Bédard et Agence du revenu du Canada |
2014 QCCLP 5545 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 14 mars 2014, Agence du revenu du Canada (l’employeur) dépose une requête en révision à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles du 10 février 2014.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles accueille une requête déposée par madame Denise Bédard (la travailleuse), infirme une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) du 19 juin 2013, rendue à la suite d’une révision administrative, et déclare que la travailleuse a subi, le 13 février 2013, un accident du travail et qu’elle a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[3] Conformément à l’article 429.57 de la loi, le présent tribunal rend la décision sur dossier tenant compte des représentations écrites soumises par les procureurs des parties.
[4] Le dossier est mis en délibéré à compter du 17 juin 2014.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[5] L’employeur demande la révision de la Commission des lésions professionnelles du 10 février 2014. Cette décision serait entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider.
[6] Il soumet d’une part que la Commission des lésions professionnelles a outrepassé sa compétence et d’autre part, qu’elle a enfreint les règles de justice naturelle de même que ses propres règles de preuve et de procédure.
[7] Enfin, il reproche au premier juge administratif d’avoir commis une erreur de droit en concluant que l’entorse lombaire, diagnostiquée le 12 mars 2013, est en relation avec un événement du 13 février 2013.
[8] Dans sa réponse aux motifs invoqués par l’employeur, la travailleuse formule une demande incidente visant à modifier un aspect de la décision rendue par le premier juge administratif.
[9] Par l’entremise de son procureur, elle invoque la décision récente de la Cour suprême du Canada rendue dans l’affaire Martin c. Alberta (Workers’ compensation board)[2]. Cette décision, rendue après celle de la Commission des lésions professionnelles du 10 février 2014, viendrait préciser, selon elle, le droit quant à l’applicabilité de la présomption de l’article 28 aux agents de l’État fédéral.
[10] Ce faisant, elle demande de réviser l’aspect de la décision du premier juge administratif traitant de l’inapplicabilité de la présomption de l’article 28 aux agents de l’État fédéral.
L’AVIS DES MEMBRES
[11] La membre issue des associations d’employeurs et celle issue des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête en révision de l’employeur. Elles estiment que la décision de la Commission des lésions professionnelles du 10 février 2014 n’est entachée d’aucun vice de fond de nature à l’invalider.
[12] Aux fins de rendre sa décision du 10 février 2014, la Commission des lésions professionnelles avait compétence selon l’article 369 de la loi. Elle a de plus exercé ses pouvoirs, prévus aux articles 377 et suivants, pour exercer pleinement cette compétence exclusive. Elle devait statuer sur l’existence d’une lésion professionnelle. En concluant que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 13 février 2013, elle n’a pas outrepassé sa compétence. Elle n’a pas non plus enfreint les règles de justice naturelle. D’autant qu’elle a laissé au procureur de l’employeur l’opportunité de répondre à la preuve médicale déposée.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[13] Le tribunal doit déterminer s’il y a lieu de réviser la décision de la Commission des lésions professionnelles du 10 février 2014.
[14] Il faut d’abord rappeler le caractère final et sans appel d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles :
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[notre soulignement]
[15] Ceci étant, le législateur a toutefois prévu l’exercice d’un recours en révision ou révocation à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles.
[16] Ce recours, qualifié d’exceptionnel, peut donc s’exercer en présence de motifs précis, lesquels sont énumérés à l’article 429.56 de la loi qui se lit comme suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[17] Tel qu’indiqué, l’employeur invoque que la décision de la Commission des lésions professionnelles du 10 février 2014 serait entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider. Il réfère donc au troisième paragraphe de l’article 429.56 de la loi.
[18] Dans l’affaire Produits Forestiers Donohue inc. et Villeneuve[3], la Commission des lésions professionnelles indique que le vice de fond réfère à l’erreur manifeste de droit ou de fait ayant un effet déterminant sur l’issue de la contestation. Cette façon d’interpréter la notion de vice de fond de nature à invalider une décision a été reprise de façon constante.
[19] Dans sa décision CSST c. Fontaine[4], la Cour d’appel du Québec se penche notamment sur cette notion de vice de fond de nature à invalider une décision de la Commission des lésions professionnelles. La Cour d’appel ne remet pas en question le critère de vice de fond, tel qu’interprété par la Commission des lésions professionnelles. Elle invite plutôt à la prudence dans son application.
[20] La Cour d’appel insiste également sur le fait que le recours en révision, pour vice de fond de nature à invalider une décision, ne doit pas être l’occasion de procéder à une nouvelle appréciation de la preuve afin de substituer son opinion à celle du premier juge administratif.
[21] Ce ne peut être non plus l’occasion de compléter ou bonifier la preuve ni d’ajouter de nouveaux arguments[5].
[22] Seule une erreur grave, évidente et déterminante sur l’issue de la contestation peut amener une intervention à l’égard de la décision du premier juge administratif[6].
[23] Dans une décision récente[7], la Cour d’appel du Québec vient également rappeler que le recours en révision ou révocation ne s’applique que de façon exceptionnelle et que le vice de fond de nature à invalider une décision doit s’avérer une erreur fatale qui entache l’essence même de la décision, voire sa validité.
[24] Enfin, il convient de rappeler qu’un manquement allégué à une règle de justice naturelle, au moment de l’audience devant le premier juge administratif, peut être associé à la notion de vice de fond au sens du troisième paragraphe de l’article 429.56[8].
[25] Dans la cause sous étude, l’employeur invoque un manquement à son droit d’être entendu.
[26] Le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour le justiciable d’obtenir une convocation, celui de faire des représentations, de présenter une preuve, d’interroger ou de contre-interroger[9].
[27] Bref, l’on doit donner aux parties impliquées le droit de faire valoir leurs moyens ou leur point de vue[10].
[28] C’est donc en ayant à l’esprit ces principes de droit que le tribunal entend procéder à l’analyse des motifs mis de l’avant par l’employeur pour faire réviser la décision de la Commission des lésions professionnelles du 10 février 2014.
[29] Il convient de revenir sur les faits de la présente cause. Cet exercice ne vise pas à reprendre l’ensemble de la preuve soumise, mais bien de s’attarder à certains faits permettant de saisir le contexte dans lequel est déposée la requête en révision de l’employeur et d’évaluer le bien-fondé des motifs avancés à son soutien.
[30] Pour ce faire, le tribunal a pris connaissance du dossier constitué et des notes sténographiques de l’audience tenue le 18 octobre 2013 devant le premier juge administratif.
[31] À l’époque pertinente, la travailleuse occupe un poste de commis à la gestion des documents pour le compte de l’employeur, un organisme gouvernemental fédéral.
[32] En mars 2013, elle produit une réclamation à la CSST en raison de problèmes lombaires. Dans cette réclamation, il est question, entre autres, d’un événement survenu le 13 février 2013 et d’une douleur lombaire ressentie à compter du 11 mars 2013, à la suite de manipulations de boîtes.
[33] Pour chaque épisode, un rapport interne d’événement est également rempli.
[34] Le 12 mars 2013, la travailleuse consulte un médecin. On pose un diagnostic d’entorse lombaire. Par la suite, la travailleuse bénéficie d’un suivi médical avec la docteure Marie-France Stagg, laquelle maintient le diagnostic d’entorse lombaire.
[35] Le 30 avril 2013, la CSST rend une décision par laquelle elle refuse la réclamation de la travailleuse. Celle-ci en demande la révision.
[36] Le 19 juin 2013, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative. Elle confirme son refus de reconnaître l’existence d’une lésion professionnelle.
[37] La travailleuse dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre de cette décision.
[38] Le 18 octobre 2013, une audience a lieu devant le premier juge administratif. Assistent à cette audience la travailleuse, l’employeur et leurs procureurs.
[39] Le premier juge administratif entend le témoignage de la travailleuse et reçoit copie de pièces.
[40] Il est à noter qu’en début d’audience, le procureur de l’employeur formule une objection quant au dépôt d’un document médical de la docteure Stagg du 26 septembre 2013. Le procureur, qualifiant le document d’expertise médicale, explique qu’il s’agit d’un dépôt tardif qui ne respecte pas le Règlement sur la preuve et la procédure de la Commission des lésions professionnelles[11]. Il déplore notamment l’absence de la docteure Stagg à l’audience et son impossibilité de la contre-interroger.
[41] Cette objection est rejetée par le premier juge administratif et il s’en explique.
[42] À la suite de l’audience, un délai a été accordé à chacune des parties afin de soumettre des représentations écrites complémentaires concernant l’applicabilité de la présomption de l’article 28 de la loi à une agente de l’État fédéral.
[43] Le 10 février 2014, le premier juge administratif rend sa décision.
[44] L’objet du litige y est d’abord précisé comme suit :
[5] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a subi, le 13 février 2013, un accident du travail, et ce, en fonction du diagnostic d’entorse lombaire.
[45] Après une revue détaillée des faits (paragraphes [6] à [43]), le premier juge administratif expose le cadre légal applicable en semblable matière. S’agissant d’une agente de l’État fédéral, il traite particulièrement de la question de l’applicabilité de la présomption de l’article 28 de la loi :
[48] La travailleuse étant une agente de l’État fédéral, son droit à obtenir une compensation en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est régi par la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État (la LIAÉ) qui prévoit ce qui suit à son article 4 :
4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, il est versé une indemnité:
a) aux agents de l’État qui sont :
(i) soit blessés dans un accident survenu par le fait ou à l’occasion de leur travail,
(ii) soit devenus invalides par suite d’une maladie professionnelle attribuable à la nature de leur travail;
b) aux personnes à charge des agents décédés des suites de l’accident ou de la maladie.
(2) Les agents de l’État visés au paragraphe (1), quelle que soit la nature de leur travail ou la catégorie de leur emploi, et les personnes à leur charge ont droit à l’indemnité prévue par la législation — aux taux et conditions qu’elle fixe — de la province où les agents exercent habituellement leurs fonctions en matière d’indemnisation des travailleurs non employés par Sa Majesté — et de leurs personnes à charge, en cas de décès — et qui sont :
a) soit blessés dans la province dans des accidents survenus par le fait ou à l’occasion de leur travail;
b) soit devenus invalides dans la province par suite de maladies professionnelles attribuables à la nature de leur travail.
(3) L’indemnité est déterminée :
a) soit par l’autorité — personne ou organisme — compétente en la matière, pour les travailleurs non employés par Sa Majesté et leurs personnes à charge, en cas de décès, dans la province où l’agent de l’État exerce habituellement ses fonctions;
b) soit par l’autorité, judiciaire ou autre, que désigne le gouverneur en conseil.
(4) [Abrogé, 1996, ch. 10, art. 229.3]
[49] En l’espèce, il n’est pas contesté que la travailleuse exerce habituellement ses fonctions au Québec. Dans la mesure où cette dernière se blesse dans le cadre d’un accident survenant par le fait ou à l’occasion de son travail, son droit à une indemnité sera donc déterminé en fonction des dispositions de la loi québécoise.
[50] Relativement à la définition d’accident, l’article 2 de la LIAÉ prévoit ce qui suit :
2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.
« accident »
« accident » Sont assimilés à un accident tout fait résultant d’un acte délibéré accompli par une autre personne que l’agent de l’État ainsi que tout événement fortuit ayant une cause physique ou naturelle.
[51] La jurisprudence3 de la Commission des lésions professionnelles a clairement établi que cette définition d’accident prévue dans la LIAÉ équivalait à celle d’accident du travail contenue à l’article 2 de la loi québécoise, soit :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[52] Il en est tout autrement de la question de l’applicabilité de la présomption de l’article 28 de la loi québécoise qui a donné lieu à deux courants jurisprudentiels. Dans l’affaire Polito et Société Canadienne des postes4, le tribunal, après avoir fait état de cette controverse jurisprudentielle, retenait ce qui suit :
[110] Les dispositions législatives ont fait couler beaucoup d’encre ces dernières années, plus particulièrement en regard de l’application de la présomption de lésion professionnelle prévue à l’article 28 de la loi québécoise.
[111] Ainsi, statuant au sujet de l’ancêtre de la loi actuelle, à savoir la Loi sur l’indemnisation des employés de l’État7, la Cour d’appel décide que cette présomption est inapplicable aux employés de l’État. Elle explique que la notion de lésion professionnelle ne trouve pas écho dans cette loi et que le renvoi fait à la législation provinciale sur les accidents du travail se limite aux questions de compensation et d'indemnisation. Ce renvoi ne modifie pas les conditions d'admissibilité définies par les concepts d'accident et de maladie décrits à la législation fédérale. Or, comme la présomption de l'article 28 de la loi est axée sur le concept québécois de lésion professionnelle, elle ne peut être introduite dans la législation fédérale sans en modifier la teneur. C’est donc pourquoi la Cour d’appel se refuse à un tel exercice8.
[112] Par la suite, la Loi concernant l’indemnisation des agents de l’État remplace celle en vigueur précédemment. Une légère modification est apportée à la notion d’accident qui peut dorénavant survenir par le fait ou à l’occasion du travail, plutôt que par le fait et à l’occasion du travail. Certains commissaires9 y voient l’opportunité d’écarter l’interprétation antérieure de la Cour d’appel.
[113] Cependant, la majorité de ceux-ci10 estime que la notion de lésion professionnelle est toujours absente de la loi fédérale et que, dès lors, l’arrêt de la Cour d’appel dans l’affaire Lamy est toujours d’actualité. La Cour d’appel elle-même, dans la décision Lapierre c. Société canadienne des postes11, donne son aval à la non-application de la présomption de lésion professionnelle dans un tel contexte.
[114] Après avoir analysé ces deux courants jurisprudentiels, la Commission des lésions professionnelles estime que, par souci de cohérence, elle doit se ranger du côté de la jurisprudence majoritaire et déterminer que la présomption de lésion professionnelle prévue à l’article 28 de la loi ne s’applique pas aux agents de l’État.
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7 S.R.C. 1970, c. G-8.
8 Société
canadienne des postes c. CALP (l'arrêt Lamy),
9 Voir à ce sujet les affaires suivantes : Société canadienne des postes et Chartrand,
10 Voir les décisions : Société
canadienne des postes et Drouin,
11 C.A.
Montréal,
[sic]
[53] Après analyse des arguments et de la volumineuse jurisprudence soumise par les représentants des parties, le soussigné adhère à la jurisprudence5 majoritaire du tribunal à l’effet qu’un agent de l’État fédéral ne peut bénéficier de l’application de la présomption de l’article 28 de la loi québécoise.
[54] De l’avis du tribunal, il est encore approprié de conclure, même en fonction de la LIAÉ, que le renvoi fait aux législations provinciales se limite aux questions de compensation et d’indemnisation, alors que les conditions d’admissibilité demeurent, quant à elles, définies et régies par la LIAÉ. C’est ainsi qu’en tenant compte que la présomption de l’article 28 de la loi québécoise fait référence à la notion de lésion professionnelle, concept absent de la LIAÉ, cette disposition législative ne peut donc être introduite dans la législation fédérale sans en modifier la teneur.
[55] Quant à l’argument du représentant de la travailleuse à l’effet que la notion de lésion professionnelle est incluse dans la législation fédérale puisque de nombreuses décisions du tribunal appliquent aux agents de l’État fédéral la notion de récidive, rechute ou aggravation, notion absente de la LIAÉ, le tribunal ne peut retenir un tel argument. En effet, il est largement reconnu par la jurisprudence que la notion de récidive, rechute ou aggravation est intégrée à celle d’accident ou de maladie professionnelle prévue à l’article 4 de la LIAÉ. Cette interprétation fut encore retenue récemment dans l’affaire Osborne et Affaires Étrangères (passeports) R.H.D.C.C. - Direction travail et CSST6, où l’on peut lire que :
[64] Quant à la notion de récidive, rechute ou aggravation, elle ne se retrouve pas à la LIAÉ, mais la jurisprudence intègre cette notion à l’expression « blessés dans un accident survenu par le fait ou à l'occasion de leur travail » mentionnée à l’article 4 de cette loi. La Commission des lésions professionnelles peut donc déterminer si le travailleur a été victime d’un accident du travail ou d’une récidive ou aggravation en appliquant les critères élaborés sous la LATMP4.
____________________
4 G...-M...
P... et Société Radio-Canada,
[sic]
[56] C’est ainsi qu’à l’instar de la Cour d’appel dans l’affaire Lapierre et Société canadienne des postes7, le soussigné estime qu’il y a donc lieu de confirmer qu’un agent de l’État fédéral ne peut bénéficier de la présomption de l’article 28 de la loi québécoise.
[57] La travailleuse doit donc démontrer, par une preuve prépondérante, qu’elle a été victime d’un accident du travail au sens de l’article 2 de la loi québécoise, soit un événement imprévu et soudain survenant par le fait ou à l’occasion du travail.
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3 Voir : Société canadienne des postes et
Lemay, C.L.P.
4
5 Lapierre c. Société
canadienne des postes, C.A. Montréal,
500-09-010476-0000, 4 février 2003, jj. Rothman, Rousseau-Houle, Dalphond,
requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 17 juillet
2003, 29692. ; Société canadienne des postes c. C.A.L.P. et
Lamy
6 Précitée, note 5.
7 C.A. Montréal, 500-09-010476-0000, 4 février 2003, jj. Rothman, Rousseau-Houle, Dalphond, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 17 juillet 2003, 29692.
[46] À la suite de cette analyse détaillée, le premier juge administratif conclut que la travailleuse ne peut bénéficier de l’application de la présomption prévue à l’article 28 de la loi.
[47] Référant donc à l’article 2 de la loi, le premier juge administratif conclut d’une part à l’existence d’un événement imprévu et soudain (paragraphes [61] à [66]) au sens de la loi et d’autre part, à une relation probable entre cet événement et l’entorse lombaire (paragraphes [67] et [68]).
[48] Quant à la question de la relation causale, le premier juge administratif indique :
[68] En effet, le fait de faire un mouvement de rotation du tronc en déplaçant une charge lourde avec les bras, tel qu’effectué par la travailleuse le 13 février 2013, est tout à fait compatible avec la survenance d’une blessure lombaire, telle une entorse. C’est d’ailleurs l’opinion non contredite de la docteure Stagg datée du 26 septembre 2013, où celle-ci fait clairement référence au premier événement survenu le 13 février 2013. Qui plus est, toujours selon ce médecin, la travailleuse n’a eu aucune consultation médicale pour des douleurs au dos dans l’année précédant le 13 février 2013.
[notre soulignement]
[49] C’est ainsi que le premier juge administratif conclut que la travailleuse a subi, le 13 février 2013, un accident du travail au sens de la loi.
[50] Tel qu’indiqué, l’employeur soumet principalement que la Commission des lésions professionnelles a outrepassé sa compétence, qu’elle a enfreint une règle de justice naturelle (droit d’être entendu), de même que ses propres règles de preuve et de procédure et qu’ainsi le premier juge administratif a commis une erreur de droit manifeste en concluant que l’entorse lombaire, diagnostiquée le 12 mars 2013, est en relation avec un événement du 13 février 2013[12].
[51] Pour sa part, le procureur de la travailleuse soutient que le premier juge administratif n’a pas outrepassé sa compétence stricte ni n’a enfreint une règle de justice naturelle[13]. Il en profite toutefois pour demander une modification de la décision du premier juge administratif portant sur l’applicabilité de la présomption de l’article 28 de la loi à la lumière d’une récente décision rendue par la Cour suprême du Canada[14].
[52] Avec respect, le tribunal ne peut faire droit à la requête en révision déposée par l’employeur.
[53] Il ne peut souscrire au motif voulant que la Commission des lésions professionnelles ait outrepassé sa compétence.
[54] Il y a lieu de rappeler que la compétence de la Commission des lésions professionnelles est clairement déterminée par le législateur à l’article 369 de la loi :
369. La Commission des lésions professionnelles statue, à l'exclusion de tout autre tribunal :
1° sur les recours formés en vertu des articles 359, 359.1, 450 et 451;
2° sur les recours formés en vertu des articles
__________
1985, c. 6, a. 369; 1997, c. 27, a. 24.
[55] La Commission des lésions professionnelles a compétence, au sens strict, pour examiner une affaire si elle est saisie d’une contestation formée contre une décision qui, en vertu de l’article 369, peut être contestée devant elle[15].
[56] Cette compétence exclusive vise donc, entre autres, les recours formés en vertu de l’article 359 de la loi :
359. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358 peut la contester devant la Commission des lésions professionnelles dans les 45 jours de sa notification.
__________
1985, c. 6, a. 359; 1992, c. 11, a. 32; 1997, c. 27, a. 16.
[57] Dans la cause sous étude, le tribunal tient pour acquis que le premier juge administratif était effectivement saisi d’un recours formé en vertu de l’article 359 de la loi, soit celui formé pour contester la décision de la CSST du 19 juin 2013.
[58] Le premier juge administratif avait donc la compétence pour statuer sur le recours ainsi formé.
[59] Par ailleurs, pour exercer cette compétence, la Commission des lésions professionnelles jouit de larges pouvoirs, lesquels sont prévus aux articles 377 et suivants de la loi :
377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.
Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.
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1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.
378. La Commission des lésions professionnelles et ses commissaires sont investis des pouvoirs et de l'immunité des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête (chapitre C-37), sauf du pouvoir d'ordonner l'emprisonnement.
Ils ont en outre tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de leurs fonctions; ils peuvent notamment rendre toutes ordonnances qu'ils estiment propres à sauvegarder les droits des parties.
Ils ne peuvent être poursuivis en justice en raison d'un acte accompli de bonne foi dans l'exercice de leurs fonctions.
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1985, c. 6, a. 378; 1997, c. 27, a. 24.
[60] La Commission des lésions professionnelles a donc le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l’exercice de sa compétence et de rendre la décision, l’ordre ou l’ordonnance qui aurait dû être rendu en premier lieu. Elle a aussi le pouvoir d’un commissaire-enquêteur nommé en vertu de la Loi sur les commissions d’enquête[16] et celui de rendre toute ordonnance propre à sauvegarder le droit des parties[17].
[61] Ce sont de larges pouvoirs, permettant à la Commission des lésions professionnelles non seulement d’actualiser le dossier aux fins de rendre une décision, mais lui permettant aussi de déterminer la portée de la contestation des parties et d’identifier les questions qu’elle doit résoudre pour décider de l’affaire, dans le cadre de sa compétence[18].
[62] À ce titre, son rôle ne se limite pas à faire le procès de la décision de la CSST. Elle peut procéder au réexamen de tous les aspects de la décision initiale afin de rendre la meilleure décision[19].
[63] Ceci implique d’une part que la Commission des lésions professionnelles ne soit pas liée par la façon dont la CSST a pu qualifier la lésion professionnelle (accident du travail, maladie professionnelle ou récidive, rechute ou aggravation) et d’autre part, qu’elle puisse en déterminer la date[20].
[64] D’ailleurs, dans la cadre de sa décision, le premier juge administratif rappelle clairement de tels principes en réponse aux arguments de l’employeur :
[59] Tout d’abord, contrairement aux prétentions du procureur de l’employeur, le tribunal tient à rappeler qu’il peut se prononcer sur l’existence d’un accident du travail en date du 13 février 2013, puisqu’en vertu de l’article 377 de la loi, il procède « de novo » et qu’il a les pouvoirs de rendre la décision qui aurait dû être initialement rendue par la CSST.
[60] C’est ainsi que même si la CSST, dans sa décision rendue à la suite d'une révision administrative le 19 juin 2013, n’a statué qu’en fonction de l’événement survenu le 11 mars 2013, le tribunal peut néanmoins se prononcer sur l’existence d’un accident du travail en date du 13 février 2013. Cette conclusion s’impose d’autant plus en l’espèce, que dans la décision initiale rendue par la CSST le 30 avril 2013, celle-ci fait explicitement référence tant à l’événement du 11 mars 2013 qu’à celui du 13 février 2013. Qui plus est, lors de l’audience, les parties ont été en mesure de faire toute la preuve et les représentations qu’elles jugeaient utile de faire tant relativement à l’événement du 13 février qu’à celui du 11 mars 2013.
[nos soulignements]
[65] Le premier juge administratif était saisi d’une contestation soumise par la travailleuse en vertu de l’article 359 de la loi, à l’encontre d’une décision de la CSST du 19 juin 2013 qui portait sur l’admissibilité ou non d’une lésion professionnelle. Après avoir entendu la preuve et les représentations des parties, il a conclu à l’existence d’une lésion professionnelle le 13 février 2013.
[66] Ce faisant, le tribunal ne peut souscrire à l’argument de l’employeur voulant que le premier juge administratif ait outrepassé sa compétence pour juger de l’existence ou non d’une lésion professionnelle le 13 février 2013 plutôt que du 11 mars 2013.Il ne peut davantage conclure que la décision de la Commission des lésions professionnelles du 10 février 2014 serait entachée d’une erreur de droit manifeste, comme le suggère le procureur de l’employeur.
[67] Le tribunal ne peut non plus souscrire au motif voulant que le premier juge administratif ait enfreint une règle de justice naturelle.
[68] Tel qu’indiqué, dès le début de l’audience, le procureur de l’employeur fait part de son objection quant au dépôt d’un document médical de la docteure Stagg.
[69] Le premier juge administratif répond à cette objection comme suit :
M. LE JUGE ADMINISTRATIF :
Je ne comprends pas que ça ne soit pas rendu chez vous avant. Mais c’est des choses qui peuvent arriver malheureusement dans notre système. Alors, ça va, j’ai pris bonne note de vos observations. Là-dessus, il m’apparaît clair que c’est un document qui est pertinent au dossier. Le but des règles de pratique que vous avez énumérées tantôt, l’objectif principal c’est de ne pas prendre l’autre partie par surprise avec ces règles-là, qu’ils soient connus, que les documents soient connus. Mais la règle qui doit primer, c’est qu’une preuve qui est pertinente est admissible en preuve. Alors, ce n’est pas une expertise médicale, c’est des notes de consultation avec quelques notes d’un médecin traitant. Donc, ce n’est pas un témoignage d’expert qui est ici, c’et des notes comme on retrouve souvent dans nos dossiers. Et que souvent la CSST demande et que souvent même le Tribunal demande d’avoir. Alors, c’est des documents qui sont pertinents, qui sont admissibles en preuve. Et je vais le prendre.
Cependant, maître Brisebois, si vous voulez avoir un délai pour pouvoir les commenter et les soumettre à un expert de votre côté, je vais vous l’accorder, vu que ça a été déposé tardivement, vous avez eu ça ce matin. Si vous me le demandez, je vais vous l’accorder. Que ce soit t ès [sic] clair. Ça va?
Me LAURENT BRISEBOIS :
Est-ce que je peux réserver ma décision?
M. LE JUGE ADMINISTRATIF :
Oui, d’ici la fin de l’audience?
Me LAURENT BRISEBOIS :
Oui.
[nos soulignements]
[70] Avant les argumentations, le premier juge administratif indique ce qui suit :
M. LE JUGE ADMINISTRATIF :
Preuve close. De votre côté, maître Brisebois, est-ce que la preuve est complète aussi?
Me LAURENT BRISEBOIS :
Oui.
M. LE JUGE ADMINISTRATIF :
Ça complète, O.K. Ce qu’on avait parlé au début de l’audience pour les rapports complémentaires, je comprends que vous ne les jugiez pas nécessaires?
Me LAURENT BRISEBOIS :
En fait, moi, je disais que mon objection était bien fondée, mais je comprends. J’attendrai la décision, sinon…
M. LE JUGE ADMINISTRATIF :
Pas de preuve additionnelle?
Me LAURENT BRISEBOIS :
Pas de preuve additionnelle.
[nos soulignements]
[71] Avec respect, le tribunal ne peut conclure qu’il y aurait eu manquement au droit d’être entendu de l’employeur de par les agissements du premier juge administratif. Ce dernier a plutôt donné à l’employeur l’opportunité de prendre connaissance de la preuve soumise et d’y répondre. Le premier juge administratif a donc permis à l’employeur de faire valoir ses moyens.
[72] Dans l’affaire Hall c. C.L.P.[21], la juge Courteau rappelle l’importance de cette règle de justice naturelle tout en indiquant qu’une partie peut y renoncer :
Le droit d’être entendu, soit le respect de la règle audi alteram partem, est la première règle de justice naturelle qui doit être observée. Un tribunal chargé de trancher une question doit entendre les deux parties13.
(…)
L’intervention de la Cour supérieure en révision judiciaire d’une décision qui a violé un principe de justice naturelle est certes une règle fondamentale. Toutefois, cette règle n’a pas un caractère absolu.
(…)
Eu égard plus particulièrement à la règle audi alteram partem, les tribunaux reconnaissent qu’un individu peut y renoncer, soit expressément, soit implicitement, ou par sa négligence16.
_____________
13 Harelkin c. Université de Régina,
16 Beacon Plastics Ltd c. C.R.O., [1964] BR. 177.
[nos soulignements]
[73] Dans les circonstances, le tribunal estime que le premier juge administratif n’a pas enfreint le droit de l’employeur d’être entendu. C’est plutôt l’employeur qui y a renoncé. Pour des raisons qui lui appartiennent, l’employeur a plutôt choisi de ne pas accepter l’offre du premier juge administratif et d’attendre la décision sur la question de fond.
[74] On ne peut conclure que le premier juge administratif a contrevenu au droit de l’employeur de faire valoir ses moyens.
[75] Par ailleurs, dans le cadre de son argumentation écrite, le procureur de la travailleuse soumet ce qu’il qualifie de requête incidente en révision à l’encontre de la décision de la Commission des lésions professionnelles du 10 février 2014.
[76] Selon sa prétention, la décision de la Commission des lésions professionnelles du 10 février 2014 doit être révisée quant à l’aspect de l’applicabilité de la présomption de l’article 28 de la loi et ce, tenant compte de la décision récente de la Cour suprême du Canada rendue dans l’affaire Martin c. Alberta (Workers’ compensation board)[22].
[77] Par cette décision, la plus haute cour du pays vient préciser que les demandes d’indemnisation des agents de l’État fédéral qui sont blessés dans un accident du travail ou qui deviennent invalides à la suite d’une maladie professionnelle, doivent être décidées conformément à la législation provinciale applicable et ce, s’il n’y a pas de conflit entre cette législation provinciale et la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État[23].
[78] L’on comprend que cette décision de la Cour suprême du Canada, impliquant la législation provinciale de l’Alberta, peut certainement venir alimenter le débat sur l’interprétation et l’application de la présomption de l’article 28 de la loi aux agents de l’État fédéral.
[79] Ceci étant, il y a lieu de rappeler que les décisions de la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel. Un recours en révision, qualifié d’exceptionnel par la Cour d’appel, est possible selon certaines circonstances précises.
[80] Il peut s’agir de la découverte d’un fait nouveau, qui s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente, d’une partie qui n’a pu se faire, pour des raisons jugées suffisantes et d’un vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision rendue.
[81] De toute évidence, la demande incidente de la travailleuse ne concerne pas une situation où elle n’a pu se faire entendre (429.56 paragraphe 2). Elle était bien présente au moment de l’audience devant le premier juge administratif.
[82] Il ne peut s’agir non plus de la découverte d’un fait nouveau au sens du premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi.
[83] En effet, la décision de la Cour suprême du Canada[24] à laquelle le procureur fait référence a été rendue le 28 mars 2014, alors que le premier juge administratif a tenu son audience le 18 octobre 2013 et rendu sa décision le 10 février 2014.
[84] Pour constituer un motif de révision, il doit y avoir découverte postérieure à la décision d’un fait nouveau, la non-disponibilité de cet élément de preuve au moment où s’est tenue l’audience initiale devant le premier juge administratif et la démonstration du caractère déterminant qu’aurait eu cet élément sur le sort du litige, s’il eut été connu en temps utile[25].
[85] Ce faisant, on ne saurait accepter qu’une nouvelle jurisprudence, postérieure à la décision de la Commission des lésions professionnelles, puisse constituer un motif de révision.
[86] À ce sujet, il convient de référer à la décision de la Cour d’appel fédérale rendue dans l’affaire Metro Can Construction Ltd c. Sa Majesté la Reine[26], dans laquelle le juge Rothstein s’exprime comme suit :
(…) Il a été conclu que les décisions qu’un tribunal d’instance supérieure rend par la suite ne constituent pas « des faits nouveaux [qui] sont survenus […] après […] » au sens de la règle 399(2)a). Le même principe s’appliquerait aux décisions subséquemment rendues par la même cour. Dans l’affaire Jhajj, il a été décidé que le réexamen fondé sur des jugements subséquents n’est pas conciliable avec la doctrine de la chose jugée et que, dans ce contexte, « un fait nouveau » ne comprend pas les décisions subséquentes d’un tribunal d’instance supérieure. Si en parlant d’« un fait nouveau », on entendait des décisions subséquentes, le réexamen d’une affaire pourrait être demandé dès que le droit a été modifié et que la modification aurait pour effet d’entraîner un règlement différent de l’affaire. Cela créerait en outre une incertitude inacceptable pour les plaideurs et pour le public, qui doivent être convaincus qu’un jugement, une fois prononcé, est définitif. Nous ne voyons pas pourquoi il faudrait s’écarter de cette analyse et de cette conclusion.
[notre soulignement]
[87] Il en va de la stabilité des décisions rendues. Pousser le raisonnement du procureur de la travailleuse plus loin, on pourrait ainsi revisiter toutes les décisions rendues sur le sujet par la Commission des lésions professionnelles.
[88] Enfin, il ne peut s’agir d’un vice de fond de nature à invalider la décision.
[89] En effet, le premier juge administratif a rendu sa décision en analysant l’état du droit au moment où il était saisi du litige. L’interprétation alors retenue s’avérait certes une issue possible quant à l’applicabilité de la présomption de l’article 28 de la loi à un agent de l’État fédéral.
[90] Au stade de la révision, il n’appartient pas au tribunal de venir modifier cette interprétation sous prétexte qu’une nouvelle décision, ultérieure à celle rendue, puisse venir alimenter cette interprétation.
[91] Comme l’indique la Cour d’appel dans l’affaire précitée CSST c. Fontaine[27], il appartient d’abord au premier juge administratif d’interpréter la loi et la preuve soumise. C’est son interprétation qui, toutes choses étant par ailleurs égales, doit prévaloir. Il ne saurait s’agir pour le tribunal, agissant au stade du recours en révision ou révocation, de substituer à l’opinion ou l’interprétation des faits ou du droit du premier juge administratif une seconde opinion ni plus ni moins défendable que la première[28].
[92] Le tribunal ne peut donc accéder à la demande du procureur de la travailleuse de modifier, en conséquence de la récente décision de la Cour suprême du Canada[29], le raisonnement adopté par le premier juge administratif quant à l’applicabilité de la présomption prévue à l’article 28 de la loi.
[93] Ceci étant, il n’y a pas lieu d’intervenir à l’égard de la décision rendue par le premier juge administratif le 10 février 2014. Celle-ci n’est entachée d’aucune erreur grave, évidente et déterminante sur l’issue de la contestation qu’il devait trancher.
[94] Le premier juge administratif, alors valablement saisi d’un recours formé en vertu de l’article 359 de la loi à l’encontre d’une décision de la CSST du 19 juin 2013, a exercé ses pouvoirs. Ce faisant, il a permis aux parties de faire valoir leurs moyens. Il a tranché le litige en procédant à une analyse détaillée de la preuve. Sa motivation est intelligible. L’on suit son raisonnement et sa conclusion appartient aux issus possibles dans les circonstances.
[95] La requête en révision est rejetée, de même que la demande incidente du procureur de la travailleuse visant à modifier un aspect de la décision du 10 février 2014.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révision déposée le 14 mars 2014 par Agence du revenu du Canada, l’employeur, ainsi que la requête incidente en révision déposée le 14 avril 2014 par Denise Bédard, la travailleuse.
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SOPHIE SÉNÉCHAL |
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Me Renaud Plante |
ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE |
Représentant de la partie requérante |
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Me Laurent Brisebois |
MINISTÈRE DE LA JUSTICE |
Représentant de Agence du revenu du Canada |
[1] RLRQ, c. A-3.001.
[2]
[3]
[4]
[5] Voir également Bourassa c. C.L.P.,
[6] Voir également CSST c. Touloumi,
[7] A.M. c. Régie
de l’assurance maladie du Québec,
[8] Valois et Service
d’entretien Macco ltée,
[9] Gilles PÉPIN et Yves OUELLETTE,
[10] Patrice GARANT avec la collab. de Philippe GARANT et Jérôme GARANT, Droit administratif, 6e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2010, p. 609, 621, 634-636.
[11] RLRQ, c. A-3.001, r. 12.
[12]
Allard & Émond inc. et Karras,
[13]
Brière c. C.L.P. 2003 CanLII 33254 (QC CS); Cantin
c. C.L.P.
[14] Précitée, note 2.
[15] JurisClasseur-Fascicule 18-Droit régissant les contestations soumises à la Commission des lésions professionnelles.
[16] RLRQ, c. C-37.
[17] Précitée, note 15.
[18] Université du Québec à Trois-Rivières c. Laroque,
[19] Précitée, note 15.
[20]
Conciergerie d’Amqui inc. et Gagnon
[21]
[22] Précitée, note 2.
[23] L.R.C. (1985), c. G-5.
[24] Précitée, note 2.
[25] Autobus Gaudreault inc., C.L.P.
[26]
2001 C.A.F. 227; Voir également Jhajj
c. Canada (Ministère de l’Emploi et de l’immigration), [1995] 2 R.C.F. 369; AB Hassle, Astrazeneca AB
et Astrazeneca Canada inc. c. Apotex inc. et Ministre
de la Santé,
[27] Précitée, note 4.
[28] Voir également Tribunal administratif du Québec c. Godin,
[29] Précitée, note 2.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.