Décision

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[Texte de la décision]

Section des affaires sociales

En matière de sécurité ou soutien du revenu, d'aide et d'allocations sociales

 

 

Date : 5 mai 2015

Référence neutre : 2015 QCTAQ 041219

Dossier  : SAS-M-206212-1212

Devant les juges administratifs :

CAROLINE GONTHIER

YOLANDE PILETTE-KANE

 

D… P…

Partie requérante

c.

MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ SOCIALE

Partie intimée

 

 


DÉCISION




[1]              Le Tribunal est saisi d’un recours logé par la requérante à l’encontre de deux décisions rendues en révision par l’intimé, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MTESS).

[2]              La première, du 6 décembre 2012, maintient la réclamation de 280,04 $ pour la période du 1er janvier au 31 janvier 2011, en raison d’avoirs liquides excédentaires. À l’audience, le dépôt d’une note de crédit du 19 avril 2013 annule la réclamation de ce montant à l’endroit de la requérante[1].

[3]              La seconde, rendue le 10 décembre 2012, statue que le montant réclamé de 400 $, pour la période du 1er décembre au 31 décembre 2011 et du 1er février au 29 février 2012, en raison de dons répétitifs, doit être augmenté et confirme la retenue de 56 $ à même la prestation mensuelle de la requérante afin de l’appliquer au remboursement d’un montant recouvrable.

[4]              À l’audience, le dépôt du nouvel avis de réclamation augmente le montant à rembourser de 2 870 $, en raison de dons répétitifs provenant de la tante de la requérante, madame B. N., pour la période de décembre 2010 à juillet 2011[2].

[5]              Le montant total de la réclamation est donc établi à 3 270 $ pour des périodes comprises entre février 2011 et février 2012[3].

[6]              La requérante entend démontrer que les sommes versées par sa tante sont de l’ordre d’un prêt et, par conséquent, non comptabilisables. Quant à la retenue de 56 $, sa procureure annonce qu’elle se désiste sur ce volet, puisqu’un crédit a été appliqué au dossier de la requérante[4].

[7]              De l’ensemble de la documentation déposé en preuve au dossier, du témoignage de la requérante ainsi que des arguments présentés par les deux parties, le Tribunal retient les éléments pertinents suivants.

[8]              La requérante est âgée de 55 ans et bénéficie de l’aide de dernier recours depuis février 2007. Elle reçoit l’allocation de solidarité sociale (contraintes sévères à l’emploi) depuis mars 2013.

[9]              Dans sa déclaration mensuelle de mai 2011, la requérante indique avoir emprunté une somme de 10 000 $ à sa tante, madame B. N., afin de consolider ses dettes et payer ses cartes de crédit[5].

[10]           À cet effet, une entente de prêt est signée le 1er décembre 2010 par madame B. N. et la requérante[6].

[11]           Cette entente prévoit :

·        l’attribution de la somme de 10 000 $ en 10 versements variant entre des montants de 500 $ à 1 500 $ répartis entre le 3 décembre 2010 et août 2011;

·        le remboursement se fera en mensualités selon la capacité de payer de la requérante. Il débutera lorsqu’elle aura des gains de travail et le paiement minimal total de ses dettes de crédit ne dépassera pas 300 $ (par mois[7]);

·        l’emprunt doit servir à couvrir les dettes de crédit de la requérante jusqu’en octobre 2011 et lui permettre, par un statu quo financier, de lancer son entreprise pour laquelle elle travaille depuis 5 ans. Il est précisé que, si à cette date son entreprise n’est pas en croissance, elle avisera[8].

[12]           Comme il est question d’un prêt d’argent et non d’un revenu, la requérante n’a pas jugé nécessaire de déclarer ce prêt à ce moment à l’intimé.

[13]           Néanmoins, lorsqu’elle reçoit un don de sa tante ou de l’un des membres de sa famille, elle informe le MTESS par le biais de ses déclarations mensuelles[9]. Elle sait faire la distinction entre un don en argent et un montant versé à titre de prêt.

[14]           L’ensemble des relevés bancaires et des cartes de crédit est déposé au dossier de la requérante. La description des créanciers inscrits sur l’entente du prêt concorde avec les informations retrouvées sur ces relevés[10].

[15]           Le 6 septembre 2011, à la suite de ces informations, l’intimé réclame à la requérante un montant de 280,04 $ en raison d’avoirs liquides excédentaires. La période visée par la réclamation est du 1er janvier au 31 janvier 2011[11].

[16]           Dans une lettre du 15 septembre 2011[12], la requérante demande la révision de cette décision. Elle indique que, parmi les montants déposés au 30 décembre 2010, une somme de 1 500 $ correspond, notamment, au montant versé d’un prêt de 10 000 $ par madame B. N. Elle explique également le contexte dans lequel ce prêt lui a été consenti dont celui de l’aider à démarrer son entreprise et à réintégrer le marché du travail même si elle éprouve des problèmes de santé.

[17]           Sur la base de la production de nouveaux relevés bancaires, le 15 février 2012, l’intimé réclame à la requérante la somme de 400 $ pour des dons reçus de 200 $ en novembre 2011 et de 200 $ en janvier 2012[13]. La contestation de cette réclamation mènera à la décision rendue en révision qui fait l’objet du présent litige.

[18]           Le 4 mai 2012, une première actualisation de l’entente de prêt est signée par la requérante et madame B. N. Une lettre explicative de cette dernière confirme le prêt initial de 10 000 $ consenti à la requérante ainsi que l’entente pour le versement d’un montant supplémentaire de prêt de 8 400 $[14].

[19]           La requérante précise que le but de ces prêts lui permettait de payer ses cartes de crédit et d’acheter du temps, en quelque sorte, car elle n’avait plus d’espoir de faire reconnaître ses problèmes de santé liés à la maladie de Lyme.

[20]           En mars 2013, elle est enfin reconnue par l’intimé comme étant porteuse de contraintes sévères à l’emploi et depuis elle reçoit l’allocation de solidarité sociale.

[21]           Malgré tous les efforts déployés à son projet de développement en arts visuels, en février 2014, elle prend congé de ce projet, mais sans l’abandonner.

[22]           Le 10 janvier 2013, la requérante s’est soumise légalement au dépôt volontaire dont la liste des créanciers vise les banques RBC et BMO ainsi la compagnie d’assurances Industrielle Alliance[15]. Elle explique que le taux d’intérêt est de 3 % et que le recours au dépôt volontaire, plutôt que la faillite, lui permettra, le cas échéant, de siéger sur le conseil d’administration lié à son projet.

[23]           Dès qu’elle aura remboursé 75 % du montant ajusté de 39 270,50 $ des dettes placées en dépôt volontaire, elle remboursera sa tante.

[24]           Le 11 janvier 2013, un addenda à l’entente de consolidation de prêt est signé par la requérante et madame B. N., lequel vient modifier les termes de l’entente quant aux modalités de remboursement[16].

[25]           L’intimé remet en cause la capacité de la requérante à rembourser sa tante. D’une part, en raison des problèmes de santé invoqués par celle-ci, il considère étonnant qu’elle puisse réintégrer le marché du travail et obtenir des gains de travail pour effectuer le remboursement d’une telle somme.

[26]           D’autre part, si la requérante avait une réelle intention de rembourser sa tante, elle l’aurait déclaré à titre de créancière lors de son inscription au dépôt volontaire.

[27]           Par conséquent, de l’avis de l’intimé, l’addenda démontre en soi le peu de sérieux de la requérante, d’autant plus que depuis le 10 décembre 2010, elle n’a effectué aucun remboursement jusqu’à ce jour.

[28]           Soulignons qu’en matière de prêt d’argent consenti dans le cadre d’une entraide familiale, la jurisprudence constante du Tribunal estime qu’il n’est pas nécessaire d’exiger un document écrit, puisqu’un tel prêt se négocie souvent sans formalisme et sans entente écrite[17].

[29]           Or, en l’espèce, le Tribunal retient comme élément déterminant qu’une entente de prêt a bel et bien été signée par la requérante et sa tante, le 1er décembre 2010, et ce, par surcroît, antérieurement aux avis de réclamation émis par l’intimé.

[30]           Cette entente, qui a fait l’objet de deux modifications dont la dernière, en raison de l’inscription de la requérante au dépôt volontaire est l’addenda du 11 janvier 2013, identifie minutieusement les sommes prêtées et prévoit expressément les modalités de remboursement.

[31]           Ainsi, alors que le degré de preuve exigé en l’instance est celui de la prépondérance, le Tribunal considère que la convention de prêt du 10 décembre 2010, la consolidation de prêt du 4 mai 2012 et l’addenda du 11 janvier 2013 sont tous des écrits bien structurés qui confirment que les montants versés à la requérante par sa tante, entre février 2011 et février 2012, l’ont été à titre de prêt et non sous la forme de dons en argent.

[32]           Certes, les ententes ne portent pas de montants précis ni de date d’échéance. Cependant, les modalités y sont décrites en tenant compte de la capacité raisonnable de la requérante d’effectuer le remboursement des sommes prêtées.

[33]           Bien que l’intimé soutienne que les chances de remboursement soient très faibles, le Tribunal ne partage pas cet avis.

[34]           En effet, considérant que la requérante est inscrite au dépôt volontaire depuis janvier 2013, qu’elle a réglé maintenant trois de ses dettes et qu’elle reçoit l’allocation de solidarité sociale depuis mars 2013, sa situation financière s’améliore.

POUR CES MOTIFS, le Tribunal :

-        ACCUEILLE le recours ;

-        INFIRME la décision rendue en révision par l’intimé, le 10 décembre 2012;

-        ANNULE la réclamation d’un montant de 3 270 $ à l’endroit de la requérante;

-        DÉCLARE sans objet la contestation de la décision en révision du 6 décembre 2012 concernant la réclamation de 280,04 $ pour la période du 1er janvier au 31 janvier 2011, en raison d’avoirs liquides excédentaires;

-        PREND ACTE du désistement de la requérante quant à la retenue de 56 $ à même ses prestations mensuelles.  


 

CAROLINE GONTHIER, j.a.t.a.q.

 

 

YOLANDE PILETTE-KANE, j.a.t.a.q.


 

Ouellet, Nadon & associés

Me Claude Cousineau

Procureure de la partie requérante

 

Madame Marie-Claude Blais

Représentante de la partie intimée


 



[1] Pièce R-1 - page 4 de 5.

[2] Pièce R-1 : Avis de réclamation du 19 avril 2013.

[3] Pièce I-1 : Cumulatif de la réclamation

[4] Pièce I-2 : Fichier informatique - compte client.

[5] Pages 7 et 250.

[6] Pages 5 et 381.

[7] Pièce R-5 : Correction apportée par l’addenda.

[8] Pages 5 et 381.

[9] Pages 354 et 356.

[10] Pages 25, 31, 50, 47 et 338 et suivantes.

[11] Page 335.

[12] Page 349 et suivantes.

[13] Page 363.

[14] Pages 382 à 384.

[15] Pièce R-3.

[16] Pièce R-5.

[17] 2014 QCTAQ 06355 et 2014 QCTAQ 02885.

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