9503-3940 Québec inc. c. Boucher | 2024 QCTAL 37330 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Montréal | ||||||
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No dossier : | 804577 31 20240626 G | No demande : | 4380959 | |||
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Date : | 02 décembre 2024 | |||||
Devant la juge administrative : | Marie-Ève Marcil | |||||
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9503-3940 Québec inc. |
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Locatrice - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Joanne Boucher |
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Locataire - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Par une demande produite le 26 juin 2024, la locatrice demande l'autorisation du Tribunal pour effectuer des travaux dans le logement de la locataire, l'évacuation temporaire pour une période de trois mois et statuer sur l’indemnité à être versée à la locataire. La locatrice demande aussi l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel et les frais.
[2] Au soutien de sa demande, la locatrice indique qu'un avis de travaux majeurs a été envoyé à la locataire le 13 juin 2024 et que la locataire n’a pas répondu à cet avis, mais refuse d’évacuer le logement pendant les travaux.
CONTEXTE
[3] Les parties sont liées par un bail reconduit au 30 juin 2025 au loyer mensuel de 615 $. La locataire habite dans le logement depuis juillet 2006.
[4] Le logement concerné est un 3 ½ situé au demi-sous-sol d’un immeuble comportant 21 logements.
[5] La locatrice est propriétaire de l'immeuble depuis décembre 2023.
[6] Le mandataire de la locatrice témoigne que le logement de la locataire nécessite des travaux importants d’une durée minimale de trois mois afin notamment de remédier aux infiltrations d’eau.
[7] Concernant les travaux à y être réalisés, le mandataire fait état des avis de non-conformité émis par la Ville de Montréal.
[8] Il souligne que la locataire a elle-même contacté la Ville de Montréal pour faire état des problématiques dans son logement et qu’elle a dénoncé à la locatrice ces problèmes suivant l’achat de l’immeuble.
[9] Le mandataire mentionne les travaux à effectuer dans le logement, notamment dégarnir les murs et les plafonds de la cuisine, de la salle de bain et du corridor, trouver la source de l’infiltration d’eau, retirer la moisissure, décontaminer, isoler les murs et les plafonds, changer les planchers, réparer ou changer l’électricité et la plomberie et refaire les armoires de la cuisine et de la salle de bain.
[10] Suivant l’ampleur des travaux d’une durée estimée à trois mois, la locataire ne peut rester dans son logement, soutient-il.
[11] Il souligne que les travaux ont été retardés suivant le refus de la locataire de quitter son logement; les travaux devant débuter le 1er septembre 2024 suivant l’avis reçu par la locataire en juin 2024.
[12] Il demande donc une expulsion le plus rapidement que possible et offre une indemnité de 1 000 $ à la locataire comme indiqué dans l’avis.
[13] Le mandataire produit entre autres l’avis transmis à la locataire en juin 2024, les avis de non‑conformité émis par la Ville de Montréal en janvier 2024, le permis de la Ville pour les travaux ainsi que des suivis du Service d’inspection de la Ville.
[14] En défense, la locataire admet que des travaux sont requis dans son logement, mais ne croit pas que son évacuation soit nécessaire. Aussi, elle indique que le délai de trois mois demandé est exagéré. Elle ajoute que la somme proposée à titre d’indemnité est insuffisante et réclame 3 000 $.
[15] Tel est l’essentiel de la preuve retenue par le Tribunal.
QUESTIONS EN LITIGE
[16] La locatrice a-t-elle démontré le caractère raisonnable des travaux et établi la nécessité de l'évacuation?
[17] Le cas échéant, quelles sont les conditions justes et raisonnables pour l'évacuation de la locataire?
ANALYSE
[18] Le recours de la locatrice est fondé sur les articles
« 1922. Une amélioration majeure ou une réparation majeure non urgente, ne peut être effectuée dans un logement avant que le locateur n'en ait avisé le locataire et, si l'évacuation temporaire du locataire est prévue, avant que le locateur ne lui ait offert une indemnité égale aux dépenses raisonnables qu'il devra assumer en raison de cette évacuation. »
« 1923. L'avis indique la nature des travaux, la date à laquelle ils débuteront et l'estimation de leur durée, ainsi que, s'il y a lieu, la période d'évacuation nécessaire; il précise aussi, le cas échéant, le montant de l'indemnité offerte, ainsi que toutes autres conditions dans lesquelles s'effectueront les travaux, si elles sont susceptibles de diminuer substantiellement la jouissance des lieux.
L'avis doit être donné au moins 10 jours avant la date prévue pour le début des travaux ou, s'il est prévu une période d'évacuation de plus d'une semaine, au moins trois mois avant celle-ci. »
« 1924. L'indemnité due au locataire en cas d'évacuation temporaire est payable à la date de l'évacuation.
Si l'indemnité se révèle insuffisante, le locataire peut être remboursé des dépenses raisonnables faites en surplus.
Le locataire peut aussi obtenir, selon les circonstances, une diminution de loyer ou la résiliation du bail. »
« 1925. Lorsque l'avis du locateur prévoit une évacuation temporaire, le locataire doit, dans les 10 jours de la réception de l'avis, aviser le locateur de son intention de s'y conformer ou non; s'il omet de le faire, il est réputé avoir refusé de quitter les lieux.
En cas de refus du locataire, le locateur peut, dans les 10 jours du refus, demander au tribunal de statuer sur l'opportunité de l'évacuation. »
(...)
« 1927. La demande du locateur ou celle du locataire est instruite et jugée d'urgence. Elle suspend l'exécution des travaux, à moins que le tribunal n'en décide autrement.
Le tribunal peut imposer les conditions qu'il estime justes et raisonnables. »
« 1928. Il appartient au locateur, lorsque le tribunal est saisi d'une demande sur les conditions dans lesquelles les travaux seront effectués, de démontrer le caractère raisonnable de ces travaux et de ces conditions, ainsi que la nécessité de l'évacuation. »
[19] En l'instance, la locataire s'est opposée à son évacuation temporaire au motif qu'elle remettait en question la nécessité de quitter son logement pendant les travaux et elle contestait la durée de ceux‑ci. Le Tribunal doit donc statuer sur l'évacuation demandée.
[20] Après analyse de la preuve de délibéré, le Tribunal est d’avis que la locatrice a démontré le caractère raisonnable des travaux envisagés, leur durée de trois (3) mois ainsi que la nécessité de l'évacuation de la locataire pendant les travaux.
[21] Ainsi, le Tribunal doit établir les conditions de cette évacuation et l'indemnité à être versée à la locataire.
[22] D’abord, il appert que la locataire sera libérée de son obligation de payer le loyer pendant son évacuation.
[23] Aussi, l’offre de la locatrice d’une indemnité de 1 000 $ apparaît tout à fait raisonnable dans les circonstances. En effet, cette somme couve largement le déménagement temporaire de certains biens de la locataire et un montant supplémentaire pour se reloger dans un logement comparable pendant les travaux.
[24] Il sera donc ordonné à la locatrice de verser une indemnité de 1 000 $ à la locataire en guise d’indemnité pour la période de l'évacuation.
[25] De plus, considérant la date de signature de la présente décision, le Tribunal estime que les travaux pourront débuter au plus tôt le 2 janvier 2025. Il sera donc ordonné à la locataire d'évacuer le logement concerné du 1er janvier 2025 au 1er avril 2025, date à laquelle la locataire pourra réintégrer son logement.
[26] Enfin, le préjudice causé à la locatrice justifie l’exécution provisoire de la décision, comme prévu à l’article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[27] DÉCLARE opportune l'évacuation de la locataire afin que la locatrice procède aux travaux décrits à l'avis du 6 juin 2024;
[28] FIXE les conditions d'évacuation suivantes pour l'exécution des travaux :
[29] ORDONNE l'évacuation temporaire de la locataire et des occupants du logement concerné pour la période du 1er janvier 2025 au 1er avril 2025;
[30] ORDONNE à la locatrice de payer à la locataire, et ce, au plus tard à la date de l'évacuation des lieux, une indemnité de 1 000 $;
[31] PERMET la réintégration de la locataire dans son logement actuel au plus tard le 1er avril 2025.
[32] ORDONNE l’exécution provisoire de la décision de la présente décision, malgré l’appel.
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Marie-Ève Marcil | ||
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Présence(s) : | le mandataire de la locatrice Me Felicia Marino, avocate de la locatrice la locataire | ||
Date de l’audience : | 21 octobre 2024 | ||
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