Abssisse et Composite BHS inc. |
2014 QCCLP 5751 |
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[1] Le 3 juillet 2014, monsieur Abdelhamid Abssisse (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 4 juin 2014 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision rendue initialement le 23 avril 2014 à la suite d’un avis du Bureau d’évaluation médicale du 11 avril 2014, et déclare que la CSST est justifiée de poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se prononce sur la capacité du travailleur d’exercer son emploi, puisque la lésion est consolidée avec limitations fonctionnelles.
[3] Par cette même décision, la CSST déclare également que le travailleur a droit à une indemnité pour préjudice corporel étant donné la présence d’une atteinte permanente.
[4] L’audience s’est tenue à Saint-Hyacinthe le 6 octobre 2014, en présence du travailleur dûment représenté.
[5] L’entreprise Composite B.H.S. inc. (l’employeur), bien que dûment convoquée, est absente à l’audience.
[6] Le dossier a donc été mis en délibéré dès le 6 octobre 2014.
L’OBJET DU MOYEN PRÉALABLE
[7] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le neurochirurgien Daniel Shedid, membre du Bureau d’évaluation médicale, dans son avis du 11 avril 2014, n’avait pas à se prononcer sur la question des limitations fonctionnelles.
[8] Conséquemment, la CSST n’était pas liée par cet avis et la décision qui entérine cet avis est donc « irrégulière ».
LES FAITS
[9] Le travailleur œuvre à titre d’aide-technicien au profit de l’employeur depuis le mois d’avril 2011 lorsqu’il est victime d’un accident de travail en date du 22 septembre 2011.
[10] Selon la réclamation qu’il produit à la CSST le 17 octobre 2011, le travailleur ressent une douleur au dos alors qu’il soulève un moule pesant entre 150 et 200 livres.
[11] Dans une attestation médicale du 30 septembre 2011, la docteure Anne Larkin pose le diagnostic de hernie discale. Ce diagnostic est maintenu lors des consultations médicales subséquentes.
[12] Le 10 novembre 2011, la CSST accepte la réclamation du travailleur à titre de lésion professionnelle survenue le 22 septembre 2011, dont le diagnostic est une hernie discale L5-S1 droite. Cette décision sera confirmée le 2 mars 2012 par la CSST en révision administrative, et revêt un caractère final en l’instance.
[13] Bien que le dossier soit étonnement parcellaire sur le cheminement ayant amené la CSST à reconnaître un nouveau diagnostic dans le cadre de la présente, le tribunal constate toutefois que cette dernière accepte la relation entre un nouveau diagnostic de fibrose S1 et l’événement traumatique du 22 septembre 2011.
[14] Selon la preuve documentaire consignée au dossier du tribunal, cette décision n’a pas fait l’objet d’une demande de révision.
[15] Le 11 décembre 2013, le travailleur est examiné par le chirurgien orthopédiste Julien Dionne à la demande de la CSST. Le docteur Dionne consolide alors la lésion au 11 décembre 2013, avec une atteinte permanente de 14 %, basée principalement sur une perte de flexion/extension, en plus de retenir les limitations fonctionnelles suivantes :
· Éviter de porter, pousser et manipuler de façon régulière et répétée des charges de plus de 5 kg;
· Éviter les positions statiques assises ou debout de plus de 15 à 30 minutes;
· Éviter les mouvements de flexion et d’extension répétés du rachis lombaire;
· Éviter les mouvements couplés de flexion et de rotation du rachis lombaire;
· Éviter la conduite de véhicule à faible suspension.
[16] Bien que ces limitations ne sont pas toutes expressément énumérées par l’Institut de recherche en santé et sécurité du travail (IRSST)[1], le tribunal comprend néanmoins que ces mêmes limitations constituent dans les faits des limitations fonctionnelles de classe IV, en fonction de cette même énumération étant donné notamment la recommandation reliée aux positions statiques.
[17] Le 16 janvier 2014, le docteur André Perron, agissant à titre de médecin-conseil de la CSST, demande à l’orthopédiste Dionne d’apporter des précisions aux limitations fonctionnelles retenues dans son dernier rapport du 13 décembre 2013.
[18] Considérant que les limitations émises pourraient plutôt correspondre à des limitations de classe III de l’IRSST, le médecin-conseil de la CSST requiert, en conséquence, de lui faire parvenir un rapport amendé.
[19] Le 22 janvier 2014, en fonction de cette dernière requête, l’orthopédiste produit un rapport amendé par lequel il modifie les limitations fonctionnelles précédemment émises pour plutôt suggérer au travailleur d’éviter d’effectuer les mouvements suivants :
· Soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges dépassant environ 5 kg;
· Marcher longtemps;
· Garder la même posture (debout, assis) plus de 30 à 60 minutes;
· Travailler dans une position instable (dans des échafaudages, échelles, escaliers);
· Effectuer des mouvements répétitifs des membres inférieurs (actionner des pédales).
[20] Ce dernier précise donc, suite à la requête qui lui fut acheminée, que les limitations fonctionnelles sont finalement de classe III de l’IRSST.
[21] Le 7 février 2014, la docteure Anne Larkin produit un rapport final consolidant la lésion au 11 décembre 2013, en regard de la hernie discale et des atteintes motrices, sensitives, urogénitales et psychologiques, avec la présence d’une atteinte permanente ainsi que des limitations fonctionnelles non encore précisées.
[22] Par conséquent, le même jour, la docteure Larkin produit également un rapport complémentaire par lequel elle se dit en accord avec les conclusions initiales émises par le docteur Dionne, médecin désigné par la CSST, en réitérant que le tout constitue des limitations fonctionnelles de classe IV toujours en fonction de l’énumération effectuée par l’IRRST précédemment invoqué.
[23] Le 25 février 2014, estimant que le médecin qui a charge et que le médecin qu’elle a désigné n’était pas d’accord sur la question des limitations fonctionnelles résultant de l’événement traumatique du 22 septembre 2011, la CSST soumet le dossier du travailleur au Bureau d’évaluation médicale afin qu’il donne son avis sur cette question.
[24] Ainsi, le 11 avril 2014, après avoir examiné le travailleur, le neurochirurgien Daniel Shedid du Bureau d’évaluation médicale retient les limitations fonctionnelles suivantes :
Éviter les activités qui impliquent de :
· Soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges dépassant environ 5 kg;
· Marcher longtemps;
· Garder la même posture (debout, assis) plus de 30 à 60 minutes;
· Travailler dans une position instable (dans des échafaudages, échelles, escaliers);
· Effectuer des mouvements répétitifs des membres inférieurs (actionner des pédales).
· Subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (ex. : provoquées par du matériel roulant sans suspension).
· Effectuer des mouvements répétitifs et fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire même de faible amplitude;
· Monter fréquemment plusieurs escaliers;
· Marcher en terrain accidenté ou glissant;
Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :
· Travailler en position accroupie;
· Ramper, grimper.
[25] Le 23 avril 2014, la CSST rend une décision entérinant cet avis. Cette décision, ayant fait l’objet d’une contestation, est confirmée par la CSST en révision administrative le 4 juin 2014, d’où le présent litige comportant le moyen préliminaire dont il sera question plus loin.
[26] Cette dernière décision ne met toutefois pas fin à l’évolution médicolégale du présent dossier.
[27] En effet, le tribunal constate que, postérieurement à l’avis émis par le Bureau d’évaluation médicale, la CSST reconnaît, en date du 9 avril 2014, un nouveau diagnostic de vessie neurogène hypertonique, également en relation avec l’événement traumatique du 22 septembre 2011.
[28] Selon la preuve documentaire consignée au dossier du tribunal, cette décision n’a pas fait l’objet d’une révision et revêt, elle aussi, un caractère final dans le cadre de la présente.
[29] Aucune preuve testimoniale n’est présentée à l’audience.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[30] La procureure du travailleur soutient que le membre du Bureau d’évaluation médicale n’avait pas à se prononcer sur la question des limitations fonctionnelles puisque, préalablement à l’intervention de la CSST, le médecin traitant, dans les faits, présentait un tableau clinique compatible avec celui du docteur Dionne.
[31] Elle ajoute que l’intervention du médecin-conseil de la CSST constitue une ingérence non prévue par la loi, en plus d’être suggestive au point de modifier les conclusions de son médecin désigné, donnant ainsi lieu à un avis du Bureau d’évaluation médicale qui n’avait pas lieu d’être.
[32] En somme, avant cette même ingérence, il n’y avait aucun litige sur la question des limitations fonctionnelles, donc aucune ouverture à un Bureau d’évaluation médicale.
[33] Ainsi, en l’absence de litige sur la question des limitations fonctionnelles, le Bureau d’évaluation médicale est irrégulier.
L’AVIS DES MEMBRES
[34] La membre issue des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales partagent le même avis et recommandent tous deux d’accueillir la requête présentée par le travailleur.
[35] Ils estiment que l’avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale du 11 avril 2014 est « irrégulier », dans un contexte où le médecin désigné à modifier ses conclusions relativement aux limitations fonctionnelles, sous le couvert de précisions requises par le médecin-conseil de la CSST, alors qu’il n’y avait pas initialement de désaccord sur cette question.
[36] Les membres ne vont toutefois pas jusqu’à se prononcer sur les conclusions qui, en conséquence, lient le tribunal sur cette même question.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[37] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si, dans l’avis du Bureau d’évaluation médicale émis le 11 avril 2014, le neurochirurgien Daniel Shedid pouvait se prononcer sur la question des limitations fonctionnelles résultant de la lésion subie par le travailleur.
[38] Pour ce faire, le tribunal doit se demander s’il y avait « litige » entre le médecin du travailleur et celui désigné par la CSST sur la question précise des limitations fonctionnelles.
[39] Il convient en l’espèce de reproduire les articles pertinents de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi).
[40] Sur cette question préalable, les dispositions pertinentes sont les suivantes:
204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.
La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115.
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1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.
205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.
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1997, c. 27, a. 3
212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :
1° le diagnostic;
2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;
3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;
4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;
5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.
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1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.
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1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
224.1. Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.
Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.
Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.
La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.
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1992, c. 11, a. 27
[41] Le (ou vers le) 25 février 2014, la CSST demande de transmettre le dossier du travailleur au Bureau d’évaluation médicale en opposant, on l’a vu, les limitations fonctionnelles énoncées par le médecin qui a le travailleur à charge, avec celles énumérées par l’orthopédiste Julien Dionne, suite à une demande de précisions formulées par la CSST.
[42] Le tribunal est conscient des divers courants jurisprudentiels qui se sont développés au cours des années au sein de la Commission des lésions professionnelles relativement au rôle et à la procédure du Bureau d’évaluation médicale.
[43] Toutefois, en l’espèce, une question doit d’abord être tranchée, à savoir s’il y a litige entre le médecin du travailleur et celui désigné par la CSST à propos des limitations fonctionnelles résultant de la lésion. C’est d’ailleurs l’angle adopté par la procureure du travailleur dans son argumentation.
[44] Bien qu’il n'y ait pas de formalité précise ou sacramentelle pour contester le rapport du médecin du travailleur[3], il est clair que la transmission d'un rapport médical dont les conclusions infirment celles du médecin qui a charge du travailleur suffit pour qu'il y ait une contestation valable[4], puisque, rappelons-le, il doit exister un litige entre l'avis du médecin du travailleur et celui du médecin désigné pour que le dossier soit transmis au Bureau d’évaluation médicale[5].
[45] En termes plus clairs : sans contestation, il n'y a pas lieu de demander la tenue d'un Bureau d’évaluation médicale[6].
[46] Or, qu’en est-il en l’espèce?
[47] Nous avons, d’une part, le chirurgien orthopédiste Julien Dionne qui, dans son évaluation du 11 décembre 2013 retient une série de limitations fonctionnelles qui, nous l’avons vu, ne sont pas toutes expressément énumérées par l’IRSST[7]. Le tribunal comprend toutefois que ces mêmes limitations constituent dans les faits des limitations fonctionnelles de classe IV selon cette même énumération, ne serait-ce qu’en fonction de cette limitation suggérant d’éviter les positions statiques, assises ou debout, de plus de 15 à 30 minutes.
[48] Nous avons ensuite, d’autre part, la docteure Anne Larkin, médecin traitant du travailleur, qui, dans son rapport complémentaire du 2 février 2014, se déclare en accord avec les limitations initialement émises par le docteur Dionne. Elle procède ainsi notamment, en dénonçant les modifications subséquentes apportées par ce dernier.
[49] Finalement, le docteur Dionne suite à la requête adressée par la CSST, modifie substantiellement les limitations pourtant initialement accordées afin de les rendre conforme à des limitations de classe III selon le même barème, ne serait qu’en prolongeant à plus de 30 à 60 minutes, la suggestion d’éviter les positions statiques.
[50] Effectivement, si l’on ne s’attarde qu’aux conclusions telles que modifiées par l’orthopédiste, les docteurs Larkin et Dionne ne retiennent manifestement pas les mêmes limitations fonctionnelles. Par conséquent, le rapport de l’orthopédiste Dionne « infirme » celui de la docteure Larkin puisqu’il affaiblit définitivement, même de manière indirecte, l’autorité du rapport contesté[8].
[51] Toutefois, il ne fait aucun doute que cette la demande de précisions [sic] adressées par le médecin-conseil de la CSST, suggérant de ramener le tout à une classe III, même si elle allègue le contraire, va bien au-delà de la simple demande de précision.
[52] L’intervention directe de la CSST précédemment relatée contribue à l’énoncé de modifications très importantes des limitations initialement identifiées. Au lieu de simplement demander une précision, la CSST a présenté une requête en y orientant la réponse.
[53] Pourtant, le médecin désigné avait clairement donné son avis sur les questions posées dans le cadre du mandat qui lui était confié[9].
[54] En conséquence, le tribunal ne peut conclure qu’il s’agit là de la correction d’une erreur de dictée ou d’une erreur d’ordre technique comme, par exemple, le fait de rendre un avis conforme au Règlement sur le barème des dommages corporels[10].
[55] La requête adressée au médecin désigné constitue une ingérence dans le processus décisionnel, non prévue à la loi et, par conséquent, jugée illégale par le tribunal[11].
[56] Cette manœuvre a eu pour effet de provoquer artificiellement un désaccord permettant d’acheminer le tour au Bureau d’évaluation médicale, alors qu’initialement, il n’y avait aucune raison de le faire. Or, la procédure d’évaluation médicale vise, ultimement, à résoudre un litige d’ordre médical et non pas à créer des débats là où il y en a pas[12].
[57] Sans cette ingérence flagrante de la part du médecin-conseil de la CSST, on ne retrouverait aucunement une telle discordance entre le médecin du travailleur, de sorte que la CSST n’aurait pas davantage pu soumettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale[13].
[58] Le tribunal déclare donc irrégulières les conclusions provenant de l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 11 avril 2014 et demeure lié par les limitations fonctionnelles retenues par le médecin qui a le travailleur à charge.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE le moyen préalable soulevé par monsieur Abdelhamid Abssisse, le travailleur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 4 juin 2014 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE illégales et irrégulières les modifications contenues à l’avis le 11 avril 2014 par le membre du Bureau d’évaluation médicale;
DÉCLARE que le travailleur conserve les limitations fonctionnelles suivantes :
· Éviter de porter, pousser et manipuler de façon régulière et répétée des charges de plus de 5 kg;
· Éviter les positions statiques assises ou debout de plus de 15 à 30 minutes;
· Éviter les mouvements de flexion et d’extension répétés du rachis lombaire;
· Éviter les mouvements couplés de flexion et de rotation du rachis lombaire;
· Éviter la conduite de véhicule à faible suspension.
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Christian Genest |
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Me Geneviève Lambert |
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DESSAINTS, CLOUTIER & LAMBERT, AVOCATS |
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Représentante de la partie requérante |
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[1] INSTITUT DE RECHERCHE EN SANTÉ ET EN SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC, PROGRAMME SÉCURITÉ-ERGONOMIE, Échelles de restrictions pour la colonne lombo-sacrée, Montréal, IRSST, mars 1988.
[2] RLRQ, c. A-3.001.
[3] Ead et Jenkins Canada inc., [1996] C.A.L.P. 235 (décision sur requête en révision); Lacoste c. C.A.L.P. et Transport de conteneur Garfield et C.S.S.T., [1993] C.A.L.P. 636 (C.S.).
[4] Meilleur et Ville de Saint-Hubert, C.A.L.P. 10406-62-8812, 8 mai 1991, S. Moreau; Société canadienne des postes c. C.A.L.P., [1990] C.A.L.P. 1072 (C.S.); Lévesque et STCUM, C.A.L.P. 07052-60-8803, 2 novembre 1990, S. Moreau.
[5] Aliments Vermont inc. (Les) et Guillemette, C.L.P. 121225-04B-9908, 27 janvier 2011, F. Mercure; Bourassa et Thomas Bellemare ltée, C.L.P. 327208-04-0709, 4 septembre 2008, J. A. Tremblay.
[6] Dhaliwal et Gusdorf Canada ltée, C.L.P. 168883-72-0109, 10 mai 2002, Y. Lemire.
[7] Précité, note 1.
[8] Winter et Centre d’accueil Louis-Riel, [1996] C.A.L.P. 107.
[9] Contrairement à ce qui s’était produit dans Cyr et G.A. Boulet inc., C.L.P. 232968-04-0404, 20 mai 2005, S. Sénéchal.
[10] RLRQ, A-3.001, r.2.
[11] Bousquet et Century Mining Corporation, 2009 QCCLP 6209.
[12] Blais et Papineau international SEC, C.L.P. 326451-04-0708, 11 janvier 2008, A. Quigley.
[13] Gosselin et Maison île Centre Convalescence inc., C.L.P. 287307-64-0604, 2 novembre 2007, D. Armand.
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