DÉCISION
DOSSIER 127055-03B-9911
[1] Le 19 novembre 1999, madame Carole Audet (la travailleuse) loge à la Commission des lésions professionnelles une requête à l'encontre d'une décision rendue par la CSST à la suite d'une révision administrative le 19 octobre 1999.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision qu'elle a initialement rendue le 23 juillet 1999 et déclare que la travailleuse n'a pas subi une maladie professionnelle pulmonaire le 29 avril 1996.
DOSSIER 127056-03B-9911
[3] Le 19 novembre 1999, madame Audet dépose à la Commission des lésions professionnelles une autre requête par laquelle elle conteste une seconde décision rendue par la CSST à la suite d'une révision administrative le 19 octobre précédent.
[4] Par cette décision, la CSST confirme deux décisions qu'elle a rendues le 9 avril 1996, à l'effet que madame Audet n'a pas subi une maladie professionnelle pulmonaire le 11 octobre 1995 et qu'il lui sera réclamé, lorsque la décision sera finale, une somme de 545.38 $, correspondant aux indemnités perçues sans droit au cours de la période des 14 premiers jours d'incapacité.
[5] La travailleuse est présente à l'audience, de même que l'employeur et son procureur.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[6] Madame Audet demande à la Commission des lésions professionnelles d'infirmer les décisions en litige et de déclarer qu'elle a subi une maladie professionnelle le 11 octobre 1995 ainsi que le 29 avril 1996. La travailleuse soutient qu'elle a donc droit aux indemnités qu'elle a reçues de la CSST.
LES FAITS
[7] Madame Carole Audet est embauchée à la compagnie Bombardier en juillet 1995 alors qu'elle est âgée de 21 ans. Elle y occupe la fonction d'inspectrice de la qualité de la finition des bateaux pendant quelques semaines.
[8] À compter du 2 octobre 1995, madame Audet revient travailler chez l'employeur où elle est désormais affectée au laminage des petites pièces de bateau. La tâche consiste à uniformiser avec un petit rouleau la résine de fibre de verre, qui vient d'être appliquée sur les pièces de bateau, avant qu'elle ne durcisse. Le rouleau est rincé dans un seau d'acétone aux cinq minutes. Cette fonction est exercée à proximité des postes de peinture.
[9] Le 11 octobre 1995, la travailleuse note l'apparition de problèmes respiratoires. Elle éprouve de la difficulté à inspirer profondément en plus d'une forte oppression thoracique. Il en est de même en reprenant le travail le lendemain où elle consulte le Dr Marchand. L'attestation médicale initiale que complète ce dernier sur un formulaire de la CSST le 12 octobre 1995 fait état d'une irritation bronchique chez la travailleuse qui doit quitter ses fonctions jusqu'au 16 octobre suivant.
[10] Le 17 octobre 1995, madame Audet retourne au travail et note une reprise des mêmes symptômes avec aggravation de sa dyspnée. Un constat d'irritation bronchique est réitéré par le Dr Laferrière le 18 octobre 1995. Une évaluation en pneumologie est recommandée par ce médecin, en plus d'un retour au travail en évitant les inhalants, soit l'acétone, le 23 octobre 1995.
[11] Le 19 octobre 1995, le Dr Laberge, pneumologue, examine la travailleuse qui a été engagée chez Bombardier au laminage de fibre de verre il y a trois semaines avec manifestation de problèmes respiratoires depuis.
[12] Le 30 octobre 1995, la travailleuse adresse à la CSST une réclamation pour maladie professionnelle contractée au laminage le 12 octobre précédent.
[13] Dans une lettre de la Dre Côté, datée du 8 novembre 1995, cette pneumologue confirme la normalité de tous les tests de la fonction pulmonaire (test à l'histamine, bilan de base respiratoire complet) et radiographie pulmonaire auxquels la travailleuse a été soumise. La Dre Côté conclut à un tableau clinique un peu atypique en regard d'un asthme d'origine professionnelle compte tenu du très court laps de temps qui s'est écoulé entre l'affectation de la travailleuse au laminage et l'apparition des symptômes. Elle souligne toutefois que certains cas d'asthme professionnel peuvent survenir même si le test à l'histamine s'avère normal.
[14] La Dre Côté convient donc avec madame Audet que celle-ci mesure elle-même les débits expiratoires de pointe et qu'elle lui communique les résultats si des difficultés respiratoires réapparaissent suite au retour au travail prescrit à compter du 23 octobre 1995. Des tests devront être réalisés au laboratoire de fonction pulmonaire dès que la travailleuse présentera un essoufflement important, soit au moment où elle deviendra symptomatique. Une opinion finale sera ensuite émise par la Dre Côté sur les symptômes que présente madame Audet.
[15] Les notes de consultation médicale que complète la Dre Côté le 2 novembre 1995 indiquent, par contre, que madame Audet n'a pas repris le travail et que les débits de pointe n'ont pas été mesurés comme prévu. Ce médecin constate que l'état respiratoire de la patiente est stable. Elle lui recommande de retourner au travail dans le contexte où aucune maladie respiratoire professionnelle n'a été objectivée.
[16] Le 8 décembre 1995, le comité des maladies professionnelles pulmonaires, à qui est référée la travailleuse pour dyspnée et oppression thoracique invoquées en rapport avec les odeurs fortes d'acétone et de peinture, recommande que l'on procède à une étude industrielle de façon à préciser la nature des contaminants (résine, peinture, solvants, fibre de verre) ainsi que les conditions de ventilation.
[17] Le 23 janvier 1996, les résultats d'une étude menée par monsieur Michel Legris, hygiéniste industriel, sont communiqués à la CSST. La nature des contaminants identifiés au laminage des petites pièces est le styrène et l'acétone. La travailleuse ne porte pas d'équipement de protection individuelle et ne bénéficie pas d'une ventilation locale. L'usine est par contre munie d'un type de ventilation «down draft». L'hygiéniste conclut que même si le poste de laminage des petites pièces est celui qui expose le moins les travailleurs, madame Audet a pu être occasionnellement surexposée aux vapeurs de styrène suivant les activités de laminage en cours dans l'usine.
[18] Le 8 mars 1996, un rapport complémentaire est produit par le comité des maladies professionnelles pulmonaires. Ce dernier conclut qu'il n'est pas en mesure de porter un diagnostic de maladie professionnelle pulmonaire chez la travailleuse, suivant les constats de la Dre Côté du 2 novembre 1995 et l'étude industrielle du 16 janvier 1996.
[19] Le 28 mars 1996, le comité spécial des présidents constate qu'il n'a pas été possible de poursuivre l'investigation destinée à établir si madame Audet a développé une sensibilité au styrène. La travailleuse y aurait été exposée à un taux qui se situe à la limite supérieure de la norme recommandée mais les tests de la fonction respiratoire sont normaux tout comme le résultat de la radiographie pulmonaire. Le comité est d'accord pour fermer le dossier sans reconnaître de maladie professionnelle respiratoire, mais avec possibilité de réévaluation moyennant des faits nouveaux.
[20] Le 9 avril 1996, la CSST refuse la réclamation de la travailleuse au motif qu'elle n'a pas subi une maladie professionnelle pulmonaire le 11 octobre 1995 et l'avise qu'un trop-perçu lui sera réclamé, lorsque la décision deviendra finale, pour les indemnités perçues sans droit pendant les 14 premiers jours d'incapacité. Ces décisions de la CSST sont contestées par la travailleuse.
[21] Le 29 avril 1996, madame Audet réintègre ses fonctions de lamineuse aux petites pièces chez l'employeur. Elle consulte, dès le lendemain, le Dr Laferrière qui recommande de contacter à nouveau le comité des maladies professionnelles pulmonaires devant la reprise des symptômes avec douleur à l'inspiration. Une nouvelle réclamation est produite à la CSST à cette occasion.
[22] Le 14 juin 1996, le comité des maladies professionnelles pulmonaires se réunit une troisième fois concernant le cas de madame Audet. Vu l'apparition d'infiltrations interstitielles à la radiographie des poumons du 11 juin 1996, une investigation est demandée en pneumologie afin de préciser le diagnostic alors que plusieurs hypothèses sont émises à ce sujet.
[23] Le 20 septembre 1996, le comité des maladies professionnelles pulmonaires produit un rapport complémentaire. Celui-ci indique qu'une tomographie axiale du 18 juin 1996 a montré une disparition complète des infiltrations et qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments pour porter un diagnostic de maladie professionnelle pulmonaire. Il y a plusieurs autres diagnostics potentiels déjà évoqués. S'il y avait récidive des symptômes ou des infiltrations, dans un contexte professionnel, il y aurait lieu de soumettre le dossier à nouveau au comité.
[24] Le 3 octobre 1996, le comité spécial des présidents entérine l'avis précité en précisant que la travailleuse a vraisemblablement présenté un phénomène fortuit attribuable à une pneumonite virale, laquelle est complètement résolue.
[25] Le 12 novembre 1996, la CSST avise madame Audet qu'elle ne peut donner suite à l'évaluation du comité des présidents puisque aucune étude en milieu de travail ne peut être faite, étant donné l'état de grossesse de la travailleuse. Le dossier est donc suspendu afin que des tests en milieu de travail soient effectués après l'accouchement prévu le 20 mars 1997.
[26] Le 5 juin 1997, l'employeur avise par écrit le comité des maladies professionnelles pulmonaires que la production de l'usine où travaillait madame Audet vient d'être interrompue et qu'aucune mesure industrielle reflétant la réalité du travail exercé ne pourra désormais être effectuée. L'employeur soutient avoir avisé la CSST de cette interruption, suite à l'accouchement de la travailleuse. Or, la CSST aurait décidé d'attendre quelque temps avant de procéder aux tests en milieu de travail afin de permettre à madame Audet de se remettre de son accouchement.
[27] Le 6 juin 1997, le comité des maladies professionnelles pulmonaires réuni à nouveau constate que madame Audet est totalement asymptomatique depuis son retrait du milieu de travail comportant une exposition au styrène et à l'acétone. Malgré les conclusions antérieures sur l'absence d'asthme professionnel et les résultats des différents tests qui demeurent négatifs, le comité demande que la patiente soit soumise à une épreuve de provocation bronchique spécifique au styrène avant d'émettre une opinion définitive dans ce dossier.
[28] Le 21 juillet 1998, madame Audet est convoquée à nouveau à l'hôpital Laval en vue de subir les tests demandés. Un rapport complété par la Dre Côté le 12 novembre suivant précise que le test de provocation bronchique spécifique au styrène réalisé chez la travailleuse n'a pas démontré de réaction asthmatique. Par contre, la patiente aurait mentionné avoir travaillé à proximité de la salle de peinture dont les portes étaient fréquemment ouvertes. La Dre Côté demande donc une enquête industrielle afin de vérifier si madame Audet a pu être en contact avec des isocyanates ou encore de l'époxy. Elle entend téléphoner à l'hygiéniste pour savoir s'il est possible que la travailleuse ait été exposée aux isocyanates.
[29] Le 23 février 1999, l'employeur avise par écrit la CSST qu'il lui est impossible d'obtenir les informations pertinentes sur les produits utilisés au poste de la travailleuse ou à proximité, soit les isocyanates et l'époxy. L'employeur affirme cependant que les endroits où ces produits étaient utilisés étaient munis de portes qui étaient fermées pendant toute la durée de l'application du «gelcoat». Les portes ne s'ouvraient que pour faire avancer les coques de bateau dans la chambre de peinture.
[30] Le 9 avril 1999, le comité des maladies professionnelles pulmonaires se réunit afin de compléter l'expertise entreprise le 6 juin 1997. Suite aux épreuves de provocation bronchique spécifique au styrène qui se sont avérées négatives et les informations transmises par l'employeur le 23 février 1999, le comité estime qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'investigation. Aucune sensibilisation de l'arbre respiratoire n'a été démontrée. Il n'y a donc pas, selon le comité, de maladie professionnelle pulmonaire ni de déficit anatomo-physiologique dans les circonstances.
[31] Le 15 mai 1999, le comité spécial des présidents entérine les conclusions du comité des maladies professionnelles pulmonaires en ajoutant qu'il n'y a pas de limitations fonctionnelles ni de restrictions quant à la tolérance aux contaminants.
[32] Le 23 juillet 1999, la CSST refuse la réclamation de la travailleuse du 30 avril 1996 pour une maladie professionnelle pulmonaire en se fondant sur l'avis du comité spécial des présidents, lequel n'a pas identifié de telle maladie. Madame Audet demande la révision de cette décision le 18 août suivant.
[33] Le 19 octobre 1999, la CSST confirme les décisions qu'elle a rendues le 9 avril 1996 et le 23 juillet 1999, d'où les présentes requêtes logées par la travailleuse à la Commission des lésions professionnelles.
[34] Dans son témoignage à l'audience, madame Audet soutient qu'elle n'a jamais présenté de problèmes respiratoires si ce n'est en octobre 1995 et avril 1996, périodes où elle a travaillé au laminage des petites pièces chez Bombardier. Bien que les tests réalisés à ce jour se soient avérés non concluants, la travailleuse estime qu'il est toujours possible qu'elle ait été affectée par d'autres substances, telles les isocyanates et l'époxy, alors qu'elle a travaillé à proximité des peintres. Même si l'on ne peut désormais évaluer l'exposition à ces substances suite à la fermeture de l'usine en 1997, madame Audet considère qu'elle n'a pas à être pénalisée par cette absence de preuve au dossier ni par le fait qu'il n'y a pas d'autre lamineur de l'entreprise qui ait déclaré de symptômes respiratoires.
[35] Le témoignage de madame Annie Paquet, en tant que coordonnatrice en santé et sécurité du travail chez l'employeur, est à l'effet qu'il n'y a pas de problème respiratoire quelconque qui ait été identifié chez les nombreux travailleurs de l'entreprise ayant exercé les mêmes fonctions que madame Audet. Madame Paquet insiste par ailleurs sur les démarches de l'employeur auprès de la CSST afin que cette dernière vienne compléter l'étude industrielle dans l'entreprise entre l'accouchement de la travailleuse en mars 1997 et l'arrêt des opérations en juin 1997.
L'AVIS DES MEMBRES
[36] Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d'avis qu'il n'y a pas de preuve probante, au plan factuel et médical, qui permette de conclure à la survenance d'une maladie professionnelle au présent dossier, que ce soit en octobre 1995 ou en avril 1996.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[37] La Commission des lésions professionnelles doit décider si madame Carole Audet a subi une maladie professionnelle le 11 octobre 1995 et le 29 avril 1996.
[38] Une maladie professionnelle pulmonaire étant invoquée en l'instance, il y avait lieu pour la CSST de référer la travailleuse au comité des maladies professionnelles pulmonaires composé de trois pneumologues, conformément aux articles 226 et 227 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001) (LATMP), lesquels se lisent comme suit:
226. Lorsqu'un travailleur produit une réclamation à la Commission alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la Commission le réfère, dans les 10 jours, à un comité des maladies professionnelles pulmonaires.
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1985, c. 6, a. 226.
227. Le ministre forme au moins quatre comités des maladies professionnelles pulmonaires qui ont pour fonction de déterminer si un travailleur est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire.
Un comité des maladies professionnelles pulmonaires est composé de trois pneumologues, dont un président qui est professeur agrégé ou titulaire dans une université québécoise.
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1985, c. 6, a. 227.
[39] Or, après avoir examiné madame Audet à plusieurs reprises entre 1995 et 1999, le comité des maladies professionnelles pulmonaires a toujours maintenu, dans ses rapports produits en vertu de l'article 230 de la LATMP, l'absence de diagnostic de maladie professionnelle pulmonaire chez la travailleuse.
230. Le Comité des maladies professionnelles pulmonaires à qui la Commission réfère un travailleur examine celui - ci dans les 20 jours de la demande de la Commission.
Il fait rapport par écrit à la Commission de son diagnostic dans les 20 jours de l'examen et, si son diagnostic est positif, il fait en outre état dans son rapport de ses constatations quant aux limitations fonctionnelles, au pourcentage d'atteinte à l'intégrité physique et à la tolérance du travailleur à un contaminant au sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1) qui a provoqué sa maladie ou qui risque de l'exposer à une récidive, une rechute ou une aggravation.
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1985, c. 6, a. 230.
[40] Ces avis successifs portant sur le diagnostic ont de plus été confirmés par le comité spécial des présidents des comités de maladies professionnelles pulmonaires, selon le troisième alinéa de l'article 231 de la LATMP. Cet article stipule que:
231. Sur réception de ce rapport, la Commission soumet le dossier du travailleur à un comité spécial composé de trois personnes qu'elle désigne parmi les présidents des comités des maladies professionnelles pulmonaires, à l'exception du président du comité qui a fait le rapport faisant l'objet de l'examen par le comité spécial.
Le dossier du travailleur comprend le rapport du comité des maladies professionnelles pulmonaires et toutes les pièces qui ont servi à ce comité à établir son diagnostic et ses autres constatations.
Le comité spécial infirme ou confirme le diagnostic et les autres constatations du comité des maladies professionnelles pulmonaires faites en vertu du deuxième alinéa de l'article 230 et y substitue les siens, s'il y a lieu ; il motive son avis et le transmet à la Commission dans les 20 jours de la date où la Commission lui a soumis le dossier.
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1985, c. 6, a. 231.
[41] L'article 233 de la LATMP prévoit, d'autre part, qu'aux fins de rendre sa décision sur les droits de la travailleuse alléguant être atteinte d'une maladie professionnelle pulmonaire, la CSST est liée par le diagnostic et les autres constatations établis par le comité spécial des présidents en vertu du troisième alinéa de l'article 231.
233. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi sur les droits du travailleur qui lui produit une réclamation alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la Commission est liée par le diagnostic et les autres constatations établis par le comité spécial en vertu du troisième alinéa de l'article 231.
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1985, c. 6, a. 233.
[42] Les décisions rendues par la CSST en application de l'article 233 de la LATMP les 9 avril 1996 et 23 juillet 1999 sont confirmées par la CSST en révision le 19 octobre 1999, en application du deuxième alinéa de l'article 358.3 de la LATMP, d'où les requêtes logées par la travailleuse et dont la Commission des lésions professionnelles est actuellement saisie.
[43] La Commission des lésions professionnelles tient à préciser que l'avis du comité spécial des présidents ne lie pas la CSST sur le caractère professionnel de la maladie mais bien sur le diagnostic de la maladie. Le comité n'est pas habilité à se prononcer sur la relation causale [1]. Même si la CSST s'était déclarée liée par l'opinion du comité sur la relation, il reviendrait à la Commission des lésions professionnelles de rendre la décision qui aurait dû être rendue quant à l'existence ou non d'une maladie professionnelle chez la travailleuse.
[44] Force est toutefois de constater qu'aucun diagnostic de maladie pulmonaire n'a été établi par les nombreux pneumologues qui ont évalué la condition de la travailleuse au cours des cinq dernières années. Les tests cliniques et para-cliniques se sont avérés négatifs ou à tout le moins non significatifs en faveur d'une quelconque maladie respiratoire, hormis le phénomène fortuit de pneumonite virale apparu de façon ponctuelle alors que madame Audet est retirée du travail depuis déjà plusieurs mois en juin 1996.
[45] Seul demeure le constat initial d'irritation bronchique, tel qu'émis lors des premières consultations médicales en 1995, sans pour autant que l'on identifie de pathologie à ce niveau. Comme le constate la Dre Côté en novembre 1995, le tableau clinique s'avère plutôt atypique d'un asthme bronchique étant donné que les tests de la fonction respiratoire sont normaux et que les symptômes apparaissent quelques jours seulement après l'affectation au laminage de la résine de fibre de verre sur les petites pièces.
[46] La Dre Côté considère malgré tout possible l'apparition d'asthme et recommande donc à la travailleuse d'enregistrer ses débits expiratoires de pointe lors du retour au travail prescrit à compter du 23 octobre 1995, afin de pouvoir procéder aux tests appropriés dès la manifestation des symptômes. Aucun test complémentaire n'est cependant effectué à l'époque puisque madame Audet ne retourne au travail suivant les recommandations de son médecin.
[47] Ce n'est que le 29 avril 1996 que la travailleuse réintègre ses fonctions au laminage pendant une seule journée sans mesurer les débits de pointe alors que l'obtention de ces données est essentielle pour pouvoir poursuivre l'investigation médicale et en arriver à un diagnostic.
[48] L'étude industrielle effectuée entre temps à la demande du premier comité des maladies professionnelles pulmonaires indique par ailleurs que la travailleuse a pu être occasionnellement surexposée au styrène. Cependant, les tests de provocation spécifique à cette substance effectués entre juillet et septembre 1998 se sont avérés négatifs.
[49] La Dre Côté soulève dès lors l'hypothèse d'une exposition aux isocyanates ou à l'époxy étant donné que la travailleuse a œuvré à proximité de la salle de peinture. Ce médecin suggère une étude industrielle alors que l'usine est fermée depuis plus d'un an. Elle ne prescrit, au surplus, aucun test de provocation spécifique aux substances nouvellement alléguées et non mentionnées dans l'étude industrielle du mois de janvier 1996.
[50] Madame Audet considère qu'elle n'a pas à être lésée du fait que l'analyse de son dossier en regard de l'admissibilité des réclamations pour une maladie professionnelle pulmonaire n'a pu être complétée, au plan industriel et médical, suite à la fermeture de l'usine en 1997.
[51] La Commission des lésions professionnelles constate que la preuve n'a pu être complétée à cause non seulement de l'interruption des activités de l'entreprise en juin 1997 mais surtout de l'absence des données complémentaires essentielles demandées par la Dre Côté en octobre 1995 lors du retour au travail prescrit à la travailleuse. Celle-ci n'a cependant pas réintégré ses fonctions, sauf une journée en avril 1996, sans fournir à son médecin quelque donnée permettant de poursuivre l'investigation.
[52] En l'absence d'asthme bronchique ou d'une autre maladie diagnostiquée qui soit énumérée à l'annexe I de la LATMP, la travailleuse ne peut bénéficier de la présomption de maladie professionnelle prévue en ces termes à l'article 29 de la LATMP:
29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
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1985, c. 6, a. 29.
[53] Il doit dès lors être établi que madame Audet était atteinte d'une maladie professionnelle, suivant les prescriptions de l'article 30 de la LATMP:
30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
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1985, c. 6, a. 30.
[54] Les problèmes respiratoires qu'a éprouvés la travailleuse pour la première fois au laminage en octobre 1995 puis en avril 1996, ne proviennent pas d'un accident du travail ou même d'une récidive, rechute ou aggravation. Ils ne sont pas caractéristiques ni reliés aux risques particuliers de ce travail. La preuve n'établit aucun autre cas de travailleur exerçant des fonctions similaires qui ait présenté de tels symptômes. Ces derniers sont atypiques alors qu'ils surviennent à peine quelques jours après l'affectation de madame Audet au laminage des petites pièces. Il appert toutefois que la travailleuse a pu être occasionnellement exposée au styrène suivant un taux supérieur à la norme permise. Or, les tests de provocation spécifique à cette substance se sont avérés négatifs. Au surplus, les tests de fonction respiratoire se sont tous révélés dans les limites de la normale. Quant aux infiltrations pulmonaires interstitielles, elles ont plutôt été attribuées à une pathologie virale.
[55] Il est certes demeuré une suspicion d'asthme professionnel sans toutefois que cela puisse être soutenu par quelque donnée objective d'ordre factuel et médical en l'absence de retour au travail avec mesure et analyse des débits de pointe, tel que demandé par la Dre Côté. Il n'y a donc pas de maladie comme telle qui ait été diagnostiquée à l'époque des réclamations produites à la CSST et même par la suite. Il n'y a pas non plus de relation qui soit démontrée entre la symptomatologie alléguée et le travail accompli.
[56] Aucune lésion professionnelle ne peut dès lors être reconnue chez la travailleuse suivant les prescriptions de la LATMP.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
DOSSIER 127055-03B-9911
REJETTE la requête logée par la travailleuse à la Commission des lésions professionnelles le 19 novembre 1999;
CONFIRME la décision rendue par la CSST à la suite de la révision administrative le 19 octobre 1999;
DÉCLARE que madame Carole Audet n’a pas subi une lésion professionnelle le 29 avril 1996.
DOSSIER 127056-03B-9911
REJETTE la requête déposée par la travailleuse à la Commission des lésions professionnelles le 19 novembre 1999;
CONFIRME la décision rendue par la CSST à la suite de la révision administrative le 19 octobre 1999;
DÉCLARE que madame Audet n’a pas subi une lésion professionnelle le 11 octobre 1995 et qu’elle n’a pas droit aux indemnités en vertu de la LATMP.
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GENEVIÈVE MARQUIS |
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Commissaire |
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DANCOSSE, BRISEBOIS (Me Paul A. Venne) 630, boul.
René-Lévesque Ouest, #2930 Montréal
(Québec) H3B 1S6 |
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Représentant de la partie intéressée |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.