Desrosiers c. Agence du revenu du Québec
JL3793 |
2015 QCCQ 3287 |
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COUR DU QUÉBEC Division administrative et d'appel |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre Civile » |
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N° : |
500-80-021126-124 |
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DATE : |
24 mars 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MARIE MICHELLE LAVIGNE, J.C.Q. |
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JEAN DESROSIERS |
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Demandeur |
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c. |
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L'AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Le Tribunal siège en appel des avis de cotisation émis par l’Agence du Revenu du Québec (ARQ) au demandeur Jean Desrosiers avocat, concernant les années d’imposition 2005, 2006 et 2007,
[2] Lors d’une première vérification, le ministère du revenu du Québec[1], tel qu’il était appelé à l’époque, a ajouté aux revenus de Jean Desrosiers un montant de 40 573,00 $ pour l’année 2005, 139 971,00 $ pour l’année 2006 et 22 589,00 $ pour l’année 2007[2].
[3] Les crédits d’impôt pour TVQ ont également été refusés au contribuable.
[4] Ces cotisations ont été établies sur la base de la méthode alternative du mouvement de trésorerie.
[5] Jean Desrosiers s’est opposé à ces cotisations[3]. À la suite de cette opposition, l’ARQ a modifié les cotisations émises[4]. Les revenus non déclarés de Jean Desrosiers ont été établis de la façon suivante[5]:
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Revenus déclarés par le contribuable |
Revenus non déclarés avant opposition |
Revenus non déclarés après opposition |
2005 |
27 925,00$ |
40 573,00$ |
25 194,00$ |
2006 |
29 600,00$ |
139 971,00$ |
71 764,00$ |
2007 |
25 745,00$ |
22 589,00$ |
71 606,00$ |
[6] Des avis de cotisation ont été émis le 29 novembre 2011[6].
Le recours à une méthode alternative
[7] Le système fiscal canadien est basé sur l'autodéclaration et l'autocotisation. Tous les contribuables sont tenus de déclarer l'ensemble de leurs revenus et d'établir l'impôt payable. Les contribuables doivent conserver les preuves, livres, registres et informations justifiant les déclarations fiscales effectuées[7] .
[8] Une cotisation fiscale bénéficie par la loi d'une présomption de validité qui peut cependant être repoussée par le contribuable[8]. Depuis les enseignements de la Cour suprême du Canada dans Hickman Motors Ltd. c. Canada[9], le fardeau de preuve du contribuable à cet égard est bien établi.
[9] Le fardeau initial du contribuable consiste à démolir l'exactitude de la présomption de validité de la cotisation en présentant une preuve prima facie. Lorsque le contribuable a présenté une telle preuve, il y a renversement du fardeau. Le fisc doit alors réfuter la preuve prima facie et prouver la cotisation établie de façon prépondérante.
[10] La Cour canadienne de l'impôt, dans la décision Stewart c. Canada[10], a établi ce qui, selon elle, constitue une preuve prima facie:
[23] Une preuve prima facie est celle qui est étayée par des éléments de preuve qui créent un tel degré de probabilité en sa faveur que la cour doit l'accepter si elle y ajoute foi, à moins qu'elle ne soit contredite ou que le contraire ne soit prouvé. Une preuve prima facie n'est pas la même chose qu'une preuve concluante, qui exclut la possibilité que toute conclusion, autre que celle établie par cette preuve, soit vraie.
[11] La Cour d'appel du Québec dans l'arrêt St-Georges c. Québec (Sous-ministre du revenu)[11] a expliqué le degré de preuve requis de la part du contribuable lorsque celui-ci tente de «démolir» l'exactitude de l'avis de cotisation émis par l'autorité fiscale. Le Tribunal s'exprimait ainsi:
[11] La preuve du contribuable doit toutefois comporter un certain degré de précision et de probabilité en sa faveur par opposition à des allégations vagues et ambiguës. Règle générale, la simple affirmation du contribuable ne suffit pas; elle aura avantage à être soutenue par une preuve documentaire ou circonstancielle.
[12] La thèse voulant qu'une simple négation de la part du contribuable puisse contrer la présomption de validité de l'article 1014 L.I. reviendrait à priver cet article de tout son sens.
[12] Lorsqu'il s'agit d'une cotisation basée sur une méthode indirecte ou alternative de vérification, l'examen de la présomption de validité de la cotisation doit s'interpréter en conséquence. Par définition, l'utilisation d'une méthode indirecte ou alternative implique une part d'arbitraire. Cette méthode est toujours une solution de rechange et de dernier recours utilisée par le fisc lorsque les informations provenant du contribuable ne sont pas fiables ou sont inexistantes.
[13] Lorsque le fisc a des motifs raisonnables de douter des informations fournies par le contribuable ou lorsqu'il se bute à une carence dans les livres et registres comptables, il peut avoir recours à des méthodes indirectes ou alternatives de vérification pour établir la cotisation (qu'on appelle aussi des techniques de vérification estimative). C'est le sens qu'il faut donner à l'article 95.1 de la Loi sur l'administration fiscale.
95.1 Le ministre n'est pas lié par une déclaration fiscale, un rapport, une demande de remboursement ou les renseignements fournis par une personne ou en son nom et il peut, malgré la déclaration, le rapport, la demande ou les renseignements ou en l'absence d'une déclaration, d'un rapport, d'une demande ou de renseignements, faire une cotisation ou déterminer un remboursement.
[14] Dans un tel cas, l'angle sous lequel la présomption de cotisation doit être considérée et le fardeau de preuve du contribuable sont quelque peu différents. Dans la décision Garo[12], le Tribunal reprend certains principes s'appliquant à la présomption de validité d'une cotisation basée sur une méthode indirecte ou alternative de vérification:
· Lorsque le fisc a recours à une méthode de vérification estimative, le degré de preuve requis du contribuable qui conteste un avis de cotisation doit être apprécié en conséquence.
· Il ne peut être le même que dans les situations où la cotisation est fondée sur une étude exhaustive des livres comptables démontrant, chiffres à l'appui, que les déclarations du contribuable sont mensongères, ou sur l'omission de déclarer ce qui de façon patente constitue un revenu[13].
· Lorsque la cotisation est fondée sur une méthode alternative, la question n'est pas tellement de déterminer si une façon de procéder est préférable à l'autre, mais si le résultat est fiable et suffisant pour atteindre la qualité requise.
· À cause de la présomption légale de validité attachée à la cotisation, il appartient au contribuable de démontrer que la méthode utilisée pour l'établir n'était pas fiable ou que les conditions requises pour y recourir n'ont pas été observées.
· Généralement, pour y recourir, les livres et les registres du contribuable doivent être inadéquats, inexacts, non fiables ou tout simplement inexistants.
· La méthode de cotisation par sondage, par échantillonnage ou sur la base d'indices, est une méthode acceptable si la cotisation est fondée sur des présomptions raisonnables ou un échantillonnage représentatif, permettant de tirer des conclusions réalistes et justifiées.
· L'utilisation de la méthode estimative contient nécessairement une part d'arbitraire. Les tribunaux doivent décider si le choix de cette méthode est raisonnable.
[15] Il existe plusieurs méthodes estimatives de vérification (ou "techniques de vérification indirectes") utilisées par les autorités fiscales lorsqu'il appert que les registres et livres comptables du contribuable sont inadéquats, inexacts, non fiables ou inexistants. Le recours à ces méthodes part du constat que "les revenus non déclarés ne se retrouvent habituellement pas dans les livres et registres de l'entreprise"[14].
[16] La méthode de vérification estimative la plus connue est celle de l'avoir net appliquée fréquemment à l'égard des particuliers ou encore celle basée sur les mouvements de trésorerie.
[17] Avant d'avoir recours à une méthode de vérification indirecte, telle que celle des mouvements de trésorerie, le fisc doit d'abord avoir conclu, pour des motifs raisonnables, que les livres, registres et pièces justificatives de l'entreprise ou du contribuable ne sont pas fiables ou comportent des inexactitudes importantes. La présence d'indices relatifs à la non-fiabilité des informations ébranle la présomption de bonne foi, d'honnêteté et d'intégrité du contribuable et permet au fisc de considérer des méthodes alternatives d'évaluation des revenus du contribuable. La preuve de la non fiabilité des livres, registres et pièces justificatives repose sur les épaules du fisc.
[18] Dans le cas présent, le fisc s’est heurté à un manque de collaboration de Jean Desrosiers. Plusieurs demandes du ministère pour obtenir des renseignements supplémentaires et des documents ont été ignorées par Jean Desrosiers[15]. Les informations fournies étaient incohérentes avec les déclarations de revenus.
[19] La façon dont l’appelant conduit aujourd’hui son procès corrobore ce manque de transparence et de collaboration. En l’absence de preuve tangible supportant les déclarations fiscales de Jean Desrosiers, l’ARQ a eu raison d’utiliser la méthode alternative de vérification par mouvement de trésorerie.
L’audition
[20] À la suite de l’émission par l’ARQ d’avis de cotisation en date du 29 novembre 2011[16], Jean Desrosiers a produit une requête introductive d’instance en appel des cotisations. Étant lui-même avocat, Jean Desrosiers se représente seul.
[21] Dans une déclaration de dossier complet produite par Jean Desrosiers le 15 juin 2012, celui-ci déclare vouloir faire entendre au procès 10 témoins dont ses 2 comptables Chantal Marcotte et Philippe Célestin, 3 représentants de diverses caisses populaires, des chauffeurs locataires de ses taxis (le nombre n’est pas spécifié), Mme Télémaque, M. Kénol, Me Ronald Lebel et Mme Bousquet.
[22] L’audition du procès débute le 5 septembre 2014.
[23] D’entrée de jeu, Jean Desrosiers demande une remise. Il était absent lors de l’appel du rôle du 4 décembre 2012. La cause a été fixée en son absence pour 1 journée. Le matin de l’audition Jean Desrosiers prétend qu’il a besoin de plus qu’une journée pour procéder et demande une remise. Lorsque le Tribunal lui suggère que la cause procède pour la journée disponible, quitte à continuer à une date ultérieure, Jean Desrosiers allègue ne pas pouvoir procéder en l’absence de ses 2 comptables, Chantal Marcotte et Philippe Célestin et de la représentante de la caisse populaire, Mme Sall.
[24] Le Tribunal insiste pour que le procès débute malgré l’absence des témoins qui pourront témoigner à la prochaine date d’audition.
[25] Finalement, Jean Desrosiers allègue qu’il n’a pas les capacités ni la force psychologique pour procéder à l’audition de sa cause puisqu’il serait malade. Il n’a cependant aucun rapport médical pour justifier sa condition actuelle.
[26] Le Tribunal insiste pour que le procès débute. D’ailleurs, les deux témoins assignés par Jean Desrosiers et représentant les caisses populaires sont présents à l’audience.
[27] Mme Martine Bélanger et Mme Hélène Gouveia représentent des caisses populaires Desjardins. Elles produiront chacune des lettres émanant des caisses populaires et des états de comptes[17] de Jean Desrosiers. Leur témoignage est bref et aurait pu être évité par la signification d’un avis sous l’article 403 C.p.c.
[28] Par la suite, Jean Desrosiers n’a pas d’autres témoins à faire entendre. Afin de profiter du temps alloué par la Cour pour ce procès, le Tribunal consent à inverser l’ordre des témoins pour procéder à l’audition du vérificateur de l’ARQ M. Chi Dai Nhieu.
[29] M. Nhieu est technicien en vérification et responsable du dossier pour l’ARQ. Il explique que, pour les années d’imposition 2005, 2006 et 2007, Jean Desrosiers avait 3 sources de revenus :
· Ses revenus de profession d’avocat;
· Ses revenus provenant de l’exploitation de 5 permis de taxis;
· Des revenus d’intérêts et de placements.
[30] Il témoigne de ses demandes auprès de Jean Desrosiers et de sa comptable Chantal Marcotte pour obtenir des informations corroborant les déclarations.
[31] Il explique l’émission des premiers avis de cotisation[18] et des nouveaux avis de cotisation à la suite d’une décision sur l’opposition[19].
[32] Il explique au Tribunal la réconciliation des mouvements de trésorerie qu’il a effectuée pour les années 2005 à 2007.
[33] Il mentionne entre autres l’achat par Jean Desrosiers d’un chalet en 2007 au montant de 135 000,00 $[20] payé comptant. Il souligne que Jean Desrosiers est aussi propriétaire d’une résidence à St-Lambert qui a été achetée 200 000,00$ en 1999 et qu’il n’avait aucune hypothèque au moment des cotisations. À cette époque, il détient aussi 5 permis de taxi et des placements qui généraient des intérêts[21]. Il exploitait aussi un bureau d’avocat.
[34] M. Nhieu fait l’historique des prêts qui ont été remboursés par Jean Desrosiers.
[35] M. Nhieu explique la méthode alternative de vérification utilisée pour établir les cotisations, soit les mouvements de trésorerie.
[36] Finalement, M. Nhieu a reconstitué l’état des dépenses personnelles de Jean Desrosiers en tenant compte des mouvements de trésorerie, des informations colligées et des déclarations de Jean Desrosiers.
[37] M. Nhieu produit son rapport de vérification avec les documents qui y sont reliés[22].
[38] L’enquête effectuée par M. Nhieu est exhaustive et méticuleuse et elle supporte les cotisations. Le bref contre-interrogatoire effectué par Jean Desrosiers ne réussit pas à ébranler la crédibilité de M. Nhieu, ni les conclusions de son rapport.
[39] Après le bref contre-interrogatoire par M. Nhieu, l’audition est suspendue. Le procès est alors fixé pour continuation les 14 et 15 janvier 2015. Jean Desrosiers mentionne que ses témoins seront alors Chantal Marcotte, comptable, Philippe Célestin ou possiblement un certain M. Falcone, également comptable et M. Paul Chéri.
[40] Interrogé sur la présence de M. Falcone qui n’a jamais été mentionné dans la déclaration de l’avocat et qui n’est pas un témoin factuel, Jean Desrosiers dit qu’il entend le faire témoigner comme expert. L’ARQ s’objecte. Aucun rapport d’expert n’a été produit au dossier à ce jour. Le débat relatif à cette objection est alors remis au 14 janvier 2015.
[41] À la reprise de l’audience le 14 janvier 2015, Chantal Marcotte, Philippe Célestin, Paul Chéri ou les autres témoins annoncés par Jean Desrosiers dans sa déclaration pour mise au rôle ne sont pas présents et n’ont pas été convoqués.
[42] Jean Desrosiers témoigne. Rappelons qu’il doit démolir la présomption de validité des cotisations émises à son endroit par une preuve prima facie.
[43] Il raconte être arrivé au Québec en 1977 et bien qu’il ait vécu dans un état de pauvreté extrême, il a investi dans l’immobilier dans la région de St-Hyacinthe en achetant des immeubles à revenus.
[44] Il affirme avec fierté avoir été accepté au Barreau du Québec à l’âge de 40 ans.
[45] Il parle de sa pratique d’avocat qui serait très modeste puisqu’il représente presque exclusivement des accidentés de la route et du travail.
[46] Il parle par la suite de son entreprise de taxi. Au moment des cotisations, il était propriétaire de 5 permis de taxis. Deux de ces permis ont récemment été vendus pour plus de 190 000,00 $ chacun. Il n’a aucun document pour expliquer les revenus générés par l’exploitation de ces permis.
[47] Il affirme « ne pas être un homme de papiers ». Il dit même que le Barreau l’a sommé de prendre en charge son bureau. Il reconnaît avoir un problème de gestion de documents. Au cours de son témoignage, il cherche constamment de la documentation pour supporter ses allégations, documentation qu’il arrive rarement à retrouver. Il cite des chiffres approximatifs sans faire référence à des documents ou des pièces.
[48] Il affirme cependant avec conviction que les chiffres retenus par l’ARQ sont faux, exagérés et que plusieurs montants, éléments ou dépenses n’ont pas été tenus en compte. Son témoignage est confus, truffé d’affirmations gratuites telles que « Je n’ai pas pu recevoir 41 000,00 $, qu’est ce que j’aurais fait avec 41 000,00 $. C’est impossible ».
[49] Il affirme « Je n’ai rien déboursé pour le chalet » alors que l’acte notarié mentionne que le chalet a été acheté pour 135 000,00 $. Puisqu’il s’agit d’un prêt il considère ne rien avoir déboursé : « C’est la banque qui a payé ».
[50] Il parle de ses dépenses et de son train de vie. Par son témoignage, il contredit l’état de revenus et dépenses qu’il a lui-même confectionné.
[51] Par la suite, il désire faire témoigner Luigi Falcone, à titre d’expert comptable.
[52] L’ARQ s’objecte à ce témoignage et au dépôt du rapport[23] de M. Falcone. Le rapport n’a pas été signifié conformément aux règles du Code de procédure civile. De plus, l’ARQ doute de la compétence de M. Falcone pour agir à titre d’expert comptable.
[53] Afin de donner toutes les opportunités au contribuable de réfuter la cotisation fiscale, le Tribunal accepte le dépôt du rapport de M. Falcone et son témoignage sous réserve de statuer ultérieurement sur sa compétence et sa crédibilité à la suite de son témoignage.
[54] Luigi Falcone dit détenir un baccalauréat en comptabilité de l’Université Concordia (1984) et une maîtrise en comptabilité de l’UQAM. Il a travaillé pour Revenu Canada pendant 19 ans à la vérification des taxes d’accise. Il a démissionné « pour des raisons personnelles » et travaille maintenant pour une compagnie autochtone qu’il ne nomme pas.
[55] Il admet n’être membre d’aucune corporation professionnelle reliée au domaine de la comptabilité ou des finances.
[56] Il reconnaît aussi faire l’objet d’accusations criminelles portées contre lui en 2012 par son ex-employeur Revenu Canada. Le plumitif de la Cour démontre qu’il fait l’objet de 4 chefs d’accusation : 1 chef de corruption de fonctionnaire (art. 120 c.cr), 2 chefs de fraudes envers le gouvernement (121 c.cr), et le dernier chef d’abus de confiance par un fonctionnaire public (122 c.cr). Son procès se tiendra en février 2016. Il prétend n’avoir rien à se reprocher et il soulève la présomption d’innocence.
[57] Il dit ne détenir aucun mandat particulier de la part de Jean Desrosiers. Il est présent aujourd’hui à la Cour « as a friend ».
[58] Il a pris connaissance du dossier pour la première fois en septembre 2014. (La première date de procès était le 5 septembre 2014).
[59] Il témoigne par la suite sur son « rapport » qui, selon lui, démontre l’inexactitude de la cotisation du ministère. Il n’a pas consulté les déclarations de revenus de Jean Desrosiers pour le confectionner. Il n’a pas consulté tous les comptes de banque de Jean Desrosiers puisqu’il ne les a pas en sa possession.
[60] Il est évident que M. Falcone ne détient aucune qualification, aucune compétence et aucune crédibilité pour agir à titre d’expert dans le cadre d’un dossier judiciaire. Jean Desrosiers, étant avocat, ne peut l’ignorer. Le témoignage de M. Falcone n’est pas crédible, sa méthode d’analyse est incompréhensible, ses conclusions ne sont pas basées sur des faits mis en preuve. Le témoignage de M. Falcone n’est d’aucune utilité pour renverser la présomption de validité des cotisations fiscales. Après ce témoignage, Jean Desrosiers déclare que sa preuve est close.
[61] L’ARQ fera par la suite témoigner Mme Marie-Andrée Bolduc, chef d‘équipe aux oppositions, qui explique son rapport fait à la suite des oppositions et les modifications qu’elle a faites aux cotisations initiales. Son témoignage est cohérent avec les conclusions de M. Nhieu et les documents produits. Il corrobore d’autant plus les cotisations émises par l’ARQ.
[62] En plaidoirie, Jean Desrosiers produira un document « pas à titre de pièce mais uniquement pour supporter sa plaidoirie ». Il s’agit du tableau produit par M. Falcone qu’il a modifié pour tenir compte de certains faits qui sont ressortis en interrogatoire et en contre interrogatoire.
[63] Jean Desrosiers, nie avoir un rythme de vie aisé. Il réitère que les informations utilisées pour calculer son coût de vie, sont fausses sans toutefois le démontrer par une preuve documentaire.
[64] Il admet avoir une maison entièrement payée à St-Lambert d’une valeur de 500 000 $. Il reconnaît avoir possédé aux époques pertinentes 2 voitures Mercedes, une à la suite de l’autre, une voiture BMW et avoir acquis un chalet en 2007 au prix de 135 000,00 $.
[65] Aujourd’hui, il possède aussi un condominium en Floride d’une valeur de 150 000,00 $.
[66] Bien que Jean Desrosiers clame haut et fort sa droiture et son respect de la loi, il apparaît au contraire qu’il a fait de fausses déclarations de revenus pour les années en cause. Malgré son témoignage sous son serment d’office à titre d’avocat, Jean Desrosiers a menti à plusieurs reprises et s’est contredit. Il a fait preuve de négligence flagrante et d’insouciance dans la confection de ses rapports d’impôt et autres déclarations fiscales. Il a fait fi de toutes les règles généralement reconnues en matière de comptabilité.
[67] Il n’a pas réussi à renverser la présomption de validité de la cotisation.
[68] Au contraire, son témoignage et celui de son présumé expert comptable n’ont fait que confirmer que leurs prétentions ne sont pas sérieuses et ne sont pas fondées sur une preuve crédible.
[69] L’imposition des intérêts courus et d’une pénalité en application de l’article 1049 de la Loi sur les impôts[24] est justifiée dans le présent cas.
[70] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL
REJETTE l’appel logé par le demandeur Jean Desrosiers;
CONFIRME les avis de cotisation émis par l'Agence du Revenu du Québec sous les numéros MQ392833C02, MU168386C03 et QU119739C02 datés du 29 novembre 2011 pour les années d’imposition 2005, 2006 et 2007;
LE TOUT avec les entiers dépens.
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__________________________________ MARIE MICHELLE LAVIGNE, J.C.Q. |
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Me Jean Desrosiers |
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Se représente seul |
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Me Nadja Chatelois |
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Larivière Meunier |
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Procureur de la défenderesse |
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Dates d’audience : |
5 septembre 2014, 14 et 15 janvier 2015 |
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[1] Les requêtes introductives d’instance déposées à l’origine contre le Sous Ministre du Revenu sont continuées à partir du 1er avril 2011, sans reprise d’instance, par l’Agence du Revenu du Québec conformément à la Loi sur l’Agence du Revenu du Québec (L.Q. 2010, C. 31, art. 176 et 202)
[2] Pièces D-4 et D-5
[3] Pièce D-6
[4] Pièce D-8
[5] Pièce D-7
[6] Pièce D-8
[7] Article 34 de la Loi sur l'administration fiscale, RRQ, c A-6.002
[8] Article 1014 de la Loi sur les impôts, L.R.Q., c. I-3
Art. 1014. Sous réserve des modifications ou de l’annulation résultant d’une opposition, d’un rappel OU d’un appel sommaire-et sous réserve d’une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée valide et tenante nonobstant toute erreur, vice de forme ou omission qui s’y trouve ou qui se trouve dans toute procédure s’y rattachant. Toutefois, Iorsqu’un tribunal annule une cotisation pour le motif qu’elle est émise au-delà de la période au cours de laquelle le ministre peut faire une nouvelle cotisation ou établir une cotisation supplémentaire aux termes des sous-paragraphes a, a.O.l ou a.1 du paragraphe 2 de l’article 1010, selon le cas,. La cotisation que remplaçait celle ainsi annulée demeure valide et tenante mais tout délai prévu à une loi fiscale et applicable à son égard ne commence à courir qu’à compter de la date du jugement annulant la dernière cotisation
[9] Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336
[10] Stewart c. Canada, [2000] A.C.I. no 53
[11] St-Georges c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2007 QCCA 1442
[12] Atelier de pneus Garo ltée c. Québec (Sous-ministre du Revenu) (Agence du revenu du Québec), 2012 QCCQ 9736
[13] Québec (Sous-ministre du Revenu) c. Valentini, 2007 QCCA 886
[14] Michel Lepine c. La Reine, 99 DTC 358
[15] Les demandes écrites du ministère du 19 novembre 2007 au 19 novembre 2009 sont déposées en liasse sous les cotes D-2, D-3, D-4
[16] Pièce D-8
[17] Ces documents auraient pu être produits avec un avis sous l’article 403 C.p.c. afin d’éviter le déplacement à la Cour de ces témoins
[18] Pièce D-5
[19] Pièce D-8
[20] Pièce P-11
[21] Voir annexes 6 et 7 de pièce D-9
[22] Pièce D-9
[23] Pièce P-16
[24] Article 1049 de la Loi sur les impôts, chapitre I-3
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.