Cochonnailles Champenoises et Petit Renaud |
2012 QCCLP 5865 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Longueuil |
14 septembre 2012 |
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Région : |
Montérégie |
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Dossier CSST : |
137536306 |
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Commissaire : |
Marlène Auclair, juge administrative |
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Membres : |
Jean-Marie Jodoin, associations d’employeurs |
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Serge Adam, associations syndicales |
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465558 |
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Les Cochonnailles Champenoises |
Les Cochonnailles Champenoises |
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Partie requérante |
Partie requérante |
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et |
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Steven Petit Renaud |
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Partie intéressée |
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Dossier 453141-62-1111
[1] Le 2 novembre 2011, Les Cochonnailles Champenoises (l’employeur) dépose, à la Commission des lésions professionnelles, une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 21 septembre 2011 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 27 avril 2011 et déclare qu’elle refuse de suspendre, à compter du 13 avril 2011, l’indemnité de remplacement du revenu de monsieur Steven Petit Renaud (le travailleur) par l’application de l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
Dossier 465558-62-1203
[3] Le 16 mars 2012, l’employeur dépose, à la Commission des lésions professionnelles, une requête à l’encontre d’une décision rendue par la CSST, le 2 février 2012, à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 7 décembre 2011 et déclare que l’employeur doit être imputé de la totalité des coûts reliés à la lésion professionnelle subie par le travailleur, le 31 janvier 2011.
[5] Une audience s’est tenue à Longueuil, le 31 mai 2012, en présence du procureur de l’employeur, Me Linda Lauzon. Bien que convoqué, le travailleur ne s’est pas présenté à l’audience. La cause a été mise en délibéré à la date de l’audience.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossier 453141-62-1111
[6] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur soit suspendu à compter du 13 avril 2011 ou, subsidiairement, à compter du 27 mars 2011, et ce, jusqu’au 26 juin 2011, inclusivement.
Dossier 465558-62-1203
[7] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelle de déclarer que le coût des prestations versées du 27 mars au 26 juin 2011 dans le dossier du travailleur soit transféré aux employeurs de toutes les unités, et ce, en application du deuxième alinéa de l’article 326 de la loi.
L’AVIS DES MEMBRES
[8] Conformément à l’article 429.50 de la loi, la juge administrative soussignée a obtenu l’avis motivé du membre issu des associations d’employeurs et du membre issu des associations syndicales ayant siégé auprès d’elle dans la présente affaire.
Dossier 453141-62-1111
[9] Les membres sont d’avis que le comportement du travailleur après son départ pour la France justifie une suspension du versement de son indemnité de remplacement du revenu. Il n’a aucunement collaboré avec la CSST qui, pourtant, lui a permis de se prévaloir de cette entente internationale en matière de sécurité sociale. Il n’a respecté aucune de ses obligations. Non seulement il n’a jamais fourni les informations qu’il avait l’obligation de transmettre à la CSST, mais en plus il a fourni des renseignements inexacts. Le seul rapport médical reçu par la CSST est daté du 27 juin 2011, date de consolidation de sa lésion. Les motifs justifiants la suspension du versement de son indemnité de remplacement du revenu ont donc perduré de son départ, le 25 mars 2011, jusqu’à la date de consolidation de sa lésion. La CSST n’a tout compte fait jamais eu la preuve qu’il a fait un suivi médical ou qu’il a suivi des traitements d’ergothérapie. En plus, les droits de l’employeur de procéder à une assignation temporaire d’un travail et de faire expertiser le travailleur ont également été floués en raison de l’acceptation de la CSST de permettre au travailleur de quitter le Québec si rapidement alors qu’il n’y avait aucune urgence dans son dossier. Tous ces faits forts particuliers justifient une suspension du versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 27 mars 2011.
LES FAITS
Dossier 453141-62-1111 et 465558-62-1203
[10] Le travailleur est d’origine française et détient un permis de travail pour occuper un emploi de charcutier chez l’employeur depuis septembre 2010. Le 31 janvier 2011, il se coupe l’index droit en utilisant un hachoir à viande.
[11] Une lacération du tendon extenseur et fléchisseur de l’index droit, de même que des nerfs digitaux, est diagnostiquée le jour même et nécessite une ténorraphie et une microneurorraphie effectuée par le docteur Sauvageau le 1er février 2011. Le travailleur est en arrêt de travail et débute des traitements d’ergothérapie le 8 février 2011.
[12] Le 2 mars 2011, le docteur Sauvageau note une raideur du doigt et un retard dans la guérison de la plaie. Elle estime que la guérison évolue très lentement et recommande la poursuite de l’ergothérapie.
[13] Le 2 mars 2011, l’agente d’indemnisation de la CSST contacte monsieur Nicolas Garcia, directeur administratif chez l’employeur, pour discuter du cheminement du dossier du travailleur. L’agente informe monsieur Garcia qu’il peut proposer une assignation temporaire de travail au médecin traitant et qu’il peut aussi la contacter s’il a besoin d’aide pour mettre en place une telle assignation pour le travailleur.
[14] L’agente tente en vain de rejoindre le travailleur le 2 mars 2011, n’ayant pas de numéro de téléphone sur son formulaire de Réclamation du travailleur. Elle envoie donc, le 3 mars 2011, une lettre au travailleur lui demandant de la contacter, faute de quoi, elle l’avise que le versement de son indemnité de remplacement du revenu pourrait être suspendu.
[15] Le travailleur se présente aux bureaux de la CSST le 11 mars suivant et demande à l’agente s’il pourrait passer sa convalescence en France puisqu’il n’a pas de famille au Québec. Il lui fait part qu’il s’est informé et qu’il lui serait possible de la faire en vertu d’une entente internationale en matière de sécurité sociale. Il lui donne le numéro de téléphone de la personne à contacter pour obtenir les démarches à effectuer. L’agente lui explique qu’elle doit se renseigner et qu’ils vont se rencontrer de nouveau à ce sujet le 15 mars suivant.
[16] Compte tenu des faits très particuliers du présent dossier, la reproduction intégrale de plusieurs notes évolutives, certaines très longues, s’avère nécessaire du fait que celles-ci contiennent plusieurs éléments pertinents et déterminants sur lesquels la décision de la Commission des lésions professionnelles dans le présent dossier est fondée.
[17] Le 15 mars 2011, l’agente d’indemnisation inscrit la note d’intervention suivante aux notes évolutives du dossier du travailleur concernant sa demande pour retourner en France pendant sa consolidation :
- ASPECT MÉDICAL:
Faire le suivi d’un dossier hors Québec
Contexte
Le suivi dans le dossier d’un travailleur qui déménage hors Québec doit se faire sensiblement de la même façon que dans un dossier régulier.
Malgré le recours à des ressources humaines travaillant dans des commissions des accidents du travail hors Québec, l’intervenant de la CSST demeure la personne responsable qui autorise les soins, traitements et autres services requis et mis en œuvre pour le travailleur. Les services demandés aux autres commissions doivent être en conformité avec notre législation et ne peuvent donc pas outrepassés les exigences de la LATMP. Les communications entre l’intervenant de la CSST et les personnes ressources hors Québec mises à contribution dans les dossiers, sont donc fortement recommandées.
Activités
1. Rencontrer le travailleur avant son déménagement.
2. Procéder à l’évaluation de ses besoins (réadaptation professionnelle, sociale ou physique).
3. Questionner le travailleur sur les motifs du déménagement qui peuvent être en lien avec ses motifs ou besoins professionnels.
4. Établir les objectifs poursuivis pour répondre aux besoins du travailleur.
5. Dans le cadre de la réadaptation, tendre le plus possible vers des mesures de placement en emploi plutôt que des mesures de développement de compétences.
6. Convenir avec le travailleur quelles seront les modalités de suivi, notamment la fréquence des contacts avec l’intervenant de la CSST lorsqu’il sera déménagé.
7. Établir un contrat clair avec le travailleur, en l’informant:
o De ses droits et de ses obligations en vertu de la LATMP
• Le travailleur doit garder contact avec nous et être en mesure de fournir les informations nécessaires au traitement de son dossier Ex. : Le travailleur doit nous informer de tout changement dans sa situation en rapport avec sa lésion professionnelle.
• Le remboursement des divers frais (ex. : les frais de déplacement).
o De notre rôle d’assureur et des limites de la loi
• Informer le travailleur des objectifs visés de la LATMP, soit la réparation de sa lésion professionnelle ainsi que des conséquences qu’elle entraîne dans un but ultime de retour au travail.
o Des conséquences éventuelles pour le travailleur s’il ne se conforme pas à ses obligations.
• La CSST peut réduire ou suspendre ses indemnités (art.142 LATMP) si le travailleur, sans raison valable, omet ou refuse, par exemple, de:
-se soumettre à un traitement médical; ou
-de fournir une information médicale; ou
-faire le travail que son employeur lui assigne temporairement.
8. Planifier les services requis pour le travailleur:
o Le plus tôt possible et même avant son départ, demander au travailleur de nous fournir les coordonnées des établissements de santé qu’il fréquentera dès son arrivée.
o Communiquer le plus tôt possible avec les établissements de santé afin de leur faire part des besoins du travailleur ainsi que de nos besoins pour le traitement de son dossier.
9. Établir un plan de suivi qui doit prévoir les activités suivantes:
o Évaluer la pertinence de faire expertiser le travailleur avant son départ;
o Prévoir à l’avance avec le médecin traitant du Québec, les soins et traitements qui seront requis à court et moyen terme;
o Informer le travailleur de la pertinence et de la nécessité de suivre assidûment les traitements prescrits par le médecin;
o Informer le travailleur de l’importance de nous transmettre tous les renseignements requis tels que les rapports médicaux;
o Suggérer au travailleur de maintenir un compte bancaire au Canada;
o Planifier avec le travailleur, les prochaines rencontres avec le médecin;
o Garder un contact régulier avec le travailleur en utilisant les moyens de communication les plus appropriés selon la situation (internet, téléphone, fax).
10. Mettre en œuvre le plan individualisé de réadaptation.
11. Finaliser, si possible, le dossier avant le départ du Québec. [sic]
[18] Toujours le 15 mars 2011, l’agente inscrit ce qui suit aux notes évolutives du dossier suite à la rencontre avec le travailleur concernant sa demande qui est acceptée :
Titre: Préparation dossier hors Québec -
- ASPECT LÉGAL:
PRÉPARATION DOSSIER HORS QUÉBEC
1. Rencontrer le travailleur avant son déménagement.
J’ai rencontré le T le mardi 15-03-2011 à nos bureaux au 25 boul. Lafayette à Longueuil.
2. Procéder à l’évaluation de ses besoins (réadaptation professionnelle, sociale ou physique).
Présentement, il n’y a aucun besoin de réadaptation professionnelle. La lésion n’étant pas encore consolidée, le T à toujours besoin de soins et traitements pour la L.P.
3. Questionner le travailleur sur les motifs du déménagement qui peuvent être en lien avec ses motifs ou besoins professionnels.
Le T veut simplement aller faire sa convalescence en France. Il prévoit revenir au Québec pour reprendre le travail après sa consolidation. D’ailleurs, il m’informe que le permis de travail qu’il possède lui permet de travailler seulement chez l’E au dossier. T me questionne également sur son droit de démission. T est informé qu’il peut démissionner de son emploi s’il le désire, mais qu’il demeura lié au droit et aux obligations de la LATMP.
4. Établir les objectifs poursuivis pour répondre aux besoins du travailleur.
T est bien informé de nos objectifs;
Lui donner accès aux soins et traitements pour son rétablissement dans le but d’un RAT régulier.
5. Dans le cadre de la réadaptation, tendre le plus possible vers des mesures de placement en emploi plutôt que des mesures de développement de compétences.
Ne s’applique pas au dossier pour le moment.
6. Convenir avec le travailleur quelles seront les modalités de suivi, notamment la fréquence des contacts avec l’intervenant de la CSST lorsqu’il sera déménagé.
T informé qu’il doit faire un suivi médical au moins une fois par mois;
Le suivi médical devrait se faire avec son médecin de famille, le Dr Boulet;
Il nous donnera ses coordonnées dès qu’il les aura. Possibilité que ce soir un autre médecin, mais si c’est le cas T nous informera.
En arrivant en France, le T fera les démarches nécessaire pour recevoir les traitements d’ergothérapie qui sont prescrit.
7. Établir un contrat clair avec le travailleur, en l’informant: J’ai vu avec le T ses droits et obligation, je l’ai informé de notre rôle et des conséquences s’il ne respecte pas ses droits et obligations.
o De ses droits et de ses obligations en vertu de la LATMP
• Le travailleur doit garder contact avec nous et être en mesure de fournir les informations nécessaires au traitement de son dossier. Ex. : Le travailleur doit nous informer de tout changement dans sa situation en rapport avec sa lésion professionnelle.
• Le remboursement des divers frais (ex. : les frais de déplacement).
o De notre rôle d’assureur et des Iimites de la loi
• Informer le travailleur des objectifs visés de la LATMP, soit la réparation de sa lésion professionnelle ainsi que des conséquences qu’elle entraîne dans un but ultime de retour au travail.
o Des conséquences éventuelles pour le travailleur s’il ne se conforme pas à ses obligations.
• La CSST peut réduire ou suspendre ses indemnités (art.142 LATMP) si le travailleur, sans raison valable, omet ou refuse, par exemple, de:
-se soumettre à un traitement médical; ou
-de fournir une information médicale; ou
-faire le travail que son employeur lui assigne temporairement.
8. Planifier les services requis pour le travailleur:
o Le plus tôt possible et même avant son départ, demander au travailleur de nous fournir les coordonnées des établissements de santé qu’il fréquentera dès son arrivée.
Comme écrit ci-dessus, le suivi médical sera peut-être fait par le Dr Boulet, mais n’a pas encore les coordonnées; N’a pas non plus les coordonnées de la clinique pour les traitements d’ergothérapie;
o Communiquer le plus tôt possible avec les établissements de santé afin de leur faire part des besoins du travailleur ainsi que de nos besoins pour le traitement de son dossier.
Dès que nous aurons l’information nous pourrons communiquer avec les établissements concernés.
9. Établir un plan de suivi qui doit prévoir les activités suivantes:
o Évaluer la pertinence de faire expertiser le travailleur avant son départ;
Pas nécessaire pour le moment; La lésion nécessite toujours les soins et traitement de professionnels.
o Prévoir à l’avance avec le médecin traitant du Québec, les soins et traitements qui seront requis à court et moyen terme;
Nous savons déjà que le T a besoin de traitements d’ergothérapie. De plus, lors de la DVM du 2-03-2011, la consolidation est prévue + de 60 jours et séquelles à prévoir (possiblement de I’apipp)
o Informer le travailleur de la pertinence et de la nécessité de suivre assidûment les traitements prescrits par le médecin; ok
Le T en a été informé.
o Informer le travailleur de l’importance de nous transmettre tous les renseignements requis tels que les rapports médicaux;
Le T en a été informé.
o Suggérer au travailleur de maintenir un compte bancaire au Canada;
Suggestion fait au T, mais ne sait pas comment il procédera. Nous avisera.
o Planifier avec le travailleur, les prochaines rencontres avec le médecin;
T devra prendre RDV en arrivant en France.
o Garder un contact régulier avec le travailleur en utilisant les moyens de communication les plus appropriés selon la situation (internet, téléphone, fax).
Téléphone ou nous allons pouvoir joindre le T : […] et […]
Courriel : […]
Adresse postale: chez ses parents
[…]
Freigné, France
Département […]
10. Mettre en œuvre le plan individualisé de réadaptation.
Pas nécessaire pour le moment.
11. Finaliser, si possible, le dossier avant le départ du Québec.
Pas possible en ce moment.
- ANALYSE ET RÉSULTATS:
T me demande s’il doit avoir une permission écrite de la Commission ou un document quelconque qui dira que les soins et traitements sera payé par la Commission lorsqu’il arrivera en France. Il me dit qu’il est fort possible qu’aux Douanes on lui demande un tel document; Je dis au T que je vérifiera la procédure avec notre répondant régional.
T nous avisera de la date de son départ dès qu’il la saura ainsi que du changement d’adresse à effectuer. [sic]
[19] Une autre rencontre a lieu avec le travailleur le 16 mars 2011 pour lui faire signer le formulaire d’Autorisation de divulgation de renseignements. Son départ est prévu pour la France le 27 mars prochain. Le travailleur s’engage à fournir les coordonnées des établissements de santé qu’il fréquentera dès son arrivée. Il donne l’adresse de ses parents comme étant sa nouvelle adresse en France à compter du 27 mars 2011.
[20] Le 17 mars 2011, l’agente d’indemnisation contacte madame Laurina Bernier de la mutuelle de prévention dont est membre l’employeur pour l’informer du départ du travailleur pour la France. Elle lui explique la situation du travailleur et les conséquences qui en découlent pour l’employeur dans ces termes, tel qu’il appert de la note évolutive inscrite à cette date :
Titre: Informer mutuelle du départ du T en France
- ASPECT LÉGAL:
Appel fait à la Mutuelle; 1 418 864-7432, poste 269; Discuté avec Mme Laurina Bernier
J’informe Mme Vernier que le T quitte le Québec pour la France le 27 mars 2011 pour la durée de sa convalescence;
Le suivi médical du dossier se poursuivra en France;
Mme Vernier me questionne sur les droits et obligations du T; Je l’informe que tous les droits et obligations de LATMP ne change pas malgré son départ pour la France et que le T en a été informé; Je l’informe de la démarche que j’ai effectué avec le T concernant ses droits et obligations; Je dis à Mme Vernier qu’elle peut bien faire expertise le T avant son départ, mais que si un date d’expertise est fixée après le départ il n’y aurait pas de suspension d’IRR au dossier puisqu’il existe une entre internationale entre la France et la CSST qui permet à un travailleur de déménager hors Québec et d’obtenir les soins et traitements dont il a besoin. De plus, si éventuellement une expertise médicale devenait nécessaire l’entente fait en sorte que nous devons transiger avec la France pour trouver un expert qui ferait l’expertise médicale;
Mme Vernier me demande si l‘E sait que T quitte pour la France. Je lui indique que je n’ai pas encore communiqué avec l’E, mais qu’étant donné qu’il s’agit de son client elle peut le faire si elle le souhaite. Mme Vernier me dit qu’elle contactera I’E. [sic]
[21] À l’audience, le procureur de l’employeur produit l’affidavit circonstancié suivant décrivant les démarches entreprises par madame Bernier aussitôt après avoir appris que le travailleur s’apprêtait à quitter le Québec :
AFFIDAVIT CIRCONSTANCIÉ DU TÉMOIN LAURINA BERNIER
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Je, soussignée, Laurina Bernier, consultante à la gestion des lésions du Groupe Accisst Inc., exerçant ma profession au 3175, Chemin des Quatre Bourgeois, Bureau 350, en les villes et province de Québec, G1W 2K7, déclare solennellement ce qui suit:
1. Je suis la consultante responsable de l’entreprise Les Cochonnailles Champenoises, entreprise en mutuelle de prévention, en la présente instance;
2. Je connais bien les faits relatifs à ce dossier que j’ai personnellement géré;
3. Jeudi le 17 mars 2011, je reçois un appel de l’agente responsable du dossier CSST du travailleur, madame JuIie Height, cette dernière m’annonce que le travailleur quittera pour la France en date du 27 mars 2011;
4. Durant cet échange téléphonique, du 17 mars 2011, madame Height m’assure que le travailleur poursuivra son suivi médical auprès de son médecin traitant en France, et ce, jusqu’à la consolidation de sa lésion professionnelle;
5. Le 17 mars 2011, je tente de communiquer avec l’entreprise Les Cochonnailles Champenoises, afin de les informer de la situation ci-dessus détaillée, je laisse un message vocal à monsieur Nicolas Garcia (actionnaire) lui demandant de me rappeler le plus rapidement possible;
6. Vendredi le 18 mars 2011, monsieur Garcia retourne mon appel et je l’informe de la situation entourant le départ imminent du travailleur pour la France;
7. Suite à mes recommandations, afin de protéger les intérêts financiers de l’entreprise, monsieur Garcia et son associé Ghislain Marot décident de proposer au médecin qui a charge des tâches en assignation temporaire afin de réintégrer le travailleur dans leur entreprise;
8. Vendredi le 18 mars 2011, j’achemine auprès du médecin qui a charge Dr Joan Sauvageau, une proposition d’assignation temporaire;
9. Mercredi le 23 mars 2011, je communique à la clinique médicale où pratique le Dr Sauvageau, afin de m’assurer qu’ils ont bien reçu la proposition d’assignation temporaire envoyée le 18 mars 2011;
10. La secrétaire du Dr Sauvageau me confirme avoir reçu la proposition d’assignation temporaire, elle m’assure que les documents se retrouvent au dossier du travailleur, mais qu’elle n’a aucun contrôle sur la rapidité de traitement de ces documents;
11. Le 23 mars 2011, je communique avec l’entreprise Les Cochonnailles Champenoises, afin de les informer que notre proposition d’assignation temporaire est toujours sans réponse du médecin qui a charge;
12. Suite à mes recommandations, afin de valider le suivi médical, messieurs Garcia et Marot, m’autorisent à prendre un rendez-vous auprès d’un médecin expert;
13. Le 23 mars 2011, je communique avec la Clinique de Médecine Industrielle Brunet, afin d’obtenir leur disponibilité pour une expertise médicale;
14. Jeudi le 24 mars 2011, considérant que la Clinique de Médecin Industrielle Brunet ne m’a toujours pas fourni de disponibilité pour une expertise, je communique avec le Groupe Santé Médisys pour obtenir leur disponibilité pour une expertise médicale;
15. Le Groupe Santé Médisys m’offre comme première plage horaire disponible pour une expertise médicale la date du 13 avril 2011 à 10 h, j’autorise la réservation de cette plage horaire;
16. Le 24 mars 2011, je rédige à l’attention du travailleur l’avis de convocation à une expertise médicale en vertu de l’article 209 LATMP et je l’achemine par télécopieur à l’entreprise Les Cochonnailles Champenoises;
17. Durant un échange téléphonique, en date du 24 mars 2011, avec l’entreprise Les Cochonnailles Champenoises, messieurs Garcia et Marot, m’affirment qu’ils se présenteront personnellement à la résidence du travailleur afin de lui signifier l’avis de convocation;
18. En date du 25 mars 2011, la Clinique de Médecin Industrielle Brunet ne m’a toujours pas rappelée pour m’offrir une disponibilité antérieure au 13 avril 2011;
19. Tous les faits mentionnés au présent affidavit sont vrais au meilleur de ma connaissance. [sic]
(L’entête et les signatures sont omis.)
[22] Le 22 mars 2011, le travailleur est examiné par le docteur Sauvageau une dernière fois. Elle note une ankylose persistante malgré les traitements d’ergothérapie, mais une certaine amélioration de la sensibilité au niveau de la pulpe. Elle précise que le travailleur doit poursuivre ses traitements d’ergothérapie.
[23] Dans son rapport final du 23 mars 2011, l’ergothérapeute indique que la lésion du travailleur nécessitera un suivi intensif afin qu’il puisse récupérer une extension complète, améliorer la flexion, favoriser la désensibilisation de l’index et redonner de la souplesse à la cicatrice. Il devra également débuter un programme de renforcement.
[24] Le 25 mars 2011, monsieur Garcia, accompagné de son associé monsieur Ghislain Marot, se rend directement au domicile du travailleur pour lui remettre en main propre la convocation à l’expertise médicale prévue le 13 avril 2011. Dans la lettre suivante, monsieur Garcia relate la façon dont s’est déroulée la rencontre avec le travailleur qui avait alors communiqué avec son agente d’indemnisation :
Brossard, le 30 Mars 2011
Objet: Rencontre Monsieur Petitrenaud
À qui de droit,
Vendredi 25 Mars 2011, nous avons rencontré M. Petitrenaud afin de lui remettre un document concernant une expertise pour valider qu’il pouvait effectuer les travaux que nous lui avions assigner.
Après avoir pris connaissance du document M. Petitrenaud nous a dit qu’il ne pouvait pas se rendre au rendez vous prétextant qu’il serait en France et que son agent de CSST était au courant et également d’accord. Par la suite, M. Petitrenaud refusait de signer la lettre et voulait parler à Mme Bernier, notre conseillère chez Accisst pour savoir pourquoi il devait signer la lettre.
J’ai donc appelé Mme Bernier qui m’a expliqué qu’elle ne pouvait pas parler à M. Petitrenaud, pour ne pas être accusé de l’avoir incité à faire quoi que ce soit. Par contre, elle m’a expliqué les directives à suivre.
Pour finir, M. Petitrenaud a réussi à communiquer avec la CSST qui lui aurait dit qu’il n’y avait pas de problème et qu’il pouvait signer la lettre car de toutes les façons ses indemnités ne seraient pas coupées et que l’on ne pouvait rien faire. Tout cela m’a été expliqué par M. Petitrenaud qui arboré alors un grand sourire de satisfaction.
En partant, je me lui ai aussi demandé comment se porter son index et il m’a répondu que ça allait bien tout en me montrant qu’il pouvait se servir de sa main sans trop d’handicap.
En espérant le tout conforme, je vous pris d’agréer à mes sentiments distingués. [sic]
Nicolas Garcia
Directeur Administratif
[25] L’agente d’indemnisation contactée par le travailleur lors de la visite de messieurs Garcia et Marot, note ceci au dossier, le 25 mars 2011, quant à sa conversation avec le travailleur et celle avec madame Bernier :
Titre: Expertise médicale
-ASPECT LÉGAL:
Appel reçu du T m’informant que le représentant de E a cédulé une expertise médicale à la mi-avril et il sera déjà en France.
T est informé que ses IRR ne seront pas suspendues puisque l’entente internationale entre le CSST et la France lui permet de faire le suivi de son dossier hors Québec;
La mutuelle peut transiger pour le faire expertise la où il habitera;
Appel fait à Mme Laurina Bernier, mutuelle
Je l’informe que T ne pourra pas être à l’expertise médicale prévue à a mi-avril puisqu’il sera en France; De plus, je l’ai avisé de ce fait le 17-03-2011;
Mme Bernier n’est pas d’accord avec cette procédure; Je lui explique que nous sommes liés à l’entente internationale qui existe et que même si elle est en désaccord la Commission refusera la demande de suspension d’IRR dans le dossier. [sic]
[26] Le 6 avril 2011, madame Bernier contacte de nouveau la CSST et manifeste, une fois de plus, son désaccord avec la décision de la CSST d’autoriser le travailleur a quitter le Québec avant même qu’il n’ait pu le faire expertiser par leur médecin désigné, tel qu’il appert des notes évolutives du 6 avril 2011 :
Titre: Demande de suivi médical
- ASPECT PROFESSIONNEL:
Appel de Mme Laurina Bernier représentant de l’E -
Elle me demande si nous avons un suivi médical du T qui est parti en France pour la convalescence de la coupure de son doigt. Elle m’explique qu’elle est en total désaccord avec la CSST face au refus de suspendre le T en vertu de l’A 142 pour omission de s’être présenter en expertise médical. Je lui suggère de discuter avec notre chef d’équipe qui est au courant de la situation dans ce dossier. [sic]
[27] Dans une lettre du 19 avril 2011, l’employeur demande à la CSST de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur, en vertu de l’article 142 de la loi, parce qu’il ne s’est pas présenté, le 13 avril 2011, chez leur médecin désigné pour se faire examiner tel que prévu par la loi, à l’article 209.
[28] Le 27 avril 2011, la CSST rend une décision concernant la demande de l’employeur formulée le 19 avril 2011. Elle refuse de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur au motif qu’il avait une raison valable pour ne pas se présenter chez le médecin désigné de l’employeur le 13 avril 2011. Cette décision est confirmée, le 21 septembre 2011, à la suite d’une révision administrative. Il s’agit de la décision faisant l’objet d’une contestation par l’employeur dans le présent dossier.
[29] Également le 27 avril 2011, la CSST fait parvenir une lettre au travailleur à l’adresse de ses parents en France. Elle y mentionne que depuis son départ pour la France, le 27 mars dernier, il n’a donné aucune nouvelle. Il avait pourtant l’obligation de se trouver un médecin pour faire son suivi médical de même qu’une clinique pour poursuivre ses traitements d’ergothérapie. Par conséquent, il lui est demandé de contacter la CSST pour faire le suivi de son dossier de même que pour fournir un numéro de téléphone pour le rejoindre.
[30] Ce n’est que le 2 mai suivant que le travailleur téléphone à la CSST, mais ne laisse aucun numéro de téléphone pour que l’agente puisse lui téléphoner.
[31] Le 3 mai 2011, le docteur Sauvageau retourne à l’employeur le formulaire d’Assignation temporaire d’un travail reçu le 18 mars précédent. Elle y confirme qu’elle est d’accord pour que le travailleur effectue les tâches proposées par l’employeur, mais ajoute « ce patient n’est pas reparti en Europe? ».
[32] Pour la première fois depuis son départ, le travailleur discute avec un intervenant de la CSST le 11 mai 2011. Il lui fait part qu’il voit un kinésiologue, que sa lésion n’est toujours pas consolidée et qu’il est encore en arrêt de travail. Son médecin traitant est le docteur Genestet de Nantes. Il ajoute qu’il va revenir au Québec, mais ne sait pas à quelle date.
[33] Le 19 mai 2011, la nouvelle agente d’indemnisation du travailleur lui envoie un courriel lui demandant de la contacter pour faire un suivi de son dossier. Elle informe également monsieur Garcia qu’elle est maintenant responsable du dossier du travailleur.
[34] Les 20 et 26 mai 2011, l’employeur contacte la nouvelle agente au dossier pour connaître l’évolution du dossier. Celle-ci lui répond qu’elle est sans nouvelle du travailleur.
[35] Le 30 mai 2011, l’agente d’indemnisation fait parvenir une lettre au travailleur lui demandant de la contacter pour procéder au suivi de son dossier.
[36] Également le 30 mai 2011, l’agente d’indemnisation contacte l’employeur pour l’informer que le formulaire d’Assignation temporaire d’un travail rempli par le docteur Sauvageau n’est pas valide puisque le médecin traitant en France est le docteur Genestet.
[37] Étant toujours sans nouvelle du travailleur, le 21 juin 2011, la CSST rend une décision par laquelle elle informe le travailleur qu’elle suspend le versement de son indemnité de remplacement du revenu à compter du 3 juin 2011 par l’application de l’article 142 de la loi parce qu’il refuse ou néglige de fournir à la CSST les informations requises pour le suivi de son dossier. Elle précise que le versement de son indemnité pourra être repris dès que le motif justifiant la suspension n’existera plus.
[38] Le 23 juin 2011, le travailleur contacte la CSST. Sa lésion aurait été consolidée par son médecin le 15 juin 2011, mais il n’a pas de rapport final à cet effet. Le médecin est d’avis qu’il peut reprendre son travail. Il ne croit pas qu’il va revenir travailler chez son employeur au Québec.
[39] L’agente l’informe que, dès qu’elle recevra le rapport final attestant de la consolidation de sa lésion, elle va autoriser le versement de son indemnité de remplacement du revenu jusqu’à la date de consolidation émise par son médecin.
[40] Le travailleur fait parvenir à la CSST un Certificat médical rempli par le docteur Boulay de Teille, le 26 juin 2011. Elle consolide la lésion à cette date et autorise une reprise du travail.
[41] L’employeur dépose à l’audience, un document intitulé, Portrait du travailleur, attestant que des indemnités de remplacement du revenu ont été versées au travailleur jusqu’au 26 juin 2011 inclusivement.
[42] Le 27 juin 2011, le travailleur fait parvenir une lettre à l’employeur pour l’informer qu’il rompt son contrat de travail devant se terminer le 29 février 2012 et que cette rupture de contrat prend effet le 27 juin 2011.
[43] Le 18 novembre 2011, l’employeur demande un transfert du coût des prestations versées au dossier du travailleur en vertu de l’article 326 de la loi que la CSST refuse par une décision rendue le 7 décembre 2011. Par une décision rendue à la suite d’une révision administrative le 2 février 2012, la CSST confirme ce refus. Il s’agit de la seconde décision faisant l’objet d’une contestation par l’employeur dans le présent dossier.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
Dossiers 453141-62-1111 et 465558-62-1203
[44] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST était justifiée de refuser de suspendre l’indemnité de remplacement du travailleur à compter du 13 avril 2011, date à laquelle il ne s’est pas présenté au bureau du médecin désigné de l’employeur devant l’examiner ou subsidiairement, le 27 mars 2011, date de son départ pour la France.
[45] Évidemment, il ne revient pas à la Commission des lésions professionnelles de discuter de l’entente internationale en matière de sécurité sociale permettant à un travailleur de retourner dans son pays d’origine pendant la période de consolidation d’une lésion professionnelle subie au Québec.
[46] De toute façon, la Commission des lésions professionnelles ne connaît de cette entente que ce que le dossier en comporte, c’est-à-dire les informations concernant celle-ci rapportées par l’agente d’indemnisation dans les notes évolutives au dossier, delà l’importance de les avoir citées intégralement dans les faits de la présente décision.
[47] Cela n’empêche pas la Commission des lésions professionnelles de constater que, sans vouloir nier le droit d’un travailleur de bénéficier d’une telle entente ayant une portée internationale, il y aurait toutefois lieu pour la CSST de s’interroger sur les modalités d’application de celle-ci pour éviter qu’il n’en résulte un déni total des droits d’un employeur prévus à la loi, comme dans le présent cas. Ce type d’entente internationale en matière de sécurité sociale ne doit certes avoir préséance sur la loi; les dispositions de la loi demeurant incontournables.
[48] En effet, le travailleur demande à l’agente d’indemnisation de retourner en France pour la durée de sa consolidation, le 11 mars 2011. Celle-ci n’en informe point l’employeur aussitôt. Elle ne le fait qu’après avoir fait toutes les vérifications nécessaires à ce sujet et qu’après avoir confirmé au travailleur qu’il pouvait quitter pour la France, ce qu’il prévoit faire aussitôt que le 27 mars suivant.
[49] Ce n’est que le 17 mars 2011, soit 10 jours avant la date prévue du départ du travailleur que l’agente contacte, non pas l’employeur, mais la personne responsable de son dossier auprès de la mutuelle de prévention dont il fait partie, madame Bernier.
[50] Tel qu’il appert de son affidavit circonstancié reproduit intégralement précédemment, il ne fait aucun doute que madame Bernier a procédé avec diligence dans le dossier en mettant en place une assignation temporaire de travail à faire approuver par le médecin qui a charge du travailleur et en retenant les services d’un médecin pour faire expertiser le travailleur.
[51] Dès le lendemain, soit le 18 mars 2011, un formulaire d’Assignation temporaire d’un travail est acheminé au médecin traitant dont la réception est confirmée par la secrétaire du docteur Sauvageau. Or, ce n’est que le 3 mai 2011 que le docteur Sauvageau retourne le formulaire dûment rempli à l’employeur.
[52] Madame Bernier réussit également à retenir les services d’un médecin expert pour le 13 avril 2011.
[53] Le 25 mars 2011, monsieur Garcia et Marot se rendent même à la résidence du travailleur pour lui remettre en main propre la convocation à cette expertise, tel qu’il appert de la lettre de monsieur Garcia reproduite intégralement précédemment.
[54] Le travailleur contacte alors l’agente d’indemnisation qui lui dit qu’il n’a pas à se présenter à cette expertise étant donné qu’il quitte pour la France le 27 mars suivant. L’agente d’indemnisation contacte aussitôt madame Bernier pour l’informer que, même si l’employeur est en désaccord avec les conséquences du départ du travailleur, la CSST est liée par l’entente internationale de sorte que toute demande de suspension de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur suivant l’article 142 de la loi sera refusée, tel qu’il appert de la note évolutive du 25 mars 2011 reproduite précédemment.
[55] Le travailleur quitte donc pour la France le 27 mars 2011 et ne donne aucune nouvelle à la CSST contrairement à ce qu’il avait convenu de faire lors de sa rencontre avec l’agente d’indemnisation le 15 mars 2011.
[56] Le travailleur ne donne même pas ses coordonnées à la CSST pour qu’il puisse être rejoint en France.
[57] Les agents de la CSST ont dû lui faire parvenir des lettres ou des courriels pour lui demander de les contacter.
[58] Pourtant ce dernier s’était engagé à fournir toutes les informations requises à la CSST qui l’avait alors averti qu’elle pourrait suspendre le versement de son indemnité de remplacement du revenu s’il ne respectait pas ses obligations envers la CSST pendant qu’il était en France pour la consolidation de sa lésion.
[59] Le travailleur n’a jamais confirmé le nom de son médecin traitant à son arrivée en France et n’a jamais fait parvenir de rapports médicaux prouvant qu’il continuait toujours son suivi médical.
[60] Le travailleur n’a également jamais fourni de rapport démontrant qu’il faisait des traitements d’ergothérapie, tel que prescrit par le docteur Sauvageau.
[61] Ce n’est que le 11 mai 2011 que l’agente a réussi à lui parler pour la première fois.
[62] En fait, après son départ, la CSST n’a pu le rejoindre qu’à deux reprises, soit le 11 mai 2011 et le 23 juin 2011.
[63] Quand la CSST a finalement pu lui parler, le 11 mai 2011, le travailleur a indiqué que son médecin traitant était le docteur Genestet de Nantes alors qu’en fin de compte, c’est le docteur Boulay de Teille qui a rempli le rapport médical de consolidation de la lésion.
[64] Il s’agit d’ailleurs du seul et unique rapport médical envoyé par le travailleur à la CSST entre le 27 mars 2011 et le 27 juin 2011, date de consolidation de sa lésion.
[65] Certes, il a aussi mentionné à son agente, le 11 mai 2011, qu’il faisait des traitements de kinésiologie, mais aucun rapport n’a été fourni à la CSST pour le prouver.
[66] Finalement, le 21 juin 2011, la CSST a dû recourir à la procédure de suspension de l’article 142 de loi pour forcer le travailleur à effectuer le suivi dans son dossier et fournir les informations qu’il avait l’obligation de faire parvenir à la CSST.
[67] C’est seulement le 23 juin 2011, à la suite de la réception de cette décision, que la CSST a eu des nouvelles du travailleur.
[68] Lors de cette conversation du 23 juin 2011, le travailleur a mentionné à la CSST que sa lésion était consolidée depuis le 15 juin 2011 alors qu’il s’avère que c’est le docteur Boulay qui consolidera sa lésion le 27 juin 2011 suivant dans un rapport médical envoyé à la CSST.
[69] De façon rétroactive, force est de constater que le travailleur n’a respecté aucune des obligations qu’il devait respecter pour poursuivre sa consolidation en France, tel que lui en avait fait part son agente le 15 mars 2011.
[70] La Commission des lésions professionnelles estime pertinent de reprendre le passage pertinent de cette rencontre pour bien faire ressortir que le travailleur n’a offert aucune collaboration avec la CSST, tel qu’il s’était engagé à le faire :
6. Convenir avec le travailleur quelles seront les modalités de suivi, notamment la fréquence des contacts avec l’intervenant de la CSST lorsqu’il sera déménagé.
T informé qu’il doit faire un suivi médical au moins une fois par mois;
Le suivi médical devrait se faire avec son médecin de famille, le Dr Boulet;
Il nous donnera ses coordonnées dès qu’il les aura. Possibilité que ce soir un autre médecin, mais si c’est le cas T nous informera.
En arrivant en France, le T fera les démarches nécessaire pour recevoir les traitements d’ergothérapie qui sont prescrit.
7. Établir un contrat clair avec le travailleur, en l’informant: J’ai vu avec le T ses droits et obligation, je l’ai informé de notre rôle et des conséquences s’il ne respecte pas ses droits et obligations.
o De ses droits et de ses obligations en vertu de la LATMP
• Le travailleur doit garder contact avec nous et être en mesure de fournir les informations nécessaires au traitement de son dossier. Ex. : Le travailleur doit nous informer de tout changement dans sa situation en rapport avec sa lésion professionnelle.
• Le remboursement des divers frais (ex. : les frais de déplacement).
o De notre rôle d’assureur et des Iimites de la loi
• Informer le travailleur des objectifs visés de la LATMP, soit la réparation de sa lésion professionnelle ainsi que des conséquences qu’elle entraîne dans un but ultime de retour au travail.
o Des conséquences éventuelles pour le travailleur s’il ne se conforme pas à ses obligations.
• La CSST peut réduire ou suspendre ses indemnités (art.142 LATMP) si le travailleur, sans raison valable, omet ou refuse, par exemple, de:
-se soumettre à un traitement médical; ou
-de fournir une information médicale; ou
-faire le travail que son employeur lui assigne temporairement.
8. Planifier les services requis pour le travailleur:
o Le plus tôt possible et même avant son départ, demander au travailleur de nous fournir les coordonnées des établissements de santé qu’il fréquentera dès son arrivée.
Comme écrit ci-dessus, le suivi médical sera peut-être fait par le Dr Boulet, mais n’a pas encore les coordonnées; N’a pas non plus les coordonnées de la clinique pour les traitements d’ergothérapie;
o Communiquer le plus tôt possible avec les établissements de santé afin de leur faire part des besoins du travailleur ainsi que de nos besoins pour le traitement de son dossier.
Dès que nous aurons l’information nous pourrons communiquer avec les établissements concernés.
9. Établir un plan de suivi qui doit prévoir les activités suivantes:
o Évaluer la pertinence de faire expertiser le travailleur avant son départ;
Pas nécessaire pour le moment; La lésion nécessite toujours les soins et traitement de professionnels.
o Prévoir à l’avance avec le médecin traitant du Québec, les soins et traitements qui seront requis à court et moyen terme;
Nous savons déjà que le T a besoin de traitements d’ergothérapie. De plus, lors de la DVM du 2-03-2011, la consolidation est prévue + de 60 jours et séquelles à prévoir (possiblement de I’apipp)
o Informer le travailleur de la pertinence et de la nécessité de suivre assidûment les traitements prescrits par le médecin; ok
Le T en a été informé.
o Informer le travailleur de l’importance de nous transmettre tous les renseignements requis tels que les rapports médicaux;
Le T en a été informé.
o Suggérer au travailleur de maintenir un compte bancaire au Canada;
Suggestion fait au T, mais ne sait pas comment il procédera. Nous avisera.
o Planifier avec le travailleur, les prochaines rencontres avec le médecin;
T devra prendre RDV en arrivant en France.
o Garder un contact régulier avec le travailleur en utilisant les moyens de communication les plus appropriés selon la situation (internet, téléphone, fax). [sic]
[71] Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles estime que la CSST aurait dû suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du travailleur suivant l’article 142 de la loi bien avant qu’elle ne le décide de le faire le 21 juin 2011.
[72] En fait, le 21 juin 2011, la CSST informait le travailleur que le versement de son indemnité de remplacement du revenu serait suspendu rétroactivement au 3 juin 2011.
[73] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, plusieurs éléments au dossier justifient la suspension du versement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur à compter de la date de son départ, soit le 27 mars 2011.
[74] D’abord, il est clair que le travailleur a tantôt refusé et tantôt négligé de fournir tous les renseignements requis par la CSST ou encore qu’il a fourni des renseignements inexacts.
[75] De plus, il n’y a aucune preuve que le travailleur a reçu, alors qu’il était en France, les traitements d’ergothérapie prescrits par le docteur Sauvageau.
[76] De même, l’agente d’indemnisation n’a en aucun moment considéré les conséquences de sa décision hâtive à permettre au travailleur de quitter rapidement le Québec alors qu’il n’y avait aucune urgence dans son cas puisqu’il détenait un permis de travail valide.
[77] Ce faisant, l’employeur a été privé de son droit de demander au travailleur d’effectuer une assignation temporaire d’un travail, laquelle assignation a même été autorisée par le docteur Sauvageau, médecin à charge.
[78] L’employeur a également été privé de son droit de recourir à la procédure d’évaluation médicale du travailleur par un médecin désigné de son choix conformément à la loi.
[79] C’est donc en vertu des paragraphes a) et b) de l’alinéa premier de l’article 142 de la loi que la CSST était justifiée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur pour ces motifs. Cet article se lit comme suit.
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :
1° si le bénéficiaire :
a) fournit des renseignements inexacts;
b) refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;
2° si le travailleur, sans raison valable :
a) entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;
b) pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;
c) omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;
d) omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;
e) omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180 ;
f) omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274 .
__________
1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.
[80] Reste par contre à analyser la question de la portée rétroactive de l’article 142 de la loi puisque, dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles décide de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur non pas à compter du 19 avril 2011, mais plutôt à compter du 27 mars 2011.
[81] En effet, la Commission des lésions professionnelles estime que les circonstances du présent cas justifient que la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu commence le 27 mars 2011 étant donné les faits très particuliers de ce dernier.
[82] Sur la question de conférer une portée rétroactive à l’article 142 de la loi, la Commission des lésions professionnelles fait sienne l’analyse de la jurisprudence et les conclusions de la juge administrative Lajoie dans l’affaire Hydro-Québec (Gestion Accident du travail) et Dubé[2] et pour saisir l’ensemble du raisonnement de la juge administrative Lajoie, la Commission des lésions professionnelles estime pertinent de citer le long extrait suivant de sa décision :
[58] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST pouvait suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 25 janvier 2007.
[59] Elle doit également décider si la travailleuse doit rembourser l’indemnité de remplacement du revenu reçue à compter du 25 janvier jusqu’au 16 février 2007 et du 5 mars au 6 juin 2007, l’employeur alléguant la mauvaise foi de la travailleuse.
[60] Dans la présente affaire, la CSST a suspendu le versement de l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse à compter du 16 février 2007, et ce, en application de l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles1 (la loi) qui se lit comme suit :
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :
1° si le bénéficiaire :
a) fournit des renseignements inexacts;
b) refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;
2° si le travailleur, sans raison valable :
a) entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;
b) pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;
c) omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;
d) omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;
e) omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180 ;
f) omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274 .
__________
1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.
[61] La CSST applique en l’espèce le paragraphe 2 e) de cet article, alléguant que la travailleuse a omis ou refusé, sans raison valable, de faire le travail que son employeur lui a assigné temporairement et qui avait été accepté par son médecin.
[62] Aucune des parties ne remet en question le bien fondé de la suspension du versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 16 février 2007.
[63] Compte tenu de la preuve, le tribunal estime que c’est à bon droit que la CSST a suspendu le versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
[64] Il est donc reconnu que la travailleuse n’avait pas de raison valable de ne pas exécuter l’assignation temporaire autorisée par son médecin. Il faut également souligner que la travailleuse n’a en aucun temps contesté l’assignation temporaire autorisée par son médecin conformément aux articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail2.
[65] La question est donc de savoir à compter de quelle date la suspension du versement de l’indemnité de remplacement du revenu doit prendre effet.
[66] L’employeur soumet que le versement de l’indemnité doit être suspendu à compter du 25 janvier 2007. Quant à la CSST, elle a débuté la suspension le 16 février 2007. Il appert du dossier qu’elle a retenu cette date dans le but de ne pas créer de surpayé.
[67] Le tribunal retient de la preuve que le médecin de la travailleuse, le docteur Houde, a autorisé l’assignation temporaire à compter du 25 janvier 2007. Il appert du témoignage de la docteure Marsolais que la pratique veut que lorsqu’aucune date n’apparaît sur le formulaire d’assignation temporaire, c’est la date de la visite médicale qui doit être retenue.
[68] Il appert de plus de ce témoignage que c’est sans hésitation que le docteur Houde lui a mentionné que la travailleuse était apte à exécuter l’assignation temporaire le 25 janvier 2007. C’est ce qui appert également des notes évolutives du dossier.
[69] Enfin, la travailleuse reconnaît elle-même que lors de la visite médicale du 25 janvier 2007, son médecin lui a mentionné qu’elle était apte à retourner au travail. Elle a également obtenu copie du formulaire d’assignation temporaire ce même jour.
[70] Le tribunal est donc d’avis que c’est à compter du 25 janvier 2007 que la travailleuse omet ou refuse, sans raison valable, d’exécuter le travail assigné temporairement par son employeur.
[71] L’article 142 de la loi prévoit une mesure qui permet à la CSST d’imposer une conséquence au travailleur qui agit de la sorte, soit la suspension du versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
[72] Toutefois, la CSST n’est pas avisée immédiatement de cette situation et ce n’est que le 1er mars 2007 qu’elle rend une décision visant la suspension du versement de l’indemnité.
[73] La prétention de l’employeur voulant que la suspension devrait se faire à compter du 25 janvier 2007 soulève la question de la portée rétroactive de l’article 142 de la loi.
[74] La jurisprudence de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles et de la Commission des lésions professionnelles contient plusieurs exemples de décisions dans lesquelles le tribunal a eu à statuer sur cette question. Dans la plupart des cas, le tribunal en vient à la conclusion que l’article 142 de la loi n’a pas de portée rétroactive. Cette conclusion repose sur les arguments suivants
- La suspension doit prendre effet à la date de la décision à cet effet. Si elle est fait rétroactivement, elle prive le travailleur de la possibilité de mettre fin à la suspension en remédiant à la situation3.
- La suspension du versement de l’indemnité de remplacement du revenu ne peut pas être rétroactive parce que ce concept suppose l’existence d’un versement à faire et s’oppose donc à l’idée de la suspension d’une indemnité déjà versée4.
- Le pouvoir conféré à la CSST par l’article 142 de la loi n’est pas de nature punitive mais a pour but d’inciter le travailleur à remédier à l’une des situations visées dans cet article5.
[75] Dans l’affaire Berkline6, le commissaire Ducharme précise que l’interprétation voulant que l’article 142 de la loi n’ait pas de portée rétroactive doit être retenue même si elle peut conduire à des résultats pratiques peu satisfaisants.
[76] Toutefois, la Commission des lésions professionnelles a déjà conclu que, dans des circonstances particulières, l’article 142 pouvait avoir un effet rétroactif.
[77] C’est le cas dans l’affaire Rivard et CLSC des Trois Vallées7, dans laquelle la commissaire est d’avis que la position voulant que la suspension de l’indemnité ne peut avoir d’effet rétroactif est une application trop restrictive de l’article 142 de la loi. Elle rappelle que ces dispositions doivent être analysées en tenant compte du contexte où l’assignation temporaire revêt un intérêt financier pour l’employeur et favorise la réadaptation du travailleur. Or, si un travailleur, sans raison valable, omet de faire le travail proposé par l’employeur en vertu de l’article 179 de la loi, il prive ce dernier du bénéfice conféré par cet article.
[78] La Commission des lésions professionnelles donne aussi un effet rétroactif à l’article 142 de la loi pour les mêmes considérations dans l’affaire Braga8. Le tribunal ajoute que l'employeur ne doit pas être tributaire des délais que prend la CSST pour imposer une suspension de l’indemnité de remplacement du revenu. Dans cette affaire, le travailleur n’a pas, comme c’est le cas en l’espèce, contesté l’assignation temporaire selon la procédure prescrite. Le commissaire écrit :
«[17] Ces dispositions législatives nous enseignent donc que si le travailleur n'est pas d'accord avec l’avis de son médecin de l'affecter temporairement à un travail léger, il doit d’abord utiliser la procédure prévue à l’article 37 de la LSST. Pendant le recours à cette procédure, le travailleur n’a pas l’obligation d'exécuter le travail et il lui est temporairement permis de s'absenter.
[18] Or, dans le cas sous étude, plutôt que de recourir à la procédure de contestation, après avoir accompli un premier quart de travail, le travailleur s'est absenté de son propre chef et ne s'est pas présenté au quart de travail suivant. En faisant de la sorte, il faisait fi de la procédure décrite à la loi ainsi qu’à la LSST et s’exposait à ce que la CSST, en vertu de l’article 142 de la loi, réduise ou suspende le versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
[19] Le tribunal constate que l’assignation temporaire, telle qu’elle est décrite par le travailleur durant l'audience, rencontre la description que l'employeur en faisait sur le formulaire qu’il adresse au médecin du travailleur. Bien que sur cette description, on indique que le travailleur devra manipuler un drapeau et, qu’en cours de témoignage, celui-ci précise qu’il s’agissait plutôt d’une enseigne, le tribunal estime que cette différence ne revêt pas un caractère propre à dénaturer l’assignation temporaire. Le travailleur avait donc l’obligation d’effectuer cette assignation à défaut de la contester selon la procédure.
[20] La Commission des lésions professionnelles conclut que la CSST pouvait suspendre le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu en raison du refus du travailleur de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu’il était tenu de faire. Cette suspension se poursuit aussi longtemps que le travailleur n’effectue pas cette assignation ou se prévale de la procédure de contestation.
[21] À compter de quelle date cette suspension pouvait-elle débuter? Sur sa décision initiale, la CSST détermine que la suspension commence à la date à laquelle le travailleur ne s'est pas présenté au travail, soit le 20 juin 2003. Toutefois, en révision administrative, la CSST détermine que la suspension ne peut avoir un effet rétroactif et prend plutôt effet le 24 juillet 2003, soit à la date à laquelle elle signifie au travailleur que l’indemnité de remplacement du revenu ne sera plus versée. Sur ce point, le tribunal estime que, tenant compte des circonstances particulières du présent cas, l’application de l'article 142 peut avoir un effet rétroactif. Une décision contraire aurait pour effet de restreindre la portée de l’article 179 de la loi, alors que l'employeur a un intérêt financier pour assigner le travailleur à un travail allégé et que le travailleur, sans raison valable, prive l'employeur de ces bénéfices. C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle en arrive la jurisprudence consultée par le soussigné9. Enfin, le tribunal estime que l'employeur ne doit pas être tributaire des délais que prend la CSST pour imposer une suspension de l’indemnité de remplacement du revenu.
[22] De tout ce qui précède, le tribunal estime qu’on doit rétablir la première décision rendue par la CSST le 24 juillet 2003 et que c’est à bon droit qu’elle a initialement suspendu le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur à compter du 20 juin 2003.»
[79] Enfin, dans l’affaire Bourgeois et Transport TF 15, S.E.C.10, le commissaire réfère à ces principes et suspend rétroactivement le versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
[80] Le tribunal constate en premier lieu qu’en déclarant dans sa décision du 1er mars 2007 que le versement de l’indemnité est suspendu à compter du 16 février 2007, la CSST donne un certain effet rétroactif à l’article 142 de la loi, la suspension n’ayant pas pris effet seulement à la date de la décision.
[81] Après avoir analysé l’ensemble de la preuve, le tribunal estime que les circonstances particulières de la présente affaire justifie que la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu débute le 25 janvier 2007.
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1 L.R.Q., C. A-3.001
2 L.R.Q., c. S-2.1
3 Richer et Ville de St-Hubert, [1990] CALP 411 ; Fortin et Donohue Normick inc., [1990] CALP 907 ; Salvaggio et Asphalte et pavage Tony inc., [1991] CALP 291 ; Westroc et Beauchamp, [2001] CLP 206 ; Algier et Groupement forestier Haut-Yamaska inc., 144149-62B-0008, 23 mai 2001, Alain Vaillancourt, révision rejetée, 12 avril 2002, G. Godin.
4 Berkline inc. et Hasler, CLP, 134590-73-0003, 14 décembre 2000, C.-A. Ducharme (00LP-130); Riopel et Laflamme, CLP, 320104-63-0706, 22 mai 2008, M. Juteau
5 Berlkline et Hasler, citée note 2; Allaire et Resto-Brasserie Le Grand-Bourg, CLP, 153256-32-0012, 17 avril 2001, M.-A. Jobidon; Chantal et Services de gestion Quantum ltée, CLP, 185557-62-0206, 10 mars 2003, H. Marchand; G.P.C. Excavation inc. et Prévost, CLP 257713-03B-0503, 21 septembre 2005, G. Marquis (05LP-149)
6 Déjà citée, note 2.
7 [1999] CLP 619
8 Braga et Constructions Louisbourg ltée, CLP, 231923-71-0404, 21 avril 2005, R. Langlois
9 Rivard et CLSC des trois vallées, [1999] C.L.P. 619
10 C.L.P., 346127-04B-0804, 5 septembre 2008, M. Watkins
[83] La présente décision de la Commission des lésions professionnelles est équitable pour l’employeur puisqu’elle a comme conséquence de faire en sorte que l’employeur ne sera pas imputé des coûts engendrés par la lésion professionnelle du travailleur subie le 31 janvier 2011 pour la période du 27 mars au 27 juin 2011 inclusivement.
[84] Étant donné cette décision de la Commission des lésions professionnelles, la demande de l’employeur faite en vertu de l’article 326 de la loi n’est plus justifiée et devient donc sans objet.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 453141-62-1111
ACCUEILLE la requête des Cochonnailles Champenoises, l’employeur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue à la suite d’une révision administrative le 21 septembre 2011;
DÉCLARE que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu de monsieur Steven Petit Renaud doit être suspendu pour la période du 27 mars au 27 juin 2011 inclusivement, en vertu de l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Dossier 465558-62-1203
REJETTE la requête de l’employeur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue, le 2 février 2012, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE sans objet la contestation de l’employeur du 16 mars 2012 de cette décision rendue par la CSST, le 2 février 2012.
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Marlène Auclair |
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Me Linda Lauzon |
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LE GROUPE ACCISST |
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Représentante de la partie requérante |
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