Desjardins Assurances générales inc. c. Souscripteurs du Lloyd's |
2011 QCCS 3559 |
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JS 1061 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N°: |
500-17-058957-104 |
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DATE : |
16 mai 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
KIRKLAND CASGRAIN, J.C.S. |
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DESJARDINS ASSURANCES GÉNÉRALES INC. |
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Demanderesse |
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c. |
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LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S |
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SOUDURE RENÉ THIBAULT INC. |
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Défenderesses |
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et |
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SOUDURE RENÉ THIBAULT INC. |
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Demanderesse en garantie |
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c. |
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LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S |
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Défenderesse en garantie |
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JUGEMENT |
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I LES PROCÉDURES
[1] Au mois de juin 2007, un incendie s'est déclaré dans un immeuble résidentiel situé au [...] à Ville Mont-Royal.
[2] Desjardins assurances générales Inc. ("Desjardins") assurait l'immeuble et a indemnisé ses assurés.
[3] Subrogée dans les droits de ses assurés, Desjardins a intenté un recours en dommages contre Soudure René-Thibault Inc. ("Soudure") qu'elle croit responsable de l'incendie ainsi que contre l'assureur de celle-ci Les Souscripteurs du Lloyd's ("Lloyd's").
[4] Le Tribunal est saisi d'une requête de type "Wellington"[1], soit une requête pour ordonner à Lloyd's d'assurer la défense de son assurée Soudure dans le cadre de l'action principale.
[5] Lloyd's refuse d'assurer la défense de Soudure au motif que Soudure aurait omis de respecter des engagements formels énoncés dans un avenant de la police d'assurance relatif aux "Travaux de soudures et découpage, et aux autres travaux impliquant des procédés à flamme ouverte".
[6] Plus spécifiquement, Lloyd's allègue que les employés de Soudure n'ont pas utilisé les protections prescrites à l'avenant lors de leurs travaux de soudures.
[7] Les employés de Soudure auraient reconnu ceci en signant une déclaration à cet effet, préparée par l'ajusteur d'assurance de Lloyd's.
[8] Soudure répond que, bien au contraire, toutes les protections nécessaires ont été prises lors des travaux de soudure et que la déclaration signée par ses employés est incomplète et ainsi tronquée, sans compter que cette déclaration, rédigée à la main par l'ajusteur, est tout à fait illisible.
II L'ENQUÊTE
[9] Trois témoins ont été entendus: les deux employés de Soudure qui ont effectué les travaux, une représentante de Soudure (sa vice-présidente) et l'ajusteur de Lloyd's.
[10] Chacun des deux employés a relaté les précautions qui ont été prises avant de débuter les travaux, pendant les travaux et après les travaux.
[11] Il n'y a aucune raison de douter de la crédibilité de leur témoignage et non plus — à ce stade — de leur compétence et de leur expérience.
[12] Ils ont d'abord arrosé d'eau et en abondance les endroits où les soudures devaient être effectuées et installé des toiles incombustibles (recouvertes d'amiante) au bas de ces endroits afin de recueillir les tisons et les étincelles qui pouvaient tomber de ces endroits.
[13] Ils ont également arrosé ces endroits de façon à les garder constamment humides entre les soudures.
[14] Enfin, ils ont arrosé ces endroits de nouveau après les soudures et sont demeurés sur place pendant plus d'une heure sans remarquer quoique ce soit d'anormal.
[15] Soudure a avisé Lloyd's de l'incendie et Lloyd's a envoyé son ajusteur quelques jours plus tard pour faire enquête.
[16] L'ajusteur a rencontré les deux employés de Soudure impliqués dans une cour extérieure attenante au bâtiment dans lequel sont logés les bureaux de Soudure.
[17] La rencontre avec ces employés aurait duré une heure et quart, selon l'ajusteur.
[18] Le texte d'environ une page et demie que ces employés ont fini par signer ne peut être autre chose, au mieux, qu'un résumé.[2]
[19] Par ailleurs, l'ajusteur témoigne à l'enquête qu'aucun des employés n'a mentionné avoir utilisé d'écran incombustible et il se réfère manifestement, bien qu'implicitement, à l'avenant invoqué par Lloyd's à l'effet que,
"[les biens et les planchers] doivent être protégés par des écrans incombustibles (…)"[3].
[20] Les deux employés expliquent toutefois que les termes "écrans incombustibles" sont incorrects ou inadéquats pour décrire les protections qui doivent être installées et que des écrans, c'est tout à fait autre chose — ce sont des panneaux — et ce n'est pas ce qui est requis puisque ce sont d'abord les planchers qu'il faut protéger.
[21] Ils ont été candides et se sont contentés de répondre aux questions qu'on leur posait. Mais les protections adéquates — des toiles incombustibles (recouvertes d'amiante) — ont bel et bien été installées.
[22] Le Tribunal a demandé à l'ajusteur s'il avait questionné les employés sur les protections qui avaient pu être installées. L'ajusteur — un avocat de profession — a répondu qu'il n'avait pas posé de questions de façon systématique puisque son but avait été de vérifier si Soudure s'était conformée aux termes de la police…
[23] La représentante de Soudure témoigne quant à elle que ses deux employés sont des gens qui parlent peu et qu'il faut les questionner suffisamment pour tout savoir.
[24] Elle n'a pas assisté à l'interrogatoire des employés dans la cour extérieure et comme elle le déclare avec amertume et déception à l'enquête, elle croyait que l'ajusteur de Lloyd's était venu pur aider l'entreprise à se défendre contre d'éventuelles poursuites.
[25] On devine facilement qu'elle croit que l'ajusteur est venu piéger ses employés: l'ajusteur n'est pas venu pour faire enquête…
[26] Et la déclaration préparée par l'ajusteur dans la cour extérieure et que les employés ont signée est pratiquement illisible.[4]
[27] Dans ces circonstances, le Tribunal est d'avis que la déclaration des employés de Soudure est incomplète et qu'on ne peut le leur reprocher.
III DÉCISION
[28] Les accidents d'incendie causés par des travaux de soudure existent et les assureurs en sont conscients.
[29] Les assureurs acceptent d'assurer pour ces accidents mais ils demandent à leurs assurés de prendre certaines précautions reconnues.
[30] L'avenant en litige n'est pas autre chose qu'une exigence formelle de prendre ces précautions.
[31] En l'espèce, de ce qu'on peut conclure de la preuve à ce stade, les précautions décrites par les employés de Soudure semblent remplir les exigences de l'avenant en litige, peu importe la terminologie utilisée: les toiles enduites d'amiante sont sûrement une sorte d'écran aux termes de l'avenant, même si les employés de Soudure n'utilisent pas cette terminologie.
[32] La requête de Soudure sera donc accueillie, avec frais judiciaires, mais sans accorder les frais extrajudiciaires également demandés, les critères de l'arrêt Viel ne sont pas remplis sur cet aspect.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
ACCUEILLE la requête de Soudure René-Thibault Inc.
ORDONNE à Les souscripteurs du Lloyd's d'assurer la défense de Soudure René Thibault Inc. dans le cadre de l'action principale,
AVEC dépens.
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__________________________________ KIRKLAND CASGRAIN, J.C.S. |
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Me Antoine St-Germain
Me Louis-Philippe Cartier
GASCO GOODHUE SAINT-GERMAIN
Procureurs de la défenderesse et défenderesse en garantie Les Souscripteurs du Lloyd's
Me Mathieu Turcotte
Me Julien Morier, stagiaire
MILLER THOMSON POULIOT
Procureurs de la défenderesse et demanderesse en garantie Soudure René Thibault Inc
AVIS :
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du plumitif s'avère une précaution utile.