Éthier c. 9115-5168 Québec inc. (Sherbrooke Mitsubishi) |
2012 QCCQ 536 |
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COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
SAINT-FRANÇOIS |
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LOCALITÉ DE |
SHERBROOKE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
450-22-009198-103 |
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DATE : |
25 janvier 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
PATRICK THÉROUX, J.C.Q. |
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YAN ÉTHIER, personne physique, domicilié et résidant au […], Sherbrooke (Québec), […], |
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Demandeur |
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c. |
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9115-5168 QUÉBEC INC. (SHERBROOKE MITSUBISHI), personne morale légalement constituée ayant sa place d'affaires au 969, rue Haut-Bois à Sherbrooke (Québec), J1N 2C8, |
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Défenderesse. |
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JUGEMENT |
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[1] Le demandeur, Yan Éthier, réclame à la défenderesse, 9115-5168 Québec Inc. (Sherbrooke Mitsubishi), la somme de 22 962,34 $ en exécution d'un certificat de garantie de remplacement souscrit à l'occasion de l'achat d'un véhicule neuf le 17 octobre 2007.
[2] Sa réclamation est libellée comme suit:
Location d'un véhicule automobile pour
une période d'une semaine 667,04 $
Perte occasionnée par la différence entre
le prix de l'achat original mentionné au certificat
de garantie de remplacement (soit 33 470,94 $)
et la somme payée à titre d'indemnité d'assurance
par Axa (soit la somme de 18 175,64 $) 15 295,30 $
Trouble, ennuis et inconvénients 1 500,00 $
Franchise d'assurance 500,00 $
Dommages exemplaires (Art. 272 de la Loi sur
la protection du consommateur) 5 000,00 $
Total 22 962,34 $
[3] La défenderesse nie devoir payer les montants réclamés. Elle soutient avoir formellement offert d'exécuter sa garantie de remplacement. Selon elle, le demandeur n'a pas été en mesure d'exécuter sa propre contrepartie et se porter acquéreur du véhicule de remplacement, faute d'avoir accès à un financement suffisant. La défenderesse plaide que le défaut du demandeur a eu pour effet de la libérer de ses obligations contractuelles.
[4] Elle nie que le demandeur a subi un préjudice donnant lieu à une indemnisation en dommages-intérêts. Comme le contrat n'a pu être exécuté à cause du défaut du demandeur de se porter acquéreur du véhicule de remplacement offert, la défenderesse soutient que son seul préjudice relève du paiement du prix de la garantie, soit 1 672,79 $, qu'elle offre de lui rembourser.
[5] Finalement, la défenderesse nie être redevable du paiement de dommages exemplaires. Selon elle, la Loi sur la protection du consommateur ne s'applique pas en l'espèce, sa garantie de remplacement équivaudrait à un contrat d'assurance.
LE CONTEXTE
[6] La défenderesse est un concessionnaire automobiles de la marque Mitsubishi.
[7] Le 17 octobre 2007, elle vend au demandeur un véhicule neuf, un Mitsubishi Lancer 2008.
[8] Elle lui avait déjà vendu 3 ans auparavant un Mitsubishi Lancer 2004 qu'elle prend en échange.
[9] À l'occasion de son achat, le demandeur achète, pour la somme de 1 672,79 $, un certificat de garantie de remplacement offert par la défenderesse.
[10] Par l'émission de ce "certificat", la défenderesse s'engage sommairement à remettre un véhicule neuf de remplacement, c'est-à-dire un véhicule neuf ayant les mêmes caractéristiques, équipements et accessoires que le véhicule vendu en cas de perte totale dans les 48 mois.
[11] La défenderesse s'engage également à rembourser le montant de la franchise d'assurance applicable en cas de perte totale, de même qu'à fournir gratuitement un véhicule de courtoisie pour une période n'excédant pas 30 jours.
[12] Le 12 février 2010, le véhicule du demandeur est volé.
[13] Il demande alors à la défenderesse de mettre en vigueur son certificat de garantie de remplacement.
[14] Cette dernière lui offre un véhicule neuf de remplacement, un Mitsubishi Lancer 2010, d'une valeur de 23 098 $[1].
[15] Le 22 mars 2010, le demandeur reçoit de son assureur Axa une indemnité de 18 175,64 $[2] pour la perte de son véhicule volé.
[16] Cependant, en date du 26 mars 2010, il doit encore un solde de 28 289,02 $[3] sur le contrat de vente à tempérament de 38 072,53 $[4] cédé à la Banque Scotia à l'achat de son véhicule en octobre 2007.
[17] En effet, lors de l'achat de son Lancer 2008, le demandeur avait, en plus, financé le solde de son emprunt antérieur relié à l'achat du Mitsubishi Lancer 2004, soit 15 038 $[5]. Il a alors contracté une obligation totale de 50 687,42 $ à un taux d'intérêt annuel de 8,59 %[6].
[18] Pour se porter acquéreur du véhicule de remplacement, il doit financer une obligation totale de 35 073,98 $ sur 7 ans[7].
[19] Cet emprunt lui est refusé, ses revenus sont jugés insuffisants pour pouvoir en assumer le remboursement.
[20] Le contrat de garantie de remplacement ne peut donc pas être exécuté. Le demandeur est incapable financièrement de se porter acquéreur du véhicule de remplacement que lui offre la défenderesse.
[21] Celle-ci est-elle pour autant libérée de ses obligations contractuelles?
[22] Peut-elle, comme elle le prétend, se limiter à indemniser le demandeur en lui remboursant le prix payé pour son certificat de garantie?
ANALYSE DES QUESTIONS EN LITIGE
▪ La nature du contrat
[23] Le contrat en litige s'intitule "Certificat de garantie". Il a été conclu avec le contrat de vente du Mitsubishi Lancer 2008. Il en est l'accessoire. D'ailleurs, son prix est intégré au prix du véhicule tel qu'inscrit à la ligne A du contrat de vente D-1.
[24] La défenderesse y est décrite comme étant « le concessionnaire », le demandeur comme « le client ».
[25] Les extraits pertinents à l'analyse des questions en litige se lisent comme suit :
« 2. ENGAGEMENT DU CONCESSIONNAIRE
Pour la durée du contrat et dans la mesure où toutes les conditions et engagements prévus au contrat sont respectés, l'engagement du concessionnaire envers le client est de :
- Remettre au client, en cas de perte totale du véhicule, un véhicule neuf de remplacement lorsque le véhicule décrit au certificat est un véhicule neuf ou un démonstrateur.
- Remettre au client en cas de perte totale du véhicule, un véhicule d'occasion de remplacement lorsque le véhicule décrit au certificat est un véhicule d'occasion.
- Fournir un véhicule de courtoisie selon les conditions décrites au paragraphe 4 du certificat.
- Compenser la franchise imposée au chapitre B de la police automobile F.P.Q. no 1 du client. sous réserve des dispositions décrites au paragraphe 5 du certificat.
- Garantir l'augmentation du taux d'intérêt d'origine, sous réserve d'un écart maximum de 5%, lors de financement conventionnel, de location ou de prêt rachat pour la durée restante du terme, soit depuis le jour du sinistre jusqu'à l'expiration de la durée décrite au certificat, selon les conditions décrites au paragraphe 6 du certificat.
3. GARANTIE DE REMPLACEMENT DU VÉHICULE
Le remplacement du véhicule doit obligatoirement s'effectuer chez le concessionnaire qui a vendu le certificat de garantie de remplacement. Le remplacement du véhicule par le concessionnaire s'exercera avec diligence après que les confirmations et documents suivants auront été transmis au concessionnaire:
- Confirmation de l'assureur du client à l'effet que le véhicule décrit sur ce certificat est déclaré perte totale.
- Les documents requis au terme du paragraphe 10 du certificat.
- Une somme équivalente à l'indemnité payée au client par son assureur est remise au concessionnaire.
4. VÉHICULE DE COURTOISIE
Le concessionnaire s'engage à fournir gratuitement au client, un véhicule de courtoisie au choix et à la disponibilité du concessionnaire pour une période n'excédent (sic) pas 30 jours.
CONDITIONS D'ADMISSIBILITÉ
- Le véhicule décrit au certificat a subi des dommages couverts en vertu du chapitre B de la police automobile F.P.Q. no 1.
- Le client a présenté une réclamation à son assureur automobile.
5. PRISE EN CHARGE DE LA FRANCHISE
Lors de réclamation de perle totale, le concessionnaire compensera la franchise mentionnée sur la police d'assurance automobile du client sous réserve d'un maximum de 500$ et dans la mesure où le remplacement du véhicule s'effectue chez le concessionnaire.
Lors de réclamation de perte partielle, telle que décrite à la section 1 - Définition, le concessionnaire compensera la franchise mentionnée au chapitre B de la police d'assurance automobile F.P.Q. no 1 du client, sous réserve d'un maximum de 250$ et dans la mesure où les conditions suivantes sont respectées :
Que la perte partielle, telle que définie, soit présentée par le client à son assureur automobile. Que le montant des dommages soit supérieur à 250$ ou que le montant des dommages excède la franchise du chapitre B, sous réserve que la franchise soit inférieure à 250$. Que les réparations soient effectuées dans les ateliers du concessionnaire.
6. MISE EN VIGUEUR
Le certificat de remplacement entre en vigueur à partir de la date de livraison du véhicule, sous réserve de l'acquittement par le client au concessionnaire du coût total de la garantie de remplacement indiqué au recto du certificat. »
(Nos soulignements)
[26] Moyennant le paiement du prix convenu, la défenderesse s'engage donc à remettre au demandeur un véhicule neuf de remplacement, à lui fournir gratuitement un véhicule de courtoisie et à compenser sa franchise d'assurance en cas de perte totale.
[27] La défenderesse s'engage à exécuter ses obligations avec diligence aux conditions suivantes :
- sur confirmation de l'assureur du client qu'il y a perte totale du véhicule couvert;
- sur remise de l'indemnité versée par l'assureur au client;
- sur présentation d'une demande de réclamation.
[28] Les engagements contractés par la défenderesse sont strictement d'ordre personnel. Le contrat stipule que le remplacement doit obligatoirement s'effectuer à son établissement.
[29] La seule référence à un éventuel financement de la transaction de remplacement concerne la garantie donnée par la défenderesse quant à un écart possible du taux d'intérêt par rapport au taux d'origine.
[30] Rien ne prévoit toutefois que les engagements contractuels de la défenderesse sont conditionnels à l'obtention d'un financement pour effectuer la transaction de remplacement. Aucune mesure alternative n'est prévue non plus pour pallier l'éventualité où, comme en l'espèce, le client n'a pas les moyens financiers pour réaliser la transaction de remplacement.
[31] Les parties ont évoqué la possibilité que le contrat en litige puisse être qualifié de contrat d'assurance.
[32] Ce n'est clairement pas le cas. La défenderesse n'agit pas ici à titre d'assureur devant verser, moyennant le paiement d'une prime, une indemnité à un assuré en cas de réalisation d'un risque couvert par une police[8].
[33] Il s'agit d'un contrat innommé, accessoire à un contrat de vente d'un véhicule automobile par lequel la défenderesse, à titre de concessionnaire, accepte un risque commercial en vue de revendre un véhicule neuf à un client qui a perdu celui qu'elle lui a d'abord vendu. La défenderesse n'assure pas un risque comme le ferait un assureur. Elle en fait plutôt son affaire, tout en revendant un deuxième véhicule au même client.
[34] Selon les termes du contrat et les explications données à l'audience par les représentants de la défenderesse, ce risque commercial consiste à devoir assumer la différence entre le prix du véhicule de remplacement et le montant de la valeur dépréciée du véhicule couvert par la garantie au moment où survient la perte totale.
[35] La compensation de la franchise jusqu'à un maximum de 500 $ et la fourniture d'un véhicule de courtoisie pour une durée maximale de 30 jours font également partie de ce risque commercial.
[36] L'occasion d'affaires recherchée par la défenderesse compense le risque puisque le prix du certificat qu'elle vend et la revente assurée d'un deuxième véhicule neuf constituent des avantages appréciables, même si son profit sur le prix de la deuxième vente risque d'être moindre ou, en certains cas, nul.
[37] Il s'agit aussi d'un risque calculé; la défenderesse connaît bien le marché de l'automobile. Par exemple, dans le cas sous étude, le prix de revente du véhicule de remplacement, 23 098 $ pour un modèle 2010[9], est inférieur au prix de vente initial du véhicule couvert, 25 030 $ pour un modèle 2008[10]. C'est, semble-t-il, un paradoxe du marché.
[38] Le contrat en litige est un contrat d'adhésion et un contrat de consommation. Il doit donc être interprété contre la défenderesse qui en a stipulé les conditions et en faveur du demandeur qui est l'adhérent, le consommateur.
1379.
« Le contrat est d'adhésion lorsque les stipulations essentielles qu'il comporte ont été imposées par l'une des parties ou rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions, et qu'elles ne pouvaient être librement discutées.
Tout contrat qui n'est pas d'adhésion est de gré à gré. »
1384.
« Le contrat de consommation est le contrat dont le champ d'application est délimité par les lois relatives à la protection du consommateur, par lequel l'une des parties, étant une personne physique, le consommateur, acquiert, loue, emprunte ou se procure de toute autre manière, à des fins personnelles, familiales ou domestiques, des biens ou des services auprès de l'autre partie, laquelle offre de tels biens ou services dans le cadre d'une entreprise qu'elle exploite. »
1432.
« Dans le doute, le contrat s'interprète en faveur de celui qui a contracté l'obligation et contre celui qui l'a stipulée. Dans tous les cas, il s'interprète en faveur de l'adhérent ou du consommateur. »
[39] Les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur[11] s'y appliquent.
▪ L'exécution du contrat
[40] La défenderesse a contracté une obligation de garantie, le plus haut degré d'intensité d'une obligation contractuelle.
[41] La jurisprudence et la doctrine établissent que le débiteur d'une obligation de garantie ne peut en être libéré qu'en prouvant le fait fautif de son créancier. Les défenses de force majeure et d'absence de faute sont irrecevables en pareil cas[12] :
« 34 ― Obligation de garantie ― Enfin, l'obligation de garantie est celle dans laquelle le débiteur est tenu de fournir au créancier un résultat précis et déterminé, même dans l'éventualité d'une force majeure. On peut citer comme exemples l'obligation de payer une somme d'argent, celle de fournir un bien déterminé par son espèce seulement (car les choses de genre ne périssent pas, pouvant toujours être remplacées par d'autres semblables), en général l'obligation de l'assureur d'indemniser l'assuré pour la perte subie, et l'obligation de la caution de payer la dette principale en cas de défaut du débiteur principal. Ce type d'obligation, qui est au fond une obligation de résultat renforcée, extrêmement lourde pour le débiteur, se retrouve aussi dans certains contrats innomés.
L'obligation de garantie couvre ainsi le risque de non-obtention du résultat. Le créancier, pour tenir le débiteur responsable, doit, comme pour l'obligation de résultat, prouver simplement l'absence de celui-ci. Cependant, à la différence d'une obligation de résultat, le débiteur d'une obligation de garantie ne peut se libérer qu'en démontrant le fait de la victime, dans les rares cas où il le peut dans les circonstances. La défense de force majeure est irrecevable, comme évidemment celle d'absence de faute.
[…]
En présence enfin d'une obligation de garantie, le débiteur est présumé responsable. La seule façon pour lui d'échapper à sa responsabilité est de démontrer que c'est par le fait même du créancier qu'il a été empêché d'exécuter son obligation, ou encore que l'inexécution alléguée se situe complètement en dehors du champ de l'obligation assumée. »
[42] Dans le cas présent, l'inexécution alléguée se situe clairement dans le champ de l'obligation assumée par la défenderesse.
[43] Cette dernière plaide qu'elle est libérée de son obligation de fournir un véhicule de remplacement parce que le demandeur n'a pas pu obtenir le financement requis pour s'en porter acquéreur tout en assumant le solde de l'emprunt découlant de l'achat du premier véhicule qu'elle lui a vendu.
[44] En l'absence d'engagement spécifique de la part du demandeur, et dans le contexte même du contrat liant les parties, le simple fait qu'il ne puisse pas obtenir le financement requis pour acheter le véhicule de remplacement offert en exécution de la garantie ne peut être assimilé à une faute de sa part. Ce moyen de défense ne peut donc pas être retenu. On ne peut pas considérer comme une faute contractuelle le fait que la situation financière du demandeur a changé avec le temps et qu'il ne soit plus en mesure d'assumer le financement d'un emprunt important quand vient le temps de mettre en œuvre sa garantie de remplacement.
[45] En fait, la défenderesse soulève plutôt l'impossibilité d'exécuter son obligation en nature, par la remise d'un véhicule de remplacement aux termes de sa garantie. L'impossibilité circonstancielle d'exécuter une obligation en nature n'emporte pas la libération de cette obligation. Elle met plutôt en oeuvre une modalité d'exécution alternative, l'exécution par équivalent[13].
[46] L'offre de la défenderesse de rembourser le prix du contrat n'est pas une exécution par équivalent. Elle s'assimile plutôt à la mise en œuvre d'une clause résolutoire en cas d'impossibilité d'exécution en nature. Or, le contrat en litige ne comporte pas de clause de cette nature.
[47] La défenderesse doit donc payer, à titre de dommages-intérêts compensant le préjudice subi par le demandeur du fait de l'inexécution, l'équivalent entre la valeur du véhicule faisant l'objet d'une perte totale, et celle du véhicule de remplacement qu'elle s'est engagée à lui remettre.
[48] Selon la preuve, le Mitsubishi Lancer 2008 avait, lors de la perte, une valeur de 18 175,64 $, soit le montant de l'indemnité versée par l'assureur du demandeur.
[49] Il n'est pas contredit que le Mitsubishi Lancer 2010 avait, au moment de l'offre de remplacement, une valeur de 23 098 $[14].
[50] La défenderesse doit donc assumer la différence, soit 4 922,36 $.
[51] Le demandeur fait erreur en fondant sa réclamation sur la différence entre le prix mentionné au certificat de garantie pour l'achat du Mitsubishi Lancer 2008, soit 33 470,94 $, et le montant de l'indemnité que son assureur lui a versée.
[52] La preuve révèle en effet que le prix indiqué au contrat de garantie inclut, outre le prix de vente du véhicule, un solde d'emprunt antérieur.
[53] Or, la défenderesse n'a jamais contracté l'obligation d'assumer les dettes du demandeur, pas plus qu'elle ne s'est obligée à assumer la différence entre le prix d'achat initial et le montant de l'indemnité d'assurance. Tel qu'indiqué plus haut, son obligation de fournir un véhicule de remplacement vise à assumer la différence entre l'indemnité d'assurance et le prix du véhicule de remplacement, pas celui du véhicule vendu initialement.
[54] La défenderesse s'est aussi engagée à compenser la franchise imposée à la police d'assurance du demandeur, de même qu'à lui fournir un véhicule de courtoisie pour une période maximale de 30 jours en cas de perte totale de son véhicule.
[55] Le montant de la franchise est de 500 $. La défenderesse doit le payer.
[56] Quant au véhicule de courtoisie, la défenderesse a exécuté partiellement son obligation pour une durée d'environ 5 jours avant de le retirer au demandeur. Celui-ci a droit au remboursement de 667,04 $[15] pour la location d'un véhicule de rechange.
[57] Le demandeur réclame 1 500 $ en dommages-intérêts pour troubles, ennuis et inconvénients. Il reproche à la défenderesse son refus de lui fournir immédiatement un véhicule de remplacement et son attitude dilatoire dans le traitement de sa réclamation.
[58] Ces reproches ne sont pas fondés. La preuve démontre au contraire que la défenderesse a agi avec diligence pour mettre en œuvre sa garantie de remplacement dès qu'elle a disposé de toutes les informations requises. C'est plutôt la situation financière du demandeur et les informations erronées qu'il a lui-même fournies qui ont causé problème et retardé l'issue de la démarche, soit le refus de financement. La défenderesse n'a aucune responsabilité à cet égard.
▪ Les dommages punitifs
[59] Le demandeur réclame 5 000 $ en dommages punitifs. Il invoque les dispositions de l'article 272 de la Loi sur la protection du consommateur. Il plaide que le contrat contrevient à la loi.
[60] Pour l'essentiel, il soutient que la défenderesse a contrevenu à son obligation d'information et de renseignement en ne lui dévoilant pas clairement qu'il fallait se qualifier à nouveau pour le financement de la transaction de remplacement puisque rien au contrat ne prévoit la procédure à suivre lorsqu'il existe un solde sur le contrat d'acquisition du véhicule couvert.
[61] Il est vrai que la situation du demandeur est particulière vu que c'est le solde d'emprunts antérieurs accumulés à chaque achat de véhicules qui a rendu trop onéreuse, voire prohibitive, la transaction de remplacement.
[62] Cette situation n'est cependant pas unique. La défenderesse, en tant que vendeur professionnel, initiatrice du certificat de garantie qu'elle vend et stipulante à un contrat d'adhésion, devait non seulement la prévoir, mais en informer adéquatement son client lors de la conclusion du contrat. D'autant plus que le solde qu'il avait accumulé provenait d'une transaction antérieure pour laquelle la défenderesse avait cédé son contrat à une institution financière.
[63] C'est d'ailleurs la défenderesse qui, selon la preuve, a pris l'initiative de solliciter le demandeur pour qu'il change de véhicule après 3 ans.
[64] À première vue, le libellé du certificat de garantie peut donner l'impression que le véhicule couvert sera tout simplement remplacé par un autre, de même marque et de même modèle, advenant sa perte totale. Ce n'est évidemment pas le cas et il y a une ambiguïté importante, des conditions non dévoilées.
[65] Il a fallu les explications, parfois laborieuses, des représentants de la défenderesse à l'audience pour dissiper cette ambiguïté et saisir la véritable portée de la garantie offerte.
[66] Ceci ne rencontre certainement pas le standard de l'obligation d'information et de renseignement à laquelle la défenderesse est légalement tenue[16].
[67] Le contrat est muet sur la façon dont le remplacement se réalise lorsque le client doit financer le montant nécessaire, que ce soit parce qu'il existe une solde négatif sur son contrat de vente à tempérament ou pour toute autre raison.
[68] Tel que libellé et tel que la défenderesse l'interprète et voudrait le voir appliquer, son certificat de garantie comporterait une condition occulte voulant que le client doit être admissible, en tout temps, à un financement suffisant à la réalisation du remplacement pour pouvoir en bénéficier. Autrement, le contrat ne pouvant être exécuté, la défenderesse serait automatiquement libérée de ses obligations.
[69] De plus, la preuve, surtout par le témoignage de sa directrice commerciale, Mme Delorimier, démontre que la défenderesse offre en vente ses certificats de garantie de remplacement comme une meilleure alternative à la souscription d'une police d'assurance couvrant la valeur à neuf du véhicule en cas de perte totale.
[70] Elle en fait un argument de vente, voire un incitatif, en représentant que, d'une manière ou d'une autre, le même but est atteint puisque l'assureur paie la valeur dépréciée du véhicule et que le client est "remis dans le neuf" avec un véhicule de remplacement aux termes de la garantie.
[71] Selon elle, un client sur quatre opte pour la garantie plutôt que l'assurance.
[72] Or, tout ceci est inexact. Il est faux de prétendre que l'achat du certificat de garantie de remplacement offert par la défenderesse équivaut à la souscription d'une police d'assurance comportant une indemnisation sur la base d'une valeur à neuf.
[73] Dans le cas de la police d'assurance, l'assuré reçoit, à titre d'indemnité, l'équivalent de la valeur d'un véhicule neuf, semblable à celui qui fait l'objet de la perte, peu importe sa valeur réelle à ce moment. Il peut disposer de cette indemnité comme il l'entend.
[74] Dans une telle éventualité, par exemple, le demandeur aurait reçu une indemnité de 23 098 $. Imputé au solde de son emprunt, ceci lui aurait laissé une dette nette de 5 191,02 $ au 26 mars 2010. Il était libre de racheter ou non un autre véhicule et, surtout, d'en acheter un selon ses moyens.
[75] Dans le cas du certificat de garantie de remplacement, le client doit "obligatoirement"[17] s'adresser à la défenderesse pour se procurer le véhicule neuf de remplacement qu'elle s'est engagée à lui "remettre"[18]. Il doit alors lui verser, en guise d'acompte, le montant de l'indemnité selon la valeur dépréciée que lui a versé son assureur. La défenderesse, quant à elle, assume la différence entre cet acompte et le prix de vente suggéré par le fabricant (PDSF) du véhicule de remplacement, en l'occurrence ici, 4 922,36 $.
[76] La différence entre les deux régimes est majeure surtout si l'on tient compte de la contrainte qu'impose la défenderesse à son client de se procurer obligatoirement un véhicule de remplacement à son établissement et pas ailleurs.
[77] Le demandeur, âgé de 25 ans et peu expérimenté à l'époque, n'a certainement pas bénéficié de toute l'information à laquelle il était en droit de s'attendre de son cocontractant, un vendeur professionnel, commerçant spécialisé dans la vente de véhicules neufs.
[78] La défenderesse a manqué à son obligation de renseignement au sens où l'entend la Cour du Québec dans l'affaire Guerrier[19], où un contrat semblable est analysé. Il y a aussi contravention à la Loi sur la protection du consommateur.
[79] Par sa pratique commerciale et ses représentations déficientes, la défenderesse a laissé entendre au demandeur autre chose que ce à quoi il a réellement consenti. Ceci l'a privé de faire un choix éclairé et s'est avéré être la cause du résultat final : une dette nette de 10 113,38 $ (28 289,02 $ - 18 175,64 $) sans aucun véhicule de remplacement.
[80] Le demandeur a établi son droit aux dommages-intérêts punitifs qu'il réclame. Les tribunaux doivent dissuader ce genre de pratique préjudiciable au consommateur.
[81] Les parties n'ont pas véritablement discuté du montant approprié. Le Tribunal le fixe à 2 000 $, tenant compte des exigences de l'article 1621 du Code civil du Québec et de la preuve disponible.
[82] POUR CES MOTIFS, le Tribunal:
[83] ACCUEILLE partiellement la requête introductive d'instance;
[84] CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de SIX MILLE QUATRE-VINGT-NEUF DOLLARS ET QUARANTE CENTS (6 089,40 $) avec les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter de la mise en demeure du 20 mai 2010;
[85] CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de DEUX MILLE DOLLARS (2 000 $) plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du présent jugement;
[86] Avec dépens.
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__________________________________ PATRICK THÉROUX, J.C.Q. |
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Me Charles Désy |
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Fontaine Panneton & Ass. |
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Proc. du demandeur |
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Me Martin Brunet |
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Monty Coulombe |
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Proc. de la défenderesse |
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Date d’audience : |
25 novembre 2011 |
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[1] D-5.
[2] P-4.
[3] D-2.
[4] P-1.
[5] D-1 et D-6.
[6] P-1.
[7] D-3.
[8] Article 2389 du C.c.Q.; Loi sur les assurance, L.R.Q. c. A-32, articles 1 et 20 .
[9] D-5.
[10] D-6.
[11] L.R.Q. c. P-40.1.
[12] Jean-Louis BAUDOUIN, Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations, 5e éd., Cowansville, Les Éditions Yvon Blais Inc., 1998, p. 35 à 37, reproduit sans les références.
[13] Articles 1590 et 1607 du C.c.Q.
[14] D-5.
[15] P-3.
[16] Banque de Montréal c. Bail ltée, AZ-92111080 , J.E. 92-964 , [1992] 2 R.C.S. 554 .
[17] Clause 3 reproduite plus haut.
[18] Clause 2 reproduite plus haut.
[19] Rodrigue Guerrier c. Chassé Toyota Inc., 2009 QCCQ 4839 .
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.