G.S. et Compagnie A |
2014 QCCLP 7069 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Sept-Îles |
22 décembre 2014 |
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Région : |
Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent et Côte-Nord |
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Dossier CSST : |
134053032 |
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Commissaire : |
Daniel Jouis, juge administratif |
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Membres : |
Guy Marois, associations d’employeurs |
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Marc Paquet, associations syndicales |
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Partie requérante |
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et |
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[Compagnie A] |
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Partie intéressée |
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Dossier 546038-09-1407
[1] Le 7 juillet 2014, monsieur G... S... (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 27 mai 2014 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 24 février 2014 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des coûts de consultation en psychologie.
Dossier 553876-09-1410
[3] Le 3 octobre 2014, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 29 septembre 2014 à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 7 mai 2014 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement d’une vignette de stationnement pour personne à mobilité réduite.
Dossiers 546038-09-1407 et 553876-09-1410
[5] L’audience s’est tenue le 3 décembre 2014 à Baie-Comeau en présence du travailleur et de sa représentante, madame Sylvie Morency. [La Compagnie A] (l’employeur) a prévenu de son absence par lettre. Le dossier est mis en délibéré le 9 décembre 2014, date à laquelle le travailleur a déposé un document attendu, comme convenu lors de l’audience.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
Dossier 546038-09-1407
[6] Le travailleur demande de déclarer qu’il a droit au remboursement des coûts de consultation en psychologie.
Dossier 553876-09-1410
[7] Le travailleur demande de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais d’une vignette de stationnement pour personne à mobilité réduite et ceux des formulaires nécessaires pour l’obtenir.
LES FAITS
[8] Le travailleur, âgé de 49 ans lors de l’audience, œuvre à titre de technicien responsable d’un atelier pour l’employeur au moment de la lésion initiale survenue le 27 octobre 2008. À ce moment, il s’inflige une entorse lombaire en soulevant une boîte de 50 livres. Une hernie discale L4-L5 droite s’ajoute au premier diagnostic le 9 février 2009.
[9] Une décision[1] du tribunal en date 25 juillet 2012 reconnait au travailleur une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion avec un diagnostic de dépression majeure. Cette même décision consolide la lésion initiale en date du 26 juillet 2011 avec une atteinte permanente de 28,75 % et des limitations fonctionnelles dont il sera plus amplement question ci-après.
[10] Le 19 mars 2014, une nouvelle décision[2] du tribunal reconnait une nouvelle récidive, rechute ou aggravation en date du 16 octobre 2012 impliquant les niveaux L1-L2 à L4-L5, laquelle n’est pas consolidée au moment de l’audience.
Dossier 546038-09-1407
Traitements psychologiques
[11] Les difficultés rencontrées par le travailleur affectent l'aspect psychologique de sa condition, lequel se détériore au fil du temps.
[12] La récidive, rechute ou aggravation de la lésion du travailleur, avec un diagnostic de dépression majeure depuis le 23 novembre 2011, l’amène à un suivi psychologique suite à la décision[3] du tribunal du 25 juillet 2012.
[13] D’ailleurs, le 12 septembre 2012, son psychologue, monsieur Denis Doucet, signe avec la CSST le formulaire intitulé «Demande de soins de psychologie à la suite d'une ordonnance en assistance médicale». Le travailleur bénéficie ensuite de ce traitement remboursé par la CSST.
[14] Les remboursements des frais de suivi auprès du psychologue s’effectuent jusqu'à ce que, pour une raison qui ne sera jamais communiquée au tribunal, il veuille se désengager auprès de la CSST. Du moins, c'est ce qui ressort des notes au dossier de la CSST. Il y a lieu de reproduire la note du 30 octobre 2013 de l'agente d'indemnisation, laquelle indique ce qui suit au sujet de l'aspect psychosocial :
Le psychologue du T [travailleur] ne désire plus refaire des contrats avec la CSST et T s’en inquiète, car il ne désire pas recommencer tout le processus avec un nouvel intervenant. D’ailleurs, la psychiatre du T ne pense pas que ce serait une bonne chose pour le travailleur de reprendre avec un autre psychologue. T me demande donc si la CSST rembourserait les consultations avec M. Doucet, psychologue, sans que celui-ci ne fasse de contrat de service avec la CSST. Il ne produirait donc pas de rapport. Je dis à T que je vais m’informer et le rappeler pour lui donner la réponse.
[15] Les notes évolutives au dossier permettent de constater l'aspect inhabituel d'un tel désengagement par un psychologue pour la CSST. L’agente tente bien de trouver une solution, mais pendant ce temps, le travailleur ne peut bénéficier de tout le suivi auprès du psychologue. En fait, à compter de janvier 2014, il bénéficie de deux consultations seulement pour lesquelles il doit assumer seul les frais. Il demande alors qu’une décision soit rendue par la CSST au sujet du remboursement de ces frais.
[16] Le 14 janvier 2014, la docteure Marine Claracq, qui a charge du travailleur, lui prescrit un suivi par le psychologue.
[17] La note évolutive de l'agent d'indemnisation du 21 février 2014 résume bien la situation qui prévaut au moment du désengagement du psychologue. La note se lit comme suit :
Explique à monsieur que c’est la décision de son psychologue qui en refusant de ne plus renouveler son contrat avec la CSST nous plaçait dans une impasse en ne répondant plus à la règlementation sur l’assistance médicale en regard à la psychologie.
J’explique aussi à monsieur que ce faisant nous avons dû faire des vérifications avec le central puisque nous nous retrouvions dans une situation qui n’est pas commune. Monsieur mentionne qu’il en a besoin de se suivi. Répond a monsieur que justement la CSST essaie de dénouer l’impasse en prévoyant que notre médecin conseil fasse un bilan de situation avec son psychiatre, Dre Mainguy, en mars 2014. Si nous pouvons nous entendre avec Dre Mainguy sur la façon de connaître l’évolution du suivi psychologique il serait POSSIBLE que la CSST se reconsidère du refus de rembourser les frais reliés à son suivi psychologique.
[sic]
[18] Le 24 février 2014, la CSST rend une décision par laquelle elle refuse de rembourser les traitements de psychologie réclamée par le travailleur. Elle invoque le refus du psychologue de renouveler son contrat avec la CSST. Pour elle, le psychologue ne répond plus aux exigences du Règlement sur l'assistance médicale (le règlement)[4], particulièrement relativement à la psychologie et à la neuropsychologie.
[19] À l'audience, le travailleur indique avoir cessé ses suivis psychologiques faute de pouvoir être remboursé par la CSST. Par ailleurs, il maintient avoir toujours besoin du suivi avec son psychologue et témoigne de l’utilité de telles rencontres dans son cheminement. Il ajoute ne pas souhaiter recommencer avec un nouveau psychologue, compte tenu du temps nécessaire avant de se sentir en confiance dans le cadre d’une telle relation, ce qu’il a trouvé plutôt long au départ. Enfin, il mentionne que son psychologue ne lui a jamais indiqué qu'il refusait d'effectuer des rapports d'évolution.
[20] L'autre particularité évoquée par le travailleur à l'audience repose sur la demande de son psychologue d'être rémunéré selon un taux horaire de 100 $. Cette mention est d'ailleurs corroborée par la note évolutive de l'agent d'indemnisation en date du 20 novembre 2013.
[21] Devant l'apparente contradiction relative à la production ou non de rapports d'évolution du psychologue, le tribunal a requis du travailleur qu'il obtienne la position de son psychologue par écrit. Un document reçu par le tribunal le 9 décembre 2014 indique que le psychologue du travailleur est disposé à continuer le suivi avec le travailleur tout comme il est prêt à achever les rapports d'évolution pour chaque période de dix heures d'intervention, qu'il s'engage à remettre au travailleur. Il n'est pas question de rémunération à ce document.
[22] Le travailleur dépose à l'audience les deux reçus de consultation de son psychologue qui n'ont pas été remboursés par la CSST et demande le remboursement complet selon le tarif horaire de 100 $. Il dépose également la portion détachable d’un chèque provenant de la CSST et attestant du remboursement antérieur des frais de son psychologue. Enfin, il demande de pouvoir être remboursé pour les éventuels traitements.
Dossier 553876-09-1410
La vignette de stationnement
[23] La décision du tribunal du 25 juillet 2012 précitée[5] établit les limitations fonctionnelles du travailleur en lien avec sa lésion professionnelle, lesquelles s'énoncent de la façon suivante :
Éviter les mouvements avec des amplitudes moindrement significatives de flexion, d’extension ou de torsion du rachis lombaire. Il devrait éviter de manipuler des charges de plus de 30 livres. Il devrait éviter de travailler en position penchée ou accroupie. Il devrait éviter de ramper, grimper, de marcher sur les terrains accidentés et subir des vibrations de basses fréquences ou des contrecoups à la colonne vertébrale.
[24] En somme, le travailleur se voit d’abord octroyer des limitations fonctionnelles de classe II selon l’échelle de restriction fonctionnelle de l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (l’IRSST).
[25] Depuis la consolidation de la lésion initiale, le travailleur s'est vu reconnaître une nouvelle récidive, rechute ou aggravation en lien avec une détérioration de son état. Celle-ci se manifeste par une diminution de la taille du sac dural au niveau L3-L4, tel que le démontre le résultat d’une imagerie médicale du 31 mai 2013 effectuée par le docteur Pierre Grondin, radiologiste.
[26] À l’audience, le travailleur se plaint également d’un symptôme de pied tombant. Pour sa part, la docteure Claracq remplit un formulaire à l’attention de la Société d'assurance automobile du Québec (la SAAQ). Elle y indique que le travailleur est limité à des marches ne devant pas excéder 15 minutes.
[27] Le travailleur obtient une vignette temporaire pour personnes à mobilité réduite de la SAAQ. Il dépose à l'audience deux reçus de la docteure Claracq en lien avec les démarches pour l'obtention de la vignette de stationnement. Le premier au montant de 20 $ représente les frais réclamés afin de remplir les formulaires pour la vignette et l'autre au montant de 30 $ concerne un formulaire pour l’obtention du permis de conduire du travailleur. Il indique avoir assumé le coût pour l’obtention de cette vignette auprès de la SAAQ et réclame donc le remboursement de ces sommes.
[28] Lors de son témoignage à l'audience, le travailleur indique avoir besoin d'une vignette pour personnes à mobilité réduite en raison d'une limitation l'empêchant de marcher consécutivement plus de 15 minutes. Au rapport médical en provenance de la SAAQ, la motivation pour l’obtention de sa vignette repose précisément sur la restriction de ne pas rester debout ou assis plus de 15 minutes. Il invoque également avoir un pied tombant des suites de sa lésion et afin de nous en expliquer les conséquences, il nous raconte avoir subi une chute à sa résidence au moment de descendre l’escalier de son sous-sol.
[29] À l’audience, le travailleur justifie son besoin lorsqu'il se rend au centre commercial, lorsqu’il va rencontrer son médecin à la clinique ou encore à l’hôpital pour recevoir des soins médicaux. Pour lui, en obtenant un stationnement à proximité des portes d'entrée des différents établissements, il limite la durée de son déplacement à pied, ce qui lui permet de vaquer pendant plus de temps à ses activités. Lorsqu'il est stationné à distance de la porte d'entrée d'un établissement, selon son témoignage, le temps perdu pour se rendre à la porte réduit d'autant la durée de l'activité déjà limitée par sa condition.
[30] Enfin, le travailleur considère également moins périlleux de pouvoir utiliser un stationnement à proximité des entrées, compte tenu des effets de son pied tombant, lesquels peuvent se manifester en tout temps et sans avertissement.
L’AVIS DES MEMBRES
[31] Conformément à l’article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[6] (la loi), le soussigné a demandé et obtenu l’avis des membres qui ont siégé avec lui sur la question faisant l’objet de la contestation ainsi que sur les motifs de cet avis.
Dossier 546038-09-1407
[32] Le membre issu des associations d’employeurs et celui des associations syndicales sont d’avis d’accueillir la requête du travailleur.
[33] Les membres issus considèrent que la preuve révèle que le psychologue démontre qu’il est disposé à produire, avec le contenu requis, les rapports exigés par le règlement. Quant à la tarification applicable pour le remboursement, le membre des associations d’employeurs est toutefois d’opinion que le tarif du règlement doit être respecté pour le remboursement. Pour sa part, le membre issu des associations syndicales considère que le tarif horaire de 100 $ du psychologue du travailleur n’est pas déraisonnable et doit être remboursé en totalité.
Dossier 553876-09-1410
[34] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis de rejeter cette requête du travailleur. Selon lui, la décision de rembourser le montant réclamé doit reposer sur la nature des limitations fonctionnelles du travailleur et non pas sur le fait qu’il a pu l’obtenir de l’organisme émetteur.
[35] Pour sa part, le membre issu des associations syndicales est d’avis d’accueillir la requête du travailleur, selon lui, l’obtention de la vignette confirme ses contraintes à la marche. Ainsi, il a droit au remboursement des coûts de celle-ci à titre de mesure de réadaptation sociale.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
Dossier 546038-09-1407
Traitements psychologiques
[36] Le tribunal doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement des frais de traitement en psychologie et à quel tarif.
[37] Quant à l’assistance médicale, la loi énonce :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
__________
1985, c. 6, a. 188.
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit :
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèse et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
__________
1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.
[38] Pour sa part, l’article 192 de la loi énonce ce qui suit :
192. Le travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix.
__________
1985, c. 6, a. 192.
[39] Le règlement prévoit pour sa part :
3. La Commission de la santé et de la sécurité du travail assume le coût des soins, des traitements et des aides techniques reçu au Québec, selon les montants prévus au présent règlement, si ces soins, ces traitements ou ces aides techniques ont été prescrits par le médecin qui a charge du travailleur avant que les soins ou traitements ne soient reçus ou que les dépenses pour ces aides techniques ne soient faites; à moins de disposition contraire, ces montants comprennent les fournitures et les frais accessoires reliés à ces soins, traitements ou aides techniques.
[...]
__________
D. 288-93, a. 3; D. 888-2007, a. 2.
[…]
6. La Commission assume le coût des soins et des traitements déterminés à l'annexe I, jusqu'à concurrence des montants qui y sont prévus, lorsqu'ils sont fournis personnellement par un intervenant de la santé auquel a été référé le travailleur par le médecin qui a charge de ce dernier.
[...]
__________
D. 288-93, a. 6; D. 888-2007, a. 3.
[…]
11. L'intervenant de la santé qui exerce seul sa profession doit indiquer sur ses relevés d'honoraires le numéro de fournisseur de services que lui attribue la Commission.
__________
D. 288-93, a. 11; D. 757-2011, a. 1.
[…]
§3. Règles particulières à la psychologie et à la neuropsychologie
__________
D. 757-2011, a. 2.
17.1. La Commission assume le coût des soins de psychologie et de neuropsychologie fournis par un psychologue inscrit au tableau de l'Ordre professionnel des psychologues du Québec.
__________
D. 757-2011, a. 2.
17.2. La Commission paye suivant le montant prévu à l'annexe I pour les soins de psychologie et de neuropsychologie si elle et le médecin qui a charge du travailleur ont reçu pour chaque travailleur un rapport d'évaluation et lorsqu'il y a intervention, un rapport d'évolution le cas échéant, et un rapport final d'intervention.
Un rapport d'évolution doit être achevé pour chaque période de 10 heures d'intervention. Si l'intervention se termine à l'intérieur ou à la fin d'une période de 10 heures, seul un rapport final doit être complété.
Les rapports doivent être transmis dans les 15 jours qui suivent la date de la dernière rencontre qui donne lieu au rapport.
__________
D. 757-2011, a. 2.
17.3. Tout rapport visé à l'article 17.2 doit contenir les informations prévues à l'annexe IV et être signé par le psychologue qui a fourni les soins.
__________
D. 757-2011, a. 2.
[40] L’annexe I du règlement prévoit le tarif applicable aux professionnels pour les soins et traitements dont il est question à l’article 6, la psychologie en fait partie.
[41] D’abord, le droit au remboursement des frais d’un psychologue n’est pas en cause dans le présent cas. La CSST accepte d’ailleurs d’effectuer les remboursements pendant un certain temps, soit entre la période du 7 décembre 2011 jusqu'au mois de novembre 2013. La copie du chèque émis par la CSST le 26 septembre 2012 atteste du remboursement de tels frais.
[42] Le litige nait plutôt, selon les notes au dossier, d'une forme de désengagement de la part du psychologue choisi par le travailleur. Bien que la preuve ne dévoile pas les motivations du psychologue, il apparaît clair que celui-ci ne souhaite plus traiter directement avec la CSST à compter de novembre 2013.
[43] Pour sa part, la CSST, qui reconnait par ailleurs la nécessité des traitements en psychologie pour le travailleur, motive sa décision par le refus du psychologue de contracter avec elle. Le refus de produire des rapports par celui-ci apparait également comme motivation à quelques reprises au dossier.
[44] Or, rien dans la loi ni dans le règlement sur l'assistance médicale ne prévoit l'exigence d'un contrat entre la CSST et le psychologue. Cette exigence imposée par la CSST dépasse le cadre législatif applicable. Tout au plus, l'article 11 du règlement prévoit que la CSST doit attribuer un numéro de fournisseur de services à l'intervenant de la santé qui exerce sa profession, comme dans le présent cas. En aucun temps, une relation contractuelle n’est exigée entre l'intervenant de la santé et la CSST. Ainsi, le motif invoqué par la CSST pour refuser d'acquitter le remboursement des traitements par le psychologue du travailleur n'est pas justifié.
[45] Par ailleurs, les autres manquements invoqués au dossier par la CSST justifient-ils le refus d'acquitter les soins du psychologue choisi par le travailleur? Le refus de transmettre un rapport et l’exigence d’un tarif supérieur à celui apparaissant à l’annexe du règlement sont ici en cause.
[46] En ce qui a trait au refus de produire un rapport, pour une raison que le tribunal ignore, il semble évident qu'un imbroglio ou encore un changement de position de la part du psychologue soit à l'origine d'une mésentente sur cet aspect. Toutefois, le document produit par le travailleur après l'audience atteste clairement que le psychologue est disposé à continuer le suivi du travailleur en tant que psychologue. Il est tout aussi clair que le psychologue est disposé à produire un rapport d'évolution conformément au règlement. Sur cet aspect, il n'est pas du rôle du tribunal de tenter de comprendre ce qui a pu provoquer cette affirmation de la CSST. Toutefois, à la lumière de la preuve, il ne s'agit pas d'une contrainte justifiant le refus d'acquitter le remboursement des frais du psychologue consulté par le travailleur.
[47] Toutefois, il apparaît clair que le travailleur, afin d'avoir droit au remboursement réclamé dans le cadre de son suivi par le psychologue, doit respecter les dispositions du règlement. Ainsi, le traitement doit être prescrit par son médecin, des rapports d'évolution et un rapport final doivent être achevés et signés par le professionnel selon l'annexe IV du règlement et communiqués à la CSST après le nombre de rencontres et dans le délai prévu.
[48] Bien que certaines décisions du tribunal acceptent de rembourser le montant réellement payé par les travailleurs, le soussigné se rallie plutôt à la position exprimée par le tribunal dans l’affaire De Santis et Société des Alcools du Québec[7], dont il y a lieu de reproduire un extrait :
[42] Dans certaines décisions, le tribunal a accordé le remboursement du coût réellement payé par le travailleur pour les services reçus plutôt que ce que prévoit l’annexe 1 du règlement pour le remboursement des traitements de physiothérapie en s’appuyant sur les articles 1 et 351 de la loi. Dans ces décisions, le tribunal estime que l’équité fait en sorte que la CSST doit rembourser le montant intégral des montants payés par le travailleur même s’il excède le tarif prévu à l’annexe 1 puisqu’il s’agit d’une conséquence de la lésion professionnelle.
[43] Ici, le tribunal estime que ces articles ne sont pas créateurs de droit et qu’ils ne peuvent être invoqués pour contourner les dispositions claires du règlement et de son annexe 1. L’article premier de la loi édicte ce qui suit :
1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.
[44] L’objectif énoncé au premier alinéa de cet article signifie que la réparation des lésions professionnelles et de leurs conséquences doit se réaliser à l’intérieur du cadre des limites et des paramètres établis par la loi. Il s’agit d’une clause interprétative à la lumière de laquelle les dispositions particulières de la loi doivent être analysées. Cet article premier de la loi ne saurait créer des droits supérieurs à ce qui est déjà prévu aux dispositions particulières de la loi. À cet égard, dans l’affaire Bastien et Société des alcools du Québec10, la Commission des lésions professionnelles écrit :
[14] L’objet de la loi est de réparer les conséquences résultant d’une lésion professionnelle. Cependant, la loi fixe des limites à cette réparation et il n’appartient pas au tribunal de modifier la loi pour y ajouter des droits qui n’y sont pas prévus, ou encore, supprimer les conditions d’acquisition des droits qui y sont consentis.
[15] Comme dans l’affaire Gillam et Centre Molson inc.1, la commissaire soussignée est d’avis que l’objectif énoncé à l’article 1 de la loi n’habilite pas le tribunal à accorder plus de droits ou à créer des obligations à la CSST au-delà de ce qui est prévu par la loi d’où le tribunal tire sa compétence et ses pouvoirs.
_______________
1 [1999] C.L.P. 940.
[45] Dans cette perspective, le premier alinéa de l’article premier de la loi ne peut légitimer le tribunal à accorder un remboursement des traitements de physiothérapie supérieur à ce que prévoit l’annexe 1 du règlement.
[46] Par ailleurs, l’article 351 de la loi énonce ce qui suit :
351. La Commission rend ses décisions suivant l'équité, d'après le mérite réel et la justice du cas.
Elle peut, par tous les moyens légaux qu'elle juge les meilleurs, s'enquérir des matières qui lui sont attribuées.
__________
1985, c. 6, a. 351; 1997, c. 27, a. 13.
[47] Dans un premier temps, le tribunal considère que cette disposition ne s’applique qu’aux décisions rendues par la CSST et non aux décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles. En effet, une étude des disposions de la loi permet de constater que lorsque le législateur utilise le terme Commission, il réfère à la CSST alors que lorsqu’il veut désigner le tribunal, il emploie nommément Commission des lésions professionnelles.
[48] De plus, ce n’est pas parce que l’article 377 de la loi accorde au tribunal le pouvoir de rendre la décision qui aurait dû être rendue par la CSST que cela signifie que le cadre à l’intérieur duquel s’élabore cette décision doit être le même que celui de la CSST. Le tribunal rappelle que les décisions de la CSST sont des décisions administratives qui doivent être rendues selon l’équité procédurale alors que les décisions de la Commission des lésions professionnelles sont des décisions juridictionnelles devant respecter les principes de justice naturelle.
[49] Dans un second temps, le tribunal estime que l’article 351 de la loi a pour but d’offrir aux travailleurs et aux employeurs des garanties selon lesquelles les décisions de la CSST seront rendues dans le respect de l’équité procédurale. Cet article vient donc confirmer que la CSST doit respecter les attentes légitimes qu’un travailleur ou un employeur peut avoir concernant le traitement de son dossier.
[50] Par ailleurs, le tribunal ne partage pas les conclusions de la décision Camions Freightliner Québec inc. et CSST11 selon lesquelles l’article 351 de loi permet à la CSST d’accorder des bénéfices supérieurs à ce que prévoit la loi et la réglementation. D’une part, cette interprétation ne respecte pas le principe selon lequel l’adoption des lois et leur modification appartiennent au législateur. D’autre part, une telle interprétation va à l’encontre du principe de la primauté du droit qui implique que l’administration, en l’occurrence la CSST, doit agir à l’intérieur du cadre établi par la loi.
[51] Dans cette perspective, la Commission des lésions professionnelles considère que le cadre établi par loi pour le paiement des traitements de physiothérapie ne permet pas au tribunal d’accorder des montants dépassant les taux fixés par l’annexe 1 du règlement. D’ailleurs, dans la décision Chaput c. STCUM12, la Cour d’appel rappelle que l’application de la loi doit permettre aux travailleurs de recevoir les prestations auxquelles ils ont droit, mais pas davantage.
[52] Or, les montants auxquels a droit un travailleur pour le remboursement des traitements de physiothérapie sont prévus à l’annexe 1 du règlement et aucune disposition de la loi ou du règlement ne permet de modifier à la hausse ce montant même lorsque le paiement du traitement est assumé pleinement par le travailleur et non effectué directement par la CSST auprès de la clinique de physiothérapie.
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10 C.L.P. 310504-31-0702, 11 septembre 2007, G. Tardif.
11 [2004] C.L.P. 306 .
12 [1992] C.A.L.P. 1253, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 4 mars 1993 (23265).
[49] En effet, l'annexe I du règlement est des plus claires. La CSST rembourse les frais du professionnel concerné, un psychologue en l'occurrence, sur la base du tarif horaire de 86,60 $. Si la tarification du professionnel excède ce montant, la CSST n'a pas à assumer la différence. Bien que la loi reconnaisse au travailleur le droit aux soins du professionnel de la santé de son choix, les dispositions réglementaires encadrent le montant du remboursement des services prodigués et il ne peut y être dérogé. Ainsi, le travailleur devra assumer la différence des coûts imposés par son choix.
Dossier 553876-09-1410
La vignette de stationnement
[50] Le tribunal doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement des frais pour l’obtention de sa vignette auprès de la SAAQ.
[51] Les dispositions pertinentes de la loi en lien avec cette requête du travailleur relèvent des mesures de réadaptation sociale prévue aux articles 148 et 151 de la loi, lesquels se lisent comme suit :
148. La réadaptation physique a pour but d'éliminer ou d'atténuer l'incapacité physique du travailleur et de lui permettre de développer sa capacité résiduelle afin de pallier les limitations fonctionnelles qui résultent de sa lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 148.
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
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1985, c. 6, a. 151.
[52] La CSST détient également le pouvoir prévu à l’alinéa 5 de l’article 184, lui permettant de prendre toute mesure qu’elle estime utile pour atténuer ou faire disparaitre les conséquences d’une lésion professionnelle.
[53] Or, aux fins de la présente analyse, l’article 148 de la loi indique que la mesure de réadaptation physique vise à atténuer l’incapacité physique du travailleur afin de pallier ses limitations fonctionnelles. Ainsi, le droit du travailleur au remboursement des frais inhérents à l’obtention de sa vignette auprès de la SAAQ s’évalue à la lumière des limitations fonctionnelles.
[54] La preuve au dossier démontre qu’il s’est effectivement vu octroyer des limitations fonctionnelles. Toutefois, aucune d’elles ne le limite à des marches de 15 minutes. La restriction de ne pas rester debout ou assis plus de 15 minutes ne fait pas partie de ses limitations fonctionnelles consolidées. La seule restriction relative à la marche concerne celle en terrain accidenté. Toutefois, la condition du travailleur s’est détérioré depuis la consolidation de sa lésion en juillet 2011, tel que l’atteste la récidive, rechute et aggravation du 16 octobre 2012.
[55] Même si cette dernière récidive, rechute ou aggravation du 16 octobre 2012 n’est pas encore consolidée, les examens médicaux objectifs permettent d’entrevoir un problème discal important, dont il doit être tenu compte dans l’analyse de la requête du travailleur.
[56] De plus, les raisons invoquées pour le travailleur pour justifier la nécessité de sa vignette sont de nature à convaincre le tribunal. L’éloignement des stationnements de centre commercial, ceux des cliniques ou des hôpitaux peuvent, en raison de ses contraintes physiques, représenter des terrains « pièges » pour le travailleur.
[57] Le droit au remboursement des coûts inhérents à l’obtention d’une vignette de la SAAQ est reconnu comme une mesure de réadaptation sociale. La représentante du travailleur invoque la décision dans l’affaire Vézina et Défense Nationale et al.[8] pour soutenir sa position. Il s’agit d’un cas de demande de remboursement des coûts pour l’obtention d’une vignette de la SAAQ. Même si un élément dans l’analyse du dossier diffère quelque peu, puisque dans ce dernier cas, le travailleur s’est vu octroyer des lésions fonctionnelles de classe III de l’IRSST, donc plus contraignantes que celles désormais reconnues au présent dossier, incluant alors la marche prolongée.
[58] La dernière récidive, rechute ou aggravation laisse présager de façon probante qu’une nouvelle évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur le conduit vers des restrictions plus contraignantes.
[59] Le rapport du la docteure Claracq, pour l’obtention de la vignette en auprès de la SAAQ en mai 2014, révèle d’ailleurs de nouvelles limitations qui doivent être considé-rées, soit, entre autres, une limitation de 15 minutes à la marche. Le témoignage du travailleur concernant l’accident dont il a été victime dans sa résidence, en raison de son pied tombant, appuie les difficultés qu’il peut rencontrer lors de ses déplacements.
[60] Limiter ses déplacements depuis son véhicule constitue une mesure de prudence élémentaire et les coûts pour l’obtention d’une vignette pour personne à mobilité réduite de la SAAQ doivent être remboursés. Il s’agit d’une mesure de réadaptation lui permettant d’atténuer son incapacité physique.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 546038-09-1407
ACCUEILLE la requête de monsieur G... S..., le travailleur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 29 septembre 2014 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais de consultation en psychologie conformément au Règlement sur l’assistance médicale, et jusqu’à concurrence du tarif prévu à son annexe I.
Dossier 553876-09-1410
ACCUEILLE la requête de monsieur G... S..., le travailleur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 27 mai à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement du coût de sa vignette de stationnement pour personne à mobilité réduite et de ceux des formulaires requis afin de l’obtenir.
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Daniel Jouis |
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Mme Sylvie Morency |
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RESSOURCE S.M. |
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Représentante de la partie requérante |
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