Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Trois-Rivières

Le 14 février 2006

 

Région :

Mauricie

 

Dossiers :

275083-04-0511      276328-04-0511

 

Dossier CSST :

123647000

 

Commissaire :

Me Diane Lajoie

 

Membres :

Ginette Vallée, associations d’employeurs

 

Yvon Martel, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Jocelyn Grenier

 

Partie requérante

 

 

 

Et

 

 

 

Manac inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier 275083-04-0511

 

[1]                Le 7 novembre 2005, le travailleur, monsieur Jocelyn Grenier, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) le 21 septembre 2005, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme deux décisions qu’elle a initialement rendues les 10 et 11 août 2005, à la suite de l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale (BEM). D’une part, la CSST déclare que la lésion professionnelle est consolidée le 5 mai 2005, avec atteinte permanente, que les traitements et les soins ne sont plus justifiés à compter de cette date et que la CSST doit donc cesser de les payer. D’autre part, la CSST déclare que le travailleur conserve une atteinte permanente de 11,50 % et qu’il a droit à une indemnité pour dommages corporels de 6955,08 $.

Dossier 276328-04-0511

[3]                Le 21 novembre 2005, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 9 novembre 2005, à la suite d’une révision administrative.

[4]                Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a rendue initialement le 23 septembre 2005 et refuse d’appliquer l’article 76 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1](la loi) pour déterminer le revenu brut du travailleur devant servir au calcul de l’indemnité du remplacement du revenu (IRR).

[5]                À l’audience tenue le 27 janvier 2006, le travailleur est présent. L’employeur, Manac inc., a avisé le tribunal de son absence à l’audience.

[6]                L’audience concernant la contestation de la partie de la décision de la CSST rendue à la suite d’une révision administrative le 21 septembre 2005 portant sur la date de consolidation et les soins et les traitements est reportée, à la demande du travailleur, à une date ultérieure.

[7]                Le tribunal a demandé au travailleur de fournir après l’audience une information complémentaire. Le tribunal a reçu cette information le 31 janvier 2006 et c’est à cette date que l’affaire est prise en délibéré.

 

L’OBJET DES CONTESTATIONS

[8]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître que la lésion professionnelle entraîne pour lui un déficit anatomophysiologique d’au moins 14 % auquel pourcentage doit être ajouté le pourcentage correspondant pour douleurs et perte de jouissance de la vie, et qu’il a droit de recevoir le montant de dommages corporels correspondant, sous réserve du montant qui lui a déjà été versé par la CSST.

[9]                Le travailleur demande également au tribunal d’appliquer l’article 76 de la loi pour déterminer un revenu brut plus élevé aux fins du calcul de l’IRR.

LES FAITS

[10]           De l’ensemble de la preuve, le tribunal retient les éléments pertinents suivants.

[11]           Le travailleur est à l’emploi de Manac inc. depuis 1998 où il occupe un emploi d’opérateur de presse plieuse. Le 2 décembre 2002, en déplaçant une grosse pièce d’acier, son pied droit reste coincé sous une pile de plaques d’acier, ce qui provoque une torsion au niveau de son genou droit.

[12]           Un diagnostic d’entorse au genou droit est d’abord posé. Le docteur Garceau suspecte de plus la présence d’une lésion méniscale.

[13]           Le médecin désigné de l’employeur, le docteur Beaupré, conclut plutôt à la présence d’un syndrome fémoropatellaire.

[14]           Le 17 janvier 2003, le docteur Milot, orthopédiste, diagnostique une déchirure méniscale interne du genou droit. Monsieur Grenier est en arrêt de travail.

[15]           Le 23 janvier 2003, la CSST accepte la réclamation du travailleur pour un accident du travail survenu le 2 décembre 2002 ayant causé une entorse au genou droit.

[16]           Le travailleur est examiné par un membre du BEM le 27 février 2003. Dans son avis, le docteur Dufour retient le diagnostic d’entorse du genou droit avec probablement une chondromalacie patello-fémorale et une lésion chondrale du condyle fémoral interne.

[17]           Toujours suivi par le docteur Milot, le travailleur est en attente d’une arthroscopie au genou droit.

[18]           Le 11 juin 2004, le docteur Milot procède à cette intervention. Il retient les diagnostics de plicas synoviales et de syndrome rotulien au genou droit.

[19]           Dans une décision rendue le 30 novembre 2004[2], la Commission des lésions professionnelles déclare que les diagnostics de chondromalacie patello-fémorale et lésion chondrale du condyle fémoral interne retenus par le BEM sont reliés à l’événement du 2 décembre 2002 à titre d’aggravation d’une condition personnelle.

[20]           Le 11 février 2005, le travailleur est examiné par son médecin, le docteur Milot. Il reconnaît au travailleur des limitations fonctionnelles et un déficit anatomophysiologique de 2 % pour un syndrome rotulien au genou droit (code 103131 du barème[3]).

[21]           Le 7 avril 2005, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare qu’il est médicalement impossible de déterminer toutes les séquelles de la lésion. La CSST verse cependant au travailleur une indemnité qui correspond au montant minimal en fonction des séquelles qu’il est possible de déterminer. Elle verse donc au travailleur un montant de 1330,54 $ pour un déficit anatomophysiologique de 2 % (syndrome rotulien genou droit).

[22]           Le 5 mai 2005, le docteur Des Marchais, chirurgien orthopédiste, examine le travailleur, à la demande de la CSST. Dans son bilan des séquelles, il ne retient aucun préjudice esthétique.

[23]           Dans un complément d’expertise du 27 mai 2005, le docteur Milot évalue le préjudice esthétique comme suit :

« Cicatrice décolorée, apparente et triangulaire de 7cm x 7 cm x 3.5 cm = 12.25 cm2 située à la face antérieure de la jambe droite :

CODE 224402 =                       12.25 cm2 x 1%

= maximum pour un membre inférieur = 10% »

 

 

[24]           Le 18 juin 2005, le travailleur s’adresse à la CSST et demande à ce que le salaire retenu comme base de calcul de l’IRR soit ajusté conformément à l’article 76 de la loi.

[25]           Par sa décision du 9 novembre 2005, la CSST refuse d’appliquer l’article 76 de la loi. Cette décision est confirmée le 21 novembre 2005, à la suite d’une révision administrative, d’où le présent litige.

[26]           Monsieur Grenier témoigne qu’il détient ses cartes de compétence de charpentier-menuisier depuis 1984. Il appert également du dossier qu’il obtient un diplôme d’études professionnelles dans ce domaine en 1991. Il obtient également des diplômes de tôlier, de dessinateur de bâtiment et de compagnon en charpenterie menuiserie.

[27]           À compter de 1981, monsieur Grenier travaille dans le domaine de la construction. En 1995, il démarre son entreprise Chalets d’enfants Jocelyn Grenier inc. Après quelque temps, constatant que les revenus que lui procure son entreprise sont insuffisants, il cherche à obtenir d’autres contrats dans le domaine de la construction.

[28]           Ses recherches sont cependant infructueuses et devant un besoin pressant d’un revenu plus important, il accepte, en 1998, un emploi chez Manac inc. Il y travaille 40 heures par semaine tout en continuant d’opérer son entreprise, jusqu’en octobre 1999.

[29]           Monsieur Grenier témoigne qu’il a quand même toujours surveillé les occasions de retourner travailler dans le domaine de la construction.

[30]           Vers le mois de janvier 2002, le beau-frère du travailleur, monsieur Stéphane Auger, obtient sa licence d’entrepreneur. En mai 2002, il obtient ses premiers contrats et désire engager monsieur Grenier.

[31]           Le travailleur ne peut, à ce moment, accepter son offre puisqu’il est en arrêt de travail, à la suite d’une chirurgie (pontage) à la jambe droite subie en avril 2002. Selon le document médical T-1, monsieur Grenier est apte à retourner au travail le 29 juillet 2002, il a donc dû aussi refuser l’offre de monsieur Auger de se joindre à lui en juin 2002.

[32]           La déclaration assermentée (T-2) de madame Isabelle Auger, conjointe du travailleur, est au même effet que le témoignage du travailleur[4].

[33]           Alors que monsieur Grenier travaille toujours chez Manac inc. le 24 novembre 2002, monsieur Auger lui offre à nouveau du travail. Les deux hommes discutent et s’entendent sur les conditions d’embauche. Monsieur Grenier affirme que le 29 novembre 2002, sa décision est prise, il ne lui reste plus qu’à aviser son employeur Manac inc. de son départ.

[34]           Le travailleur produit au dossier une déclaration assermentée de monsieur Auger (T-2) dans laquelle il affirme avoir offert un emploi au travailleur au début de mai 2002, à la fin de juin 2002 et à la fin de novembre 2002. Dans les deux premiers cas, le travailleur ne pouvait accepter parce qu’il était en convalescence. Monsieur Auger écrit qu’en novembre 2002, le travailleur pouvait se considérer engagé dès qu’il prendrait sa décision.

[35]           Monsieur Grenier décide d’aviser son employeur de son départ le 2 décembre 2002, à la pause de l’avant-midi. Toutefois, il n’aura pas l’occasion de le faire puisqu’à 8 h 15, il subit l’accident du travail dont il est ici question.

[36]           Le travailleur estime que la CSST doit appliquer dans son cas l’article 76 de la loi puisqu’il a démontré qu’il aurait gagné un revenu plus élevé que celui retenu par la CSST aux fins du calcul de l’IRR, n’eut été de circonstances particulières. Selon lui, le travail avec monsieur Auger lui aurait procuré un revenu annuel selon le Décret de la construction, pour 40 heures par semaines, sur toute une année.

[37]           En l’espèce, la CSST a retenu, comme base salariale, le salaire déclaré à l’Avis de l’employeur et demande de remboursement de 32 364,80 $. Le travailleur confirme que ce montant correspond au salaire gagné chez Manac inc.

[38]           Dans son analyse de la demande du travailleur de retenir un revenu plus élevé, la CSST tient compte de la masse salariale déclarée par l’entreprise Construction S. Auger inc. pour conclure que le travailleur n’a pas démontré qu’il aurait pu gagner un salaire plus élevé.

[39]           À la page 72 du dossier, il est écrit que la masse salariale pour tous les travailleurs de cette entreprise pour la période comprise entre le 29 avril 2002 et le 31 décembre 2002 est de 29 534 $. Pour la période comprise entre le 1er janvier 2003 et le 1er juillet 2003, ce montant est de 7686 $.

[40]           L’entreprise Construction S. Auger inc. cesse ses activités le 1er juillet 2003.

[41]           À l’audience, le travailleur demande au tribunal de ne pas tenir compte des données utilisées par la CSST. Il ajoute cependant qu’il n’a pas pu avoir accès à ces données et qu’il n’est pas en mesure de les contredire. Il témoigne que son beau-frère lui a dit avoir tout déclaré, comme il se doit.

[42]           De l’avis du travailleur, monsieur Auger avait obtenu de nombreux et importants contrats de construction et qu’il aurait eu, en conséquence, du travail à temps plein dans son entreprise.

[43]           À tout événement, selon monsieur Grenier, la Commission des lésions professionnelles doit considérer qu’il aurait travaillé pour construction S. Auger inc. à raison de 40 heures semaine et qu’il aurait été payé conformément au Décret de la construction, soit 26,46 $/heure, plus 11,5 % pour les vacances. Il ajoute que conformément à l’article 67 de la loi et à la jurisprudence, ce revenu doit être annualisé. C’est donc ce revenu annuel plus élevé qui doit servir de base au calcul de l’IRR.

[44]           Le 2 août 2005, le travailleur est de nouveau examiné par un membre du BEM, le docteur Réjean Grenier, orthopédiste. Son avis du 3 août 2005 porte sur la date de consolidation de la lésion, la nécessité des soins et des traitements, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.

[45]           À l’examen objectif, le médecin décrit ainsi la cicatrice :

« À la région antéro-inférieure de la jambe, il présente un placard cicatriciel vicieux post-contusion. La cicatrice est irrégulière, décolorée, rougeâtre, a la forme d’un «E» inversé d’une longueur de 6 cm sur une moyenne de 2cm de largeur, totalisant 12 cm2 de cicatrice vicieuse très apparente. »

 

 

[46]           Le membre du BEM établit le déficit anatomophysiologique à 12 %, se détaillant comme suit :

103131             syndrome rotulien au genou droit                                               2%

224402             12 cm2 de cicatrice inesthétique X 1% Xcm2

                       10%, soit le pourcentage maximal pour un membre inférieur        10%

 

 

[47]           Le 11 août 2005, la CSST rend une décision à la suite de l’avis du BEM par laquelle elle déclare que l’atteinte permanente est de 11,50 %. Cette décision est confirmée le 21 septembre, à la suite d’une révision administrative, d’où le présent litige.

[48]           Monsieur Grenier ne conteste pas les aspects médicaux de l’avis du BEM concernant l’atteinte permanente. Il remet plutôt en question l’interprétation et l’application du barème en ce qui concerne le pourcentage attribué pour le préjudice esthétique et la méthode de calcul retenue par la CSST.

[49]           À son avis, le pourcentage accordé selon le code 224402 devrait être d’au moins  12 % et non de 10 %. En effet, il estime que l’interprétation du barème voulant que le pourcentage attribuable à un membre inférieur soit limité à 10 % n’est pas justifiée. Le travailleur soumet de plus que la méthode de calcul, soit l’application du pourcentage pour douleurs et perte de jouissance de la vie, est incorrecte.

[50]           En conséquence, il demande à la Commission des lésions professionnelles de corriger ces erreurs.

 

 

L’AVIS DES MEMBRES

[51]           Le membre issu des associations syndicales et la membre issue des associations d’employeurs partagent le même avis, et ce, dans les deux dossiers.

[52]           Dans le dossier 275803-04-0511, les membres issus des associations sont d’avis d’accueillir la requête du travailleur. Ils estiment en effet que le tribunal peut corriger l’évaluation de l’atteinte permanente dans la mesure où il se limite à corriger une erreur d’interprétation ou d’application du barème. Ainsi, le fait de prévoir dans le barème un pourcentage maximal de 20 % pour les deux membres inférieurs ne veut pas dire qu’un pourcentage maximal de 10 % doit être appliqué pour un seul membre. En conséquence, le pourcentage de 12 % pour préjudice esthétique au membre inférieur droit doit être reconnu au travailleur, auquel pourcentage doit être ajouté celui pour douleurs et perte de jouissance de la vie. Enfin, le montant déjà accordé de façon provisoire par la CSST doit être soustrait du montant total auquel a droit le travailleur.

[53]           Dans le dossier 276328-04-0511, les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que la requête du travailleur devrait être rejetée. Ils estiment que la preuve ne permet pas de conclure que le travailleur aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur, n’eut été de circonstances particulières.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

L’atteinte permanente

[54]           Dans le premier dossier 275083-04-0511, la question soumise au tribunal en est une d’interprétation et d’application du barème.

[55]           Il n’est pas remis en question que le travailleur est porteur d’une cicatrice vicieuse à la jambe droite.

[56]           Pour évaluer le pourcentage de ce préjudice esthétique, il faut se rapporter au code 224402 du barème selon lequel 1 % doit être attribué pour chaque cm2.de cicatrice vicieuse.

[57]           Dans son complément d’expertise du 11 février 2005, le docteur Milot écrit que la cicatrice est de forme triangulaire et qu’elle mesure 7cm x 7cm x 3,5 cm. Il conclut que sa superficie est de 12,25 cm2.

[58]           Or, la surface d’un triangle de cette dimension n’atteint pas, bien qu’elle s’en rapproche, 12 cm2.

[59]           Le tribunal retient donc plutôt la mesure rapportée par le docteur Grenier, membre du BEM qui, dans son avis, écrit que la cicatrice mesure 6 cm de longueur sur une moyenne de 2 cm, pour une superficie de 12 cm2.

[60]           En appliquant le code 224402, soit 1 % x 12 cm2, le pourcentage du préjudice esthétique est de 12 %.

[61]           Les docteurs Milot et Grenier de même que la CSST sont toutefois d’avis qu’un pourcentage maximal de 10 % est applicable pour chacun des membres inférieurs. Avec respect, le tribunal ne partage pas cette interprétation qu’ils font du barème.

[62]           On retrouve au Tableau 35 du barème, dans lequel se trouve le code 224402, la note suivante :

« Le pourcentage maximum de PE pour les deux membres inférieurs est de 20% »

 

 

[63]           Le tribunal souscrit à l’opinion exprimée par plusieurs commissaires[5] qui veut que si le législateur avait voulu que le maximum de 20 % soit limité à 10 % par membre, il l’aurait dit. Or, ce n’est pas ce que le barème prévoit. Tout ce qui y est dit c’est que le pourcentage maximal pour les deux membres est de 20 %, ce pourcentage pouvant même, de l’avis du tribunal, être appliqué à un seul membre si cela est médicalement justifié.

[64]           Ainsi, dans le cas qui nous occupe, le pourcentage du préjudice esthétique doit être de 12 %, considérant la superficie de la cicatrice vicieuse.

[65]           Qu’en est-il maintenant du calcul de l’atteinte permanente totale?

[66]           L’article 84 de la loi prévoit que :

84. Le montant de l'indemnité pour préjudice corporel est égal au produit du pourcentage, n'excédant pas 100%, de l'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique par le montant que prévoit l'annexe II au moment de la manifestation de la lésion professionnelle en fonction de l'âge du travailleur à ce moment.

 

Le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique est égal à la somme des pourcentages déterminés suivant le barème des préjudices corporels adopté par règlement pour le déficit anatomo-physiologique, le préjudice esthétique et les douleurs et la perte de jouissance de la vie qui résultent de ce déficit ou de ce préjudice.

 

Si un préjudice corporel n'est pas mentionné dans le barème, le pourcentage qui y correspond est établi d'après les préjudices corporels qui y sont mentionnés et qui sont du même genre.

__________

1985, c. 6, a. 84; 1999, c. 40, a. 4.

 

 

[67]           L’article 3 du barème se lit comme suit :

3.         Lorsque la somme des pourcentages de déficit anatomo-physiologique fixés pour les séquelles de la lésion professionnelle résultant d’un événement est différente de zéro, un pourcentage de douleurs et perte de jouissance de la vie est fixé d’après la table des douleurs et perte de jouissance de la vie en fonction de cette somme.

Lorsque la somme des pourcentages de préjudice esthétique fixés pour les séquelles de la lésion professionnelle résultant d’un événement est différente de zéro, un pourcentage de douleurs et perte de jouissance de la vie est fixé d’après la table des douleurs et perte de jouissance de la vie en fonction de cette somme.»

 

 

[68]           Le tribunal comprend de ces dispositions que le pourcentage pour douleurs et perte de jouissance de la vie doit être appliqué au pourcentage du déficit anatomophysiologique si ce dernier est supérieur à zéro, et ce, indépendamment du préjudice esthétique.

[69]           Ensuite, un pourcentage pour douleurs et perte de jouissance de la vie doit également être appliqué au préjudice esthétique supérieur à zéro. L’atteinte permanente totale est la somme de tous ces pourcentages[6].

[70]           En conséquence, l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique (APIPP) du travailleur doit être calculée de la façon suivante :

Déficit anatomophysiologique (DAP) :

Code 103131    syndrome rotulien genou droit                            2%

 

Douleurs et perte de jouissance de la vie (DPJV) :

Code 225027                                                                           0,2%

 

TOTAL :                                                                                  2,2%

 

Préjudice esthétique (PE) :

Code 224402                                                                           12%

 

DPJV :

Code 225125                                                                           2,4%

 

TOTAL:                                                                       14.4%

 

APIPP TOTALE :                                                                     16.6%

 

 

[71]           Le travailleur a déjà reçu le montant correspondant au DAP et DPJV de 2,2 %. La CSST doit donc maintenant lui verser le montant correspondant au PE et DPJV de 14,4 %, le tout, conformément au premier alinéa de l’article 84 de la loi.

[72]           Cette disposition réfère au montant prévu à l’annexe II au moment de la lésion professionnelle, en fonction de l’âge du travailleur à ce moment et non, comme le prétend le travailleur, au salaire brut retenu par la CSST, ce moment servant plutôt au calcul de l’IRR.

Application de l’article 76 de la loi

[73]           Dans le deuxième dossier 276328-04-0511, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître que l’article 76 de la loi doit être appliqué et qu’en conséquence, la CSST doit calculer l’IRR à laquelle il a droit en tenant compte d’un revenu brut plus élevé.

[74]           L’article 76 se lit ainsi :

76. Lorsqu'un travailleur est incapable, en raison d'une lésion professionnelle, d'exercer son emploi pendant plus de deux ans, la Commission détermine un revenu brut plus élevé que celui que prévoit la présente sous-section si ce travailleur lui démontre qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion, n'eût été de circonstances particulières.

 

Ce nouveau revenu brut sert de base au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu due au travailleur à compter du début de son incapacité.

__________

1985, c. 6, a. 76.

 

 

[75]           Il est établi que le travailleur est incapable, en raison de sa lésion professionnelle, d’exercer son emploi durant plus de deux ans.

[76]           Afin de bénéficier de l’application de l’article 76 de la loi, le travailleur doit démontrer de plus qu’il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur, n’eut été de circonstances particulières.

[77]           Selon la jurisprudence, ces circonstances particulières doivent être présentes au moment de la lésion professionnelle[7]. De plus, les circonstances particulières dont il est question dans l’article 76 de la loi ne comprennent pas la survenance de la lésion professionnelle[8].

[78]           Dans son témoignage, monsieur Grenier affirme qu’à la fin novembre 2002, il a pris la décision d’aller travailler avec son beau-frère, monsieur Auger, comme charpentier-menuisier. Quelles sont, au moment de la lésion professionnelle, soit le 2 décembre 2002, les circonstances particulières qui l’empêchent d’occuper cet emploi?

[79]           Selon la preuve, monsieur Grenier est apte à retourner au travail à compter du 29 juillet 2002, à la suite d’un arrêt de travail faisant suite à une chirurgie. Il témoigne que cette intervention chirurgicale ne l’empêchait pas alors d’exécuter ses tâches chez Manac inc., pas plus qu’elle ne l’aurait empêché de travailler comme charpentier-menuisier.

[80]           Monsieur Grenier affirme que monsieur Auger lui avait aussi offert de travailler pour lui en mai et en juin 2002. À ce moment, il était toujours en convalescence. Pourquoi cependant n’a-t-il pas accepté ces offres dès juillet 2002, alors qu’il était de nouveau apte au travail? À partir de juillet 2002, le tribunal ne relève aucune circonstance particulière empêchant monsieur Grenier d’occuper un travail dans la construction, si ce n’est son choix personnel de demeurer à l’emploi de Manac.

[81]           Ce n’est qu’à la fin de novembre 2002 que le travailleur prend la décision de changer d’emploi. La seule raison qui l’empêche alors d’occuper l’emploi de charpentier-menuisier est, comme il le dit d’ailleurs lui-même, la survenance de la lésion professionnelle le 2 décembre 2002.

[82]           Le tribunal est d’avis que le travailleur n’a pas, par une preuve prépondérante, fait la démonstration qu’il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur, lorsque s’est manifestée la lésion professionnelle, n’eut été de circonstances particulières, autres que l’accident du travail.

[83]           De façon subsidiaire, le tribunal ajoute que le travailleur n’a pas non plus démontré de façon convaincante que cet emploi aurait été plus rémunérateur.

[84]           L’emploi plus rémunérateur auquel réfère le travailleur est un emploi de charpentier-menuisier pour l’entreprise Construction S. Auger inc. Le travailleur prétend qu’il aurait gagné un salaire horaire de 26,46 $, 40 heures par semaine, durant 48 semaines, soit plus que le salaire annuel gagné chez Manac inc. Or, cela suppose que l’entreprise de monsieur Auger lui aurait fourni du travail à temps plein durant toute l’année.

[85]           Monsieur Grenier témoigne que son beau-frère avait en effet obtenu d’importants contrats. Cependant, aucune autre preuve n’est disponible pour appuyer cette prétention. En l’espèce, le tribunal est d’avis que le seul témoignage du travailleur est insuffisant pour conclure qu’effectivement Construction S. Auger inc. était en mesure d’offrir du travail à temps plein au travailleur.

[86]           D’autant plus que la CSST a obtenu les données relatives à la masse salariale déclarée par Construction S. Auger inc. et que bien que le montant de 29 534 $ couvre une période de huit mois, il apparaît que les travailleurs à l’emploi de cette entreprise n’ont pas gagné un salaire plus élevé que celui qu’a gagné le travailleur chez Manac inc. On peut présumer qu’il en aurait été ainsi aussi pour monsieur Grenier, qui avait planifié de commencer l’emploi avec son beau-frère seulement au début décembre 2002. Rappelons de plus que le travailleur n’a pas été en mesure de contredire ces données.

[87]           S’ajoute à cela le fait que l’entreprise Construction S. Auger inc. a cessé ses opérations le 1er juillet 2003. Monsieur Grenier aurait alors travaillé au plus six mois en 2003.

[88]           Monsieur Grenier a témoigné avoir cherché, à diverses périodes, un emploi dans le domaine de la construction, mais qu’il n’en a pas trouvé. Dans son argumentation écrite déposée à l’audience, il allègue entre autres que le travail dans le domaine de la construction présente une réalité particulière en ce qu’il comporte des changements fréquents d’employeurs et des périodes de chômage entre les contrats. Devant une telle affirmation, il est difficile de se rendre à l’argument du travailleur qui prétend qu’il aurait gagné un salaire équivalent à 48 semaines x 40 heures semaine x 26,46 $/heure.

[89]           Pour toutes ces raisons, le tribunal conclut que l’article 76 de la loi ne trouve pas application en l’espèce et il n’y a pas lieu de retenir un salaire brut plus élevé que celui retenu par la CSST aux fins du calcul de l’IRR.

 


PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 275083-04-0511

ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Jocelyn Grenier;

MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 21 septembre 2005, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la lésion professionnelle survenue le 2 décembre 2002 entraîne pour le travailleur une atteinte permanente de 16,6 %;

DÉCLARE que le travailleur a droit de recevoir un montant pour dommages corporels correspondant à cette atteinte permanente, sous réserve du montant qui lui a déjà été versé par la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

 

Dossier 276328-04-0511

REJETTE la requête du travailleur, monsieur Jocelyn Grenier;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 9 novembre 2005, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE qu’il n’y a pas lieu de retenir un revenu brut plus élevé que celui retenu par la Commission de la santé et de la sécurité du travail aux fins du calcul de l’indemnité de remplacement du revenu.

 

 

 

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Me Diane Lajoie

 

Commissaire

 



[1]          L.R.Q., c.A-3.001

[2]          Grenier et Manac inc., C.L.P. 165552-04-0107, 30 novembre 2004, J.-F. Clément

[3]          Règlement sur le barème des dommages corporels (1987) 119 G.O. II, 5576; (1998) G.O. 2, 2829 et 3561

[4]          Le travailleur demande au tribunal d’apporter une correction de nature cléricale à ce document à savoir que le travailleur est en arrêt de travail, en attente d’une chirurgie de pontage à la jambe droite, à compter de juin 2001 et non de juin 2002.

[5]          Forget et Motos Daytona inc., C.L.P. 127008-62B-9911, 23 août 2000, M. Sauvé; Cantin et Industries Leclerc inc. (Faillite), C.L.P. 134318-04B-0003, 8 novembre 2000, J.-L. Rivard; Bekoe et 2873915 Canada inc., C.L.P. 148522-72-0010, 4 juillet 2001, H. Rivard; Bélanger et Bombardier (Groupe matériel et transport) C.L.P. 230999-03B-0404, 16 juillet 2004, R. Savard

[6]          (DAP + DPJV) + (PE + DPJV) = APIPP; Belisle et Ress. Breakwater Mine Langlois [2005] C.L.P. 434

[7]          Boudreault et Établissements de détention Québec, C.L.P. 152376-02-0012, 8 mai 2001, C. Bérubé

[8]          Provost et Roll Up Aluminium cie, C.A.L.P. 67194-05-9503, 30 janvier 1996, S. Di Pasquale (J8 - 01-23); Létourneau et Automobile Transport inc. C.L.P. 126297-61-9911, 26 février 2001, G. Morin; Racine et Les Couvertures Confort 2000 enr., C.L.P. 153826-64-0101, 15 juin 2001, R. Daniel; Leblanc et J.G. Boudreau Grande-Rivière inc., C.L.P. 90251-01B-9708, 28 février 2003, H. Thériault; Bédard et Hôpital général de Québec, C.L.P. 264020-31-0506, 30 novembre 2005, J.-L. Rivard

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.