Proulx et Transport Urbain A.M. Wesbell |
2009 QCCLP 1982 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Saint-Hyacinthe |
19 mars 2009 |
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Région : |
Yamaska |
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305073-62B-0612-2R 309602-62B-0702-2R 331557-62B-0710-2R |
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Dossier CSST : |
127681658 |
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Commissaire : |
Alain Vaillancourt, juge administratif |
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Membres : |
Jean-Marie Jodoin, associations d’employeurs |
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Alain Rajotte, associations syndicales |
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Michel-Noël Proulx |
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Partie requérante |
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Transport Urbain AM Wesbell |
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Partie intéressée |
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et |
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Commission de la santé et de la sécurité du travail |
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Partie intervenante |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 30 octobre 2008, monsieur Michel-Noël Proulx (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révocation d’une décision rendue par cette instance le 10 octobre 2008.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette les trois requêtes déposées par le travailleur et déclare qu’:
Il n’a pas subi, le 12 octobre 2005, une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 18 janvier 2005, et ce, en regard du diagnostic de dépression;
Il n’a pas subi, le 14 juin 2006, une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 18 janvier 2005, et ce, en regard du diagnostic d’entorse dorsolombaire;
Il n’a pas subi, le 24 janvier 2007, une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 18 janvier 2005, et ce, en regard des diagnostics d’entorse dorsolombaire et de dépression;
Il n’a pas droit au remboursement des frais de déplacement engagés pour des consultations médicales et des traitements ayant eu lieu à Québec.
[3] L’audience devant le premier commissaire s’est tenue le 11 septembre 2008. À cette date, non seulement avait-il à disposer des trois requêtes mentionnées précédemment, mais il était également saisi d’une requête en révision déposée le 7 décembre 2007, par le travailleur, à l’encontre de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 18 décembre 2006. Le premier commissaire a rendu sa décision sur cette question le 16 octobre 2008. Le soussigné n’est saisi d’aucun litige en regard de cette décision.
[4] À l'audience tenue par la Commission des lésions professionnelles à Saint-Hyacinthe le 10 mars 2009, le travailleur est présent et représenté. La Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) et Transport Urbain AM Wesbell, (l’employeur) ont avisé le tribunal de leur absence à l'audience.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[5] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer la décision du premier commissaire pour le motif qu’elle est entachée de vices de fond et de procédure de nature à l’invalider :
En effet, dès le début de l’audition, constatant son besoin d’être représenté, le requérant a demandé un ajournement pour obtenir les services d’un avocat;
Malgré son droit à l’avocat, le commissaire et les membres présents lui ont refusé l’ajournement demandé;
Par la suite, au début de cette audition, un rapport d’expertise a été remis au requérant, le prenant ainsi par surprise et allant à l’encontre des règles de preuve et de procédure établies à cette fin;
De plus, ce rapport a été considéré dans la décision de l’intimée alors qu’il n’ait (sic) pas été commenté ou contredit, allant également à l’encontre de ce qui est prévu à la loi.
L’AVIS DES MEMBRES
[6] Les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs sont d’avis différents.
[7] Le membre issu des associations syndicales accueillerait la requête, car le commissaire a refusé, sans s’expliquer, la demande de remise soumise par le travailleur qui désirait être représenté.
[8] Le membre issu des associations d’employeurs rejetterait la requête, car la demande de remise n’était pas basée sur un motif sérieux. La preuve révèle que le travailleur a fait sa demande tardivement lorsqu’il a constaté que la situation n’était pas à son avantage. Quant au rapport d’expertise dont il a pris connaissance le matin de l’audience, la preuve a révélé que c’est lui qui l’avait demandé et qu’il l’a déposé de son plein gré. Il n’a donc pas été pris par surprise.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[9] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la décision rendue le 10 octobre 2008 doit être révoquée.
[10] L’article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) énonce que les décisions de la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel.
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[11] Toutefois, l’article 429.56 de la loi prévoit que la Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue pour les motifs qui y sont énoncés. Cet article se lit comme suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
__________
1997, c. 27, a. 24.
[12] En l’espèce, le travailleur invoque l’application du 3e alinéa de cet article soit, un vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision. Depuis les affaires Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve[2] et Franchellini et Sousa[3], la Commission des lésions professionnelles considère que l’expression « vice de fond » réfère à une erreur manifeste de droit ou de fait ayant un effet déterminant sur l’objet de la contestation.
[13] Dans l’affaire Bourassa c. Commission des lésions professionnelles[4], dont la requête pour autorisation de pourvoi à la Cour Suprême a été rejetée[5], la Cour d’appel du Québec a reconnu que la notion de vice de fond peut englober une pluralité de situations, mais l’erreur doit être suffisamment fondamentale et sérieuse pour être de nature à invalider la décision.
[14] Plus récemment, la Cour d’appel du Québec, plus particulièrement dans l’arrêt CSST c. Fontaine[6], conclut que c’est la gravité, l’évidence et le caractère déterminant d’une erreur qui sont les traits distinctifs susceptibles d’en faire un vice de fond de nature à invalider une décision.
[15] Dans cet arrêt, la Cour d’appel du Québec insiste sur la primauté ou l’autorité à accorder à la première décision de sorte que la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision doit faire preuve d’une très grande retenue à l’égard de la décision contestée. Elle réaffirme que la révision n’est pas l’occasion pour le tribunal de substituer son appréciation de la preuve à celle déjà faite par la première formation ou encore interpréter différemment le droit.
[16] Le travailleur invoque un manquement à la règle audi alteram partem (le droit d’être entendu) en ce que le tribunal a refusé de remettre ou ajourner l’audience pour lui permettre d’être représenté par avocat. Le non-respect d’une règle de justice naturelle constitue un vice de fond ou de procédure de nature à invalider une décision.
[17] De même, le fait d’avoir été pris par surprise par le dépôt d’un rapport d’expertise et ne pas avoir eu l’opportunité de le commenter ou de le contredire pourrait constituer un vice de fond ou de procédure de nature à invalider une décision.
[18] Qu’en est-il en l’espèce ?
[19] Seul le travailleur assiste à l’audience du 11 septembre 2008, il n’est pas représenté.
[20] Avant l'audience, il a transmis, par l’entremise de la Commission des lésions professionnelles, une citation à comparaître[7] à l’employeur pour obtenir une copie du rapport d’expertise médicale préparé à la demande de l’employeur par le Dr Claude Girard, psychiatre, le 25 janvier 2007.
[21] Le 17 juillet 2008, la Commission des lésions professionnelles reçoit, de l’employeur, le rapport du Dr Girard sous pli scellé[8] (tel que demandé dans la citation à comparaître). Bien que l’employeur n’avait pas l’intention de se présenter à l'audience, il s’objectait au dépôt du rapport puisqu’à son avis il n’était pas pertinent.
[22] Le 18 juillet 2008, la Commission des lésions professionnelles écrit aux parties pour les aviser qu’elle a reçu des documents relatifs à l’état de santé du travailleur et elle indique que les documents seront conservés sous pli scellé jusqu’à ce qu’une décision soit rendue par un commissaire sur la façon d’en disposer.
[23] Le travailleur témoigne que la veille de l’audience, il a téléphoné au bureau de la Commission des lésions professionnelles pour savoir s’il devait se présenter à l'audience étant donné qu’il avait été avisé que les autres parties ne s’y présenteraient pas. Il était sous l’impression qu’il gagnerait sa cause automatiquement. On lui aurait alors suggéré de se présenter au cas où il y aurait des changements de dernière minute.
[24] Le travailleur déclare qu’au départ, il devait être représenté par avocat, mais que dans les mois précédents l’audience devant le premier commissaire il a su qu’il n’était plus admissible aux services d’un avocat de l’aide juridique. Cependant, son beau-frère, qu’il identifie comme ayant déjà été avocat, devait l’assister lors de l’audience, mais il lui a dit de laisser faire lorsqu’il a su que les autres parties ne se présenteraient pas à l’audience.
[25] Lorsque le travailleur se présente au bureau de la Commission des lésions professionnelles le matin de l’audience, le premier commissaire lui remet le rapport d’expertise du Dr Girard.
[26] Le travailleur témoigne que lorsque le commissaire lui a remis le rapport d’expertise, il lui a demandé de le lire et d’entrer dans la salle d’audience lorsqu’il aurait terminé.
[27] Le travailleur témoigne, et cela est confirmé par sa conjointe, qu’avant d’en avoir terminé la lecture, le commissaire est revenu le voir pour lui demander s’il avait fini de le lire.
[28] Le travailleur indique qu’il ignorait que ce document lui serait remis le jour même de l'audience et que cela l’a déstabilisé et qu’il se sentait mal.
[29] Le travailleur témoigne que le commissaire lui a demandé s’il désirait déposer le rapport du Dr Girard ce à quoi il a répondu par l’affirmative sans toutefois lui dire qu’il n’en avait pas terminé la lecture, qu’il ne comprenait pas le contenu et qu’il ne savait pas trop quoi faire dans les circonstances.
[30] En début d’audience, le commissaire a indiqué que celle-ci se déroulerait en deux étapes. Elle porterait tout d’abord sur la requête en révision et, par la suite, sur les autres requêtes.
[31] Dans les faits, l’audience sur la requête en révision a débuté à 9 h 18, il y a eu un ajournement de 10 h 04 jusqu’à 10 h 13 et l’audience sur la requête en révision s’est terminée à 10 h 16. Après une courte pause, l’audience sur les autres requêtes a débuté à 10 h 18 et elle s’est terminée à 11 h 31.
[32] C’est uniquement d’une requête en révocation de la décision du 10 octobre 2008 dont est saisi le soussigné. Toutefois, les fins de la justice justifient le tribunal de tenir compte du contexte et donc des événements qui sont aussi survenus dans la première partie de l’audience pour statuer de façon éclairée sur le bien-fondé de la requête.
Le rapport d’expertise déposé le matin de l’audience
[33] Le travailleur invoque qu’il a été pris par surprise lorsqu’on lui a remis le rapport d’expertise du Dr Girard le matin de l’audience, ce qui va à l’encontre de ce qui est prévu au Règlement.
[34]
L’article
[35]
En l’espèce, le commissaire a demandé au travailleur s’il désirait
déposer le rapport et celui-ci a répondu par l’affirmative. Le soussigné en
conclut que le commissaire a autorisé la production du rapport, ce qu’il
pouvait faire conformément à l’article
[36] La preuve n'a pas révélé que le travailleur avait demandé au commissaire plus de temps pour terminer sa lecture du rapport ou même un délai pour consulter une autre personne afin de savoir s’il était pertinent de le déposer.
[37] Malgré le fait que le commissaire soit revenu voir le travailleur pour lui demander s’il avait terminé la lecture du rapport, il n'a pas été démontré qu’il avait été insistant au point de ne pas lui permettre d’en compléter la lecture. Il n'a pas non plus été mis en preuve que le travailleur avait indiqué au commissaire qu’il n’avait pas terminé d’en prendre connaissance et que celui-ci avait insisté pour débuter l'audience malgré cela.
[38] Le travailleur a témoigné que cela l’avait déstabilisé et qu’il se sentait mal. La preuve n'a pas révélé que ce malaise ou cette déstabilisation occasionnée par la remise du document juste avant que ne débute l'audience, l’avait rendu incapable d’agir et que le premier commissaire aurait dû s’en apercevoir compte tenu de ses agissements ou de son témoignage.
[39] Si le travailleur était déstabilisé par le document et qu’il ne s’avait pas quoi en faire, il lui appartenait de le souligner au commissaire à la première occasion soit dès le début de l'audience ou en temps utile. Or, le travailleur n'a pas fait quelques interventions en ce sens pendant l'audience.
[40] La preuve a révélé que le travailleur, compte tenu de l’absence annoncée des autres parties à l'audience, avait renoncé à se faire accompagner par son beau-frère qui devait l’aider lors de l’audience. Or, le travailleur avait été avisé que le rapport d’expertise avait été remis au commissaire et que celui-ci allait décider de la façon d’en disposer. Il ne pouvait présumer de la décision du commissaire, de sorte qu’il était possible que le document lui soit remis à l’audience d’autant plus qu’il avait été avisé par le commissaire coordonnateur du bureau de la Commission des lésions professionnelles, qu’il était en droit d’obtenir le document.
[41]
L’article
[42] En ayant renoncé à la présence de son beau-frère même si le commissaire n’avait pas encore décidé de la façon dont il disposerait du document, le travailleur s’est par ailleurs lui-même privé des conseils de cette personne.
[43] Sa stratégie a été de déposer le rapport au dossier de la Commission des lésions professionnelles. Peut-être n’était-ce pas la meilleure stratégie, mais il ne peut s’en prendre qu’à lui-même si le premier commissaire en a tenu compte dans la décision.
[44] Compte tenu des circonstances du présent dossier, la Commission des lésions professionnelles conclut que le premier commissaire n’a pas commis une erreur manifeste et déterminante en permettant au travailleur de déposer le rapport d’expertise du Dr Girard et de l’avoir considéré dans sa décision.
La demande de remise pour être représenté
[45] Dans sa requête, le travailleur indique que dès le début de l’audience, il a constaté qu’il avait besoin d’être représenté et qu’il a demandé un ajournement pour obtenir les services d’un avocat.
[46] Le travailleur témoigne qu’il a demandé à deux reprises au commissaire de tout arrêter parce qu’il voulait être représenté et, qu’à une occasion, il a même parlé fort. Sa conjointe, qui était dans la salle d’attente, témoigne qu’il a parlé si fort qu'elle l’a même entendu demander d’arrêter l’audience. Comme l’enregistrement ne révèle qu’une seule demande, il soutient qu’il a probablement fait sa deuxième demande alors que l’enregistrement était arrêté et que ce serait à cette occasion qu’il aurait parlé fort. Il soumet que le commissaire a semblé surpris par sa demande, mais qu’il l’a rejetée et indiqué que l’audience se poursuivait.
[47] Ce sont les nombreuses questions qui lui ont été posées et le ton agressif utilisé par l’un des membres qui l’ont incité à demander au commissaire l’arrêt de l’audience pour pouvoir être représenté.
[48] Il est important de rappeler que le premier commissaire a soulevé d’office la question de la recevabilité de la requête en révision du travailleur étant donné qu'elle avait été déposée presque un an après la décision. Le premier commissaire a demandé au travailleur de s’expliquer sur son délai à déposer sa requête, ce qui a suscité de nombreuses questions de la part du tribunal.
[49] La Commission des lésions professionnelles a écouté l’enregistrement de l’audience. Il est question d’une remise de l'audience environ 45 minutes après le début de celle-ci et non pas dès le début, et cela juste avant un premier ajournement :
Un membre issu des associations
Pourquoi vous ne contestez pas, parce que vous n’aviez pas besoin qu’un membre de votre famille vous dise de contester, Mme, Me Lestage vous a déjà dit que vous pouviez contester ou que vous deviez contester.
Le commissaire
On va suspendre quelques minutes j’aimerais parler avec les membres si cela ne vous dérange pas monsieur.
Le travailleur
Pas de problème, en même temps je vais parler avec ma conjointe[10] elle va peut-être m’éclaircir aussi, parce qu’aujourd’hui j’étais supposé d’être représenté justement avec un membre de la famille[11], ils m’ont dit écouter, sauf qu’aujourd’hui, l’employeur n’était pas là, la CSST n’était pas là, cela me donne quoi d’y aller si il n’y a personne qui est là. Bien si je dois remettre la cause aujourd’hui.
Le commissaire
Non, non, on ne la remettra pas il n’est pas question que l’on remette… ok on va suspendre.
Le travailleur
Puis, elle va peut-être m’éclaircir si elle serait là, elle vous dirait pourquoi.
Le commissaire
5 minutes.
Le travailleur
Merci.
(Transcription libre)
[50] Le travailleur ne se souvient plus du moment où il aurait demandé à nouveau d’arrêter l’audience, le tribunal comprend que cela doit s’être passé au cours de l’un des deux ajournements, soit entre 10 h 04 et 10 h 16 car, par la suite, l’enregistrement de la dernière partie de l’audience ne révèle pas d’autre demande de la part du travailleur.
[51] Vers la fin de la dernière partie de l’audience, le travailleur fait allusion au fait qu’il aurait aimé être représenté. Le tribunal trouve pertinent de rapporter le passage en question, lequel se situe environ une heure après le début de la dernière partie de l’audience et après que le commissaire eût indiqué qu’il prenait la cause en délibéré.
Le commissaire
Je vais prendre la cause en délibéré.
Le travailleur
C’est sur que écoutez, j’aurais aimé mieux être représenté par un avocat sauf dans un cas comme moi j’essaie de fournir.
Le commissaire
Ce n’est pas nécessairement nécessaire, notre rôle en tant que commissaire c’est d’évaluer les biens fondés des prétentions des travailleurs ou des employeurs des fois quand c’est le cas. Mais c’est pas… Au départ je ne prends pas contre vous, je suis sensible à votre situation, maintenant il faut que je rendre la décision en fonction des paramètres de la jurisprudence, des règles de droit, tout ça. Je comprends votre situation.
Le travailleur
Je pense qu’à quelque part je vous ai fourni…je pense que les papiers parlent, la résonance magnétique dit pas que j’ai rien non plus, tu sais, à quelque part … c’est là-dessus que … c’est là-dessus que j’ai réveillé, quand j’ai reçu, bien quand j’ai reçu peut-être que c’est pas moi qui a réveillé c’est peut-être Me Lestage qui m’a réveillé là-dessus … comment cela se fait que raisons personnelles j’ai rien que vu cela raisons personnelles, voyons donc raisons personnelles j’avais rien avant 2005.
Le commissaire
Ne recommencez pas votre argument vous l’avez soumis de toute façon toutes les résonances ont été déposées. Si vous avez rien d’autre à ajouter on va mettre fin à l’audience.
(Transcription libre)
[52] Le travailleur se plaint d’avoir longuement été questionné par la Commission des lésions professionnelles.
[53] Le premier commissaire devait décider si le travailleur devait être relevé de son hors délai à déposer sa requête et pour connaître les motifs et comprendre la situation, il a questionné le travailleur.
[54] Selon la jurisprudence[12], l'objectif visé par le législateur dans la loi impose au tribunal, lorsque les circonstances l'exigent, un rôle actif dans la recherche de la vérité, d'où notamment le renvoi aux pouvoirs des commissaires qui sont nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête[13] (article 378 de la loi).
[55]
Ces pouvoirs s’inscrivent parfaitement dans le contexte de la mission
d’ordre public du tribunal qui veut qu’un bénéficiaire visé par la loi obtienne
ce à quoi il a droit, ni plus ni moins. De plus, il va de soi qu’un commissaire
qui agit comme commissaire-enquêteur sera et paraîtra parfois plus interventionniste
que dans d’autres tribunaux, mais le législateur a voulu que la procédure
devant le tribunal puisse avoir un aspect inquisitoire. En vertu des articles
[56] Le travailleur se plaint du ton agressif qu’aurait eu l’un des membres de la première formation lorsqu’il l’a questionné. Tout d’abord, il faut rappeler que les membres peuvent poser des questions lors de l’instruction d’une affaire (article 379 de la loi).
[57] Le tribunal constate que tout comme le commissaire, un des membres a questionné le travailleur sur la question du délai à déposer la requête. La voix de la personne est naturellement grave, mais le propos est celui d’une personne qui cherche à connaître les raisons qui motivent le hors délai dans un contexte où le travailleur a de la difficulté à situer tant les événements que les démarches qu’il a faits dans le temps.
[58] Le tribunal apprécie que le débat a été mené de façon à faire apparaître le droit et à en assurer la sanction et que le travailleur a eu droit à un secours équitable, car le tribunal l’a questionné de façon à faire ressortir les raisons qui auraient pu justifier le délai à déposer sa requête.
[59] Le travailleur croyait qu’il n’aurait pas besoin d’un représentant étant donné que les autres parties avaient signifié qu’elles ne se présenteraient pas à l'audience et il a de concert avec la personne qui devait le représenter à l'audience décidé de procéder sans lui.
[60] C’est après 45 minutes d’audience et juste avant un ajournement que le travailleur évoque la possibilité que l’audience soit remise. À l’écoute de cet extrait, il n’apparaît pas au soussigné qu’il s’agit d’une demande formelle de remise ou d’ajournement de l’audience dans le but d’être représenté. Il apparaît plutôt qu’il s’agit d’une conclusion que semble alors tirer le travailleur de la situation et plus particulièrement du fait qu’il a de la difficulté à se remémorer les événements et expliquer les raisons pour lesquelles il a déposé sa demande tardivement.
[61] Le commissaire a immédiatement écarté la possibilité d’ajourner ou remettre l'audience, ce qu’il pouvait certainement faire dans les circonstances, le travailleur n’ayant pas soumis de motif sérieux pour que l’audience soit ajournée.
[62] Même si l’on considérait qu’il s’agissait d’une demande qui visait la suspension de l’audience dans le but d’être représenté étant donné la demande qu’aurait faite le travailleur alors que l’enregistreuse était arrêtée et des propos tenus par le travailleur vers la fin de l’audience, le tribunal considère que le premier commissaire n'a pas commis une erreur déterminante en n’ajournant pas l'audience.
[63] Bien sûr, le droit d’être entendu est un droit fondamental et constitue une composante des règles de justice naturelle. Cette règle comporte également le droit d’une partie d’être représentée[15], mais ce droit n’est pas absolu. Une partie peut y renoncer explicitement ou implicitement par ses agissements ou sa négligence[16].
[64] Dans l’affaire Gagné et Uniforêt Pâte Port-Cartier [17], la Commission des lésions professionnelles mentionne ceci :
[33] Il n’a pas été allégué et, à tout le moins, il n’a pas été démontré que le travailleur n’a pas eu droit à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant.
[34] Certes, le travailleur ne s’est pas fait représenter par un avocat et n’en était pas assisté. Encore aurait-il fallu, pour violer le droit du travailleur à une telle représentation ou assistance, que cette demande soit présentée en temps utile ou que le travailleur démontre, par ses agissements ou son témoignage, qu’il n’était pas en mesure d’agir et devait être représenté.
[65] Le droit à la représentation n’est donc pas absolu. Il revient à une partie de décider si elle entend s’en prévaloir et d’agir en conséquence, à moins qu’elle ne soit pas en mesure de le faire, auquel cas elle doit être représentée.
[66] Le tribunal apprécie, d’une part, que le travailleur n'a pas fait valoir en temps utile son droit à la représentation et que, d’autre part, par son comportement, il a renoncé à être représenté ayant convenu avec la personne qui devait l’aider que sa présence n’était pas nécessaire.
[67] S’il avait changé d’idée, c’est au début de l’audience que le travailleur aurait dû présenter sa demande et non pas à moitié chemin ou même à la fin de celle-ci.
[68] Le premier commissaire pouvait certainement refuser d’ajourner. Il n’avait pas l’obligation d’ajourner l’audience étant donné que la demande était tardive et relevait d’un changement de stratégie attribuable, de toute évidence, à une nouvelle appréciation que faisait le travailleur en cours d’audience de ses chances de succès.
[69] Comme la preuve soumise ne permet pas non plus de conclure que le premier commissaire aurait dû ajourner ou remettre parce que le travailleur était incapable d’agir, le tribunal décide que le premier commissaire n'a pas commis d’erreur manifeste et déterminante en n’ajournant pas l'audience.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révocation de monsieur Michel-Noël Proulx, le travailleur.
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Alain Vaillancourt |
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Me Robert Jodoin |
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JODOIN HUPPÉ |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Manon Séguin |
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PANNETON LESSARD |
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Représentante de la partie intéressée |
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[1] L.R.Q., c.A-3.001
[2]
[3]
[4]
[5] 04-01-22, (30009)
[6] [2005] C.L.P. (C.A.)
[7] Selon l’article
[8]
Selon l’article
[9] L.R.Q., c. J-3
[10] Qui était à l’extérieur de la salle d’audience.
[11] La personne qu’il identifie comme ayant déjà été avocat.
[12] Rivest c. Bombardier inc.,
[13] L.R.Q., c. C-37.
[14] Agence Pichette et Abellard, C.L.P.
[15] L’article 429.17 de la loi permet à une partie de se faire représenter par une personne de son choix.
[16] Oprita et Le
Nordelec 2000,
[17] C.L.P.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.