Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Laval

LAVAL, le 22 novembre 1999

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

117332-61-9905

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Santina Di Pasquale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Jean E. Boulais

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Gaétan Forget

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER DRA :

114405657-1

AUDIENCE TENUE LE :

15 novembre 1999

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Laval

 

 

 

 

 

 

_____________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CLAUDE GOURDE

4811, 12e Rue

Laval (Québec)

H7R 2T3

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

PNEUS LACHINE INC.

(Madame Lise Focault)

578, boul. St-Joseph

Lachine (Québec)

H8S 2L9

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 12 mai 1999, monsieur Claude Gourde (le travailleur) conteste une décision rendue par la Direction de la révision administrative le 29 avril 1999.

[2]               Par cette décision, la Direction de la révision administrative confirme la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) du 3 mars 1998 et déclare que la contestation de cette décision est irrecevable puisqu’elle n’a pas été déposée dans le délai prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., ch-A.3.001).

 

OBJET DE LA CONTESTATION

[3]               Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision de la Direction de la révision administrative et de déclarer qu’il avait un motif raisonnable pour ne pas avoir contesté la décision du 3 mars 1998 dans le délai imparti.  Il demande donc à la Commission des lésions professionnelles de modifier la base de salaire qui a été utilisée pour le calcul de l’indemnité de remplacement du revenu.

 

LES FAITS

[4]               Le travailleur est victime d’un accident du travail le 30 janvier 1998.  Il reçoit des indemnités depuis février 1998 et on retrouve au dossier un talon de chèque du 26 février 1998 qui indique que le chèque est encaissable le 3 mars 1998 et qui porte la mention que le montant de ces indemnités a été établi sur la base du revenu brut assurable (35 360,00 $) et en tenant compte de sa situation familiale.

[5]               À l’audience, le travailleur précise qu’il a complété l’Avis de l’employeur et demande de remboursement avec madame Carole Pelletier, secrétaire chez l’employeur, et que c’est elle qui a inscrit le montant de 35 000,00 $ à titre de salaire brut annuel.  Il déclare avoir demandé à madame Pelletier la raison pour laquelle elle avait inscrit ce montant étant donné qu’il a gagné un salaire brut de 52 323,93 $ pour l’année 1997.  Elle lui a répondu que le revenu brut est déterminé sur la base du revenu brut prévu à son contrat de travail.  Elle a, cependant, indiqué au travailleur qu’elle ferait une vérification pour s’assurer de l’exactitude de l’information qu’elle venait de lui transmettre.

[6]               Le travailleur déclare que, quelques jours plus tard, elle lui a dit qu’elle avait vérifié auprès de monsieur Géraldeau, le propriétaire de l’entreprise, qui lui avait confirmé que c’est le revenu brut prévu à son contrat de travail qui devait être déclaré pour les fins d’indemnisation à la CSST.

[7]               Le travailleur précise qu’il s’est fié à l’employeur et n’a fait aucune démarche lorsqu’il a reçu l’avis de paiement le ou vers le 3 mars 1998 confirmant que le montant de ses indemnités avait été établi sur la base du revenu brut prévu à son contrat de travail.

[8]               En effet, le travailleur affirme que c’est en discutant avec un autre accidenté du travail qu’il a rencontré lors de ses traitements en ergothérapie qu’il a appris qu’il avait le droit à une indemnité de remplacement du revenu plus élevée.   Il a alors communiqué avec l’agent d’indemnisation responsable de son dossier.  Les notes évolutives de la CSST du 9 octobre 1998 confirment les dires du travailleur et se lisent ainsi :

«Tél de R veut faire modifier son revenu annuel car dit avoir fait 52.000 l’an passé & non 35 000 tel qu’inscrit par l’employeur.

Me dit qu’il en avait parlé à E au moment de la réclamation mais que ce dernier lui avait donné une mauvaise info.

A discuté dernièrement avec un autre accidenté qui lui a dit qu’on calculait les revenus des 12 derniers mois précédents l’accident si ils étaient plus avantageux que ceux au contrat de travail.

Fera parvenir info à Mme Dufour.»

 

[9]               Le 13 octobre 1998, l’employeur fait parvenir à la CSST, à la demande du travailleur, une note qui confirme que le salaire brut du travailleur pour l’année 1997 est de 52 323,93 $.  Une copie du formulaire TP-4 qui est au dossier confirme également que ce montant est exact et constitue les revenus d’emploi du travailleur pour 1997.

[10]           Les notes évolutives du 22 octobre 1998 se lisent comme suit :

«Appel à E - ne se souvient pas que le T se soit informé concernant sa base salariale - E s’est informé auprès des autres et personne ne confirme la version du T.

E s’oppose à ce que nous le payons sur une base de 50.000 puisqu’il gagne dans les faits 16.00/heure vs 35.000$.

Le T est hors délai, il reçoit ce salaire depuis janvier 98.»

 

[11]           Le 27 octobre 1998, madame Louise-Andrée Dufour communique par téléphone avec le travailleur et l’avise qu’elle ne peut réviser son salaire puisque sa demande est hors délai.

[12]           Le 5 novembre 1998, le travailleur fait parvenir la présente lettre à la CSST :

«          Je reçois des prestations de la C.S.S.T. depuis février 1998.  Le montant qui m’est aloué est calculé à partir de mon salaire de base de l’année 1997.

Je conteste ce montant qui m’est accordé parce que le calcul devrait être fait à partir du salaire que j’ai perçu en 1997, lequel inclut heures supplémentaires et service de nuit et fin de semaine.

Le 14 octobre je vous ai d’ailleurs remis une lettre de mon employeur confirmant mon revenue pour 1997 soit 52.323.93, plus une copie de mon relevé 4. (lesquels je vous en fourni à nouveau une copie).

L’erreur a été commise par l’employeur qui n’à pas complété le formulaire pour la C.S.S.T de façon adéquate.

Je n’ai pas à être pénalisé parce que mon employeur ne vous a pas transmis les renseignements réels.

La lettre de mon employeur vient d’ailleurs corriger les faits.» (sic)

 

[13]           La représentante de l’employeur, madame Lise Focault, était présente à l’audience.  Elle déclare que monsieur Géraldeau était son époux et qu’il est décédé.  En février 1998, il était déjà très malade et ne travaillait plus.  Donc, madame Pelletier, la secrétaire, ne l’a pas consulté au sujet du revenu brut à inscrire sur l’Avis de l’employeur et demande de remboursement.  Elle présume que madame Pelletier a dû s’informer auprès de la CSST.

[14]           Madame Focault précise qu’il y a 26 employés à l’emploi de la compagnie et que madame Pelletier s’occupait des dossiers CSST à l’époque concernée.  Elle inscrivait toujours le revenu prévu au contrat de travail dans les formulaires Avis de l’employeur et demande de remboursement.  Le travailleur est le seul qui a contesté le montant inscrit à titre de revenu brut.

 

L'AVIS DES MEMBRES

[15]           Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que dans les circonstances du présent dossier, il y a lieu de relever le travailleur de son défaut d’avoir contesté l’avis de paiement dans le délai imparti.

[16]           Premièrement, le travailleur a été induit en erreur par son employeur et deuxièmement, l’avis de paiement qu’on lui reproche de ne pas avoir contesté dans le délai imparti ne portait même pas la mention concernant son droit de contestation.  Le travailleur a démontré qu’il avait un motif raisonnable pour ne pas avoir contesté dans les délais et qu’il y a lieu de déterminer son revenu brut sur la base du revenu actuellement gagné en 1997.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[17]           La Commission des lésions professionnelles doit décider dans un premier temps de la recevabilité de la contestation du travailleur datée du 5 novembre 1998 concernant la base du revenu brut retenue par la CSST pour établir le montant de ses indemnités.

[18]           La preuve révèle que le travailleur reçoit des indemnités de la CSST depuis février 1998.  L’avis de paiement annexé à son premier paiement indique que le montant de ses indemnités a été établi sur la base du revenu brut prévu à son contrat de travail.

[19]           La preuve démontre également que ce n’est que le 9 octobre 1998 que le travailleur avise la CSST de son intention de contester la base du revenu qui a été retenue pour calculer ses indemnités.  La contestation écrite date du 5 novembre 1998.

[20]           L’article 358 de la loi prévoit ce qui suit :

358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.

 

Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.

 

Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2.

 

 

[21]           L’avis de paiement, qui constitue le fondement de cette contestation, a été émis le ou vers le 3 mars 1998.  Or, il a été décidé, à maintes reprises, qu’un avis de paiement peut constituer une décision de la CSST.

[22]           En l’instance, il est indiqué sur l’avis de paiement que le montant des indemnités a été établi sur la base du revenu brut assurable de 35 360,00 $.  Cet avis constitue une décision de la CSST et le travailleur devait la contester dans le délai de trente (30) jours prévu à l’article 358 de la loi.

[23]           Par ailleurs, l’article 358.2 de la loi prévoit ce qui suit :

358.2.  La Commission peut prolonger le délai prévu à l'article 358 ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que la demande de révision n'a pu être faite dans le délai prescrit pour un motif raisonnable.

 

 

[24]           Le motif allégué par le travailleur pour ne pas avoir demandé la révision de la décision rendue le ou vers le 3 mars 1998 est qu’il a été induit en erreur par l’employeur.

[25]           En effet, la preuve démontre que le travailleur, lors de la signature du formulaire Avis de l’employeur et demande de remboursement, a demandé à madame Pelletier, personne responsable des dossiers de santé et sécurité au travail, d’inscrire son salaire réel sur le formulaire et que celle-ci, après s’être renseignée, lui a dit que c’est le montant prévu à son contrat de travail qui devait être inscrit.  Dans ces circonstances, il n’est pas surprenant que le travailleur n’ait pas contesté la décision du 3 mars 1998 dans le délai imparti.  Suite à la mauvaise information obtenue d’un représentant de l’employeur, il croyait qu’il ne pouvait avoir droit à une indemnité calculée sur la base de son salaire réel.

[26]           L’ignorance de la loi n’est pas un motif raisonnable permettant à un travailleur d’obtenir une prolongation de délai selon l’article 358.2 de la loi.  Cependant, en l’espèce, la Commission des lésions professionnelles considère que le travailleur était en droit de s’attendre à ce que l’employeur l’assiste dans la rédaction de sa réclamation et de l’Avis de l’employeur et demande de remboursement afin de fournir à la CSST les renseignements exacts pour le traitement de sa demande.  D’ailleurs, cette obligation est imposée à l’employeur par les articles 268 et 270 de la loi.

[27]           Dans ces circonstances, la Commission des lésions professionnelles considère que le travailleur a été  induit en erreur par les informations erronées fournies de bonne foi par l’employeur.  Le travailleur n’a pas été négligent.  Il était en droit de s’attendre à ce que l’employeur, à qui incombe l’obligation de compléter l’Avis de l’employeur et demande de remboursement et d’indiquer le salaire brut de l’employé, fournisse à la CSST les bons renseignements.

[28]           Finalement, l’avis de paiement du 3 mars 1998, bien qu’il constitue une décision de la CSST, ne portait pas la mention que le travailleur pouvait contester cette décision et du délai pour ce faire.  Ce motif n’est pas suffisant en soi pour prolonger un délai de contestation, mais est un élément à considérer dans l’évaluation de l’ensemble de la preuve pour déterminer si le travailleur avait un motif raisonnable pour ne pas avoir respecté le délai prévu à la loi.

[29]           La Commission des lésions professionnelles relève donc le travailleur de son défaut d’avoir contesté la décision du 3 mars 1998 dans le délai imparti.

[30]           En ce qui concerne la contestation du travailleur concernant la base du revenu retenue par la CSST pour les fins d’établissement du montant de l’indemnité de remplacement du revenu, l’article 67 de la loi prévoit ce qui suit :

 

 

 

 

 

67. Le revenu brut d'un travailleur est déterminé sur la base du revenu brut prévu par son contrat de travail et, lorsque le travailleur est visé à l'un des articles 42.11 et 1019.4 de la Loi sur les impôts (chapitre I - 3), sur la base de l'ensemble des pourboires que le travailleur aurait déclarés à son employeur en vertu de cet article 1019.4 ou que son employeur lui aurait attribués en vertu de cet article 42.11, sauf si le travailleur démontre à la Commission qu'il a tiré un revenu brut plus élevé de l'emploi pour l'employeur au service duquel il se trouvait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle ou du même genre d'emploi pour des employeurs différents pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité.

 

Pour établir un revenu brut plus élevé, le travailleur peut inclure les bonis, les primes, les pourboires, les commissions, les majorations pour heures supplémentaires, les vacances si leur valeur en espèces n'est pas incluse dans le salaire, les rémunérations participatoires, la valeur en espèces de l'utilisation à des fins personnelles d'une automobile ou d'un logement fournis par l'employeur lorsqu'il en a perdu la jouissance en raison de sa lésion professionnelle et les prestations en vertu de la Loi sur l'assurance‑emploi (Lois du Canada, 1996, chapitre 23).

 

 

[31]           Il a déjà été décidé par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) que le calcul du revenu brut se fait sur la base du contrat de travail mais que le travailleur peut établir un revenu brut plus élevé en y incluant notamment les majorations pour heures supplémentaires[1] et les primes de nuit[2].

[32]           En l’instance, le travailleur a démontré qu’il a gagné en 1997 un revenu brut de 52 323,93 $ puisqu’il a effectué des heures supplémentaires; il a fait du travail de nuit et il a travaillé les fins de semaine.  Cette preuve n’est pas contredite.  Elle est admise par l’employeur.

[33]           Par conséquent, le revenu brut du travailleur doit être déterminé sur la base du revenu qu’il a tiré de son emploi pour l’année 1997, à savoir, 52 323,93 $ conformément à l’article 67 de la loi.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la contestation du travailleur, monsieur Claude Gourde;

RELÈVE le travailleur de son défaut d’avoir contesté la décision du 3 mars 1998 dans le délai prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;

DÉCLARE la contestation du travailleur du 5 novembre 1998 recevable;

DÉCLARE que le revenu brut du travailleur doit être déterminé sur la base du revenu qu’il a tiré de son emploi pour l’année 1997, à savoir  52 323,93 $;

ORDONNE à la Commission de la santé et de la sécurité du travail  de modifier le montant des indemnités de remplacement du revenu auxquelles a droit le travailleur et de l’établir selon la base du revenu brut annuel de 52 323,93 $ et en tenant compte de sa situation familiale, et ce, rétroactivement au 17 février 1998.

 

 

 

 

 

 

 

 

Santina Di Pasquale

 

Commissaire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1]          CALP no. 21329-01-9008, 1990-11-16, Jean-Marc Dubois, commissaire.

[2]          Hôpital d’Argenteuil et Massé, [1994] CALP 662 .

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