Section des affaires immobilières
En matière d'expropriation
Référence neutre : 2021 QCTAQ 09314
Dossier : SAI-M-257422-1702
SÉBASTIEN CARON
JACQUELINE FRANCOEUR
P.G.Q. / MINISTRE DES TRANSPORTS
c.
LES DÉVELOPPEMENTS ST-ANTOINE INC.
Table des matières
1. Aperçu ………………………………………………………………………………………… 3
2. Contexte et position des parties ……………………………………………………………. 5
3. Questions en litige ………………………………………………………………………….. 15
4. Analyse ………………………………………………………………………………………. 16
4.1 L’obligation de mitiger les dommages ……………………………………………….. 16
4.2 La réclamation relative à la perte d’appréciation de valeur ………………………... 19
4.2.1 La théorie de l’expectative légitime en expropriation ……………………….. 20
4.2.2 Le calcul de la perte d’appréciation de valeur ……………………………….. 28
4.3 La réclamation relative à la perte de profits ………………………………………… 30
4.3.1 Le droit applicable ………………………………………………………………. 31
4.3.2 L’UMEPP ………………………………………………………………………… 32
4.3.3 Le caractère imminent et réaliste du projet …………………………………... 35
4.3.4 Le caractère précis de la quantification de la perte ......…………………….. 40
4.3.5 Le risque de la double indemnisation …………………………………………. 43
4.4 La réclamation relative aux frais engagés inutilement ……………………………... 47
4.5 La réclamation relative aux troubles et ennuis ……………………………………… 50
4.6 Le total des indemnités accordées …………………………………………………… 53
4.7 Le remboursement des frais d’expertise ……………………………………………. 53
4.8 L’indemnité additionnelle et le calcul des intérêts ………………………………….. 57
5. Conclusion …………………………………………………………………………………… 59
1. Aperçu
[1] Le Tribunal doit fixer l’indemnité d’expropriation à être versée à Développement St-Antoine inc. (l’expropriée), pour un immeuble portant le numéro 1 180 837 du cadastre du Québec (lot 837). N’eût été l’expropriation, l’expropriée projetait démolir le bâtiment actuel et y construire une tour résidentielle de 20 étages (le Projet). Elle réclame une indemnité totale de 24 597 208 $, incluant les frais d’expertises.
[2] L’expropriant, est le Procureur général du Québec (PGQ), agissant pour le ministre des Transports du Québec (MTQ), pour le compte de la Société du Palais des congrès de Montréal (SPCM). L’expropriant offre une indemnité totale de 10 729 148 $, incluant les frais d’expertises.
[3] Le litige découle surtout des effets d’une interprétation jurisprudentielle touchant l’article 69 de la Loi sur l’expropriation[1] (LE) qui peut désavantager considérablement un exproprié lorsque les conditions suivantes sont réunies :
Ø Un avis de réserve précède la publication de l’avis d’expropriation;
Ø Un long délai survient entre la date de l’avis d’expropriation et celle du versement d’une indemnité qui permet à l’expropriée de refaire sa situation;
Ø Le marché immobilier est fortement à la hausse entre ces deux dates.
[4] Règle générale, une indemnité d’expropriation est fixée à la date de la prise de possession, laquelle est rapprochée de la date de la publication de l’avis de transfert.
[5] Une exception s’applique à cette règle, soit lorsqu’un avis de réserve est publié avant l’avis d’expropriation. Dans ce cas, la jurisprudence est à l’effet que l’indemnité est établie à la date de la publication de l’avis d’expropriation[2].
[6] La conséquence de cette interprétation est majeure pour l’expropriée, car n’eût été cela, l’indemnité serait établie à la date de la prise de possession, soit en juillet 2020. À cette date, la valeur du lot 837 est de 23 085 000 $, selon une admission convenue avant l’audience. Les experts évaluateurs conviennent également que la plus-value observée dans le marché immobilier n’est aucunement attribuable au projet d’agrandissement du Palais des congrès.
[7] Cela a pour effet que lorsqu’elle doit finalement céder le lot 837, l’expropriée n’aurait droit qu’à une indemnité de 10 450 000 $, alors que son immeuble en vaut alors 23 085 000 $.
[8] Aux yeux du Tribunal, l’application sans nuance de cette exception heurte, dans le présent dossier, la logique d’équité la plus élémentaire.
[9] En fait, la problématique ne résulte pas tant de cette interprétation de l’article 69 LE que de la conduite de l’expropriant dans le cadre des présentes procédures d’expropriation.
[10] En effet, l’expropriant a attendu 40 mois après la date de publication de l’avis d’expropriation, sans raison valable, pour prendre possession du lot 837 et verser l’indemnité provisionnelle. C’est d’autant plus injustifiable considérant que l’expropriant a également réservé ce lot 837 pendant 48 mois, soit le délai maximal prévu dans la LE, avant de signifier l’avis d’expropriation.
[11] La jurisprudence est à l’effet que l’indemnité d’expropriation doit être juste, équitable et fixée de manière à permettre à l’expropriée d’être replacée dans le même état qu’avant, ni plus riche, ni plus pauvre[3]. L’indemnité doit permettre au citoyen frappé par l’expropriation de se procurer une chose absolument semblable[4].
[12] Comme le plaide l’avocat de l’expropriée, il serait trop facile pour un expropriant de profiter de cette exception pour retarder indûment le cheminement d’un dossier d’expropriation et payer une indemnité basée sur des valeurs devenues rapidement anachroniques.
[13] Il s’agit fondamentalement d’un argument relié à la théorie de l’expectative légitime, en droit administratif.
[14] Les effets combinés de ces délais et de la vigueur exceptionnelle du marché immobilier entre 2017 et 2020 font en sorte qu'il est impossible pour l’expropriée, avec l’offre de l’expropriant, d’être replacée dans la même situation qu’avant l’expropriation.
[15] Le Tribunal fixe à 22 399 105 $ l’indemnité d’expropriation due à l’expropriée.
[16] De l’avis du Tribunal, cette somme permet à l’expropriée d’être replacée dans le même état qu’avant l’expropriation, tient compte de la jurisprudence relative à l’article 69 LE et se justifie par l’expectative légitime envers un expropriant, dans un tel contexte.
[17] Avant de cerner les questions en litige à résoudre, il convient donc d’exposer le contexte factuel et procédural du litige. C’est à partir de celui-ci que l’analyse reposera.
2. Contexte et position des parties
[18] Le 25 janvier 2012, Barbara, David et Saul Moscovitch acceptent de vendre le lot 837 à Groupe Conseil A.G.A., une société dirigée par Antoine Chaloub[5]. L’immeuble visé est situé au 61-81, rue St-Antoine Ouest, entre les rues Clark et St-Urbain. Le prix convenu est de 5 100 000 $.
[19] Le Projet de M. Chaloub consiste à démolir les bâtiments existants et construire une tour résidentielle de 20 étages comprenant 142 logements, 3 niveaux de stationnements ainsi que 2 commerces au rez-de-chaussée.
[20] Entre février et juillet 2012, la firme d’architectes Atelier Chaloub+Beaulieu procède à des vérifications au niveau des services[6], de la protection patrimoniale[7] et de la caractérisation des sols[8].
[21] Le 17 septembre 2012, M. Chaloub demande à l’arrondissement Ville-Marie (AVM) d’approuver un projet particulier de construction, de modification ou d’occupation d’un immeuble (PPCMOI)[9]. Des frais de 24 100 $ sont versés.
[22] L’urbaniste Catherine Beaulieu de l’AVM propose un échéancier à M. Chaloub[10]. Celui-ci prévoit qu’après une analyse de deux mois, le Comité consultatif d’urbanisme (CCU) va l’examiner dans la première semaine de novembre 2012, le conseil d’arrondissement va approuver le 1er projet au début décembre 2012, suivi de l’assemblée publique de consultation, puis par l’adoption du 2e projet de résolution. Si tout se déroule bien, le permis de construction sera émis dès la fin du mois de mars 2013.
[23] Le 1er novembre 2012, M. Chaloub dépose à l’AVM les plans détaillés de son projet[11]. La semaine suivante, le CCU de l’AVM émet une recommandation favorable à l’égard du projet de M. Chaloub[12].
[24] Le 22 novembre 2012, Marc Labelle, le directeur de l'aménagement urbain et des services aux entreprises de l’AVM, endosse un sommaire décisionnel favorable[13]. Il qualifie le Projet de déterminant pour le secteur. Le lendemain, il recommande l’adoption du 1er projet[14].
[25] Le 4 décembre 2012, le conseil de l’AVM adopte à l’unanimité le 1er projet de résolution autorisant la démolition des bâtiments situés sur le lot 837, la conservation des façades des bâtiments actuels et la construction d’un bâtiment de 20 étages[15]. L’AVM écrit dans les faits saillants de la séance qu’en plus de participer à la revitalisation du secteur, ce projet favoriserait l’arrivée de nouveaux résidents à proximité du Vieux-Montréal.
[26] Le 5 décembre 2012, le journal La Presse publie un article sur le Projet sous le titre Surprise : encore des condos dans Ville-Marie [16].
[27] Faisant alors affaire sous le numéro d’entreprise 9274-4366 Québec inc., l’expropriée est constituée le 12 décembre 2012 et immatriculée le 15 janvier 2013[17]. Son principal actionnaire est Groupe Conseil A.C.A. Ltée, présidé par M. Chaloub. Le 2e actionnaire est Industries Morfasso inc. (Morfasso), dont le président est M. Stefano Tiramani. Le 3e actionnaire est M. Jean-Marc Dupuis[18].
[28] Une séance de consultation publique se tient le 19 décembre 2012[19]. La SPCM se présente et dépose un mémoire[20]. Son président, M. Marc Tremblay, est présent et demande au président de l’assemblée, le conseiller Sammy Forcillo, de rejeter le Projet. Le procès-verbal de l’assemblée mentionne les éléments suivants :
· La construction du projet empêche l'agrandissement futur du palais des congrès de Montréal et a des conséquences néfastes sur le développement des installations du Palais des congrès de Montréal;
· Le Palais des congrès de Montréal a démontré son intention quant à son plan d'agrandissement vers l’est;
· L'agrandissement du Palais des congrès de Montréal constitue un projet porteur pour la Ville de Montréal et permettra d'accueillir plus d'événements d'envergure dans les secteurs économiques clés du Québec;
· Il n'y a aucune demande officielle de projet d'agrandissement qui été déposée par le Palais des congrès de Montréal.
[29] Malgré l’opposition claire de la SPCM formulée lors de la séance de consultation, l’AVM inscrit à l’ordre du jour de la séance du conseil du 12 mars 2013, comme 2e projet, la résolution autorisant le projet de M. Chaloub. En fait, les élus de l’AVM ne semblent pas vouloir donner suite à la demande de la SPCM de développer le secteur selon une vision intégrée de type PPU (plan particulier d’urbanisme)[21].
[30] Le 8 mars 2013, le Conseil exécutif du gouvernement du Québec adopte le décret 174-2013 qui prévoit l’imposition d’un avis de réserve sur le lot 837, ainsi que sur une douzaine d’autres lots[22]. Le 8e Attendu se lit ainsi :
ATTENDU QUE, afin d’éviter que soient exécutés des travaux de construction, d’amélioration ou d’addition sur ces immeubles, la Société du Palais des congrès de Montréal juge nécessaire d’imposer sur ces biens une réserve pour fins publiques;
[31] Le 12 mars 2013, lors de la séance du conseil de l’AVM, le 2e projet de résolution concernant l’approbation du projet de M. Chaloub est retiré de l’ordre du jour[23]. Le Projet n’est pas refusé, il n’est alors que reporté[24].
[32] Le 20 mars 2013, un avis de réserve est publié sur 13 lots situés près du Palais des congrès, dont le lot 837[25]. À la page 3 de l’avis, il est écrit :
L'imposition d'une réserve pour une superficie totale de 2145,90 mètres carrés est nécessaire pour cause d'utilité publique, plus particulièrement afin de prohiber toute construction, amélioration ou addition sur cet immeuble en vue de l’agrandissement du Palais des congrès de Montréal prévu à l’endroit où est situé cet immeuble.
[33] M. Chaloub retarde donc le début de la construction de son Projet. Il continue toutefois ses démarches préparatoires, car il doute du sérieux de cette intention de la SPCM.
[34] Le Groupe Tyron, présidé par Vittorio Tiramani, est le constructeur désigné. Possédant une large expérience[26], M. Tiramani propose à M. Chaloub d’impliquer son fils Stefano, alors âgé de 24 ans, au Projet. Celui-ci deviendra éventuellement actionnaire de l’expropriée[27].
[35] Le 7 mai 2013, l’AVM modifie son Règlement de zonage 01-282. Le lot 837 étant dans la zone 0144, le taux d’implantation permet une densité de 6 et la surhauteur jusqu’à 65 mètres. À partir de ce moment, l’expropriée n’a plus à demander un PPCMOI, mais une simple dérogation mineure afin de permettre un bâtiment plus bas dans la ruelle Clark[28].
[36] Le 20 juin 2013, un budget est préparé pour le Projet[29]. Les revenus projetés sont de 64 607 110 $ et les dépenses de 47 090 085 $, pour un bénéfice net de 17 517 025 $. La mise de fonds est établie à 11 772 521 $, mais elle est assumée en grande partie par le terrain, évalué à 9 800 000 $.
[37] Le 18 juillet 2013, un addenda à la promesse d’achat est signé entre la famille Moscovitch et Groupe Conseil A.C.A. Ltée, lequel prévoit une modification du contrat original, dont le prix de vente[30]. Le document fait référence à l’avis de réserve signifié en mars 2013. Les parties acceptent d’aller de l’avant avec l’acquisition, mais le prix sera revu à la baisse de 700 000 $ si l’avis de réserve est toujours en vigueur au 31 décembre suivant. La famille Moscovitch obtient en contrepartie le droit de collecter les loyers des locataires jusqu’à leur éviction.
[38] Le 19 novembre 2013, la vente est conclue et l’expropriée devient propriétaire du lot 837[31]. L’acte notarié prévoit qu’une somme de 1 200 000 $ est payée à la transaction, mais que le solde peut être remboursé avec intérêts, jusqu’à quatre ans après la signature.
[39] Le 11 mars 2014, la demande de PPCMOI revient à l’ordre du jour du conseil de l’AVM, cette fois pour être refusé[32]. La raison est ainsi décrite dans le procès-verbal :
Attendu que le ministère des Transports du Québec a été autorisé par le gouvernement du Québec, en vertu du Décret 174-2013 du 8 mars 2013, pour le compte de la Société du Palais des congrès de Montréal, à imposer une réserve pour fins publiques sur les biens requis pour l'agrandissement du Palais des congrès situés sur le territoire de la Ville de Montréal;
Attendu qu'une réserve foncière est imposée sur le lot numéro 1 180 837 du cadastre du Québec pour une période de deux ans et qu'elle peut être renouvelée pour deux autres années;
Attendu qu'une réserve pour fins publique prohibe, pendant sa durée, toute construction, amélioration ou addition sur les immeubles qui en font l'objet : […]
[40] L’année suivante, soit le 10 mars 2015, un avis de renouvellement d’une réserve est publié sur l’ensemble des lots visés par le décret, dont le lot 837[33]. Le Projet devra encore attendre.
[41] Le 8 juillet 2015, l’expropriée informe son locataire Steve’s Music Store inc., qu’il met unilatéralement fin au bail, comme celui-ci le prévoit, à la condition de lui donner un délai de deux ans[34]. M. Chaloub croit toujours que le projet d’agrandissement du Palais des congrès ne se fera pas, et qu’à partir de mars 2017, il pourra redémarrer son Projet. Le locataire l’informe qu’il entend se prévaloir de cette option[35].
[42] Le 15 février 2017, le Gouvernement du Québec adopte le décret 100-2017 qui autorise le PGQ à exproprier le lot 837, de même que trois autres lots situés dans le même quadrilatère[36]. Neuf des treize lots placés sous réserve entre 2013 et 2017 ne seront finalement pas expropriés.
[43] Le 2 mars 2017, l’expropriée reçoit signification de l’avis d’expropriation, qui sera publié la semaine suivante, soit le 9 mars 2017[37]. L’expropriée mandate alors la firme d’avocats BCF pour la représenter dans le dossier d’expropriation. Cette firme communique au PGQ la liste des locataires et la situation économique de l’immeuble[38].
[44] Le 4 août 2017, BCF écrit à nouveau au PGQ pour obtenir son offre détaillée[39]. BCF s’engage à préparer une réclamation détaillée dès réception de l’offre du PGQ et à participer à la gestion d’instance avec le TAQ.
[45] Une visite des lieux se tient le 29 septembre 2017 avec les évaluateurs mandatés par les parties pour préparer des expertises afin de quantifier l’indemnité d’expropriation.
[46] Le 1er novembre 2017, Vittorio Tiramani et son épouse Maria Trasente, laquelle est aussi actionnaire de Morfasso, acceptent de prêter la somme de 1 605 500 $ à leur fils Stefano. Cette somme répond à leur engagement d’aider financièrement leur fils dans ce Projet[40].
[47] Le 24 novembre 2017, la mainlevée et quittance complète et finale est signée entre l’expropriée et la famille Moscovitch, devant le notaire Me Stephen Bronstein[41]. Au final, l’expropriée aura versé la somme de 4,4 millions de dollars pour acquérir le lot 837, en laissant toutefois au vendeur les revenus commerciaux, totalisant environ 700 000 $.
[48] Le 4 août 2018, les avocats de l’expropriée écrivent au juge coordonnateur du TAQ, Me Guy Gagnon, pour demander une intervention de sa part, considérant l’absence d’avancement du dossier d’expropriation[42]. La lettre mentionne :
Cette situation est préjudiciable à notre cliente, puisqu'elle demeure entièrement tributaire des délais engendrés par l'inaction de I'Expropriante en l’espèce, le tout dans un contexte où l'Immeuble exproprié est visé par l'Avis de réserve depuis 2013. Dans ce contexte et dans l’absence d'indication de I'Expropriante quant au moment où celle-ci souhaitait transmettre l’avis de transfert de propriété, notre cliente voit son usage du terrain et les liquidités investies à son sujet bloqués dans l'attente du cheminement du processus d'expropriation.
[49] Le 28 septembre 2018, lors d’une conférence téléphonique, le juge Gagnon du TAQ demande au PGQ de soumettre une offre avant le 28 novembre 2018[43]. L’expropriée convient de produire sa réclamation détaillée au plus tard le 1er mars 2019.
[50] Le 28 novembre 2018, l’expropriant ne soumet aucune offre. Les avocats de l’expropriée dénoncent la situation relative aux délais injustifiés du PGQ et le préjudice que cela cause à leur cliente[44]. Ils demandent une autre intervention du TAQ[45].
[51] Le 20 décembre 2018, une gestion d’instance, tenue par appel de rôle, est tenue par le TAQ[46]. L’expropriant a alors jusqu’au 1er février 2019 pour produire son offre. De plus, les dates du 17 au 21 juin 2019 sont convenues avec les parties pour débattre de l’indemnité provisionnelle.
[52] Le 29 janvier 2019, soit plus de 22 mois après la publication de l’avis d’expropriation, l’expropriant communique pour la première fois son offre, composée d’une indemnité immobilière de 7 725 000 $ et de 2 000 $ pour les troubles et ennuis. L’offre repose sur l’évaluation contenue dans un rapport préliminaire daté du 1er décembre 2017 par l’expert évaluateur M. Daniel Ryan[47].
[53] Mme Dansereau du MTQ n’a pas été en mesure d’expliquer les raisons derrière ces longs délais avant de soumettre l’offre[48]. Il faut préciser qu’elle n’est arrivée dans ce dossier que six mois plus tard, soit le 16 juillet 2019.
[54] Toujours en janvier 2019, les avocats de l’expropriée demandent à ceux du PGQ de tenter de s’entendre sur une indemnité provisionnelle afin d’éviter une audience d’une semaine, sans résultat[49]. Une nouvelle demande de gestion d’instance par le TAQ est demandée[50]. Elle aura lieu le 22 février 2019.
[55] Le 1er février 2019, l’expropriée communique sa réclamation détaillée de 27 400 000 $, dont 12 000 000 $ à titre d’indemnité immobilière.
[56] Le 22 février 2019, l’expropriée accepte de recevoir un montant de 5 408 900 $ à titre d’indemnité provisionnelle, soit 70 % de l’offre du PGQ[51]. Le montant sera finalement versé le 23 mai suivant, soit plus de 26 mois après la signification de l’avis d’expropriation et une quittance partielle est signée[52].
[57] Le 5 mars 2019, les avocats de l’expropriée demandent au PGQ de statuer sur la date de transfert de la propriété[53].
[58] Le 8 avril 2019, les avocats de l’expropriée informent ceux du PGQ qu’en raison de l’expropriation, le bâtiment qui se trouve sur le lot 837 n’est plus assurable et que cela lui cause préjudice[54]. Ils écrivent : le transfert de propriété doit se faire de façon urgente.
[59] Le 10 mai 2019, Me Sonia D. Levesque du PGQ, alors responsable de ce dossier, informe Me Vicky Berthiaume de BCF que le transfert de propriété ne pourra s'effectuer pour le 21 mai prochain, considérant toutes les étapes préparatoires que cela implique pour nos clients[55].
[60] Après certains échanges entre les procureurs sur l’administration des expertises, les procureurs des parties et leurs experts participent, le 11 novembre 2019, à une conférence de gestion avec le TAQ[56]. La date d’audience sur l’indemnité définitive est fixée au 16 mars 2020, pour une durée de 9 semaines. La date d’avis de transfert n’est toujours pas fixée par l’expropriant, celui-ci disant attendre le règlement des dossiers des locataires.
[61] Les semaines suivantes, l’expropriée s’occupe d’accélérer la fermeture des dossiers des locataires, au bénéfice de l’expropriant[57].
[62] Le 26 janvier 2020, l’évaluateur Marc Laroche (Altus) communique une mise à jour de son expertise pour quantifier les dommages reliés à l’expropriation, laquelle contient une estimation de la perte d’appréciation de la valeur[58].
[63] Lors d’une conférence de gestion tenue le 31 janvier 2020, le TAQ rend une ordonnance en visite des lieux, le tout afin de s’assurer qu’un avis de transfert pourra être signifié avant ou pendant l’audience sur le fond[59].
[64] En février 2020, les expertises des évaluateurs, ingénieurs, évaluation d’entreprises et en coûts de construction sont communiquées[60]. M. Ryan évalue l’indemnité immobilière à 10 532 000 $, en date du 9 mars 2017[61].
[65] Le 25 février 2020, l’expropriée modifie sa réclamation finale à 22 160 000 $, basée sur une perte de profits. Subsidiairement, elle réclame 19 580 000 $, dont 8 730 000 $ à titre de perte d’appréciation de la valeur.
[66] En raison de la pandémie de la Covid-19, l’audience qui devait débuter le 16 mars 2020 est reportée. Pendant les mois suivants, les parties annoncent que des compléments d’expertises seront produits. Elles échangent également afin de convenir d’une date pour le transfert de l’immeuble et du versement d’une indemnité additionnelle complémentaire[62].
[67] Le 2 avril 2020, l’expropriant modifie son offre à 10 543 000 $, dont 10 532 000 $ à titre d’indemnité immobilière. Elle sera modifiée à nouveau le 16 juin 2020, à 10 167 588 $.
[68] Le 14 mai 2020, une conférence de gestion avec le TAQ a lieu. L’audience est reportée au 31 mai 2021, toujours pour 9 semaines.
[69] Le 6 juillet 2020, l’avis de transfert est signifié à l’expropriée et produit au bureau de la publicité des droits de Montréal sous le numéro 25 513 540[63]. Il indique une date de prise de possession au 15 juillet 2020.
[70] Le 24 juillet 2020, un versement supplémentaire de 4 758 688 $ est déposé au greffe de la Cour supérieure, à titre d’indemnité provisionnelle.
Position des parties
[71] Avant ou même pendant l’audience, plusieurs admissions sur les quantums sont convenues entre les experts, dont les suivantes :
Ø Valeur marchande du lot 837 :
· Au 9 mars 2017 : 10 450 000 $;
· Au 15 juillet 2020 : 23 085 000 $;
· Au 21 octobre 2020 : 24 240 000 $;
Ø Coûts globaux de construction du Projet : 36 600 000 $;
Ø Produit des ventes : 59 600 000 $.
[72] Le 6 juillet 2021, l’expropriée amende une dernière fois sa réclamation. Pour récupérer sa perte et obtenir une réparation intégrale des suites de l’expropriation, elle réclame une indemnité accessoire de 13 473 808 $. Ce montant est ventilé ainsi :
Ø Perte de profits et perte d’appréciation de valeur : 13 790 000 $
Ø Frais engagés inutilement : 529 900 $
Ø Ajustement pour rendement sur l’indemnité provisionnelle : (896 092 $)
Ø Troubles et ennuis : 50 000 $
[73] L’expropriée demande aussi le remboursement des frais d’experts de 673 400 $. Elle soumet également, à titre subsidiaire, deux calculs de son indemnité, selon la position que prendra le Tribunal sur la question des pertes de profits et d’appréciations de la valeur.
[74] Du côté de l’expropriant, il offre une indemnité basée sur l’indemnité immobilière de 10 450 000 $, fixée au 9 mars 2017, plus 11 000 $ de dommages accessoires. Il est d’avis qu’à partir de mars 2017, le versement d’intérêts permet de dédommager adéquatement l’expropriée.
[75] Au niveau des frais d’experts, l’expropriant accepte uniquement de payer un total de 268 148 $, soit une partie des honoraires de l’évaluateur Marc Laroche.
3. Questions en litige
[76] En regard de ce contexte et des positions des parties, les questions en litige se résument à ceci :
1) L’expropriée a-t-elle échoué quant à son obligation de mitiger ses dommages?
2) L’expropriée a-t-elle droit à une indemnité basée sur la perte d’appréciation de la valeur?
3) L’expropriée a-t-elle droit à une indemnité basée sur la perte de profits?
4) L’expropriée a-t-elle droit à une indemnité basée sur la récupération des frais engagés inutilement?
[77] L’analyse de ces questions implique plusieurs sous-questions, telles que la mitigation des dommages et la date de fin de la capitalisation des sommes réclamées et des ajustements.
[78] En plus de répondre à ses questions, le Tribunal doit également statuer sur le montant à attribuer pour compenser les troubles et ennuis, le remboursement des frais d’expertise, l’octroi de l’indemnité additionnelle et le calcul des intérêts.
4. Analyse
[79] Au niveau des éléments contenus dans la réclamation de l’expropriée, le Tribunal est d’avis que le premier élément à décider est la réclamation relative à la perte d’appréciation de valeur. Le sort rattaché à cette partie de la réclamation viendra affecter le sort de celle relative à la perte de profits.
[80] Mais avant d’aborder ces éléments ainsi que ceux relatifs aux autres postes de la réclamation, il y a lieu de décider, dans un premier temps, de l’argument de l’expropriant à l’effet que l’expropriée n’a pas mitigé ses dommages en se portant acquéreur du lot 837.
4.1 L’obligation de mitiger les dommages
[81] La règle de la mitigation des dommages est bien connue en expropriation. S’appliquant en fait en toute matière, elle a fait l’objet de nombreux jugements[64] et d’articles de doctrine[65], elle repose sur l’article 1479 C.c.Q. qui prévoit que : La personne qui est tenue de réparer un préjudice ne répond pas de l'aggravation de ce préjudice que la victime pouvait éviter.
[82] L’expropriant est d’avis que l’expropriée a manqué à son obligation de mitiger ses dommages en se portant acquéreur d’un immeuble visé par un avis de réserve. Ce faisant, elle ne peut pas réclamer la perte de profits du développeur.
[83] Il précise que ce manquement est d’autant plus sérieux que l’avis de réserve s’inscrivait dans un projet d’agrandissement du Palais des congrès de Montréal, majeur en termes d’impacts économiques et soutenus par des acteurs politiques importants[66]. Il devenait donc très risqué d’envisager ne pas en tenir compte. L’expropriée aurait donc pris un risque d’affaires qui ne lui permet pas de réclamer ses pertes de profits, car elle devait savoir que son Projet ne se réaliserait jamais.
[84] Le Tribunal n’est pas de cet avis.
[85] Même en présumant que l’expropriée aurait pu renoncer à devenir propriétaire du lot 837 en raison des événements qui se sont déroulés suite à la conclusion de l’offre d’achat acceptée, en janvier 2012, un expropriant ne peut s’attendre à ce qu’un propriétaire ou un promettant acheteur d’un tel bien renonce aux avantages de ses droits, et ce, simplement par la publication d’un avis de réserve ou de l’intervention de la SPCM lors d’une séance publique.
[86] Il importe de rappeler qu’une réserve est une mesure temporaire qui permet de planifier une possible expropriation en évitant deux choses : la spéculation reliée au projet de l’expropriant et le versement d’une indemnité pour des améliorations apportées à l’immeuble pendant cette période[67]. Le premier alinéa de l’article 69 LE prévoit :
69. La réserve prohibe, pendant sa durée, toute construction, amélioration ou addition sur l’immeuble qui en fait l’objet, sauf les réparations. Si l’immeuble est exproprié avant l’expiration de la réserve, l’évaluation de l’indemnité doit être établie en fonction de la date de l’expropriation, mais sans tenir compte de la plus-value qui est attribuable à l’imposition de la réserve, à l’expropriation ou à l’exécution des travaux publics faisant suite à l’expropriation.
[87] L’objectif de la réserve n’est pas d’empêcher son propriétaire de poursuivre les activités commencées sur un immeuble ou de cesser toute planification de développement déjà amorcée.
[88] Le bénéfice pour l’expropriant est d’éviter d’avoir à éventuellement indemniser un exproprié pour un immeuble qui aura pris de la valeur en raison d’améliorations apportées à celui-ci ou de la plus-value attribuable au projet de l’expropriant[68].
[89] Il est d’ailleurs intéressant de constater que le législateur limite l’interdiction de tenir compte de l’augmentation de valeur, dans l’établissement de l’indemnité, qu’à celle attribuable au projet de l’expropriant. Nous y reviendrons plus loin dans l’analyse.
[90] Il est fréquent qu’un avis de réserve ne soit pas renouvelé avant l’expiration du délai de deux ans ou que l’immeuble ne soit pas, finalement, exproprié. Il arrive même qu’un expropriant se désiste de son expropriation, après la publication de l’avis, mais avant celui relatif au transfert de propriété. Comme l’explique Mme Dansereau à l’audience, l’imposition d’une réserve ne veut pas dire qu’il y aura nécessairement expropriation, et que plein de choses peuvent se passer après l’imposition d’un avis de réserve sur un immeuble[69].
[91] D’ailleurs, le Tribunal constate que près de neuf ans après l’intervention de la SPCM du 19 décembre 2012 et le décret de mars 2013, la SPCM n’en serait encore, pour son projet d’agrandissement, qu’à l’étape de la préparation du dossier d’opportunité[70]. D’ailleurs, Mme Dansereau du MTQ a admis n’avoir toujours pas vu de plan à cet effet[71].
[92] Quant à l’argument du PGQ voulant que l’expropriée a obtenu de la famille Moscovitch un rabais sur l’achat du terrain considérant que celui-ci était visé par un avis de réserve, la preuve prépondérante est à cet effet, mais il faut aussi entrer en ligne de compte que l’expropriée a, du même coup, renoncé aux bénéfices des loyers de Steve’s Music. Un dans l’autre, selon M. Chaloub, cela s’équivaut.
[93] Finalement, l’exercice tenté par l’expert urbaniste Brodeur à l’effet que de nombreux projets de développement finissent par être refusés n’est aucunement probant et affecte même sa crédibilité. Dans le dossier de l’expropriée, le Projet permet d’améliorer un trou urbain déstructuré[72]. On ne retrouve aucunement les contextes factuels entourant certains de ces projets, dont des mobilisations citoyennes pour contrer des développements dans des parcs publics, par exemple[73].
[94] À vrai dire, et contrairement aux arguments du PGQ, le Projet semblait avoir l’aval du politique à la Ville de Montréal. Il suffit d’entendre les propos du conseiller municipal Sammy Forcillo concernant le projet de l’expropriée, en réponse à l’intervention de M. Marc Tremblay, président de la SPCM, lors de la consultation publique du 19 décembre 2012, pour s’en convaincre :
M. Sammy Forcillo : […]
Merci, Monsieur, ça nous fait plaisir. Maintenant que tout le monde a adressé des questions par rapport et les interventions, tous les commentaires, […] les propositions, aussi, de monsieur Tremblay, de Marc, on va en tenir compte dans... si vous voulez, dans nos revendications, ici, là, dans nos commentaires puis lorsque ça arrivera à... les procès-verbaux, de toute façon, seront déposés à la prochaine assemblée au mois de février... au mois de février, puis à ce moment-là, on verra voir comment que ça pourrait se dérouler. […]
Moi, je crois beaucoup au projet puis j'en ai vu en maudit des projets à la Ville de Montréal, mais ceux qui se réalisent, là, je sors mon chapelet puis je m'en vais icitte à Notre-Dame-de-Lourdes puis je dis à la Madone: «Mausus que t'es bonne la Madone qu'il y a des choses qui se passent à Montréal.» Puis de ce temps icitte, là, on a de la misère à le sortir le chapelet. En tout cas, Monsieur Tremblay, ça a été un honneur puis un plaisir, puis j'ai le droit encore d'aller prendre des cafés, […][74]
[95] Rien dans ces propos ne laisse sous-entendre que le Projet de l’expropriée est en péril, suite à l’intervention de la SPCM, au contraire.
[96] Le Tribunal juge donc qu’il était légitime pour l’expropriée de se porter acquéreur du lot 837 et de maintenir son Projet, et ce, malgré l’avis de réserve et l’intervention de la SPCM. Elle n’avait pas à se départir du lot 837 pour remplir son obligation de minimiser ses dommages.
4.2 La réclamation relative à la perte d’appréciation de la valeur
[97] Cette réclamation repose sur l’augmentation importante de la valeur des terrains développables, laquelle a eu pour effet de grandement éroder le pouvoir d’achat de l’expropriée entre mars 2017 et le moment où l’expropriée a perdu la propriété du lot 837, lors de l’avis de transfert en juillet 2020. Elle est à deux volets :
a) Réclamation principale : Même en versant l’indemnité basée sur la perte de profits, ce montant ne suffit toujours pas pour replacer l’expropriée dans le même état qu’avant l’expropriation;
b) Réclamation subsidiaire : Si le Tribunal n’accorde pas l’indemnité relative à la perte de profits, l’expropriée réclame une indemnité de 13 790 000 $[75] pour compenser la perte d’appréciation de la valeur du bien exproprié.
[98] Qu’elle soit en principal ou en subsidiaire, cette réclamation a le même fondement juridique et factuel. Elle sera traitée comme une seule et même réclamation.
[99] L’expropriée a été privée de la jouissance pleine et entière de sa propriété pendant près de 6 ans avant qu’elle ne reçoive une offre du PGQ. Il aura fallu plusieurs démarches et interventions de ses procureurs, et même du Tribunal, pour que l’expropriant s’active dans ce dossier.
[100] Ce n’est qu’après le versement de l’indemnité provisionnelle qui survient en mai 2019 que l’expropriée obtient une certaine certitude à l’effet que sa propriété fera éventuellement l’objet d’un transfert de propriété. Jusqu’à cette date, rappelons que l’expropriant peut toujours se désister de ses procédures.
[101] L’exception prévue à l’article 69 LE voulant que l’indemnité soit établie à la date de l’avis d’expropriation et non à celle de la prise de possession, cumulée au constat de l’augmentation fulgurante des valeurs de terrains à développer, entre 2016 et 2021, sont des facteurs juridiques et factuels qui obligeaient l’expropriant à agir avec diligence.
[102] Dans le cas contraire, une attente se crée que l'expropriant va pallier à cette situation. À la base de cette conclusion, on retrouve donc la théorie de l’expectative légitime.
4.2.1 La théorie de l’expectative légitime en expropriation
[103] Lorsqu’il publie son avis d’expropriation à l’encontre du lot 837, en mars 2017, l’expropriant sait que la jurisprudence concernant l’article 69 LE risque de désavantager l’expropriée. Ce passage d’une décision de la Cour d’appel résume bien l’état du droit :
[7] De fait, la Loi sur l’expropriation ne prescrit pas de date d’évaluation. Il ressort cependant de la jurisprudence que la date de prise de possession est généralement retenue comme la date d’évaluation des dommages […]. Par ailleurs, conformément à l’article 69 de la Loi, l’avis d’expropriation sera retenu comme date d’évaluation dans les cas où l’expropriation est précédée de l’imposition d’une réserve.[76]
[104] Au fil des mois et des années qui passent, l’expropriant sait aussi que les valeurs immobilières sont en fortes hausses.
[105] Dans un marché immobilier plus conventionnel, où les valeurs de terrains progressent sensiblement au même rythme que les taux d’intérêts légaux, les conséquences de retarder le processus d’expropriation peuvent être minimes, voire inexistantes.
[106] En effet, l’offre du PGQ de 10 461 000 $[77] est avec intérêts à partir du 9 mars 2017. Même en versant l’essentiel de cette offre en juillet 2020, l’ajout des intérêts aurait, en temps normal, compensé l’effet de l’augmentation des valeurs immobilières.
[107] Mais entre 2016 et 2021, le marché immobilier montréalais est du jamais vu, en 35 ans de carrière d’évaluateur, selon Marc Laroche[78]. Le fait que lui et son confrère Daniel Ryan admettent que le lot 837 soit passé d'une valeur de 10 450 000 $ en mars 2017 à une valeur de 23 085 000 $ en juillet 2020 en est la meilleure illustration.
[108] Dans ce contexte bien particulier, l’expropriée peut légitimement s’attendre à ce que l’expropriant agisse soit en versant rapidement l’indemnité immobilière suite à la publication de l’avis d’expropriation, soit qu’il compense financièrement tout retard que la situation engendre.
[109] Dans ses notes, l’expropriée écrit :
208. Les délais encourus tant avant le versement de l’indemnité provisionnelle de mai 2019 que le transfert de propriété ont donc été exagérément et anormalement longs en comparaison avec les délais observables en jurisprudence. Cette réalité témoigne du manque de diligence flagrant de la partie expropriante pour lequel l’Expropriée ne devrait d’aucune façon être pénalisée.
209. Le dommage résultant de ces délais est un dommage causé directement par le processus d’expropriation et doit être indemnisé.
[110] Ce manque de diligence du PGQ dans la conduite du processus d’expropriation est une façon d’invoquer la théorie de l’expectative légitime, reconnue depuis une vingtaine d’années en droit administratif[79]. Elle est ici résumée par la Cour d’appel :
Elle a été développée à partir des notions de «fairness» et d’«estoppel», bien établies en droit anglais. Dans sa formulation la plus largement acceptée, la théorie de l’expectative légitime prescrit que la justice naturelle ou l’équité procédurale s’impose à l’autorité administrative non seulement lorsqu’elle rend une décision qui affecte des droits, privilèges ou intérêts individuels, mais encore chaque fois qu’un tel acte porte atteinte aux espérances légitimes d’un particulier.[80]
[111] L’expectative légitime se rattache à la conduite d’une autorité publique dans le cadre de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire[81]. En pratique, deux situations peuvent se produire :
a) Un engagement ou une promesse de l’administration publique : celle-ci doit s’être engagée à suivre une certaine procédure et cet engagement doit être conforme aux devoirs incombant à l’organisme en vertu de la loi. Les attentes légitimes peuvent ainsi naître des paroles ou du comportement d’une autorité administrative;
b) La revendication d’une pratique antérieure : en vertu de celle-ci, l’administré peut se prévaloir d’une pratique connue et appliquée à tous les administrés. L’administré a légitimement le droit de s’attendre à ce qu’une directive qui crée des droits procéduraux compatibles avec la loi en cause soit respectée.
[112] Ramenée au présent dossier, l’expectative légitime pour l’expropriée est que l’autorité publique, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire qui est celui d’exproprier, va agir de manière à ce que les objectifs de la LE soient respectés.
[113] Quitte à le rappeler, l’indemnité d’expropriation doit être juste[82] et fixée de manière à permettre à l’expropriée d’être replacé dans le même état qu’avant, ni plus riche, ni plus pauvre[83]. L’indemnité versée de façon préalable à la cession[84] doit permettre au citoyen frappé par l’expropriation de se procurer une chose absolument semblable[85].
[114] Or, le fait d’avoir imposé un avis de réserve sur le lot 837 donne naissance à un devoir d’agir de façon diligente, pour la partie expropriante, en raison de l’exception jurisprudentielle voulant que dans un tel contexte, ce ne soit pas la date de la prise de possession qui doit être prise en compte pour fixer l’indemnité, mais celle de la publication de l’avis d’expropriation.
[115] Lors de l’adoption du projet de loi 88 concernant la LE[86], il fut mention que le but derrière la réserve pour fins publiques était de donner du temps à l’expropriante pour mieux planifier son intervention. Lorsque le temps est venu, lors la publication de l’avis d’expropriation, l’autorité publique peut alors procéder rapidement. C’est ce qui ressort, du moins, de cet échange entre le ministre de la Voirie, M. Bernard Pinard, et M. Marcel Bélanger, un témoin de la Commission:
M. PINARD : Admettez-vous, Me Bélanger, que sans procéder à une réforme globale du régime de l'expropriation au Québec, surtout en matière de voirie, le ministère, voyant les difficultés sur les plans technique, administratif et sociologique, s'est efforcé de faire de la réforme interne, de réformer ses procédures, de les rendre plus efficaces, plus rapides, de payer plus rapidement, sur la base de l'évaluation municipale connue? […]
Me BÉLANGER : La principale raison pour laquelle je pense qu’aujourd’hui vous n’avez plus besoin de ce dont vous aviez besoin avant, c’est justement cette clause de réserve à laquelle vous avez droit maintenant. Quand on peut réserver pendant deux ans, on a quand même le temps de regarder pour voir si le plan doit être amendé ou non. Avant, il y avait l’urgence. Le gouvernement était dépassé par des choses qui auraient dû être faites, mais qui ne l’ont pas été. Aujourd’hui, il a repris le dessus, il est en avance un peu […].
[Transcription conforme, soulignements du Tribunal]
[116] Le Tribunal y voit donc une corrélation : l’avis de réserve permet à l’expropriant de réfléchir à son projet pendant certaines années et de statuer sur les immeubles qu’il veut ou non exproprier. Une fois l’avis d’expropriation déposé, il doit être prêt et agir avec diligence, considérant que l’évaluation de l’indemnité est établie à cette date.
[117] Dans le cadre du projet d’agrandissement du Palais des congrès, les avis de réserve portaient sur une douzaine d’immeubles. Finalement, après les quatre années sous réserve, l’expropriant a décidé de n’exproprier que quatre immeubles, dont le lot 837. L’expropriée devait donc s’attendre en toute légitimité qu’en recevant l’avis d’expropriation, l’offre détaillée et l’indemnité provisionnelle suivraient rapidement, surtout dans un contexte de marché immobilier fortement en hausse.
[118] Les avocats de l’expropriée ont raison de souligner qu’un expropriant a l’obligation d’agir de manière responsable et avec diligence dans ses procédures avec un exproprié. Comme l’écrit le TAQ dans l’affaire Hydro-Québec c. Ryan[87], citant l’affaire SCGM[88] :
[…] la Loi sur l’expropriation ne soustrait pas la partie expropriante à son obligation d’agir équitablement en offrant à la partie expropriée une indemnité pour les dommages dont elle a constaté l’évidence même.
[119] Comme le disait Potter Stewart, juge à la Cour suprême des États-Unis d’Amérique de 1958 à 1981, Fairness is what justice really is[89].
[120] Dans un contexte habituel, où le marché immobilier progresse de façon stable, il est possible que le non-respect de cette obligation de diligence ne cause qu’un faible préjudice à un exproprié, vu le paiement d’intérêts. Ceux-ci permettent alors de compenser la progression normale des valeurs.
[121] Malheureusement pour l’expropriant, la vigueur exceptionnelle du marché immobilier entre 2016 et 2021 a mis en lumière les risques de la façon dont elle a mené son dossier.
[122] Lorsqu’il verse finalement le 2e paiement de son indemnité provisionnelle et qu’il prend possession du lot 837, et ce, plus de 40 mois après la publication de l’avis d’expropriation, la valeur versée ne permet pas à l’expropriée de se procurer une chose absolument semblable [90].
[123] L’expropriant devait s’assurer que l’expropriée obtienne minimalement la valeur du lot 837 à une date rapprochée de la publication de l’avis d’expropriation, ce qui aurait permis à ses actionnaires de refaire leur situation et d’acheter un immeuble substitut pour réaliser leur Projet.
[124] La manière dont l’expropriant a conduit le processus et les procédures d’expropriation a eu comme conséquence directe d’augmenter de façon importante les dommages de l’expropriée.
[125] Il serait illogique de permettre au PGQ de verser une indemnité immobilière de 10 450 000 $ en juillet 2020 alors qu’à cette date, le bien exproprié a une valeur de 23 085 000 $, tout en sachant que le retard n’est dû qu’à sa façon de conduire son dossier.
[126] L’expropriant écrit dans son plan de plaidoirie:
246. Cet argument permet de réclamer la hausse de valeur entre l’avis d’expropriation et la prise de possession;
247. Il s’agit d’un contournement du fait que la jurisprudence a établi de manière définitive que dans le cadre d’un dossier où un avis de réserve est présent, la valeur du bien exproprié est fixée à la date de l’avis d’expropriation et non à la date de prise de possession;
[127] Quitte à se répéter, le Tribunal souligne que l’expropriant, qui peut se qualifier de partie sophistiquée, car maîtrisant parfaitement les tenants et aboutissants des procédures en expropriation et de l’état du marché immobilier, était au fait de la portée de l’article 69 LE et de la vigueur exceptionnelle du marché. Il n’en revenait qu’à lui d’agir avec diligence ou de façon adéquate afin d’éviter que l’expropriée ne puisse, avec son indemnité se procurer une chose absolument semblable[91]. Une partie sophistiquée a une obligation de moyens plus intense que celle d’une partie qui ignore tout du processus[92].
[128] Le Tribunal ne s’explique pas comment l’expropriant, qui a réservé le bien depuis mars 2013 et qui décide de procéder à son expropriation en mars 2017, n’est pas en mesure de faire rapidement une offre à la partie expropriée et verser une somme suffisante afin de lui permettre de refaire sa situation. Rien dans la preuve présentée ne justifie un tel retard.
[129] L’article 46 LE est pourtant clair : le délai maximum pour faire une offre est de 30 jours après l’expiration du délai de contestation, lequel est de 30 jours également. Pourquoi avoir attendu près de deux ans avant de soumettre une offre détaillée à l’expropriée? La preuve est muette, mais une réparation s’impose pour l’expropriée.
[130] Dans le présent dossier, il s’est écoulé 26 mois entre l’avis d’expropriation et le versement de l’indemnité provisionnelle. L’expropriée s’appauvrit nécessairement lorsqu’il s’écoule plus de deux ans entre la date d’évaluation et le versement d’une indemnité alors que le marché, de l’aveu même des experts, progresse de façon importante.
[131] Comment une expropriée peut-elle refaire sa situation lorsqu’elle reçoit un versement totalisant 10 167 588 $[93] en juillet 2020, alors que son terrain (et tout terrain comparable substitut) vaut 23 085 000 $ à cette date?
[132] Rappelons que dans un contexte où aucun avis de réserve n’aurait précédé l’avis d’expropriation, c’est à cette date du 15 juillet 2020 que l’indemnité serait établie. Et l’expropriant n’aurait eu d’autre choix que d’offrir un montant de 23 085 000 $ à titre d’indemnité immobilière. C’est cher payé pour subir les effets d’un avis de réserve pendant quatre ans.
[133] Rappelons que l’article 69 LE stipule d’abord et avant tout que la réserve prohibe, pendant sa durée, toute construction, amélioration ou addition sur l’immeuble qui en fait l’objet. Ensuite, la volonté du législateur est de s’assurer que, si l’immeuble est exproprié avant l’expiration de la réserve, on ne doit pas tenir compte de la plus-value attribuable aux procédures d’expropriation et au projet de l’expropriant dans l’établissement de l’indemnité.
[134] Cette disposition ne peut avoir pour effet de permettre, pour la partie expropriante, de se porter acquéreur d’un bien à une fraction de sa valeur, dans la mesure où la plus-value de l’immeuble n’est aucunement attribuable à ces éléments.
[135] Il est exact, comme l’écrit l’expropriant au paragraphe 248 de son plan de plaidoirie, que l’avis de réserve est un outil que l’État possède pour combattre la spéculation immobilière, mais la spéculation non indemnisable se limite à celle relative au projet de l’expropriant.
[136] Par exemple, si le gouvernement annonce un tracé pour une nouvelle ligne de train de banlieue, et que les futures stations sont connues, l’avis de réserve va permettre d’éviter la spéculation autour de ces futures gares. L’article 69 LE prévoit de façon non équivoque cette mesure, en stipulant que l’évaluation de l’indemnité doit être établie […] sans tenir compte de la plus-value qui est attribuable à l’imposition de la réserve, à l’expropriation ou à l’exécution des travaux publics faisant suite à l’expropriation.
[137] Dans le présent dossier, l’augmentation des valeurs de 20 % par année n’est aucunement reliée au projet de l’expropriant.
[138] De ce point de vue, établir la valeur du bien exproprié plus de deux dans avant qu’une indemnité soit versée et plus de trois ans avant le transfert de propriété ne répond pas au principe d’une indemnité juste et équitable dans un marché ou les valeurs sont en progression de l’ampleur de 20 % annuellement.
[139] En aucun moment l’expropriée n’a disposé d’une somme suffisante pour se procurer un bien équivalent.
[140] Au lieu de s’interroger comme il le fait, au paragraphe 278 de son plan de plaidoirie, sur le raisonnement inverse voulant qu’un expropriant puisse demander une dépréciation de la valeur de l’immeuble si la hausse de valeur de l’immeuble est inférieure à l’intérêt légal et à l’indemnité additionnelle, l’expropriant devrait s’interroger sur le caractère raisonnable des délais encourus dans ce dossier.
[141] L’expropriant a tenté de justifier son retard à présenter une offre par la présence de locataires, mais pour le Tribunal, il ne s’agit pas d’un motif valable. Il s’agit d’une pratique interne qui peut se justifier sur le plan administratif, mais pas dans le contexte du présent dossier.
[142] La LE prévoit la procédure qui s’applique aux locataires afin de permettre à l’expropriant de devenir propriétaire de l’immeuble et cette procédure ne l’empêche aucunement de faire une offre détaillée rapidement et de verser une indemnité provisionnelle suffisante.
[143] Le Tribunal rappelle les propos de l’honorable juge Saint-Jacques de la Cour d’appel, en matière d’établissement d’une indemnité d’expropriation :
La doctrine et la jurisprudence sont maintenant d’accord pour définir la juste indemnité comme l’exact équivalent de la chose expropriée qui permettra au citoyen frappé par l’expropriation de se procurer une chose absolument semblable. Pour en établir les éléments, il faut considérer que l’exproprié n’est pas un vendeur ordinaire qui débat, comme il l’entend, son prix avec l’acheteur; c’est un vendeur qui ne demande pas à vendre, à qui l’on achète malgré lui. Ce n’est pas un prix, c’est une indemnité qui lui est due, et cette indemnité ne mériterait plus ce nom si elle ne le dédommageait pas complètement du préjudice que l’expropriation peut lui faire éprouver.[94]
[Soulignements du Tribunal]
[144] L’expropriation constitue une atteinte draconienne au droit de propriété du particulier[95]. La LE est donc qualifiée de loi réparatrice[96], ce qui signifie que le facteur dominant est le fond, non la forme.
4.2.2 Le calcul de la perte d’appréciation de valeur
[145] Si l’indemnité doit s’établir exceptionnellement à la date de l’avis d’expropriation et non lors de la prise de possession, le Tribunal est d’avis que l’indemnité doit néanmoins couvrir la perte subie, en autant que la perte soit en lien direct avec l’expropriation.
[146] Si, dès 2017, l’expropriée avait eu accès à une offre et à une indemnité provisionnelle correspondant à la valeur de son terrain à cette date, elle aurait été en mesure de refaire sa situation. En ayant trop attendu pour ce faire, et considérant l’augmentation très rapide des valeurs de ce genre d’immeuble, l’expropriée n’a pu refaire sa situation et elle est en droit de s’attendre à être indemnisé.
[147] La seule façon de compenser l’expropriée de cette situation particulière consiste à lui accorder une indemnité immobilière qui tient compte de l’augmentation des valeurs immobilières, entre 2017 et 2020, car seul l’expropriant est responsable d’avoir attendu tout ce temps pour lui verser l’indemnité.
[148] Même si une seule décision de notre Tribunal, très récente, a accordé ce type de dommage[97], il importe de rappeler les propos de la Cour suprême du Canada à l’effet qu’aucun type de dommage n’est exclu considérant que l’objectif dominant en expropriation est de fournir une indemnité juste et adéquate au propriétaire du bien exproprié. Citant l’auteur Boyd[98], elle précise que l’objectif en expropriation est d’assurer, d’une part, qu’il n’y aura pas double indemnisation et, d’autre part, qu’aucun poste légitime de réclamation ne sera oublié[99].
[149] L’expropriée demande de fixer au 21 octobre 2020 la date de l’établissement de la perte d’appréciation de valeur. Il s’agit de la date ou la 2e partie de l’indemnité provisionnelle est encaissée par l’expropriée, après le jugement de la greffière spéciale de la Cour supérieure. À ce moment, la valeur marchande du lot 837 convenue par les experts évaluateurs Laroche et Ryan est de 24 240 000 $.
[150] Le Tribunal opte plutôt pour retenir la date du 15 juillet 2020, soit la date de la prise de possession. C’est à partir de cette date que l'expropriée est normalement en droit d'obtenir une indemnité suffisante pour refaire sa situation et que le long processus d’expropriation entrepris en mars 2013 a connu son dénouement. Après cette date ce sont l’intérêt légal et l’indemnité additionnelle qui s’appliquent, comme c’est la règle.
[151] Dans une décision récente[100], le TAQ devait trancher une question similaire. Il a refusé de calculer l’indemnité en fonction de la date ou la décision sera rendue.
[152] Dans le présent dossier, le Tribunal est d’avis qu’il faut fixer les dommages accessoires jusqu’à la date de l’avis de la prise de possession, en raison de la conduite de l’expropriant et des conséquences de celle-ci dans un contexte de marché immobilier en forte progression. C’est à partir de cette date que le bien n’est plus dans le patrimoine de l’expropriée et que l’intérêt légal compense pour l’effet du temps s’écoulant entre la prise de possession légale et le versement de l’indemnité définitive, selon la LE et la jurisprudence.
[153] Le Tribunal retient donc une indemnité basée sur la perte d’appréciation de la valeur de 23 085 000 $, soit la valeur du lot 837 à la date ou l'expropriée a cessée d'en être la propriétaire et qui mets fin aux impacts de l’augmentation importante des valeurs immobilières et au long délai encouru par l’expropriant avant de finalement l'indemniser.
[154] De ce montant, il y a toutefois lieu de retrancher 10 450 000 $, soit le montant de l’indemnité immobilière établie en mars 2017 et déjà versée, ainsi que l’ajustement calculé par l’expert Brault pour le rendement réalisé sur la première partie de l’indemnité provisionnelle reçue en mai 2019.
[155] Ce dernier montant doit être toutefois revu afin de considérer le taux de capitalisation plus représentatif, calculé dans la section sur la perte de profits, et d'en limiter l'application au 15 juillet 2020. Le résultat est de 843 137 $.
[156] Cela étant, le Tribunal accorde un montant arrondi de 11 792 000 $ à titre de dommage sur la perte d’appréciation de la valeur.
4.3 La réclamation relative à la perte de profits
[157] Considérant que le Tribunal accorde le plein montant réclamé à titre de perte d’appréciation de la valeur, tout montant attribué à titre de perte de profits devrait être retranché de celui-ci, afin d’éviter une double indemnité.
[158] Bien que le Tribunal n’a donc plus à statuer sur cette partie de la réclamation, l'analyse en sera néanmoins faite, et ce, afin de trancher l’ensemble du litige.
[159] L’expropriée réclame une indemnité accessoire de 5 291 182 $ à titre de pertes de profits en date du 9 mars 2017, plus 3 462 871 $ en impact de la capitalisation en date du 1er novembre 2021, soit la date estimée de la présente décision. Elle est d’avis que l’expropriation l’a empêché de percevoir les profits escomptés pour son Projet et que ce faisant, elle n’a pu réinvestir les profits dans d’autres projets.
[160] L’expropriant conteste cette réclamation, tant au niveau du quantum que du principe. Il plaide qu’attribuer les pertes de profits en plus d’une indemnité immobilière constitue une double indemnisation. L’expropriée ne peut recevoir l’équivalent des profits qu’aurait généré le Projet en plus de recevoir une indemnité immobilière avec laquelle elle peut en développer un nouveau.
[161] Finalement, il juge que la faisabilité économique du Projet pose problème, de même que la capacité financière de celle-ci pour le mener à terme.
4.3.1 Le droit applicable
[162] Pour obtenir une indemnité d’expropriation basée sur la perte de profit de développement, le Tribunal soumet que les conditions suivantes doivent être rencontrées :
1) L’usage le meilleur et le plus profitable (UMEPP) est rencontré;
2) La réalisation du projet de développement est imminente;
3) La perte est quantifiable avec précision et la preuve est probante;
4) L’indemnité immobilière ne peut, à elle seule, indemniser adéquatement l’exproprié.
[163] La 4e condition est importante, car elle permet d’éviter une double indemnisation. Par exemple, si un développeur projette construire sur un terrain un bâtiment qui lui procurera un profit, normalement, avec l’indemnité immobilière qu’il reçoit au moment de la prise de possession, il pourra se procurer un autre terrain et faire son profit sur celui-ci.
[164] Si le versement de l’indemnité provisionnelle ne lui permet pas de se retrouver dans une situation similaire, en termes d’opportunité, il devient envisageable de lui octroyer, en tout ou en partie, une compensation pour récupérer les profits perdus. Dans le cas contraire, c’est que le versement de cette perte de profits risquerait de l’indemniser deux fois pour le même dommage.
[165] Pour espérer obtenir une indemnité d’expropriation basée sur la perte de profits d’un projet de développement, encore faut-il que ce projet rencontre les critères de l’usage le meilleur et le plus profitable (UMEPP).
[166] L’UMEPP d’un immeuble est l’usage qui vise à produire le rendement net le plus élevé en tenant compte de divers facteurs liés à la consistance du bien, tels que les caractéristiques physiques, la situation économique, le secteur, les servitudes en place, le zonage applicable, etc[101]. Le processus d’analyse proposé par l’Ordre des évaluateurs agréés est le suivant :
· il s’agit d’un usage possible sur le plan physique;
· il doit être permis par les règlements et par la Loi;
· il doit être financièrement possible;
· il doit pouvoir se concrétiser à court terme;
· il doit être relié aux probabilités de réalisation plutôt qu’aux simples possibilités;
· il doit exister une demande pour le bien évalué à son meilleur usage;
· enfin, l’usage le meilleur doit être le plus profitable[102].
[167] Ces normes de pratique professionnelles comportent une section spécifique en matière d’expropriation, afin de considérer notamment le principe que l’exproprié est forcé de se départir de son immeuble à un moment qu’il n’a pas choisi :
· l’horizon de réalisation peut être élargi;
· le degré de probabilité de réalisation et les contraintes peuvent être moindres[103].
[168] Cette condition à l’effet que l’UMEPP doit être rencontré est importante, car si la perte de profits concerne un projet qui ne rencontre pas cet usage, cela justifie son rejet.
[169] Dans l’affaire 3962202 Canada inc., l’exproprié réclamait une perte de profits basée sur un projet commercial, mais le TAQ a jugé que l’UMEPP en est un de compensation. Il a donc rejeté cette réclamation[104]. En appel, la juge Nathalie Chalifour a infirmé cette décision en jugeant que tous les critères étaient présents pour considérer un UMEPP commercial[105].
[170] Dans le présent dossier, l’expropriant reconnaît que le Projet respecte l’UMEPP du lot 837. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les deux experts en évaluations s’entendent pour déterminer des valeurs immobilières identiques. Ces valeurs sont en fonction d’un UMEPP pour un projet de développement résidentiel.
[171] Étonnamment, l’expropriant plaide néanmoins qu’il faut nuancer cette admission et considérer l’opposition de la SPCM au Projet. Selon lui, les chances d’être accepté par l’AVM étaient faibles, considérant l’intervention de la SPCM.
[172] Avec égards, cette position est indéfendable, car cela voudrait dire qu’au moment de déterminer l’UMEPP d’un immeuble qui fait l’objet d’une expropriation, il faudrait tenir compte des démarches de l’expropriant dans le processus d’expropriation. Cela irait à l’encontre de la règle voulant que pour fixer l’indemnité, il faille faire abstraction des gestes de l’expropriant et ce qu’il compte faire de l’immeuble exproprié[106].
[173] Dans l’affaire Dubrovsky[107], la Cour du Québec rappelle que :
[127] Dans ces conditions, les tribunaux enseignent que pour déterminer une juste indemnité, savoir la valeur optimale de l’immeuble évalué entre les mains du propriétaire-exproprié ainsi que tous les dommages découlant directement de l’expropriation, il faut mettre de côté la réglementation adoptée et les gestes posés par l’expropriante en vue de la réalisation du projet qui est la cause de l’expropriation.
[Transcription conforme, soulignements du Tribunal]
[174] À la lecture de l’argumentation du PGQ, l’on croirait qu’il considère que la démarche de la SPCM auprès de l’AVM afin de bloquer le Projet est complètement étrangère aux procédures en expropriation.
[175] Or, s’il y a eu le décret 174-2013, les avis de réserve et l’avis d’expropriation, c’est d’abord et avant tout afin de bloquer le Projet, au bénéfice de la SPCM et son projet d’agrandissement. Cette pression est survenue une première fois lors de l’assemblée publique du 19 décembre 2012, et les procédures d’expropriation qui ont suivi n’en sont que leur application juridique.
[176] Le Projet correspondait à l’usage le meilleur et le plus profitable, lequel était réalisable à court terme et hautement probable, de l’avis du Tribunal. La preuve prépondérante est à cet effet.
[177] Lors de son témoignage du 7 juin 2021, l’expert urbaniste Daniel Paré a d’ailleurs confirmé que le Projet, tel que présenté en 2012 et en 2017 correspondait presque en tout point à l’UMEPP du lot 837, d’après les paramètres du règlement d’urbanisme de 2017 auxquels se sont référés à la fois Daniel Paré et Daniel Ryan. Ceux-ci étaient d’ailleurs les mêmes qu’en 2013 après l’entrée en vigueur du Règlement modificateur 98.
[178] Après avoir analysé en profondeur les différents outils urbanistiques applicables, les experts en urbanisme et en évaluation des parties ont conclu qu’en mars 2017, l’usage le meilleur et le plus profitable du lot 837 aurait été un bâtiment mixte comprenant des usages commerciaux et résidentiels[108].
[179] Pour ces raisons, le Tribunal juge que la première condition pour permettre l’octroi de pertes de profits, soit que le Projet respecte l’UMEPP de l’immeuble, est rencontrée.
4.3.3 Le caractère imminent et réaliste du Projet
[180] Dans un deuxième temps, après avoir établi que le projet sur lequel repose la perte de profits rencontre l’UMEPP, le Tribunal doit s’assurer qu’il était imminent.
[181] Aux yeux du PGQ, le Projet n’était pas du tout imminent[109]. Il invoque le fait qu’au moment de l’imposition de l’avis de réserve, en mars 2013, c’était encore la famille Moscovitch qui était propriétaire du lot 837. De plus, les partenaires d’affaires étaient absents et l’AVM n’avait non seulement pas approuvé son Projet, mais voyait poindre un enjeu politique important, soit l’intervention de la SPCM.
[182] Avec égards, le Tribunal est d’avis contraire : le Projet était suffisamment imminent pour conclure que cette condition est rencontrée.
[183] D’abord, le Tribunal souligne que l’avis de réserve ne limite pas le droit d’utiliser l’immeuble, ni même de poursuivre certaines démarches afin de le développer. La prohibition se limite à l’ajout de construction, d’amélioration ou d’addition sur l’immeuble[110].
[184] Ce faisant, une personne peut officialiser l’achat d’un immeuble[111] pendant l’imposition de l’avis de réserve et mettre en place son montage financier ainsi que son équipe de partenaires.
[185] Ce n’est qu’en mars 2017 que l’expropriée apprend qu’il sera exproprié. C’est donc à partir de ce moment qu’on doit réellement s’interroger sur le caractère imminent de son Projet.
[186] Bien qu’il n’a pu débuter sa construction, en raison de l’avis de réserve, l’expropriée a pu régler les quelques éléments qui lui restaient avant de débuter la construction.
[187] Quant à l’impact de l’intervention de la SPCM, le même commentaire vaut ici sur la faisabilité du Projet. Il est évident que si cette société demande aux élus municipaux de ne pas aller de l’avant sur un projet privé, et ce, afin de ne pas compromettre un éventuel projet public, il est possible de concevoir que cela viendrait compromettre la faisabilité dudit projet privé. Toutefois, cet élément ne doit pas être pris en considération, car il s’agit d’une démarche prise en fonction du projet de l’expropriant.
[188] Ceci étant dit, la preuve démontre que les élus de l’AVM, lorsque le président de la SPCM, M. Marc Tremblay, s’est présenté à la séance publique du 19 décembre 2012, n’ont pas fermé la porte au Projet. Au contraire, les personnes présentes semblaient plutôt remettre en question le sérieux de cette intervention de la SPCM.
[189] D’ailleurs, l’AVM a malgré tout inscrit à l’ordre du jour de la séance du conseil de mars 2013 le 2e projet de résolution concernant l’approbation du Projet. C’est dire à quel point l’intervention de la SPCM n’a pas semblé remettre en question l’intérêt de l’AVM.
[190] Il aura fallu que le gouvernement adopte le décret 174-2013 et que l’expropriant enregistre un avis de réserve pour fins publiques pour que le conseil de l’AVM retire ce 2e projet de son ordre du jour.
[191] Ce ne sera que l’année suivante que ce même conseil de l’AVM va officiellement refuser le Projet, en expliquant que cette décision est motivée par l’adoption du décret 174-2013 et la publication de l’avis de réserve.
[192] Nonobstant ces procédures d’expropriation, le Tribunal juge que la preuve est à l’effet que le Projet se serait réalisé sans réelles difficultés, n’eût été l’expropriation. Manifestement, ce projet avait l’aval de l’AVM. Dans le sommaire décisionnel du 22 novembre 2012, le directeur de l’aménagement urbain, M. Marc Labelle, écrit :
Le projet respecte les paramètres et les orientations du Plan d’urbanisme. Ce projet est déterminant pour le secteur puisqu’il vise à densifier le secteur et à mettre en valeur les caractéristiques architecturales de certaines façades en pierre composées de détails raffinés, typiques du Vieux-Montréal, mais pratiquement disparus des abords immédiats de l’arrondissement historique. […]
Au niveau de la compatibilité des usages avec le milieu environnant, l’usage résidentiel se prête adéquatement au contexte en raison de sa proximité du Vieux-Montréal. En plus de participer à la revitalisation du secteur, le projet favorise l’arrivée de nouveaux résidents et contribue à la mise en valeur de caractéristiques architecturales disparues. […]
La Direction de l'aménagement urbain et des services aux entreprises recommande de donner une suite favorable, considérant que le projet permettrait la démolition de bâtiments de qualité limités, la densification du secteur et l'occupation commerciale en bordure de la rue Saint-Antoine.[112]
[Soulignements du Tribunal]
[193] Selon la proposition d’échéancier pour le cheminement de son projet, établi par une urbaniste de l’AVM, le permis de construction avait des chances d’être émis vers la fin du mois de mars 2013. C’est donc dire que suite à l’adoption du 2e projet de résolution, toutes les autorisations auraient été accordées dans les semaines suivantes.
[194] Au niveau du volet relatif au caractère réaliste du Projet, l’expropriant remet en cause la suffisance de la capacité financière de l’expropriée. Appuyé d’une expertise comptable de M. Jonathan Allard (Price Waterhouse), il plaide que l’expropriée n’avait pas les ressources financières.
[195] Pour conclure ainsi, M. Allard émet quelques hypothèses, contestées par l’expropriée et son expert-comptable, M. Jean-François Brault (KPMG).
[196] La principale hypothèse concerne la valeur du terrain.
[197] Pour construire la tour de 20 étages de l’expropriée en août 2015, comme c’était prévu initialement, un montant de 36 600 000 $ était requis[113].
[198] Généralement, les développeurs se tournent vers les institutions financières pour financer 75 % de leurs projets[114]. Le reste, soit 25 % des coûts, de même que les frais de financement, doivent être financés à même les actifs des développeurs.
[199] Les banques acceptent de considérer la valeur du terrain dans les actifs des développeurs. Mais quelle valeur retenir?
[200] L’expert du PGQ est d’avis que le financement aurait considéré le fait de retenir le prix d’acquisition du lot 837, en 2012, soit 5 100 000 $. Celui de l’expropriée n’est pas d’accord et dit que les banques financent les projets en établissant une juste valeur marchande (JVM), à la date de construction. Cette valeur est établie à 8 731 000 $[115] par l’évaluateur Marc Laroche[116] et est reprise par l’expert Brault[117].
[201] Sur ce point, la prépondérance de la preuve appuie la position de l’expropriée à l’exception que le Tribunal retient la valeur du terrain tel qu’établi au premier rapport de l’expert Laroche, soit la valeur réduite des coûts de décontamination et démolition à 8 000 000 $, puisque ces coûts ont un impact direct sur la JVM du terrain tant que ces travaux ne sont pas réalisés.
[202] Le Tribunal ne peut concevoir que le financement d’un projet reposera sur un prix de terrain convenu plus de trois ans avant la construction, surtout dans ce marché immobilier en forte progression. Les témoignages de M. Chaloub et de M. Dupuis confirment cette logique.
[203] Questionné sur son hypothèse, M. Allard s’est défendu en disant s’être basé sur le prix négocié en janvier 2012 en raison d’absence de preuve de marché, en août 2015. Or, un évaluateur agréé a été mandaté pour aider à fixer l’offre de l’expropriant, M. Daniel Ryan, et ce dernier a réussi à établir trois valeurs marchandes en fonction de trois dates différentes. Il n’aurait pas été beaucoup plus compliqué, de l’avis du Tribunal, de lui demander d’établir la JVM en août 2015.
[204] Le prix de vente de 5 100 000 $ du lot 837 date de janvier 2012. Considérant que les experts conviennent que la valeur est de 10 450 000 $ en mars 2017, il est probable qu’elle se situe à 8 000 000 $ en août 2015, telle que déterminée par l’évaluateur Marc Laroche dans son premier rapport[118]. D’ailleurs, il s’agit d’une augmentation annuelle de 13,5 %, entre janvier 2012 et août 2015, ce qui correspond aux augmentations observées pendant les années en cause pour ce type de propriété, selon la preuve.
[205] Le second écart entre les experts Brault et Allard porte sur l’inclusion des frais d’intérêts dans le calcul des besoins en capitaux propres. S’ils s’entendent que ces frais doivent être assumés par les actionnaires de l’expropriée, donc être inclus dans le calcul des besoins en capitaux propres et exigibles mensuellement, ils divergent d’opinion quant à la nécessité d’inclure ceux durant l’exercice financier de 2017.
[206] M. Brault est d’avis que lorsque la livraison des unités débute en 2017, au fil de la finition de certains étages, certains flux financiers sont dégagés. Ce faisant, il émet l’hypothèse que le paiement des intérêts mensuels de 2017 n’aurait pas nécessité d’injection additionnelle de capitaux propres, puisque les entrées de fonds permettront de rembourser la dette rapidement.
[207] À l’opposé, M. Allard est d’avis que l’ensemble des frais d’intérêt doivent être considérés dans le calcul des besoins en capitaux, et ce, jusqu’en août 2017 soit à la livraison complète du projet.
[208] Même s’il est vrai que certaines unités pourront être livrées sans attendre août 2017 et que certains flux monétaires vont être dégagés, le Tribunal est d’avis qu’il est irréaliste de penser qu’il n’y ait aucuns frais de financement en 2017.
[209] Pour que l’exercice soit cohérent, et considérant que les deux experts retiennent des hypothèses sur l’émission du financement à compter de 2015 et une émission de financement de 11 480 022 $ en 2017, il semble plus indiqué de maintenir le montant des intérêts pour l’année 2017 dans le calcul des besoins en capitaux propres.
[210] En appliquant une JVM de 8 000 000 $ et en considérant les intérêts de l’année 2017 dans le calcul de la capacité financière requise, l’expropriée avait donc besoin d’un apport en capitaux propres de 6 509 738 $ pour réaliser son Projet.
[211] M. Chaloub personnellement et sa société, Groupe Conseil A.C.A.[119] possèdent les capitaux propres pour rencontrer ses exigences[120].
[212] Même si le Tribunal avait considéré une JVM du lot 837 de 5 100 000 $ au lieu de 8 000 000 $, il aurait conclu de la même façon, en raison de l’arrivée de partenaires qui avaient amplement les ressources pour injecter les sommes requises[121].
[213] Même si l’expropriant plaide que M. Patrick Varin et M. Vittorio Tiramani ne sont pas liés juridiquement à l’expropriée, ils le seraient manifestement devenus, en cas de besoin. D’ailleurs, c’est Vittorio Tiramani[122] qui a avancé les fonds, en novembre 2017, pour son fils Stefano, actionnaire de l’expropriée via sa société Morfaso. Manifestement, l’expropriée ne manquait pas de liquidité, si des besoins s’en faisaient sentir.
[214] L’expropriant se rabat sur les conclusions du juricomptable, M. Allard pour affirmer qu’il ne faut pas considérer les personnes non liées à l’expropriée pour évaluer sa capacité financière à mener un tel projet. Le Tribunal est d’avis contraire, s’appuyant sur la règle en expropriation de ne pas envisager l’horizon de réalisation comme trop étroit ni de s’attarder de façon trop pointue sur le degré de probabilité de réalisation du Projet[123].
[215] En conclusion sur cette condition, la JVM du terrain et l’apport personnel de M. Chaloub suffisent pour rencontrer l’exigence d’obtenir les conditions financières pour réaliser le Projet. Il ne s’agit pas d’un empêchement, loin de là.
4.3.4 Le caractère précis de la quantification de la perte
[216] Calculer une perte de profits causée par une expropriation implique l’utilisation de nombreuses projections et une analyse sérieuse.
[217] Dans le présent dossier, les deux parties ont eu l’aide d’experts en évaluation d’entreprise et en quantification de dommages. Les experts Allard et Brault ont réalisé leurs mandats dans le respect des règles de l’art. D’ailleurs, en plus de leurs sept rapports d’expertises individuelles[124], un rapport conjoint a été préparé, afin de synthétiser les hypothèses sur lesquelles ils s’entendent et celles sur lesquelles il n’y a pas consensus[125].
[218] Au niveau de la méthodologie utilisée pour calculer la perte de profits, la méthodologie est la même. Elle consiste à quantifier les flux monétaires nets que le Projet aurait permis de générer, desquels sont ensuite déduits les flux monétaires nets découlant de la mitigation des dommages. Ces flux sont ensuite actualisés ou capitalisés pour refléter la valeur temporelle de l’argent à la date de l’évaluation.
[219] Considérant les nombreuses admissions convenues au niveau des valeurs immobilières, des coûts de construction (36,6 M$) et du produit des ventes (59,6 M$)[126], les experts Allard et Brault ont poursuivi leurs discussions et se sont entendu au niveau des modalités du dépôt des ventes[127], des délais d’absorption (37 mois), des frais de développement (753 626 $) et leur répartition dans le temps[128], les commissions des ventes[129], les intérêts de 4,2 % sur le financement intérimaire et la façon de le verser, la déduction de la valeur du terrain de la perte de profits et la façon de mitiger les dommages associés à l’acquisition du terrain.
[220] Ces nombreuses ententes entre les experts et la qualité du travail qui se cache derrière celles-ci donnent beaucoup de crédibilité quant à la justesse des hypothèses et au calcul de la perte de profits.
[221] Les seuls éléments sur lesquels les experts Allard et Brault ne s’entendent pas demeurent assez simples à résoudre, de l’avis du Tribunal. Un de ces éléments concerne la valeur attribuée au terrain, et le Tribunal a expliqué précédemment la position retenue à 8 000 000 $. L’autre élément concerne le taux d’actualisation.
[222] Sur ce dernier point, M. Brault utilise la méthode du Modèle d’évaluation des actifs financiers (MEDAF[130]), selon certaines composantes[131], ce qui lui donne un taux d’actualisation de 11,34 %, tandis que M. Allard utilise celle de l’accumulation, qui donne un taux de 18,34 %[132].
[223] L’écart n’est pas significatif jusqu’à la considération de prime de risque pour entreprise de petite taille et celle pour le Projet.
[224] Pour la prime de risque pour entreprise de petite taille, les experts réfèrent au même barème, sauf que M. Brault retient la prime combinée des déciles 9 et 10[133] alors que M. Allard ne retient que le dixième décile, en précisant que la taille de l’expropriée n’est pas comparable à celle des entreprises du décile 9. M. Brault se justifie en affirmant que le décile 10 peut inclure des entreprises en difficultés financières et tend à capter ces risques autres que l’effet de la taille.
[225] Pour la prime de risque propre au Projet (ou prime de risque spécifique), M. Allard l’établit à 5 % alors que M. Brault est d’avis qu’aucune prime ne doit être retenue puisqu’elle vise à quantifier tout risque non déjà inclus dans les primes précédentes. Il ajoute que puisqu’il s’agit d’un projet immobilier dont les projections ont été établis par des experts en construction et immobilier au dossier, elle ne devrait pas s’appliquer. Les experts réfèrent chacun à la littérature en évaluation d’entreprise[134].
[226] Le Tribunal est d’avis que M. Brault minimise le risque de l’expropriée en retenant une prime de risque lié à la taille entre les déciles 9 et 10 combinés à une prime de risque nulle, lié au Projet. M. Allard retient une prime qui apparaît plus appropriée pour le risque de l’industrie, mais l’accentue beaucoup trop en retenant 5 % pour le risque lié au Projet.
[227] La littérature en évaluation d’entreprise demande d’évaluer le risque propre au projet en le comparant avec les autres entreprises de l’industrie, lorsqu’un ajustement du risque lié à l’industrie a déjà été considéré[135].
[228] Rien dans la preuve ne permet de conclure que l’expropriée ne fait pas partie de la moyenne des entreprises de sa catégorie ou qu’elle est plus risquée.
[229] Le Tribunal retient donc la prime de risque de l’industrie de 5,59 % soit le décile 10, mais n’applique aucune prime de risque propre au Projet, ce risque étant déjà couvert.
[230] En incluant ce taux dans la méthode de calcul de chacun des experts, le TGA varie entre 13,54 % et 13,34 %. Le Tribunal retient un TGA arrondi de 13,45 %.
[231] Vu la modification du financement à 28 651 219 $ au lieu de 29 199 469 $ étant donné la JVM du terrain rajustée à 8 M$, les frais de financement pour 2015, 2016 et 2017 sont maintenant de 1 059 331 $.
[232] Ainsi l’actualisation des flux d’encaisse pour le Projet est fixée à 14 972 506 $ au taux de 13,45 % déterminé précédemment.
[233] L’expert Brault capitalise la perte à la date projetée de la présente décision, soit au 1er novembre 2021. Cette date serait à retenir, car c’est celle où l’expropriée pourra recevoir l’indemnité s’il n’y a pas d’appel; elle retrouvera alors une situation financière similaire à celle qu’elle avait avant l’expropriation.
[234] Le Tribunal s’est déjà prononcé sur cette question et rejette cette prémisse, préférant arrêter tout calcul de l’indemnité accessoire à la date de la prise de possession.
[235] En déduisant de cette somme la valeur du lot 837 en mars 2017, soit 10 450 000 $, la perte de profit net est de 4 522 506 $. Le Tribunal l’arrondit à 4 522 500 $.
[236] En raison des nombreuses admissions intervenues entre les experts et leur travail basé sur les règles de l’art en évaluation d’entreprises, il s’agit d’un résultat qui rencontre la troisième condition pour octroyer une indemnité basée sur une perte de profits, soit qu’elle est quantifiable avec précision et que la preuve d’expertise est probante.
[237] Reste la question de savoir si cette indemnité pour perte de profits permet d’indemniser l’expropriée sans risquer de l’enrichir. La dernière condition vise donc à éviter tout risque de double indemnisation.
4.3.5 Le risque de la double indemnisation
[238] L’expropriant accepte de verser un montant de 10 450 000 $ à titre d’indemnité immobilière.
[239] Dans des conditions idéales, le versement de la majeure partie de cette indemnité se fait en date d’évaluation soit au moment où l’exproprié est dépossédé de son immeuble. L’indemnité immobilière que constitue très souvent l’indemnité provisionnelle s’établit à ce moment précis.
[240] Ce faisant, l'exproprié est généralement en mesure de refaire sa situation. Pour un développeur, il peut alors s’acheter, avec les sommes reçues, un immeuble similaire et réaliser son profit ailleurs. C’est un peu comme si l’expropriant offrait un autre immeuble en échange de l’immeuble exproprié.
[241] Verser une indemnité accessoire basée sur la perte de profits tout en versant une indemnité provisionnelle ou finale qui permet d’acheter un autre immeuble afin d’y réaliser un autre même profit représente un risque d’indemniser en double. Un développeur pourrait alors potentiellement réaliser deux profits pour le prix d’un.
[242] Le vieil adage qui paie mal paie deux fois est bien connu et souvent cité par les tribunaux[136]. En expropriation, les tribunaux réfèrent aussi à l’expression visant à ne pas prendre le beurre et l’argent du beurre[137].
[243] L’objectif est le même, soit éviter une double indemnisation.
[244] Il importe donc de s’assurer, avant d’octroyer une indemnité accessoire basée sur une perte de profits du développeur, que les autres éléments de l’indemnité sont insuffisants. Dans certains cas spécifiques, il arrive que l’indemnité immobilière ne suffise pas, à elle seule, de dédommager l’exproprié.
[245] Dans l’affaire Manoir de l’âge d’or[138], la Cour du Québec a accordé la perte de profits afin de compenser l’exproprié de ses démarches très avancées de son Projet. Au moment de l’expropriation, il avait en main les permis de construction nécessaires, les plans de lotissement et de construction, avait installé un bureau de vente et débuté la prévente des unités.
[246] Dans l’affaire Associés du Nord[139], le Tribunal accorde une indemnité pour perte de profits du promoteur, limité aux ressources consacrées pour le valoriser. Le Tribunal limite la perte à 50 % des profits anticipés, et ce, afin de considérer qu’avec l’indemnité immobilière reçue, l’exproprié devra recommencer son processus de développement à nouveau. Il a donc droit à la partie de la perte de profit qu’il ne pourra récupérer, en raison de l’expropriation.
[247] Dans l’affaire 9131-4781 Québec Inc.[140], le TAQ octroie une perte de profits en raison du caractère unique des terrains expropriés, soit des lots situés dans le quartier Dix30, à Brossard. Le Tribunal mentionne, au début de son analyse portant sur la perte de profit, la règle générale normalement retenue :
[184] Le Tribunal souligne, au départ, que l’octroi d’une indemnité pour la perte des profits qu’aurait pu procurer la vente d’une construction projetée sur un terrain vague constitue un remède d’exception puisque, habituellement, l’indemnité accordée pour la valeur d’un terrain exproprié devrait permettre à son propriétaire d’acquérir un terrain substitut sur lequel il pourra réaliser son projet.
[Transcription conforme, soulignements du Tribunal]
[248] Malgré que ce remède relatif à la perte de profits de construction soit l’exception, le Tribunal décide de l’accorder, car la preuve démontre que c’est impossible d’acquérir un terrain substitut. Il est d’avis que ce Projet constituait en quelque sorte un site unique ne possédant aucun comparable.
[249] Dans l’affaire 9113-2506 Québec inc[141], le Tribunal accorde une indemnité pour perte de profits du promoteur axé sur un profit anticipé de 8 % des ventes brutes de terrains (méthode de lotissement). L’expert évaluateur de l’expropriant, M. Daniel Ryan, avait admis au départ que n’eût été l’offre d’un terrain substitut, ce dommage pourrait être accordé.
[250] Le TAQ a jugé valable l’argument à l’effet que l’exproprié avait, avec son Projet de développement, une expectative de profits supérieurs, ce qui l’avait motivé à aller de l’avant avec son Projet. Comme l’expropriation l’empêche à jamais de récupérer ce surprofit, le Tribunal l’a accordé à titre d’indemnité.
[251] Tout est toujours fonction de la preuve présentée, comme le rappelle ici le TAQ:
[922] Ce n’est que de manière exceptionnelle qu’une telle perte de profits est accordée dans le cas d’un projet de développement non réalisé : parmi toute la jurisprudence sur cette question, elle ne l’a été que dans de rares cas.[142]
[252] Le Tribunal est d’avis que la présente affaire comporte le caractère exceptionnel requis pour accorder la perte de profit.
[253] En effet, le fait d’avoir versé l’indemnité provisionnelle plus de trois ans après la publication de l’avis d’expropriation, laquelle a eu lieu quatre ans après la publication du premier avis de réserve, le tout dans un contexte de marché immobilier fortement en hausse, a privé l’expropriée de l’opportunité de refaire sa situation, de démarrer un autre projet avec les fruits de son indemnité.
[254] Au paragraphe 215 de son plan de plaidoirie, l’expropriant écrit :
214. Particulièrement dans le contexte où l’expropriée a été négligent afin de refaire sa situation, lui octroyer une perte de profit constitue une double indemnisation;
215. En effet, l’expropriée se voit verser l’ensemble des profits qu’aurait généré le projet en plus de recevoir une indemnité immobilière par laquelle elle peut développer un nouveau projet;
(Soulignements du Tribunal)
[255] L’élément important dans cette affirmation est de recevoir une indemnité. Si l’expropriée avait reçu en 2017 et non en 2019 et 2020 les montants versés, elle aurait pu développer un nouveau projet et ce faisant, verser les profits en plus de cela aurait constitué une double indemnisation. Mais la situation est bien différente :
Ø Lorsque l’expropriée reçoit la première partie de l’indemnité provisionnelle, en mai 2019, de 5 408 500 $, il lui en faudrait alors beaucoup plus pour développer un nouveau projet;
Ø Lorsque l’expropriée reçoit finalement la 2e tranche de cette indemnité en juillet 2020, soit 4 758 688 $, c’est toujours nettement insuffisant pour refaire sa situation.
[256] Comme le résume bien l’expert Marc Laroche dans son témoignage, c’est le non-paiement qui cause le dommage[143].
[257] Le Tribunal est d’avis qu’en empêchant l’expropriée de refaire sa situation à l’aide des sommes versées, l’expropriant ouvre la porte à l’octroi d’une indemnité accessoire basée sur la perte de profit, la perte de l’augmentation des valeurs de terrain ou une jonction des deux.
[258] Pour ces motifs, le Tribunal n’aurait d’autre choix que d’accorder la perte de profit de 4 522 500 $ à titre d’indemnité accessoire. Cette somme ne doit toutefois pas être attribuée, considérant l'octroi d'une indemnité accessoire de 11 792 000 $ accordée afin de considérer la perte d'appréciation des valeurs.
4.4 La réclamation relative aux frais engagés inutilement
[259] Comme le Tribunal a conclu à la recevabilité de la réclamation pour la perte d’appréciation de la valeur, il y a lieu de décider de la partie connexe à cette réclamation, soit la récupération des frais de 107 015 $, engagés inutilement par l’expropriée pour son Projet[144].
[260] Il s’agit essentiellement des frais de développement déjà engagés, tels que ceux pour déposer la demande de PPCMOI à l’AVM, le paiement des honoraires pour les études de faisabilité, les frais juridiques pour le Projet (et non ceux relatifs au dossier d’expropriation), les frais de lobbying, de notaires, etc.
[261] Le calcul a été effectué par l’expert Brault. Il précise dans son rapport complémentaire EE-152 que ces dépenses ont dû être engagées avant la date d’évaluation immobilière de mars 2017 et n’aurait pas été encourues si le Projet avait été réalisé. Ces montants constituent donc des dommages directs, selon lui.
[262] L’expropriant admet le quantum, mais conteste cette réclamation. Il est d’avis, en premier lieu, que les frais engagés avant l’avis de réserve, totalisant 70 781,10 $[145], auraient été perdus de toute manière et qu’on ne peut leur attribuer un lien causal direct avec l’expropriation.
[263] Il précise que si l’expropriée avait fait une demande d’accès à l’information à l’époque où le mémoire du Palais des congrès a été déposé, soit lors de la séance de consultation, elle aurait pu prendre connaissance de la Stratégie de développement économique développée par la ville de Montréal, lequel document identifie l’agrandissement du Palais des congrès comme un projet prioritaire de Tourisme Montréal au sein de la stratégie de développement économique de Montréal[146].
[264] Pour ce qui est des autres frais qui composent la réclamation de l’expropriée à ce chapitre[147], ils sont tous survenus après l’imposition de l’avis de réserve. L’expropriant maintient l’idée que pour mitiger ses dommages, l’expropriée devait cesser toutes démarches pour développer le lot 837 une fois l’avis de réserve signifié. Elle aurait pris un risque d’affaires en spéculant sur l’abandon possible de la réserve ou en présumant qu’il n’y aurait pas d’expropriation.
[265] Le Tribunal rappelle que l’imposition d’un avis de réserve ne prive aucunement son propriétaire de continuer à l’opérer et à tenter de le mettre en valeur. La prohibition vise trois éléments : une construction, une amélioration ou une addition. Les réparations sont permises[148]. La sanction est que l’indemnité n’en tiendra pas compte[149].
[266] Dans l’affaire Immeubles des Moulins inc., le juge Christian J. Brossard écrit :
L’effet de la réserve est de prohiber, pour sa durée (c’est-à-dire pour une période initiale de deux ans et, sur renouvellement, une période de deux autres années), toute construction, amélioration ou addition sur l’immeuble qui en fait l’objet, sauf les réparations, en somme de geler le développement de l’immeuble pour un temps. [150]
[Transcription conforme, soulignement du Tribunal]
[267] Toutefois, il est clair que ce gel de valeur ne se rapporte qu’aux impacts reliés au projet de l’expropriant, et non à tout le reste. Il s’agit également d’un gel quant aux ajouts ou améliorations à l’immeuble, mais non des opérations en place ou à venir[151].
[268] Est-ce à dire qu’une fois l’avis de réserve publié, un développeur ne pourrait plus continuer ses démarches pour mettre en valeur son immeuble, sans toutefois y apporter aucune amélioration?
[269] Ce qui semble prohibé, c’est en fait la création de situations pouvant donner lieu à l’indemnité. Selon la jurisprudence, les articles 69 et 70 ont une portée particulièrement étendue[152]. C’est la raison pour laquelle les tribunaux ont décidé, d’un côté, de refuser une demande d’indemnité pour des baux consentis pendant que dure la réserve, dans la mesure où leur durée excède le temps qui reste à courir avant l’expiration de cette dernière[153], mais d’en accepter une concernant la valeur d'achalandage et les améliorations à un fonds de commerce en exploitation :
L’interdiction de construire, améliorer ou ajouter à l’immeuble n’empêche pas son propriétaire d’en faire l’opération la plus lucrative possible et, si une expropriation suit un avis de réserve, d’être indemnisé pour ces dommages compensables.[154]
[270] Dans le présent dossier, le Tribunal juge que l’ensemble des frais réclamés par l’expropriée doivent être indemnisés, sauf les frais normaux que doivent assumer tous les propriétaires d’immeubles, tels que les taxes foncières et les frais d’assurances.
[271] En effet, comme l’indemnité basée sur la perte d’appréciation de valeur a pour fondement que l’expropriée est demeurée propriétaire du lot 837 jusqu’en juillet 2020, elle doit payer ses taxes jusqu’à ce qu’elle puisse s’en départir et profiter alors de la pleine valeur du bien lors du transfert.
[272] Par ailleurs, même s’il existe des chances que l’avis de réserve ne soit pas renouvelé ni qu’un avis d’expropriation soit publié par la suite, un propriétaire doit éviter d’engager des dépenses importantes si elles ne sont pas nécessaires au maintien des opérations en place.
[273] Dans le présent dossier, les démarches de l’expropriée s’inscrivent surtout dans l’optique de ne pas prendre trop de retard si jamais il y avait eu absence d’expropriation.
[274] Rien n’empêche un exproprié de mener à bien son projet, après avoir reçu un avis de réserve, jusqu’à ce que l’expropriant choisisse, en cours de route, d’exproprier son immeuble et annihile définitivement sa possibilité de construire[155].
[275] L’expropriée a payé de nombreux frais, certains dont elle n’avait aucun contrôle, alors qu’elle restait artificiellement propriétaire du lot 837.
[276] Elle a droit à obtenir, à titre d’indemnité, le remboursement de ces frais, sauf les taxes foncières et les frais d’assurances, soit 107 105 $[156].
4.5 La réclamation relative aux troubles et ennuis
[277] L’expropriée réclame un montant de 50 000 $ pour compenser ses troubles, ennuis et inconvénients. L’expropriant offre un montant de 11 000 $ à ce titre, lequel inclut le temps et les efforts pour la recherche d’une propriété substitut et les frais de notaire y afférents.
[278] Dans l’affaire Dubois[157], le juge Richard Landry de la Cour du Québec a bien établi les paramètres juridiques qui encadrent le volet d'indemnisation pour troubles, ennuis et inconvénients, en matière d'expropriation. Ils sont ici résumés :
· l’indemnité est fixée d’après le préjudice directement causé par l’expropriation;
· elle est accordée pour compenser la partie expropriée pour les inconvénients (stress, pertes de temps, gestion du dossier, dommages moraux) causés par l’expropriation, incluant la constitution de son dossier de réclamation avec son avocat et ses experts;
· le Tribunal doit tenir compte du caractère direct, matériel et de certains préjudices[158];
· il ne s’agit pas d’une indemnité prévue pour permettre au décideur de faire preuve de générosité, d’empathie ou de compassion à l’égard de l’exproprié, mais pour compenser un préjudice réel causé par l’expropriation, dont l’expropriée a le fardeau de la preuve;
· le Tribunal doit tenir compte de l’équilibre à maintenir entre l’octroi d’une juste indemnité à l’expropriée et le fait que cette indemnité est payée par des fonds publics;
· le Tribunal peut tenir compte de dommages subis dans le cadre général du processus d’expropriation, tel que déterminé par la Cour suprême dans Dell Holdings[159].
[279] Le contexte exposé au début de la présente décision permet de croire les représentants de l’expropriée lorsqu’ils témoignent que le processus d’expropriation dans le cas en espèce fut une source de soucis et de stress importants.
[280] M. Chaloub a délaissé ses fonctions de promoteur pour la préparation de son dossier d’expropriation, des rencontres avec les différents intervenants, les experts et les procureurs[160]. M. Dupuis a témoigné, le 1er juin 2021, sur les difficultés causées par la gestion de dossier fort complexe et du temps considérable qu’il y a consacré. Il en va de même de M. Stéfano Tiramani[161].
[281] L’expropriation a eu pour effet de priver l’expropriée de sa raison d’être et leurs dirigeants en furent forcément impactés. Le Tribunal considère de ce fait qu’il s’agit de troubles et ennuis qui sont indemnisables.
[282] L’octroi d’une indemnité pour troubles et ennuis doit être fixé en fonction du préjudice directement causé par l’expropriation. Elle doit servir à compenser une partie expropriée et ses dirigeants pour toute une gamme d’inconvénients, allant du stress, des pertes de temps, de la gestion du dossier, des dommages moraux et autres[162].
[283] Dans la décision 9113-2506 Québec inc.[163], a accordé une somme de 50 000 $ pour compenser les troubles et ennuis et inconvénients subis, laquelle représente 1,89 % de l’indemnité immobilière de 2 650 000 $ accordée. Dans cette affaire, le processus d’expropriation n’avait commencé que 14 mois avant la signification de l’avis d’expropriation, ce qui est presque trois fois moins que dans le présent dossier. De plus, la partie expropriée n’avait fait aucune preuve permettant de quantifier les dommages associés aux troubles, ennuis et inconvénients, ce qui ne l’a pas empêché de recevoir ce montant de 50 000 $.
[284] Dans l’affaire Menuiseries Mont-Royal inc.[164], le Tribunal a accordé une indemnité de 50 000 $ pour les troubles et ennuis. Le procureur de l’expropriée a raison de faire un parallèle avec le présent dossier[165], ne serait-ce que sur la durée de l’audition, soit 13 jours, comparativement à 15 jours dans le présent dossier, et ce, malgré de très nombreuses admissions.
[285] Considérant les sommes en jeu dans le présent dossier et l’ampleur de celui-ci, considérant les nombreuses démarches qu’a dû faire l’expropriée pour s’assurer de la bonne progression du dossier, le Tribunal est d’avis que l’offre de l’expropriant est insuffisante.
[286] Une indemnité de 50 000 $ pour tenir compte de l’ensemble des dommages non pécuniaires est justifiée, compte tenu de la preuve.
4.6 Le total des indemnités accordées
[287] Les indemnités accordées par le Tribunal se résument ainsi :
Indemnité principale |
|
- Valeur du terrain : |
10 450 000 $ |
Indemnité accessoire |
|
- Perte d’appréciation de valeur: - Frais engagés inutilement : - Troubles et ennuis : |
11 792 000 $ 107 105 $ 50 000 $ |
Total (arrondi) : |
22 399 105 $ |
4.7 Le remboursement des frais d’expertise
[288] L’expropriée réclame un total de 673 437,08 $ à titre de remboursement des frais d’expertises.
[289] Il s’agit d’un montant substantiel, mais il est important de mentionner que le travail des experts ayant mené aux admissions sur les quantums a grandement contribué à faciliter l’audience et à en réduire la durée, contribuant ainsi à une bonne et saine administration de la justice.
[290] Ces frais sont contestés par l’expropriant qui n’accepte de rembourser qu’une partie des frais de l’expert évaluateur Marc Laroche, suivant sa théorie de la cause.
[291] Pour être accordés, les frais d’experts doivent être encourus pour préparer des expertises pertinentes et utiles au litige. Les honoraires s’évaluent sur la base du quantum meruit qui est défini ainsi :
Les frais d’expertises sont évalués sur une base de quantum meruit. Ceci signifie qu’ils doivent être évalués et adjugés non pas sur la base des relations contractuelles des experts avec les expropriés, mais en fonction du nombre d’heures travaillées, de la valeur des services rendus, de l’utilité du témoignage et du rapport d’expertise.[166]
(Transcription conforme, soulignements du Tribunal)
[292] Les critères les plus souvent utilisés par le Tribunal sont la pertinence, l’utilité et le sérieux de l’expertise dans la préparation de la cause et la solution du litige[167].
[293] L’expertise doit être en relation directe avec l’expropriation et lui être exclusivement rattachée. De plus, les conclusions de l’expert doivent être raisonnablement soutenables et avoir été utiles aux négociations ou à l’enquête.
[294] Le Tribunal a le mandat d’attribuer une indemnité juste et équitable, mais aussi celui de protéger l’intérêt public puisque les deniers servant à payer l’indemnité sont des fonds publics[168]. Il est établi que le Tribunal a cependant toute discrétion en cette matière.
[295] Le rôle du Tribunal est d’attribuer une indemnité juste et équitable, ce qui vise également le remboursement des frais d’expertises. Cela implique de protéger l’intérêt public, puisque les deniers servant à payer l’indemnité sont des fonds publics.
Altus, évaluateurs agréés
[296] Les factures produites en preuve totalisent un montant de 328 148,30 $[169].
[297] L’expropriant demande au Tribunal de réduire ce montant afin de ne considérer que la portion relative à l’établissement de la valeur immobilière, convenue à 10 450 000 $. Il plaide que pour la partie relative au projet fictif de l’expropriée[170], il y a lieu de ne rien accorder.
[298] Avec égards, l’expropriant a une très mauvaise lecture de la matérialité du Projet.
[299] Sans revenir sur tout ce qui a déjà été dit, le Tribunal est convaincu que, n’eût été l’expropriation, on retrouverait aujourd’hui, sur le lot 837, une tour de 20 étages abritant 142 condominiums résidentiels et deux espaces commerciaux au rez-de-chaussée.
[300] Des dires même du directeur de l’aménagement urbain de l’AVM, M. Marc Labelle, le Projet était déterminant pour le secteur, permettait de participer à sa revitalisation, avec l’avantage de démolir les bâtiments en place qui, en dehors des caractéristiques architecturales de certaines façades[171] qui auraient mises en valeur, ne méritent pas mieux que de disparaître sous le pic des démolisseurs.
[301] Il est aussi clair que, pour les motifs préalablement détaillés, les actionnaires et dirigeants de l’expropriée avaient tout en main pour mener à terme ce Projet.
[302] Après analyse, le Tribunal considère que les rapports d’expertises de la firme Altus ont été utiles dans la solution du litige. Les explications de M. Marc Laroche témoignent d’un travail réalisé dans les règles de l’art, dans le cadre d’un dossier complexe.
[303] Pour l’ensemble de ces motifs, le Tribunal est d’avis que l’expropriée était en droit de retenir les services d’experts évaluateurs pour démontrer sa position. Il est d’avis que les expertises ont fourni des informations pertinentes au dossier. Le Tribunal accorde donc le plein montant réclamé.
KPMG, évaluateurs d’entreprises
[304] Les factures de KPMG produites en preuve totalisent 148 302,01 $[172].
[305] Rien dans le rapport de M. Brault, ni dans son témoignage ou à la consultation de sa facturation, ne permet au Tribunal d’envisager une réduction des honoraires quant à la pertinence et l’utilité que du sérieux de l’ensemble de sa démarche.
[306] Le Tribunal considère que le témoignage de l’expert, de même que les données contenues à son rapport, ont été utiles dans l’appréciation de la preuve administrée. Aucune diminution ne sera donc appliquée pour ces honoraires.
Paré et Associés, urbanistes
[307] Les factures de Paré+ produites en preuve totalisent 88 064,25 $[173].
[308] Le Tribunal considère que le témoignage de l’expert, de même que les données contenues à son rapport, ont été utiles dans l’appréciation de la preuve administrée. Aucune diminution ne sera donc appliquée pour ces honoraires.
GLT+, ingénieurs
[309] Pour des services-conseils en immobilier afin d’estimer les coûts de construction du Projet, les factures de GLT+ produites en preuve totalisent 69 422,50 $[174].
[310] Le Tribunal considère que les données contenues à son rapport, ont été utiles dans l’appréciation de la preuve administrée. Aucune diminution ne sera donc appliquée pour ces honoraires.
GBI, ingénieurs
[311] Les factures de GBI produites en preuve totalisent 22 000 $[175].
[312] Les plans et devis de performance préparés par GBI se sont avérés nécessaires dans le contexte de la réclamation de l’expropriée et du litige avec l’expropriant, le tout à la demande expresse des experts en coûts de construction et en évaluation agréée[176].
[313] Afin d’éviter de fastidieux débats d’analyse quantitative, l’expropriant s’est d’ailleurs servi de ces données pour servir de base dans leurs expertises. Ces frais de GBI, de même que ceux d’Atelier Chaloub qui suivent, ont pu permettre aux experts en estimation de coûts de construction de s’entendre sur ceux-ci[177].
[314] Le Tribunal considère que les données contenues à son rapport ont été utiles dans l’appréciation de la preuve administrée. Aucune diminution ne sera donc appliquée pour ces honoraires.
Atelier Chaloub, architectes
[315] Les factures d’Atelier Chaloub produites en preuve totalisent 17 500 $[178].
[316] Comme pour la facture de GBI, le devis descriptif du Projet préparé par Atelier Chaloub fut nécessaire dans le contexte eu égard à la réclamation.
[317] Encore ici, le Tribunal considère que les données contenues à ce rapport ont été utiles dans l’appréciation de la preuve administrée. Aucune diminution ne sera donc appliquée pour ces honoraires.
[318] En conclusion sur les frais d’experts, voici un sommaire des honoraires professionnels accordés et inclus dans les frais de justice :
Ø 328 148,30 $ - Altus (évaluateurs agréés);
Ø 148 302,01 $ - KPMG (évaluateurs d’entreprises);
Ø 88 064,25 $ - Paré et Associés (urbanistes);
Ø 69 422,50 $ - GLT+ (ingénieurs);
Ø 22 000,00 $ - GBI;
Ø 17 500,00 $ - Atelier Chaloub (architectes).
[319] Le Tribunal accorde donc le plein montant réclamé, soit 673 437,06 $.
4.8 L’indemnité additionnelle et le calcul des intérêts
[320] L’indemnité additionnelle peut être accordée au terme de l’article 68 LE, dont le troisième alinéa est ainsi rédigé :
68. Il peut être ajouté au montant ainsi accordé une indemnité calculée en appliquant à ce montant, à compter de la date de la prise de possession du bien exproprié ou à compter de la date de l’homologation de l’ordonnance, suivant la date la plus ancienne, un pourcentage égal à l’excédent du taux d’intérêt fixé suivant l’article 28 de la Loi sur le ministère du Revenu (chapitre M-31) sur le taux légal d’intérêt.
[321] Le courant jurisprudentiel dominant quant à l’indemnité additionnelle est qu’il s’agit d’une indemnité pour dommage et non d’un intérêt additionnel. Les motifs qui justifient de l’accorder sont le retard indu, la négligence à parfaire les procédures ou une offre insuffisante qui auront permis de prendre possession du bien exproprié sur le versement d’un paiement provisionnel nettement inférieur à l’indemnité finale adjugée par le Tribunal.
[322] Comme l’expropriant a tardé à parfaire ses procédures en expropriation, amorcées en mars 2013 et concrétisées en mars 2017, et que l’offre faite en janvier 2019 est substantiellement inférieure à l’offre faite à l’audience ainsi que bien loin de l’indemnité accordée par le Tribunal, ce dernier accorde à l’expropriée l’indemnité additionnelle.
[323] Quant au mode de calcul de l’indemnité additionnelle, la Cour suprême du Canada a réaffirmé en 1991[179] la discrétion du Tribunal pour déduire de l’indemnité définitive les sommes payées à titre d’acompte provisionnel. Puisqu’il n’existe pas de critères exhaustifs, le pouvoir discrétionnaire d’effectuer une déduction doit être exercé en fonction des circonstances particulières de chaque cas.
[324] Dans le présent dossier, les trois motifs qui justifient à eux seuls l’octroi de l’indemnité additionnelle sont réunis, de sorte que le Tribunal est justifié d’accorder l’indemnité additionnelle sans défalcation de la somme de 10 461 000 $ déjà versé.
[325] En raison de la longueur excessive du processus d’expropriation, laquelle résulte du manque de diligence du PGQ, l’expropriée est privée, depuis le 19 mars 2013, du droit d’exploiter l’Immeuble et d’y réaliser le Projet en plus de ne pas pouvoir bénéficier des sommes qui lui sont dues en contrepartie de l’expropriation.
[326] Ces délais exceptionnellement longs ont causé à l’expropriée un préjudice important et ils justifient à eux seuls que l’indemnité additionnelle soit accordée, et ce, sans défalcation des sommes déjà versées à titre d’indemnité provisionnelle ou de toute autre somme.
[327] Comme le prévoit la LE, l’indemnité additionnelle est comptée à partir de la date de la prise de possession légale, soit le 15 juillet 2020.
[328] Considérant la conclusion du Tribunal d’établir les indemnités relatives aux pertes de profits et d’appréciation de valeur, il en va de même de la computation des intérêts.
[329] En accordant à l’expropriée le droit de profiter de la valeur du lot 837 au moment où le transfert de propriété a lieu, les intérêts doivent débuter à ce moment.
[330] Concernant les frais d’expertises, certaines factures ont déjà été payées par l’expropriée, à des dates différentes[180], les intérêts doivent être calculés à partir du paiement des différents comptes.
[331] Pour les comptes impayés à ce jour, les intérêts débutent à compter de la date de la présente décision.
5. Conclusion
[332] Exproprier un immeuble constitue une atteindre aux droits fondamentaux de son propriétaire[181]. C’est un geste qui se justifie afin de permettre à l’ensemble de la société de profiter d’infrastructures efficientes et sécuritaires.
[333] La seule façon d’éviter une injustice grave en dépossédant ainsi un propriétaire de son bien est de lui octroyer une juste et préalable indemnité[182]. Cette dernière est fixée d’après la valeur du bien exproprié et du préjudice directement causé par l’expropriation[183].
[334] Le Tribunal a la responsabilité de fixer le montant de cette indemnité et de motiver sa décision. Il faut éviter d’enrichir l’exproprié, car il s’agit de fonds publics. Il faut aussi éviter de l’appauvrir.
[335] En versant à l’expropriée, tout au long de ce long processus d’expropriation, des montants nettement insuffisants pour simplement lui permettre de refaire sa situation, l’expropriant lui cause une importante injustice.
[336] La LE ne peut avoir pour effet, qu’après avoir réservé un immeuble pendant quatre ans, un expropriant peut attendre deux autres années avant de soumettre une offre et verser une partie de l’indemnité provisionnelle, puis une autre année de plus pour la compléter pour finalement prendre possession du bien, tout en sachant que la date qui devra être retenue pour établir cette indemnité est en mars 2017 et que pendant cette période, la valeur des propriétés comparables augmente très rapidement.
[337] Dans ce contexte, l’expropriée avait une expectative légitime de voir son dossier procéder rapidement.
[338] Elle était en droit de s’attendre de recevoir la valeur de son immeuble à une date concomitante à la date de l’avis d’expropriation, en mars 2017. Sans quoi, cette expectative légitime en devient une de la compenser financièrement pour les conséquences de ce retard.
PAR CES MOTIFS, pour valoir à l’expropriée la valeur du bien et tous les dommages lui résultant de cette expropriation, le Tribunal :
ORDONNE à la partie expropriante de payer à la partie expropriée, sous réserve de l’indemnité provisionnelle de 10 461 000 $ déjà versée, l’indemnité définitive qu’il établit à la somme de 22 399 105 $;
ORDONNE à la partie expropriante de payer à la partie expropriée les intérêts au taux légal depuis le 15 juillet 2020, date de la prise de possession physique de l’immeuble exproprié, sur la somme de 11 937 605 $, laquelle correspond à la différence entre l’indemnité définitive accordée et l’indemnité provisionnelle déjà versée;
ORDONNE à la partie expropriante de payer à la partie expropriée l’indemnité additionnelle prévue à l’article 68 de la Loi sur l’expropriation sur la somme de 22 399 105 $;
ORDONNE également à la partie expropriante de payer à la partie expropriée la somme de 693 437,06 $ correspondant aux honoraires d’experts de la partie expropriée, avec intérêts en fonction des dates de paiement;
LE TOUT avec les frais en faveur de l’expropriée.
SÉBASTIEN CARON, j.a.t.a.q.
|
JACQUELINE FRANCOEUR, j.a.t.a.q. |
Bernard, Roy (Justice-Québec)
Me Stéphan Nadeau et Me Mathieu Jacques
Procureur de la partie expropriante
BCF s.e.n.c.r.l.
Me Simon Pelletier, Me Vicky Berthiaume, Me Geneviève Bernier Gosselin
Procureure de la partie expropriée
[1] RLRQ, c. E-24 (LE).
[2] Shafter c. Cour du Québec, 2006 QCCS 505; Québec (Procureur général) c. Lapierre, 2005 CanLII 25220 (QC CQ); Québec (Procureur général) c. Crèmes glacées Jonathan inc., C.E.C.Q., Beauharnois, 500-34-001287-885, 1993-12-15; Société R. Langlois inc. c. Société Québécoise d’assainissement des eaux, J.E. 2001-1753, C.A., 5 septembre 2001, Ceveco Inc c. Municipalité de St-Hyppolyte, 2002 CanLII 14197 (QC CA), 500-09-008908-998, 21 novembre 2002, juges Otis, Morin, Dalphond.
[3] Gatineau (Ville de) c. 2871238 Canada inc., 2006 QCCQ 7096 (CanLII); Lévis (Ville de) c. Société en commandite Gésimo, 2016 QCTAQ 12755, par. 127.
[4] Robitaille c. Regem, [1950] B.R. pp. 614-615 (Cour d’appel), Juge Saint-Jacques; Commission de la capitale nationale c. McFarland Construction Company, [1974] R.C.S. 1088.
[5] Pièce EE-4 (offre d’achat acceptée).
[6] Pièces EE-29 à EE-46.
[7] Pièces EE-47 et EE-48.
[8] Pièces EE-6, EE-7, EE-135.
[9] Pièces EE-9 et EE-10.
[10] Pièce EE-2.
[11] Pièce EE-11.
[12] Pièce EE-12.
[13] Pièce EE-13.
[14] Pièce EE-14.
[15] Pièces EE-15 et EE-17.
[16] Pièce EE-16.
[17] Pièce EE-81.
[18] M. Dupuis détient 1,5 % des actions de l’expropriée, mais est un partenaire important en raison de son expérience. Il a travaillé plusieurs années à titre de directeur des comptes en immobilier au Centre financier aux entreprises chez Desjardins (pièce EE-38) et a participé activement à la très grande majorité des projets de Tyron, soit comme banquier responsable du financement des projets, soit comme directeur général de Tyron (pièce EE-114).
[19] Pièces EE-18 (avis public) et EE-19 (PV), EE-136 (enregistrement audio) et EE-137 (transcription).
[20] Pièce EA-13, pages 60 et suivantes.
[21] Pièces EE-19, EE-22, EE-136, EE-137, EE-148 et EA-13.
[22] Pièce EE-21.
[23] Pièce EE-23.
[24] Pièce EE-148 et témoignage de l’urbaniste M. Paré du 7 juin 2021.
[25] Pièce EE-24.
[26] M. Vittorio Tiramani a réalisé, par le biais de ses sociétés, environ 15 projets résidentiels d’envergure, à titre de promoteur immobilier, dont sur De Courtrai, le Novello II, le 10350, Place l’Acadie, de même que le 10450, le 10550, le 10650, le 10150, le 10050 et le 9050 Place l’Acadie, le Novo, le Kubik TMR ainsi que le Kubik Pointe-Claire (pièces EE-145 et EE-114). Le projet Place l’Acadie a d’ailleurs permis à Vittorio Tiramani, par le biais de sa société Tyron, de se distinguer en tant que promoteur immobilier en remportant le prix d’excellence de la Garantie Habitation des Maîtres Bâtisseurs dans la catégorie Accès à la propriété (pièces EE-107 et EE-108)
[27] Témoignages de M. Chaloub du 31 mai 2021et de M. Dupuis du 1er juin 2021 et déclaration sous serment de M. Vittorio Tiramani (pièce EE-145).
[28] Pièce EE-148, page 31 et témoignage de l’urbaniste M. Paré du 7 juin 2021.
[29] Pièce EE-25.
[30] Pièce EE-26.
[31] Pièce EE-27.
[32] Pièce EE-28.
[33] Pièce EE-29. Voir aussi l’analyse des 13 lots visés par le décret de 2013, pièce EE-157.
[34] Pièce EE-63.
[35] Pièce EE-64.
[36] Pièce EE-30. Les lots expropriés sont indiqués en rose dans la carte EE-157.
[37] Pièce EE-31.
[38] Pièce EE-161.
[39] Pièce EE-128.1.
[40] Pièce EE-145.
[41] Pièce EE-32.
[42] Pièce EE-128.2.
[43] Pièce EE-128.3.
[44] Pièce EE-128.3-A.
[45] Pièce EE-128.4.
[46] Pièce EE-128.5.
[47] Pièce EE-177 et témoignages de M. Ryan du 3 juin 2021 et de Mme Dansereau du 31 mai 2021.
[48] Témoignage de Mme Dansereau du 31 mai 2021.
[49] Pièces EE-128.6, EE-128.7, EE-128.8, EE-128.8-A et EE-128.8-B.
[50] Pièce EE-128.9.
[51] Pièce EE-128.10.
[52] Pièce EE-37.
[53] Pièce EE-128.12.
[54] Pièce EE-129.1.
[55] Pièce EE-129.3.
[56] Pièce EE-180.
[57] Pièces EE-173 à EE-179.
[58] Pièce EE-155.
[59] Pièce EE-129.09.
[60] Pièces EE-147 à EE-150, EE-153, EE-154, EA-1, EA-3 à EA-5, EA-8 à EA-10 et EA-12.
[61] Pièce EA-8 (rapport d’évaluation du 13 février 2020), p. 77.
[62] Pièces EE129.15, EE-185, EE-186 et EE-187.
[63] Pièce EE-143.
[64] Delarosbil c. Gestion Jacques Cantin inc., 2014 QCCS 4068 (CanLII); 4328175 Canada inc. c. Québec (Procureur général) (Ministre des Transports), 2016 QCCQ 414 (CanLII), citant l’arrêt Régie des transports en commun de la Régie de Toronto c. Dell Holdings ltd [1997] 1 R.C.S. 32.
[65] Benjamin LEHAIRE, Chronique - Analyse tridimensionnelle de l'obligation de minimiser son dommage en droit civil québécois, dans Repères, février 2014, EYB2014REP1478, pages 3 et 4 sur 7.
[66] Dont Tourisme Montréal, Quartier International de Montréal et Quartier de la santé de Montréal (pièce EA-13, pages 194 et suivantes).
[67] France Trudel c. Contrecoeur (Ville), 2016 CanLII 71398 (QCTAQ), par. 80.
[68] Shafter, précitée note 2.
[69] Témoignage de Mme Joannie Dansereau du 31 mai 2021.
[70] Témoignage de l’urbaniste André Brodeur du 9 juin 2021. Le dossier d’opportunité (DO) est un document inscrit dans le processus des Grands Projets du gouvernement du Québec. Il a pour but d’évaluer les options, justifier le besoin, coûts et échéanciers. Si le DO est accepté, le dossier est inscrit au Plan québécois des infrastructures (PQI), et un budget est disponible afin de développer le Dossier d’affaires.
[71] Témoignage de Mme Dansereau du 31 mai 2021.
[72] Témoignage d’Antoine Chaloub du 2 juin 2021.
[73] Pièce EA-13, annexe 6, et témoignage de M. Brodeur du 8 juin 2021.
[74] Pièce EE-137, pages 83 et 84 des notes sténographiques de la séance publique du 19 décembre 2012.
[75] Il s’agit de la différence entre la valeur de 24 240 000 $ du lot 837 en date du 21 octobre 2020 et le montant reçu de 10 450 000 $ représentant sa valeur au 9 mars 2017.
[76] Ceveco inc., Société québécoise d’assainissement des eaux et Lapierre, précitées note 2.
[77] Indemnité principale immobilière de 10 450 000 $ et 11 000 $ de dommages accessoires.
[78] Témoignage du 3 juin 2021.
[79] Geneviève CARTIER, La théorie des attentes légitimes en droit administratif, 1992 1992 23-1 Revue de Droit de l'Université de Sherbrooke 75 CanLII Docs 238.
[80] Centre hospitalier Mont-Sinaï c. Québec (ministère de la Santé et des Services sociaux), 1998 CanLII 12493 (QC CA), [1998] R.J.Q. 2707, p. 2719; pourvoi à la Cour suprême rejeté, 2001 CSC 41 (CanLII), [2001] 2 R.C.S. 281.
[81] Jean-Pierre VILLAGGI, L’administration publique québécoise et le processus décisionnel, Les Éditions Yvon Blais inc., Cowansville, 2005, p. 305
[82] Article 952 CCQ : Le propriétaire ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est par voie d’expropriation faite suivant la loi pour une cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité.
[83] Gatineau (Ville de) c. 2871238 Canada inc. et Lévis (Ville de) c. Société en commandite Gésimo, précitée note 3; Québec (Procureur général) (Ministre des Transports) c. Korzinstone, 2012 CanLII 81266 (QCTAQ), par. 23.
[84] Article 952 CCQ.
[85] Robitaille c. Regem, précitée, note 4.
[86] Journal des Débats de la Commission permanente des transports, des travaux publics et de l’approvision-nement, No 137, 13 et 14 février 1973.
[87] Hydro-Québec c. Ryan, 2004 CanLII 60311 (QC TAQ), par. 153.
[88] Gaz Métropolitain inc. (SCGM) c. Louise Bureau, TAQ SAI 2000 CanLII 40507 (QC TAQ), 200-34-000262-977, 2000-01-07, paragraphe [90].
[89] Lawrence J. Peter, Peter’s Quotations: Ideas for Our Time (New York: William Morrow, 1977), page 276.
[90] Robitaille c. Regem, précitée, note 4.
[91] Id.
[92] Galerie audio vidéo MGMT inc. c. 9015469 Canada inc., 2018 QCCS 1195 (CanLII), par. 25.
[93] Le solde de 282 412 $, pour en arriver à 10 450 000 $, a été versé pendant l’audience, soit en juin 2021.
[94] Robitaille c. Regem, précitée, note 4.
[95] Leiriao c. Val-Bélair (Ville), [1991] 3 R.C.S. 349, p. 356.
[96] Québec (Procureur général) c. Au Masque d'or enr., 2012 QCCQ 1380 (CanLII), citant Dell Holdings, précitée note 64, par. 21.
[97] CISSS de la Montérégie-Ouest c. Montoni Groupe Pacific inc. et Ville de Vaudreuil-Dorion, 2021 QCTAQ 07149 (12 juillet 2021), demande pour permission d’en appeler à la CQ (760-80-003488-211).
[98] Kenneth J. BOYD, Expropriation in Canada. Aurora, Ont.: Canada Law Book, 1988.
[99] Dell Holdings, précitée note 64, par. 26.
[100] Ville de Terrebonne c. 9226-0751 Québec inc. et 9265-0456 Québec inc. et 9182-5232 Québec inc. et Corporation immobilière Tenor inc. et 9170-1011 Québec inc. et Gestion D. Laberge inc., 2021 QCTAQ 07254, requête pour permission d’en appeler à la Cour du Québec (6 août 2021) : 700-80-011768-212.
[101] Ville de Blainville c. Groupe Novico inc., 2017 CanLII 11014 (QC TAQ), 2017 QCTAQ 02384.
[102] Normes de pratique professionnelle de l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec, 1998, intro-9, I-1, I-4, XI-4, XI-5 et XI-8.
[103] Fernand Gilbert ltée c. Procureure générale du Québec, 2019 QCCQ 3344 (CanLII), par. 35.
[104] Ville de Gatineau c. 3962202 Canada inc., 2019 QCTAQ 07330.
[105] 3962202 Canada inc. c. Ville de Gatineau, 2021 QCCQ 3242 (CanLII), par. 115. Demande de pourvoi en contrôle judiciaire en Cour supérieure par la ville de Gatineau (550-17-012089-213).
[106] P.G.Q. / Ministre des Transports c Lorraine Dow, 2012 CanLII 51038 (QC TAQ), par. 53.
[107] Saint-Laurent (Ville de) c. Dubrovsky, AZ-50116837, page 54 (C.Q.), cité dans Ville de Laval c. 3402045 Canada Inc., 2016 QCTAQ 07850.
[108] Pièces EE-148 et EE-154.
[109] Par. 141 du Plan de plaidoirie du PGQ.
[110] Article 69 LE.
[111] Triple Five Corp. v. Alberta (Minister of Public Works, Supply & Services), 1991 CarswellAlta 859, 46 L.C.R. 39, par. 14, confirmée en appel: 1993 ABCA 366, par. 1, 5 et 14.
[112] Pièce EE-13. Voir aussi la recommandation favorable du CCU (pièce EE-12), au même effet.
[113] Pièce EE-163-A (ententes entre les experts).
[114] Ce ratio est aussi admis entre les experts.
[115] Il s’agit d’une valeur après décontamination. Elle n’est pas contestée sur le quantum.
[116] Pièce EE-155A, page 4. Elle était établie à 8 000 000 $ dans son rapport EE-153, page 33.
[117] Pièce EE-167 (rapport conjoint), page 6.
[118] Pièce EE-153, page 33.
[119] Pièces EE-100 et EE-52.
[120] Pièce EE-100.
[121] Pièces EE-145, EE-149, EE-101, EE-97(visée par une ordonnance de confidentialité rendue le 31 mai 2021), EE-102 (visée par une ordonnance de confidentialité rendue le 31 mai 2021).
[122] Pièce EE-140
[123] Le Tribunal a eu accès à de nombreuses données financières pour juger des ressources des parties prenantes. Certaines pièces sont visées par des ordonnances de confidentialité prononcées à l’audience, soit les pièces EE-97 et EE-102. Les autres ont été caviardées, lorsque requis.
[124] Pièces EA-4, EA-5 et EA-6 pour M. Allard et pièces EE-149, EE-150, EE-151 et EE-152 pour M. Brault.
[125] Pièce EE-167
[126] Pièce EE-163-A.
[127] L’hypothèse retenue est que les acheteurs versent un dépôt de 10 % au moment de la signature de l’avant-contrat et d’un dépôt additionnel de 5 % au moment du début des travaux de construction. Les experts retiennent aussi l’hypothèse que le montant des dépôts aurait été utilisé par l’expropriée pour couvrir les coûts du projet. Cette option, si elle n’est plus permise aujourd’hui, l’était de 2015 à 2017. Finalement, pour les unités vendues après le début des travaux, les experts considèrent que les acheteurs auraient versé un dépôt de 15 % au moment de la signature de l’avant-contrat.
[128] Pièce EE-155-A.
[129] Soit 3 % de la valeur marchande des copropriétés, des espaces de rangement et de stationnements.
[130] CAPM en anglais.
[131] Les composantes retenues sont 2,2 % pour le taux sans risque (Rf), 5 % pour la prime de risque de marché liée aux capitaux propres (Rm), 1,15 % comme bêta ou prime liée à l’industrie (β), 3,8 % comme prime de risque pour les entreprises de petite taille et 0 % comme prime de risque liée au projet.
[132] Les éléments retenus sont 1,48 % pour le taux sans risque, 5 % pour la prime de risque de marché liée aux capitaux propres, 1,27 % comme bêta ou prime liée à l’industrie (β), 5,59 % comme prime de risque pour les entreprises de petite taille ainsi que 5 % comme prime de risque liée au projet.
[133] Le neuvième décile comprend des entreprises ayant une capitalisation boursière entre 299 M$ et 657 $ alors que la combinaison des déciles 9 et 10 comprend des entreprises ayant des capitalisations boursières entre 3 M$ et 657 M$.
[134] The Valuation of Business Interests, Ian R. Campbell et Howard E. Johnson, 2001, pages 297 et 298; Cours d’introduction à l’évaluation d’entreprises, Institut canadien des experts en évaluation d’entreprises, 2020, p. 102.
[135] Id.
[136] M.J. c. R.M., 2015 QCCS 820 (juge Tôth); Mongeon (Toitures Gilles Mongeon) c. Duval, 2017 QCCQ 6202 (CanLII).
[137] Bédard c. Lac-Mégantic (Ville de), 2010 QCCQ 11216 (CanLII), par. 162; Laval (Ville) c. Les Associés du Nord 2006 inc., 2019 CanLII 101259 (QC TAQ), par. 273.
[138] Manoir de l’âge d’or c. Immobilier Astragale inc., Cour du Québec, chambre de l’expropriation, 11 avril 1989, dossier 34-000 676-850, aux pages 19 à 28
[139] Ville de Laval c. Les Associés du Nord 2006 inc., 2019 QCTAQ 06357, requête pour permission d’appeler rejetée : 2020 QCCQ 12079 (CanLII).
[140] Ville de Brossard c. 9131-4781 Québec inc., 2013 CanLII 3179 (QC TAQ), requête pour permission d’appeler rejetée : 2014 QCCQ 173 (CanLII).
[141] Ville de Longueuil c. 9113-2506 Québec inc., 2016 QCTAQ 08432, paragr. 395.
[142] Ville de Terrebonne c. 9226-0751 Québec inc., 2021 CanLII 63160 (QC TAQ), par. 922.
[143] Témoignage de l’expert évaluateur Marc Laroche du 15 juin 2021, en référant à la pièce EE-163-A.
[144] Pièces EE-152, EE-131.1 et EE-134.
[145] Pièce EA-31.
[146] Pièce EA-19, page 17. Voir aussi une lettre signée par la mairesse de Montréal, appuyant le projet d’agrandissement de la SPCM (pièce EA-15).
[147] Soit l’étude de marché daté du 17 février 2020 (EE-153), le plan pour devis de performance mécanique daté du 1er mars 2019 (EE-75), le plan pour devis de performance électrique daté du 1er mars 2019 (EE-76), le devis de performance mécanique et électrique daté du 1er mars 2019 (EE-77), le devis de performance en structure daté du 29 février 2019 (EE-78) et le plan de raccordement de services daté du 15 février 2019 (EE-79).
[148] Article 69, al. 1 LE.
[149] Article 70 LE.
[150] Immeubles des Moulins inc. c. Ville de Terrebonne, 2018 QCCS 3323 (CanLII), par. 20.
[151] André LEMAY, Réserve pour fins publiques et réserve foncière : ne pas confondre, dans Service de la formation continue, Barreau du Québec, Développements récents en droit municipal (1991), Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 101 et 108.
[152] Jacques FORGUES et Jacques PRÉMONT, Loi sur l'expropriation annotée, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1998.
[153] Québec (Ministre des Transports) c. Pépinière Dauphinais inc., C.E.Ç.Q. Beauharnois, no 500-34-001294-881, 1991-09-26.
[154] Québec (Procureur général) c. Crèmes glacées Jonathan inc., C.E.C.Q. Beauharnois, no 500-34-001287-885, 1993-12-15.
[155] Brossard (Ville) c. 9131-4781 Québec Inc, 2013 CanLII 3179 (QC TAQ), par. 206-207.
[156] Afin d’éviter une double indemnisation, le Tribunal ne peut compenser pour les frais de possession du terrain jusqu’en juillet 2020 puisqu’il a accordé la perte d’appréciation du terrain jusqu’à ce que l’expropriée en soit dépossédée. Si le Tribunal avait refusé d’accorder la perte d’appréciation et n’avait compensé que pour la perte de profits du projet ou encore pour aucun des deux éléments, la réclamation totale de 529 900 $ incluant les frais de possession du terrain jusqu’en juillet 2020 serait accordée.
[157] Ville de Laval c. Dubois, 2008 QCCQ 1728, paragr. 131.
[158] De la même manière que l’octroi de dommages pour troubles, ennuis et inconvénients en matière contractuelle ou extracontractuelle (art. 1607 CCQ).
[159] Dell Holdings ltd, précitée note 64.
[160] Témoignage du 2 juin 2021, pièces EE-128.1 à EE-128.12, EE-129.1 à EE-129.16
[161] Pièce EE-145 et EE-146.
[162] P.G.Q. / Ministre Des Transports c. PBR Logistiques Inc., 2020 CanLII 75715 (QC TAQ), par. 79-80.
[163] Longueuil (Ville de) c. 9113-2506 Québec inc., précitée note 141, par. 614.
[164] Québec (Transport) c. Menuiseries Mont-Royal inc., 2016 CanLII 67251 (QC TAQ), par. 164.
[165] Par. 1209 du plan de plaidoiries des avocats de l’expropriée.
[166] Forgues, Jacques et autres, Loi sur l’expropriation annotée, 2e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2012, p. 498.
[167] Ville de Longueuil c. 9113-2506 Québec inc., précitée note 141.
[168] Municipalité de Saint-Damien c. Charbonneau et Langlois, 2018 QCTAQ 07130, Société québécoise d’assainissement des eaux c. Aurore St-Amand, SAI-TAQ dossier : 200-34-000004-957, 6 janvier 1999 ; Société québécoise d’assainissement des eaux c. Doransy, SAI-TAQ dossier 200-34-000130-943, 21 janvier 1999.
[169] EE-124.3.
[170] Paragraphe 311 du plan de plaidoirie du PGQ.
[171] Extraits du sommaire décisionnel de novembre 2012, pièce EE-13. Voir aussi la pièce EE-12, soit la recommandation favorable du CCU.
[172] Pièce EE-127.2.
[173] Pièce EE-125.2.
[174] Pièce EE-126.2
[175] Pièce EE-133.
[176] Pièces EE-75 à EE-79.
[177] Pièce EE-163
[178] Pièce EE-164.
[179] Longueuil (Ville) c. Lambert-Picotte, 1991 CanLII 70 (CSC), [1991] 2 RCS 401, p. 453.
[180] Pièce EE-124 à EE-127.2.
[181] L’article 6 de la Charte des droits et libertés de la personne (RLRQ, chapitre C-12.) reconnaît le caractère fondamental du droit de propriété individuel : 6. Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi.
[182] Article 952 du Code civil du Québec.
[183] Article 58 LE.
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