Matériaux BGB ltée |
2014 QCCLP 2600 |
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[1] Le 30 octobre 2012, Matériaux BGB ltée (l’employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) du 15 octobre 2012, rendue à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue initialement le 31 août 2012 et déclare d’une part que l’employeur n’a pas droit à un transfert de l’imputation et d’autre part, qu’il n’a pas droit à un partage de l’imputation concernant la lésion professionnelle du 11 novembre 2009 subie par le travailleur.
[3] L’employeur ayant renoncé à la tenue d’une audience, la présente décision est rendue conformément à l’article 429.14 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et tenant compte de l’argumentation écrite produite par le procureur de l’employeur.
[4] Le dossier est mis en délibéré à compter du 12 novembre 2013.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déterminer qu’il a droit à un transfert de l’imputation en vertu de l’article 326 de la loi.
[6] Il se dit obéré injustement par l’imputation du coût des prestations, à partir du 19 octobre 2011. À compter de cette date, le travailleur est dans l’impossibilité de réintégrer un emploi. Ceci, en raison d’une caractéristique personnelle (analphabétisme) et non en raison de limitations fonctionnelles découlant de sa lésion professionnelle.
LES FAITS
[7] À l’époque pertinente, le travailleur occupe un poste de préposé à la cour à l’établissement de l’employeur, une quincaillerie.
[8] Le 11 novembre 2009, il subit un accident du travail au cours duquel il se blesse à la région lombaire.
[9] On pose d’abord un diagnostic d’entorse lombaire. À la suite d’un examen paraclinique, le médecin qui a charge retient également le diagnostic de hernie discale.
[10] Le travailleur bénéficie d’un suivi médical soutenu au cours duquel il est examiné par différents médecins et passe divers examens paracliniques.
[11] Il sera examiné par un membre du Bureau d’évaluation médicale à deux reprises, soit le 29 avril 2010 par le docteur Jean-Pierre Lacoursière et le 8 février 2011, par le docteur Réjean Grenier.
[12] Les décisions rendues par la CSST à la suite de ces avis seront contestées jusqu’à la Commission des lésions professionnelles (dossiers 423041-01A-1010 et 439147-01A-1105).
[13] C’est ainsi que le 11 janvier 2012, la Commission des lésions professionnelles rend une décision[2] par laquelle elle déclare d’une part que le diagnostic de hernie discale L4-L5 n’est pas retenu et d’autre part, que la lésion professionnelle du 11 novembre 2009 (entorse lombaire) n’est pas encore consolidée en date du 15 février 2011.
[14] Cette entorse lombaire sera consolidée le 28 juillet 2011 avec une atteinte permanente à l'intégrité physique de 2,20 % et des limitations fonctionnelles.
[15] À l’automne 2011, le travailleur entreprend un processus de réadaptation pour évaluer notamment sa capacité d’occuper son emploi, un emploi convenable disponible chez son employeur ou un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail.
[16] Dès le 19 octobre 2011, on constate que la sévérité des limitations fonctionnelles émises et les difficultés du travailleur à lire et à écrire rendent impossible la détermination d’un emploi convenable chez son employeur.
[17] La CSST évalue alors la possibilité de déterminer un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail.
[18] Plusieurs rencontres ont lieu avec le conseiller en réadaptation. Le travailleur exprime ses craintes et ses doutes sur sa capacité d’occuper un emploi rémunérateur compte tenu de ses limitations fonctionnelles et de ses difficultés importantes pour lire et écrire. Ces difficultés l’insécurisent.
[19] À la suite du processus d’analyse, la CSST conclut à l’impossibilité pour le travailleur d’occuper un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail.
[20] Le 7 juin 2012, elle rend la décision suivante :
Objet : Décision concernant votre capacité de travail
Monsieur,
Comme nous en avons discuté au cours de notre dernière rencontre, il est actuellement impossible de déterminer un emploi que vous seriez capable d’exercer à temps plein.
En conséquence, nous continuerons à vous verser une indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce que vous ayez 68 ans. Cependant, à compter de votre 65e anniversaire de naissance, elle diminuera progressivement : de 25 % la première année, de 50 % l’année suivante, de 75 % la dernière année.
[21] Cette décision est contestée jusqu’à la Commission des lésions professionnelles (dossier 484759-01A-1210).
[22] Le 27 mai 2013, la Commission des lésions professionnelles rend une décision[3] par laquelle elle entérine un accord intervenu entre les parties concernant notamment le dossier 484759-01A-1210.
[23] Dans le cadre de cet accord, les parties admettent notamment ce qui suit :
[13] Les parties reconnaissent que l’impossibilité de déterminer au travailleur un emploi qu’il serait capable d’occuper à plein temps résulte principalement de la condition personnelle du travailleur, soit ses faibles capacités d’apprentissage et son analphabétisme.
[14] Les parties admettent que les limitations fonctionnelles de nature physique ne peuvent à elles seules empêcher le travailleur d’occuper un emploi à temps plein.
[24] C’est dans ce contexte que la Commission des lésions professionnelles conclut :
ACCUEILLIR en partie la requête de Matériaux BGB ltée, l’employeur;
CONFIRMER pour d’autres motifs la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 11 septembre 2012 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARER qu’il est actuellement impossible de déterminer un emploi que le travailleur serait capable d’occuper à temps plein; et
DÉCLARER que, conformément à la loi, le travailleur recevra une indemnité de remplacement du revenu jusqu’à l’âge de 68 ans. À compter du 65e anniversaire de naissance du travailleur cette indemnité diminuera progressivement : de 25 % la première année, de 50 % l’année suivante et de 75 % la dernière année.
[25] Entre-temps, le 3 juillet 2012, l’employeur formule une demande de transfert de l’imputation en vertu de l’article 326 de la loi.
[26] Le 31 août 2012, la CSST rend une décision par laquelle elle refuse la demande de transfert de l’imputation de l’employeur. Ce dernier en demande la révision.
[27] Le 15 octobre 2012, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative. Elle confirme son refus d’accorder un transfert de l’imputation.
[28] L’employeur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre de cette décision, d’où le présent litige.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[29] Le procureur plaide que l’employeur a droit à un transfert de l’imputation du coût des prestations de la lésion professionnelle du 11 novembre 2009 et ce, à compter du 19 octobre 2011.
[30] Il insiste sur le fait que c’est l’analphabétisme du travailleur qui explique son impossibilité à occuper un quelconque emploi à temps plein.
[31] Selon sa prétention, n’eut été de cet analphabétisme, le travailleur aurait occupé un emploi convenable chez son employeur dès le 19 octobre 2011. À ce moment, l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur aurait pris fin.
[32] Une telle situation est injuste pour l’employeur et l’obère injustement.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[33] Le tribunal doit déterminer s’il y a lieu d’accorder un transfert de l’imputation en vertu de l’article 326 de la loi.
[34] Cet article se lit comme suit :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[35] De façon générale, la CSST impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
[36] Selon certaines conditions, elle peut procéder à une imputation différente du principe général.
[37] En effet, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, la CSST peut imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
[38] Le deuxième alinéa de l’article 326 a fait l’objet d’une abondante jurisprudence et particulièrement en ce qui concerne la situation où l’employeur se dit obéré injustement par une imputation faite en vertu du principe général établi par le premier alinéa.
[39] Pour cette situation, on considère alors que l’employeur doit démontrer qu’il a subi une injustice et que le coût de celle-ci doit représenter une proportion significative de l’ensemble des coûts de la lésion professionnelle.
[40] L’analyse de la situation d’injustice peut se faire au regard des principes qui se dégagent de la décision rendue par la formation de trois juges administratifs dans l’affaire Ministère des Transports et CSST[4]. Alors que celle concernant la proportion de cette injustice peut s’avérer problématique, contradictoire ou même parfois arbitraire.
[41] Sur ce dernier aspect, il en résulte une difficulté réelle d’application du second alinéa de l’article 326 de la loi pour les demandes de transfert, particulièrement dans les cas où il s’agit d’une demande de transfert partiel.
[42] Dans la cause sous étude, le travailleur subi une lésion professionnelle le 11 novembre 2009, une entorse lombaire. Cette lésion professionnelle est consolidée le 28 juillet 2011 avec une atteinte permanente à l'intégrité physique et des limitations fonctionnelles. Le 19 octobre 2011, on constate que la sévérité des limitations fonctionnelles et l’analphabétisme du travailleur rendent impossible la détermination d’un emploi convenable chez son employeur, voire même ailleurs sur le marché du travail. C’est donc à compter de cette date que l’employeur estime qu’il doit y avoir transfert de l’imputation. Il s’agit donc d’une demande de transfert partiel.
[43] La décision de la Commission des lésions professionnelles rendue dans l’affaire Supervac[5] apporte un éclairage intéressant quant à l’analyse de ces demandes de transfert et particulièrement celles visant, comme en l’espèce, un transfert partiel de coûts plutôt qu’un transfert total de ceux-ci.
[44] Après une analyse des principes d’interprétation et de l’abondante jurisprudence sur la question, la Commission des lésions professionnelles résume ses conclusions comme suit :
[131] En résumé, le tribunal retient de son analyse que l’exception au principe général d’imputation prévue au deuxième alinéa de l’article 326 de la loi, en regard de la notion d’obérer injustement, ne s’applique qu’à l’égard des demandes de transfert total de coûts qui visent généralement des situations liées à l’admissibilité même de l’accident du travail. Dans de tels cas, la notion « d’obérer injustement » ne fera pas l’objet d’interprétations contradictoires puisque la proportion significative des coûts devant être démontrée dans le cadre de telles demandes sera facilement établie puisqu’il s’agira de la totalité de ceux-ci.
[132] Par ailleurs, les demandes de transfert partiel de coûts doivent plutôt être analysées en vertu du premier alinéa de l’article 326 de la loi afin de déterminer si les prestations ont été ou non imputées en raison de l’accident du travail. Il n'y a pas de délai pour produire une telle demande et l'employeur doit alors démontrer que les prestations qu'il souhaite faire retirer de son dossier financier ne sont pas en lien direct avec l'accident du travail.
[notre soulignement]
[45] Dans la présente cause, le transfert partiel est demandé dans un contexte où, à la suite d’un processus de réadaptation professionnelle, l’on constate que le travailleur ne peut réintégrer son emploi ou un emploi convenable chez son employeur ou ailleurs sur le marché du travail.
[46] À ce stade-ci, il importe de rappeler le cadre légal généralement applicable lorsqu’un travailleur, en raison d’une lésion professionnelle, subit une atteinte permanente à son intégrité physique :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
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1985, c. 6, a. 145.
[…]
166. La réadaptation professionnelle a pour but de faciliter la réintégration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou, si ce but ne peut être atteint, l'accès à un emploi convenable.
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1985, c. 6, a. 166.
[…]
169. Si le travailleur est incapable d'exercer son emploi en raison d'une limitation fonctionnelle qu'il garde de la lésion professionnelle dont il a été victime, la Commission informe ce travailleur et son employeur de la possibilité, le cas échéant, qu'une mesure de réadaptation rende ce travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent avant l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail.
Dans ce cas, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur et après consultation de l'employeur, le programme de réadaptation professionnelle approprié, au terme duquel le travailleur avise son employeur qu'il est redevenu capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent.
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1985, c. 6, a. 169.
170. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent, la Commission demande à l'employeur s'il a un emploi convenable disponible et, dans l'affirmative, elle informe le travailleur et son employeur de la possibilité, le cas échéant, qu'une mesure de réadaptation rende ce travailleur capable d'exercer cet emploi avant l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail.
Dans ce cas, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur et après consultation de l'employeur, le programme de réadaptation professionnelle approprié, au terme duquel le travailleur avise son employeur qu'il est devenu capable d'exercer l'emploi convenable disponible.
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1985, c. 6, a. 170.
171. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent et que son employeur n'a aucun emploi convenable disponible, ce travailleur peut bénéficier de services d'évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l'aider à déterminer un emploi convenable qu'il pourrait exercer.
Cette évaluation se fait notamment en fonction de la scolarité du travailleur, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail.
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1985, c. 6, a. 171.
[nos soulignements]
[47] Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue notamment de sa réinsertion professionnelle.
[48] On vise d’abord la réintégration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent et si cela n’est pas possible, on vise l'accès à un emploi convenable.
[49] Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent, on regarde d’abord s’il peut occuper un emploi convenable disponible chez son employeur. Si un tel emploi n’est pas disponible, le travailleur peut bénéficier de services d'évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l'aider à déterminer un emploi convenable qu'il pourrait exercer.
[50] L’on réfère donc à la notion d’emploi convenable, laquelle est définie comme suit :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[51] Il doit donc s’agir d’un emploi approprié pour le travailleur, qui lui permet d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles. Aussi, cet emploi doit présenter une possibilité raisonnable d'embauche et ses conditions d'exercice ne doivent pas comporter de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion.
[52] La capacité résiduelle s’évalue d’abord au regard des limitations fonctionnelles découlant de la lésion professionnelle mais peut également englober d’autres caractéristiques ou conditions affectant le travailleur, lesquelles doivent bien être identifiées au moment de la détermination de sa capacité ou non d’exercer un emploi convenable.
[53] C’est dans ce contexte que doit être considéré l’analphabétisme du travailleur. Il s’agit d’une caractéristique englobée dans sa capacité résiduelle.
[54] La lésion professionnelle du 11 novembre 2009 a fait en sorte que le travailleur s’est vu reconnaître des limitations fonctionnelles. De telles limitations fonctionnelles ont donné ouverture à la réadaptation professionnelle. Dans le cadre de cette réadaptation, on a regardé si le travailleur pouvait exercer son emploi ou un emploi convenable. Et sur ce dernier aspect, comme la loi l’indique, l’on se doit d’analyser la capacité résiduelle du travailleur et ses qualifications professionnelles.
[55] Reprenant les principes élaborés dans Supervac, le tribunal ne peut donc conclure que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu, à compter du 19 octobre 2011, ne serait pas en lien direct avec l’accident du travail du 11 novembre 2009.
[56] Le fait qu’on en vienne à considérer d’une part les limitations fonctionnelles du travailleur et d’autre part, certaines caractéristiques ou conditions personnelles, dont son analphabétisme, résulte de l’application de la loi.
[57] À ce stade-ci, il convient de référer à la décision de la Commission des lésions professionnelles rendue dans l’affaire Transport TFI 5, s.e.c.[6], dont les faits sont semblables à ceux de la présente cause.
[58] Dans cette affaire, l’employeur prétendait être obéré injustement en raison de l’impossibilité de rendre le travailleur capable d’exercer un emploi convenable, d’où le versement d’une indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce que le travailleur atteigne l’âge de 68 ans.
[59] L’employeur soumettait que cette impossibilité résultait, entre autres, de l’analphabétisme du travailleur. L’employeur demandait donc un transfert de l’imputation à compter du moment où l’on constatait cette impossibilité d’exercer un emploi convenable.
[60] Rappelant la définition d’un emploi convenable et particulièrement la notion de capacité résiduelle qui s’y rattache, la Commission des lésions professionnelles a refusé d’accorder un transfert de l’imputation en indiquant :
[26] Le coût associé à l’impossibilité de réadaptation professionnelle du travailleur est attribuable aux limites de la capacité résiduelle propre au travailleur. Cependant, compte tenu du fait que la loi exige d’en tenir compte dans la détermination d’un emploi convenable, il faut conclure que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à l’âge de 68 ans ne résulte que de la simple application de la loi. Dans les circonstances, le tribunal ne peut conclure que l’employeur est obéré injustement.5
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5 Ville de Drummondville et CSST, [2003] C.L.P. 1118 (décision accueillant la requête en révision), requête en révision judiciaire rejetée, [2004] C.L.P. 1856 (C.S.).
[61] À la lumière de son analyse, le tribunal estime donc qu’il ne peut faire droit à la demande de l’employeur de transférer de son dossier financier le coût des prestations versées à compter du 19 octobre 2011.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête déposée le 30 octobre 2012 par Matériaux BGB ltée, l’employeur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du 15 octobre 2012, rendue à la suite d’une révision administrative;
ET
DÉCLARE que Matériaux BGB ltée n’a pas droit à un transfert de l’imputation concernant la lésion professionnelle du 11 novembre 2009 subie par le travailleur.
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SOPHIE SÉNÉCHAL |
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Me Éric Latulippe |
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LANGLOIS KRONSTRÖM DESJARDINS |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] RLRQ, c. A-3.001.
[2] Matériaux BGB ltée et Canuel, 2012 QCCLP 132.
[3] Matériaux BGB ltée et Canuel, C.L.P. 484759-01A-1210, 27 mai 2013, L. Guay.
[4] [2007] C.L.P. 1804.
[5] Supervac 2000, 2013 QCCLP 6341, requête en révision judiciaire déposée le 25 novembre 2013.
[6] Transport TFI 5, s.e.c., 2011 QCCLP 7194.
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