse. La Cour s’exprime en ces termes :

[67]       Si cette autorité parentale était exercée par B et C plutôt que par B et A, il en résulterait une situation tout à fait artificielle qui compliquerait sans raison mais de manière tangible diverses circonstances de la vie courante, allant du consentement aux soins au choix d’une école en passant par l’obtention d’un passeport ou la possibilité même de faire un voyage. Aussi est-il vraisemblable que, par la force des choses, B exercera seul l’autorité parentale. Mais d’autres difficultés surgiront, dont certaines risquent d’être graves. Qui composera la famille élargie de X, ses grands-parents, ses oncles, tantes et cousins? Qu’adviendra-t-il si l’appelante et son conjoint périssent dans un accident? S’ils venaient à se séparer, quel lien subsisterait entre X et l’appelante? X ne pourrait succéder à l’appelante si cette dernière venait à décéder ab intestat. Succèderait-elle à C si celle-ci décédait ab intestat? Au décès de B, c’est encore C qui serait la mère de l’enfant. On pourrait multiplier les hypothèses de ce genre dont toutes ou presque pointent dans la même direction[55].

[115]     En l’instance, une filiation a bel et bien été établie à l’égard des requérants.

[116]     La PG semble soutenir qu’aucun des préjudices énumérés ci-haut par la Cour d'appel ne découlerait du refus d'insérer l'acte de Pennsylvanie au registre de l’état civil.

[117]     Le Tribunal ne souscrit pas à cette position. Déjà, M. F... s’est vu refuser un congé parental puisqu’il ne pouvait produire un acte de naissance émanant du Directeur. Il n’est pas difficile de s’imaginer que d’autres « préjudices » similaires pourraient être causés dans le futur. Priver l'enfant d'une filiation à l'endroit de son père constitue en soi un « préjudice » inquantifiable. De plus, la filiation à l’endroit de S... H... devrait être reconnue d’emblée par le directeur car il est le père biologique.

[118]     La PG plaide que la filiation établie en Pennsylvanie serait suffisante pour établir les droits de M. F..., qui n’est pas le père biologique de l’enfant, à l’égard de ce dernier. Elle affirme dans son plan d'argumentation :

[47]       Enfin, si la requête des co-requérants était rejetée par le tribunal pour les motifs ci - hauts mentionnés, cela n’aurait pas pour effet de priver l’enfant de sa filiation à l’endroit des co-requérants tel qu’indiqué dans l’acte de naissance délivré en Pennsylvanie;

[48]       En effet, selon l’article 2822 du Code civil, cet acte semi-authentique fait preuve de son contenu et l’enfant pourra fournir cet acte pour prouver son identité et sa filiation durant sa vie civile, comme un grand nombre de citoyens du Québec.

[119]     Si tel est le cas, le Tribunal s’explique mal pourquoi la PG conteste l'insertion de l'acte de Pennsylvanie dans le registre de l'état civil : elle reconnaît que l'enfant pourra sa vie durant établir sa filiation à l'endroit des requérants, mais refuse du même souffle de reconnaître la validité de l'acte de naissance qui l'établit.

[120]     Il est impossible d’éliminer l’hypothèse que pourrait être remise en doute la validité de l’acte de naissance dans le futur, tout comme la PG le fait d’ailleurs présentement. Dans l’intérêt de l’enfant, le Tribunal ne laissera pas perdurer une telle incertitude.

[121]     Tel que le souligne la Cour d'appel en traitant de l'effet de la nullité absolue des conventions de mères porteuses au Québec :

[59] […] Étant nul de nullité absolue, le contrat de mère porteuse contrevient à une règle que le législateur a située dans le champ de l’ordre public de direction. Les conséquences d’un tel choix sont graves et le contrat ne peut en aucun cas avoir d’effet obligatoire. Mais cela ne signifie pas qu’ipso facto, tous ses effets, même indirects, même sur des tiers, doivent être combattus à tout prix par le droit. L’enfant, ici, est un tiers, il est plus qu’un objet[56].

[Le Tribunal souligne]

[122]     L’article 522 C.c.Q. prévoit que tous les enfants dont la filiation est établie ont les mêmes droits et les mêmes obligations, quelles que soient les circonstances de leur naissance. Dans un tel contexte, les propos de l’honorable Morissette dans l’affaire Adoption - 1445 sont tout aussi appropriés au présent débat :

[70]       Dans l’état actuel du droit positif, je ne crois pas qu’il existe un « droit à l’enfant ». L’expression, en effet, est dépourvue de connotation juridique, comme le soulignait le juge Dubois dans l’affaire Adoption — 091. Cette idée a-t-elle un sens selon l’une ou l’autre des différentes écoles de droit naturel, a-t-elle un lien quelconque avec le droit à l’égalité consacré par les chartes de droits fondamentaux? J’en doute fort, mais je l’ignore. Ce qui est certain, cependant, c’est que le droit positif n’a pas réponse à tout et qu’il lui faut sans cesse s’ajuster en tablant sur les transformations de la société et les avancées du savoir scientifique. Au moyen de la procréation assistée et de la maternité de substitution, la volonté naturelle, bien humaine et largement partagée par des gens de conditions médicales ou d’orientations sexuelles diverses, de procréer ou de devenir le parent d’un enfant, peut aujourd’hui s’accomplir là où autrefois elle faisait face à des obstacles de droit ou de fait insurmontables. La notion d’ordre public a certes un champ d’application nécessaire dans ce domaine : ainsi, la marchandisation ou chosification de la personne humaine est une tendance à laquelle le droit doit résister. Mais invoquer cette notion d’ordre public venue du droit des obligations dans le contexte précis d’un dossier comme celui-ci lui prête une portée qu’elle n’a pas - elle n’a pas ce caractère souverain et péremptoire, Et elle ne peut servir à contrecarrer la volonté de parents adoptifs qui, avec transparence et dans le respect des lois sur l’adoption, ont voulu avoir recours aux ressources de la science médicale pour que soit procréé un enfant, leur enfant, et qu’il lui soit donné une famille. À mon sens, voilà aujourd’hui l’état des choses et du droit.                                                         [Références omises]

[Le Tribunal souligne]

[123]     Les requérants ont agi en toute transparence. Ils ont agi dans le respect des lois d’un pays dont M. F... est citoyen. Leur requête doit être accueillie.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[124]     REJETTE la requête en rétractation de jugement du Procureur général du Québec et du Directeur de l’état civil du Québec;

[125]     ACCUEILLE en partie la requête introductive d’instance amendée des requérants en reconnaissance d’un jugement étranger;

[126]     DÉCLARE les requérants parents de l’enfant mineur X;

[127]     ORDONNE au directeur de l’état civil d’insérer au registre le certificat de naissance émis par le Commonwealth de Pennsylvanie le 14 mars 2013 pour X;

[128]     AVEC DÉPENS contre les intervenants.

 

 

__________________________________

LOUIS LACOURSIÈRE, J.C.S.

 

 

Me Doreen Brown

GREEN, GLAZER, NADLER & ASSOCIÉS

Procureurs des requérants

 

Me Sophie Primeau

BERNARD, ROY (JUSTICE-QUÉBEC)

Procureurs des intervenants

 

Date d’audition :                     Le 16 mars 2015

Pris en délibéré :                    Le 10 avril 2015



[1] R-2.

[2] R-3.

[3] R-1.

[4]  Voir le Gestational Carrier Agreement daté du 3 janvier 2012.

[5] 129. Le greffier du tribunal qui a rendu un jugement qui change le nom d'une personne ou modifie autrement l'état d'une personne ou une mention à l'un des actes de l'état civil, notifie ce jugement au directeur de l'état civil, dès qu'il est passé en force de chose jugée.

Le notaire qui reçoit une déclaration commune de dissolution d'une union civile la notifie sans délai au directeur de l'état civil.

Le directeur de l'état civil fait alors les inscriptions nécessaires au registre.

[6]   137.  Le directeur de l'état civil, sur réception d'un acte de l'état civil fait hors du Québec, mais concernant une personne domiciliée au Québec, insère cet acte dans le registre comme s'il s'agissait d'un acte dressé au Québec.

Il insère également les actes juridiques faits hors du Québec modifiant ou remplaçant un acte qu'il détient; il fait alors les inscriptions nécessaires au registre.

Malgré leur insertion au registre, les actes juridiques, y compris les actes de l'état civil, faits hors du Québec conservent leur caractère d'actes semi-authentiques, à moins que leur validité n'ait été reconnue par un tribunal du Québec. Le directeur doit mentionner ce fait lorsqu'il délivre des copies, certificats ou attestations qui concernent ces actes.

[7]   GERALD GOLDSTEIN, Droit international privé, Compétence internationale des autorités québécoises et effets des décisions étrangères (Art. 3134 à 3168 C.c.Q.), Commentaires sur le Code civil du Québec (DCQ), vol. 2, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2012, p. 304.

[8] Id., p. 304 et 335.

[9]   3166. La compétence des autorités étrangères est reconnue en matière de filiation lorsque l'enfant ou       l'un de ses parents est domicilié dans cet État ou a la nationalité qui y est rattachée.



[10]  L. Q. 2002, c.-6.

[11] Alain, ROY, La filiation par le sang et par la procréation assistée (Art. 522 à 542 C.c.Q.),  Commentaires sur le Code civil du Québec (DCQ), Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, p. 8.

[12]  Benoît MOORE, Les enfants du nouveau siècle (libres propos sur la réforme de la filiation), dans    Service de la formation continue, Barreau du Québec, vol. 176, Développements récents en droit familial, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2002, p. 78.

[13]  Adoption - 11117, 2011 QCCA 1129, par. 42; Adoption - 152, 2015 QCCA 348, par. 61.

[14]  Adoption - 135, 2013 QCCA 256.

[15]  Adoption - 11117, précité, note 13.

[16]    Adoption - 1445, 2014 QCCA 1162, par. 35 et ss.

[17]    Id., par. 41 citant la décision du juge Grégoire, j.c.q.; Adoption  -  09558, 2009 QCCQ 20292.

[18]    Louise LANGEVIN, Réponse jurisprudentielle à la pratique des mères porteuses au Québec; une difficile réconciliation, (2010) 26 Canadian Journal of Family Law 171, p. 179.

[19]    Jean PINEAU et Marie PRATTE, La famille, Montréal, Les Éditions Thémis, 2006, p. 685; voir aussi Marie-France BUREAU et Édith GUILHERMONT, Maternité, gestation et liberté : Réflexions sur la prohibition de la gestation pour autrui en droit québécois, (2010-2011) 4 Revue de droit et santé de McGill 43, p. 57.

[20]    L.C. 2004, ch. 2.

[21]    Renvoi relatif à la loi sur la procréation assistée, 2010 C.S.C. 61.

[22]    Karen BUSBY, Of Surrogate Mother Born : Parentage Determinations in Canada and Elsewhere, (2013) 25 Can. J. Women & L. 284, p. 285.

[23]    Id., p. 298.

[24]    Id., p. 299.

[25]   Adoption - 1445, précité, note 16.

[26]    K. BUSBY, précité, note 22, p. 300.

[27]    Id., p. 297.

[28]    CONFÉRENCE POUR L’HARMONISATION DES LOIS AU CANADA, SECTION CIVILE, Procréation médicalement assistée - rapport 2009, Rapport du groupe de travail mixte
de la CHLC et du CCHF, 2009.

[29]    CONFÉRENCE POUR L’HARMONISATION DES LOIS AU CANADA, SECTION CIVILE, Loi uniforme sur le statut de l’enfant, Projet conjoint de la Conférence pour l’harmonisation des Lois au Canada et du Comité fédéral - provincial - territorial de coordination des Hauts fonctionnaires - Justice Familiale.

[30]    UNIFORM PARENTAGE ACT (Last Amended or Revised in 2002) drafted by the NATIONAL CONFERENCE OF COMMISSIONERS ON UNIFORM STATE LAWS, approved by the American Bar Association Seattle, Washington, February 10, 2003; Alain A. LEVASSEUR, L’embryon : être humain ou produit de la technologie?, dans Mélanges Jean-Louis Baudouin, sous la direction de Benoît Moore, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2012, p. 120.

[31]    Steven H. SNYDER et Mary Patricia BYRN, The Use of Prebirth Parentage Orders in Surrogacy Proceedings, (2015) 39 FAM L.Q. 633; Geoffrey WILLEMS, Jehanne SOSSON, Légiférer en matière de gestation pour autrui : quelques repères de droit comparé et de droit international, dans La gestation pour autrui : vers un encadrement?, sous la direction de G. Schamps et J. Sosson, Bruxelles, Bruylant, 2013, par. 43 et suivants.

[32]    Alain A. LEVASSEUR, précité, note 30, p. 115, p. 123; G. WILLEMS, J. SOSSON, id., par. 47.

[33]    G. WILLEMS, J. SOSSON, id., p. 239.

[34]    G. WILLEMS, J. SOSSON, Id.; Yasmine ERGAS, Babies Without Borders :  Human Rights, Human Dignity, and The Regulation of International Commercial Surrogacy, (2013) 27 Emory International Law Review 117; Tina LIN, Born Lost : Stateless Children In International Surrogacy Arrangements, (2012-2013) 21 Cardozo J. of Int’l & Comp. Law 545; Richard F. STORROW, The Phantom children of The Republic: International surrogacy and The New Illegitimacy, (2012) 20 Journal Of Gender, Social Policy & the Law 561; Barbara STARK, Transnational Surrogacy And International Human Rights Law, (2012) 18 ILSA Journal of Int’l & Comp. Law 1.

[35]    Mennesson c. France, no 65192/11, 26 juin 2014 et Labassee c. France, no 65941/11, 26 juin 2014.

[36]    Interdire totalement l’établissement du lien de filiation entre un père et ses enfants biologiques nés d’une gestation pour autrui à l’étranger est contraire à la Convention, Communiqué de presse du Greffier de la Cour, CEDH 185, 26 juin 2014. Dans les deux affaires, la Cour dit, à l’unanimité, qu’il y a eu non-violation de l’article 8, droit au respect de la vie privée et familiale, de la Convention européenne des droits de l’homme s’agissant du droit des requérants au respect de leur vie familiale, mais violation de l’article 8 s’agissant du droit des enfants au respect de leur vie privée.

[37]    CONFÉRENCE DE LA HAYE DE DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ (HCCH), Questions de droit international privé concernant le statut des enfants, notamment celles résultant des accords de maternité de substitution à caractère international, document préliminaire no 11 de mars 2011 à l’intention du  Conseil d’avril 2011 sur les affaires générales et la politique de la Conférence; CONFÉRENCE DE LA HAYE DE DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ (HCCH), Rapport préliminaire sur les problèmes découlant des conventions de maternité de substitution à caractère international, document préliminaire no 10 de mars 2012 à l’intention du  Conseil d’avril 2012 sur les affaires générales et la politique de la Conférence; CONFÉRENCE DE LA HAYE DE DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ (HCCH), Opportunité et possibilité de poursuivre les travaux menés dans le cadre du projet filiation / maternité de substitution, document préliminaire no 3B de mars 2014 à l’intention du  Conseil d’avril 2014 sur les affaires générales et la politique de la Conférence; CONFÉRENCE DE LA HAYE DE DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ (HCCH), Le projet filiation / Maternité de substitution : Note de mise à jour, document préliminaire no 3A de février 2015 à l’intention du  Conseil de mars 2015 sur les affaires générales et la politique de la Conférence.

[38]    CONFÉRENCE DE LA HAYE DE DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ (HCCH), Le projet filiation / Maternité de substitution : Note de mise à jour, document préliminaire no 3A de février 2015, id.,  annexe 1, par. 1 et 2.

[39]   Id.

[40]  Henri KÉLADA, Reconnaissance et exécution des jugements étrangers, Cowansville, Éditions Yvon  Blais, 2013, p. 111.

[41]  Gérald GOLDSTEIN, Droit international privé, Conflits de lois : dispositions générales et spécifiques (Art. 3076 à 3133 C.c.Q.), Commentaires sur le Code civil du Québec (DCQ), vol. 1, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011, p. 224.

[42] Gérald GOLDSTEIN et Ethel GROFFIER, Droit international privé, Tome II, Règles spécifiques, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1998, p. 160, par. 277.

[43]  Henri KÉLADA, précité, note 40, p. 114-115. Voir aussi Gérald GOLDSTEIN et Ethel GROFFIER, Droit international privé, Tome 1, Théorie générale, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1998, p. 75, par. 41.

[44]  G.GOLDSTEIN et E.GROFFIER, id, p. 73, par. 40.

[45]  G.GOLDSTEIN et E.GROFFIER, précité, note 42, p. 162, par. 280.

[46]  Claude EMMANUELLI, Droit international privé québécois, 3édition, Montréal, Wilson & Lafleur ltée,      2011, p. 175 et 177, par. 298 et 299.

[47]  Beals c. Saldanha, 2003 CSC 72, par. 71, 72 et 75. Voir aussi Smart Systems Technologies Inc. c. Domotique Secant inc. 2008 QCCA 644; Auerbach c. Resorts  International Hotel Inc., [1992] R.J.Q. 302.

[48]  Claude EMMANUELLI, précité, note 46, p. 178, par. 299.

[49]  Gérald GOLDSTEIN, précité, note 41, p. 58-61.

[50]    Claude EMMANUELLI, précité, note 46, p. 221, par. 378.

[51]    Gérald GOLDSTEIN et Ethel GROFFIER, précité, note 43, p. 3 et p. 286.

 

[52]     Voir Adoption - 1445, précité, note 16.

[53]   2632.  On ne peut transiger relativement à l'état ou à la capacité des personnes ou sur les autres      questions qui intéressent l'ordre public.

[54]  Adoption - 11117, précité, note 15, par. 42; Adoption - 1445, précité, note 16, par. 64.

[55]  Adoption - 1445, id.

[56] Id.

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