COUR SUPRĂŠME DU CANADA

 

RĂ©fĂ©rence : S.L. c. Commission scolaire des ChĂŞnes, 2012 CSC 7, [2012] 1 R.C.S. 235

Date : 20120217

Dossier : 33678

 

Entre :

S.L. et D.J.

Appelants

et

Commission scolaire des Chênes et procureur général du Québec

Intimés

- et -

Christian Legal Fellowship, Association canadienne des libertés civiles,

Coalition pour la liberté en éducation, Alliance évangélique du Canada,

Regroupement Chrétien pour le droit parental en éducation, Conseil canadien

des œuvres de charité chrétiennes, Fédération des commissions scolaires

du Québec et Association canadienne des commissaires d’écoles catholiques

Intervenants

 

 

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell

 

Motifs de jugement :

(par. 1 Ă  43)

 

 

Motifs concordants :

(par. 44 Ă  59)

La juge Deschamps (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Binnie, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell)

 

Le juge LeBel (avec l’accord du juge Fish)

 

 


 


S.L. c. Commission scolaire des ChĂŞnes, 2012 CSC 7, [2012] 1 R.C.S. 235

 

S.L. et D.J.                                                                                                      Appelants

c.

Commission scolaire des ChĂŞnes et

procureur général du Québec                                                                             Intimés

et

Alliance des chrétiens en droit,

Association canadienne des libertés civiles,

Coalition pour la liberté en éducation,

Alliance évangélique du Canada,

Regroupement Chrétien pour le droit parental en éducation,

Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennes,

Fédération des commissions scolaires du Québec et

Association canadienne des commissaires d’écoles catholiques             Intervenants

RĂ©pertoriĂ© : S.L. c. Commission scolaire des ChĂŞnes

2012 CSC 7

No du greffe : 33678.

2011 : 18 mai; 2012 : 17 fĂ©vrier.

PrĂ©sents : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell.

en appel de la cour d’appel du québec

                    Droit constitutionnel — Charte des droits — LibertĂ© de religion — Écoles — Programme d’éthique et de culture religieuse obligatoire — Fardeau Ă  l’étape de la preuve de l’atteinte au droit Ă  la libertĂ© de religion — DĂ©monstration de facteurs objectifs entravant le respect d’une pratique ou d’une croyance — Parents croyant sincèrement en l’obligation de transmettre Ă  leurs enfants les prĂ©ceptes de la religion catholique — Le programme d’éthique et de culture religieuse constituait-il, objectivement, une entrave Ă  leur capacitĂ© de transmettre leur foi Ă  leurs enfants? — Les parents ont-ils fait la preuve que le programme portait atteinte Ă  leur libertĂ© de conscience et de religion que protège l’art. 2a) de la Charte canadienne des droits et libertĂ©s? — Le refus de la commission scolaire d’exempter leurs enfants du cours d’éthique et de culture religieuse contrevenait-il Ă  leur droit constitutionnel?

                    Droits de la personne — LibertĂ© de religion — Écoles — Programme d’éthique et de culture religieuse obligatoire — Les parents ont-ils fait la preuve que le programme portait atteinte Ă  leur libertĂ© de conscience et de religion que protège l’art.  3 de la Charte des droits et libertĂ©s de la personne, L.R.Q., ch. C-12?

                    Droit administratif — ContrĂ´le judiciaire — AutoritĂ©s scolaires — Parents demandant Ă  la commission scolaire d’exempter leurs enfants du cours d’éthique et de culture religieuse afin d’éviter Ă  ceux-ci un  prĂ©judice grave — Demandes d’exemption refusĂ©es — La dĂ©cision de la commission scolaire a-t-elle Ă©tĂ© prise sous la dictĂ©e d’un tiers? — Loi sur l’instruction publique, L.R.Q., ch. I-13.3, art. 222.

                    En 2008, le programme d’éthique et de culture religieuse (« Ă‰CR Â») devient obligatoire dans les Ă©coles du QuĂ©bec en remplacement des programmes d’enseignement moral et religieux catholique et protestant.  L et J demandent Ă  la commission scolaire d’exempter leurs enfants du cours ÉCR en invoquant l’existence d’un prĂ©judice grave pour ces derniers au sens de l’art.  222 de la Loi sur l’instruction publique.  La directrice du Service des ressources Ă©ducatives aux jeunes refuse les exemptions.  L et J demandent la rĂ©vision de cette dĂ©cision au conseil des commissaires de la commission scolaire, qui la confirme.  L et J s’adressent alors Ă  la Cour supĂ©rieure et sollicitent Ă  la fois un jugement dĂ©clarant que le programme ÉCR porte atteinte Ă  leur droit Ă  la libertĂ© de conscience et de religion, ainsi qu’à celui de leurs enfants, et la rĂ©vision judiciaire des dĂ©cisions refusant leurs demandes d’exemption du cours ÉCR.  Ils allèguent qu’elles ont Ă©tĂ© prises sous la dictĂ©e du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (« Ministère Â»).  La Cour supĂ©rieure rejette la requĂŞte en jugement dĂ©claratoire et la demande de rĂ©vision judiciaire.  Saisie de requĂŞtes en rejet d’appel dĂ©posĂ©es par la commission scolaire et le procureur gĂ©nĂ©ral du QuĂ©bec, la Cour d’appel refuse d’entendre l’appel de plein droit de L et J et elle rejette Ă©galement leur requĂŞte pour permission d’appeler.

                    ArrĂŞt : Le pourvoi est rejetĂ©.

                    La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, Deschamps, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell : Si la sincĂ©ritĂ© de la croyance d’une personne en l’obligation de se conformer Ă  une pratique religieuse est pertinente pour Ă©tablir que son droit Ă  la libertĂ© de religion est en jeu, la preuve de l’atteinte Ă  ce droit requiert, elle, la dĂ©monstration de facteurs objectifs entravant le respect de cette pratique.  Il ne suffit pas que la personne dĂ©clare que ses droits sont enfreints.  Il lui incombe de prouver l’atteinte suivant la prĂ©pondĂ©rance des probabilitĂ©s.

                    En l’espèce, L et J croient sincèrement avoir l’obligation de transmettre à leurs enfants les préceptes de la religion catholique.  La sincérité de leur croyance en cette pratique n’est pas contestée.  À l’étape de la preuve de l’atteinte, L et J devaient démontrer que le programme ÉCR constituait, objectivement, une entrave à leur capacité de transmettre leur foi à leurs enfants.  À cet égard, ils prétendent que la neutralité du programme ÉCR ne serait pas réelle et que le relativisme auquel seraient exposés les élèves qui suivent le cours ÉCR entraverait leur capacité de transmettre leur foi à leurs enfants.  Ils objectent aussi que l’exposition des enfants à différents faits religieux crée de la confusion chez ces derniers.  Tout d’abord, il ressort de la preuve que le but formel du Ministère ne paraît pas avoir été de transmettre une philosophie fondée sur le relativisme ou d’influencer les croyances particulières des jeunes.  Le fait même d’exposer les enfants à une présentation globale de diverses religions sans les obliger à y adhérer ne constitue pas un endoctrinement des élèves qui porterait atteinte à la liberté de religion de L et J.  De plus, l’exposition précoce des enfants à des réalités autres que celles qu’ils vivent dans leur environnement familial immédiat constitue un fait de la vie en société.  Suggérer que le fait même d’exposer des enfants à différents faits religieux porte atteinte à la liberté de religion de ceux-ci ou de leurs parents revient à rejeter la réalité multiculturelle de la société canadienne et méconnaître les obligations de l’État québécois en matière d’éducation publique.

                    L et J n’ont pas fait la preuve que le programme ÉCR portait atteinte à leur liberté de religion ni, par conséquent, que le refus de la commission scolaire d’exempter leurs enfants du cours ÉCR contrevenait à leur droit constitutionnel.  Ils n’ont également démontré aucune erreur justifiant d’écarter la conclusion du juge de première instance selon laquelle la décision de la commission scolaire n’avait pas été prise sous la dictée d’un tiers.

                    Les juges LeBel et Fish : La violation allĂ©guĂ©e par L et J de leur droit Ă  la libertĂ© de religion portait sur les obligations des parents Ă  l’égard de l’éducation religieuse de leurs enfants et de la transmission de leur foi Ă  ces derniers.  Suivant la grille d’analyse adoptĂ©e dans l’arrĂŞt Amselem, L et J devaient d’abord Ă©tablir la sincĂ©ritĂ© de leur croyance religieuse et, par la suite, l’atteinte que le programme ÉCR apporterait Ă  cet aspect de leur libertĂ© de religion.  Cette seconde partie de l’analyse doit conserver un caractère objectif.  Le seul fait d’affirmer leur dĂ©saccord avec le programme et ses objectifs ne suffisait pas.  La preuve prĂ©sentĂ©e par L et J pour Ă©tablir la violation de leur libertĂ© de religion consistait d’abord Ă  affirmer leur foi et leur conviction que le programme ÉCR portait atteinte Ă  leur obligation d’enseigner et de transmettre cette foi Ă  leurs enfants.  En outre, ils ont dĂ©posĂ© le programme en question ainsi qu’un manuel scolaire destinĂ© Ă  l’enseignement de ce programme.  Dans sa forme actuelle, le programme dit en rĂ©alitĂ© peu de chose sur le contenu concret de l’enseignement et sur l’approche qui sera effectivement adoptĂ©e par les enseignants dans leurs relations avec les Ă©lèves.  Il ne dĂ©termine pas non plus le contenu des manuels ou des autres ressources pĂ©dagogiques qui seront utilisĂ©s, ni leur approche Ă  l’égard des faits religieux ou des rapports entre les valeurs religieuses et les choix Ă©thiques ouverts aux Ă©tudiants.  Le programme est composĂ© d’énoncĂ©s gĂ©nĂ©raux, de diagrammes, de descriptions d’objectifs et de compĂ©tences Ă  dĂ©velopper, ainsi que de recommandations diverses sur son application.  Il ne permet guère d’apprĂ©cier quel effet entraĂ®nera rĂ©ellement son application.  MalgrĂ© le dĂ©pĂ´t d’un manuel scolaire, la preuve sur les mĂ©thodes et le contenu de l’enseignement, comme sur son esprit, est restĂ©e schĂ©matique.  La preuve documentaire ne permet donc pas de conclure, suivant les normes de la preuve civile, Ă  une violation de la Charte canadienne ou de la Charte quĂ©bĂ©coise.  Par ailleurs, l’état de la preuve ne permet pas non plus de conclure que le programme ÉCR et sa mise en application ne pourront Ă©ventuellement porter atteinte aux droits accordĂ©s Ă  L et J et Ă  des personnes placĂ©es dans la mĂŞme situation.

Jurisprudence

Citée par la juge Deschamps

                    ArrĂŞts mentionnĂ©s : Immeubles Port Louis LtĂ©e c. Lafontaine (Village), [1991] 1 R.C.S. 326 ; CongrĂ©gation des tĂ©moins de JĂ©hovah de St-JĂ©rĂ´me-Lafontaine c. Lafontaine (Village), 2004 CSC 48 , [2004] 2 R.C.S. 650 ; R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295 ; R. c. Edwards Books and Art Ltd., [1986] 2 R.C.S. 713 ; Zylberberg c. Sudbury Board of Education (Director) (1988), 65 O.R. (2d) 641; Canadian Civil Liberties Assn. c. Ontario (Minister of Education) (1990), 71 O.R. (2d) 341; Syndicat Northcrest c. Amselem, 2004 CSC 47 , [2004] 2 R.C.S. 551 ; R. c. Jones, [1986] 2 R.C.S. 284 ; Baker c. Canada (Ministre de la CitoyennetĂ© et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 ; Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquĂŞtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425 ; Chamberlain c. Surrey School District No. 36, 2002 CSC 86 , [2002] 4 R.C.S. 710 .

Citée par le juge LeBel

                    ArrĂŞts mentionnĂ©s : Syndicat Northcrest c. Amselem, 2004 CSC 47 , [2004] 2 R.C.S. 551 ; Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, 2006 CSC 6 , [2006] 1 R.C.S. 256 ; Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, 2009 CSC 37 , [2009] 2 R.C.S. 567 ; B. (R.) c. Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto, [1995] 1 R.C.S. 315 ; Chamberlain c. Surrey School District No. 36, 2002 CSC 86 , [2002] 4 R.C.S. 710 ; R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295 ; CongrĂ©gation des tĂ©moins de JĂ©hovah de St-JĂ©rĂ´me-Lafontaine c. Lafontaine (Village), 2004 CSC 48 , [2004] 2 R.C.S. 650 .

Lois et règlements cités

Charte canadienne des droits et libertĂ©s, art.  1 , 2 a).

Charte des droits et libertĂ©s de la personne, L.R.Q., ch. C-12, art. 3.

Décret 511-95 concernant la Commission des États généraux sur l’éducation, (1995) 127 G.O. II, 1960.

Loi constitutionnelle de 1867, art. 93A.

Loi instituant le ministère de l’éducation et le Conseil supĂ©rieur de l’éducation, S.Q. 1963-64, ch. 15.

Loi modifiant diverses dispositions lĂ©gislatives dans le secteur de l’éducation concernant la confessionnalitĂ©, L.Q. 2000, ch. 24.

Loi modifiant diverses dispositions lĂ©gislatives de nature confessionnelle dans le domaine de l’éducation, L.Q. 2005, ch. 20.

Loi sur l’instruction publique, L.R.Q., ch. I-13.3, art. 222.

Modification constitutionnelle de 1997 (Québec), TR/97-141.

Doctrine et autres documents cités

Grimm, Dieter.  « Conflicts Between General Laws and Religious Norms Â» (2009), 30 Cardozo L. Rev. 2369.

Moon, Richard.  « Government Support for Religious Practice Â», in Richard Moon, ed., Law and Religious Pluralism in Canada.  Vancouver : UBC Press, 2008, 217.

Ogilvie, M. H.  Religious Institutions and the Law in Canada, 3rd ed.  Toronto : Irwin Law, 2010.

QuĂ©bec.  AssemblĂ©e nationale.  Journal des dĂ©bats, 2e sess., 35e lĂ©g., 26 mars 1997, p. 5993-5994.

QuĂ©bec.  Commission royale d’enquĂŞte sur l’enseignement dans la province de QuĂ©bec.  Rapport Parent : Rapport de la Commission royale d’enquĂŞte sur l’enseignement dans la province de QuĂ©bec.  QuĂ©bec : La Commission, 1963.

QuĂ©bec.  Groupe de travail sur la place de la religion Ă  l’école.  LaĂŻcitĂ© et religions : Perspective nouvelle pour l’école quĂ©bĂ©coise (rapport).  QuĂ©bec : Ministère de l’Éducation, 1999.

QuĂ©bec.  Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.  Éthique et culture religieuse.  QuĂ©bec : Le Ministère, 2007 (en ligne : http://collections.banq.qc.ca

         /ark:/52327/1561560 et http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/1561572).

QuĂ©bec.  Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.  La mise en place d’un programme d’éthique et de culture religieuse : Une orientation d’avenir pour tous les jeunes du QuĂ©bec.  QuĂ©bec : Le Ministère, 2005.

Woehrling, JosĂ©.  « La place de la religion dans les Ă©coles publiques du QuĂ©bec Â» (2007), 41 R.J.T. 651.

Woehrling, JosĂ©.  « Les principes rĂ©gissant la place de la religion dans les Ă©coles publiques du QuĂ©bec Â», dans Myriam JĂ©zĂ©quel, dir., Les accommodements raisonnables : quoi, comment, jusqu’oĂą? Des outils pour tous.  Cowansville, QuĂ©. : Yvon Blais, 2007, 215.

                    POURVOI contre des arrĂŞts de la Cour d’appel du QuĂ©bec (les juges Beauregard, Morissette et Giroux), 2010 QCCA 346 (CanLII), SOQUIJ AZ-50610874 , [2010] J.Q. no 1357 (QL), 2010 CarswellQue 1362, 2010 QCCA 348 (CanLII), SOQUIJ AZ-50610876 , [2010] J.Q. no 1355 (QL), et 2010 QCCA 349 (CanLII), SOQUIJ AZ-50610877 , [2010] J.Q. no 1356 (QL), qui ont confirmĂ© une dĂ©cision du juge Dubois, 2009 QCCS 3875 , [2009] R.J.Q. 2398 , SOQUIJ AZ-50573325 , [2009] J.Q. no 8619 (QL), 2009 CarswellQue 8647.  Pourvoi rejetĂ©.

                    Mark Phillips et Guy Pratte, pour les appelants.

                    Bernard Jacob, René Lapointe et Mélanie Charest, pour l’intimée la Commission scolaire des Chênes.

                    Benoît Boucher, Amélie Pelletier-Desrosiers et Caroline Renaud, pour l’intimé le procureur général du Québec.

                    Robert E. Reynolds et Ruth Ross, pour l’intervenante l’Alliance des chrĂ©tiens en droit.

                    Jean-Philippe Groleau, Guy Du Pont et LĂ©on H. Moubayed, pour l’intervenante l’Association canadienne des libertĂ©s civiles.

                    Jean-Pierre Bélisle, pour l’intervenante la Coalition pour la liberté en éducation.

                    Albertos Polizogopoulos, Don Hutchinson et Faye Sonier, pour l’intervenante l’Alliance évangélique du Canada.

                    Jean-Yves Côté, pour l’intervenant le Regroupement Chrétien pour le droit parental en éducation.

                    Iain T. Benson, pour les intervenants le Conseil canadien des Ĺ“uvres de charitĂ© chrĂ©tiennes et l’Association canadienne des commissaires d’écoles catholiques.

                    Argumentation écrite seulement par Alain Guimont, pour l’intervenante la Fédération des commissions scolaires du Québec.


 

                    Le jugement de la juge en chef McLachlin et des juges Binnie, Deschamps, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell a été rendu par

[1]                              La juge Deschamps — Les changements sociaux qu’a connus le Canada depuis le milieu du siècle dernier ont apportĂ© avec eux une nouvelle philosophie sociale qui met de l’avant la reconnaissance des droits des minoritĂ©s. Les dĂ©veloppements survenus dans le domaine de l’éducation au QuĂ©bec et dont il est question dans le prĂ©sent pourvoi s’insèrent dans ce contexte plus vaste. Compte tenu de la diversitĂ© religieuse du QuĂ©bec contemporain, l’État ne peut plus offrir dans les Ă©coles publiques une vision sociĂ©tale fondĂ©e sur les religions historiquement dominantes.

[2]                              Les appelants, S.L. et D.J., sont parents d’enfants d’âge scolaire. Ils soutiennent que le refus de l’intimĂ©e, la Commission scolaire des ChĂŞnes (« Commission scolaire Â»), d’exempter leurs enfants du cours d’éthique et de culture religieuse (« Ă‰CR Â») porte atteinte Ă  leur libertĂ© de conscience et de religion, que protègent l’al. 2a) de la Charte canadienne des droits et libertĂ©s (la « Charte canadienne Â») et l’art. 3 de la Charte des droits et libertĂ©s de la personne, L.R.Q., ch. C-12 (la « Charte quĂ©bĂ©coise Â»). Leurs prĂ©tentions ne peuvent ĂŞtre retenues. Si la sincĂ©ritĂ© de la croyance d’une personne en l’obligation de se conformer Ă  une pratique religieuse est pertinente pour Ă©tablir que son droit Ă  la libertĂ© de religion est en jeu, la preuve de l’atteinte Ă  ce droit requiert, elle, la dĂ©monstration de facteurs objectifs entravant le respect de cette pratique. En l’espèce, vu les constatations de fait du juge de première instance et la preuve au dossier concernant la neutralitĂ© du programme ÉCR, je conclus que les appelants ont Ă©chouĂ© dans cette dĂ©monstration. Il n’y a donc pas lieu de dĂ©clarer que la Commission scolaire a errĂ© en refusant d’exempter leurs enfants du cours ÉCR. Par consĂ©quent, je rejetterais l’appel avec dĂ©pens.

I.              Faits

[3]                              Le 12 mai 2008, les appelants demandent Ă  la Commission scolaire d’exempter leurs enfants du cours ÉCR. Ils invoquent l’existence d’un prĂ©judice grave pour ceux-ci, au sens du deuxième alinĂ©a de l’art. 222 de la Loi sur l’instruction publique, L.R.Q., ch. I-13.3.

[4]                              Le 20 mai 2008, la directrice du Service des ressources Ă©ducatives aux jeunes refuse les exemptions. Le 26 mai 2008, les appelants demandent la rĂ©vision de cette dĂ©cision au conseil des commissaires de la Commission scolaire. Le 25 juin 2008, après avoir tenu une audience au cours de laquelle les appelants font valoir leur point de vue, le conseil des commissaires confirme la dĂ©cision de la directrice. Les appelants contestent alors les dĂ©cisions du 20 mai et du 25 juin devant la Cour supĂ©rieure, allĂ©guant qu’elles ont Ă©tĂ© prises sous la dictĂ©e d’un tiers, le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (« Ministère »). Ils sollicitent Ă  la fois un jugement dĂ©clarant que le programme ÉCR porte atteinte Ă  leur droit Ă  la libertĂ© de conscience et de religion ainsi qu’à celui de leurs enfants, et la rĂ©vision judiciaire de la dĂ©cision de la directrice et de celle du conseil des commissaires refusant leurs demandes d’exemption du cours ÉCR.

II.      Décisions des juridictions inférieures

[5]                              Le juge Dubois de la Cour supĂ©rieure estime que les appelants n’ont pas prouvĂ© que le programme ÉCR porte atteinte Ă  leur libertĂ© de conscience et de religion ( 2009 QCCS 3875 , [2009] R.J.Q. 2398 ). Il conclut que le fait de prĂ©senter objectivement diverses religions Ă  l’enfant ne place pas celui-ci « devant une situation obligatoire et coercitive Â» (par. 64 et 66). Il rejette la requĂŞte en jugement dĂ©claratoire. Vu sa conclusion suivant laquelle le programme ÉCR ne porte pas atteinte Ă  la libertĂ© de conscience et de religion, le juge Dubois considère que la dĂ©cision de la Commission scolaire refusant les exemptions est bien fondĂ©e (par. 123). Par ailleurs, Ă  la lumière de la preuve, il juge que les dĂ©cideurs de la Commission scolaire n’ont pas subi d’influence particulière du Ministère (par. 119). Par consĂ©quent, il rejette Ă©galement la demande de rĂ©vision judiciaire.

[6]                              Le rejet de la requĂŞte en jugement dĂ©claratoire fait l’objet d’un appel de plein droit devant la Cour d’appel. Les appelants demandent Ă©galement Ă  celle-ci la permission d’appeler du jugement refusant la requĂŞte en rĂ©vision judiciaire. Le procureur gĂ©nĂ©ral du QuĂ©bec et la Commission scolaire prĂ©sentent chacun une requĂŞte demandant le rejet de l’appel de plein droit. Ils contestent aussi la demande de permission d’appel. Pour les motifs qu’elle Ă©nonce dans S.L. c. Commission scolaire des ChĂŞnes, la Cour d’appel accueille les requĂŞtes en rejet d’appel, rejette l’appel de plein droit et rejette Ă©galement la requĂŞte pour permission d’appel ( 2010 QCCA 346 (CanLII); voir aussi 2010 QCCA 348 (CanLII) et 2010 QCCA 349 (CanLII)). Elle ne voit aucune erreur dans l’analyse du juge Dubois et, au surplus, conclut que l’appel est devenu thĂ©orique, Ă©tant donnĂ© que les deux enfants des appelants ne sont plus assujettis Ă  l’obligation de suivre le cours ÉCR.

[7]                              Les parties n’ont pas formulĂ© d’observations au sujet de la grille d’analyse qui s’applique compte tenu des choix procĂ©duraux faits en l’espèce. Sur ce point, je me contenterai de signaler qu’il est peu utile de multiplier les procĂ©dures et que la façon dont les parties intitulent leurs procĂ©dures ne change pas la grille d’analyse applicable (Immeubles Port Louis LtĂ©e c. Lafontaine (Village), [1991] 1 R.C.S. 326 ).

III.    Questions en litige

[8]                              En premier lieu, notre Cour doit dĂ©cider si le juge de première instance a commis une erreur en concluant que le refus de la Commission scolaire d’exempter les enfants des appelants du cours ÉCR ne portait pas atteinte Ă  la libertĂ© de conscience et de religion des appelants. Cette question exige de se demander si le juge de première instance a commis une erreur en concluant que la preuve n’avait pas Ă©tĂ© faite que le programme ÉCR lui-mĂŞme portait atteinte Ă  la libertĂ© de religion des appelants.

[9]                              En second lieu, notre Cour est appelĂ©e Ă  dĂ©cider si le juge de première instance a eu tort de conclure que la dĂ©cision de la Commission scolaire n’avait pas Ă©tĂ© prise sous la dictĂ©e d’un tiers et si la Cour d’appel a commis une erreur de droit en jugeant que l’appel Ă©tait devenu thĂ©orique.

IV.    Contexte

[10]                          La place de la religion dans la vie civile est source de dĂ©bats publics depuis les dĂ©buts des civilisations. La dissolution progressive des liens entre l’Église et l’État au Canada s’inscrit dans un large mouvement de laĂŻcisation des institutions publiques dans les pays occidentaux (M. H. Ogilvie, Religious Institutions and the Law in Canada (3e Ă©d. 2010), p. 26 et 30; voir Ă©galement CongrĂ©gation des tĂ©moins de JĂ©hovah de St-JĂ©rĂ´me-Lafontaine c. Lafontaine (Village), 2004 CSC 48 , [2004] 2 R.C.S. 650 , par. 67-68, le juge LeBel). En effet, la neutralitĂ© religieuse est maintenant perçue par de nombreux États occidentaux comme une façon lĂ©gitime d’amĂ©nager un espace de libertĂ© dans lequel les citoyens de diverses croyances peuvent exercer leurs droits individuels (voir J. Woehrling, « La place de la religion dans les Ă©coles publiques du QuĂ©bec Â» (2007), 41 R.J.T. 651; D. Grimm,  « Conflicts Between General Laws and Religious Norms » (2009), 30 Cardozo L. Rev. 2369).

[11]                          Le portrait de la situation religieuse dans notre sociĂ©tĂ© est un facteur incontournable dans l’adoption d’une politique de neutralitĂ©, et ce, non seulement au QuĂ©bec, mais aussi ailleurs au Canada. En raison du phĂ©nomène de la mondialisation des Ă©changes et de l’accroissement de la mobilitĂ© individuelle, la diversitĂ© des croyances religieuses a considĂ©rablement augmentĂ© au Canada au cours des dernières dĂ©cennies. En effet, le Recensement du Canada de 2001 faisait Ă©tat d’environ 95 groupes religieux suffisamment importants pour ĂŞtre considĂ©rĂ©s comme des institutions religieuses distinctes aux fins de consignation des donnĂ©es. En outre, plus de 23 p. 100 des Canadiens se dĂ©claraient de foi non chrĂ©tienne ou ne dĂ©claraient aucune identitĂ© religieuse (Ogilvie, p. 55-56).

[12]                          La crĂ©ation du Ministère en 1964 a marquĂ© la prise en charge par l’État quĂ©bĂ©cois de l’instruction publique, domaine qui Ă©tait jusque-lĂ  dominĂ© par les communautĂ©s religieuses.  Le 5 fĂ©vrier 1964, dans la foulĂ©e du Rapport Parent (1963) qui recommandait d’augmenter les investissements publics en Ă©ducation, l’AssemblĂ©e lĂ©gislative adopte la Loi instituant le ministère de l’éducation et le Conseil supĂ©rieur de l’éducation, S.Q. 1963-64, ch. 15. Pendant les 30 premières annĂ©es d’existence de ce ministère, le rĂ©gime des Ă©coles confessionnelles continue de prĂ©valoir. Le 12 avril 1995, le gouvernement du QuĂ©bec crĂ©e la Commission des États gĂ©nĂ©raux sur l’éducation (DĂ©cret 511-95, (1995) 127 G.O. II, 1960). Les membres de cette commission recommandent une vaste rĂ©vision des programmes d’enseignement. En 1997, l’ajout de l’art. 93A Ă  la Loi constitutionnelle de 1867 rend possible l’abolition au QuĂ©bec des commissions scolaires confessionnelles et la rĂ©organisation, sur une base linguistique, du rĂ©seau quĂ©bĂ©cois des commissions scolaires (Modification constitutionnelle de 1997 (QuĂ©bec), TR/97-141).

[13]                          Dans une dĂ©claration ministĂ©rielle datĂ©e du 26 mars 1997, la ministre de l’Éducation explique l’approche que le gouvernement du QuĂ©bec propose d’adopter pour permettre Ă  l’école publique de rĂ©pondre aux attentes des QuĂ©bĂ©cois :

                                     Il convient, premièrement, de gérer ces demandes dans la perspective d’une société pluraliste ouverte.  La diversité du paysage socioreligieux éclate partout au Québec. L’école publique se doit donc de respecter le libre choix ou le libre refus de la religion, cela fait partie des libertés démocratiques. C’est dire que toute école doit assurer la liberté de conscience de chaque individu, fût-il seul devant la majorité, et apprendre aux jeunes à vivre dans le respect des allégeances diverses. Pour autant, l’école n’a pas à devenir réfractaire à tout propos sur la religion. Elle doit se montrer ouverte, capable d’accueillir, par delà les convictions particulières et dans un esprit critique, ce que les religions peuvent apporter en fait de culture, de morale et d’humanisme.

                    (Assemblée nationale, Journal des débats, 2e sess., 35e lég., 26 mars 1997, p. 5993)

[14]                          La ministre fait Ă©tat du besoin de mener une rĂ©flexion plus poussĂ©e sur les amĂ©nagements nĂ©cessaires pour que les cours offerts aux Ă©lèves tiennent compte de la diversitĂ© religieuse :

                    Enfin, dans le contexte d’une société pluraliste, serait-il souhaitable que tous les élèves reçoivent une certaine formation au sujet du phénomène religieux, des cours de culture religieuse intégrant les diverses grandes traditions, des cours d’histoire des religions? J’entends soumettre ces questions à un groupe de travail dont l’avis serait référé à la commission de l’éducation de l’Assemblée nationale, qui pourrait alors entendre l’ensemble des groupes qu’intéresse cette question.

                    (Ibid., p. 5994)

[15]                          En 1999, le Groupe de travail sur la place de la religion Ă  l’école dĂ©pose son rapport (LaĂŻcitĂ© et religions : Perspective nouvelle pour l’école quĂ©bĂ©coise). Le groupe recommande notamment que soient donnĂ©s, dans les Ă©coles, un enseignement culturel des religions en sus d’un enseignement moral. En 2000, le ministre de l’Éducation annonce la mise en place des amĂ©nagements requis pour rĂ©pondre Ă  la diversitĂ© des attentes morales et religieuses de la population.  La mĂŞme annĂ©e, une première modification lĂ©gislative marquant le dĂ©but du processus de dĂ©confessionnalisation est adoptĂ©e (Loi modifiant diverses dispositions lĂ©gislatives dans le secteur de l’éducation concernant la confessionnalitĂ©, L.Q. 2000, ch. 24).

[16]                          En 2005, le ministre de l’Éducation publie un document d’orientation qui prĂ©cise les principes sur lesquels devra ĂŞtre Ă©tabli le programme ÉCR (La mise en place d’un programme d’éthique et de culture religieuse : Une orientation d’avenir pour tous les jeunes du QuĂ©bec). Le 15 juin 2005, la Loi modifiant diverses dispositions lĂ©gislatives de nature confessionnelle dans le domaine de l’éducation, L.Q. 2005, ch. 20, est adoptĂ©e. Cette loi permettait notamment aux Ă©coles de remplacer, Ă  certaines conditions, les programmes d’enseignement moral et religieux catholique et protestant. Ainsi, le programme ÉCR a Ă©tĂ© mis en place de façon graduelle pour devenir obligatoire Ă  compter de la rentrĂ©e scolaire 2008. En mai 2008, les appelants ont dĂ©posĂ© leurs demandes d’exemption.

V.     Principes applicables

[17]                          Le contexte historique, politique et social de la fin du XXe siècle, l’adoption des Chartes quĂ©bĂ©coise et canadienne et l’interprĂ©tation de la libertĂ© de religion par les tribunaux canadiens ont jouĂ© un rĂ´le important dans la dĂ©cision de l’État quĂ©bĂ©cois de demeurer neutre en matière religieuse. S’il est vrai que, Ă  la diffĂ©rence de la Constitution amĂ©ricaine, la Charte canadienne ne limite pas explicitement l’appui que l’État peut apporter Ă  une religion, les cours canadiennes ont nĂ©anmoins jugĂ© que le parrainage par l’État d’une tradition religieuse est discriminatoire Ă  l’égard des autres.

[18]                          Dans l’arrĂŞt R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295 , notre Cour a dĂ©clarĂ© que la Loi sur le dimanche, S.R.C. 1970, ch. L-13, qui avait pour objet reconnu de rendre obligatoire l’observance religieuse le dimanche, portait atteinte Ă  la libertĂ© de religion des non-chrĂ©tiens. Le juge Dickson (plus tard Juge en chef) a conclu que « protĂ©ger une religion sans accorder la mĂŞme protection aux autres religions a pour effet de crĂ©er une inĂ©galitĂ© destructrice de la libertĂ© de religion dans la sociĂ©tĂ© » (p. 337). Peu après, la Cour a de nouveau Ă©tĂ© saisie de la question de la neutralitĂ© de l’État dans R. c. Edwards Books and Art Ltd., [1986] 2 R.C.S. 713 . Si, de l’avis de la majoritĂ©, le choix du dimanche comme jour de repos empiĂ©tait sensiblement sur la libertĂ© de religion de ceux qui observent un jour de repos le samedi pour des motifs religieux, la loi Ă©tait cependant justifiable en ce qu’elle constituait une limite raisonnable au sens de l’article premier de la Charte canadienne. Une majoritĂ© des juges de la Cour estimait que l’objet de la Loi sur les jours fĂ©riĂ©s dans le commerce de dĂ©tail, L.R.O. 1980, ch. 453, Ă©tait valide en raison de sa dimension laĂŻque : « Le titre et le texte de la Loi, les dĂ©bats de l’AssemblĂ©e lĂ©gislative et le Report on Sunday Observance Legislation (1970), de la Commission de rĂ©forme du droit de l’Ontario, font tous ressortir les objets d’ordre laĂŻque qui sous-tendent la Loi » (p. 744).

[19]                          Dans deux arrĂŞts importants rendus dans les annĂ©es qui ont suivi, la Cour d’appel de l’Ontario insiste Ă©galement sur l’importance pour l’État de demeurer neutre en matière religieuse. Dans Zylberberg c. Sudbury Board of Education (Director) (1988), 65 O.R. (2d) 641, elle a annulĂ© Ă  la majoritĂ© un règlement pris en vertu de la Loi sur l’éducation, L.R.O. 1980, ch. 129, qui rendait obligatoire, sous rĂ©serve d’exemptions, la rĂ©citation de prières chrĂ©tiennes dans les Ă©coles publiques (p. 654) :

                           [traduction] À première vue, [le règlement] contrevient à la liberté de conscience et de religion garantie par l’al. 2a) de la Charte. [. . .] La récitation du Notre Père, prière chrétienne, et la lecture des Saintes Écritures dans la bible chrétienne imposent des pratiques chrétiennes aux élèves non chrétiens ainsi que des rites religieux à des non-croyants.

[20]                          Dans Canadian Civil Liberties Assn. c. Ontario (Minister of Education) (1990), 71 O.R. (2d) 341, un règlement prescrivant l’inclusion de pĂ©riodes d’enseignement religieux dans le programme d’études des Ă©coles publiques a Ă©tĂ© examinĂ© par la Cour d’appel de l’Ontario. Ă€ l’unanimitĂ©, celle-ci a jugĂ© que ce règlement avait pour objet et pour effet de permettre l’endoctrinement religieux, ce que la Charte canadienne n’autorise pas. Un tel endoctrinement n’a pas de lien rationnel avec l’objectif Ă©ducatif consistant Ă  inculquer des normes morales appropriĂ©es aux Ă©lèves d’une Ă©cole primaire. La Cour d’appel a fait remarquer qu’un programme qui prodiguerait un enseignement religieux et moral sans toutefois tendre Ă  endoctriner dans une foi particulière n’enfreindrait pas la Charte canadienne (p. 344).

[21]                          Le dĂ©veloppement du concept de neutralitĂ© religieuse de l’État dans la jurisprudence canadienne va de pair avec une sensibilitĂ© croissante Ă  la composition multiculturelle du Canada et avec la protection des minoritĂ©s. DĂ©jĂ , dans Big M Drug Mart, le juge Dickson avait dĂ©clarĂ© ceci : « . . . Ă©tant donnĂ© la diversitĂ© des formes que prennent la croyance et l’incroyance ainsi que les diffĂ©rences socio-culturelles des Canadiens, le Parlement fĂ©dĂ©ral n’a pas compĂ©tence en vertu de la Constitution pour adopter une loi privilĂ©giant une religion au dĂ©triment d’une autre Â» (p. 351). De mĂŞme, dans Canadian Civil Liberties Assn., la Cour d’appel de l’Ontario a jugĂ© que le fait d’imposer une pratique religieuse de la majoritĂ© avait pour effet d’enfreindre la libertĂ© de religion de la minoritĂ© et Ă©tait incompatible avec la rĂ©alitĂ© multiculturelle de la sociĂ©tĂ© canadienne (p. 363).

[22]                          Cela dit, c’est dans l’arrĂŞt Syndicat Northcrest c. Amselem, 2004 CSC 47 , [2004] 2 R.C.S. 551 , qu’ont Ă©tĂ© posĂ©s les jalons de la dĂ©finition de la libertĂ© de religion.  Le juge Iacobucci y explique qu’une personne n’a pas Ă  dĂ©montrer que la pratique qu’elle se croit sincèrement obligĂ©e de suivre ou la croyance qu’elle fait valoir correspond Ă  un prĂ©cepte religieux reconnu par les autres adeptes. Si cette personne croit ĂŞtre tenue de se conformer Ă  une pratique ou si elle fait valoir une croyance « ayant un lien avec une religion », le tribunal doit se limiter Ă  Ă©valuer la sincĂ©ritĂ© de cette croyance (par. 39, 43, 46 et 54).

[23]                          Ă€ l’étape de la preuve de l’atteinte, cependant, il ne suffit pas que la personne dĂ©clare que ses droits sont enfreints.  Il lui incombe de prouver l’atteinte suivant la prĂ©pondĂ©rance des probabilitĂ©s. Cette preuve peut certes prendre toutes les formes reconnues par la loi, mais elle doit nĂ©anmoins reposer sur des faits objectivement dĂ©montrables. Par exemple, dans Edwards Books, la loi obligeait les dĂ©taillants qui observaient le samedi Ă  fermer un jour de plus que ceux qui observaient le dimanche.  Dans Amselem, l’atteinte rĂ©sultait d’une interdiction d’ériger toute construction sur les balcons d’un immeuble dĂ©tenu en copropriĂ©tĂ© alors que les appelants croyaient que leur religion les obligeait Ă  habiter leur propre souccah.

[24]                          Il s’ensuit que, dans l’examen d’une atteinte Ă  la libertĂ© de religion, la question n’est pas de savoir si la personne croit sincèrement qu’il y a une atteinte Ă  sa pratique ou croyance religieuse, mais celle de savoir s’il existe une pratique ou croyance religieuse Ă  laquelle il est portĂ© atteinte. La partie subjective de l’analyse concerne uniquement l’établissement d’une croyance sincère ayant un lien avec la religion, incluant la croyance en une obligation de se conformer Ă  une pratique religieuse. Comme pour tous les autres droits et libertĂ©s protĂ©gĂ©s par la Charte canadienne et la Charte quĂ©bĂ©coise, la preuve de l’atteinte requiert une analyse objective des règles, faits ou actes qui en entravent l’exercice. DĂ©cider autrement aurait pour effet de permettre Ă  la personne de conclure elle-mĂŞme Ă  l’existence d’une atteinte Ă  ses droits et de se substituer ainsi au tribunal dans ce rĂ´le.

[25]                          Il convient de rappeler de plus les propos de la juge Wilson dans l’arrĂŞt R. c. Jones, [1986] 2 R.C.S. 284 , p. 314, repris par le juge Iacobucci dans Amselem, par. 58 : l’al. 2a) de la Charte canadienne « n’oblige pas le lĂ©gislateur Ă  n’entraver d’aucune manière la pratique religieuse » (soulignement omis; voir aussi Edwards Books). Â« La protection ultime accordĂ©e par un droit garanti par la Charte doit ĂŞtre mesurĂ©e par rapport aux autres droits et au regard du contexte sous-jacent dans lequel s’inscrit le conflit apparent Â» (Amselem, par. 62). Aucun droit n’est absolu.

VI.    Application

[26]                          Les appelants croient sincèrement avoir l’obligation de transmettre Ă  leurs enfants les prĂ©ceptes de la religion catholique (m.a., par. 66). La sincĂ©ritĂ© de la croyance des appelants en cette pratique n’est, en l’espèce, pas contestĂ©e par les intimĂ©s. La seule question en litige consiste donc Ă  se demander s’il y a eu ou non atteinte Ă  la capacitĂ© des appelants de se conformer Ă  cette pratique.

[27]                          Pour s’acquitter de leur fardeau Ă  l’étape de la preuve de l’atteinte, les appelants devaient dĂ©montrer que le programme ÉCR constituait, objectivement, une entrave Ă  leur capacitĂ© de transmettre leur foi Ă  leurs enfants. Ce n’est pas l’approche qu’ils ont adoptĂ©e. Ils ont plutĂ´t prĂ©tendu qu’il leur suffisait d’affirmer que le programme portait atteinte Ă  leur droit (m.a., par. 126). Comme je l’ai expliquĂ© ci-dessus, l’affirmation des appelants que des motifs religieux sont Ă  l’origine de leur objection Ă  la participation de leurs enfants au cours ÉCR ne suffit pas. C’est donc Ă  bon droit que le juge Dubois de la Cour supĂ©rieure a rejetĂ© cette interprĂ©tation. Il s’est exprimĂ© ainsi : « Il n’est pas tout de dire avec sincĂ©ritĂ© qu’on est catholique pratiquant pour prĂ©tendre qu’une prĂ©sentation globale de diffĂ©rentes religions puisse nuire Ă  celle que l’on pratique » (par. 51).

[28]                          Dans leurs demandes d’exemption soumises le 12 mai 2008 Ă  la Commission scolaire, les appelants avaient allĂ©guĂ© que les prĂ©judices suivants Ă©taient susceptibles d’être causĂ©s par le cours ÉCR :

                    1.     Perte du droit de choisir une éducation conforme à ses propres principes moraux et religieux; brimer les libertés fondamentales de religion, de conscience, d’opinion et d’expression de l’enfant et de ses parents en forçant l’enfant à suivre un cours qui ne correspond pas aux convictions religieuses et philosophiques dans lesquelles ses parents ont le droit et le devoir de l’éduquer.

                    2.     Être mis en situation d’apprentissage par un enseignant non adéquatement formé en cette matière et qui a été dépouillé de sa liberté de conscience, parce qu’on l’oblige à effectuer cette tâche.

                    3.     Perturber l’enfant en l’exposant trop jeune à des convictions et croyances différentes de celles privilégiées par ses parents.

                    4.     Aborder le phĂ©nomène religieux dans le cadre d’un cours qui prĂ©tend Ă  la « neutralitĂ© Â».

                    5.     ĂŠtre exposĂ©, dans le cadre de ce cours obligatoire, au courant philosophique mis de l’avant par l’État : le relativisme.

                    6.     Porter atteinte à la foi de l’enfant. [d.a., vol. III, p. 499-500]

[29]                          L’argument principal qui ressort des motifs invoquĂ©s par les appelants dans leurs demandes d’exemption est l’existence d’une entrave au respect de l’obligation qu’ils estiment avoir, soit celle de transmettre leur foi Ă  leurs enfants. Ă€ cet Ă©gard, la libertĂ© de religion que les appelants font valoir est la leur, non celle des enfants. Les objections des appelants reposent sur un thème commun, Ă  savoir que la neutralitĂ© du programme ÉCR ne serait pas rĂ©elle. Selon les appelants, le relativisme auquel seraient exposĂ©s les Ă©lèves qui suivent le cours ÉCR entraverait leur capacitĂ© de transmettre leur foi Ă  leurs enfants. Dans la mesure oĂą certains des griefs des appelants mettent de l’avant la libertĂ© de religion des enfants, en Ă©voquant la « perturbation Â» rĂ©sultant de l’exposition Ă  diffĂ©rents faits religieux, j’en traiterai au sein de mon analyse de l’atteinte allĂ©guĂ©e Ă  la libertĂ© de religion des appelants.

[30]                          Il faut reconnaĂ®tre que la recherche de la neutralitĂ© religieuse dans la sphère publique constitue un dĂ©fi important pour l’État. L’auteur R. Moon a bien exprimĂ© la difficultĂ© que pose la mise en Ĺ“uvre d’une politique lĂ©gislative qui serait considĂ©rĂ©e par tous comme Ă©tant neutre et respectueuse de leur libertĂ© de religion :

                    [traduction] Si la laïcisation ou l’agnosticisme constitue une position, une vision du monde ou une identité culturelle équivalente à une appartenance religieuse, ses adeptes pourraient se sentir exclus ou marginalisés au sein d’un État qui appuie les pratiques religieuses, même les moins confessionnelles.  Par ailleurs, il est possible que les croyants interprètent le retrait intégral de toute religion de la sphère publique comme le rejet de leur vision du monde et l’affirmation d’une perspective laïque . . .

                           . . . Ainsi, de manière ironique, alors que la religion se retire de plus en plus de la place publique au nom de la liberté et de l’égalité religieuses, la laïcité paraît moins neutre et plus partisane.  Compte tenu de la croissance de l’agnosticisme et de l’athéisme, la neutralité religieuse dans la sphère publique est peut-être devenue impossible.  Ce que certains considèrent comme le terrain neutre essentiel à la liberté de religion et de conscience constitue pour d’autres une perspective antispiritualiste partisane.

                    (« Government Support for Religious Practice Â», dans Law and Religious Pluralism in Canada (2008), 217, p. 231)

[31]                          Il faut aussi accepter que, d’un point de vue philosophique, la neutralitĂ© absolue n’existe pas. Quoi qu’il en soit, l’absolu est une notion dont s’accommode difficilement le droit. En droit administratif, par exemple, la notion d’impartialitĂ© fait appel Ă  une Ă©valuation qui tient compte du contexte et de l’intervention d’acteurs humains (Baker c. Canada (Ministre de la CitoyennetĂ© et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 , par. 47). Par ailleurs, dans l’analyse des atteintes aux droits protĂ©gĂ©s par les chartes, notre Cour a maintes fois rĂ©pĂ©tĂ© qu’aucun droit n’est absolu (Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquĂŞtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425 , p. 596). « Il en est ainsi parce que nous vivons dans une sociĂ©tĂ© oĂą chacun doit toujours tenir compte des droits d’autrui Â» (Amselem, par. 61).

[32]                          Par consĂ©quent, suivant une approche rĂ©aliste et non absolutiste, la neutralitĂ© de l’État est assurĂ©e lorsque celui-ci ne favorise ni ne dĂ©favorise aucune conviction religieuse; en d’autres termes, lorsqu’il respecte toutes les positions Ă  l’égard de la religion, y compris celle de n’en avoir aucune, tout en prenant en considĂ©ration les droits constitutionnels concurrents des personnes affectĂ©es. 

[33]                          Il convient de rappeler que les critiques formulĂ©es par les appelants ne peuvent concerner la façon dont le cours a Ă©tĂ© donnĂ© Ă  leurs enfants, puisque ces derniers ne l’ont jamais suivi. Le juge de première instance s’est limitĂ© Ă  l’examen du programme.

[34]                          Le programme ÉCR comprend deux volets : une formation sur l’éthique et une formation sur la culture religieuse. Le but du programme est prĂ©sentĂ© dans le prĂ©ambule commun des documents intitulĂ©s « Éthique et culture religieuse », prĂ©parĂ©s par le Ministère pour le primaire et le secondaire (en ligne) :

                    Dans ce programme, la formation en éthique vise l’approfondissement de questions éthiques permettant à l’élève de faire des choix judicieux basés sur la connaissance des valeurs et des repères présents dans la société. Elle n’a pas pour objectif de proposer ou d’imposer des règles morales, ni d’étudier de manière encyclopédique des doctrines et des systèmes philosophiques.

                    Pour ce qui est de la formation en culture religieuse, elle vise la compréhension de plusieurs traditions religieuses dont l’influence s’est exercée et s’exerce toujours dans notre société. Sur ce chapitre, un regard privilégié est porté sur le patrimoine religieux du Québec. L’importance historique et culturelle du catholicisme et du protestantisme y est particulièrement soulignée. Il ne s’agit ni d’accompagner la quête spirituelle des élèves, ni de présenter l’histoire des doctrines et des religions, ni de promouvoir quelque nouvelle doctrine religieuse commune destinée à remplacer les croyances particulières.

[35]                          Le but formel du Ministère ne paraĂ®t donc pas avoir Ă©tĂ© de transmettre une philosophie fondĂ©e sur le relativisme ou d’influencer les croyances particulières des jeunes.

[36]                          Sur le programme lui-mĂŞme, le juge Dubois a revu la preuve documentaire, entendu les tĂ©moins et tirĂ© les conclusions suivantes (par. 68-69) :

                           En regard du nouveau programme, l’école va présenter l’éventail des diverses religions et va amener les enfants à dialoguer sur la reconnaissance de soi et le bien commun. Par la suite, le travail additionnel pour la pratique religieuse revient donc aux parents et aux pasteurs de l’Église à laquelle ont adhéré les parents et les enfants.

                           À la lumière de toute la preuve présentée, le tribunal ne voit pas comment le cours ECR brime la liberté de conscience et de religion des demandeurs pour les enfants, alors que l’on fait une présentation globale de diverses religions sans obliger les enfants à y adhérer.

[37]                          Mon examen du dossier n’a rĂ©vĂ©lĂ© aucune erreur dans cette Ă©valuation du juge de première instance. Ă€ la suite de l’adoption de sa politique de neutralitĂ©, l’État quĂ©bĂ©cois ne peut Ă©tablir un système d’éducation qui favoriserait ou dĂ©favoriserait une religion donnĂ©e ou une vision particulière de la religion. C’est cependant Ă  lui qu’il appartient de choisir, Ă  l’intĂ©rieur de son cadre constitutionnel, les programmes d’éducation. En tenant compte de ce contexte, je ne peux conclure que le fait mĂŞme d’exposer les enfants Ă  « une prĂ©sentation globale de diverses religions sans [les] obliger [. . .] Ă  y adhĂ©rer Â» constitue un endoctrinement des Ă©lèves qui porterait atteinte Ă  la libertĂ© de religion des appelants.

[38]                          Les appelants objectent aussi que l’exposition des enfants Ă  diffĂ©rents faits religieux crĂ©e de la confusion chez ces derniers. La confusion ou le « vide » rĂ©sulterait de la prĂ©sentation, sur un pied d’égalitĂ©, de croyances diffĂ©rentes.

[39]                          Dans l’arrĂŞt Chamberlain c. Surrey School District No. 36, 2002 CSC 86 , [2002] 4 R.C.S. 710 , la Cour a eu l’occasion de se prononcer sur les dissonances cognitives que peuvent vivre les enfants qui grandissent dans une sociĂ©tĂ© diversifiĂ©e. La Juge en chef y a fait les commentaires suivants (par. 65-66) :

                    En tant que membres d’un corps scolaire hétérogène, les enfants y sont exposés tous les jours [à certaines dissonances cognitives] dans le système d’enseignement public. À l’heure des repas, ils voient leurs camarades de classe, et peut-être aussi leurs professeurs, manger des aliments qui leur sont interdits, que ce soit en raison des restrictions religieuses de leurs parents ou d’autres croyances morales. Ils voient leurs camarades porter des vêtements dont leurs parents désapprouvent les caractéristiques ou les marques. Et ils sont également témoins, dans la cour d’école, de comportements que leurs parents désapprouvent. La dissonance cognitive qui en résulte fait simplement partie de la vie dans une société diversifiée. Elle est également inhérente au processus de croissance. C’est à la faveur de telles expériences que les enfants se rendent compte que tous ne partagent pas les mêmes valeurs.

                           On peut soutenir que l’exposition à certaines dissonances cognitives est nécessaire pour que les enfants apprennent ce qu’est la tolérance.

[40]                          Les parents qui le dĂ©sirent sont libres de transmettre Ă  leurs enfants leurs croyances personnelles. Cependant, l’exposition prĂ©coce des enfants Ă  des rĂ©alitĂ©s autres que celles qu’ils vivent dans leur environnement familial immĂ©diat constitue un fait de la vie en sociĂ©tĂ©.  SuggĂ©rer que le fait mĂŞme d’exposer des enfants Ă  diffĂ©rents faits religieux porte atteinte Ă  la libertĂ© de religion de ceux-ci ou de leurs parents revient Ă  rejeter la rĂ©alitĂ© multiculturelle de la sociĂ©tĂ© canadienne et mĂ©connaĂ®tre les obligations de l’État quĂ©bĂ©cois en matière d’éducation publique. Bien qu’une telle exposition puisse ĂŞtre source de frictions, elle ne constitue pas en soi une atteinte Ă  l’al. 2a) de la Charte canadienne et Ă  l’art. 3 de la Charte quĂ©bĂ©coise.

[41]                          Les appelants n’ont pas fait la preuve que le programme ÉCR portait atteinte Ă  leur libertĂ© de religion.  Par consĂ©quent, le juge de première instance n’a pas commis d’erreur en concluant que le refus de la Commission scolaire d’exempter leurs enfants du cours ÉCR ne contrevenait pas Ă  leur droit constitutionnel.

[42]                          Par ailleurs, les appelants n’ont dĂ©montrĂ© aucune erreur justifiant d’écarter la conclusion du juge de première instance selon laquelle la dĂ©cision de la Commission scolaire n’avait pas Ă©tĂ© prise sous la dictĂ©e d’un tiers.   Pour ce qui est de la dĂ©cision de la Cour d’appel rejetant le pourvoi en raison de son caractère thĂ©orique, il suffit de mentionner que la question soumise Ă  notre Cour Ă©tait importante et justifiait que celle-ci entende le pourvoi, mĂŞme si les enfants des appelants n’étaient plus assujettis Ă  l’obligation de suivre le cours ÉCR.

[43]                          La Cour d’appel a donc eu raison de confirmer les conclusions de la Cour supĂ©rieure. Pour les motifs qui prĂ©cèdent, l’appel est rejetĂ© avec dĂ©pens.

                   


 

Les motifs des juges LeBel et Fish ont été rendus par

                    Le juge LeBel —

I.              Introduction

[44]                          Ce pourvoi soulève une fois de plus les difficultĂ©s souvent graves que provoque l’évolution des rapports entre les religions, leurs membres et la sociĂ©tĂ© ambiante dans laquelle ces religions coexistent. Les problèmes dont la Cour est saisie rĂ©sultent de la dĂ©confessionnalisation rĂ©cente des rĂ©seaux d’enseignement public au QuĂ©bec et de la mise en Ĺ“uvre par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du QuĂ©bec, en 2008, d’un programme d’éthique et de culture religieuse (« programme ÉCR Â») qui fait dĂ©sormais partie des programmes d’enseignement obligatoires au primaire et au secondaire. La mise en application de ce programme souligne Ă  nouveau la persistance du problème de l’établissement d’un rapport appropriĂ© entre la neutralitĂ© religieuse d’un Ă©tat dĂ©mocratique moderne et les convictions religieuses profondes de membres souvent minoritaires de la sociĂ©tĂ© quĂ©bĂ©coise. Dans ce contexte et vu les faiblesses propres au dossier particulier que notre Cour doit examiner, je conclurai comme ma collègue, la juge Deschamps, au rejet du pourvoi. Cependant, je n’entends pas pour autant confirmer dĂ©finitivement la validitĂ© constitutionnelle du programme ÉCR, ni, surtout, de son application particulière dans la vie quotidienne du système d’éducation. Je ferai donc certaines observations Ă  ce sujet dans les motifs qui suivent.

II.           L’origine de la contestation et ses particularitĂ©s

[45]                          La manière dont ce dĂ©bat judiciaire s’est engagĂ© n’a pas facilitĂ© l’examen et la solution des problèmes juridiques soulevĂ©s par les parties. Comme l’expose la juge Deschamps dans ses motifs, les appelants ont jumelĂ© dans une mĂŞme procĂ©dure deux demandes diffĂ©rentes. Dans la première, une demande de contrĂ´le judiciaire, ils recherchaient l’annulation du refus de leur demande d’exemption du programme ÉCR, prĂ©sentĂ©e en vertu de l’art. 222 de la Loi sur l’instruction publique, L.R.Q., ch. I-13.3 en faveur de leurs enfants. Dans la seconde, de nature dĂ©claratoire, ils rĂ©clamaient que la Cour supĂ©rieure constate que le programme ÉCR violait leur droit constitutionnel Ă  la protection de la libertĂ© de conscience et de religion, ainsi que celui de leurs enfants. De plus, cette contestation a Ă©tĂ© entreprise fort peu de temps après la mise en application du nouveau programme. Cette prĂ©cipitation ne permettait guère d’évaluer les effets concrets de la mise en Ĺ“uvre du programme au-delĂ  du seul cadre pĂ©dagogique qu’il Ă©tablissait. Cet Ă©tat de choses a affectĂ© le contenu et la qualitĂ© de la preuve.

[46]                          Je ne reviendrai pas sur la demande de contrĂ´le judiciaire proprement dite. Les constatations de faits de la Cour supĂ©rieure ne permettent pas de soutenir le moyen selon lequel la dĂ©cision refusant d’exempter les enfants des appelants du programme ÉCR aurait Ă©tĂ© nulle parce qu’elle aurait Ă©tĂ© prise sous la dictĂ©e d’un tiers ( 2009 QCCS 3875 , [2009] R.J.Q. 2398 ). Mes commentaires porteront seulement sur le volet dĂ©claratoire de la demande, c’est-Ă -dire sur l’allĂ©gation de violation de la libertĂ© de religion des appelants et de leurs enfants.

III.         L’allĂ©gation de violation de la libertĂ© de religion et la mĂ©thode d’analyse adoptĂ©e par la Cour supĂ©rieure

[47]                          Les appelants n’ont pas sollicitĂ© l’annulation du programme ÉCR. Ils ont plutĂ´t demandĂ© au tribunal de constater que le refus d’en exempter leurs enfants portait atteinte Ă  la libertĂ© de conscience et de religion que protège l’al. 2a) de la Charte canadienne des droits et libertĂ©s (la « Charte canadienne »). Ils invoquent aussi l’art. 3 de la Charte des droits et libertĂ©s de la personne du QuĂ©bec (la « Charte quĂ©bĂ©coise »), L.R.Q., ch. C-12. Ils se dĂ©finissent comme catholiques et affirment pratiquer leur religion. Selon eux, celle-ci leur impose l’obligation d’assurer la transmission de leur foi Ă  leurs enfants. En substance, disent-ils, le caractère obligatoire du programme porterait atteinte Ă  cette libertĂ© de religion. D’abord, il prĂ´nerait une vision relativiste des religions. Ensuite, il exprimerait l’idĂ©e que les valeurs religieuses ne forment pas une base sĂ»re pour prendre des dĂ©cisions Ă©thiques. Finalement, il tendrait Ă  crĂ©er un vide moral chez les enfants en les obligeant Ă  mettre de cĂ´tĂ© leurs valeurs religieuses lorsqu’ils discutent de questions Ă©thiques en classe.

[48]                          Avec Ă©gards pour le juge de première instance, je ne suis pas convaincu qu’il ait respectĂ© la grille d’analyse qu’a Ă©tablie notre Cour, d’abord Ă  l’occasion d’un dĂ©bat sur l’application de l’art. 3 de la Charte quĂ©bĂ©coise, dans l’arrĂŞt Syndicat Northcrest c. Amselem, 2004 CSC 47 , [2004] 2 R.C.S. 551 . Deux jugements subsĂ©quents de notre Cour ont appliquĂ© cette mĂ©thode d’analyse Ă  des problèmes de mise en Ĺ“uvre de l’al. 2a) de la Charte canadienne (Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, 2006 CSC 6 , [2006] 1 R.C.S. 256 , par. 34; Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, 2009 CSC 37 , [2009] 2 R.C.S. 567 , par. 32).

[49]                          Selon l’approche adoptĂ©e par notre Cour dans l’arrĂŞt Amselem, le demandeur doit d’abord Ă©tablir la sincĂ©ritĂ© de sa croyance dans une doctrine, une pratique ou une obligation religieuse. Dans ce domaine, le tribunal ne sonde pas les âmes ou les consciences et ne cherche pas Ă  se transformer en thĂ©ologien. Il vĂ©rifie la prĂ©sence d’une croyance subjective et sincère (par. 42-43). Par la suite, il dĂ©termine si le demandeur a Ă©tabli que les actes de l’État portent atteinte de manière apprĂ©ciable Ă  cette croyance (par. 58-60). Cette seconde partie de l’analyse doit conserver un caractère objectif.

[50]                          En l’espèce, l’allĂ©gation de violation de la libertĂ© de religion portait sur un aspect spĂ©cifique de celle-ci, les obligations des parents Ă  l’égard de l’éducation religieuse de leurs enfants et de la transmission de leur foi Ă  ces derniers. Le droit des parents d’éduquer leurs enfants dans leur foi fait partie de la libertĂ© de religion garantie par la Charte canadienne (B. (R.) c. Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto, [1995] 1 R.C.S. 315 , par. 105, le juge La Forest). Suivant la grille d’analyse adoptĂ©e dans l’arrĂŞt Amselem, les appelants devaient Ă©tablir la sincĂ©ritĂ© de leur croyance religieuse et l’atteinte que le programme ÉCR apporterait Ă  cet aspect de leur libertĂ© de religion.

[51]                          Dans la prĂ©sente affaire, la Cour supĂ©rieure a transformĂ© le dĂ©bat en un litige sur le caractère erronĂ© de la croyance des parents. Le premier juge a reconnu que ceux-ci Ă©taient catholiques et qu’ils croyaient avoir l’obligation de transmettre leur foi Ă  leurs enfants. Parvenu Ă  cette Ă©tape, il ne s’est pas interrogĂ© sur le contenu du programme ni sur ses effets sur la croyance allĂ©guĂ©e. En substance, le premier juge a plutĂ´t dĂ©cidĂ© que les parents en cause avaient tort de croire que les objectifs du programme nuisaient Ă  l’exĂ©cution de leurs obligations religieuses envers leurs enfants. Il s’est basĂ© principalement sur l’opinion d’un thĂ©ologien citĂ© comme expert par les intimĂ©s et sur le fait que l’AssemblĂ©e des Ă©vĂŞques catholiques du QuĂ©bec ne s’opposait pas aux objectifs du programme ÉCR. 

[52]                          Il lui aurait fallu tenter de se pencher de manière plus concrète sur le contenu du programme et sur les consĂ©quences que lui imputaient Ă  tort ou Ă  raison les appelants Ă  l’égard de l’exĂ©cution de leurs obligations religieuses. Ă€ cette Ă©tape de l’analyse constitutionnelle, il est indĂ©niable que le fardeau de la preuve reposait sur ces derniers. Le seul fait d’affirmer leur dĂ©saccord avec le programme et ses objectifs ne suffisait pas. MalgrĂ© sa sincĂ©ritĂ©, leur opinion selon laquelle un relativisme moral fondamental constitue la caractĂ©ristique essentielle de ce programme n’est pas suffisante pour Ă©tablir une violation de la Charte canadienne ou de la Charte quĂ©bĂ©coise. On doit donc vĂ©rifier si la preuve d’une telle violation a Ă©tĂ© faite.

IV.        Le problème de la preuve de la violation de la libertĂ© de religion

[53]                          Nous nous heurtons ici Ă  l’une des difficultĂ©s que pose la prĂ©sente instance pour ce qui est de l’évaluation de la conformitĂ© du programme ÉCR aux obligations constitutionnelles de la province de QuĂ©bec en matière de libertĂ© de religion. D’une part, la seule perception subjective des appelants au sujet de l’impact du programme ne permet pas de conclure Ă  une violation des deux chartes. D’autre part, la conception du programme et la teneur du cadre pĂ©dagogique et administratif ne facilitent pas l’évaluation des consĂ©quences concrètes du programme dans la vie quotidienne au sein du rĂ©seau scolaire public du QuĂ©bec. En d’autres mots, s’agit-il d’un programme qui assurera Ă  tous les Ă©lèves une meilleure connaissance de la diversitĂ© de la sociĂ©tĂ© et une approche d’ouverture aux diffĂ©rences? Ou s’agit-il plutĂ´t d’un instrument pĂ©dagogique destinĂ© Ă  sortir la religion de la tĂŞte des enfants Ă  partir d’une approche essentiellement agnostique ou athĂ©e, qui dĂ©nie toute validitĂ© de principe aux valeurs et Ă  l’expĂ©rience religieuses? Le programme est-il conforme Ă  la conception de la laĂŻcitĂ© qui s’est formĂ©e graduellement dans la jurisprudence constitutionnelle, notamment dans le domaine scolaire? La preuve au dossier ne permet pas de rĂ©pondre avec confiance Ă  ces questions.

[54]                          Dans sa jurisprudence, notre Cour a soulignĂ© l’importance de la neutralitĂ© du rĂ©seau scolaire public. Elle a reconnu que la nature mĂŞme d’un système d’enseignement public implique la crĂ©ation d’occasions pour les Ă©lèves d’origines et de religions diffĂ©rentes de prendre connaissance de la diversitĂ© des opinions et des cultures qui existent dans notre sociĂ©tĂ©, mĂŞme en matière religieuse. Le fait d’informer les Ă©lèves sur des visions diffĂ©rentes du monde ne saurait ĂŞtre assimilĂ© Ă  une violation de la libertĂ© de religion (Chamberlain c. Surrey School District No. 36, 2002 CSC 86 , [2002] 4 R.C.S. 710 , par. 65-66 et 211-212). Par ailleurs, dans le rĂ©gime politique canadien moderne, l’État conserve en principe une attitude de neutralitĂ©. L’État ne saurait d’ailleurs adopter des lois privĂ©es privilĂ©giant une religion par rapport Ă  une autre (R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295 , p. 351, le juge Dickson (plus tard Juge en chef)). Dans un pays divers comme le Canada, une telle attitude est devenue essentielle pour prĂ©server la libertĂ© constitutionnelle de croire ou de ne pas croire et celle d’exprimer ses croyances (CongrĂ©gation des tĂ©moins de JĂ©hovah de St-JĂ©rĂ´me-Lafontaine c. Lafontaine (Village), 2004 CSC 48 , [2004] 2 R.C.S. 650 ). Dans son système d’enseignement public, l’État n’a, en vertu des principes constitutionnels qui rĂ©gissent son action, ni l’obligation de favoriser la foi religieuse, ni le droit de dĂ©courager celle-ci. Seule cette vĂ©ritable neutralitĂ© respecte sa laĂŻcitĂ© (J. Woehrling, « Les principes rĂ©gissant la place de la religion dans les Ă©coles publiques du QuĂ©bec Â», dans M. JĂ©zĂ©quel, dir., Les accommodements raisonnables : quoi, comment, jusqu’oĂą? Des outils pour tous (2007), 215, p. 220).

[55]                          La preuve prĂ©sentĂ©e par les appelants pour Ă©tablir la violation de leur libertĂ© de religion consiste d’abord Ă  affirmer leur foi et leur conviction que le programme ÉCR porte atteinte Ă  leur obligation d’enseigner et de transmettre cette foi Ă  leurs enfants. En outre, ils ont dĂ©posĂ© le programme en question, lequel comprend quelques centaines de pages remplissant un volume du dossier d’appel, en plus de produire un manuel scolaire destinĂ© Ă  l’enseignement de ce programme.

[56]                          Cette documentation ne permet toutefois pas de conclure, suivant les normes de la preuve civile, Ă  une violation de la Charte canadienne ou de la Charte quĂ©bĂ©coise. Cette conclusion dĂ©coule de la nature mĂŞme du document administratif qu’a prĂ©parĂ© le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du QuĂ©bec pour expliquer le contenu gĂ©nĂ©ral du programme, ses objectifs et ses mĂ©thodes. Dans sa forme actuelle, il dit en rĂ©alitĂ© peu de chose sur le contenu concret de l’enseignement et sur l’approche qui sera effectivement adoptĂ©e par les enseignants dans leurs relations avec les Ă©lèves. Il ne dĂ©termine pas non plus le contenu des manuels ou des autres ressources pĂ©dagogiques qui seront utilisĂ©s, ni leur approche Ă  l’égard des faits religieux ou des rapports entre les valeurs religieuses et les choix Ă©thiques ouverts aux Ă©tudiants. Le programme est composĂ© d’énoncĂ©s gĂ©nĂ©raux, de diagrammes, de descriptions d’objectifs et de compĂ©tences Ă  dĂ©velopper, ainsi que de recommandations diverses sur son application. MĂŞme après une lecture attentive, il ne permet guère d’apprĂ©cier quel effet entraĂ®nera rĂ©ellement son application. Ainsi, il demeure difficile de dĂ©terminer ce que signifiera le regard privilĂ©giĂ© que le programme devra porter sur le patrimoine religieux du QuĂ©bec et sur l’importance culturelle et historique du catholicisme et du protestantisme dans cette province (d.a., vol. V, p. 710).

[57]                          Un manuel a Ă©tĂ© dĂ©posĂ©, puis des experts ont dissertĂ© et tĂ©moignĂ© de part et d’autre, en dĂ©fendant ardemment des thèses contradictoires. La preuve sur les mĂ©thodes et le contenu de l’enseignement, comme sur son esprit est restĂ©e schĂ©matique. Ă€ moins de conclure que toute exposition d’un enfant Ă  des rĂ©alitĂ©s diffĂ©rentes de celles de son milieu familial est inadmissible en raison de la protection constitutionnelle ou quasi constitutionnelle accordĂ©e Ă  la libertĂ© de religion, je ne saurais conclure que les appelants ont rĂ©ussi Ă  faire la preuve de leurs prĂ©tentions.

[58]                          Par ailleurs, l’état de la preuve ne me permet pas non plus de conclure que le programme et sa mise en application ne pourront Ă©ventuellement porter atteinte aux droits accordĂ©s aux appelants et Ă  des personnes placĂ©es dans la mĂŞme situation. Ă€ cet Ă©gard, le seul manuel scolaire versĂ© au dossier laisse dans une certaine mesure perplexe quant Ă  la prĂ©sentation des rapports entre le contenu religieux et le contenu Ă©thique du programme. Par exemple, le contenu des exercices proposĂ©s Ă  des Ă©lèves de six ans Ă  l’occasion de la fĂŞte de NoĂ«l inviterait-il Ă  la folklorisation d’une expĂ©rience et d’une tradition assimilĂ©es Ă  de simples contes sur des souris ou des voisins surprenants? Ce sont des questions et des inquiĂ©tudes possibles. Le dossier soumis Ă  notre Cour ne permet pas d’y rĂ©pondre. Toutefois, il se peut que la situation juridique Ă©volue au cours de la vie du programme ÉCR.

[59]                          Pour ces motifs et avec ces rĂ©serves, je rejetterais le pourvoi, sans dĂ©pens.

                    Pourvoi rejeté avec dépens.

                    Procureurs des appelants : Borden Ladner Gervais, MontrĂ©al.

                    Procureurs de l’intimĂ©e la Commission scolaire des ChĂŞnes : Morency SociĂ©tĂ© d’avocats, QuĂ©bec.

                    Procureurs de l’intimĂ© le procureur gĂ©nĂ©ral du QuĂ©bec : Bernard, Roy & AssociĂ©s, MontrĂ©al.

                    Procureur de l’intervenante l’Alliance des chrĂ©tiens en droit : Robert E. Reynolds, MontrĂ©al.

                    Procureurs de l’intervenante l’Association canadienne des libertĂ©s civiles : Davies Ward Phillips & Vineberg, MontrĂ©al.

                    Procureur de l’intervenante la Coalition pour la libertĂ© en Ă©ducation : Jean-Pierre BĂ©lisle, Saint-Joseph-du-Lac, QuĂ©bec.

                    Procureurs de l’intervenante l’Alliance Ă©vangĂ©lique du Canada : Vincent Dagenais Gibson, Ottawa.

                    Procureurs de l’intervenant le Regroupement ChrĂ©tien pour le droit parental en Ă©ducation : CĂ´tĂ© Avocats Inc., Sainte-Julie, QuĂ©bec.

                    Procureurs des intervenants le Conseil canadien des Ĺ“uvres de charitĂ© chrĂ©tiennes et l’Association canadienne des commissaires d’écoles catholiques : Miller Thomson, Toronto.

                    Procureurs de l’intervenante la FĂ©dĂ©ration des commissions scolaires du QuĂ©bec : Guimont, Tremblay, avocats, QuĂ©bec.

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