Décision

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Hallé et Randstad Interim inc.

2007 QCCLP 3839

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

29 juin 2007

 

Région :

Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent et Côte-Nord

 

Dossier :

316104-01A-0704

 

Dossier CSST :

128807484

 

Commissaire :

Maurice Sauvé, avocat

 

Membres :

Marcel Beaumont, associations d’employeurs

 

François Pilon, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Jean-Philippe Hallé

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Randstad Interim inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 27 avril 2007, monsieur Jean-Philippe (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 19 mars 2007 à la suite d'une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme une décision du 26 février 2007 et déclare qu’elle était justifiée de suspendre le versement des indemnités de remplacement du revenu à compter du 31 octobre 2006.

[3]                L’audience s’est tenue à Rimouski le 13 juin 2007 en présence du travailleur et de sa représentante. Randstad Interim inc. (l’employeur) était représenté et la CSST Bas St-Laurent avait fait savoir qu’elle ne serait pas représentée à l’audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande de déclarer qu’il n’y avait pas lieu de suspendre ses prestations d’indemnités de remplacement du revenu à compter du 31 octobre 2006.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Conformément à l'article 429.50 de la loi, le commissaire soussigné a obtenu l'avis des membres sur la question faisant l'objet de la contestation.

[6]                Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis de faire droit à la réclamation du travailleur. Pour ces membres, le travailleur était incapable, au 31 octobre 2006, de continuer à remplir l’assignation temporaire de travail chez l’employeur, cet emploi étant devenu inapproprié et n’étant plus favorable à la réadaptation du travailleur.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[7]                Le travailleur est détenteur d’un diplôme d’études professionnelles en structure d’acier depuis 2002. Depuis ce temps, il travaille sept ou huit mois par année à titre de monteur d’acier. Désirant travailler à plein temps, il se cherche des emplois pendant les saisons hivernales et désire se former de façon à occuper un deuxième emploi annuellement, outre celui de monteur d’acier.

[8]                Le travailleur est embauché par Randstad inc., une agence de placement qui l’envoie travailler dans une compagnie en octobre 2005. Il y travaille comme opérateur de presse plieuse et est toujours en formation, lorsque le 6 décembre 2005, alors qu’il opère la presse plieuse et travaille sur de petites pièces, une pièce glisse et sa main gauche est écrasée par la presse. Cet événement lui cause des fractures aux cinq doigts de la main gauche, dont une fracture ouverte et un syndrome de compartiment de la main gauche.

[9]                Ce travailleur alors âgé de 26 ans est conduit d’urgence à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont où la docteure Lucie Duclos procède à une fasciotomie des interosseux, à une réduction des fractures et à la mise en place de broches Kirschner.

[10]           Le travailleur subira deux autres interventions chirurgicales, dont l’une le 2 février 2006, soit une ostéotomie et une réduction ouverte avec fixation interne du pouce gauche ainsi qu’une manipulation d’articulations ankylosées.

[11]           Le 12 avril 2006, une ostéotomie en wedge et greffe osseuse du pouce gauche est effectuée.

[12]           Après que le 19 décembre 2005, la CSST ait reconnu l’événement du travailleur à titre de lésion professionnelle ayant causé un trauma à la main gauche, un déficit anatomophysiologique de 23.59 % est accepté par la CSST suite au rapport d’évaluation médicale de la docteure Lucie Duclos qui avait procédé aux chirurgies plastique et esthétique.

[13]           Suite à l’opération, le travailleur était confiant de récupérer dans les trois mois suivant l’événement. Cependant, il n’en fut pas ainsi. Le travailleur a subi des traitements d’ergothérapie et porte une orthèse immobilisatrice pour son pouce. Lors de la dernière intervention chirurgicale par la docteure Duclos le 26 avril 2006, cette dernière autorise des travaux légers. Il s’agit d’un travail de bureau, soit accueillir des candidats, classer les papiers dans les locaux de l’agence. Les travaux sont autorisés à titre de travaux légers cinq jours semaine mais le travailleur doit être libéré pour ses traitements d’ergothérapie. Le travailleur ne se sert pas de son pouce et est en ergothérapie trois avant-midi semaine pour favoriser la mobilité.

[14]           Le 18 mai 2006, une note d’évolution par l’agente d’indemnisation, madame Claudette Champagne, indique que le travailleur demande des traitements de psychothérapie. L’agente indique qu’elle explique au travailleur que les traitements psychologiques ne sont généralement pas couverts pour une lésion physique. Si jamais le médecin mentionnait un diagnostic psychologique, la CSST devrait d’abord statuer sur la relation avec l’événement. Elle suggère au travailleur de s’informer au CLSC qui offre des services de psychologue.

[15]           Le 25 mai 2006, l’agente d’indemnisation rapporte que le travailleur continue ses traitements d’ergothérapie trois fois semaine et qu’il entre en assignation temporaire de travail par la suite vers 9 h 45 jusqu’à 16 h 45.

[16]           Après que le travailleur eut souhaité débuter les cours de soudeur en décembre 2005, ce qu’il n’a pu faire à cause de l’événement subi, en juillet 2006, il demande s’il peut suivre une formation en navigation de bateau au Cégep de Rimouski. La CSST l’informe qu’elle ne peut, à ce stade-ci, payer des cours puisqu’elle n’a pas l’évaluation médicale du médecin traitant quant aux limitations fonctionnelles.

[17]           Le 12 mai 2006, la docteure Duclos remplit un formulaire de prescription recommandant que le travailleur soit référé en psychologie relativement à des difficultés d’adaptation. Le travailleur explique à cet effet, qu’au travail, il y avait des temps morts. Que plus le temps passait, moins il travaillait et moins il travaillait, moins il filait bien. Mentalement il avait des idées noires. Il a cherché de l’aide dans les CLSC comme le lui avait recommandé la CSST après lui avoir refusé le paiement de traitements par un psychologue. Il n’était jamais au bon endroit, témoigne-t-il. Par la suite, en septembre il a obtenu de l’employeur d’être affecté au bureau de Québec de façon à pouvoir rejoindre sa copine.

[18]           Le travailleur n’aimait pas le travail de bureau, car il avait trop de temps pour penser et devenait dépressif.

[19]           Une note du 15 août 2006 de madame Champagne explique que le travailleur qui a l’intention de déménager à Rimouski n’est pas autorisé à le faire puisque son médecin n’a pas interrompu l’assignation temporaire de travail. De plus, comme le travail est toujours disponible chez l’employeur, le travailleur a l’obligation de s’y présenter pour recevoir des indemnités de remplacement du revenu.

[20]           Après des tentatives infructueuses pour se trouver de l’aide, le travailleur ne se présente plus à l’agence de placement à compter du 31 octobre 2006. Il ne reçoit plus de revenus de l’agence ni d’indemnités de remplacement du revenu de la CSST à compter de cette date.

[21]           Suite au rapport d’évaluation médicale par le docteur Duclos en octobre 2006, la CSST fait des démarches pour préciser les limitations fonctionnelles du travailleur qui se lisent ainsi au rapport d’évaluation médicale du 30 octobre 2006 soit :

Monsieur ne peut faire un travail nécessitant l’utilisation d’outil causant de la vibration, tenu par la main gauche.

Il ne peut faire un travail au froid.

Il ne peut soulever en crochet plus de 30 livres et ne peut soulever un objet cylindrique de plus de 10 livres avec sa main gauche.

 

 

[22]           Ne filant pas, ayant des idées noires et ayant cherché sans succès de l’aide, il ne retourne pas au travail après le 30 octobre 2006. Au début janvier, ayant cessé ses relations avec sa copine, il retourne chez ses parents dans la région de Rimouski. Il témoigne que ses parents ont demandé un rendez-vous à leur médecin de famille, ce qu’il a obtenu le 13 avril 2007, alors que le docteur Tessier a diagnostiqué une dépression majeure, prescrit de la médication et recommandé que le travailleur soit référé à un psychologue. Le travailleur mentionne que le docteur Tessier lui a dit qu’il ne pouvait pas retourner travailler à cause de sa dépression.

[23]           Lors de son témoignage, le travailleur a expliqué qu’au début de l’assignation temporaire de travail il était en accord avec une telle assignation. Cependant, à compter de mai 2006, lorsqu’il a rencontré la docteure Duclos, il témoigne qu’il a beaucoup pleuré, qu’il voulait de l’aide et que cette dernière a prescrit des traitements par un psychologue. Après le refus de la CSST de lui fournir des traitements d’un psychologue, il s’est présenté dans un CLSC qu’il l’a référé dans un autre CLSC. Il témoigne que même s’il commençait les démarches, il était incapable de les terminer. S’il a cessé son emploi le 30 octobre, c’est qu’il était découragé, dit-il. Il n’avait pas fait le deuil de son accident du travail.

[24]           Les notes évolutives de la CSST, en date du 3 janvier 2007, nous informent que le travailleur a avisé la CSST qu’il est retourné chez ses parents à Rimouski. La CSST informe le travailleur, qui demande s’il a droit aux indemnités de remplacement du revenu, qu’il ne peut en recevoir, car il n’y a pas de travail disponible à Rimouski, l’employeur n’ayant pas de bureau à Rimouski. La CSST lui explique qu’il a choisi de déménager et, dès lors, il n’a pas droit aux indemnités de remplacement du revenu.

[25]           Dans une note évolutive du 9 février 2007, on apprend que le rapport d’évaluation médicale de la docteure Duclos du 25 janvier 2007, fait état d’une atteinte permanente à l’intégrité physique de 28.39 % avec limitations fonctionnelles.

[26]           Malgré toutes ces discussions avec la CSST, cette dernière ne confirmera que le 26 février 2007 que le travailleur n’a pas droit aux indemnités de remplacement du revenu depuis le 31 octobre 2007 écrivant :

(…) Vous avez sans raison valable omis ou refusé d’exécuter le travail que votre employeur vous a assigné temporairement, conformément à l’article 179.

 

Nous pourrons reprendre le versement de l’indemnité dans les mesures où le motif qui en a justifié la suspension n’existera plus.

 

[…]

 

 

[27]           À l’audience, le père du travailleur monsieur Raymond Hallé a témoigné qu’à l’automne 2005 les nouvelles étaient plutôt bonnes, sauf que son fils lui a demandé de l’argent. Le père, étonné, lui demande comment il se fait qu’il a besoin d’argent puisqu’il est supposé travailler régulièrement. Le fils lui mentionne alors qu’il n’allait pas travailler tout le temps, qu’il dormait mal, qu’il mangeait mal. Le père témoigne que le fils s’isolait pendant la période des fêtes. Après Noël, son fils lui téléphone de Québec pour demander à ses parents d’aller le chercher, car il ne se sent plus capable de continuer.

[28]           Le père témoigne qu’il a appris à traiter avec la CSST de façon à aider son fils à discuter avec la CSST. Il mentionne que le travailleur devait se présenter en janvier dans des CLCS, mais qu’il se présentait et que, rendu sur place, se disait incapable d’aller jusqu’au bout de sa démarche. Constatant sa difficulté, lors d’un rendez-vous au début de mars avec le médecin de famille, le père mentionne au médecin que le fils va plutôt mal, car il se dénigre et ne croit plus aux possibilités de gagner sa vie. N’eut été de son aide, son fils n’aurait pas été en mesure de faire les démarches de contestation auprès de la CSST ni de requérir de l’aide au CLSC. Alors qu’il était un jeune homme fonçeur, sportif selon le père, rendu chez lui, en janvier 2007, le fils ne fait plus rien et ce n’est que grâce à ses encouragements et aux recommandations du médecin de famille qu’il a recommencé à faire de l’exercice.

[29]           Aidé par son père le travailleur conteste le 5 mars 2007 la décision de la CSST du 26 février 2007. Il explique dans cette lettre comment il est devenu dépressif au point de croire qu’il était incapable de s’en sortir. Même s’il demandait de l’aide, il n’en obtenait pas. Il était incapable de dormir, avait de la difficulté à manger car tout lui donnait mal au cœur en plus des idées suicidaires qui le hantaient. Il écrit :

Voici les raisons qui ont justifié l’arrêt du travail assigné :

-           ce travail ne correspondait pas à mes aptitudes

-           je devais classifier des papiers et ce travail me donnait beaucoup de temps à ne rien faire. Étant un manuel de nature, et aimant m’occuper, je ne trouvais pas cela facile.

 

-           quand j’avais terminé la classification, il m’est arrivé de nettoyer des plantes puis, fatigué d’attendre, alors je quittais, car il n’y avait plus rien à m’occuper. L’employeur m’avait assuré 40hres/semaine, dans la pratique, il n’y avait pas de quoi m’occuper à temps plein. J’avais beaucoup de temps mort.

 

Étant donné que j’ai eu beaucoup d’opérations (3), à ma main gauche et que j’ai perdu de la capacité à mon bras, le moral a été beaucoup affecté. Je me suis retrouvé dans un état que je qualifierais de dépressif et je sentais que j’étais incapable de m’en sortir. Je pensais que l’assignation temporaire serait plus à court terme, mais de semaine en semaine ça se prolongeait, je n’y voyais aucune issu. Ce qui affectait mon moral. J’ai demandé maintes fois, de l’aide psychologique, ce qui m’a été refusé prétextant que j’avais une blessure physique et non mentale.

 

Je suis devenu très nerveux. Je suis devenu incapable de dormir des nuits complètes. À tout moment, je me réveillais et j’étais des heures incapables de fermer l’œil. Le matin, je me sentais fatigué, sans énergie pour entreprendre une journée de travail efficace. Juste à penser à ce travail, ça me rendait nerveux impatient et même déprimé.

 

Plusieurs journées se sont écoulées sans pouvoir manger un repas vraiment consistant, car tout me donnait mal au cœur.

 

Ma compagne de vie ne me comprenait plus. Elle était la cible de mes moments de dépression et de colère. Assez qu’il a fallu se laisser car on ne pouvait plus communiquer et se comprendre, car moi-même je ne me comprenais plus.

J’ai quitté, la ville de Québec, le 2 janvier 07, car je ne pouvais plus suffire financièrement depuis un certain temps à mes propres besoins et ma vie de couple a éclaté. Les idées suicidaires me hantaient. Il fallait que je fasse quelque chose, j’étais en plein désespoir.

 

Je n’avais plus de travail, ma santé était fragile puisque j’ai attrapé un virus suite à un séjour à l’hôpital. Ces problèmes physiques ont fait que j’ai perdu 20 lbs en deux semaines. La perte d’argent, m’a apporté beaucoup de tracas face à mes obligations financières. J’ai du faire face à un stress et à la capacité de subvenir à mes besoins. C’est alors que je suis retourné vivre chez mes parents où je loge en attendant. J’ai encore des baisses d’énergie et de moral. Un soutien moral d’intervenant en psychologie m’aiderait à passer dans ces moments difficiles. J’ai entrepris des démarches pour obtenir une aide au CLSC de ma région.

 

Aucune décision écrite m’a été transmise lorsqu’il y a eu arrêt de paiement après le 31 octobre.  [sic]

 

[…]

 

 

[30]           Dans sa décision du 19 mars 2007 à la suite d'une révision administrative, la CSST rappelle d’abord l’article 142 de la loi qui, selon elle, motive la suspension des indemnités. Cet article se lit ainsi :

142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité:

 

1°   si le bénéficiaire:

 

a)   fournit des renseignements inexacts;

 

b)   refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;

 

2°   si le travailleur, sans raison valable:

 

a)   entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;

 

b)   pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;

 

c)   omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;

 

d)   omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;

 

e)   omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180;

 

 

f)    omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274.

__________

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

 

 

[31]           Les articles relatifs à l’assignation temporaire, soit les articles 179 et 180 de la loi se lisent ainsi :

179. L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que:

 

1°   le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;

 

2°   ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et

 

3°   ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.

 

Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.

__________

1985, c. 6, a. 179.

 

 

180. L'employeur verse au travailleur qui fait le travail qu'il lui assigne temporairement le salaire et les avantages liés à l'emploi que ce travailleur occupait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle et dont il bénéficierait s'il avait continué à l'exercer.

__________

1985, c. 6, a. 180.

 

 

[32]           Pour motiver sa décision, la CSST écrit :

Considérant que le médecin traitant a référé le travailleur en assignation temporaire auprès de l’employeur, considérant que l’employeur a offert un poste au travailleur respectant les limitations fonctionnelles en travaux légers prescrits par le médecin traitant et considérant que le fait de ne pas aimer le travail assigné ne constitue pas un motif raisonnable justifiant de ne pas se présenter à l’assignation temporaire prescrite, La Révision administrative est d’avis que la Commission est justifiée de suspendre le versement des indemnités de remplacement du revenu.

 

 

[33]           Devant cette décision de la CSST qui invoque une autorisation par le médecin traitant d’une assignation temporaire du 26 avril 2006 et qui allègue que le fait de ne pas aimer le travail ne constitue pas un motif raisonnable justifiant de ne pas se présenter à cette assignation, la Commission des lésions professionnelles considère qu’il y a tout un pan du dossier qui est complètement écarté. En effet, même si ce travail peut respecter les limitations fonctionnelles émises temporairement au début de l’assignation temporaire le 26 avril 2006 par la docteure Duclos, cette dernière, le 12 mai 2006, donne une prescription au travailleur pour une référence à un psychologue relativement à des difficultés d’adaptation. Même si le travailleur a cherché de l’aide, la CSST lui a répondu que son problème était un problème physique et non pas psychologique et elle l’a référé au CLSC où il s’est présenté, mais sans être capable de terminer ses démarches, le premier CLSC le référant à un deuxième.

[34]           Le fait d’être laissé à lui-même sans avoir trop de travail a nettement incité le travailleur à se complaire dans des pensées noires qui sont allées jusqu’à des pensées suicidaires et qui ont conduit le travailleur à se déprécier et à croire qu’il ne pourrait plus gagner sa vie. N’eut été de son père, de ses parents devrions-nous dire, il n’aurait pas été en mesure d’essayer de faire face à la situation à compter de janvier 2007.

[35]           Suite au diagnostic de dépression majeure du 13 avril 2007 par le docteur Tessier, la CSST a décidé le 7 juin 2007 de reconnaître qui y avait une lésion professionnelle psychologique admettant la relation entre ce diagnostic de dépression majeure et l’événement du 6 décembre 2005. Ce diagnostic, précédé le 12 mai 2006 d’une référence en psychologie pour difficultés d’adaptation, n’est pas le résultat d’une génération spontanée. Il est l’aboutissement d’un événement traumatique que le travailleur n’a pu gérer étant donné qu’il n’était pas capable d’aller jusqu’au bout des démarches qui auraient pu le sortir de ses idées noires.

[36]           Au cours de cette période, ni l’employeur ni la CSST n’ont su percevoir que le travailleur n’était plus capable d’exercer l’assignation temporaire de travail. Le travail qu’il avait à effectuer en assignation temporaire, travail qui ne l’occupait pas suffisamment et le laissait développer des idées noires, en est venu à être un travail comportant un danger pour sa santé mentale et est même devenu un travail nettement défavorable à sa réadaptation. Dès lors, le travailleur avait un motif raisonnable pour cesser d’occuper une telle assignation temporaire. L’article 143 de la loi permet en conséquence de lui verser rétroactivement les indemnités de remplacement du revenu auxquelles il avait droit à compter du 31 octobre 2006. Cet article se lit ainsi :

143. La Commission peut verser une indemnité rétroactivement à la date où elle a réduit ou suspendu le paiement lorsque le motif qui a justifié sa décision n'existe plus.

__________

1985, c. 6, a. 143.

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

FAIT DROIT à la requête de monsieur Jean-Philippe Hallé, le travailleur;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du 19 mars 2007 rendue à la suite d'une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au versement rétroactif des indemnités de remplacement du revenu à compter du 31 octobre 2006 et jusqu’à la réception d’une indemnité de remplacement du revenu pour une nouvelle lésion professionnelle ou jusqu’à ce qu’il redevienne capable d’exercer son emploi prélésionnel ou d’exercer un emploi convenable.

 

 

__________________________________

 

Maurice Sauvé

 

Commissaire

 

Me Corinne Lestage

Michaud, LeBoutillier ass.

Représentante de la partie requérante

 

 

Madame Lynn Beaumont

Morneau Sobeco

Représentante de la partie intéressée

 

 

Me Pierre Villeneuve

Panneton Lessard

Représentant de la partie intervenante

 

 

 

 

 

 

 

 

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