Décision

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Conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés (Ordre professionnel des) c. Breton

2020 QCCDCRHRI 1

 

CONSEIL DE DISCIPLINE

ORDRE DES CONSEILLERS EN RESSOURCES HUMAINES
ET EN RELATIONS INDUSTRIELLES AGRÉÉS DU QUÉBEC

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No :

13-19-00018

 

DATE :

27 juillet 2020

______________________________________________________________________

 

LE CONSEIL :

Me JEAN-GUY LÉGARÉ

Président

M. CAMILLE JOMPHE, CRHA

Membre

M. DENIS MORIN, CRHA

Membre

______________________________________________________________________

 

Mme VÉRONIQUE EMOND, CRHA, en sa qualité de syndique de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec

Plaignante

c.

M. FRANÇOIS BRETON, autrefois CRHA

Intimé

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE CONSEIL DE DISCIPLINE A PRONONCÉ UNE ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, DE NON-PUBLICATION ET DE NON-DIFFUSION DES NOMS DES VICTIMES DE l’INTIMÉ MENTIONNÉS DANS LA PREUVE, DANS LES DOCUMENTS DÉPOSÉS EN PREUVE AINSI QUE DE TOUT RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE LES IDENTIFIER, ET CE, POUR ASSURER LA PROTECTION DE LEUR VIE PRIVÉE.

APERÇU

[1]          La plaignante, Mme Véronique Emond, CRHA, en sa qualité de syndique de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec, reproche à l’intimé, M. François Breton, autrefois CRHA, d’avoir subtilisé et utilisé la carte de crédit appartenant à une collègue de travail, le ou vers le 21 février 2019, alors qu’il exerçait sa profession à titre de conseiller en ressources humaines et santé sécurité.

[2]          Elle lui reproche également d’avoir commis ou d’avoir tenté de commettre des vols d’argent, entre le 1er et le 3 mars 2019, dans différents commerces de la ville de Québec, en menaçant les commis-caissiers d’un couteau.

[3]          En agissant ainsi, M. Breton aurait contrevenu à l’article 59.2 du Code des professions[1].

QUESTION EN LITIGE

[4]          La syndique s’est-elle déchargée de son fardeau afin de prouver les éléments essentiels des deux chefs d’infraction pour lesquels M. Breton a enregistré un plaidoyer de non-culpabilité?

PLAINTE

[5]          La plainte initiale portée contre M. Breton est datée du 24 octobre 2019.

[6]          Dès le début de l’audience du 14 juillet 2020, l’avocat de la syndique demande la permission de modifier le texte de la plainte afin de réduire le nombre de dispositions de rattachement pour chacun des chefs. Il demande également de retirer les mots « à au moins 4 reprises » du second chef. 

[7]          Le Conseil autorise, séance tenante, les demandes de modification de la plainte. La plainte modifiée est ainsi libellée :

1.    À Lévis, le ou vers le 21 février 2019, alors qu’il exerçait sa profession à titre de conseiller en ressources humaines et santé sécurité chez Société Via, a subtilisé et utilisé la carte de crédit appartenant à sa collègue de travail, madame A, commettant ainsi une infraction à (…) l’article 59.2 du Code des professions ;

2.    Dans la région de Québec, au cours de la période du 1er au 3 mars 2019, alors qu’il était membre de l’Ordre des CRHA, a commis ou a tenté de commettre des vols d’argent, (…), dans différents commerces de la ville, en menaçant les commis caissiers d’un couteau à chacune de ces occasions, commettant ainsi une infraction à (…) l’article 59.2 du Code des professions.

[Transcription textuelle, sauf anonymisation]

CONTEXTE

[8]          Comme mentionné précédemment, la plainte initiale portée contre M. Breton est datée du 24 octobre 2019.

[9]          Le 13 novembre 2019, M. Breton signe une comparution personnelle à Bécancour dans laquelle il enregistre un plaidoyer de non-culpabilité aux infractions qui lui sont reprochées dans la plainte.

[10]       Dans le même document, M. Breton autorise le greffe du Conseil de discipline à lui transmettre par courrier électronique tous les documents, les correspondances et les procédures qui lui sont destinés dans le cadre du présent dossier. Il confirme que tout ce qui lui sera transmis à son adresse électronique qu’il précise aura le même effet qu’une signification effectuée par huissier.

[11]       La Présidente en chef du Bureau des présidents des conseils de discipline, Me Marie-Josée Corriveau, fixe une audience de gestion d’instance téléphonique en lien avec ce dossier le 12 mars 2020.

[12]       M. Breton est alors absent. L’avocat de la syndique indique ne pas avoir eu de contact avec lui depuis le mois de janvier.

[13]       Me Corriveau fixe l’audience sur culpabilité pour une durée de deux jours, soit les 28 et 29 mai 2020.

[14]       Le 9 avril 2020, Me Corriveau désigne Me Jean-Guy Légaré pour présider la formation du Conseil devant entendre le présent dossier.

[15]       L’audience sur culpabilité dans le présent dossier, fixée les 28 et 29 mai 2020, doit être reportée en raison de la pandémie de la COVID-19. Elle est finalement fixée les 14 et 15 juillet 2020.

[16]       Le 23 juin 2020 à 14 h 02, Mme Frédérique Carbonneau-Côté, huissière de justice, signifie l’avis d’audition sur culpabilité des 14 et 15 juillet 2020 par courriel à M. Breton.

[17]       Le 14 juillet 2020, au début de l’audience sur culpabilité, le Conseil constate l’absence de M. Breton.

[18]       La secrétaire du Conseil de discipline de même que l’avocat de la syndique confirment qu’ils n’ont pas eu de communication avec M. Breton depuis plusieurs mois.

[19]       Le Conseil constate que M. Breton est informé de la tenue de l’audience depuis le 23 juin 2020.

[20]       Le Conseil décide de procéder à l’audience sur culpabilité en l’absence de M. Breton conformément à l’article 144 du Code des professions.

[21]       M. Breton est inscrit au tableau de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du 8 mai 2014 au 31 mars 2019. Il est radié du tableau de l’Ordre le 1er avril 2020 pour son défaut d’acquitter la cotisation annuelle 2019-2020 dans le délai prescrit.

[22]       Le 8 janvier 2018, M. Breton est embauché par la Société VIA à titre de coordonnateur aux ressources humaines et à la santé et sécurité du travail.

[23]       La Société VIA, un organisme à but non lucratif (OBNL), œuvre dans le secteur du recyclage et a pour mission de créer, dans un cadre d’intégration et d’adaptation des emplois pour des personnes ayant une limitation fonctionnelle.

[24]       Elle opère cinq centres de tri situés à Québec, à Lévis, à Rivière-du-Loup, à Dégelis et plus récemment à Saguenay.

[25]       Les fonctions de M. Breton l’amènent à se déplacer dans les quatre centres de tri opérés par la Société VIA à l’époque.

Chef 1

[26]       Au mois de février 2019, madame A, qui est à l’emploi de la Société VIA, ne retrouve plus sa carte de crédit qui était pourtant rangée dans un tiroir de son bureau.

[27]       Madame A est avisée par son institution financière qu’une personne avait effectué des transactions avec sa carte de crédit dans six différents commerces de la région de Québec, le 21 février 2019.

[28]       Elle en informe le directeur d’usine du Centre de tri de Québec, M. Yannick Lagacé.

[29]       M. Lagacé contacte ces commerces par téléphone afin de pouvoir visionner les vidéos de la personne utilisant la carte de crédit de madame A. Cependant, un seul établissement accepte de le rencontrer.

[30]       Le 22 février 2019, madame A et M. Lagacé se rendent au Dépanneur Couche-Tard situé sur le boul. Lebourgneuf à Québec afin de regarder l’extrait vidéo montrant la personne ayant utilisé la carte de crédit de madame A.

[31]       Tant madame A que M. Lagacé reconnaissent M. Breton.

[32]       À son retour au centre de tri de Québec, M. Lagacé informe immédiatement la directrice des ressources humaines de la Société VIA, Mme Mélanie Côté, CRHA, qui se trouve au centre de tri de Lévis.

[33]       Mme Côté se déplace au centre de tri de Québec et rencontre M. Breton en compagnie de M. Lagacé.

[34]       M. Breton reconnaît les faits et il est immédiatement congédié.

[35]       Le 27 février 2019, Mme Côté transmet une lettre de congédiement à M. Breton.

[36]       Dans les jours suivant son congédiement, M. Breton doit se présenter chez la Société VIA afin de récupérer certains effets personnels. Il échange alors des messages textes avec Mme Côté.

[37]       Dans l’un de ces messages, il informe Mme Côté qu’il entre en thérapie dans quelques jours puisqu’il souffre « d’importants problèmes de dope ».

[38]       Madame A porte plainte au Service de police de la Ville de Québec.

[39]       Le 14 mars 2019, M. Breton est accusé d’avoir volé, le 21 février 2019, une carte de crédit émise au nom de madame A, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 342 (1) a) e) du Code criminel. Il est également accusé d’avoir utilisé le même jour la carte de crédit au nom de madame A sachant l’avoir obtenue, fabriquée, ou falsifiée par suite de la commission d’une infraction, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 342 (1) c) e) du Code criminel[2].

[40]       M. Breton est arrêté et comparaît devant la Cour du Québec le 14 mars 2019. Il est libéré sous caution et est présentement dans l’attente de son procès.

Chef 2

[41]        Entre les 1er et 3 mars 2019, un individu commet ou tente de commettre six vols qualifiés dans différents dépanneurs de la région de Québec.

[42]       Il se présente en plein jour au comptoir du dépanneur vêtu d’un manteau d’hiver noir avec un capuchon. Il porte des lunettes fumées. Il exhibe au préposé un couteau et demande le contenu du tiroir-caisse.

[43]       La syndique présente une vidéo de cet individu prise au moment de l’un de ces vols et diffusée sur le site Web Zone911 le 4 mars 2019[3]. Elle produit également une capture d’écran de cette vidéo[4].

[44]       Trois employés de dépanneur témoignent devant le Conseil que l’homme apparaissant sur la vidéo est le même qui a commis un vol qualifié à la pointe d’un couteau dans le dépanneur où ils travaillaient au début du mois de mars 2019.

[45]       Mme Côté et M. Lagacé confirment que l’homme que l’on peut voir sur la vidéo (pièce P-5) et dans la capture d’écran (pièce P-4) est M. Breton.

[46]       Le 14 mars 2019, M. Breton est accusé d’avoir commis, entre le 1er et le 3 février 2019, six vols qualifiés, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 344 (1) b) du Code criminel[5]

[47]       M. Breton est arrêté et comparaît devant la Cour du Québec le 14 mars 2019. Il est libéré sous caution et est présentement dans l’attente de son procès.

[48]       Le 12 mars 2019, Mme Côté, dépose une demande d’enquête auprès du Bureau du syndic de l’Ordre des CRHA concernant la conduite de M. Breton.

[49]       Le 24 octobre 2019, après avoir complété son enquête, la syndique porte plainte contre M. Breton.

ARGUMENTATION DES PARTIES

[50]       L’avocat de la syndique rappelle qu’au moment des événements mentionnés dans la plainte, M. Breton est membre de l’Ordre des CRHA et bénéficie de privilèges qui vont de pair avec ce titre. 

[51]       Il est, en contrepartie, tenu de s’abstenir d’actes dérogatoires à l’honneur et à la dignité de sa profession.

[52]       En dérobant la carte de crédit d’une collègue de travail à son insu, et en l’utilisant, M. Breton a commis des actes dérogatoires à la dignité et à l’honneur de la profession.

[53]       L’avocat de la syndique souligne que M. Breton a reconnu ces gestes à l’époque.

[54]        À cet égard, l’avocat de la syndique précise que le 23 juin 2020, il a transmis un courriel à M. Breton afin de lui préciser que, lors de son témoignage, Mme Côté fera part au Conseil du fait que lors de leur rencontre du 22 février 2019, il lui a avoué avoir volé la carte de crédit de madame A sur les lieux de son travail et avoir des problèmes de drogues.

[55]       L’avocat de la syndique plaide qu’en se présentant avec une arme (un couteau), au début du mois de mars 2019, et en dérobant ou en tentant de dérober le contenu des caisses, M. Breton a de nouveau eu un comportement indigne et dérogatoire à l’honneur de la profession.

[56]       Il rappelle que le Conseil exerce la compétence prévue à l’article 152 du Code des professions de décider que les gestes posés aux chefs 1 et 2 de la plainte modifiée sont dérogatoires à la dignité de la profession et qu’ils contreviennent à l’article 59.2 du Code des professions.

[57]       Pour lui, ces gestes sont incompatibles avec les qualités requises des professionnels de l’Ordre des CRHA, c’est-à-dire l’intégrité, la probité et l’honnêteté, ainsi que le respect d’autrui et le professionnalisme.

[58]       L’avocat de la syndique dépose et commente des autorités[6].

[59]       Il affirme que la preuve quant au chef 1 est établie par des aveux de M. Breton.

[60]       De même, des témoins identifient clairement M. Breton à l’égard des actes décrits au chef 2 de la plainte.

[61]       L’avocat de la syndique souligne également que les actes violents décrits au chef 2 impliquent des menaces par l’usage d’un couteau et font ressortir que M. Breton n’a plus le jugement requis ni le respect et l’intégrité nécessaires à la préservation de la dignité de sa profession.

[62]       Pour lui, le bien-être des employés, la sécurité dans les relations de travail et le maintien d’un climat de travail serein font partie des objectifs de la profession[7]

[63]       Les gestes de M. Breton vont à l’encontre de ces objectifs tant à l’égard d’une collègue de travail (chef 1) qu’à l’endroit d’employé(e)s au cours de leur travail (chef 2).

[64]       Pour l’avocat de la syndique, il est important que le Conseil de discipline maintienne les hauts standards requis pour tout membre de l’Ordre des CRHA, afin d’éviter d’éclabousser la profession et de maintenir la confiance du public envers les membres de l’Ordre.

[65]       La syndique demande en conséquence au Conseil de reconnaître, comme il en a le pouvoir selon l’article 152 du Code des professions, que les comportements de M. Breton décrits aux chefs 1 et 2 sont prouvés de façon prépondérante et contreviennent à l’article 59.2 du Code des professions.

ANALYSE

[66]       Le Conseil doit déterminer si la preuve présentée par la syndique est suffisamment claire et convaincante pour déclarer M. Breton coupable des deux chefs d’infraction formulés dans la plainte modifiée.

[67]       La Cour d’appel[8] a rappelé le fardeau de preuve qu’une partie plaignante doit rencontrer en matière disciplinaire :

[66] Il est bien établi que le fardeau de preuve en matière criminelle ne s’applique pas en matière civile. Il est tout aussi clair qu’il n’existe pas de fardeau intermédiaire entre la preuve prépondérante et la preuve hors de tout doute raisonnable, peu importe le « sérieux » de l’affaire. La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt F.H. c. McDougall, a explicitement rejeté les approches préconisant une norme de preuve variable selon la gravité des allégations ou de leurs conséquences.

[67] Cependant, la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. Comme démontré plus haut, le Conseil avait bien à l’esprit cette norme et la proposition des juges majoritaires qui soutient le contraire est, avec égards, injustifiée.

[68] Comme le rappelle la Cour suprême, « aussi difficile que puisse être sa tâche, le juge doit trancher. Lorsqu’un juge consciencieux ajoute foi à la thèse du demandeur, il faut tenir pour acquis que la preuve était, à ses yeux, suffisamment claire et convaincante pour conclure au respect du critère de la prépondérance des probabilités.

[Références omises]

[68]       Le Conseil devra, par conséquent, décider de la culpabilité ou de l’acquittement de M. Breton en fonction de la disposition invoquée. Un arrêt de la Cour d’appel rappelle ce principe en ces termes[9] :

[84]  D’une part, les éléments essentiels d’un chef de plainte disciplinaire ne sont pas constitués par son libellé, mais par les dispositions du code de déontologie ou du règlement qu’on lui reproche d’avoir violées (Fortin c. Tribunal des professions, 2003 CanLII 33167 (QC CS), [2003] R.J.Q. 1277, paragr. [136] (C.S.); Béliveau c. Comité de discipline du Barreau du Québec, précité; Béchard c. Roy, précité; Sylvie POIRIER, précitée, à la p. 25).

[Transcription textuelle]

[69]       Compte tenu de ce qui précède, le Conseil analysera la preuve soumise en regard de la disposition de rattachement invoquée au soutien des deux chefs de la plainte modifiée.

[70]       La syndique reproche à M. Breton d’avoir subtilisé et utilisé la carte de crédit appartenant à une collègue de travail, le ou vers le 21 février 2019, alors qu’il était membre de l’Ordre des CRHA et qu’il exerçait sa profession à titre de conseiller en ressources humaines et santé sécurité chez la Société VIA.

[71]       Elle lui reproche également d’avoir commis ou d’avoir tenté de commettre des vols d’argent, entre le 1er et le 3 mars 2019, dans différents commerces de la ville de Québec, en menaçant les commis-caissiers d’un couteau.

[72]       Ce faisant, M. Breton aurait contrevenu aux dispositions de l’article 59.2 du Code des professions libellé ainsi :

59.2. Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l’honneur, la dignité ou l’exercice de sa profession.

[73]       La preuve non contredite démontre que M. Breton a commis les gestes qui lui sont reprochés dans les deux chefs de la plainte modifiée.

[74]       À l’égard du premier chef, la preuve repose particulièrement sur le témoignage de Mme Côté qui a recueilli des aveux de la part de M. Breton. 

[75]       Le Conseil rappelle qu’en droit disciplinaire, la jurisprudence réfère aux règles prévues au Code civil du Québec en matière d’aveu extrajudiciaire[10].

[76]       Le Conseil rappelle que l’article 2850 Code civil du Québec prévoit que l’aveu est la reconnaissance d’un fait de nature à produire des conséquences juridiques contre son auteur.

[77]       Dans l’affaire De Sierra[11], le Tribunal des professions précise qu’il est souhaitable que l’intimé soit informé de l’allégation d’un aveu extrajudiciaire[12].

[78]       Or, M. Breton est informé des intentions de l’avocat de la syndique quant à son aveu depuis le 23 juin 2020[13].

[79]       Pour le Conseil, l’aveu de M. Breton concernant la commission des gestes qui lui sont reprochés au chef 1 est clair. Le Conseil juge que cette preuve démontre un aveu extrajudiciaire.

[80]       Au surplus, les éléments confirmant la commission de ces gestes par M. Breton sont corroborés par le témoignage de M. Lagacé.

[81]       En ce qui concerne le deuxième chef, Mme Côté et M. Lagacé confirment que l’homme que l’on peut voir sur la vidéo diffusée sur le site Zone911 le 4 mars 2019 (pièce P-5) et dans la capture d’écran (pièce P-4) est M. Breton.

[82]       Trois autres témoins confirment devant le Conseil que la personne apparaissant sur la vidéo produite comme pièce P-5 est bien l’homme qui a effectué un vol ou une tentative de vol alors qu’ils étaient employés et durant leur travail dans un dépanneur.

[83]       D’ailleurs, le 14 mars 2019, M. Breton est accusé d’avoir, entre le 1er et le 3 février 2019, commis six vols qualifiés. Il sera arrêté et est en attente de son procès en lien avec ces accusations.

[84]       Il ne fait aucun doute dans l’esprit des membres du Conseil que la syndique a démontré qu’entre le 1er et le 3 mars 2019, M. Breton a commis ou a tenté de commettre des vols d’argent, dans différents commerces de la ville de Québec, en menaçant les commis-caissiers d’un couteau.

[85]       Les gestes commis par M. Breton sont incompatibles avec les qualités requises par les CRHA, soit l’intégrité, la probité, l’honnêteté, le respect d’autrui et le professionnalisme.

[86]       Le bien-être des employés, la sécurité dans les relations de travail et le maintien d’un climat de travail serein font partie des missions de la profession.

[87]       Ainsi la conduite de M. Breton contraste avec le comportement attendu d’un CRHA tant à l’égard d’une collègue de travail (chef 1) qu’à l’endroit d’employé(e)s au cours de leur travail (chef 2).

[88]       Pour le Conseil, à l’évidence, les actes décrits aux deux chefs démontrent que M. Breton n’a pas agi dans le respect ni avec l’intégrité nécessaire à la préservation de la dignité de sa profession.

[89]       Pour les motifs qui précèdent, M. Breton est déclaré coupable, sous les chefs 1 et 2, d’avoir contrevenu à l’article 59.2 du Code des professions.  

POUR CES MOTIFS, LE CONSEIL, UNANIMEMENT :

Sous le chef 1

[90]       DÉCLARE l’intimé, François Breton, coupable à l’égard de l’infraction fondée sur l’article 59.2 du Code des professions.

Sous le chef 2

[91]       DÉCLARE l’intimé, François Breton, coupable à l’égard des infractions fondées sur l’article 59.2 du Code des professions.

[92]       DEMANDE à la secrétaire du Conseil de discipline de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles du Québec de convoquer les parties à une audition sur sanction.

 

__________________________________

Me JEAN-GUY LÉGARÉ

Président

 

 

 

__________________________________

M. CAMILLE JOMPHE, CRHA

Membre

 

 

 

__________________________________

M. DENIS MORIN, CRHA

Membre

 

Me Jacques Prévost

Avocat de la plaignante

 

M. François Breton (absent)

Intimé

 

Date d’audience :

14 juillet 2020

 



[1]     RLRQ, c. C -26.

[2]     200-01-227086-190.

[3]     Pièce P-5.

[4]     Pièce P-4.

[5]     200-01-227087-198.

[6]     Bisson c. Lapointe, 2016 QCCA 1078, paragr. 66 et 67; Cardinal c. Chartrand, 2012 QCCA 194, paragr. 2, 8 et 10; Lapointe c. Chen, 2019 QCCA 1400, paragr. 47 à 54; Ricard c. Médecins, 2002 QCTP 108, paragr. 32; Médecins (Ordre professionnel des) c. Hum, 2020 QCCDMD 2, paragr. 2, 27 et suivants; Médecins (Ordre professionnel des) c. Fanous, 2019 QCTP 69, paragr. 22 à 24; Conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés (Ordre professionnel des) c. Francoeur, 2018 CanLII 28779 (QC CDRHRI), paragr. 82, 83, 86 et 88; Dentistes (Ordre professionnel des) c. Kolbach Rahausen, 2020 QCCDODQ 12, paragr. 25 à 32.

[7]     Conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés (Ordre professionnel des) c. Francoeur, supra, note 6, paragr. 82, 83 à 86.

[8]     Bisson c. Lapointe, supra, note 6.

[9]     Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441.

[10]    Hamel c. Tribunal des professions, 2018 QCCS 2193, paragr. 28; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Hamel, 2016 QCTP 10, paragr. 20 à 22; Hébert c. Notaires (Ordre professionnel des), 2007 QCTP 9, paragr. 26.

[11]    Psychologues (Ordre professionnel des) c. Fernandez De Sierra, 2005 QCTP 134. Voir également : Jolicoeur c. Bellemare, 2014 QCCS 5287, paragr. 27 à 33 (requête pour permission d’en appeler rejetée, 2015 QCCA 89). Quant au caractère sui generis du droit disciplinaire, voir également : Lapointe c. Chen, 2019 QCCA 1400, paragr. 23.

[12]    Jolicoeur c. Avocats (Ordre professionnel des), 2017 QCTP 24, paragr. 47; Jolicoeur c. Bellemare, supra, note 11, paragr. 27 à 32.

[13]    Pièce P-8.

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