Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Montréal

MONTRÉAL, le 22 juin 2001

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

137129-71-0003-R

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Claude-André Ducharme

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

Georges Blanchette

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Claude Bouthillier

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

116278615

AUDIENCE TENUE LE :

16 mai 2001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Montréal

 

 

 

 

 

 

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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE PRÉSENTÉE EN VERTU DE L'ARTICLE 429.5 6 DE LA LOI SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET LES MALADIES PROFESSIONNELLES (L.R.Q., chapitre A-3.001)

 

 

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RACHELLE METELLUS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 3 janvier 2001, madame Rachelle Métellus, la travailleuse, dépose une requête par laquelle elle demande la révision d'une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 17 novembre 2000.

[2]               Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles accueille en partie la requête déposée par madame Métellus à l'encontre d'une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 10 février 2000 à la suite d'une révision administrative et déclare que l'entorse lombaire sévère avec sciatalgie gauche secondaire apparue le 7 décembre 1998 constitue une lésion professionnelle.

[3]               Madame Métellus et sa représentante sont présentes à l'audience.  L'employeur, Agence des douanes et du revenu du Canada, n'est pas représenté à l'audience, mais sa représentante a fait parvenir au tribunal une argumentation écrite.

LA REQUÊTE

[4]               Madame Métellus demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision du 17 novembre 2000 et de déclarer que le diagnostic de sa lésion professionnelle qu'elle a subie le 7 décembre 1998 est une hernie discale L5-S1.

[5]               Pour les fins de la présente décision, il convient de rappeler les éléments du dossier.

[6]               Madame Métellus occupe un emploi de vérificatrice fiscale chez l'employeur depuis 1986.  Son travail l'amène à se rendre chez des entreprises pour effectuer des vérifications, ce qui l'oblige à transporter une mallette contenant un micro-ordinateur, des déclarations fiscales, les dossiers antérieurs de l'entreprise et les documents de référence nécessaires à la vérification.  Cette mallette pèse entre 10 et 13,6 kg.(22 à 30 livres).

[7]               La lésion professionnelle reconnue par la Commission des lésions professionnelles survient le 7 décembre 1998 alors que madame Métellus ressent une forte douleur lombaire en soulevant sa mallette pleine de documents, alors qu’elle est assise. Deux semaines auparavant, elle avait connu un malaise lombaire, mais celui-ci disparut après quelques jours.

[8]               L'événement du 7 décembre 1998 est déclaré à l'employeur et madame Métellus arrête de travailler, mais il n'y a pas de consultation médicale à ce moment-là, l'employeur ne sachant pas qu'elle devait obtenir un rapport médical pour faire une réclamation à la CSST. 

[9]               Pour sa part, comme madame Métellus avait déjà eu recours avec succès à la physiothérapie lorsqu'elle jouait autrefois au basket-ball, elle consulte un physiothérapeute puisqu'elle croit que ses malaises sont passagers et que ces traitements vont la remettre sur pied rapidement.  Elle reçoit une quinzaine de traitements et c'est à la demande de son employeur qu'elle consulte un médecin, une fois qu'il est informé de la procédure à suivre pour faire une réclamation à la CSST.

[10]           Le médecin qui la suit à partir du 2 février 1999 est le docteur Hubert Turenne.  Ce médecin pose les diagnostics d'entorse lombaire sévère et de sciatalgie gauche secondaire, et il recommande la poursuite de la physiothérapie.  Il maintient le diagnostic d'entorse lombaire à chacune des consultations subséquentes, soit les 16 février, 18 mars, 20 avril et 1er juin 1999.  Ce diagnostic est également celui qui est retenu par le docteur Jacqueline Chan, physiatre, qui examine madame Métellus le 21 avril 1999 à la demande du docteur Turenne. 

[11]           Tel qu'il ressort des notes de consultation des docteurs Turenne et Chan, il était question que madame Métellus passe une tomodensitométrie lombaire le 29 avril 1999, mais cet examen n'a pas eu lieu.

[12]           Le 1er juin 1999, le docteur Turenne recommande le retour progressif au travail, mais madame Métellus décide alors de prendre un congé parental d'une année.  Il n'y a pas de suivi médical au cours des mois suivants.

[13]           La réclamation de madame Métellus est refusée par la CSST le 26 mars 1999 et cette décision est maintenue à la suite d'une révision administrative le 10 février 2000, d'où l'appel à la Commission des lésions professionnelles.

[14]           Le 21 juin 2000, pour les fins de l'obtention d'une expertise en vue de l'audience de la Commission des lésions professionnelles, madame Métellus est examinée par le docteur Yves Bergeron, physiatre.  Ce médecin lui fait passer un examen par résonance magnétique le 25 juin 2000 qui révèle une hernie discale sous-ligamentaire L5-S1 gauche pouvant irriter à la fois les racines de L5 et de S1 du même côté. 

[15]           Dans l'expertise qu'il rédige le 3 juillet 2000, le docteur Bergeron passe en revue les rapports de physiothérapie contemporains à l'événement et les notes de consultation des docteurs Turenne et Chan et il en vient à la conclusion que le diagnostic de la lésion subie par madame Métellus le 7 décembre 1998 est une hernie discale au niveau L5-S1.  Il motive sa conclusion comme suit:

 

- Examen physique:

 

De façon contemporaine au 7 décembre 1998, la patiente présente une scoliose antalgique, un Lasègue croisé à 70° et un Lasègue direct à 45°.  Elle présente évidemment une importante ankylose avec un spasme paravertébral.  Les notes du deuxième physiothérapeute Tsoni feront état d'une diminution de la force dans S1 gauche de 50% en février 1999.

 

Nous retrouvons donc dès le départ, tous les éléments nous permettant de conclure cliniquement à la présence d'une hernie discale.

 

En effet, au niveau de la symptomatologie, les douleurs d'une telle intensité dont la topographie est si étendue et augmentées par les manœuvres de Valsalva, sont très évocatrices d'une hernie discale et ce, pour la symptomatologie.

 

Pour l'examen physique, la présence d'une scoliose antalgique témoigne d'une hernie discale et non pas d'une entorse lombaire.  La présence d'un Lasègue croisé à 70° et d'un Lasègue direct à 45° est un signe clinique pathognomonique d'une hernie discale.

 

Voilà donc réunis dès le 8 décembre 1998, une symptomatologie et un examen physique qui d'emblée permettait le diagnostic clinique d'une hernie discale.

 

 

- Examens paracliniques:

 

Lorsque nous l'avons évaluée le 21 juin 2000, nous n'avions pas pris connaissance des notes contemporaines au fait accidentel du 7 décembre 1998.  C'est sous la foi du tableau clinique tant au niveau de la symptomatologie que l'évolution que nous avions suspecté le diagnostic de hernie discale.  C'est également en fonction de cette symptomatologie qui perdurait avec les signes de l'examen physique, soit un blocage résiduel en extension, des signes de dysfonction segmentaire au niveau lombaire inférieur et des signes de spasme dans la musculation fessière témoignant d'une irritation radiculaire, que nous avons fait le nécessaire pour que cette patiente puisse être évaluée quatre jours plus tard par résonance magnétique afin de mettre en évidence au point de vue anatomique, la hernie discale soupçonnée en avril par le docteur Turenne et dès notre première évaluation en juin 2000.

 

Enfin, l'investigation paraclinique a démontré la présence très claire d'une hernie discale L5-S1 gauche avec atteinte radiculaire de L5 et de S1.

 

En conclusion, le diagnostic ne fait aucun doute.  Cliniquement, cette patiente présentait tous les éléments sémiologiques nécessaires au diagnostic clinique d'une hernie discale et ce, dès les premières notes du 8 décembre 1998.  L'investigation paraclinique a mis en évidence la présence de cette hernie.  La patiente s'est améliorée de façon considérable.  Elle est encore toutefois symptomatique, l'examen physique corrobore très bien cette symptomatologie et l'investigation paraclinique a démontré de façon claire et sans équivoque, la hernie discale à L5-S1.

 

 

[16]           Le docteur Bergeron considère que cette hernie discale est reliée à l'événement du 7 décembre 1998 pour les raisons suivantes:

Les physiothérapeutes et les médecins consultés dans ce dossier ont tous décrit une douleur lombaire inférieure gauche aiguë à la suite d'un effort dans l'axe de flexion/extension pour soulever une charge évaluée d'environ 30 lb.

 

L'axe de flexion/extension s'effectue au niveau de la région lombaire inférieure et principalement au niveau de L5-S1.  Ce geste sollicite donc de façon particulière, la région lombaire inférieure L5-S1 et la manipulation de charges augmente évidemment le stress biomécanique transmis au niveau du segment mobile de L5-S1.  Le mécanisme du fait accidentel, soit un effort effectué dans l'axe de flexion/extension, est donc tout a fait typique d'une hernie discale lombaire et, à cet égard, il y a donc une relation très nette et sans équivoque entre le diagnostic de hernie discale L5-S1 et le mécanisme du fait accidentel du 7 décembre 1998.

 

 

[17]           Ces conclusions sont également partagées par le docteur Benoît Poitras, orthopédiste, qui a examiné madame Métellus le 8 septembre 2000 à la demande de l'employeur.  Dans son rapport d'expertise daté du 13 septembre 2000, ce médecin formule l'opinion suivante:

Madame Rachelle Métellus a présenté une lombo-sciatalgie gauche suite à l'événement du 7 décembre 1999.  Il ne fait, à mon avis, aucun doute qu'il s'agit ici d'une hernie discale, comme le montre, dès le lendemain, la description de la symptomatologie faite par madame Cassini; l'apparition de la sciatalgie gauche a été assez immédiate, la douleur qui augmente à la toux (manœuvre de Valsalva positive), la présence d'une Lasègue direct à 45 degrés dès le 8 décembre 1998, et surtout la présence d'une hernie discale résiduelle sous-ligamentaire gauche qui peut irriter à la fois les racines de L5 et de S1.

 

Quant aux antécédents de Madame Métellus, à savoir sa lombalgie il y a 2 ans et la lombalgie mineure apparue deux semaines avant l'accident, il peut s'agir ici d'un phénomène prédisposant, mais il n'y a aucun doute que, compte tenu de la description qu'en fait Madame Métellus, il y avait plutôt une lombalgie d'installation progressive, sans événement initiateur automatique et absence de hernie discale véritable.  Je suis donc plutôt en accord avec le diagnostic de hernie discale du Docteur Bergeron que celui d'entorse lombaire du Docteur Turenne.

 

Les gestes décrits dans l'événement du 7 décembre 1998 peuvent entraîner, à mon avis, une hernie discale, compte tenu d'une position assise, d'une flexion antérieure, et un effort soudain pour soulever un poids d'environ 30 livres.

 

 

[18]           Ces deux expertises ont été déposées au dossier de la Commission des lésions professionnelles. 

[19]           Lors de l'audience, le docteur Turenne a témoigné à la demande de madame Métellus pour expliquer le diagnostic qu'il retient, soit celui de hernie discale L5-S1.  Le commissaire qui rend la décision du 17 novembre 2000 résume son témoignage comme suit:

Le docteur Hubert Turenne témoigne aussi à l’audience.  C’est ce médecin qui a suivi la travailleuse durant la période comprise entre le 2 février et le 1er juin 1999.  Le docteur Turenne précise qu’un diagnostic d’entorse lombaire peut évoluer tout au long d’un suivi médical.  En ce sens, il estime que, malgré les attestations qu’il a émises en 1999, la travailleuse était porteuse d’une hernie L5-S1 à ce moment.

 

Il affirme qu’après la consultation médicale du 21 avril 1999 avec la docteure Chan, il s’est rallié au diagnostic d’entorse lombaire, même s’il préférait que ce médecin soit plus agressive et prescrive une résonance magnétique afin d’expliquer la persistance de la douleur ressentie par la travailleuse près de trois mois après l’événement.

 

Après avoir pris connaissance de l’expertise du docteur Bergeron, il n’a plus aucun doute que la travailleuse présentait, au moment où elle était sous ses soins, une hernie discale.  Interrogé par la Commission des lésions professionnelles pour connaître les signes cliniques qui lui permettent d’énoncer cette conclusion, le docteur Turenne souligne que la flexion et l’extension du rachis lombo-sacré étaient diminuées et qu’il a constaté la présence d’une douleur à la région L4-L5 gauche.

 

 

[20]           Par sa décision du 17 novembre 2000, le commissaire donne raison à madame Métellus sur le fait qu'elle a subi une lésion professionnelle le 7 décembre 1998, mais il retient que les diagnostics de cette lésion sont une entorse lombaire et une sciatalgie gauche, et non une hernie discale L5-S1.

[21]           Le commissaire en vient à cette conclusion après avoir considéré en premier lieu qu'il n'est pas lié par le diagnostic émis par le docteur Bergeron parce que celui-ci est intervenu comme médecin expert.  Il estime que c'est le docteur Turenne qui avait charge de madame Métellus et que c'est l'opinion de ce dernier qui a un caractère liant.

[22]           D'autre part, il ne retient pas l'opinion du docteur Turenne voulant que la lésion soit une hernie discale.  Il considère que ce diagnostic est posé par ce médecin plusieurs mois après l'événement et la fin du suivi médical, et après qu'il ait pris connaissance de l'expertise du docteur Bergeron alors que de façon contemporaine, le docteur Turenne et le docteur Chan ont diagnostiqué une entorse lombaire.  Il écrit à ce sujet:

Or, quel est ce diagnostic ?  De manière contemporaine à l’événement, soit en février 1999, le docteur Turenne pose le diagnostic d’entorse lombaire sévère et de sciatalgie gauche secondaire.  Ce diagnostic est maintenu jusqu’à la dernière consultation du docteur Turenne, soit le 1er juin 1999.  Cependant, à l’audience, ce dernier témoigne qu’il est d’accord avec le diagnostic de hernie discale tel que proposé par le docteur Bergeron.  Pour ce faire, il explique que déjà lors des examens médicaux qu’il a réalisés durant la période comprise entre en février et juin 1999, la travailleuse présentait des signes cliniques d’une hernie discale.  Devant ce témoignage, la représentante de la travailleuse argumente que la Commission des lésions professionnelles doit retenir le diagnostic de hernie discale L4-L5.

 

La loi précise que la CSST est liée au diagnostic établi par le médecin qui a charge.  Tenant compte que durant la période contemporaine à l’événement, ce médecin posait le diagnostic d’entorse lombaire et de sciatalgie, le présent tribunal peut difficilement retenir un diagnostic de hernie émis verbalement à l’audience, plus de 23 mois après l’événement accidentel, sans aucun suivi médical durant 17 mois, même si ce diagnostic est posé par le médecin qui avait charge de la travailleuse.  La Commission des lésions professionnelles note aussi que, toujours durant les quelques mois qui ont suivi l’événement du 7 décembre 1998, la docteure Chan, physiatre, en arrivait à la même constatation diagnostique.  Même si à l’audience la travailleuse se dit mécontente de cette consultation médicale, il n’en demeure pas moins que la docteure Chan est la seule spécialiste consultée durant la période contemporaine et que la loi ne permet nullement d’écarter son diagnostic.

 

Malgré les explications données par le docteur Turenne à l’audience, la Commission des lésions professionnelles estime qu’elle doit retenir le diagnostic que ce médecin a établi à plusieurs reprises et de manière contemporaine à l’événement, soit celui d’entorse lombaire sévère et de sciatalgie gauche secondaire.

 

 

[23]           La représentante de madame Métellus prétend que cette décision de ne pas avoir retenu le diagnostic de hernie discale est fondée sur des erreurs manifestes de fait et de droit qui justifient sa révision.

[24]           Elle reproche notamment au commissaire d'avoir considéré que le docteur Turenne a modifié son opinion sur le diagnostic après avoir pris connaissance de l'expertise du docteur Bergeron, alors que le docteur Turenne a expliqué au cours de son témoignage qu'il envisageait dès le début la présence d'une hernie discale et que c'est en apprenant le résultat de l'examen par résonance magnétique, et non l'opinion du docteur Bergeron, qu'il s'est rallié aux conclusions de ce médecin.  Elle dépose au soutien de sa prétention la transcription écrite du témoignage du docteur Turenne.

[25]           Elle considère également que le commissaire a commis une erreur manifeste de droit en ne permettant pas que le diagnostic soit révisé parce qu'un délai de 23 mois s'était écoulé depuis l'événement accidentel et qu'il y avait absence de suivi médical pendant 17 mois.  Référant à la décision de la Cour supérieure dans Desruisseaux c. Commission des lésions professionnelles[1], elle prétend que la Commission des lésions professionnelles agissait de novo et que le commissaire devait permettre la mise à jour du diagnostic.

[26]           La représentante de la madame Métellus reproche enfin au commissaire d'avoir ignoré les nouveaux éléments de preuve, comme le résultat de la résonance magnétique, et le fait que les médecins ont tous conclu à l'existence d'une hernie discale.

L'AVIS DES MEMBRES

[27]           Les membres issus des associations d'employeurs et des associations syndicales sont d'avis qu'il y a lieu d'accueillir la requête de madame Turenne.  Ils considèrent que la décision comporte un vice de fond justifiant sa révision dans la mesure où le commissaire a écarté erronément le diagnostic de hernie discale retenu par le docteur Turenne et les autres médecins.

[28]           Ils sont d'avis que le diagnostic de la lésion professionnelle subie par madame Turenne le 7 décembre 1998 est une hernie discale au niveau L5-S1 et que la décision du 17 novembre 2000 doit être révisée en ce sens.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[29]           La Commission des lésions professionnelles doit décider s'il y a lieu de réviser la décision du 17 novembre 2000.

[30]           Le pouvoir conféré à la Commission des lésions professionnelles de réviser ou révoquer une décision qu'elle a rendue est prévu par l'article 429.56 de la loi, lequel se lit comme suit:

429.56 La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

 

 

[31]           Cet article apporte une dérogation au principe général énoncé par l'article 429.49 de la loi voulant qu’une décision de la Commission des lésions professionnelles soit finale et sans appel de telle sorte qu’on doit considérer que la révision ou la révocation d'une décision n'est possible que pour l'un ou l'autre des motifs prévus à l'article 429.56.

[32]           Madame Métellus invoque au soutien de sa requête que la décision du 17 novembre 2000 comporte des vices de fond qui sont de nature à l'invalider.  La représentante de l'employeur prétend pour sa part que ce n'est pas le cas.  Elle soumet que le commissaire a valablement exercé sa compétence en évaluant les faits à la lumière de la jurisprudence sur la notion de médecin traitant et que la Commission des lésions professionnelles ne peut y substituer sa propre appréciation des faits dans le cadre de la présente requête.

[33]           La notion de «vice de fond qui est de nature à invalider une décision» n'est pas définie par la loi.  La jurisprudence l'assimile à une erreur manifeste de fait ou de droit qui a un effet déterminant sur le sort du litige[2].  Comme le soumet la représentante de l'employeur, il ne peut s'agir d'une simple divergence au niveau de l'appréciation de la preuve ou des règles de droit en cause parce que le recours en révision ou en révocation n'est pas un second appel[3].  L'erreur qui donne ouverture à la révision doit être importante.  Son évidence doit s'imposer à l'examen de la décision et elle doit être source d'injustice indéniable pour une partie en raison de la nature de la décision rendue.

[34]           Les circonstances de la présente affaire sont très voisines de celles qui étaient en cause dans la décision Desruisseaux c. Commission des lésions professionnelles[4] où la Cour supérieure accueille une requête en révision judiciaire à l'encontre d'une décision de la Commission des lésions professionnelles.  Dans cette affaire, le travailleur reprochait à la Commission des lésions professionnelles d'avoir considéré que le rapport final émis par son médecin était liant aux fins de la décision de la CSST alors que ce médecin avait témoigné à l'audience de la Commission des lésions professionnelles qu'il s'était trompé en endossant le rapport d'un neurologue et en consolidant la lésion professionnelle sans séquelles permanentes.

[35]           Au soutien de sa décision, la Cour supérieure considère en premier lieu, notamment en raison de l'article 377 de loi, que la Commission des lésions professionnelles dispose de vastes pouvoirs qui font en sorte qu'elle procède de novo et qu'elle doit tenir compte des développements nouveaux survenus jusqu'à l'audience.  Le juge Bouchard qui rend la décision écrit à ce sujet:

Il découle de ce survol rapide des dispositions pertinentes de la loi que la Commission peut procéder à une révision complète des faits et des circonstances qui ont motivé la décision de la CSST et se faire sa propre idée du dossier à partir de la preuve.  En cela, son pouvoir tient davantage du procès de novo que de la révision pure et simple de la décision rendue en premier lieu.

 

En l'espèce, le Tribunal est d'avis que la Commission a commis une erreur quant à sa juridiction en limitant de façon excessive son mandat.  Ce faisant, elle ne s'est pas prononcée sur l'ensemble du dossier qui lui était soumis.

 

 

[36]           Sur la question plus particulière du témoignage du médecin, le juge Bouchard considère qu'il était manifestement déraisonnable pour la Commission des lésions professionnelles de ne pas avoir écarté le rapport final que ce médecin avait émis et ce, pour les raisons suivantes:

Enfin, lors de l'audition devant la Commission, le docteur Cantin a témoigné.  Non seulement ce dernier a-t-il précisé regretter le rapport médical qu'il a transmis à la CSST, mais il a admis avoir commis une faute en consolidant la lésion du requérant au 13 août 1999 alors que rien ne permet, encore aujourd'hui, de dire selon lui que les symptômes qu'il présente sont sans rapport avec le traumatisme crânien qu'il a subi (notes sténographiques du 6 juin 2000, p. 20 à 24).

 

La décision de la Commission porte principalement sur cet aspect du dossier.  Cette dernière juge que la CSST était liée par le rapport du docteur Cantin et n'avait pas d'autre choix que de considérer le travailleur capable de reprendre son emploi le 13 août 1999.

 

Ceci demeure vrai encore aujourd'hui.  La problématique est cependant différente en ce qui concerne la Commission qui, en vertu de l'article 377 LATMP, a tous les pouvoirs pour reconsidérer l'ensemble du dossier.

 

En l'espèce, la Commission n'a pas accepté de prendre en compte la nouvelle opinion du docteur Cantin parce que celle-ci repose sur les mêmes données médicales que la précédente.  Ceci implique qu'un médecin ne pourrait jamais changer d'avis.  Faut-il y voir là une erreur révisable?

 

La jurisprudence citée au Tribunal par le requérant est à l'effet qu'un rapport médical peut être modifié en raison d'une erreur manifeste ou d'une situation inattendue (voir, Promotions Sociales Taylor-Thibodeau et Battiste, [1998] C.L.P. 418 , p. 424; Lab Chrysotile inc. et Bernard Dupont, [1996] C.A.L.P. 132 , p. 139).

 

Suite à l'admission du docteur Cantin, le Tribunal est d'avis qu'il était manifestement déraisonnable de la part de la Commission, vu son mandat très large, de ne pas permettre que soit revu et modifié le rapport de ce dernier.  En statuant comme elle l'a fait, la Commission se trouve à lier le sort du requérant à la faute de son médecin traitant, ce qui est contraire aux principes les plus élémentaires de justice.

 

 

[37]           Il peut certes se présenter des cas où les circonstances pourraient justifier de ne pas tenir compte de la modification qu'un médecin apporte à une opinion qu'il a émise précédemment sur les questions médicales et qui a un caractère liant en vertu de la loi.

[38]           Ce n'est pas le cas en l'espèce.  La Commission des lésions professionnelles estime que le commissaire ne pouvait pas ne pas tenir compte du témoignage du docteur Turenne et se considérer lié par le diagnostic d'entorse lombaire posé initialement par ce médecin.

[39]           En ce faisant, le commissaire omet en effet de prendre en considération un nouvel élément important qui s'est ajouté au dossier, soit la résonance magnétique que madame Métellus a passée le 25 juin 2000, et le fait que ce soit le résultat de cet examen qui a amené le docteur Turenne à modifier son opinion pour retenir comme diagnostic de la lésion une hernie discale L5-S1.

[40]           Le commissaire ignore du même coup un autre élément primordial de la preuve, soit le fait que tous les médecins incluant l'expert de l'employeur, le docteur Poitras, soient d'avis que madame Turenne a subi une hernie discale L5-S1 le 7 décembre 1998.

[41]           Dans ce contexte, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion qu'il y a lieu de réviser la décision du 17 novembre 2000 parce qu'elle comporte un vice de fond qui est de nature à l'invalider.

[42]           Compte tenu de la preuve au dossier, la Commission des lésions professionnelles estime que le diagnostic de la lésion subie par madame Turenne le 7 décembre 1998 est une hernie discale L5-S1 et que la décision doit être modifiée en conséquence.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de madame Rachelle Métellus;

RÉVISE la décision rendue le 17 novembre 2000; et

DÉCLARE que madame Métellus a subi une lésion professionnelle le 7 décembre 1998, soit une hernie discale L5-S1.

 

 

 

 

Claude-André Ducharme

 

Commissaire

 

 

 

 

 

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA

FONCTION PUBLIQUE Canada

(Madame Suzelle Brosseau)

1800, ave McGill College

Bureau 2808

Montréal, Qc H3A 3J6

 

Représentante de la partie requérante

 

 

 

 



[1]           C.S. Québec 200-05-013595-009, 2000-09-27, j, J. Bouchard.

[2]           Produits forestiesr Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 .

[3]           Sivaco et C.A.L.P. [1998] C.L.P. 180 ; Charrette et Jeno Neuman & fils inc., C.L.P. 87190-71-9703, 1999-03-26, c. N. Lacroix.

[4]           Précitée.

AVIS :
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