Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Hyacinthe

28 janvier 2004

 

Région :

Yamaska

 

Dossier :

214611-62B-0308

 

Dossier CSST :

122124720

 

Commissaire :

Marie-Danielle Lampron

 

Membres :

Nicole Généreux, associations d’employeurs

 

Daniel Robert, associations syndicales

 

 

Assesseur :

André Perron, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Daniel Riendeau

 

Partie requérante

 

 

 

Et

 

 

 

Ministère des Transports

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 21 août 2003, monsieur Daniel Riendeau (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 14 août 2003 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme une décision rendue le 17 février 2003 et déclare que le diagnostic à retenir en relation avec l’événement du 14 mai 2002 est celui d’entorse lombaire, que cette lésion est consolidée le 26 novembre 2002, sans nécessité de soins ou traitements additionnels et sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. La CSST déclare que le travailleur est capable d’exercer son emploi et qu’il n’a plus droit aux indemnités de remplacement du revenu à compter du 13 février 2003.

[3]                Les parties ainsi que leur procureur sont présents à l’audience.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

Le travailleur soumet comme moyen préliminaire que la décision contestée est illégale et doit être annulée, de même que celle du 17 février 2003, vu l’irrégularité du processus de procédure d’évaluation médicale.

L’AVIS DES MEMBRES

[4]                La membre issue des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d'avis que les articles 204 et 206 de la Loi sur les accidents et les maladies professionnelles[1] (la loi) permettent en tout temps à la CSST de soumettre le travailleur à un examen médical par un professionnel de la santé qu’elle désigne et ce, sur toutes questions médicales, et de soumettre ensuite le rapport de ce médecin au Bureau d’évaluation médicale sur toute question médicale, incluant le diagnostic. Le membre issu des associations syndicales note que la CSST a demandé un avis au Bureau d’évaluation médicale en raison de l’évolution médicale du dossier.

LES FAITS ET LES MOTIFS SUR LE MOYEN PRÉLIMINAIRE SOULEVÉ

[5]                La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu d’annuler la décision contestée de même que celle du 17 février 2003, au motif d’irrégularité du processus de procédure d’évaluation médicale.

[6]                La Commission des lésions professionnelles rejette le moyen préliminaire soulevé par le travailleur et considère que le processus qui a enclenché la procédure d’évaluation médicale est régulier et ne permet pas d’annuler les décisions des 14 août 2003 et 17 février 2003.

[7]                Le 14 mai 2002, le travailleur fait une chute à la renverse pour éviter un chauffard et se blesse. Le 25 juin, il consulte le Dr Beaudoin qui pose un diagnostic de lombalgie et prescrit des radiographies de la colonne lombaire, de même qu’un EMG et une tomodensitométrie afin d’éliminer une hernie discale, compte tenu de paresthésies à la jambe gauche. Il émet des limitations fonctionnelles quant à certains efforts.

[8]                Le 26 juillet 2002, la CSST accepte la réclamation du travailleur à titre d’accident du travail lui ayant causé une lombalgie. Cette décision n’est pas contestée.

[9]                Le 30 juillet 2002, une tomodensitométrie de la colonne lombaire est interprétée comme normale aux niveaux L3-L4 et L4-L5 et démontrant, au niveau L5-S1, une toute minuscule hernie discale postérieure et médiane ne comprimant que légèrement le sac dural. Il n’y a pas de sténose spinale ni d’anomalie osseuse significative.

[10]           Le 7 août 2002, le Dr Simard pose le diagnostic de hernie discale L5-S1 post-traumatique et prescrit des traitements de physiothérapie, lesquels débutent le 20 août. Par la suite, les différents médecins traitants le travailleur, Dr Beaudoin, Dr St-Onge, Dr Simard posent tous le diagnostic de hernie discale L5-S1.

[11]           Le 19 août 2002, sur la recommandation du Dr Chalut, médecin à la CSST, qui établit la relation avec le nouveau diagnostic de hernie discale, la CSST rend une décision qui accepte la relation entre ce diagnostic et l’événement de mai 2002 et de payer pour le coût des traitements en regard de ce diagnostic. Cette décision n’a pas été contestée.

[12]           En septembre 2002, devant un arrêt de travail qui se prolonge depuis le 9 septembre, le Dr Chalut indique qu’il entend revoir le dossier dans un mois pour décider s’il y a aura lieu de demander une expertise.

[13]           Le 8 octobre 2002, le Dr St-Onge demande une consultation en neurochirurgie, laquelle est prévue pour février 2003. Le 23 octobre, des traitements d’ergothérapie sont prescrits.

[14]           Le 13 novembre 2002, sur la recommandation du Dr Chalut, la CSST demande une expertise en vertu de la loi sur les 5 questions médicales énoncées à l’article 212 de la loi :

204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.

 

La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115.

__________

1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.

 

212. L'employeur (…) peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants:

 

1°   le diagnostic;

 

2°   la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

 

3°   la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

 

4°   l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

 

5°   l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

__________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

 

 

[15]           Le 26 novembre 2002, le Dr Lamoureux examine le travailleur à titre de médecin désigné par la CSST. Il conclut au diagnostic d’entorse lombaire post-chute, sans aucune évidence clinique de hernie discale. Il consolide la lésion au 26 novembre 2002, sans nécessité de soins ou traitements additionnels si ce n’est les mesures usuelles d’hygiène sur une base individuelle avec exercices. Le Dr Lamoureux conclut à une atteinte permanente de 0% en raison d’une entorse lombaire sans séquelles fonctionnelles objectivées. Il n’émet aucune limitation fonctionnelle.

[16]           Le 7 novembre 2002, dans son rapport complémentaire, le Dr St-Onge maintient son diagnostic ainsi que les traitements et souligne que le patient sera vu en neurochirurgie le 10 février 2003.

[17]           Le 16 janvier 2003, la CSST transmet une demande au Bureau d’évaluation médicale pour que celui-ci se prononce sur les 5 questions médicales énoncées à l’article 212 de la loi et lui précise que le diagnostic de la lésion professionnelle accepté par la CSST est le suivant : lombalgie et hernie discale L5-S1.

[18]           Le 23 janvier 2003, le Dr Bourgeau examine le travailleur à tire de membre du Bureau d’évaluation médicale. Il retient les conclusions du Dr Lamoureux quant aux cinq questions médicales, incluant celle du diagnostic.

[19]           Le 10 février 2003, le Dr Roux, neurochirurgien consultant pour le travailleur, pose le diagnostic de lombosciatalgie gauche, précisant qu’il n’y a pas d’évidence clinique de hernie discale. Il donne son congé en neurochirurgie.

[20]           Le 17 février 2003, la CSST, liée par l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale, rend la décision suivante :

Vous aviez droit aux indemnités prévues à la loi. En effet, le diagnostic de votre médecin est maintenu et nous avons déjà établi qu’il était en relation avec l’événement du 14 mai 2002. Par contre, le seul diagnostic retenu par la CSST est celui d’entorse lombaire.

 

Les soins et traitements ne sont plus justifiés depuis le 26 novembre 2002. La CSST doit cesser de les payer.

 

Votre lésion n’a pas entraîné d’atteinte permanente. Vous n’avez donc pas droit à une indemnité à cet égard.

 

Compte tenu de la date de consolidation de votre lésion et de l’absence de limitations fonctionnelles, nous concluons que vous êtes capable d’exercer votre emploi. Nous devons donc cesser de vous verser des indemnités de remplacement du revenu le 13 février 2003.

(…) pour la période du 26 novembre 2002 au 13 février 2003, (…) vous n’aurez pas à rembourser ces indemnités. (…)

 

[21]           Le 4 juillet 2003, en dehors du délai prévu à la loi, le travailleur demande la révision de cette décision.

[22]           Le 14 août 2003, en révision administrative, la CSST considère que le hors délai est justifié par un motif raisonnable. Quant au fond, la CSST confirme la décision du 17 février 2003. Le travailleur conteste ensuite cette décision à la Commission des lésions professionnelles.

[23]           Le 18 février 2003, le Dr St-onge pose les diagnostics d’entorse lombaire et hernie discale, diagnostics qui seront repris en mars et avril 2003.

[24]           La procureure du travailleur soumet, entre autres, que la CSST n’était plus justifiée de contester la reconnaissance du diagnostic de hernie discale puisqu’elle avait accepté ce diagnostic en août 2002, après avoir obtenu l’opinion du Dr Chalut sur la relation et alors qu’elle disposait de tous les éléments pertinents aux fins de prendre une décision éclairée, de sorte que le processus d’évaluation médicale est vicié à la base. Comme le médecin qui a charge du travailleur n’a pas émis un nouveau diagnostic et comme la décision d’août 2002 n’a pas été contestée, elle soumet que la CSST ne pouvait plus remettre en question le diagnostic de hernie discale et a donc procédé à une reconsidération illégale puisqu’elle n’a pas respecté les paramètres énoncés à l’article 365 de la loi, qui prévoit ceci :

365. La Commission peut reconsidérer sa décision dans les 90 jours, si celle-ci n'a pas fait l'objet d'une décision rendue en vertu de l'article 358.3, pour corriger toute erreur.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel, reconsidérer cette décision dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.

(…)

__________

1985, c. 6, a. 365; 1992, c. 11, a. 36; 1996, c. 70, a. 43; 1997, c. 27, a. 21.

 

[25]           Considérant que la décision du 17 février 2002 est rendue après le délai de 90 jours de la décision d’acceptation d’août 2002, et considérant que l’avis du Dr Lamoureux ne constitue pas un fait essentiel inconnu, la procureure du travailleur soumet que la CSST ne disposait pas d’éléments nouveaux pour lui permettre de reconsidérer sa décision en vertu de l’article 365 de la loi. Elle soumet de la jurisprudence au soutien de ses prétentions.

[26]           Avec respect pour l’opinion contraire, le tribunal ne croit pas qu’il fallait que le contexte médical ou factuel change pour que la CSST puisse demander un avis sur la question du diagnostic.

[27]           Sans reprendre en entier l’énoncé de l’article 204 de la loi (déjà cité), la Commission des lésions professionnelles constate que le libellé de cet article permet à la CSST de faire examiner le travailleur par un médecin qu’elle désigne, sans qu’aucune limite de temps ne soit précisée dans la loi.

[28]           Qui plus est, l’article 204 de la loi précise expressément que la CSST peut obtenir de ce médecin désigné un rapport écrit sur « toute question relative à la lésion ». Il s’ensuit donc que rien n’interdit à la CSST de demander un rapport d’un médecin désigné sur la question du diagnostic. 

[29]           Il ressort de la preuve au dossier que c’est en vertu de l’article 204 de la loi que la CSST a demandé que le travailleur soit évalué par le Dr Lamoureux. Considérant que l’article 204 de la loi autorise la CSST à demander un rapport écrit sur toute question relative à la lésion, le tribunal considère qu’il n’y avait donc rien d’illégal dans la demande formulée par la CSST sur les cinq questions médicales énoncées à l’article 212 de la loi.

[30]           L’article 205.1 de la loi prévoit que si le rapport du médecin ainsi désigné infirme les conclusions du médecin traitant sur l’une des cinq questions énoncées à l’article 212 de la loi, le médecin traitant peut dans les 30 jours fournir un rapport complémentaire pour étayer ses conclusions. Le deuxième alinéa de cet article précise que la CSST peut soumettre ces rapports, incluant le rapport complémentaire, au Bureau d’évaluation médicale :

205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d’évaluation médicale prévu à l'article 216.

__________

1997, c. 27, a. 3.

 

 

[31]           L’article 206 de la loi prévoit, quant à lui, que la CSST peut soumettre au Bureau d’évaluation médicale le rapport qu’elle a obtenu en vertu de l’article 204. C’est ce qu’a fait la CSST, précisant même spécifiquement sur son formulaire de demande de transmission au Bureau d’évaluation médicale, qu’elle avait accepté le diagnostic de lombalgie et de hernie discale :

206. La Commission peut soumettre au Bureau d’évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.

__________

1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 11, a. 13.

 

 

[32]           Comme on peut le constater, la CSST n’est pas obligée de demander un avis au Bureau d’évaluation médicale. Par contre, lorsqu’elle le fait, elle est liée par les conclusions médicales de cet avis et doit rendre une décision en conséquence puisque le libellé de l’article est impératif. C’est ce que la CSST a fait dans sa décision du 17 février 2003:

224.1. Lorsqu'un membre du Bureau d’évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.

 

Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.

 

Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d’évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.

 

La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.

__________

1992, c. 11, a. 27.

 

 

[33]           Les articles 221 et 222 de la loi précisent que le membre du Bureau d’évaluation médicale rend un avis écrit et motivé, qui infirme ou confirme le diagnostic ou les autres conclusions du médecin traitant quant aux 5 questions de l’article 212 de la loi et il y substitue les siennes, s’il y a lieu. Qui plus est, il peut même donner son avis sur une question médicale pour laquelle le médecin traitant ne s’est pas prononcé :

221. Le membre du Bureau d’évaluation médicale, par avis écrit motivé, infirme ou confirme le diagnostic et les autres conclusions du médecin qui a charge du travailleur et du professionnel de la santé désigné par la Commission ou l'employeur, relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, et y substitue les siens, s'il y a lieu.

 

Il peut aussi, s'il l'estime approprié, donner son avis relativement à chacun de ces sujets, même si le médecin qui a charge du travailleur ou le professionnel de la santé désigné par l'employeur ou la Commission ne s'est pas prononcé relativement à ce sujet.

__________

1985, c. 6, a. 221; 1992, c. 11, a. 23.

 

 

[34]           Ainsi, même si la CSST ne demande pas un avis sur la question du diagnostic, elle est liée par l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale si ce dernier se prononce sur cette question.

[35]           Il ressort donc de tous ces articles que lorsqu’il s’agit de questions médicales, ce n’est pas en vertu de l’article 365 de la loi que la CSST peut reconsidérer ses décisions mais en enclenchant un processus pour obtenir un avis du Bureau d’évaluation médicale. Et, selon ce que décidera le membre du Bureau d’évaluation médicale sur les questions soumises, la CSST pourra ou non modifier sa décision, notamment sur la question de la relation.

[36]           En effet, comme le mentionne la commissaire Beauregard dans Vaillancourt et CHUS Hôpital Fleurimont et al[2], lors d’une requête en révision pour cause, peu importe le courant jurisprudentiel retenu, « la question de la relation entre un diagnostic remis en cause et l’événement est toujours analysée ». Plus loin, la commissaire s’exprime ainsi :

[28] La Commission des lésions professionnelles estime que l’article 224.1 de la loi qui se lit ainsi oblige la CSST à réitérer les conclusions du membre du BEM relatives aux questions médicales parce qu’elle demeure liée par ces dernières et à rendre une décision en conséquence :

224.1. […]

[29] En vertu de cette disposition, parce qu’il faut différencier les conclusions médicales qui la lient de la « décision en conséquence » à rendre, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que cette dernière notion ne peut faire référence qu’aux conséquences juridiques et amener la CSST à statuer sur les droits qui découlent de ces conclusions médicales.

 

[30] À cet effet, rappelons que la loi ne permet pas à la CSST d’apprécier les questions médicales.  Elle est liée par l’avis du médecin ayant charge du travailleur (article 224 de la loi) ou par l’avis du membre du BEM (article 224.1 de la loi).  En ce sens, la notion de « rend une décision en conséquence » s’inscrit obligatoirement dans le processus d’appréciation juridique que doit faire la CSST à partir des conclusions médicales qui la lient.

 

[31] La Commission des lésions professionnelles estime que d’empêcher la CSST de statuer sur la relation entre la lésion nouvellement diagnostiquée et l’événement serait un non-sens et rendrait le processus d’évaluation médicale stérile, sans conséquence voire inutile.  Dans le cadre d’une loi qui vise la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent, quelle serait l’utilité de connaître la nature de la lésion que présente un travailleur sans jamais pouvoir statuer s’il existe une relation avec l’événement sous prétexte que l’on a déjà reconnu une autre lésion qui, de plus, n’est peut-être pas la bonne.

 

[32] Dans le présent dossier, après évaluation clinique et appréciation des tests radiologiques, le membre du BEM a retenu le diagnostic de lombalgie secondaire à des changements dégénératifs du rachis vertébral étagés.  Force est de conclure que ce diagnostic découlant notamment de la présence de becs ostéophytiques se distingue des diagnostics initialement retenus d’entorse lombaire et de hernie discale.  Le diagnostic de la lésion étant modifié et afin de rendre la décision en conséquence, tel qu’édicté à l’article 224.1 de la loi, la CSST se devait d’apprécier la relation entre ce diagnostic modifié et l’événement, par ailleurs, non remis en cause.

 

[33] C’est ainsi que le 16 juin 2000, la CSST rend une décision où elle statue des conséquences juridiques découlant de l’avis du membre du BEM et déclare qu’il n’y a pas de relation entre le diagnostic retenu par ce dernier et l’événement du 7 juin 1999.  La Commission des lésions professionnelles estime que cette décision est légale en vertu de l’article 224.1 de la loi et, contrairement à ce que soutient la première commissaire, elle ne peut être déclarée nulle.  C’est donc à tort que la première commissaire convoque à nouveau les parties pour les entendre que sur les questions médicales, soit le diagnostic, la date de consolidation et la suffisance des traitements et des soins limitant le débat aux questions strictement médicales et omettant ainsi d’exercer sa compétence quant à la relation.

 

[34] Si la première commissaire retient l’avis du membre du BEM en ce qui concerne le diagnostic, elle devra se prononcer sur la relation entre ce diagnostic et l’événement.  Elle ne peut s’y soustraire.  L’omission de se prononcer sur cette question constitue une erreur sur la compétence du tribunal.

 

 

[37]           Dans le présent cas, le membre du Bureau d’évaluation médicale a modifié le diagnostic émis par le médecin traitant puisqu’il a retenu le diagnostic d’entorse lombaire. Le membre du Bureau d’évaluation médicale n’a pas émis un avis quant à une absence de relation entre le diagnostic de hernie discale et l’événement, il a émis l’avis que la pathologie hernie discale diagnostiquée par le médecin traitant n’existait pas. Il s’agit donc d’une question médicale au sens de l’article 212 de la loi. Dans un tel contexte, la décision du 17 février 2003 est régulière puisqu’elle a été rendue en vertu de l’article 224.1 de la loi et non en vertu de l’article 365 de la loi.

[38]           En ce qui concerne l’applicabilité de la règle de la chose jugée vu la décision non contestée d’août 2002, dans l’affaire Hogues et Techno Diésel[3], la commissaire Nadeau explique, avec jurisprudence à l’appui, pourquoi elle refuse d’appliquer la règle de la chose jugée[4]. Elle retient aussi, tout comme l’honorable juge Lesyk dans l'affaire Whitehead[5], que si en droit judicaire privé, l’autorité de la chose jugée peut avoir comme conséquence de perpétuer des erreurs, cette conséquence est inadmissible en droit administratif puisque l'organisme applique une loi d'ordre public.

[39]           Considérant que la condition d’un travailleur est susceptible d’évoluer dans le temps et considérant que le type d’évolution de la pathologie permet en certains cas de préciser ou encore d’éliminer certaines pathologies, le législateur a donné certains pouvoirs à la CSST afin de lui éviter de commettre des erreurs, que ce soit au plan factuel ou au plan médical. C’est dans cet optique qu’elle peut recourir aux articles 204 et suivants pour les questions de nature médicale. Soulignons que le législateur a imposé des modalités différentes pour la contestation de nature médicale en provenance de l’employeur (art. 209, 212 de la loi).

[40]           Quant au principe de stabilité des décisions auquel réfère la procureure du travailleur, le tribunal considère que ce principe n’est pas remis en cause en l’espèce puisque le législateur a expressément prévu un mécanisme permettant à la CSST de demander une opinion médicale sur la question du diagnostic et de soumettre cet avis au Bureau d’évaluation médicale et finalement de rendre une décision en conséquence.

[41]           Considérant que le membre du Bureau d’évaluation médicale a modifié le diagnostic émis par le médecin du travailleur, la CSST n’avait d’autres choix que de rendre la décision du 17 février 2003. Le travailleur n’est pas pénalisé par cette décision puisqu’il a l’opportunité de la contester et de démontrer que c’est l’opinion de son médecin qu’il faut retenir plutôt que celle du membre du Bureau d’évaluation médicale.

[42]           Considérant que l’audience n’a porté que sur le moyen soulevé par le travailleur, vu le consentement des parties à cet égard et compte tenu des implications de la question sur les sujets médicaux à débattre par la suite, il y a donc lieu de convoquer à nouveau les parties pour qu’elles soient entendues sur les autres questions qui découlent de la contestation logée par le travailleur le 21 août 2003 concernant la décision rendue par la CSST le 14 août 2003, à la suite d’une révision administrative de la décision du 17 février 2003.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE le moyen préliminaire soumis par le travailleur, monsieur Daniel Riendeau;

RETOURNE le dossier au greffe de la Commission des lésions professionnelles pour que celle-ci convoque à nouveau les parties sur les autres questions en litige découlant de la contestation logée par le travailleur le 21 août 2003 concernant la décision rendue par la CSST le 14 août 2003, à la suite d’une révision administrative de la décision du 17 février 2003.

 

__________________________________

 

Marie-Danielle Lampron

 

Commissaire

 

 

 

 

Stéphanie Gagné, avocate

GRONDIN, POUDRIER, BERNIER

Représentant de la partie requérante

 

Jean Hébert, avocat

CREVIER, ROYER/SEC. CONSEIL DU TRÉSOR

Représentant de la partie intéressée

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]          156697-05-0103, 2003-04-07

[3]          C.L.P.E. 2002LP-29

[4]          art. 2848 C. c. Q : «  L’autorité de la chose jugée est une présomption absolue; elle n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement, lorsque la demande est fondée sur la même cause et mue entre les mêmes parties, agissant dans les mêmes qualités, et que la chose demandée est la même ».

[5]          500-05-033322-973-973, 1998-0107 (C.S).

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