Décision

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Labrie et Hamelin Fers & métaux inc.

2007 QCCLP 7323

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

20 décembre 2007

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

321490-71-0706

 

Dossier CSST :

103171104

 

Commissaire :

Robert Langlois

 

Membres :

Sarto Paquin, associations d’employeurs

 

Louise Larivée, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

René Labrie

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Hamelin Fers & métaux inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 20 juin 2007, monsieur René Labrie (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 18 mai 2007 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST maintient la décision qu’elle a initialement rendue le 24 avril 2007 et déclare qu’elle ne peut rembourser le travailleur pour les traitements CPAP au motif que le diagnostic d’apnée du sommeil n’est pas en relation avec la maladie professionnelle pulmonaire subie le 28 juillet 1992.

[3]                L’audience s'est tenue le 17 décembre 2007 à Montréal en présence du travailleur qui y assiste seul. L’entreprise Hamelin Fers & métaux inc. (l’employeur) y est absente.

[4]                En début d’audience, le travailleur indique au tribunal qu’il ne désire pas être accompagné d’un représentant.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le diagnostic d’apnée du sommeil est en relation avec la lésion professionnelle subie le 28 juillet 1992. Il demande également au tribunal d’ordonner à la CSST de le rembourser pour les traitements CPAP destinés à contrer les effets de son apnée du sommeil.

LA PREUVE

[6]                Le 28 juillet 1992, le travailleur produit une réclamation à la CSST par laquelle il allègue avoir contracté une maladie professionnelle pulmonaire. Le dossier du travailleur est alors soumis au comité des maladies professionnelles pulmonaires qui, après examen, pose le diagnostic d’asthme professionnel à l’acier galvanisé avec fièvre des fumées métalliques. Le déficit anatomo-physiologique est évalué à 3%. Le 28 février 1993, le comité spécial des présidents entérine ces conclusions.

[7]                La CSST reconnaît la présence d’une lésion professionnelle et procède au versement de l’indemnité de remplacement du revenu.

[8]                Dans un nouvel avis daté du 28 septembre 1995, les membres du comité spécial des présidents reconduisent le diagnostic d’asthme professionnel aux émanations de soudure sur acier galvanisé ainsi que celui de fièvre des fumées métalliques. Le déficit anatomo-physiologique est toutefois évalué à 41%.

[9]                Le 8 février 2001, les membres du comité des maladies professionnelles pulmonaires rencontrent à nouveau le travailleur et maintiennent les conclusions rendues antérieurement. Sur le rapport qu’ils rédigent, ils précisent toutefois que le travailleur ne présente pas de symptômes d’apnée obstructive du sommeil. Le comité spécial des présidents entérinera ces conclusions.

[10]           Lors d’une réévaluation de la condition du travailleur, le 21 février 2002, le déficit anatomo-physiologique est augmenté à 66%. Le comité spécial des présidents retient cette conclusion tout en constatant qu’il y a eu détérioration de la fonction respiratoire du travailleur.

[11]           Cette détérioration sera à nouveau évaluée par les membres du comité des maladies professionnelles pulmonaires le 16 mars 2006 alors qu’ils fixent le déficit anatomo-physiologique à 103%. Ils estiment également que le travailleur est totalement invalide et précisent qu’un examen sera nécessaire s’il y a apparition de faits nouveaux. Encore ici, le comité spécial des présidents entérine ces conclusions. Cependant, il ajoute que les diagnostics d’apnée obstructive du sommeil et de dysfonction des cordes vocales ont été considérés mais n’ont pas été retenus. Tout comme le comité des maladies professionnelles pulmonaires l’avait fait avant lui, le comité spécial des présidents précise qu’un nouvel examen devra être réalisé s’il y a apparition de faits nouveaux.

[12]           Lors de son témoignage, le travailleur explique qu’en début d’année 2007, les symptômes de l’apnée du sommeil ont débuté. Ceux-ci s’intensifient au point où ils le réveillent la nuit. Puisqu’il demeure au Nouveau-Brunswick, il consulte le docteur Nicolas Hébert Croteau à Edmundston. Ce médecin pose le diagnostic d’apnée du sommeil modérée à sévère. Le travailleur est alors traité à l’aide d’un appareil respiratoire qui lui souffle de l’air au travers un masque porté sur le nez durant son sommeil (CPAP). C’est la réclamation du travailleur, voulant qu’on lui rembourse le coût d’acquisition de cet équipement, qui constitue le sujet de la présente décision.

L’AVIS DES MEMBRES

[13]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs estiment qu’il y a lieu de retourner le dossier à la CSST afin que, conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), ce dossier soit soumis au comité des maladies professionnelles pulmonaires qui fera rapport par écrit à la CSST.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[14]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le diagnostic d’apnée obstructive du sommeil constitue une récidive, rechute ou aggravation de la maladie professionnelle pulmonaire apparue le 28 juillet 1992. Le tribunal devra aussi déclarer si la CSST a l’obligation de rembourser le travailleur pour le coût d’acquisition d’un appareil respiratoire destiné à contrer les effets de l’apnée.

[15]           La loi prévoit la disposition suivante :

226.  Lorsqu'un travailleur produit une réclamation à la Commission alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la Commission le réfère, dans les 10 jours, à un comité des maladies professionnelles pulmonaires.

__________

1985, c. 6, a. 226.

 

 

[16]           De cette disposition, le tribunal constate que lorsque la CSST reçoit une réclamation visant la reconnaissance d’une maladie professionnelle pulmonaire, elle doit soumettre le dossier du travailleur à un comité des maladies professionnelles pulmonaires.

[17]           Dans le cas en litige, on note que le travailleur n’a produit aucune réclamation sur le formulaire prescrit par la CSST. Le dossier révèle qu'il a plutôt expédié à la CSST une demande afin qu’on le rembourse pour le coût d’achat d’un appareil destiné à le soulager des effets de son apnée obstructive du sommeil. Dans le cas en l’espèce, et compte tenu que le travailleur soumet une demande écrite, le tribunal estime que l’omission de produire une réclamation sur le formulaire de la CSST ne peut constituer un motif afin de lui faire perdre ses droits.

[18]           C’est ainsi que la Commission des lésions professionnelles détermine que, malgré l’absence d’une réclamation sur le formulaire de la CSST, le travailleur a bel et bien fait une demande afin qu’on reconnaisse que le diagnostic d’apnée du sommeil est en relation avec sa maladie professionnelle pulmonaire et qu’on lui rembourse le coût d’acquisition d’un appareil d’aide à la respiration visant à diminuer les symptômes de cette pathologie.

[19]           Par ailleurs, la jurisprudence nous enseigne que rien n'oblige le travailleur à produire un nouveau formulaire lorsqu'il fait une demande d'indemnisation pour aggravation[2]. Ce n’est donc pas parce que le travailleur ne soumet pas un formulaire rempli en bonne et due forme que sa réclamation pour récidive, rechute ou aggravation n’est pas valable.

[20]           Quant à l’analyse du bien-fondé de la demande du travailleur, on constate qu’il est vrai que lors de leur dernière étude du dossier, soit le 23 mars 2006, les membres du comité spécial mentionnent que le diagnostic d’apnée obstructive du sommeil a été considéré, mais pas retenu. Toutefois, ils prennent soin d’ajouter qu’un nouvel examen devra avoir lieu s’il y a apparition de faits nouveaux.

[21]           Or, sur ce point, le témoignage crédible et non contredit du travailleur démontre qu’en début d’année 2007, les symptômes reliés à l’apnée du sommeil se sont manifestés de manière marquée au point où il consulte un médecin et fait l’acquisition d’un appareil d’aide à la respiration. Sans émettre, à ce moment-ci, de conclusion quant à la relation entre le diagnostic d’apnée du sommeil avec la maladie professionnelle pulmonaire initiale, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il s’agit là de faits nouveaux qui, en accord avec les vœux exprimés par les membres du comité, auraient dû être portés à leur connaissance.

[22]           De plus, rappelons-le, l'article 226 de la loi impose à la CSST l’obligation de référer le travailleur alléguant qu’il est atteint d’une maladie professionnelle pulmonaire à un comité des maladies professionnelles pulmonaires. Le tribunal estime qu’il en est de même des réclamations visant une récidive, rechute ou aggravation d’une maladie professionnelle pulmonaire : ces comités sont formés par le ministre afin d’éclairer la CSST quant aux réclamations pour maladies professionnelles pulmonaires faites par les travailleurs, et, en cette qualité, sont les personnes le plus à même d’établir le diagnostic ainsi que les constatations qui en découlent. C’est d’ailleurs cette approche qui a été retenue par la jurisprudence consultée par le soussigné[3].

[23]           La Commission des lésions professionnelles n’entend donc pas étudier le bien- fondé de la demande du travailleur, mais retourne plutôt le dossier à la CSST afin qu’elle le réfère à un comité des maladies professionnelles pulmonaires qui, en accord avec les dispositions de la loi, fera rapport par écrit à la CSST.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la demande faite par le travailleur, monsieur René Labrie ;

DÉCLARE que la décision rendue le 18 mai 2007 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative est irrégulière parce que prématurée ;

RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail afin qu’en accord avec les articles 226 et suivants de la loi, elle le réfère à un comité des maladies professionnelles pulmonaires.

 

 

__________________________________

 

Robert Langlois

 

Commissaire

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]          Siano et Alimentation Somerled inc., 61977-60-9408, 96-01-11, M. Zigby; Poitras et Christina Canada inc., 100370-62-9803, 99-06-29, H. Marchand, révision rejetée, 00-03-07, M. Zigby, requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Longueuil, 505-05-006180-001, 01-01-09, j. Tremblay; Silva et VK Mason inc., 139391-71-0005, 01-03-23, J. C. Danis.

[3]           Chemins de fer nationaux et Mule, [1992] C.A.L.P. 1581 , requête en évocation accueillie, [1992] C.A.L.P. 1586 (C.S.).

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