Décision

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Québec (Ministère des Transports) et Commission de la santé et de la sécurité du travail

2008 QCCLP 1975

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Trois-Rivières

1er avril 2008

 

Région :

Richelieu-Salaberry

 

Dossier :

291740-62-0606-2

 

Dossier CSST :

124141334

 

Commissaire :

Me Jean-François Clément, président

Me Diane Lajoie

Me Jean-François Martel

 

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Ministère des Transports

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 13 juin 2006 l’employeur, Ministère des Transports, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) le 7 juin 2006, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 5 décembre 2005 et déclare que la totalité des coûts relatifs à l’accident du travail subi par le travailleur, monsieur Alain Nadeau, le 12 août 2003, doit être imputée à l’employeur.

[3]                Par une ordonnance rendue le 10 octobre 2006 par la commissaire Sylvie Moreau, le présent dossier a été réuni à plusieurs autres dossiers dont les questions en litige sont en substance les mêmes.

[4]                Le 23 février 2007, la présidente de la Commission des lésions professionnelles, Me Micheline Bélanger, désignait une formation de trois commissaires pour entendre l’ensemble de ces dossiers, lesquels concernent tous une demande de transfert de coûts en raison d’un accident attribuable à un tiers.

[5]                Le tribunal a tenu des audiences les 21 et 22 juin 2007 à Québec et les 26 octobre et 26 novembre 2007 à Montréal. Les employeurs Ville de Montréal, Sûreté du Québec, Ministère des Transports du Québec, Expertech Bâtisseur Réseaux inc., Fondation Pétrifond cie ltée et Bell Canada de même que la CSST ont mandaté des procureurs à l’audience. Le Ministère des Transports et Bell Canada ont aussi délégué des représentants.

[6]                Le délibéré dans tous ces dossiers a débuté le 26 novembre 2007.

 

LES FAITS

[7]                Du dossier constitué par la Commission des lésions professionnelles, le tribunal retient les éléments pertinents suivants.

[8]                Le travailleur occupe un emploi de technicien en travaux publics chez l’employeur. Le 12 août 2003, il effectue un travail de surveillance sur un chantier de construction, à Chambly. Dans le cadre de son travail et afin de libérer les voies de circulation, le travailleur demande à un entrepreneur, Construction Grenier ltée, qui exécute des travaux sur le chantier, de déplacer de l’équipement.

[9]                Au cours de la manœuvre effectuée pour déplacer des compresseurs, une seule des roues monte sur le trottoir, ce qui provoque le recul du véhicule. À ce moment, la base du véhicule frappe le travailleur au pied et à la cheville gauches.

[10]           Le travailleur subit une fracture de la cheville gauche qui est reconnue comme lésion professionnelle par la CSST. Cette lésion entraîne une atteinte permanente de 10,65%.

[11]           Le 22 septembre 2003, l’employeur adresse à la CSST une demande de transfert de coûts, conformément à l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[12]           Le 5 décembre 2003, la CSST rend une décision par laquelle elle refuse la demande de transfert de coûts présentée par l’employeur. La CSST déclare que même si l’accident était attribuable à un tiers, il n’est pas injuste d’en imputer les coûts à l’employeur puisque cet accident fait partie des risques inhérents à l’ensemble de ses activités.

[13]           Cette décision est confirmée le 7 juin 2006, à la suite d’une révision administrative, d’où le présent litige.

[14]           Selon la pièce CSST-1 déposée à l’audience, à l’époque pertinente l’employeur appartient à l’unité de classification 58060 : «Ministère des Transports du Québec».

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[15]           Le tribunal doit décider si l’employeur a droit au transfert des coûts reliés à l’accident du travail subi le travailleur le 12 août 2003 et ce, en vertu de l’article 326 de la loi :

326.  La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.

__________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

 

 

 

[16]           Afin de statuer sur le présent litige, le tribunal réfère aux motifs élaborés dans la décision rendue le 28 mars 2008 concernant l’affaire Ministère des Transports et Commission de la santé et de la sécurité du travail[2].

[17]           Ainsi, pour réussir dans son recours, l’employeur doit démontrer que l’«accident du travail» survenu est «attribuable» à un «tiers» et qu’il est «injuste» de faire supporter à l’employeur les coûts de cette lésion professionnelle.

[18]           En l’espèce, il n’est pas remis en question que l’accident du travail est attribuable à un tiers.

[19]           Ne reste donc qu’à décider si l’imputation à l’employeurs est injuste, eu égard aux facteurs suivants :

-          les risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur, les premiers s’appréciant en regard du risque assuré alors que les secondes doivent être considérées, entre autres, à la lumière de la description de l’unité de classification à laquelle il appartient ;

-          les circonstances ayant joué un rôle déterminant dans la survenance du fait accidentel, en fonction de leur caractère extraordinaire, inusité, rare et/ou exceptionnel, comme par exemple les cas de guet apens, de piège, d’acte criminel ou autre contravention à une règle législative, règlementaire ou de l’art;

-          les probabilités qu’un semblable accident survienne, compte tenu du contexte particulier circonscrit par les tâches du travailleur et les conditions d’exercice de l’emploi ;

[20]           Rien dans la preuve ne permet de conclure que l’accident en cause ne fait pas partie des risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur. La réalisation des travaux de construction et de réfection routière fait partie de ces activités. La surveillance d’un chantier de construction s’inscrit dans le cadre des activités normales et courantes de l’employeur.

[21]           De plus, rien ne démontre que les circonstances de l’accident telles que décrites sont inusitées, rares ou exceptionnellles ou qu’elles puissent être assimilées à un piège ou un guet-apens.

[22]           La commission d’un acte criminel ou d’une infraction particulière n’est pas non plus démontrée.

[23]           Enfin, les probabilités qu’un semblable accident se produise dans l’accomplissement des tâches du travailleur, compte tenu des conditions d’exercice de l’emploi (surveillance d’un chantier à proximité des voies de circulation et en présence de machinerie) sont élevées.

[24]           Dans ce contexte, le tribunal conclut que l’imputation des coûts à l’employeur n’est pas injuste.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de l’employeur, Ministère des Transports du Québec;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 7 juin 2006, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le coût des prestations dues en raison de l’accident du travail subi par le travailleur, monsieur Alain Nadeau, le 12 août 2003, doit être imputé à l’employeur.

 

 

__________________________________

 

Me Jean-François Clément, président

 

Commissaire

 

 

 

 

 

 

 

 

__________________________________

 

Me Diane Lajoie

 

Commissaire

 

 

 

 

 

 

 

__________________________________

 

Me Jean-François Martel

 

Commissaire

 

 

 

 

 

 

 

Me Isabelle Robitaille

Crevier, Royer Sec. Cons. Du Trésor

Procureure de la partie requérante

 

 

Me François Fortier

Panneton Lessard

Procureur de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c.A-3.002

[2]           C.L.P., 288809-03B-0605, J.-F. Clément, D. Lajoie, J.-F. Martel

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