Krimed c. Uber Technologies inc. |
2016 QCCS 2768 |
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JP 1900 |
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(ACTIONS COLLECTIVES) |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-06-000726-147 |
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500-06-000782-165 |
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DATE : |
15 JUIN 2016 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L'HONORABLE MARK G. PEACOCK, J.C.S. |
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MOKRANE KRIMED ET AUTRES (No. : 500-06-000726-147)
-et- WILSON JEAN-PAUL ET AUTRES (No. : 500-06-000782-165) |
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Requérants |
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c. |
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UBER TECHNOLOGIES INC. ET AUTRES |
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Intimés |
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JUGEMENT |
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[1] Le requérant, M. Krimed, par l’entremise de ses anciens avocats, signe un désistement en date du 24 mai 2016. Ce désistement est déposé au greffe le 1er juin 2016. Le Tribunal doit décider si le Code de procédure civile exige l’autorisation judiciaire du désistement si produit avant le jugement autorisant l'exercice de l'action collective.
[2] Le présent jugement s’articule autour des titres suivants :
a. contexte procédural
b. contexte législatif
C. ANALYSE
D. OPPORTUNITÉ DU DÉSISTEMENT
[3] La requête de M. Krimed pour obtenir l’autorisation d’exercer le recours collectif (la « Requête »), date du 19 décembre 2014. Le 19 novembre 2015, la requête originale est amendée. Le 28 janvier 2016, l’honorable Pierre-C. Gagnon autorise l’amendement à la suite d’un courriel des avocats des intimés en date du 13 janvier 2016 dans lequel ces derniers indiquent que l’amendement n’est pas contesté. À ce stade, les parties ne contestent pas la compétence du Tribunal d’autoriser tout amendement de la Requête.
[4] En date du 13 avril 2016, les intimés déposent une demande de permission pour interroger le requérant en vue de présenter une preuve appropriée. À la même date, les intimés déposent également une « Demande en rejet (et subsidiairement, Demande de suspension) » par rapport à trois dossiers, y compris la Demande d’autorisation de M. Krimed et une autre demande d’autorisation de M. Wilson Jean-Paul - aussi contre les intimés (No 500-06-000782-165). Cette demande d'autorisation est déposée au greffe le 11 mars 2016 et signifiée le 30 mars 2016 (la « Seconde demande d’autorisation »).
[5]
Par lettre au Tribunal en date du 17 mai 2016, l’ancien avocat
du requérant demande un délai de dix jours pour présenter une demande
d'autorisation en vertu de l’article
[6] Le 20 mai 2016, M. Krimed remet au Tribunal une déclaration assermentée exprimant son souhait de se désister de la Requête.
[7] Par lettre datée du 24 mai 2016, l’ancien avocat du requérant informe le Tribunal qu’un autre membre voudrait se substituer au requérant. Il annexe à cette lettre le désistement portant la même date. Dans sa lettre, il affirme, entre autres, que la doctrine exige l’autorisation du Tribunal afin de se désister de la Requête amendée en autorisation.
[8] Le 27 mai 2016, l’actuel avocat de M. Krimed dépose un avis de substitution et en date du 27 mai 2016, il dépose une « Demande du requérant Mokrane Krimed afin d’exiger le dépôt d’un désistement, en désaveu des actes de son avocat et en déclaration d’inhabileté ».
[9] Le 1er juin 2016, l’ancien avocat du requérant dépose le désistement au dossier et en avise le Tribunal et les autres parties.
[10] Jusqu’à maintenant, aucune opposition à l’avis de substitution d’avocats n’a été déposée.
[11]
Contrairement à la position exprimée par l’ancien avocat de M. Krimed,
son avocat actuel fait valoir que l’autorisation de désistement n’est pas
nécessaire et que le désistement prend effet immédiatement après son dépôt en
vertu de l’art
B. CONTEXTE LÉGISLATIF.
[12] L’argument central à l'appui de cette nouvelle position de M. Krimed se fonde sur l’intention du législateur découlant de ce que la règle de l’article 1010.1 de l’ancien Code de procédure civile n’est pas reproduite dans le Code de procédure civile :
1010.1. À moins que le contexte n'indique un sens différent, les dispositions du Titre III s'appliquent, avec les adaptations nécessaires, au présent Titre.
[13] Cet article se trouve sous le Titre II : « L'autorisation d'exercer le recours collectif », dans l’ancien Code de procédure civile.
[14] Sous le titre suivant : Titre III : « Déroulement du recours », on retrouve l’article 1016 qui édictait :
1016. Le représentant ne peut amender un acte de procédure, se désister totalement ou partiellement de la demande, d'un acte de procédure ou d'un jugement, sans l'autorisation du tribunal et qu'aux conditions que celui-ci estime nécessaires.
[15] Ainsi, par l’interrelation de ces deux articles, le législateur voulait que le Tribunal autorise tout désistement autant avant qu’après l’autorisation de l’action collective.
[16] Qu’avons-nous dans l’actuel Code de procédure civile?
[17]
Sous le chapitre IV : « Le déroulement de l'action
collective », on trouve l’article 585, un article fort semblable à
l’ancien article
585. Le représentant doit être autorisé par le tribunal pour modifier un acte de procédure, se désister de la demande ou d'un acte de procédure ou renoncer aux droits résultant d'un jugement. Le tribunal peut imposer les conditions qu'il estime nécessaires pour protéger les droits des membres.
L'aveu fait par le représentant lie les membres, sauf si le tribunal considère que cet aveu leur cause un préjudice.
[18]
Cependant, sous le chapitre II : « L’autorisation d'exercer
l'action collective », il n’y a aucun article qui corresponde à l’ancien
article
[19]
Cette omission signifie-t-elle que l’article
213. Le demandeur qui se désiste en totalité de sa demande en justice met fin à l'instance dès que l'acte de désistement est notifié aux autres parties et déposé au greffe. Le désistement remet les choses en état; il a effet immédiatement s'il est fait devant le tribunal en présence des parties. Les frais de justice sont à la charge du demandeur, sous réserve d'une entente convenue entre les parties ou d'une décision du tribunal.
(nos soulignements)
[20]
Même en l’absence d’un article semblable à l’article 1010.1 de l’ancien
C.p.c., le Tribunal ne peut pas simplement appliquer l’article
[21] Il n’appartient pas aux tribunaux de réécrire la loi sous prétexte de l’interpréter, pour y inclure une disposition additionnelle. [2]
[22] De plus, les termes précis de l’article 585 ne prêtent pas à équivoque :
a. le mot « représentant » (en anglais « representative plaintiff ») identifie uniquement le requérant après l’autorisation ;
b.
la référence à un désistement « de la demande » ne peut faire
référence, par l’entremise de l’article
[23]
Cependant, le Tribunal doit faire le même exercice avec l’article
[24]
En adoptant une interprétation littérale du texte statutaire, force est
de constater que l’article
[25]
Par ailleurs, le Tribunal souligne une autre distinction importante
entre le requérant et un demandeur au sens de l’article
[26]
Que peut-on ajouter au sujet de cette lacune [3]
dans le Code de procédure civile? L’article
[27]
Selon le Tribunal, la réponse se trouve dans le dernier alinéa de
l’article
[28] Le législateur a clairement exprimé son intention d’obliger les tribunaux à intervenir à plusieurs étapes tout au long du processus de l’action collective :
a. autorisation (art.
b. après l’autorisation, dans de nombreuses situations, par exemple :
i. amendement, désistement, renonciation aux droits (art.
ii. intervention (art.
iii. révision ou annulation du jugement (art.
[29] Ainsi, dès le déclenchement du processus judiciaire par une requête en autorisation, il incombe au Tribunal de protéger les droits non seulement des membres potentiels avant l’autorisation, mais aussi des membres réels après l’autorisation. À titre d’exemples, avant l’autorisation, un désistement peut affecter les droits des membres potentiels en raison de la prescription, d’un désistement de mauvaise foi ou d’un désistement fait sous pression indue. Il va de soi que le Tribunal doit, à cette étape, veiller sur les intérêts des membres potentiels. Ainsi, pour être cohérent avec l'esprit de la loi, le requérant qui veut se désister doit recevoir l'autorisation préalable du Tribunal.
[30] L’article 41.1 de la Loi d’interprétation [4] se lit comme suit : « Les dispositions d’une loi s’interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l’ensemble et qui lui donne effet ».
[31]
Afin de s’assurer que les droits des membres potentiels sont protégés,
en vertu des articles
[32] Le Tribunal répond à cette question par l’affirmative. Il existe déjà la « Seconde demande d’autorisation ». Les allégations contenues dans la seconde demande d'autorisation sont semblables à celles de la requête amendée du requérant avec l’exception que cette requête ne demande pas une injonction. Le groupe des membres que le deuxième requérant, M. Jean-Paul, veut représenter est le même que celui visé par la requête de M. Krimed.
[33] Après avoir analysé les deux procédures en autorisation, le Tribunal considère que les membres potentiels ne s’exposent à aucun préjudice si ce désistement est autorisé, compte tenu du fait que la « Seconde demande d’autorisation » a déjà été déposée et que M. Krimed la soutient. [6]
CONCLUSIONS
[34] AUTORISE le désistement signé le 24 mai 2016 et déposé le 1er juin 2016 par le requérant, Mokrane Krimed;
[35] DÉCLARE que le désistement de M. Krimed remet les choses en état comme elles existaient avant sa Requête en autorisation;
[36] PREND ACTE du fait que les intimés acceptent le désistement sans frais;
[37] LE TOUT SANS FRAIS DE JUSTICE.
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__________________________________ MARK G. PEACOCK, J.C.S. |
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Me Rémi Bourget MITCHELL GATTUSO |
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Avocats du requérant Mokrane Krimed |
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No. : 500-06-000726-147 |
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Me Benoit Marion |
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SYLVESTRE FAFARD PAINCHAUD |
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Anciens avocats du requérant Mokrane Krimed |
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Me Marc-Antoine Cloutier DEVEAU GAGNÉ LEFEBVRE TREMBLAY ET ASSOCIÉS |
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Avocats du requérant Wilson Jean-Paul |
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No. : 500-06-000782-165 |
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Me Kristian Brabander MCCARTHY TÉTRAULT |
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Avocats des intimés |
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Date d’audience : 6 juin 2016 |
[1]
Tcheng inc. c. Coopérative d’habitation Chung Hua,
[2]
Wilson c. Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles),
[3] C'est-à-dire la procédure appropriée pour se désister d'une requête en autorisation.
[4] RLRQ, c I-16, art. 41.1.
[5] DUROCHER, A. et MARSEILLE, C., Autorisation d’exercer une action collective, JCQ Droit civil - Procédure civile II (2è éd.), par. 124.
[6] Les intimés renoncent à leur droit aux frais de justice afférents au désistement, pour éviter de prolonger le débat. Cependant, cette renonciation ne signifie pas que les intimés n’auraient pas normalement eu droit aux frais de justice.