Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
                             COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE LÉSIONS
                             PROFESSIONNELLES

     QUÉBEC                  MONTRÉAL, le 5 mars 1987

     DISTRICT D'APPEL        DEVANT LE COMMISSAIRE:   Réal Brassard
     DE MONTRÉAL

     RÉGION:  MONTÉRÉGIE
     DOSSIER:  62-00045-8605   AUDITION  TENUE LES:           2 et  16
     septembre                                                   1986

     DOSSIER CSST: 9153 948  A:                       Montréal

                             M. RAYMOND BEEBE
                             1405, rue Pinard
                             St-Hubert (Québec)
                             J3Y 5K2

                                                      PARTIE APPELANTE
                                                      Représentée par:
                                                      M. Pierre Dupuis

                             et

                             SOCIÉTÉ DE TRANSPORT DE LA
                             COMMUNAUTÉ URBAINE DE MONTRÉAL
                             440, boul. Dorchester Ouest
                             Montréal (Québec)
                             H2Z 1V7

                                                      PARTIE
     INTÉRESSÉE
                                                      Représentée par:
                                                      Me Pierre Hébert

     62-00045-8605                                                  2/

                                     D É C I S I O N

     Le  12 mai  1986,  M.  Raymond Beebe  dépose  à  la

     Commission d'appel en matière de lésions profes-

     sionnelles (ci-après «la Commission d'appel») une

     déclaration  d'appel  à  l'encontre  d'une  décision

     rendue par la Commission de la santé et de la

     sécurité  du  travail  (ci-après  «la  Commission»)

     suite à l'avis de l'arbitre.
     

Cette décision, rendue le 1er mai 1986, fixe au 17 décembre 1985 la date de consolidation de la lésion professionnelle subie par l'appelant.

OBJET DE L'APPEL L'appelant demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision de la Commission et de déclarer que la date de consolidation de la lésion professionnelle qu'il a subie le 16 septembre 1985 doit être fixée au début de septembre 1986.

62-00045-8605 3/ MOYEN PRÉLIMINAIRE L'appelant soumet à la Commission d'appel que la décision de la Commission rendue suite à un arbitrage médical est illégale: la Commission a soumis son dossier à l'arbitrage malgré le fait que la Société de transport de la communauté urbaine de Montréal (S.T.C.U.M.), partie intéressée au présent appel, lui a transmis copie du rapport médical de son médecin plus de 30 jours après la date du rapport médical contesté et ce, contrairement aux dispositions de l'article 212 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies profession- nelles (L.R.Q., c. A-3.001).

La Commission d'appel a réservé sa décision sur ce moyen préliminaire et entendu la preuve au mérite sous réserve.

LES FAITS L'appelant est chauffeur d'autobus au service de la S.T.C.U.M. Le 16 septembre 1985, en refermant la fenêtre gauche de son autobus, l'appelant s'inflige une fracture intra-articulaire au niveau de 62-00045-8605 4/ l'articulation inter-phalangienne proximale du cinquième doigt de la main gauche. Il se rend à la clinique où il voit le Dr Abijan, qui, après avoir posé le diagnostic ci-haut indiqué, lui donne rendez-vous quinze jours plus tard.

Le 2 octobre suivant, l'appelant téléphone à M. Serge Fournier, agent d'indemnisation à la S.T.C.U.M., afin de l'informer de son accident du travail et lui indique qu'il prévoit revenir au travail vers le 7 octobre 1985.

L'appelant revoit effectivement, le Dr Abijan, orthopédiste, le 4 octobre 1985. Celui-ci fixe la date de consolidation de la fracture au 14 octobre 1985. L'appelant demande alors à voir un autre orthopédiste, en raison de l'état de son doigt.

L'appelant voit le Dr Mitchell, orthopédiste, le 7 octobre 1985. Celui-ci fixe au 1er janvier 1986 la date de consolidation et indique qu'il prévoit des séquelles permanentes. Il réfère l'appelant en physiothérapie.

62-00045-8605 5/ L'appelant voit le Dr Lambert le 11 octobre 1985.

Celui-ci n'indique aucune date de consolidation.

Ce même jour, il revoit le Dr Abijan qui indique une période de consolidation de plus de 8 semaines.

Celui-ci réfère l'appelant au Dr Mitchell, qui le revoit le 11 novembre 1985 et fixe alors au 16 décembre 1985 la date de consolidation.

Le 28 novembre 1985, l'appelant est examiné par le Dr Fish, qui indique une période de consolidation de 8 semaines ou moins, tout en lui indiquant de continuer ses traitements en physiothérapie.

Comme l'appelant n'était toujours pas revenu au travail le 7 décembre 1985, M. Fournier décide alors de faire effectuer une expertise médicale par le Dr Pierre J. Gosselin. Cette expertise a lieu le 17 décembre 1985. Le Dr Gosselin formule les conclusions suivantes dans son rapport, lequel est reçu par M. Fournier le 14 janvier 1986: «(...) Même si je suis d'accord pour que M. Beebe continue à faire des exercices d'assouplissement de son 5e doigt gauche, je ne vois aucune raison qui pourrait l'empêcher de faire son travail régulier de chauffeur d'autobus.

62-00045-8605 6/ (...) L'examen de ce matin nous confirme que M. Beebe présente effectivement des séquelles fonctionnelles mineures d'une fracture du 5e doigt de la main gauche. (...) L'examen de ce matin nous démontre que les limitations fonc- tionnelles de la main gauche de M. Beebe sont tout à fait mineures et ne l'empêchent pas de faire son travail régulier sans aucune restriction».

Selon ce médecin, l'appelant pouvait donc reprendre son travail le 17 décembre 1985.

Le 14 janvier 1986, M. Fournier communique avec M. Gilles Martin, agent d'indemnisation à la Commission, pour lui souligner qu'il n'avait «reçu aucun autre rapport du médecin qui a charge».

Le 23 janvier 1986, la Commission lui transmet les rapports du médecin qui a charge de l'appelant. Ce médecin a produit des rapports les 11, 14 et 17 octobre 1985, les 4 et 28 novembre 1985 et le 16 décembre 1985.

Au début de février 1986, le Dr Rémillard suggère à M. Fournier de contester les conclusions du médecin ayant charge du travailleur.

Le 6 février 1986, un nouveau rapport médical est émis par le médecin ayant charge du travailleur.

Ce rapport est communiqué à la partie intéressée par la Commission.

62-00045-8605 7/ Le 14 février 1986, la partie intéressée transmet à la Commission un rapport d'un médecin qui, à sa demande, a examiné l'appelant et infirme une conclusion du rapport du médecin ayant charge du travailleur.

Le 11 mars 1986, l'appelant voit le Dr Rennie, orthopédiste. Celui-ci décrit une malposition à la suite d'une fracture au niveau de la phalange proximale du 5e doigt de la main gauche et une diminution des mouvements de flexion. Il conclut que l'appelant a besoin d'une correction de la difformité de son doigt et l'inscrit sur une liste d'attente pour subir l'opération nécessaire.

Le 4 avril 1986, l'arbitre, le Dr Raymond Ricard, conclut ainsi après avoir examiné l'appelant: «Il est évident que le requérant présente une angulation au niveau de son 5e doigt de la main gauche et il est admissible qu'il cherche une correction pour celle-ci. (...) Par contre la période très prolongée soit 5 mois de physiothérapie à la suite d'une fracture qui a nécessité une immobilisation d'environ 4 à 5 semaines me semble injustifiée. (...) Durant la période d'attente de son intervention, le requérant peut très bien accomplir son travail antérieur de façon normale».

62-00045-8605 8/ Le Dr Gilles Maillé qui examine l'appelant le 1er août 1986 émet, dans un rapport daté du 4 août 1986, les conclusions suivantes: «Actuellement, les signes cliniques subjectifs se traduisent par une gêne fonctionnelle assez marquée du 5e doigt et mon examen clinique m'a permis de constater qu'il existait une limitation de 150 dans la flexion de la métacarpo-phalangienne de 100 dans l'extension de l'interphalangienne proximale, ainsi qu'une contracture en flexion de 300 de l'interphalangienne distale.

Considérant le temps écoulé depuis l'accident, et les raideurs articulaires qui existent encore, je doute fort qu'une amélioration sensible soit obtenue.

Il m'apparaît que les limitations actuelles seront permanentes. Le retour au travail pourrait s'effectuer probablement d'ici un mois.» L'appelant témoigne que s'il n'est pas retourné au travail à la suite du rapport émis par le Dr Gosselin en décembre 1985, c'est que son travail l'oblige à utiliser sa main gauche pour manipuler différents boutons de contrôle ou manettes et qu'il y avait danger de «s'accrocher» le doigt et d'aggraver sa blessure. De plus, il a communiqué avec son médecin et celui-ci ne lui recommandait pas d'aller travailler.

62-00045-8605 9/ ARGUMENTATION DES PARTIES L'appelant soumet que l'article 212 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies profes- sionnelles prescrit que l'employeur doit transmet- tre copie de son rapport médical dans les 30 jours de la date de l'attestation ou du rapport médical qu'il veut contester. Selon l'appelant, l'employeur ne s'étant pas conformé à l'article 212 de la loi, la Commission n'aurait jamais dû soumet- tre le cas à l'arbitrage médical. Pour ce motif, la décision de la Commission doit être infirmée par la Commission d'appel.

L'appelant fait valoir à cet égard qu'il n'était pas en mesure de contester la procédure d'arbitrage médical lorsqu' il s'est rendu à la convocation de l'arbitre parce que le dossier de la Commission ne lui a été transmis qu'ultérieurement et qu'il ignorait à ce moment que la contestation de l'employeur avait été soumise en dehors du délai prévu à l'article 212.

62-00045-8605 10/ La partie intéressée souligne qu'elle pouvait contester chaque rapport médical émis par le médecin qui avait charge du travailleur. Ainsi, elle pouvait notamment contester le rapport émis par ce médecin le 16 décembre 1985 et le 6 février 1986.

MOTIFS DE LA DÉCISION La Commission d'appel doit d'abord déterminer si l'arbitre a été régulièrement saisi de la contesta- tion de l'employeur.

L'article 212 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.0O1) se lit comme suit.

212. L'employeur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge de son travailleur victime d'une lésion professionnelle s'il obtient un rapport d'un médecin qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions du médecin qui en a charge quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants: 10 le diagnostic 20 la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion; 30 la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits; 40 l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur; 50 l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester, pour que celle-ci le soumette à l'arbitrage prévu par l'article 217.

La Commission d'appel est d'avis, tel qu'il a été décidé dans l'affaire General Motors du Canada Ltée et Raymond Morin (CALP 64-00032-8607, p. 10) que le délai de 30 jours prévu au deuxième alinéa de l'article 212 est un délai de rigueur.

Dans la présente instance, l'employeur a transmis à la Commission, le 14 février 1986, un rapport d'un médecin qui infirmait une conclusion du médecin ayant charge du travailleur telle que consignée dans un rapport en date du 6 février 1986.

Ce rapport a donc été transmis dans le délai de 30 jours prévu à l'article 212 et le moyen prélimi- naire soulevé par l'appelant doit être rejeté.

Quant au fond du litige, la Commission d'appel doit déterminer si la lésion professionnelle subie par l'appelant était consolidée le 17 décembre 1985 et 62-00045-8605 12/ s'il était en mesure de reprendre son travail à compter de cette date.

L'appelant a subi une fracture au cinquième doigt de la main gauche le 16 septembre 1985.

L'ensemble de la preuve médicale est unanime sur un point: la fracture subie par l'appelant s'est traduite par des séquelles permanentes.

Le médecin de l'employeur ne fait pas mention d'une correction ou amélioration possible, se limitant à indiquer qu'il estime que l'appelant est en mesure de reprendre son travail le 17 décembre 1985.

L'arbitre indique, quant à lui, qu'il «est admissible qu'il cherche une correction» de l'angulation du doigt, tout en étant d'opinion que l'appelant était en mesure de reprendre son travail le 17 décembre 1985 en attendant l'intervention chirurgicale.

Cependant, les différents médecins qui ont traité l'appelant, ont indiqué, sans toutefois préciser pourquoi, que l'appelant n'était pas encore en mesure, au moment de l'audition de reprendre son 62-00045-8605 13/ travail en raison de cette fracture au cinquième doigt de la main gauche survenue un an auparavant, soit le 16 septembre 1985.

L'article 46 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles édicte ce qui suit: 46. Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion profes- sionnelle dont il a été la victime n'est pas consolidée.

L'article 2 de cette loi définit comme suit la consolidation: «consolidation»: la guérison ou la stabilisa- tion d'une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible; L'article 46 édicte donc une présomption à l'effet qu'un travailleur est incapable d'exercer son emploi tant que sa lésion professionnelle n'est pas guérie ou qu'aucune amélioration de son état de santé n'est prévisible.

Cependant, cette présomption est réfragable, de sorte qu'il est possible qu'un travailleur soit guéri ou encore qu' aucune amélioration de son état de santé ne soit prévisible mais qu'il ne lui soit 62-00045-8605 14/ pas possible d'exercer son emploi en raison de sa lésion. Il est également possible qu'une lésion professionnelle subie par un travailleur ne soit pas guérie ou qu'une amélioration de son état de santé soit encore prévisible mais que le travail- leur soit en mesure de reprendre son travail.

Dans la présente instance, la Commission d'appel considère que la preuve prépondérante est à l'effet que la lésion subie par l'appelant n'était pas consolidée le 17 décembre 1985, en ce sens qu'il était possible d'améliorer son état par chirurgie ou autrement.

Cependant, la Commission d'appel considère que l'appelant n'a pas apporté de preuve de nature à infirmer l'avis de l'arbitre et l'opinion du médecin de l'employeur à l'effet qu'il était apte à reprendre son travail le 17 décembre 1985 et ce, même si sa lésion professionnelle n'était pas consolidée, c'est-à-dire qu'il y avait encore possibilité à cette date d'amélioration de la souples se de mouvement et de correction de la déviation du petit doigt de l'appelant.

62-00045-8605 15/ La Commission d'appel conclut donc que l'appelant n'avait plus droit aux indemnités de remplacement de revenu à compter de cette date, sauf pour les absences au travail justifiées par les traitements de physiothérapie, l'absence justifiée pour l'opéra- tion et le temps nécessaire pour la récupération suite à l'opération.

La Commission d'appel n'ayant pas entendu de preuve à ce sujet, il appartient à l'appelant de justifier à la Commission les périodes d'absence au travail nécessitées par ses traitements et par son opéra- tion pour recevoir les indemnités qui lui sont dues pour la période du 17 décembre 1985 au 1er août 1986.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES ACCUEILLE en partie l'appel; INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 1er mai 1986; 62-00045-8605 16/ DÉCLARE que la lésion professionnelle subie par l'appelant le 16 septembre 1985 n'était pas consolidée le 17 décembre 1985; et DÉCLARE que l'appelant était en mesure d'exercer son emploi à compter du le 17 décembre 1985.

Réal Brassard Commissaire

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.