Gestion Champlain (1995) inc. c. B. Laflamme Asphalte inc.

2014 QCCQ 12160

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

LOCALITÉ DE

QUÉBEC

« Chambre civile »

N° :

200-32-059016-138

 

 

 

DATE :

17 novembre 2014

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

YVAN NOLET J.C.Q.

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GESTION CHAMPLAIN (1995) INC.

          

            Partie demanderesse

c.

 

B. LAFLAMME ASPHALTE INC.

et

MARCO BERGONZI

 et

MARIA DOLORES TORRES GOMEZ

          

            Partie défenderesse

 

 

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JUGEMENT

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[1]           Le 29 juillet 2014, l'honorable Lina Bond, J.c.Q. accueillait, au stade de la réception, la requête en rétractation des défendeurs du jugement rendu le 2 juillet 2014 et ordonnait aux défendeurs B. Laflamme Asphalte inc., Marco Bergonzi et Maria Dolores Torres Gomez de fournir l'ensemble de leurs coordonnés au plus tard le 15 août 2014.

[2]           Les défendeurs ont fourni leurs coordonnées dans le délai imparti.

[3]           À l'audience, les défendeurs ont fait valoir leurs motifs au soutien de leur demande de rétractation de jugement et celle-ci est accueillie.

[4]           Et procédant à nouveau sur le fond du litige, le Tribunal, après avoir entendu l'ensemble de la preuve présentée par les parties, rend jugement comme suit.

[5]           Gestion Champlain (1995) inc. (« Gestion Champlain ») réclame 3 000 $ à B. Laflamme Asphalte inc. («B.L. Asphalte»), Marco Bergonzi et Maria Dolores Torres Gomez en vertu d'un financement accepté par Capital Transit en faveur des  défendeurs.

[6]           En défense, les défendeurs soumettent que le taux d'intérêt est abusif. Ils soutiennent également que la clause du contrat qui fixe les honoraires à 3 000 $, et ce, peu importe que le prêt soit déboursé ou non, constitue une clause pénale. Les défendeurs font valoir ne jamais avoir consenti à cette clause et considère en conséquence que la réclamation doit être rejetée.

LES FAITS

[7]           Les faits les plus pertinents retenus par le Tribunal sont les suivants.

[8]           Capital Transit inc. est une entreprise qui se spécialise dans le domaine des prêts à court terme. Son président, monsieur Papillon, précise qu'elle intervient fréquemment lorsqu’un emprunteur a besoin de liquidités rapidement afin de faire face à certains engagements financiers à court terme.

[9]           Dans la présente affaire, B.L. Asphalte confirme avoir consulté un comptable qui œuvre dans le domaine de l'insolvabilité et du financement d'entreprise. Elle le mandate afin de l'aider à trouver une nouvelle institution financière pour ses activités commerciales. Selon le représentant de B.L. Asphalte, l'institution financière de l'entreprise lui demandait le remboursement des prêts qui lui avaient été consentis, et ce, à relativement court terme.

[10]        B.L. Asphalte devait ainsi agir rapidement afin de se trouver une nouvelle institution financière qui accepterait de la financer.

[11]        C'est dans ce contexte que le professionnel consulté par les défendeurs communique avec Capital Transit inc. Après avoir obtenu des informations concernant les garanties que les défendeurs pouvaient accorder à Capital Transit inc., cette dernière propose aux défendeurs un financement.

[12]        Cette offre de financement prévoit que le prêt sera d'un montant de 110 000 $, que le taux annuel du prêt sera de 22 % et que le terme sera de quatre mois. Cette période devait permettre à B.L. Asphalte de se trouver une nouvelle institution financière.

[13]        Cette offre prévoit une clause de frais de financement. Cette clause se lit ainsi :

- Frais de financements (sic)

3 000 $ + tx (payables à Gestion Champlain (1995) inc. à même le déboursé initial)

- Frais d'émission :

8 000 $ (non taxable) (payables à Capital Transit Inc. à même le déboursé initial)

- Conditions additionnelles

Les frais exigibles pour les effets retournés sont de 100$. Les frais administratifs sont fixés à 150$/hrs, au besoin. Ce prêt est non transférable. Dans l'éventualité qu'aucun acte de prêt et d'hypothèque n'est notarié et ce peu importe la raison, les frais de financement payables à Gestion Champlain (1995) inc. seront tout de même dus et exigibles. Ce financement est sujet à toutes autres conditions de l'acte de prêt hypothécaire établi selon les standards de Capital Transit Inc. et lequel a préséance sur le présent projet de financement. Ce projet est bon et valable 30 jours.

(notre soulignement)

[14]        Les défendeurs acceptent de consentir aux conditions qu'offre Capital Transit inc. et signent le document intitulé « Projet de financement ». Dès la réception de cette acceptation, Capital Transit confirme formellement par lettre, accepter le financement aux défendeurs selon les modalités indiquées au Projet de financement.

[15]        La preuve démontre que la confirmation du financement de Capital Transit a quelque peu temporisé les choses de telle sorte que B.L. Asphalte a pu obtenir un financement d'un autre prêteur à des conditions plus avantageuses.

[16]        Capital Transit ayant respecté ses engagements contractuels à l'égard des défendeurs, Gestion Champlain réclame des défendeurs la somme convenue à l'entente intervenue avec eux.

[17]        Les défendeurs soumettent que le taux d'intérêt est abusif. Ils soutiennent ainsi que l'entente n'est pas valide.

[18]        Ils mentionnent également que le contrat précise que le montant réclamé par Gestion Champlain n'était payable que s'il y avait un déboursé. Soutenant qu'il n'y en a pas eu, ils plaident qu'ils n'ont donc pas à payer cette somme.

[19]        Enfin, pour les défendeurs, les frais de financement de 3 000 $ constituent une clause de dommages anticipés. Ils font valoir ne jamais avoir consenti à cette clause et considèrent, en conséquence, que la réclamation de la demanderesse n'est pas fondée.

DISCUSSION ET CONCLUSION

[20]        Lors de l'analyse des prétentions des parties, le Tribunal doit tenir compte des règles de preuve contenues au Code civil du Québec.

[21]        L'article 2803 du Code civil du Québec indique que « Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention. […] ». Ainsi, il revient donc à la demanderesse de prouver que Capital Transit a conclu une entente avec les défendeurs, a respecté ses obligations et qu'elle, la demanderesse, a droit au paiement des frais de financement prévus à l'entente.

[22]        Si la demanderesse ne s'acquitte pas de son fardeau de preuve, sa demande sera rejetée. Si elle le fait, c'est alors qu'il y a lieu d'analyser les moyens de défense des défendeurs.

[23]        L'article 2804 du Code civil du Québec précise une règle importante qui doit guider le Tribunal dans l'analyse de la preuve présentée par les parties. Cet article précise :

« La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. »

[24]        Cet article consacre le principe à l'effet que dans un procès civil, la prépondérance d'une preuve concernant un fait est suffisante afin de prouver l'existence de ce fait.

[25]        Concernant l'entente, la demanderesse a fait la preuve que Capital Transit a accordé le financement aux défendeurs. De prime abord, par l'effet de la stipulation pour autrui prévu au projet de financement, la demanderesse a droit à la somme réclamée.

[26]        Analysons maintenant les prétentions des défendeurs.

[27]        Concernant le caractère abusif du taux d'intérêt à 22 % l'an, l'entente de financement ne concerne pas un contrat de consommation, mais bien une demande de financement afin d'assurer la poursuite des opérations de l'entreprise B.L. Asphalte.

[28]        Les défendeurs étaient de plus représentés par un professionnel dans le cadre de leurs démarches auprès de Transit Capital. Dans ce contexte particulier, l'argument des défendeurs n'est pas pertinent et ne leur est d'aucune utilité afin de refuser le paiement de la somme de 3 000 $ qui leur est réclamée.

[29]        Traitons de l'argument relatif au fait que la clause des frais de financement prévue à l'entente serait, de l'avis des défendeurs, assimilable à une clause pénale.

[30]        Bien que les défendeurs aient soumis certaines décisions à cet égard[1], chaque dossier doit être analysé en fonction de la preuve présentée et de la convention qui lie les parties.

[31]        En l'espèce, la clause prévue à l'entente précise que les frais de financement visent à couvrir les démarches effectuées par Capital Transit afin d'évaluer le dossier et l'élaboration du projet. Lorsque le prêt est accordé aux termes du projet de financement, Capital Transit a effectué un ensemble de démarches qu'elle mentionne au document. Une fois toutes ces démarches effectuées, c'est alors qu'elle émet une lettre confirmant le financement. À cet égard, elle a donc respecté ses engagements contractuels.

[32]        La clause analysée est contenue dans un projet de financement relié aux activités commerciales d'une entreprise. Le texte est clair et il n'y a pas d'ambiguïté concernant l'obligation des défendeurs à payer les frais de financement même si le déboursé n'est pas effectué. En fait, ces frais ne sont pas en relation avec le déboursé du prêt. Ils sont reliés à la préparation d'une offre de financement dont les défendeurs ont accepté les conditions.

[33]        Quant au fait que ces frais sont payables à même le déboursé initial, cela ne signifie pas qu'ils ne sont pas dus s'il n'y a pas de déboursé. Cela signifie simplement que s'il y a un déboursé, les frais seront payés à même celui-ci. Lorsqu'il n'y a pas de déboursé, les conditions additionnelles stipulent que les frais de financement sont dus par les parties et payables à Gestion Champlain.

[34]        Ainsi, les motifs de contestation des défendeurs sont rejetés.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[35]        ACCUEILLE la demande;

[36]        CONDAMNE solidairement B. Laflamme Asphalte inc., Marco Bergonzi et Maria Dolores Torres Gomez à payer à Gestion Champlain (1995) inc. la somme de 3 000 $ avec intérêts au taux légal de 5 % l'an, à compter de l'assignation, ainsi que les frais judiciaires de 185 $.

 

 

 

 

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YVAN NOLET, J.C.Q.

 

Date d’audience :

7 octobre 2014

 



[1]     Gestion Champlain inc. c. Kelly, 2012 QCCQ 5084 et Gestion Champlain 1995 inc. c. Fortin, 2010 QCCQ 19783.

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