Décision

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Vachon et Commission de la capitale nationale du Québec

2023 QCCFP 9

COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DOSSIERS Nos :

2000034 et 2000038

 

DATE :

10 mai 2023

______________________________________________________________________

 

DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF :

Mathieu Breton

______________________________________________________________________

 

 

 

BRIGITTE VACHON

Partie demanderesse

 

et

 

Commission de la capitale nationale du Québec

Partie défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

(Article 33, Loi sur la fonction publique, RLRQ, c. F-3.1.1;

article 81.20, Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1)

______________________________________________________________________

 

[1]               Le 14 avril 2023, Mme Brigitte Vachon dépose un appel en matière de congédiement déguisé et une plainte de harcèlement psychologique à la Commission de la fonction publique (Commission) à l’encontre de son employeur, la Commission de la capitale nationale du Québec (CCNQ).

[2]               Le 24 avril 2023, la Commission soulève d’office son absence de compétence pour entendre ces recours. Elle demande aux parties de lui transmettre par écrit, au plus tard le 8 mai 2023, leurs commentaires concernant la recevabilité des recours afin de rendre une décision sur dossier.

[3]               Le 28 avril 2023, la CCNQ indique que la Commission n’a pas compétence puisque les employés de cet organisme ne sont pas nommés en vertu de la Loi sur la fonction publique[1] (LFP) et qu’ils ne sont pas des fonctionnaires au sens de cette loi.

[4]               Le 5 mai 2023, le procureur de Mme Vachon transmet un courriel à la Commission :

[…]

Nous désirons vous informer que des plaintes en harcèlement psychologique et en congédiement déguisé en vertu de la Loi sur les normes du travail ont aussi été déposées auprès de la Commission des normes, de léquité, de la santé et de la sécurité du travail. D’ici quelques jours, ces plaintes seront transférées au Tribunal administratif du Travail.

Dans ce contexte, nous vous demandons respectueusement de suspendre sine die les recours de Mme Vachon devant la Commission de la fonction publique jusqu’à ce que le Tribunal administratif du travail puisse rendre une décision dans ce dossier.

[…]

[Transcription textuelle]

[5]               Le même jour, la Commission refuse cette demande de suspension sine die des recours de Mme Vachon. Elle rappelle également être en attente de commentaires concernant sa compétence à l’égard de ces recours.

[6]               Le 8 mai 2023, le procureur de Mme Vachon indique avoir « décidé de ne pas transmettre de commentaire concernant la compétence de la Commission » et s’en « remettre à la décision de la Commission ».

[7]               Cette dernière juge qu’elle n’a pas compétence pour entendre les recours de Mme Vachon.

ANALYSE

[8]               Conformément à l’article 81.20 de la Loi sur les normes du travail[2], deux conditions doivent être remplies par Mme Vachon pour que la Commission puisse entendre sa plainte de harcèlement psychologique. D’abord, elle doit être une fonctionnaire, soit une personne nommée en vertu de la LFP. Ensuite, Mme Vachon ne doit pas être régie par une convention collective. En effet, cet article prévoit :

81.20. Les dispositions des articles 81.18, 81.19, 123.7, 123.15 et 123.16 sont réputées faire partie intégrante de toute convention collective, compte tenu des adaptations nécessaires. Un salarié visé par une telle convention doit exercer les recours qui y sont prévus, dans la mesure où un tel recours existe à son égard.

[…]

Les dispositions visées au premier alinéa sont aussi réputées faire partie des conditions de travail de tout salarié nommé en vertu de la Loi sur la fonction publique (chapitre F3.1.1) qui n’est pas régi par une convention collective. Ce salarié doit exercer le recours en découlant devant la Commission de la fonction publique selon les règles de procédure établies conformément à cette loi. La Commission de la fonction publique exerce à cette fin les pouvoirs prévus aux articles 123.15 et 123.16 de la présente loi.

[…]

[Soulignement de la Commission]

[9]               Or, Mme Vachon n’est pas une fonctionnaire nommée en vertu de la LFP. Cette loi prescrit que les fonctionnaires sont recrutés et promus au moyen de processus de sélection conformément aux règles prévues aux articles 42 à 54.1[3]. Pour qu’une personne soit nommée en vertu de la LFP, une disposition de la loi constitutive de l’organisme qui l’emploie doit le prévoir[4], ce qui n’est pas le cas dans la présente affaire.

[10]           En effet, les employés de la CCNQ sont nommés conformément à l’article 13 de la Loi sur la commission de la capitale nationale[5] :

13. Les membres du personnel de la Commission sont nommés selon le plan d’effectifs et les normes établis par règlement de la Commission. Sous réserve des dispositions d’une convention collective, la Commission détermine, par règlement, les normes et barèmes de rémunération, les avantages sociaux et les autres conditions de travail des membres de son personnel conformément aux conditions définies par le gouvernement.

[11]           Ainsi, Mme Vachon ne respecte pas une des conditions requises pour que la Commission ait compétence pour entendre sa plainte de harcèlement psychologique.

[12]           Par ailleurs, la compétence de la Commission pour entendre un recours d’un employé non syndiqué en matière de congédiement, ce qui inclut la notion de congédiement déguisé, est prévue à l’article 33 de la LFP :

33. Un fonctionnaire non régi par une convention collective peut interjeter appel devant la Commission de la fonction publique de la décision l’informant :

 de son classement lors de son intégration à une classe d’emplois nouvelle ou modifiée;

 de sa rétrogradation;

 de son congédiement;

 d’une mesure disciplinaire;

 qu’il est relevé provisoirement de ses fonctions.

Un appel en vertu du présent article doit être fait par écrit et reçu à la Commission dans les 30 jours de la date d’expédition de la décision contestée.

Le présent article, à l’exception du paragraphe 1° du premier alinéa, ne s’applique pas à un fonctionnaire qui est en stage probatoire conformément à l’article 13.

[Soulignements de la Commission]

[13]           Seul un fonctionnaire, soit une personne nommée en vertu de la LFP, peut exercer un recours prévu à cet article. En effet, l’article 1 de la LFP précise la définition du terme « fonctionnaire » ainsi que le champ d’application de cette loi :

1. La présente loi s’applique aux personnes qui sont nommées suivant celle-ci.

Les personnes admises dans la fonction publique en vertu d’une loi antérieure à la présente loi sont réputées avoir été nommées suivant celle-ci.

Toute personne visée dans le présent article est un fonctionnaire.

[14]           Comme Mme Vachon n’est pas une fonctionnaire nommée en vertu de la LFP, la Commission n’a pas compétence pour entendre son recours en matière de congédiement déguisé.

[15]           La Commission a déjà établi à plusieurs reprises qu’elle n’a pas compétence pour entendre tout recours déposé par un employé qui ne détient pas le statut de fonctionnaire au sens de la LFP[6].

[16]           Enfin, la Commission souligne qu’elle est un tribunal administratif qui n’a qu’une compétence d’attribution. Elle ne peut donc exercer que la compétence qui lui est accordée expressément par le législateur[7] :

À la différence du tribunal judiciaire de droit commun, un tribunal administratif n’exerce la fonction juridictionnelle que dans un champ de compétence nettement circonscrit. Il est en effet borné, par la loi qui le constitue et les autres lois qui lui attribuent compétence, à juger des contestations relatives à une loi en particulier ou à un ensemble de lois. Sa compétence ne s’étend donc pas à l’intégralité de la situation juridique des individus. […]

La portée de l’intervention du tribunal administratif et par conséquent l’étendue de sa compétence sont donc déterminées par la formulation des dispositions législatives créant le recours au tribunal. […]

Il faut donc, aussi bien en droit québécois qu’en droit fédéral, examiner avec attention le libellé de la disposition créant le recours, pour savoir quelles décisions de quelles autorités sont sujettes à recours, sur quels motifs le recours peut être fondé, sous quelles conditions – notamment de délai – il peut être introduit […].

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE :

DÉCLARE qu’elle n’a pas compétence pour entendre le recours en matière de congédiement déguisé déposé par Mme Brigitte Vachon;

DÉCLARE qu’elle n’a pas compétence pour entendre la plainte de harcèlement psychologique présentée par Mme Brigitte Vachon.

 

 

 

 

 

Original signé par :

 

_____________________________

Mathieu Breton

 

 

 

Me Timothée Martin

Procureur de Mme Brigitte Vachon

Partie demanderesse

 

Commission de la capitale nationale du Québec

Partie défenderesse

 

Date de la prise en délibéré :

9 mai 2023

 


[1]  RLRQ, c. F-3.1.1.

[2]  RLRQ, c. N-1.1.

[3]  Voir également la Directive concernant la dotation des emplois dans la fonction publique, C.T. 225477 du 11 janvier 2022 et sa modification.

[4]  Voir à titre d’exemples les lois suivantes : Loi sur le ministère de la Culture et des Communications,

RLRQ, c. M-17.1, article 6; Loi sur la Régie de l’assurance maladie du Québec, RLRQ, c. R-5, article 11.

[5]  RLRQ, c. C-33.1.

[6]  Fortier et Collège de Bois-de-Boulogne, 2021 QCCFP 22; Migneault et Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2022 QCCFP 20; Delisle et Société des établissements de plein air du Québec, 2021 QCCFP 8; Fellah et Ville de Montréal, 2021 QCCFP 1; Laliberté et Centre de la petite enfance Jolibois, 2020 QCCFP 17; Chaput et Hydro-Québec, 2018 QCCFP 37; Paquin et Société des loteries du Québec, 2018 QCCFP 9; Paré et Société des alcools du Québec, 2017 QCCFP 23; Bédard et Centre hospitalier de lUniversité de Montréal, 2016 QCCFP 3.

[7]  Pierre Issalys et Denis Lemieux, L’action gouvernementale – Précis de droit des institutions administratives, 3e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 421-423.

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