Décision

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Touabi c. Dion

2016 QCCS 5660

4486

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-17-095100-163

 

 

 

DATE :

LE 9 NOVEMBRE 2016

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

PIERRE LABELLE, J.C.S.

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HACHEM TOUABI

       Demandeur

c.

 

STÉPHANE DION

-et-

DOMINIQUE VIEN

-et-

FRANÇOIS BLAIS

                 Défendeurs

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

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1.         L’APERÇU

[1]           Le ministre des Affaires étrangères du gouvernement canadien, monsieur Stéphane Dion, est poursuivi solidairement avec deux ministres du gouvernement québécois, madame Dominique Vien, responsable du Travail et monsieur François Blais, responsable de l’Emploi et de la Solidarité sociale.

[2]           Le demandeur leur réclame le paiement de la somme de 40 milliards de dollars.

[3]           Le Procureur général du Canada agissant pour le compte du ministre Dion demande, à ce stade-ci des procédures, le rejet de la procédure introductive d’instance.

2.         LE CONTEXTE

[4]           Le 9 août 2016, le demandeur forme une demande en justice déposée au greffe. Le demandeur se représente seul. La présentation des éléments composant la demande n’est pas conventionnelle pour comprendre les faits reprochés aux défendeurs.

[5]           Une série de reproches y sont exposés dont les principaux sont les suivants :

1.          Collaboration avec les états unis (sic) et la France, soutenant officieusement et hypocritement une stratégie d’étouffement pour réduire mon action. Atteinte à ma liberté de penser, de m’exprimer et de vivre.

2.          Soutien aveugle, injustifié, illégal aux propos diffamatoires de l’église catholique, de la synagogue et de la mosquée algérienne, marocaine et libanaise.

3.          Abus de pouvoir, manipulation, falsification de la réalité sociale par rapport à mon parcours personnel, à mon savoir être, à mon savoir faire et à ma simplicité exemplaire voire légendaire.

4.          Utilisation de la presse, télévision, radio, à des fins de propagande, de lavage de cerveau, et d’asservissement des individus.

5.          Utilisation de l’appareil judiciaire à des fins crapuleuses, et non conformes à ce que le citoyen canadien devrait normalement être en droit d’attendre de la part de la justice de son pays.

6.          Incitation à la haine, à la violence, au terrorisme administratif dans les milieux professionnels que j’ai connu à date. Infiltration de ces milieux par des services de police et autres charlatans religieux dans l’unique but de nuire à ma personne et le pain de mes enfants.

7.          Mise en danger de la santé de mes enfants; privés d’un suivi adéquat à la maison (éducation, sport et loisirs).

8.          Demande jugée infondée d’un recours en dommages-intérêts pris contre une banque pour lui verser 40 milliards de dollars qui était réclamé à l’église catholique devant la Cour suprême de New York.

9.          Le demandeur affirme aimer sa personnalité paranoïde, schizoïde, évitante et histrionique.

10.        Le demandeur exige que les défendeurs se présentent en Cour sans avocats;

11.        Le demandeur prend pour responsable (faute de mieux) les ministres défendeurs.

[6]           À ces affirmations pêle-mêle, le demandeur ajoute les commentaires suivants en réponse à la demande en rejet de son recours : pour le demandeur, la demande en rejet représente incontestablement une mécanique juridique pourrie, aussi nauséabonde et ignoble, que les thèses des judéo-chrétiens à son projet.

[7]           Ce qui précède représente bien le ton donné par le demandeur sur ses récriminations à l’endroit des personnes nommées; il n’est pas nécessaire de reproduire l’intégralité des propos pour disposer de la demande de rejet.

3.         LA QUESTION EN LITIGE

[8]           Il s’agit de déterminer si la présentation et le contenu du recours intenté par le demandeur satisfait aux exigences du Code de procédure civile portant sur la forme et les éléments des actes de procédure[1].

4.         L’ANALYSE

[9]           À cet égard, la Cour d’appel enseigne que :

[10]   Déposer un acte de procédure devant un tribunal judiciaire est un geste grave et empreint de solennité, qui engage l’intégrité de celui qui en prend l’initiative. On ne peut tolérer qu’un tel geste soit fait à la légère, dans le but de chercher à tâtons une quelconque cause d’action dont on ignore pour le moment la raison d’être, mais qu’on s’emploiera à découvrir en alléguant divers torts hypothétiques et en usant de la procédure à des fins purement exploratoires.[2]

[…]

[12]   Aussi y a-t-il lieu de sévir en présence d’un acte rédigé comme si quelques vagues imprécations, à la fois vindicatives et inconsistantes, suivies d’une affirmation d’autosatisfaction sous la forme de conclusion grossièrement outrancières, remplissaient ces exigences de fond et de forme. Ce genre de procédé ne saurait justifier que l’on surcharge le système judiciaire et qu’on lui impose de déployer encore plus de ressources pour tenter de tirer au clair ce que la partie elle-même ou son avocat se montre incapable d’expliquer avec un degré raisonnable d’intelligibilité. Donner le bénéfice du doute à cette même partie, à la manière dont on « donne la chance au coureur », implique en fin de compte que l’on tolère n’importe quoi de n’importe qui n’importe quand. Ce n’est assurément pas ce que la justice exige de la part de l’institution judiciaire.[3]

[10]        Les allégations du demandeur constituent un échafaudage de vagues reproches adressés à diverses institutions, sans liens définis pouvant établir la responsabilité des défendeurs, à titre de représentants des gouvernements fédéral et provincial. Les allégations ne reposent sur aucune assise juridique. Il s’agit d’une attaque débridée à caractère social; les tribunaux judiciaires ne constituent pas le forum pertinent à ce type de revendication.

[11]        Le Tribunal est en présence d’une utilisation déraisonnable, démesurée et outrancière de l’appareil judiciaire au détriment des justiciables en attente d’audition de leur recours.

[12]        Les faits allégués ne sont pas reliés aux défendeurs et il y a absence d’arguments de droit; en fait, les défendeurs sont identifiés comme des boucs émissaires des insatisfactions et frustrations du demandeur. L’extravagance de la condamnation monétaire recherchée corrobore le caractère saugrenu du recours.

[13]        Il n’existe aucune cause d’action valable contre les défendeurs. L’incohérence des allégations empêche les défendeurs de se défendre convenablement, car le fondement des critiques est absent. Il est dans l’intérêt de la justice de mettre fin immédiatement à ce recours informe.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[14]        ACCUEILLE la demande en rejet de la demande introductive d’instance;

[15]        REJETTE la demande introductive d’instance;

[16]        LE TOUT avec frais de justice.

 

 

 

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PIERRE LABELLE, J.C.S.

 

 

M. Hachem Touabi

Demandeur

Se représente seul

 

Me Ludovic Sirois

Procureur général du Canada

Avocats des défendeurs

 

 

Date d’audience :

19 octobre 2016

 



[1]     Article 99 C.p.c.

[2]     El-Hachem c. Décary, 2012 QCCA 2071, par. 10.

[3]     Id., par. 12.

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