Schwab c. Montréal (Ville de) |
2014 QCCQ 3962 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-32-126527-102 |
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DATE : |
LE 30 AVRIL 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
JULIE VEILLEUX, J.C.Q. |
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MARIE-ANNE SCHWAB […]Montréal, Québec […]
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Demanderesse
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c.
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VILLE DE MONTRÉAL 275 Notre-Dame est Montréal, Québec H2Y 1C6
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] La demanderesse réclame 7000 $ à la défenderesse à la suite d'une chute sur un trottoir glacé. La défenderesse nie toute responsabilité au motif qu'elle n'a pas été négligente.
QUESTIONS EN LITIGE:
- La demanderesse a-t-elle démontré la négligence de la défenderesse dans l'entretien de ses trottoirs le 24 décembre 2007 ?
- Dans l'affirmative, quels sont les dommages en découlant ?
LES FAITS
Les circonstances entourant la chute
[2] Vers 15h30 le 24 décembre 2007, la demanderesse quitte son domicile situé sur la rue Hingston à Montréal pour faire ses dernières courses en prévision de la réception de Noël qui a lieu chez elle. Elle porte des bottes d'hiver à talons plats.
[3] Elle se rend sur la rue Monkland et stationne à environ deux coins de rue de la boulangerie où elle doit se rendre.
[4] En sortant de son véhicule, elle emprunte le trottoir situé sur la rue Monkland, côté sud, pour aller payer son stationnement à la borne, laquelle est située en direction opposée de la boulangerie. Après avoir effectué son paiement, elle fait demi-tour et, toujours en empruntant le même trottoir, reprend son chemin vers la boulangerie.
[5] Après quelques pas, elle glisse sur sa gauche, tente de reprendre son équilibre mais tombe sur sa cheville droite. Selon le témoignage de la demanderesse qui est corroboré, le trottoir où est survenue sa chute, en pente, était très glissant et n'avait aucun abrasif.
[6] La douleur est très forte et des passants aident la demanderesse à regagner son véhicule stationné vis-à-vis l'endroit de sa chute. Assise à la place du passager, la demanderesse téléphone à son conjoint et à son fils qui viennent la rejoindre sans délai. Elle se rend tant bien que mal à la maison avec leur soutien.
[7] La réception de la veille de Noël a lieu chez la demanderesse qui prend des Tylenols pour la douleur et qui limite ses déplacements le plus possible.
[8] Elle immobilise sa cheville droite pour la nuit et le lendemain matin, devant l'évidence qu'il s'agissait de plus qu'une foulure, la demanderesse se rend à l'Hôpital St - Mary's.
[9] Des fractures multiples à sa cheville droite sont diagnostiquées si bien que la demanderesse est hospitalisée et subit une intervention chirurgicale le 28 décembre suivant.
[10] La demanderesse décrit la période précédant son intervention chirurgicale comme étant nébuleuse en raison de la médication qu'elle prenait pour la douleur. La médication est poursuivie après l'intervention chirurgicale, rendant ainsi la douleur tolérable.
[11] La demanderesse obtient son congé le 30 décembre et reprend progressivement son emploi comme travailleuse sociale à l'hôpital Douglas à compter du mois d'avril 2008 pour reprendre à temps complet en juin suivant.
[12] Pendant sa convalescence, elle reçoit des prestations inférieures à son salaire habituel, nous y reviendrons.
[13] En vue de son retour au travail et afin de recouvrir le plus possible sa mobilité, la demanderesse reçoit également des traitements de physiothérapie.
[14] Questionnée par le Tribunal, elle explique que certaines des activités qui occupaient ses temps libres par le passé n'ont pu être reprises complètement. C'est le cas de la randonnée pédestre, qu'elle pratique encore mais pour une moins longue durée. Des activités comme le tai chi et le yoga sont exclues en raison des mouvements de rotation de la cheville.
[15] À ce jour, la demanderesse prend des anti-inflammatoires sur une base régulière.
[16] La défenderesse nie toute responsabilité en invoquant les éléments suivants :
- Entre le 11 et le 20 décembre 2007, plus de 54 centimètres de neige se sont abattus sur le territoire de la défenderesse;
- Le 16 décembre 2007, 31.8 centimètres de neige sont tombés;
- Le 19 décembre 2007, 7.2 centimètres de neige sont tombés.
[17] La défenderesse souligne qu'elle a envers les citoyens qui empruntent ses trottoirs une obligation de moyens et que l'accident subi par la demanderesse ne peut lui être imputé.
[18] La défenderesse fait entendre M. Bélanger, contremaître de différents secteurs, incluant le secteur 73, celui dans lequel l'accident de la demanderesse est survenu.
[19] Preuve documentaire à l'appui, M. Bélanger relate l'ordre des opérations d'entretien des trottoirs :
- le déblaiement;
- le chargement de la neige;
- l'épandage de l'abrasif.
[20] Selon les registres déposés en preuve, la veille de l'accident, pendant la soirée et le début de la nuit, 69% du chargement de la neige était effectué dans le secteur 73. Ce même registre note que les trottoirs sont déblayés avec présence d'abrasifs, enneigés et/ou glacés par endroits. Il est noté une pluie abondante durant la nuit du 23 au 24 décembre.
[21] Pendant la journée du 24 décembre, il n'y a pas eu de travaux d'entretien effectués dans le secteur 73. Cependant, l'épandage d'abrasifs est noté durant le quart de travail de soir/nuit postérieurement à l'accident de la demanderesse.
[22] Les mesures d'entretien prises par la défenderesse doivent être évaluées dans le contexte météorologique pertinent.
[23] À cet égard, il y a lieu de noter les éléments suivants:
- La dernière accumulation de neige supérieure à un centimètre remonte au 19 décembre où 7.2 centimètres de neige sont tombés;
- 5.6 millimètres de pluie sont tombés le 23 décembre alors qu'aucune précipitation significative n'est tombée durant la journée du 24 décembre.
[24] De plus, il y a lieu de noter les variations de température dans les 24 heures précédant l'accident de la demanderesse :
- À 15h00 le 23 décembre, la température se situait à 5,4° C et il pleuvait;
- À 3h00 le 24 décembre, la température se situait à -8° C avec le refroidissement éolien;
- À 8h00 le 24 décembre, la température avait chuté à -12° C avec le refroidissement éolien;
- À 15h00, le 24 décembre, la température se situait à -9° C avec le refroidissement éolien.
Les dommages
[25] Les dommages réclamés par la demanderesse totalisent un montant supérieur aux 7 000 $ réclamés. Néanmoins, il y a lieu de ventiler ces dommages à la lumière de la preuve testimoniale et documentaire administrée à l'audience :
Perte de salaire
(écarts entre le salaire normalement gagné et l'assurance-salaire): 3 336,20$
Frais de physiothérapie
(écarts entre les montants remboursés par l'assureur
Great West et le montant payé): 1 151,00$
Frais accessoires
(aérocast et béquilles): 244,00$
Pour un total de: 4 731,20$
[26] Le solde réclamé par la demanderesse correspond aux douleurs, souffrances et inconvénients liés à l'accident, à l'hospitalisation qui a suivi, à l'intervention chirurgicale, à la convalescence et aux activités que la demanderesse ne pratique plus avec la même intensité.
ANALYSE
- La demanderesse a-t-elle démontré la négligence de la défenderesse dans l'entretien de ses trottoirs le 24 décembre 2007 ?
[27] Il y a lieu de reproduire la disposition législative applicable au litige sous étude, à savoir l'article 585(7) de la Loi sur les cités et villes[1] :
585(7): Nonobstant toute loi générale ou spéciale, aucune municipalité ne peut être tenue responsable du préjudice résultant d'un accident dont une personne est victime, sur les trottoirs, rues, chemins ou voies piétonnières ou cyclables, en raison de la neige ou de la glace, à moins que le réclamant n'établisse que ledit accident a été causé par négligence ou faute de ladite municipalité, le tribunal devant tenir compte des conditions climatériques.
(Notre soulignement)
[28] La demanderesse a démontré par preuve non-contredite que le trottoir qu'elle a emprunté sur la rue Monkland vers 15h30 le 24 décembre 2007 était glacé.
[29] Reste maintenant à déterminer s'il y a eu preuve prépondérante que c'est en raison de la négligence de la défenderesse que la chute de la demanderesse est survenue.
[30] À cette question, le Tribunal répond par l'affirmative.
[31] En effet, entre le 19 et le 23 décembre 2007, il n'y a eu aucune accumulation additionnelle de neige. Dans le secteur 73, la veille de l'accident, le registre tenu par la défenderesse note que certains trottoirs sont déblayés avec présence d'abrasifs, d'autres enneigés et/ou glacés par endroits. Toujours la veille de l'accident, il y a des températures au-dessus de 0° C et il pleut. La nuit précédant l'accident, il y a une baisse des températures et il n'y a aucun entretien effectué par la défenderesse avant le quart de travail du soir.
[32] Or, c'est précisément à la suite de cette pluie, de ce refroidissement et de l'absence totale d'entretien jusqu'à la fin de la journée du 24 décembre dans le secteur 73 que la demanderesse a subi son accident.
[33] Dans les circonstances, le Tribunal conclut que la demanderesse s'est déchargée de démontrer la négligence de la défenderesse et ce, tout en tenant compte des conditions climatériques. En effet, une journée occupée comme le 24 décembre entraîne une multiplication des déplacements des piétons sur les trottoirs. L'omission de la défenderesse de procéder à quelque forme d'entretien et plus particulièrement son omission d'épandre des abrasifs constitue aux yeux du Tribunal une démonstration de sa négligence.
- Dans l'affirmative, quels sont les dommages en découlant ?
[34] La preuve testimoniale et documentaire administrée par la demanderesse en regard de la perte pécuniaire n'a pas été contredite. Par ailleurs, il apparaît raisonnable d'allouer à la demanderesse un montant de 2268,80 $ en dommages-intérêts compensatoires liés aux douleurs, souffrances et inconvénients résultant de l'accident, l'hospitalisation, l'intervention chirurgicale, la convalescence et aux activités que la demanderesse ne pratique plus avec la même intensité.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
ACCUEILLE la réclamation de Marie-Anne Schwab;
CONDAMNE la ville de Montréal à payer à Marie-Anne Schwab un montant de 7000 $ avec intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 Code civil du Québec à compter du 25 novembre 2010;
LE TOUT, avec les frais (159$).
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__________________________________ JULIE VEILLEUX, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
Le 8 avril 2014. |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.