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Décision

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Inter-Cité Construction ltée c. Québec (Procureure générale) (Ministère des Transports)

2015 QCCS 4365

 

JB4438

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-17-062182-103

 

 

 

DATE :

Le 21 septembre 2015

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

CHRISTIAN J. BROSSARD, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

INTER-CITÉ CONSTRUCTION LTÉE (Inter-Cité)

Demanderesse

c.

PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC

(Ministère des transports du Québec) (le MTQ)

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT [1]

______________________________________________________________________

 

A.            APERÇU

[1]           En réponse à un appel d’offres du MTQ pour les travaux de prolongement de l’Autoroute 5 (tronçon 2A) dans la municipalité de Chelsea (le Projet), Inter-Cité dépose ce qui s’avère être la soumission présentant le prix le plus bas, tout en répondant aux exigences de conformité des documents d’appel d’offres.

[2]           Quelque 130 jours plus tard, au terme d’une période parsemée de communications entre les parties, le MTQ avise Inter-Cité qu’elle se prévaut de son droit prévu aux documents d’appel d’offres de n’accepter aucune des soumissions reçues et qu’elle annule l’appel d’offres.

[3]           La décision du MTQ est motivée par son incapacité à obtenir certaines autorisations fédérales requises pour le Projet, à l’intérieur de délais qui permettent la réalisation des travaux selon l’échéancier prévu.

[4]           Inter-Cité soutient être en droit de se faire indemniser par la défenderesse à hauteur de 1 812 155,84 $, tant pour les frais de préparation de sa soumission que pour les coûts entraînés par la mise en attente de son personnel de gestion et de sa machinerie.

[5]           Le MTQ rétorque qu’il a respecté ses obligations dans le cadre de l’appel d’offres. Il ajoute qu’il a indemnisé Inter-Cité en conformité avec la règlementation applicable, en lui versant 5 000 $.

[6]           Pour les motifs qui suivent, le recours d’Inter-Cité est accueilli, mais pour partie seulement.

B.           CONTEXTE

[7]           Le Projet prend sa source dans une entente intervenue en 1972 entre les gouvernements fédéral et québécois et la Commission de la capitale nationale (la Commission)[2] (l’entente D-5). Cette entente prévoit l’exécution par le Gouvernement du Québec de travaux d’amélioration du réseau routier qui y est défini et la contribution de la Commission à leur financement. Le MTQ assurera la mise en œuvre du Projet, en conformité avec cette entente.

[8]           Par ailleurs, puisque le Projet bénéficie d’un financement d’une société d’État fédérale, il est assujetti à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale[3] (la LCÉE). Celle-ci requiert la réalisation d’une évaluation environnementale du Projet, dont les résultats sont consignés dans un rapport d’examen préalable[4]. Celui-ci doit faire l’objet d’une acceptation par l’autorité fédérale responsable[5].

[9]           Également, parce que le Projet touche des terrains publics dans la « région de la capitale nationale », le MTQ doit obtenir de la Commission une approbation d’utilisation du sol en vertu de la Loi sur la capitale nationale[6] (la LCN).

[10]        Le 25 novembre 2009, le MTQ publie l’appel d’offres pour le Projet. Les documents d’appel d’offres ne mentionnent rien ce qui précède. Toutefois, ils indiquent que le MTQ « détient les autorisations environnementales pour les activités prévues au contrat »[7].

[11]        Le 27 janvier 2010, Inter-Cité dépose une soumission en réponse à l’appel d’offres. Le jour même, l’ouverture publique des soumissions révèle que celle d’Inter-Cité présente le prix le plus bas. Les vérifications ultérieures du MTQ établiront la conformité de celle-ci aux conditions d’admissibilité et de conformité prévues aux documents d’appel d’offres.

[12]        À la mi-février, le MTQ informe Inter-Cité de difficultés dans l’obtention d’autorisations environnementales fédérales.

[13]        Durant les trois mois et demi qui suivent, les communications, parfois sporadiques, parfois plus rapprochées, s’enchaînent entre les parties, au sujet des autorisations fédérales en attente, d’un report du début des travaux au mois d’août et des frais qui en résulteraient pour Inter-Cité.

[14]        Le 8 juin 2010, le MTQ informe verbalement Inter-Cité qu’il a pris la décision d’annuler l’appel d’offres parce qu’il lui manque toujours une autorisation environnementale des autorités fédérales. Le lendemain, il avise l’entrepreneur par écrit qu’il se prévaut de la clause des documents d’appel d’offres selon laquelle le MTQ ne s’engage à accepter aucune des soumissions reçues (la Clause de réserve)[8] (l’avis d’annulation du 9 juin). Il lui versera ultérieurement 5 000 $, déclarant le faire en conformité avec les dispositions règlementaires applicables.

[15]        Inter-Cité répond par une mise en demeure, puis en introduisant le recours en l’instance.

C.           CADRE JURIDIQUE

[16]        Un différend qui origine d’un appel d’offres est habituellement apprécié sous l’éclairage d’un concept énoncé pour la première fois par la Cour suprême dans La Reine (Ont.) c. Ron Engineering[9], dont la nomenclature du contrat A et du contrat B, introduite par le juge Estey, a été adoptée par les tribunaux depuis lors. En effet, il est maintenant acquis qu’un processus d’appel d’offres pour l’octroi d’un contrat fait potentiellement naître deux contrats consécutifs distincts, les contrats A et B, comportant chacun des droits et obligations pour l’une et l’autre partie, sur lesquels le tribunal doit se pencher successivement et qu’il doit analyser selon leurs mérites respectifs[10].

[17]        Le contrat A est celui qui résulte de l’appel d’offres et du dépôt d’une soumission. Il prend naissance dès la présentation de la soumission[11]. Dans le cas présent, les parties conviennent, avec raison, qu’un tel contrat s’est formé entre le MTQ et Inter-Cité.

[18]        Le contrat A a pour objet les règles auxquelles l’initiateur de l’appel d’offres et le soumissionnaire doivent se soumettre au moment de l’appel d’offres, du dépôt des soumissions, de leur ouverture, de leur étude, de la décision de retenir une soumission et de l’adjudication du contrat. Les droits et obligations qui en découlent sont régis à la fois par les exigences et autres modalités contenues aux documents d’appel d’offres et, dans le cas d’un appel d’offres de l’administration publique, par les dispositions législatives applicables à l’organisme public impliqué. Dans le cas présent, le Règlement sur les contrats de travaux de construction des organismes publics[12] (le Règlement) trouve application.

[19]        Le contrat B est le contrat envisagé par l’appel d’offres et qui en est la suite, souvent un contrat d’entreprise ou de service, qui se forme lorsque le donneur d’ouvrage ou client initiateur de l’appel d’offres retient l’une des soumissions et adjuge le contrat d’exécution, acceptant ainsi l’offre qui lui est faite par le soumissionnaire.

D.           QUESTIONS EN LITIGE

[20]        Inter-Cité réclame pour les frais de préparation de sa soumission et pour les coûts résultant de la mise en attente de son personnel de gestion et de sa machinerie attitrés au Projet, pour la période précédant l’avis d’annulation du 9 juin et par la suite jusqu’à leur réaffectation à d’autres projets. Elle avance avoir dédié ces ressources au Projet promptement après l’ouverture des soumissions, de manière à respecter une première échéance, au 30 mars 2010, pour la réalisation de travaux d’envergure en conformité avec les documents d’appel d’offres. Elle affirme n’avoir pu les relocaliser sur d’autres projets que bien après l’annulation de l’appel d’offres.

[21]        Inter-Cité présente sa réclamation sous le couvert du contrat pour la réalisation du Projet, le contrat B, qu’elle dit être valablement formé. Elle fait valoir son droit à l’indemnisation en vertu de l’article 2129 du Code civil du Québec (C.c.Q.), à la suite de ce qui serait une résiliation de contrat par le MTQ, sans avoir à prouver une faute de ce dernier.

[22]        Subsidiairement, Inter-Cité se positionne soit à l’étape des négociations précontractuelles en vue du contrat B soit dans le cadre du contrat A formé par le dépôt de sa soumission. Elle avance qu’elle a droit d’être compensée pour son préjudice résultant de fautes commises par le MTQ, qui devait lui octroyer le contrat d’exécution, qui l’a induite en erreur au sujet des approbations fédérales et qui, à plusieurs égards, n’a pas agi de bonne foi envers elle.

* *

[23]        De son côté, le MTQ argumente que le seul contrat entre les parties est le contrat A formé par le dépôt de la soumission d’Inter-Cité.

[24]        Or, selon le MTQ, c’est dans le respect de ce contrat qu’il s’est prévalu de son droit de n’accepter aucune des soumissions reçues, prévu à la Clause de réserve, en raison des approbations fédérales manquantes.

[25]        Le MTQ ajoute qu’Inter-Cité n’a droit à aucune indemnisation. D’une part, parce qu’elle n’était plus liée par sa soumission après le 13 mars 2010 et qu’elle a pris une décision d’affaires de néanmoins maintenir son personnel et sa machinerie en attente. D’autre part, parce qu’Inter-Cité a renoncé à tout droit de réclamation en soumissionnant en janvier 2011 sur un nouvel appel d’offres pour le Projet (sans succès).

[26]        Finalement, le MTQ fait valoir que les dommages-intérêts réclamés sont grossièrement exagérés et ne sont pas soutenus par une preuve concluante.

* *

[27]        À la lumière des prétentions des parties, l’appréciation du droit d’Inter-Cité à une compensation passe d’abord par l’identification du régime d’indemnisation applicable, à savoir contractuel (contrat A ou B) ou extracontractuel (négociations précontractuelles).

[28]        Dans l’hypothèse de l’absence d’un contrat B, Inter-Cité doit prouver l’existence d’une faute du MTQ à son endroit et qu’elle ne s’est pas elle-même privée de son droit d’être indemnisée pour son préjudice.

[29]        Dans tous les cas, Inter-Cité doit également démontrer son préjudice.

[30]        En somme, les questions en litige peuvent être résumées ainsi :

1.            Le contrat B pour la réalisation du Projet a-t-il été formé?

2.            Dans la négative, le MTQ a-t-il commis une ou des faute(s) génératrice(s) de responsabilité envers Inter-Cité?       

3.             Dans l’affirmative, Inter-Cité est-elle néanmoins empêchée d’obtenir indemnisation en tout ou en partie

3.1          au motif qu’elle a choisi de maintenir ses ressources en attente une fois libérée de sa soumission le 13 mars 2010? ou

3.2          au motif qu’elle a répondu à l’appel d’offres ultérieur du MTQ, en janvier 2011?

4.             Le cas échéant, à quel montant Inter-Cité a-t-elle droit pour son préjudice?

E.            ANALYSE

1.            Le contrat B pour la réalisation du Projet a-t-il été formé?

1.1.        Position des parties

[31]        Inter-Cité avance l’affirmative. Le MTQ répond par la négative.

a.            Inter-Cité

[32]        Dans un premier temps, Inter-Cité fait valoir l’absence de discrétion du MTQ, résultant de son obligation d’octroyer le contrat pour la réalisation du Projet à l’entrepreneur ayant déposé la soumission qui présente le prix le plus bas tout en respectant les exigences d’admissibilité et de conformité des documents d’appel d’offres, en l’occurrence Inter-Cité. Le MTQ ne conteste d’ailleurs pas cette obligation en principe. Celle-ci prend assise sur l’article 16 du Règlement[13], dont l’exigence est reprise dans les documents d’appel d’offres[14], et sur les enseignements des tribunaux en matière d’appels d’offres publics.

[33]        Pour ce qui est de la Clause de réserve, Inter-Cité argue qu’elle ne confère pas une discrétion absolue au MTQ, malgré sa formulation[15].

[34]        Dans un deuxième temps, Inter-Cité avance que le contrat B est adjugé au moment où est connue l’identité du soumissionnaire ayant proposé le plus bas prix, dont la soumission est conforme aux conditions des documents d’appel d’offres. Elle s’appuie sur l’article 18.1 du Règlement, selon lequel l’adjudication du contrat « se produit au moment où le choix de l’adjudicataire est effectué par l’organisme public ». Bien qu’entrée en vigueur après les événements en litige, selon Inter-Cité cette disposition confirmerait le droit antérieur. Elle veut pour démonstration de cette affirmation le fait que le préambule du projet de règlement ayant mené à l’adoption de l’article 18.1 indique que les modifications au Règlement viennent notamment « préciser » le moment de l’adjudication d’un contrat[16].

[35]        Dans un troisième temps, Inter-Cité soutient que le MTQ, par son comportement et ses tractations, à partir de l’ouverture des soumissions jusqu’à sa lettre d’annulation du 9 juin, a agi comme si le contrat d’exécution était en place. Elle souligne l’interdiction qui est faite, avant l’octroi du contrat B, d’en négocier les modalités pouvant influencer le prix (sauf à certaines conditions, absentes dans le cas présent)[17]. Par conséquent, c’est plutôt un avenant au contrat d’exécution que le MTQ tentait de négocier avec Inter-Cité.

[36]        Par ailleurs, Inter-Cité s’inscrit en faux devant l’argument du MTQ selon lequel il lui était impossible d’octroyer le contrat avant d’avoir reçu les approbations fédérales. Selon elle, l’attente d’une autorisation externe au donneur d’ouvrage, qui n’est pas exigée par la Loi, ne suspend pas l’entrée en vigueur du contrat B[18]. Or, l’entente D-5, sur laquelle le MTQ semble prendre appui, est une simple entente sans portée législative qui, au surplus, n’est pas énoncée aux documents d’appel d’offres comme condition d’adjudication du contrat.

b.            MTQ

[37]        Le MTQ soutient ce qui suit.

[38]        D’abord, il ne saurait y avoir adjudication du contrat B puisqu’il n’y a eu ni acceptation de la soumission d’Inter-Cité en conformité avec les modalités prévues aux documents d’appel d’offres ni signature d’un contrat par les parties.

[39]        Ensuite, rien dans les documents d’appel d’offres ou dans le Règlement ne permet d’affirmer que la seule constatation qu’une soumission est la plus basse, même une fois déclarée conforme, constitue adjudication et formation du contrat d’exécution.

[40]        Enfin, en l’absence d’une intention du MTQ d’octroyer et de conclure le contrat avant l’obtention des approbations fédérales, il n’y a pas eu rencontre des volontés entraînant la formation du contrat.

[41]        Le fait qu’il y ait eu entre Inter-Cité et le MTQ un suivi de la progression des choses relativement aux approbations fédérales n’entraîne pas la formation d’un contrat. Jamais par ailleurs il y a eu une négociation sur le prix, laquelle était interdite tant que le contrat n’était pas octroyé, incluant en prévision d’un avenant au contrat une fois celui-ci conclu.

[42]        Le MTQ ajoute que les approbations fédérales étaient nécessaires à la réalisation du Projet et donc à la conclusion du contrat B, de sorte qu’elle était justifiée de se prévaloir de la Clause de réserve.

1.2.        Discussion

[43]        Pour les motifs qui suivent, il faut conclure que le contrat B ne s’est jamais formé, ni du simple fait qu’Inter-Cité ait déposé la plus basse soumission conforme ni à la suite d’une rencontre des volontés.

a.            Moment de la formation du contrat B

[44]        Inter-Cité a raison d’affirmer que le MTQ, s’il procède avec le Projet, n’a d’autre choix que de lui octroyer le contrat d’exécution, puisqu’elle a présenté la soumission conforme la plus basse.

[45]        Il est également vrai que le donneur d’ouvrage ne peut, sans motif valable et à certaines conditions seulement, faire le choix unilatéral de ne pas adjuger le contrat, pour ensuite retourner en appel d’offres aux mêmes conditions. La Clause de réserve ne lui confère pas une discrétion absolue à cet égard.

[46]        Toutefois, cela ne saurait suffire à conclure qu’il y a acceptation de la soumission, adjudication et formation du contrat aussitôt la plus basse soumission conforme révélée.

[47]        D’abord, le Règlement, dans sa version en vigueur à l’époque de l’appel d’offres pour le Projet, ne donne pas ouverture à cette thèse. Il se restreint à indiquer à qui le contrat doit être adjugé et sur quelles bases il doit l’être[19]. De plus, il distingue clairement l’ouverture des soumissions, la divulgation des prix, puis la communication des résultats, de l’adjudication et de la conclusion du contrat (incluant après négociations lorsque certaines conditions sont présentes)[20].

[48]        Ensuite, l’article 18.1 du Règlement, dans sa mouture actuelle, n’est d'aucun secours à Inter-Cité. D’une part, il n’entre en vigueur qu’en 2013. D’autre part, la lecture qu’Inter-Cité fait de cette disposition ne reflète pas le droit qui était alors en vigueur selon la jurisprudence.

[49]        En effet, depuis l’arrêt Ron Engineering[21], le fil conducteur des jugements en la matière est le suivant : la formation du contrat A, par le dépôt d’une soumission, entraîne l’obligation pour le soumissionnaire de maintenir son offre pour la durée prévue aux documents d’appel d’offres, celle pour le donneur d’ouvrage d’accepter la soumission conforme la plus basse et celle pour les deux parties de conclure le contrat B d’exécution, le tout, sous réserve des modalités propres à l’appel d’offres[22]. Le contrat B n’en est pas pour autant formé sans qu’un geste soit posé pour effectivement conclure le second contrat ou, à tout le moins, sans que le donneur d’ouvrage ait manifesté sa volonté d’accepter l’offre du soumissionnaire[23].

[50]        Certes, le refus ou le défaut du donneur d’ouvrage d’octroyer le contrat peut le placer en infraction de ses obligations en vertu du contrat A et entraîner sa responsabilité contractuelle, mais il n’en résulte pas un contrat B pour autant.

[51]        C’est sous cet éclairage que doivent être considérés les documents d’appel d’offres dans le cas présent. Ainsi, les Instructions aux Entrepreneurs[24], sous la rubrique « Choix de l’adjudicataire », prévoient que « Le contrat est généralement adjugé dans un délai de quarante-cinq (45) jours suivant la date fixée pour le dépôt des soumissions »[25] et que :

Avant l’expiration du délai [de 45 jours] prévu dans le paragraphe précédent, le Ministère donne à l’Entrepreneur choisi une lettre d’acception (sic) de la soumission en indiquant les modalités de sa signature.

Si le Ministère ne donne pas cette lettre d’acceptation de la soumission dans le délai prescrit, il peut, après ce délai, inviter l’Entrepreneur choisi à signer pour le montant de sa soumission en lui transmettant le projet de contrat; si l’Entrepreneur ne signe pas le contrat et ne le retourne pas au Ministère dans un délai de quinze (15) jours après l’expédition de la lettre d’acceptation de la soumission du Ministère, cette dernière devient sans effet à moins que le Ministère n’en décide autrement[26].

(Le soulignement est ajouté.)

[52]        Ces modalités ne sont pas compatibles avec la thèse d’Inter-Cité qui veut que le contrat d’exécution ait été formé entre le MTQ et elle aussitôt connu ou confirmé son statut de « plus bas soumissionnaire conforme ». Cette thèse est également contredite par l’établissement d’une période de validité de la soumission (45 jours), par le droit octroyé au MTQ de n’accepter aucune des soumissions (la Clause de réserve) et par le droit du soumissionnaire d’obtenir compensation dans la situation suivante :

Lorsque la décision de ne pas donner suite à un appel d’offres public est prise postérieurement à l’ouverture des soumissions, le soumissionnaire qui aurait été déclaré adjudicataire reçoit, à titre de compensation et de règlement final […][27].

(Le soulignement est ajouté.)

[53]        Bref, le contrat B ne s’est pas formé simplement par la constatation ou même la confirmation qu’Inter-Cité a présenté la soumission conforme présentant le prix le plus bas.

[54]        Reste à voir si, dans les faits, le MTQ a manifesté à Inter-Cité son acceptation de sa soumission, expressément ou tacitement, d’où résulterait une rencontre des volontés[28].

b.            Rencontre des volontés

i.              Les faits

[55]        Deux représentants d’Inter-Cité et trois du MTQ témoignent à l’audience :

·                     Nicolas Riverin[29], Directeur général d’Inter-Cité;

·                     Jean-François Coudé, Chargé de projet pour Inter-Cité;

·                     Josée Couture, Chargée de projet au MTQ;

·                     Jacques Henry, Chef de service du Service des inventaires et du plan du MTQ (service responsable pour la planification des projets), puis, à partir de février ou mars 2009, Chef de service du Service des projets pour l’Outaouais (service responsable pour la préparation des plans et devis, les documents d’appel d’offres et la surveillance des projets jusqu’à leur livraison)[30]; et

·                     Maroun Shaneen, Chef du service des projets pour l’Outaouais du MTQ, puis, à partir de février 2009, Directeur de la Direction territoriale de l’Outaouais[31].

* *

[56]        Lorsque le 25 novembre 2009 le MTQ lance l’appel d’offres pour le Projet, il n’a reçu des autorités fédérales ni l’acceptation de son rapport d’examen préalable (REP) en vertu de la LCÉE, bien qu’il l’ait déposé trois mois plus tôt, ni l’approbation d’utilisation du sol en vertu de la LCN[32].

[57]        Néanmoins, le MTQ indique dans les documents d’appel d’offres qu’il détient les autorisations environnementales pour la réalisation des travaux[33].

[58]        Le 27 janvier 2010, l’ouverture des soumissions révèle au MTQ et à Inter-Cité que la soumission de cette dernière présente le plus bas prix. L’analyse administrative ultérieure satisfera le MTQ que cette soumission remplit les conditions de conformité des documents d’appel d’offres[34]. Inter-Cité sera informée verbalement de la conformité de sa soumission.

[59]        Vers le 15 février 2010, Coudé apprend de Shaneen que le MTQ éprouve des difficultés dans l’obtention des autorisations environnementales fédérales.

[60]        Au début de mars, Riverin appelle Shaneen ou Henry[35]. Quelques mois plus tard, il se rappellera avoir eu en raccrochant une impression générale qu’Inter-Cité avait un contrat, qu’il ne restait qu’à signer.

[61]        Pendant les deux ou trois semaines qui suivent, Coudé appelle le MTQ une fois par semaine et parle à Couture ou à Henry. On lui répond que les autorisations s’en viennent, qu’on les rappellera aussitôt que le MTQ aura des nouvelles.

[62]        Le 13 mars marque la date à laquelle, selon les documents d’appel d’offres, Inter-Cité ne serait plus tenue d’accepter le contrat qui lui serait offert par le MTQ[36].

[63]        Entre les 20 et 23 mars, Coudé apprend de Henry et de Shaneen que les délais dans l’obtention des autorisations fédérales, toujours en attente, font en sorte que les travaux ne pourront débuter qu’au mois d’août. Selon Coudé, Henry lui dit de leur faire part des frais que le report dans le début des travaux entraîne et « on va s’occuper du reste ». Quant à Shaneen, il affirme avoir appelé Coudé pour vérifier l’intérêt d’Inter-Cité, qui n’est plus tenue d’accepter le contrat depuis le 13 mars, si le MTQ l’invite à signer le contrat. Coudé lui aurait alors fait part des coûts occasionnés, ce à quoi Shaneen aurait répondu que si le MTQ offrait le contrat, ce serait pour le prix de la soumission, puisque les règles applicables ne leur permettent pas de modifier le prix. Coudé quant à lui assure que Shaneen lui a conseillé ou suggéré[37] d’accepter le report du début des travaux sans frais supplémentaires.

[64]        Le 25 mars, Inter-Cité écrit au MTQ[38] :

Pour faire suite à notre conversation téléphonique concernant l’appel d’offres nº 8907-0907 devant débuter en mars 2010 et d’en assumer tous les frais, nous vous informons que nous ne pouvons acquiescer à cette demande. Rappelons que nous avons répondu à votre appel d’offres et que nous avons obtenu le contrat parce que nous étions le plus bas soumissionnaire conforme. Malheureusement, comme vous ne déteniez pas tous les permis nécessaires, nous nous retrouvons devant un délai de plus de 5 mois avant le début des travaux. Il est indéniable que le report du début des travaux nous a occasionné et nous occasionnera des frais […] expliqués en détail dans les lignes qui suivent.

[…]

Par ailleurs, à ces impacts temporel (sic) et financiers s’ajoutent d’autres facteurs de risque que nous ne pouvons évaluer précisément en ce moment […], à cause du démarrage du projet à la mi-août 2010. Ces risques devront également faire l’objet de discussions lors d’une rencontre entre les deux parties.

Nous sommes prêts à accepter ce report des travaux, mais il est impensable que cela puisse se faire sans frais, ni sans discussion de part et d’autre. À cet effet, nous demeurons à votre disposition afin de planifier une rencontre pour en venir à une entente qui saura satisfaire les deux parties.

[…]

[65]        Au cours des deux semaines qui suivent, Coudé appelle Shaneen une ou deux fois par semaine pour savoir si les travaux vont commencer à la mi-août ou si l’échéancier va encore glisser.

[66]        Le 8 avril, Shaneen informe Coudé que le MTQ n’a toujours pas les autorisations environnementales fédérales, qu’il examine la possibilité de permettre la réalisation de certains travaux avant le déboisement[39], mais qu’il attend les autorisations avant de faire sa recommandation finale à cet égard. Il n’a pas encore pris sa décision pour la suite du dossier, à savoir annuler l’appel d’offres ou offrir le contrat à Inter-Cité, décision qui aurait été facilitée par Inter-Cité si celle-ci n’avait pas annoncé des frais supplémentaires[40].

[67]        Le 28 mai se tient une conversation téléphonique entre Shaneen et Coudé. Le premier fait valoir qu’en vertu des règles applicables il ne peut négocier un contrat après un appel d’offres. Le second répond qu’il peut accorder le contrat, puis faire un avenant, Inter-Cité étant ouverte à des discussions. Sur une base informelle, Shaneen demande si l’entrepreneur renoncerait à ses frais supplémentaires si le MTQ lui octroyait le contrat. Coudé répond que les frais d’attente relèvent de ses patrons, Inter-Cité étant toutefois disposée à en discuter[41].

[68]        Suit la lettre d’annulation du 9 juin.

ii.            L’application du droit aux faits

[69]        Il ne fait pas de doute que le MTQ entend octroyer le contrat à Inter-Cité une fois obtenues les approbations fédérales. Toutefois, les faits en preuve ne démontrent pas que le MTQ ait manifesté à Inter-Cité, même tacitement, son acceptation de la soumission de cette dernière, encore moins une acceptation inconditionnelle et sans réserve, et son intention de contracter avec elle avant la réception des approbations fédérales.

[70]        D’une part, les documents d’appel d’offres prévoient des modalités précises pour l’acceptation de la soumission et l’adjudication du contrat. Elles exigent plus que l’identification de la soumission la plus basse et la confirmation que celle-ci rencontre les conditions de conformité. Elles requièrent la transmission d’une lettre d’acceptation de la soumission et d’un contrat pour signature[42].

[71]        Les représentants du MTQ en sont pleinement conscients. C’est de propos délibérés, et non par simple omission, qu’ils retiennent toute transmission d’une lettre d’acceptation ou d’un contrat à Inter-Cité. Ils n’entendent pas le faire avant d’avoir reçu les approbations fédérales manquantes[43].

[72]        Inter-Cité elle-même sait fort bien que la signature d’un contrat est requise pour qu’elle puisse procéder à l’exécution, à tout le moins un écrit du MTQ qui confirme l’octroi du contrat, d’où plusieurs approches et relances de sa part auprès de ce dernier[44]. Par exemple, vers le 15 février 2010, Coudé appelle le MTQ pour savoir quand Inter-Cité recevra des nouvelles de celui-ci et pour souligner la nécessité d’avoir le contrat pour être en mesure de respecter les échéances du 31 mars. Au début de mars, c’est son supérieur hiérarchique, Riverin, qui s’inquiète qu’Inter-Cité n’ait reçu ni contrat à signer ni autorisation de débuter les travaux; ils veulent « une réponse ». Inter-Cité est également pleinement consciente qu’à l’expiration du délai de 45 jours suivant l’ouverture des soumissions, elle n’est plus liée par sa soumission[45].

[73]        Inter-Cité ne modifiera son discours et ne parlera d’un contrat qu’elle a « obtenu », dans sa lettre du 25 mars, qu’après avoir appris, vers la troisième semaine de mars, que le MTQ envisage toujours, une fois les approbations fédérales reçues, aller de l’avant avec le Projet, mais uniquement à partir de la mi-août. Toutefois, au 28 mai, Coudé reprend le langage antérieur et exhorte Shaneen à accorder le contrat et à ensuite négocier un avenant pour les coûts supplémentaires résultant de l’attente et du report de la date de début des travaux.

[74]        D’autre part, tout au long de la période entre l’ouverture des soumissions et l’avis d’annulation du 9 juin, les représentants du MTQ maintiennent continuellement qu’ils attendent les approbations fédérales avant de donner le contrat à Inter-Cité. Les termes employés varient, mais la teneur du discours des représentants du MTQ auprès d’Inter-Cité va toujours dans ce sens, habituellement expressément, certainement implicitement mais néanmoins clairement. C’est le cas lors de la conversation initiale de mi-février, lors de celles durant les deux ou trois semaines qui suivent et lors de celle tenue au cours de la troisième semaine de mars[46]. Lorsqu’arrive le 8 avril, puis le 28 mai, Shaneen fait part des scénarios qu’examine le MTQ, lesquels incluent l’offre d’un contrat à Inter-Cité ou l’annulation de l’appel d’offres. Cette constance dans la position du MTQ est également reflétée dans les discussions à l’interne[47] et dans celles avec les autorités fédérales[48].

[75]        Certes, Riverin affirme avoir eu une impression générale, au terme de sa conversation du début mars avec un représentant du MTQ, qu’Inter-Cité avait un contrat qu’il ne restait qu’à signer, avait un projet qui allait débuter, sans savoir quand. Toutefois, il s’agit d’une impression dont il s’est rappelé quelques mois après la conversation et il ne peut se souvenir de ce qui lui a été dit. Il ne peut dire qu’on lui a affirmé qu’Inter-Cité allait avoir le contrat, encore moins qu’elle avait déjà le contrat.

[76]        Le MTQ n’entend donc pas procéder à l’octroi du contrat avant d’avoir reçu les approbations fédérales.

[77]        Il est vrai, comme le soutient Inter-Cité, qu’en vertu de la LCÉE, la réalisation de l’évaluation environnementale et l’acceptation par les autorités fédérales de l’examen préalable ne sont pas des conditions préalables à la réalisation du Projet ou à l’exécution des travaux. Il reste que la contribution fédérale au financement du Projet en dépend[49] et que, dans les faits, cet élément retient le MTQ de se compromettre envers Inter-Cité et de procéder avec le contrat. En outre, le MTQ ne peut procéder à la réalisation du Projet sans avoir préalablement obtenu l’approbation de la Commission, en vertu de la LCN[50].

[78]        En somme, quoique le MTQ ait pu manquer à ses obligations en vertu du contrat A en n’octroyant pas le contrat d’exécution à Inter-Cité, il n’en demeure pas moins que le contrat B n’a pas été octroyé et qu’il ne s’est donc pas formé.

2.            Le MTQ a-t-il commis une ou des faute(s) génératrice(s) de responsabilité?

2.1.        Position des parties

a.            Inter-Cité

[79]        Inter-Cité reproche au MTQ de l’avoir induite en erreur en indiquant faussement aux documents d’appel d’offres qu’il détenait les autorisations environnementales requises, sachant, en donneur d’ouvrage expérimenté, que le soumissionnaire identifié comme ayant la soumission la plus basse allait nécessairement commencer aussitôt à affecter ses ressources au Projet, afin de respecter les premières échéances prévues aux documents d’appel d’offres. Elle invoque le principe culpa in contrahendo, développé dans certaines juridictions européennes et qui, selon elle, trouverait sa place en droit québécois pour évaluer le comportement des parties lors de négociations précontractuelles.

[80]        Inter-Cité fait également valoir qu’en agissant ainsi, le MTQ a manqué à son devoir d’information à son endroit et, ce faisant, n’a pas agi de bonne foi à son égard.

[81]        Toujours selon Inter-Cité, le MTQ a commis une seconde faute en omettant de révéler l’ampleur du problème d’obtention des approbations fédérales après l’ouverture des soumissions.

[82]        Quant à la Clause de réserve, c’est tardivement et de manière abusive que le MTQ y a fait appel.

b.            MTQ

[83]        Le MTQ s’en remet d’abord et avant tout à la Clause de réserve, dont la validité est reconnue par les tribunaux. Elle soutient s’en être prévalue de manière raisonnable et pleinement justifiée, en l’absence des approbations fédérales. Celles-ci lui étaient nécessaires, d’une part, parce qu’une partie du Projet traversait des terres sous la responsabilité de la Commission et, d’autre part, afin de « donner pleinement application » à l’entente D-5[51]. Il s’agit là de motifs sérieux, qui n’avaient nullement pour objectif de contourner le processus d’appel d’offres.

[84]        Le MTQ fait également valoir qu’avant de prendre une décision précipitée annulant l’appel d’offres, il a pris les moyens raisonnables pour obtenir les approbations fédérales et a ensuite pris soin de considérer les options qui s’offraient à lui.

[85]        Le MTQ ajoute qu’il aurait manqué à son devoir de bonne gestion des deniers publics s’il avait agi autrement, en présence d’une intention exprimée par Inter-Cité de réclamer compensation au cas de report de la date du début des travaux.

2.2.        Discussion

[86]        Pour les motifs qui suivent, il est apparent que le MTQ a commis plusieurs fautes génératrices de responsabilité à l’égard d’Inter-Cité.

[87]        Voici pourquoi.

a.            Le droit

[88]        Il convient avant tout de souligner que cette question trouve sa solution dans l’application du contrat A formé par le dépôt de la soumission d’Inter-Cité, sans qu’il y ait lieu de faire appel au principe culpa in contrahendo proposé par Inter-Cité. Cela dit, que ce soit sous le régime contractuel ou le régime extracontractuel, les conclusions du Tribunal seraient les mêmes.

[89]        Le contrat A formé entre le MTQ et Inter-Cité comporte à la fois des conditions explicites et des conditions implicites. En effet, la Cour suprême du Canada a statué que le contrat A, comme tous les contrats, pouvait créer des obligations implicites en sus des obligations explicites, fondées sur une coutume ou un usage, en tant que particularités juridiques d’une catégorie ou d’un type particulier de contrat ou encore fondées sur l’existence d’une intention présumée des parties, lorsque cela est nécessaire pour donner de l’efficacité commerciale à un contrat ou pour permettre de satisfaire aux critères de l’« observateur objectif »[52]. Dans l’arrêt M.J.B. Entreprises[53], le juge Iacobucci souligne que l’accent est mis sur l’intention des parties.

[90]        Ainsi, au nombre des obligations implicites qui incombent au donneur d’ouvrage, dans le cadre d’un appel d’offres qui sollicite uniquement un prix[54], est celle d’octroyer le contrat au soumissionnaire qui présente le plus bas prix[55] et dont la soumission rencontre les critères de conformité énoncés aux documents d’appel d’offres[56].

[91]        De même, tous les soumissionnaires doivent être traités sur un pied d’égalité par le donneur d’ouvrage. Un corollaire de cette obligation est l’interdiction qui est faite au donneur d’ouvrage public, sauf dans certaines circonstances prévues par le législateur, d’entreprendre des négociations avec un soumissionnaire pouvant affecter le prix[57].

[92]        Lorsque survient un manquement du donneur d’ouvrage à l’une de ces obligations, l’absence de mauvaise foi ou même la bonne foi ne peut constituer un motif de défense à un recours du soumissionnaire, puisqu’il s’agit d’un manquement à des obligations contractuelles[58].

[93]        En outre, le donneur d’ouvrage ne peut annuler l’appel d’offres et en lancer un nouveau, sauf dans certaines situations précises qui entraînent une modification de substance aux conditions du contrat d’exécution envisagé à l’origine[59].

[94]        À cette enseigne, il est bien établi qu’une clause de réserve, par laquelle le donneur d’ouvrage s’autorise à ne pas octroyer le contrat à l’un ou l’autre des soumissionnaires, doit être interprétée de façon à s’harmoniser avec les autres dispositions des documents d’appel d’offres. Elle ne confère pas une discrétion absolue et, partant, ne saurait affranchir le donneur d’ouvrage de son obligation d’agir équitablement et avec bonne foi[60].

* *

[95]        Par ailleurs, le Code civil du Québec érige la bonne foi en un principe général du droit des obligations, à la base de tout contrat, y compris dans la phase de l’exécution[61] :

6. Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.

7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi.

1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction.

[96]        Ce principe impératif de la bonne foi donne lieu à diverses applications, dont l’obligation de coopération entre les parties à un contrat, l’obligation de renseignement et le devoir de cohérence.

[97]        Ainsi, commentant l’article 1375 C.c.Q., les auteurs Jobin et Vézina écrivent[62] :

[…] Au Québec comme en France, on affirme maintenant l’existence, à la charge de chaque partie, d’un devoir d’agir avec cohérence afin de ne pas tromper les attentes légitimes du cocontractant […].

Certaines applications de la bonne foi dans l’exécution du contrat retiennent davantage l’attention ici : l’abus de droit, les obligations de loyauté et de coopération, le contrôle judiciaire de certaines sanctions d’une faute contractuelle […].

[…][63] (Le soulignement est ajouté.)

[98]        La Cour d’appel, dans Confédération des caisses populaires et d’économie Desjardins du Québec c. Services informatiques Decisionone[64], apporte des éclaircissements qui, bien que l’arrêt concerne la formation du contrat B, trouvent pleinement application dans le cadre du contrat A[65]. Le juge Letarte énonce notamment ceci :

[61]  Les auteurs Pineault, Burman et Gaudet reconnaissent aux parties l'obligation de coopération destinée à faciliter l'exécution de l'obligation et se traduisant par une collaboration créancier-débiteur destinée à créer un climat de confiance. Ils situent ici l'obligation d'information ou de renseignement qui fait partie de l'obligation de « bonne foi » qui doit exister non seulement lors de l'interprétation et de l'exécution du contrat, mais lors de sa formation. Cette obligation devient, pour Baudouin et Jobin aussi, une « obligation de renseignement ». [Références omises] (Le soulignement est ajouté.)

[99]        Au sujet de l’obligation de coopération, les auteurs Jobin et Vézina ajoutent ceci[66] :

160 - Observations générales - Les auteurs affirment depuis plusieurs années qu’il existe en matière contractuelle des obligations de loyauté et de coopération. Le Québec est bien inspiré de s’insérer dans un courant international dans ce sens; l’obligation de coopération, imposant à chaque partie les devoirs que commandent les circonstances pour permettre au contrat de produire son plein effet, fait d’ailleurs partie des Principes du droit européen du contrat. […]

Tantôt vues comme des obligations distinctes, tantôt comme découlant l’une de l’autre, la loyauté et la collaboration constituent toutes deux des applications du principe de bonne foi dans l’exécution des contrats. […]

[…]

162 - Obligation de coopération - […] Mais, depuis l’affirmation du principe de la bonne foi lors de la réforme du Code civil, il est devenu nécessaire d’admettre que, dans certaines circonstances et sans tomber dans l’angélisme, une partie doit collaborer avec l’autre pour permettre au contrat de produire son plein effet, et à cette autre partie d’atteindre ses objectifs légitimes et raisonnables. On doit certes souscrire à l’existence d’une obligation implicite de coopération dans l’exécution des contrats dans certaines circonstances, même si le Code traite d’une telle obligation seulement pour certains contrats nommés […]. […]

La poursuite d’un but commun (comme dans l’entreprise en coparticipation) justifie certainement l’imposition d’un devoir de collaboration. Un tel devoir naîtra aussi dans d’autres contrats, en particulier quand les parties entretiennent de longs rapports entre elles (les contrats d’exécution successive). La confiance placée par une partie dans l’autre doit jouer un rôle important : plus elle est élevée, plus le devoir de coopération doit être exigeant - en particulier à l’égard d’un cocontractant vulnérable.

La coopération commande un comportement qui favorise l’atteinte des buts communs des parties au contrat, tout en laissant place à la réalisation des objectifs personnels d’une partie dans la mesure où cela ne se fait pas au détriment des intérêts légitimes de l’autre. […]

L’application la plus connue de l’obligation de coopération est l’obligation de renseignement […]. […]

[Références omises] (Le soulignement est ajouté.)

[100]      Concernant l’obligation de renseignement ou le devoir d’information, également une composante de la bonne foi, l’arrêt phare en la matière demeure Banque de Montréal c. Bail ltée[67]. Bien que le litige dans cette affaire concerne la responsabilité extracontractuelle du donneur d’ouvrage à l’égard d’un sous-traitant dans le contexte d’un contrat d’entreprise, les enseignements de la Cour suprême touchent plus généralement une théorie globale de l’obligation de renseignement, reposant sur l’obligation de bonne foi dans le domaine contractuel en général[68], qui trouve donc application dans le cadre du contrat A, en faisant les adaptations nécessaires au contexte.

[101]      Les éléments principaux de l’obligation de renseignement sont la connaissance, réelle ou présumée, de l’information par la partie débitrice de l’obligation, la nature déterminante de l’information et l’impossibilité pour le créancier de se renseigner soi-même ou sa confiance légitime envers le débiteur. Ce devoir de renseignement impose une obligation positive de renseignement, dans les cas où une partie se trouve dans une position informationnelle vulnérable[69]. De plus, l’information qui est effectivement fournie doit être complète[70].

[102]      Bien que cela paraisse évident, il convient d’ajouter que l’information fournie doit être exacte et ne pas consister au contraire en de fausses informations[71].

[103]      Une autre application de ce devoir de fournir des informations exactes et de l’obligation de bonne foi en général est le devoir de cohérence, que la Cour d’appel définit ainsi dans Hydro-Québec c. Construction Kiewit Cie[72] :

[92]  En effet, Hydro-Québec ne pouvait causer un préjudice à son entrepreneur en agissant en contradiction avec une attente suscitée dans leurs rapports contractuels, et à laquelle Kiewit s’est fiée. Consacré sous l'égide de la bonne foi dans l'exécution du contrat, ce comportement déraisonnable est reconnu par la doctrine civiliste sous des vocables différents - « confiance légitime trompée », « devoir de cohérence » ou « l'interdiction de se contredire ». Il est également reconnu dans des documents internationaux qui peuvent inspirer à cet égard le droit québécois. Lorsqu’une partie crée de « fausses attentes » chez son cocontractant, et qui agit en conséquence à son désavantage, elle ne peut revenir sur la lettre du contrat sans porter atteinte au devoir de loyauté implicite aux articles 6, 7 et 1375 C.c.Q. Les professeurs Lluelles et Moore inscrivent ce devoir de ne pas créer de fausses attentes dans les règles portant sur l'exécution du contrat conforme aux exigences de la bonne foi :

[…] [Références omises] (Le soulignement est ajouté.)

[104]      Pour terminer sur la bonne foi, il convient de rappeler que celle-ci peut s’entendre dans son sens subjectif, mais également dans son sens objectif, beaucoup plus large, qui fait appel à la norme de comportement acceptable :

132 - Bonne foi. Notion. Caractère impératif […]

[...] Cette bonne foi, dite objective, a un sens beaucoup plus large, soit celui de norme de comportement acceptable. Selon le contexte, de telles normes ont une dimension morale, sociale, ou encore elles renvoient simplement au « bon sens » ou au « raisonnable ». La bonne foi est donc devenue l'éthique de comportement exigée en matière contractuelle (comme d'ailleurs dans bien d'autres matières). Elle suppose un comportement loyal et honnête. On parle alors d'agir selon les exigences de la bonne foi. Ainsi, une personne peut être de bonne foi (au sens subjectif), c'est-à-dire ne pas agir de façon malicieuse ou agir dans l'ignorance de certains faits, et aller tout de même à l'encontre des exigences de la bonne foi, soit en violant des normes de comportement objectives et généralement admises dans la société. [Références omises][73] (Le soulignement est ajouté.)

b.            Les faits

[105]      Le MTQ entreprend le Projet en décembre 2007[74]. À l’époque, il anticipe que les travaux commenceront à l’hiver 2008-2009[75], mais, dès le mois de mars suivant, le début des travaux est fixé pour août 2009[76]. Toutefois, à la fin de l’été/début de l’automne 2008, l’échéancier est modifié pour une date de commencement des travaux au début de 2010, dont le déboisement avant le 31 mars[77]. L’échéancier ne dévie plus par la suite[78].

[106]      En août 2009, le MTQ dépose auprès des autorités fédérales le REP qui consigne les résultats des études environnementales réalisées[79]. Il reçoit les commentaires des autorités fédérales entre la mi-novembre[80] et le début de décembre. Vers le 9 décembre, le MTQ remettra aux autorités fédérales une nouvelle version de son REP, qui tient compte des commentaires reçus sur la version déposée en août[81].

[107]      Entretemps, le 25 novembre, le MTQ lance l’appel d’offres pour le Projet, avec une date limite pour le dépôt des soumissions fixée au 21 décembre 2009. À deux occasions par la suite, cette date limite est reportée, au 13 janvier 2010 d’abord, puis au 27 janvier[82].

[108]      Les documents d’appel d’offres indiquent que le MTQ détient les autorisations environnementales requises. Dans un addendum subséquent, il écrit ceci:

Le ministère des Transports détient les autorisations environnementales pour les activités prévues au contrat dans les limites des travaux excluant l’échangeur Cross Loop. […] Les autorisations requises pour la construction de l’échangeur Cross Loop seront obtenues ultérieurement par le MTQ. Les travaux sur l’échangeur ne pourront débuter qu’après la réception de ces autorisations[83]. (Le soulignement est ajouté.)

[109]      Le 27 janvier 2010, les soumissions sont ouvertes publiquement.

[110]      Selon les documents d’appel d’offres, les soumissions sont valides pour une période de 45 jours[84]. Ils précisent que le contrat est généralement adjugé dans un délai de 45 jours[85].

[111]      Par ailleurs, les documents d’appel d’offres prévoient une première échéance, le 31 mars 2010, pour la réalisation des travaux de déboisement et de ceux de déblaiement jusqu’à concurrence d’un minimum de deux millions de dollars et d’un maximum de cinq millions de dollars. Des pénalités de 1 000 $ par jour de retard sont prévues.

[112]      Également le 27 janvier, le MTQ reçoit des autorités fédérales plus de 250 questions, commentaires et demandes supplémentaires en lien avec la version du REP déposée en décembre, qui requièrent des ajustements et des études complémentaires[86].

[113]      Vers le 15 février, Coudé appelle Shaneen pour savoir quand Inter-Cité recevra des nouvelles du MTQ et c’est alors que ce dernier lui fait part des difficultés dans l’obtention des autorisations environnementales fédérales. Shaneen précise que le MTQ met de la pression pour les obtenir et qu’il donnera des nouvelles à Coudé aussitôt que lui-même en aura.

[114]      Au début de mars, c’est au tour de Riverin, supérieur hiérarchique de Coudé, d’appeler Shaneen ou Henry. Bien qu’il ne se souvienne pas de la teneur des propos échangés, il se rappellera ultérieurement être resté sur l’impression que le Projet allait débuter, sans pouvoir préciser quand.

[115]      Lorsque Coudé rappelle le MTQ, une fois par semaine pendant les deux ou trois semaines qui suivent, Couture ou Henry lui répond que les autorisations s’en viennent, qu’on les rappellera aussitôt que le MTQ aura des nouvelles.

[116]      Arrive le 13 mars : aux termes des documents d’appel d’offres, Inter-Cité ne sera plus tenue d’accepter le contrat.

[117]      C’est entre le 20 et le 23 mars que Coudé apprend que les travaux ne pourront débuter qu’au mois d’août, en raison des délais dans l’obtention des autorisations fédérales, toujours en attente. Selon Coudé, Henry lui dit de leur faire part des frais que le report dans le début des travaux entraîne et « on va s’occuper du reste ». Shaneen aurait plutôt suggéré qu’Inter-Cité renonce aux frais supplémentaires et indiqué que si le MTQ offrait le contrat, ce serait pour le prix de la soumission.

[118]      Suit la lettre du 25 mars 2010 d’Inter-Cité. Elle fait valoir les ressources qu’elle a réservées pour être en mesure de réaliser les travaux requis pour le 31 mars et les frais que leur mise en attente implique pour Inter-Cité, soit une somme dépassant 1,4 million de dollars. Elle ajoute que le retard dans le début des travaux entraînera une modification des méthodes de travail pour permettre le respect de l’échéancier, ainsi qu’un risque d’autres impacts devant faire l’objet de discussions. Elle conclut ainsi :

Nous sommes prêts à accepter ce report des travaux, mais il est impensable que cela puisse se faire sans frais, ni sans discussion de part et d’autre. À cet effet, nous demeurons à votre disposition afin de planifier une rencontre pour en venir à une entente qui saura satisfaire les deux parties.

En espérant une excellente collaboration de votre part, nous vous prions d’agréer, Monsieur, Shanneen (sic), nos salutations les meilleurs.

[119]      Après quelques conversations au cours des deux semaines qui suivent, le 8 avril, Shaneen informe Coudé que le MTQ examine la possibilité de permettre la réalisation de certains travaux avant le déboisement, mais qu’il attend les autorisations fédérales avant de faire sa recommandation finale à cet égard. Il n’a pas encore pris sa décision pour la suite du dossier, à savoir annuler l’appel d’offres ou offrir le contrat à Inter-Cité, décision qui aurait été facilitée par Inter-Cité si celle-ci n’avait pas annoncé des frais supplémentaires[87].

[120]      Le 28 mai, Coudé et Shaneen débattent de la possibilité qui s’offre ou non au MTQ d’accorder le contrat pour ensuite négocier un avenant pour les frais supplémentaires. Sur une base informelle, Shaneen demande si Inter-Cité renoncerait à ceux-ci si le MTQ lui octroyait le contrat, avec un échéancier prolongé. Coudé répond que les frais d’attente relèvent de ses patrons, mais qu’Inter-Cité est ouverte aux discussions[88].

[121]      Après des consultations au sein du MTQ qui remontent jusqu’au sous-ministre, la décision est prise de mettre fin à l’appel d’offres. Les 8 et 9 juin, elle est communiquée à Inter-Cité.

c.            L’application du droit aux faits

[122]      À la lumière des faits mis en preuve, force est de conclure que le MTQ n’a pas respecté ses obligations contractuelles envers Inter-Cité en vertu du contrat A, d’abord en ne lui octroyant pas le contrat d’exécution pour le Projet et en annulant l’appel d’offres, ensuite en contrevenant à son obligation de bonne foi envers Inter-Cité.

i.              Octroi du contrat

[123]      Inter-Cité ayant déposé une soumission conforme aux conditions des documents d’appel d’offres et présenté le prix le plus bas, le MTQ avait l’obligation de lui adjuger le contrat d’exécution.

[124]      Les documents d’appel d’offres n’autorisaient pas le MTQ, ni expressément ni implicitement, à rendre l’octroi du contrat conditionnel à l’obtention des approbations fédérales. Bien au contraire, le MTQ informe les soumissionnaires, dans ses documents d’appel d’offres, qu’il « détient les autorisations environnementales [requises] »[89]. L’adjudication du contrat ne saurait donc en dépendre.

[125]      À cette enseigne, la lecture de cette clause de représentation que proposent à l’audience le MTQ et sa chargée de projet, Couture, selon laquelle on devrait comprendre que le MTQ détiendra les autorisations au moment de la signature du contrat, ne tient aucunement la route. Le texte, rédigé au présent, est clair, il ne laisse place à aucune ambiguïté, ni dans son libellé ni lorsque considéré à la lumière des autres stipulations des documents d’appel d’offres. Il est d’autant plus clair qu’il distingue la situation de celle des autorisations pour l’échangeur Cross Loop, lesquelles « seront obtenues ultérieurement par le MTQ ».

[126]      Dans ce contexte, la Clause de réserve n’est d’aucun secours au MTQ. Dans d’autres circonstances, l’absence d’une approbation nécessaire à la poursuite d’un projet ou à son financement, soit de par la Loi soit en vertu d’une entente à laquelle le donneur d’ouvrage est lié, pourrait constituer un motif légitime de se prévaloir d’une clause de réserve, au même titre par exemple que si toutes les soumissions excèdent le budget ou qu’une déficience est découverte dans les documents d’appel d’offres[90]. Toutefois, elle ne saurait permettre au donneur d’ouvrage d’échapper à une situation désavantageuse ou problématique dans laquelle il s’est lui-même placé, en allant de l’avant avec un appel d’offres sans avoir obtenu les approbations préalables requises et sans l’avoir prévu dans les conditions d’octroi du contrat, a fortiori lorsqu’il a au contraire indiqué avoir en mains lesdites approbations.

[127]      Au surplus, en se réfugiant derrière la Clause de réserve dans de telles circonstances, le MTQ n’agit pas selon les exigences de la bonne foi, même en l’absence d’une intention malicieuse de sa part.

[128]      Certes, forts de leurs expériences passées avec des projets semblables impliquant le gouvernement fédéral, les représentants du MTQ sont apparemment convaincus que le dépôt du REP depuis déjà trois mois, en août 2009, leur assure l’obtention des approbations sans plus de délai. Ils sont également persuadés qu’à la suite de la remise, au début décembre, d’une version révisée du REP en réponse aux commentaires des autorités fédérales sur la première version, ils sont en voie d’obtenir les approbations environnementales et qu’ils les recevront avant la fin du processus d’appel d’offres. Quant à l’autorisation d’utilisation du sol en vertu de la LCN, il s’agit apparemment d’une formalité une fois l’approbation environnementale donnée. En outre, les quelque 250 questions, commentaires et demandes supplémentaires de la part des autorités fédérales, reçus le 27 janvier 2010, requièrent des ajustements et des études complémentaires peu usuels et jamais demandés dans le passé sur d’autres projets avec les autorités fédérales.

[129]      Il reste que ces faits ne mettent pas le MTQ à l’abri des conséquences de son défaut d’octroyer le contrat à l’encontre de ses obligations contractuelles.

ii.            Bonne foi et obligations sous-jacentes

[130]      À plusieurs étapes du processus d’appel d’offres et du cheminement jusqu’à l’annulation de celui-ci, le MTQ agit de manière contraire aux exigences de la bonne foi, en s’écartant d’une norme de comportement raisonnable et acceptable dans les circonstances, et ce, à plusieurs égards.

[131]      Dans un premier temps, à l’étape de l’appel d’offres, non seulement le MTQ manque à son devoir d’information ou son obligation de renseignement envers les soumissionnaires au sujet des approbations fédérales en attente, mais il induit nettement ceux-ci en erreur à cet égard et, ce faisant, crée de fausses attentes chez eux.

[132]      Certes, contrairement à ce que prétend Inter-Cité, on ne saurait reprocher au MTQ un laxisme dans sa gestion du Projet pendant la période de deux ans qui précède l’appel d’offres ou dans la réalisation des études environnementales et dans les démarches pour obtenir les approbations fédérales. La preuve ne relève pas un tel laxisme[91].

[133]      Il en est également ainsi après que le MTQ eut reçu les quelque 250 questions, commentaires et demandes supplémentaires des autorités fédérales le 27 janvier 2010. Il entreprend dès lors les études, analyses et autres tâches requises pour répondre auxdites demandes, tout en tenant des réunions fréquentes, formelles et informelles, avec les intervenants au fédéral et en faisant des suivis téléphoniques réguliers auprès d’eux, pour faire le suivi mais également pour tenter de réduire certaines exigences et d’accélérer le processus du côté des autorités fédérales[92].

[134]      Il n’en demeure pas moins que le MTQ, qui choisit de lancer l’appel d’offres avant d’avoir obtenu les approbations, avec les risques que cela comporte si un délai survient dans leur obtention, informe faussement les soumissionnaires qu’il détient déjà les autorisations environnementales requises, les induisant ainsi en erreur.

[135]      Ce faisant, le MTQ trompe la confiance légitime des soumissionnaires. En présence d’une telle représentation affirmative du MTQ, au surplus réitérée dans un addendum, Inter-Cité est en droit de lui accorder pleine confiance, d’autant plus qu’elle-même n’est pas en position de vérifier quelles approbations le MTQ doit obtenir et a effectivement obtenues.

[136]      Or, dans le contexte des exigences de l’appel d’offres, la détention des approbations requises pour la réalisation des travaux est un élément important pour Inter-Cité, déterminant même au sens où l’entend la jurisprudence. Riverin et Coudé en témoignent. L’échéance du 31 mars 2010 pour la réalisation de travaux d’envergure exige un « départ canon » aussitôt le contrat octroyé. Par la même occasion, ce début rapide des travaux permettra à Inter-Cité d’ensuite libérer pour d’autres projets la machinerie pour le déboisement et celle pour le déblai de masse. Il s’ensuit que le fait de savoir si le donneur d’ouvrage détient déjà les approbations requises ou au contraire les attend est pertinent à l’évaluation du risque de retard dans le début des travaux, et donc dans leur réalisation, et dans la disponibilité ultérieure de la machinerie et, par le fait même, dans l’évaluation des aspects monétaires en découlant.

[137]      Qui plus est, la détention des approbations requises réduit le risque que le Projet ne puisse aller de l’avant après le dépôt de la soumission.

[138]      Ces faits ainsi mis en lumière par la preuve s’apparentent, sur le plan de la faute, à ceux dans l’affaire Ste-Agathe-de-Lotbinière (Municipalité de) c. Construction BSL inc.[93] et se distinguent au contraire de ceux dans l’arrêt antérieur Société québécoise d’assainissement des eaux c. Construction B.S.L. inc.[94], invoqué par le MTQ.

[139]      Dans un deuxième temps, le MTQ manque à ses obligations et devoirs d’information, de collaboration et de cohérence envers Inter-Cité à partir de l’ouverture des soumissions, le 27 janvier 2010, jusqu’à l’annulation de l’appel d’offres, le 9 juin.

[140]      D’abord, le MTQ se doit d’informer sans délai Inter-Cité qu’il n’a pas en main les approbations fédérales requises, contrairement à ce qu’il a indiqué dans les documents d’appel d’offres et aux attentes ainsi suscitées chez Inter-Cité et contre ses propres attentes. Surtout que les quelque 250 questions, commentaires et demandes supplémentaires reçus des autorités fédérales le jour même de l’ouverture des soumissions rendent encore plus incertain le délai à l’intérieur duquel le MTQ aura complété les études, analyses et autres tâches désormais nécessaires, lui permettant d’ensuite obtenir les approbations.

[141]      Le MTQ a une obligation de collaborer et un devoir de transparence d’autant plus importants que ses représentants savent fort bien qu’Inter-Cité doit pouvoir débuter les travaux rapidement afin de respecter l’échéance du 31 mars et d’éviter les pénalités[95], de sorte qu’Inter-Cité s’attend nécessairement à ce que le contrat lui soit octroyé dans un délai qui permette l’atteinte de ces objectifs.

[142]      Or, le MTQ reste silencieux sur la question. Il attend qu’Inter-Cité appelle, vers la mi-février, pour lui révéler l’existence de difficultés dans l’obtention des autorisations environnementales.

[143]      Ensuite, même alors, le MTQ ne révèle pas l’ampleur des tâches que lui-même doit accomplir avant d’obtenir les approbations et minimise par le fait même le sérieux des difficultés et des délais potentiels.

[144]      En effet, Henry a beau affirmé à l’audience que jusqu’à un certain moment ils avaient espoir d’obtenir les autorisations incessamment et Couture a beau assuré qu’en février, puis encore en mars, ils étaient toujours confiants de la possibilité que l’entrepreneur puisse débuter les travaux dans un délai rapproché, les faits mis en preuve reflètent le contraire. Ainsi, au 29 janvier 2010, les autorités fédérales elles-mêmes mettent en doute la possibilité que les travaux puissent débuter à la fin-février de manière à respecter l’échéance du 31 mars, « [c]onsidérant l’état d’avancement du REP ainsi que toutes les autorisations à obtenir par le MTQ »[96]. Du côté du MTQ, dès la mi-février, ses représentants réalisent la problématique à laquelle il fait face et constatent que l’échéancier contractuel devient de plus en plus difficile à respecter[97].

[145]      À partir de la fin février, le MTQ est nécessairement conscient qu’il ne recevra pas les approbations avant le 13 mars, date au-delà de laquelle Inter-cité ne sera plus liée par sa soumission. L’état des échanges entre les autorités fédérales et le MTQ, reflété au compte-rendu d’une réunion de coordination du 26 février 2010[98], en atteste.

[146]      En outre, le MTQ sait désormais que si même il recevait les approbations sans autre délai, les délais administratifs pour la signature du contrat et l’impossibilité de faire du déboisement entre la mi-avril et la mi-août sont tels qu’Inter-Cité ne pourra commencer ses travaux avant le mois d’août[99]. Ainsi, le MTQ commence ses discussions à l’interne au sujet des solutions possibles, à savoir annuler l’appel d’offres ou attendre les autorisations fédérales et alors offrir le contrat à Inter-Cité au prix de sa soumission, sachant qu’elle sera libre de refuser à partir du 13 mars[100].

[147]      De plus, le MTQ sait qu’Inter-Cité doit se tenir prête à débuter les travaux à tout moment, d’autant plus qu’elle ne peut, avant le 13 mars, refuser le contrat sans s’exposer au risque que le MTQ exécute la garantie de soumission fournie par Inter-Cité, à hauteur d’un peu plus de deux millions de dollars[101].

[148]      Clairement, dans les circonstances, le MTQ a l’obligation de faire part à Inter-Cité des informations qui rendent impossible l’exécution du contrat selon sa soumission[102]. Pourtant, le MTQ n’en souffle mot à Inter-Cité. Même lorsque Riverin appelle le MTQ, au début de mars, le représentant de ce dernier tient des propos qui vraisemblablement ne dénotent pas la présence de problèmes majeurs, puisque Riverin se rappellera avoir eu l’impression que le contrat s’en venait. Aucune mention n’est faite d’un report au début d’août.

[149]      Par la suite, pendant les deux ou trois semaines qui suivent, le MTQ laisse croire à Inter-Cité que les autorisations « s’en viennent »[103].

[150]      Ce n’est qu’entre le 20 et le 23 mars, alors qu’Inter-Cité n’est plus liée par sa soumission depuis environ dix jours, que le MTQ l’informe que les travaux ne pourront débuter qu’au mois d’août. Même alors et par la suite jusqu’à la fin des échanges, le MTQ ne donne pas d’indication du sérieux de la problématique des délais d’obtention des approbations et qu’il pourrait en résulter une annulation de l’appel d’offres. Il est uniquement question des frais supplémentaires que fait désormais valoir Inter-Cité. En somme, le MTQ continue à entretenir l’ambiguïté.

[151]      Lorsque, le 8 avril, le MTQ mentionne la possibilité d’une annulation de l’appel d’offres comme l’une des options qui doivent être considérées parmi d’autres, il laisse entendre que c’est en raison du report du début des travaux à la mi-août et à la lumière des frais supplémentaires annoncés par Inter-Cité. Les propos du MTQ ne dénotent toujours pas une inquiétude quant à l’obtention à court terme des approbations fédérales.

[152]      Même après le 28 avril, le MTQ continue dans la même voie, alors qu’il est pourtant informé par les autorités fédérales qu’il ne recevra peut-être pas les commentaires sur la deuxième version du REP, déposée au début décembre 2009, avant le 27 mai[104]. Encore là, pendant un mois, le MTQ demeure coi par rapport à Inter-Cité, se satisfaisant d’élaborer « une stratégie pour la gestion contractuelle […] en prenant en considération les informations reçues en date d’aujourd’hui sur l’avancement des approbations fédérales »[105].

[153]      Enfin, le MTQ mettra un autre six semaines avant d’annuler l’appel d’offres.

[154]      Même au 28 mai, une dizaine de jours avant, il n’est encore question entre les parties que de l’impact des frais supplémentaires d’Inter-Cité sur la décision à venir du MTQ d’aller de l’avant avec le contrat ou d’annuler l’appel d’offres.

[155]      Peut-être le MTQ n’avait-il pas d’intention malicieuse, mais il a néanmoins agi à l’égard d’Inter-Cité à l’encontre des exigences de la bonne foi, en continuant jusqu’à la toute fin à tromper ses attentes légitimes plutôt que de faire preuve de transparence et de collaborer avec elle, notamment pour que celle-ci puisse gérer en pleine connaissance de cause ses ressources jusqu’au 13 mars 2010, puis faire un choix éclairé à partir de cette date, une fois libérée de sa soumission, quant à la possibilité de continuer à réserver ses ressources ou de tenter de jeter son dévolu sur d’autres projets, le cas échéant.

* *

[156]      En définitive, le MTQ est redevable du préjudice causé à Inter-Cité, à la fois par son omission de lui octroyer le contrat et par son comportement fautif à son égard, depuis le lancement de l’appel d’offres jusqu’à son annulation.

3.            Inter-Cité est-elle empêchée d’obtenir indemnisation pour son préjudice?

[157]      Le MTQ soutient que, même en présence d’une faute de sa part, Inter-Cité ne peut obtenir indemnisation pour son préjudice, pour deux motifs.

[158]      Premièrement, Inter-Cité a elle-même pris une décision d’affaires de maintenir son personnel et sa machinerie en attente après le 13 mars 2010, alors qu’elle n’était plus liée par sa soumission et qu’elle savait fort bien que l’attribution du contrat posait problème. Elle a choisi de ne pas soumissionner sur d’autres projets et n’a donc qu’elle-même à blâmer pour ses frais à partir de cette date. Avant le 13 mars, elle ne peut avoir droit à une quelconque compensation, au-delà de celle de 5 000 $ que le MTQ lui a versée en conformité avec le Règlement, puisque le MTQ pouvait se prévaloir de cette période de 45 jours pour octroyer le contrat.

[159]      Deuxièmement, en soumissionnant sur le nouvel appel d’offres pour le Projet en janvier 2011, Inter-Cité a renoncé à réclamer pour son préjudice résultant de l’annulation du premier appel d’offres. Le MTQ fait valoir plusieurs jugements de la Cour supérieure pour appuyer sa thèse.

[160]      Pour les motifs qui suivent, le Tribunal ne partage pas l’avis du MTQ.

3.1.        Maintien des ressources en attente après le 13 mars 2010

[161]      Le MTQ ne peut reprocher à Inter-Cité d’avoir maintenu ses ressources en attente après le 13 mars 2010. Voici pourquoi.

[162]      Le Tribunal a déjà conclu que le MTQ, en manquant à son devoir d’information et par son comportement et son manque de transparence, avait induit Inter-Cité en erreur au sujet de la détention des autorisations environnementales, puis de l’ampleur du problème d’obtention des approbations fédérales, et avait entretenu l’ambiguïté jusqu’à la fin.

[163]      Ainsi, en date du 13 mars, Inter-Cité croit toujours, parce que c’est ce que le MTQ lui dit, que les autorisations « s’en viennent ». Ce n’est que 10 jours plus tard, entre le 20 et le 23 mars, qu’elle apprend que les travaux ne pourront débuter avant le mois d’août. Et encore là, le MTQ continue à taire la nature exacte et le sérieux de la problématique et il n’est aucunement question d’une annulation envisagée de l’appel d’offres.

[164]      La possibilité d’une telle annulation est soulevée pour la première fois le 8 avril, dans un contexte toutefois où diverses options sont examinées et où l’obtention des approbations fédérales à court terme n’est pas pour autant mise en doute.

[165]      Or, Inter-Cité se trouve désormais à l’extérieur de sa période de soumission habituelle, alors que les travaux de génie civil dans lesquels elle se spécialise débutent normalement à cette époque et que le type de projet pouvant employer la machinerie imposante spécialisée qui fait partie de son parc d’équipement « ne court pas les rues »[106].

[166]      Au surplus, si même la preuve avait été faite que de tels projets étaient alors disponibles pour soumission, une décision d’Inter-Cité de déposer une soumission impliquant sa machinerie d’envergure aurait pu être lourde de conséquences. En effet, ce faisant, elle aurait limité sa machinerie disponible pour le Projet, qui demeurait toujours une possibilité réaliste selon ce qu’Inter-Cité pouvait légitimement comprendre des propos et du comportement du MTQ. Or, elle se serait placée dans cette position désavantageuse en contrepartie d’un simple espoir d’être choisie pour un autre contrat, une possibilité plus incertaine encore que la confirmation du Projet.

[167]      On ne saurait donc reprocher à Inter-Cité d’avoir maintenu ses ressources en attente, à tout le moins sa machinerie d’envergure, en attendant l’octroi du contrat par le MTQ ou encore une prise de position claire de sa part. On ne peut dans un tel contexte parler d’un choix dont Inter-Cité doit assumer les conséquences, alors que c’est le comportement fautif du MTQ qui l’a placée dans cette mauvaise position.

3.2.        Soumission sur le nouvel appel d’offres

[168]      La décision d’Inter-Cité de soumissionner en janvier 2011 sur le nouvel appel d’offres pour le Projet ne peut être considérée comme une renonciation de sa part à obtenir indemnisation pour son préjudice en lien avec le premier appel d’offres.

[169]      Il convient d’abord de rappeler qu’une renonciation à un droit, quoiqu’elle puisse être tacite, doit néanmoins être claire et non équivoque. Il n’en est rien ici, bien au contraire. Ainsi, avant même que le MTQ lance le nouvel appel d’offres, Inter-Cité met le MTQ en demeure, par lettre du 7 octobre 2010, de lui verser plus de 1,5 million de dollars en compensation de ses dommages, résultant de la tardivité du MTQ à lui octroyer le contrat et de l’annulation de l’appel d’offres, dommages qu’elle subit encore à cette date. Puis, par lettre du 23 novembre, elle avise le MTQ que la somme de 5 000 $ que celui-ci lui a versée « ne peut être considérée comme étant la seule réparation de tous les dommages subis par Inter-Cité » ni comme une acceptation par celle-ci d’un règlement final. Inter-Cité « entend réclamer pour l’ensemble des dommages qu’elle a subis »[107], ce qu’elle fait promptement, en introduisant son recours en l’instance dès le 24 novembre.

[170]      Les faits dans le cas présent se distinguent nettement de ceux décrits dans les divers jugements mis de l’avant par le MTQ[108]. Notamment, dans ces affaires, la partie qui se disait lésée avait attendu après l’ouverture des soumissions, à la suite de l’appel d’offres le plus récent, avant de faire valoir sa réclamation, par mise en demeure ou par procédure.

4.            À quel montant Inter-Cité a-t-elle droit pour son préjudice?

4.1.        Position des parties

[171]      Inter-Cité prétend avoir subi des dommages totalisant 1 812 155,84 $, qu’elle associe aux trois volets suivants :

a.            les frais résultant de la préparation de sa soumission;

b.            les coûts afférents à son personnel de gestion et à sa machinerie, en attente du 1er mars au 9 juin 2010, date d’annulation de l’appel d’offres; et

c.            les coûts afférents à son personnel de gestion et à sa machinerie, en attente du 10 juin jusqu’à leur réaffectation complète, au 30 novembre 2010.

[172]      Le MTQ oppose à la demande d’indemnisation d’Inter-Cité l’article 34 du Règlement. Celui-ci fixe à 5 000 $ la somme qu’un organisme, lorsqu’il décide de ne pas donner suite à un appel d’offres postérieurement à l’ouverture des soumissions, doit verser au soumissionnaire qui aurait été déclaré l’adjudicataire, « à titre de compensation et de règlement final pour les dépenses effectuées ».

[173]      Subsidiairement, le MTQ plaide que les dommages avancés par Inter-Cité sont « grossièrement exagérés » et ne sont pas « soutenus par une preuve probante »[109]. Plus particulièrement, il fait valoir que seul Coudé a témoigné sur le sujet et qu’il s’appuie sur des informations recueillies auprès d’autres employés de l’entreprise ou sur des documents confectionnés par d’autres, lesquels constituent donc du ouï-dire, inadmissible en preuve et présentant une faible valeur probante.

4.2.        Discussion

[174]      D’entrée de jeu, l’argument du MTQ qui prend appui sur l’article 34 du Règlement doit être écarté.

[175]      En effet, cette disposition vise nécessairement les situations où un organisme public décide de ne pas donner suite à un appel d’offres dans le respect du cadre législatif et de ses obligations contractuelles. Elle ne saurait le mettre à l’abri de sa responsabilité pour le préjudice qu’il cause par des gestes posés illégalement ou des droits exercés abusivement. Il ne peut certainement pas se réfugier derrière la protection que lui offre le Règlement lorsque c’est sans droit et de manière fautive qu’il annule l’appel d’offres et omet d’adjuger le contrat. A fortiori, il ne peut s’en prévaloir lorsque les fautes qui lui sont imputées vont au-delà de l’annulation de l’appel d’offres, comme dans le cas présent.

[176]      Il convient donc d’analyser les trois volets de la demande d’indemnisation d’Inter-Cité, pour vérifier le lien de causalité avec les fautes reprochées au MTQ et, le cas échéant, apprécier leur caractère de prévisibilité et la preuve du quantum.

a.            Frais de préparation de soumission

[177]      Inter-Cité demande 73 885,85 $ pour ce premier volet[110], au motif qu’elle aurait inutilement encouru les frais afférents à la préparation de la soumission pour le Projet.

[178]      La somme réclamée vise à indemniser Inter-Cité pour le temps consacré par son personnel à la préparation de la soumission et, dans une moindre mesure, pour les frais d’une visite de chantier.

[179]      Ce volet de la réclamation doit échouer, faute pour Inter-Cité d’avoir démontré le lien de causalité avec la perte du contrat d’exécution du Projet ou les autres fautes imputées au MTQ.

[180]      D’abord, Inter-Cité ne prétend pas qu’elle n’aurait pas soumissionné pour le Projet si elle avait su à l’appel d’offres que les approbations fédérales étaient en attente. Elle aurait donc encouru les frais pour la préparation de sa soumission de toute façon.

[181]      Ensuite, Inter-Cité ne démontre pas que, si le MTQ lui avait octroyé le contrat, elle aurait récupéré ces frais, soit en vertu d’une disposition des documents d’appel d’offres soit parce que pris en compte dans le calcul de son prix pour soumission.

b.            Attente du 1er mars au 9 juin 2010

[182]      Inter-Cité réclame 888 794,19 $ sous ce second volet[111], pour les frais afférents à la mise en attente des ressources affectées au Projet jusqu’à l’annulation de l’appel d'offres, à savoir :

i.              son personnel de gestion;

ii.             les camionnettes attribuées à ce personnel; et

iii.            sa machinerie.

[183]      Le MTQ conteste l’admissibilité de la demande, au motif que même s’il avait révélé à Inter-Cité que les approbations fédérales étaient en attente, l’entrepreneur ne prétend pas qu’il n’aurait pas soumissionné ou qu’il aurait ajusté son prix. En d’autres termes, le lien de causalité fait défaut. Le MTQ s’appuie plus particulièrement sur les jugements rendus dans les affaires Société québécoise d’assainissement des eaux c. Construction B.S.L. inc.[112] (l’affaire SQAE) et Constructions Gagné & Fils inc. c. Berthierville (Ville de)[113] (l’affaire Constructions Gagné).

[184]      Cet argument du MTQ est sans mérite.

[185]      D’abord, contrairement aux situations qui prévalaient dans les affaires SQAE et Constructions Gagné, le MTQ s’est rendu coupable de fautes qui vont au-delà de l’unique omission d’avoir mentionné l’attente d’une approbation. Aussi, dans ces deux cas, le soumissionnaire offensé s’était néanmoins vu octroyer le contrat, dans les délais prévus aux documents d'appel d'offres, et avait donc pu le réaliser.

[186]      Dans le cas présent, les témoignages de Riverin et de Coudé établissent le lien de causalité entre les manquements du MTQ, lors du lancement de l’appel d'offres et dans les semaines qui suivent l’ouverture des soumissions, et la mise en disponibilité puis le maintien en attente des ressources d’Inter-Cité.

[187]      Ainsi, d’une part, Inter-Cité se doit d’assurer sans délai la disponibilité de son personnel et de sa machinerie pour le Projet de sorte qu’elle puisse mobiliser aussitôt qu’elle recevra l’autorisation du MTQ et réaliser les travaux d’envergure exigés pour le 31 mars 2010 sans pénalités monétaires ni coûts supplémentaires. D’autre part, entre également dans l’équation le fait que seuls certains types de projets d’envergure peuvent employer sa machinerie spécialisée, dont elle n’a qu’un nombre restreint pour certaines pièces d’équipement. Il lui faut donc judicieusement évaluer tant l’opportunité de soumissionner sur un ou plusieurs projets d’envergure pour une année donnée que celle de distribuer correctement ses ressources, en fonction de la machinerie disponible ou pouvant être louée si nécessaire.

[188]      Or, la présence ou l’absence de facteurs externes comme l’attente d’approbations fédérales ou les difficultés ou délais dans leur obtention, réelles ou potentielles, peuvent affecter la date de début des travaux et la capacité de respecter les échéances, sans pénalités ou frais additionnels, et peuvent même constituer un risque que le Projet ne puisse aller de l’avant. Il s’ensuit qu’Inter-Cité, plutôt que de se faire imposer de tels risques par le MTQ sans même le savoir, les aurait elle-même évalués et aurait pu apporter des ajustements en conséquence, soit sur le montant de la soumission soit sur l’à-propos de réserver des ressources pour le Projet, et en quelle quantité, et sur le moment approprié pour le faire.

[189]      Le lien de causalité est bel et bien établi.

[190]      Par ailleurs, la nature des dommages-intérêts réclamés par Inter-Cité était prévisible pour le MTQ, qui savait que l’entrepreneur qui présenterait la soumission la plus basse devait être prêt à commencer et à exécuter les travaux sans délai aussitôt le contrat octroyé et l’autorisation de débuter donnée, pour respecter les échéances du 31 mars[114].

* *

[191]      Il s’agit donc maintenant d’apprécier le quantum des dommages-intérêts réclamés par Inter-Cité.

[192]      Sur ce point, la preuve d’Inter-Cité présente certaines lacunes, soit parce qu’elle fait parfois appel à du ouï-dire, sans autres éléments corroboratifs vérifiables, soit parce que présentant une valeur probante douteuse.

[193]      Par contre, le fardeau de la preuve qui incombe à la partie demanderesse ne doit pas occulter le devoir du Tribunal d’arbitrer le quantum du préjudice dans la mesure où les éléments de preuve sont présents qui le lui permettent, même si cela implique une certaine approximation[115].

i.              Personnel de gestion

[194]      Inter-Cité affirme avoir subi un préjudice de 244 647 $ relativement au personnel de gestion qu’il réserve au Projet jusqu’au 9 juin, représentant 15 semaines à raison de 45 heures par semaine pour six employés, dont Coudé, à qui elle attribue un taux horaire dit « effectif » propre à chacun.

[195]      Le témoignage de Coudé comporte certaines faiblesses, que l’ensemble de la preuve ne permet de combler que partiellement.

[196]      La connaissance qu’a le chargé de projet des tâches qui doivent être accomplies durant cette période d’attente, de son propre niveau d’implication à l’époque et de celui de Dany Fortin et de Jocelyn Côté, qui comme lui sont alors installés au siège social, amène le Tribunal à conclure que Coudé et Fortin ont passé 90% de leur temps sur le Projet et que Côté lui a consacré la moitié du sien. La preuve n’est pas suffisamment concluante pour les trois autres employés concernés, Régiani Savard, Pierre Gauthier et Martin Gagné, qui sont assignés à d’autres tâches ailleurs qu’au siège social.

[197]      Les taux horaires utilisés (pièce P-10A) posent également problème, dû au fait qu’ils ne concordent pas avec ceux pour lesquels Coudé a fourni une ventilation à la suite d’un interrogatoire préalable (les tableaux E-9). Certes, ce dernier est en mesure d’expliquer la différence. D’abord, la portion « pick-up » a été retirée des taux, avec raison puisqu’elle fait double emploi avec la réclamation pour les camionnettes du personnel. Ensuite, la portion « frais siège social » a été retranchée, mais remplacée par un facteur visant à obtenir le taux effectif. Or, c’est sur ce dernier aspect que la preuve est inadéquate : Coudé ne peut expliquer et justifier de manière convaincante et avec un degré de connaissance personnelle suffisant le calcul, le pourcentage ou le montant du facteur.

[198]      En conséquence, il convient de s’en remettre aux taux horaires des tableaux E-9 en excluant les portions pour les camionnettes et pour les frais de siège social, à savoir 49,86 $ pour Coudé, 49,34 $ pour Fortin et 55,70 $ pour Côté.

[199]      Le résultat est le suivant : Inter-Cité a droit à 79 062,75 $ pour son personnel de gestion du 1er mars au 9 juin 2010.

ii.            Camionnettes du personnel

[200]      Inter-Cité évalue son préjudice à 77 382 $ pour les camionnettes qu’elle a attribuées à son personnel de gestion attitré au Projet jusqu’au 9 juin.

[201]      Inter-Cité ne parvient à faire qu’une preuve partielle de son préjudice. Ainsi, elle ne convainc pas que les camionnettes assignées à Savard, Gauthier et Gagné sont restées en attente et imputées au Projet, pendant que ceux-ci étaient affectés à d’autres projets ou tâches, ni que celles de Coudé, Fortin et Côté devaient demeurer en attente, et qu’elles le sont effectivement demeurées, après le 23 mars, une fois qu’Inter-Cité eut appris le report des travaux à la mi-août.

[202]      Le MTQ soulève par ailleurs un doute au sujet du taux hebdomadaire de 900 $ utilisé par Inter-Cité dans son calcul. Néanmoins et bien que Coudé ne soit pas celui qui l’a établi, il est en mesure de l’expliquer et, de par ses fonctions de chargé de projet, de participant à l’élaboration des soumissions et de responsable de la gestion de projets, a une connaissance personnelle suffisante pour confirmer qu’il s’agit du taux qu’Inter-Cité utilise effectivement pour ses soumissions et qui correspond à la réalité des coûts d’entretien et d’opération des camionnettes. Au surplus, il s’agit d’un taux qui a été accepté par le MTQ sur d’autres projets, pour des travaux en dépenses contrôlées[116], ce qui atteste de son caractère raisonnable.

[203]      Prenant ces divers éléments en considération, Inter-Cité a droit à 8 991 $ pour les camionnettes de son personnel de gestion du 1er mars au 9 juin 2010.

iii.           Machinerie

[204]      Inter-Cité établit à 566 765,19 $ le préjudice qu’elle attribue à la mise en attente de sa machinerie dédiée au Projet jusqu’au 9 juin, laquelle comprend principalement des pièces d’équipement spécialisées de grande dimension (les pièces « majeures »)[117] et quelques-unes de moindre envergure.

[205]      Le MTQ conteste l’admissibilité du témoignage de Coudé et des tableaux listant la machinerie qu’il a préparés, alors qu’un journal de bord existait pour chaque pièce d’équipement indiquant notamment les dates d’affectation à des contrats, qu’Inter-Cité a choisi de ne pas déposer. Le MTQ s’attaque également à la valeur probante de cette preuve au motif que Coudé ne peut attester avec certitude de la présence ininterrompue de chaque pièce d’équipement dans le parc d’équipement pendant la période concernée.

[206]      Pour les motifs qui suivent, le témoignage de Coudé et les tableaux qu’il produit sont admissibles en preuve et ont une valeur probante qui satisfait le Tribunal, mais uniquement pour ce qui concerne une partie de la machinerie, selon la période.

[207]      Il convient d’abord de souligner que Coudé a une bonne connaissance personnelle des divers types ou modèles de machinerie affectés au Projet et du nombre requis de chaque pièce d’équipement.

[208]      Cela dit, pour les raisons discutées précédemment, Inter-Cité n’a d’autre choix que de maintenir disponible l’ensemble de sa machinerie attitrée au Projet tant qu’il demeure possible que les travaux puissent débuter à tout moment. Cette constatation, corroborée par le témoignage de Coudé, suffit pour conclure que chacune des pièces d’équipement listées aux tableaux P-10A est en attente jusque vers le 23 mars 2010.

[209]      Toutefois, à partir de cette date, Inter-Cité est informée que le début des travaux est reporté à la mi-août. Dès lors, la situation se présente différemment selon que l’on considère les pièces d’équipement majeures ou celles de moindre envergure.

[210]      Dans le premier cas, Coudé est en mesure d’affirmer qu’Inter-Cité n’a aucun projet en cours qui puisse employer cette machinerie spécialisée. De surcroît, il est familier avec le parc d’équipement d’Inter-Cité, par ailleurs visible de son bureau.

[211]      Dans le cas des pièces d’équipement de moindre envergure, il en va autrement. D’une part, il n’est pas démontré qu’elles ne peuvent être rendues disponibles temporairement pour d’autres projets en cours. D’autre part, le témoignage de Coudé, moins affirmatif au sujet de ces pièces d’équipement et peu concluant, ne suffit pas à établir qu’elles sont bel et bien restées en attente après le 23 mars.

[212]      En définitive, Inter-Cité a droit à 507 936,69 $ pour sa machinerie en attente du 1er mars au 9 juin 2010.

c.            Attente du 10 juin au 30 novembre 2010

[213]      Inter-Cité recherche 849 475,80 $ sous ce troisième volet[118]. Il concerne essentiellement les mêmes effectifs que sous le volet précédent, mais sur une période qui, à compter de l’annulation de l’appel d’offres, se prolonge jusqu’à ce qu’Inter-Cité soit parvenue à réassigner, pour une utilisation efficace, son personnel de gestion et à réaffecter sa machinerie.

i.              Personnel de gestion

[214]      Inter-Cité quantifie à 73 171,80 $ son préjudice en lien avec le personnel de gestion pour cette seconde période.

[215]      Cinq membres du personnel sont concernés, pour des périodes qui varient selon le moment où l’employé a pu être assigné à un autre projet pour une utilisation « efficace » de ses services. Entretemps, pour occuper ses employés, bien qu’il ne s’agisse pas d’une utilisation optimale de leur temps, et éviter de les mettre à pied, Inter-Cité les assigne à des tâches diverses sur différents projets, qu’elle liste dans un tableau[119] (le tableau E-10).

[216]      Le tableau E-10 a été confectionné par un directeur d’Inter-Cité, à partir des feuilles de temps des employés concernés. Celles-ci ne sont pas produites et le directeur ne témoigne pas.

[217]      Cela dit, le témoignage de Coudé satisfait le Tribunal que, tant qu’il demeure au siège social, jusqu’au 12 juillet, et s’y occupe à des « soumissions diverses », 90% de son temps représente une perte pour Inter-Cité, qui résulte de l’annulation de l’appel d’offres pour le Projet. Il en est également ainsi pour Fortin et Gagné, que Coudé côtoie au siège social jusqu’au 26 juin et 12 juillet respectivement.

[218]      Par contre, dès lors que Coudé ou un autre employé est attitré à un projet spécifique après le 9 juin, Inter-Cité ne présente pas une preuve convaincante que cet employé ne peut être utilisé de manière « efficace » et qu’elle subit toujours un préjudice imputable au MTQ.

[219]      Ainsi, Inter-Cité a droit à 20 403,58 $[120] pour son personnel de gestion après le 9 juin 2010.

ii.            Camionnettes du personnel

[220]      Inter-Cité prétend avoir subi un préjudice de 18 900 $ pour les camionnettes de son personnel de gestion après le 9 juin.

[221]      Toutefois, le Tribunal s’est déjà prononcé sur l’absence de démonstration d’un préjudice à ce sujet après le 23 mars 2010.

iii.           Machinerie

[222]      Selon la date à laquelle Inter-Cité est parvenue à réaffecter chaque pièce d’équipement en attente depuis le 1er mars 2010, elle établit son préjudice après le 9 juin à 757 404 $.

[223]      Pour les motifs énoncés précédemment au sujet des pièces d’équipement de moindre envergure après le 23 mars, Inter-Cité ne peut prétendre à une indemnisation pour cette machinerie[121].

[224]      Il en va autrement pour les pièces « majeures ». Les commentaires faits précédemment à leur sujet s’appliquent également ici et Coudé est en mesure d’affirmer que ces pièces (à l’exception du Caterpillar D-6) ne sont pas réaffectées à d’autres projets, pour les périodes qui concordent avec le tableau P-12A.

[225]      Certes, Coudé quitte le siège social le 12 juillet et il n’a donc plus le parc d’équipement sous les yeux. Il reste que sa familiarité avec les projets en cours chez Inter-Cité, pouvant employer ce type de machinerie, rend son témoignage suffisamment probant pour satisfaire le Tribunal.

[226]      En conséquence, Inter-Cité a droit à 718 740 $ pour sa machinerie en attente après le 9 juin 2010.

5.            Conclusion

[227]      En résumé, les dommages-intérêts auxquels Inter-Cité a droit se présentent ainsi :

·                     Attente du 1er mars au 9 juin 2010 : 

personnel de gestion :                            79 062,75 $

camionnettes du personnel :                    8 991,00 $

machinerie :                                          507 936,69 $

                                                                                                               

                                                              595 990,44$

·                     Attente du 10 juin au 30 novembre 2010 :

personnel de gestion :                            20 403,58 $

machinerie :                                          718 740,00 $

                                                                                                               

                                                              739 143,58 $

·                     Total :                                                             1 335 134,00 $

[228]      Par conséquent, la Procureure générale du Québec doit verser à Inter-Cité 1 335 134 $.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE pour partie la requête introductive d’instance de la demanderesse, Inter-Cité Construction ltée;

CONDAMNE la défenderesse, la Procureure générale du Québec, à payer à la demanderesse 1 335 134 $ plus les intérêts au taux légal depuis le 7 octobre 2010, date de mise en demeure, et l’indemnité additionnelle prévue au Code civil du Québec depuis le 24 novembre 2010, date d’assignation;

LE TOUT, avec dépens.

 

 

 

 

__________________________________

CHRISTIAN J. BROSSARD, J.C.S.

 

Me Simon Grégoire

Borden Ladner Gervais

Avocat de la demanderesse

 

Me Nancy Brûlé

Bernard Roy (Justice Québec)

Avocate de la défenderesse

 


TABLE DES MATIÈRES

 

A.      APERÇU.............................................................................................................................................. 1

B.      CONTEXTE.......................................................................................................................................... 2

C.     CADRE JURIDIQUE........................................................................................................................... 3

D.     QUESTIONS EN LITIGE..................................................................................................................... 4

E.      ANALYSE............................................................................................................................................. 5

1.       Le contrat B pour la réalisation du Projet a-t-il été formé?........................................ 5

1.1.        Position des parties.................................................................................................. 5

a.      Inter-Cité................................................................................................................................... 5

b.      MTQ........................................................................................................................................... 7

1.2.        Discussion................................................................................................................. 7

a.      Moment de la formation du contrat B..................................................................................... 7

b.      Rencontre des volontés........................................................................................................... 9

2.       Le MTQ a-t-il commis une ou des faute(s) génératrice(s) de responsabilité?...... 13

2.1.        Position des parties................................................................................................ 13

a.      Inter-Cité................................................................................................................................. 13

b.      MTQ........................................................................................................................................ 14

2.2.        Discussion............................................................................................................... 14

a.      Le droit.................................................................................................................................... 14

b.      Les faits.................................................................................................................................. 19

c.       L’application du droit aux faits............................................................................................. 21

3.       Inter-Cité est-elle empêchée d’obtenir indemnisation pour son préjudice?......... 26

3.1.        Maintien des ressources en attente après le 13 mars 2010............................. 27

3.2.        Soumission sur le nouvel appel d’offres............................................................. 28

4.       À quel montant Inter-Cité a-t-elle droit pour son préjudice?.................................... 28

4.1.        Position des parties................................................................................................ 28

4.2.        Discussion............................................................................................................... 29

a.      Frais de préparation de soumission................................................................................... 29

b.      Attente du 1er mars au 9 juin 2010....................................................................................... 30

c.       Attente du 10 juin au 30 novembre 2010............................................................................ 34

5.       Conclusion....................................................................................................................... 35

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :.................................................................................................... 36

TABLE DES MATIÈRES............................................................................................................................ 1

 



[1]     Le lecteur trouvera une table des matières à la suite du jugement.

[2]     Entente entre le Gouvernement du Québec et la Commission de la Capitale nationale sur l’amélioration du réseau routier dans le secteur québécois de la Région de la Capitale nationale (pièce D-5); témoignage de Josée Couture.

[3]     L.C. 1992, c. 37, al. 5 (1) b).

[4]     LCÉE, al. 5 (1) b), al. 14 a) et par. 18 (1); pièces D-6, p. 2 de 4, et D-4; témoignage de Couture. Comme l’autorise la LCÉE, l’exécution de l’examen préalable est déléguée au MTQ, qui confie à des consultants la réalisation des études nécessaires (LCÉE, par. 17 (1); témoignage de Couture).

[5]     LCÉE, art. 11, par. 17 (2) et 20 (1).

[6]     L.R.C. (1985), ch. N-4, al. 12 (1) a); pièces D-6, p. 2 de 4, et D-4; témoignage de Couture.

[7]     Pièce P-4.

[8]     Pièce P-7.

[9]     [1981] 1 R.C.S. 111.

[10]    Id., p. 119; voir également notamment Confédération des caisses populaires et d’économie Desjardins du Québec c. Services informatiques Decisionne, 2003 CanLII 29394 (QC CA), par. 45-46.

[11]    La Reine (Ont.) c. Ron Engineering, préc., note 9, p. 121. Il convient toutefois de préciser, comme le fait la Cour suprême dans trois arrêts subséquents (M.J.B. Entreprises Ltd. c. Construction de Défense (1951) Ltée, 1999 CanLII 677, [1999] 1 R.C.S. 619, par. 17; Martel Building Ltd. c. Canada, 2000 CSC 60, [2000] 2 R.C.S. 860, par. 79-80; Tercon Contractors Ltd. c. Colombie-Britannique (Transport et Voirie), 2010 CSC 4, [2010] 1 R.C.S. 69, par. 17), que le dépôt d’une soumission en réponse à un appel d’offres, même conforme aux exigences des documents d’appel d’offres, peut faire naître le contrat A entre le soumissionnaire et le donneur d’ouvrage, puisque l’existence même d’un tel contrat dépend du contenu des documents d’appel d’offres et des échanges entre les parties.

[12]    RLRQ, c. C-65.1, r. 5.

[13]   Règlement :

            16.  L'organisme public adjuge le contrat à l'entrepreneur qui a soumis le prix le plus bas.

[14]    Pièce D-2 :

17.  CHOIX DE L’ADJUDICATAIRE

L’Entrepreneur retenu est celui qui a présenté la plus basse soumission conforme. […]

[…]

[15]    Pièce D-2 :

19.  RÉSERVE

Le Ministère ne s’engage à accepter aucune des soumissions reçues.

[16]    (2012) 144 G.O. II, 3687. Il convient cependant de souligner que la version de l’article 18.1 introduite par le projet n’est pas la même que celle éventuellement adoptée.

[17]    Règlement, art. 16 et 18 al. 2; M.J.B. Entreprises Ltd. c. Construction de Défense (1951) Ltée, préc., note 11, par. 50; Construction BSL inc. c. Ste-Agathe-de-Lotbinière (Municipalité de), 2007 QCCS 4415, par. 51, inf. en partie par 2009 QCCA 145.

[18]    Constructions Gagné & Fils inc. c. Berthierville (Ville de), 2009 QCCA 1973, par. 41.

[19]    Règlement, art. 16 et 18.

[20]    Par exemple, voir les articles 14, 16, 17, 18 et 41 du Règlement.

[21]    Préc., note 9.

[22]    Voir par exemple La Reine (Ont.) c. Ron Engineering, préc., note 9, p. 122-123, Confédération des caisses populaires et d’économie Desjardins du Québec c. Services informatiques Decisionone, préc., note 10, par. 45-47, Constructions Gagné & Fils inc. c. Berthierville (Ville de), préc., note 18, par. 5-6 (voir également 2008 QCCS 300, par. 5-6), et Roussillon (Municipalité régionale de comté de) c. Construction Frank Catania & Associés inc., 2007 QCCS 3607, notamment par. 30-31 et 37-41.

[23]    Voir par exemple Roussillon (Municipalité régionale de comté de) c. Construction Frank Catania & Associés inc., préc., note 22, dont la trame factuelle est semblable à celle dans le cas présent, ainsi que Revêtements Alexander Craig inc. c. Société de construction D.C.L. ltée, 1997 CanLII 10481 (QC CA), p. 5-7, et Ville de Lachine c. Excavations Daniel Robert inc., C.S.M. no 500-05-013574-890, 27 janvier 1995, tous deux cités dans le jugement Roussillon, aux par. 37 et 40 respectivement.

[24]    Pièce D-2.

[25]    Le soulignement est ajouté.

[26]    Art. 17.

[27]    Pièce D-2, art. 18.

[28]    C.C.Q., art. 1386.

[29]    L’emploi des seuls noms de famille dans la suite du présent jugement a pour but d’alléger le texte et l’on voudra bien n’y voir aucun manque de courtoisie à l’égard des personnes concernées.

[30]    Henry est aujourd’hui Directeur régional pour l’Outaouais.

[31]    Shaneen est aujourd’hui Directeur des projets stratégiques.

[32]    Témoignage de Couture; pièce P-14-11, p. 2 de 3; interrogatoire préalable de Couture, 24 novembre 2011 (pièce P-13), réponse à l’engagement no 13.

[33]    Pièce P-4.

[34]    Témoignage de Couture.

[35]    Riverin n’est pas certain avec lequel des deux il a parlé et ni l’un ni l’autre de ceux-ci ne se souvient avoir parlé à quelqu’un d’autre que Coudé (et André Laprise dans le cas de Shaneen) chez Inter-Cité. Il ne fait néanmoins pas de doute que cette conversation a eu lieu.

[36]    Pièce D-2, articles 9 et 17.

[37]    Selon que Coudé témoigne en chef ou en contre-interrogatoire.

[38]    Pièce P-6.

[39]    Les travaux de déboisement sont interdits entre la mi-avril et la mi-août en raison de la nidification qui se déroule durant cette période.

[40]    Témoignages de Coudé et de Shaneen; pièce P-15.

[41]    Témoignage de Coudé; pièce P-15.

[42]    Pièce D-2, art. 17.

[43]    Témoignages de Couture, de Henry et de Shaneen.

[44]    Témoignages de Riverin et de Coudé.

[45]    Témoignage de Coudé.

[46]    Témoignages de Shaneen, de Henry et de Coudé.

[47]    Témoignage de Henry.

[48]    Pièces P-14-16, p. 3 et 4 de 5 et P-14-19, p. 5 de 5.

[49]    LCÉE, al. 5 (1) b), art. 11 et par. 17 (2) et 20 (1).

[50]    LCN, par. 12 (1) et (3).

[51]    Plan d’argumentation, Procureur général du Québec, par. 9.

[52]    M.J.B. Entreprises Ltd. c. Construction de Défense (1951) Ltée, préc., note 11, par. 27-29; Martel Building Ltd. c. Canada, préc., note 11, par. 81.

[53]    Préc., note 11, au par. 29.

[54]    Par opposition à un appel d’offres qui introduit une évaluation de la qualité.

[55]    Sauf stipulation autre, lorsqu’il s’agit d’un appel d’offres privé.

[56]    Voir par exemple R.P.M Tech inc. c. Gaspé (Ville), 2004 CanLII 20541 (QC CA), au par. 26.

[57]    Martel Building Ltd. c. Canada, préc., note 11, par. 88, 96 et 116; Tercon Contractors Ltd. c. Colombie-Britannique (Transport et Voirie), préc., note 11, par. 67; 3051226 Canada inc. c. Aéroports de Montréal, 2008 QCCA 722, par. 41-42; 3469051 Canada inc. c. Hôpital juif de réadaptation, 2009 QCCA 880, par. 40; Canada (Procureur général) c. Constructions Bé-Con inc., 2013 QCCA 665, par. 30.

[58]    M.J.B. Entreprises Ltd. c. Construction de Défense (1951) Ltée, préc., note 11, par. 54; Mercier c. Raby, 2008 QCCA 1831, par. 53.

[59]    Pierre LEMIEUX, « Le contentieux des appels d’offres en matière de contrats de l’Administration », dans Service de la Formation permanente, Barreau du Québec, Développements récents en droit administratif (1989), Vol. 2, Cowansville, Éditions Yvon Blais inc., p. 166, cité avec approbation dans R.P.M Tech inc. c. Gaspé (Ville), préc., note 57, au par. 25.

[60]    M.J.B. Entreprises Ltd. c. Construction de Défense (1951) Ltée, préc., note 11, par. 44; MYG Informatique inc. c. Commission scolaire René-Lévesque inc., 2006 QCCA 1248, par. 35-36; 3051226 Canada inc. c. Aéroports de Montréal, préc., note 57, par. 48-49; 9075-5719 Québec inc. c. Longueuil (Ville de), 2012 QCCA 246, par. 6 et 9 (voir également 2010 QCCS 2851, par. 48).

[61]    Jean-Louis BAUDOUIN et Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations, 7e éd. par P.G. JOBIN et Nathalie VÉZINA, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, par. 126; Confédération des caisses populaires d’économie Desjardins du Québec c. Services informatiques Decisionone, préc., note 10, par. 58; Hydro-Québec c. Construction Kiewit Cie, 2014 QCCA 947, par. 89.

[62]    Dans J.-L. BAUDOUIN et P.-G. JOBIN, Les obligations, préc., note 61.

[63]    J.-L. BAUDOUIN et P.-G. JOBIN, Les obligations, préc., note 61, par. 155.

[64]    Préc., note 10.

[65]    MYG Informatique inc. c. Commission scolaire René-Lévesque inc., préc., note 60, note de bas de page 23.

[66]    Dans J.-L. BAUDOUIN et P.-G. JOBIN, Les obligations, préc., note 61.

[66]    J.-L. BAUDOUIN et P.-G. JOBIN, Les obligations, préc., note 61.

[67]    1992 CanLII 71, [1992] 2 R.C.S. 554.

[68]    Id., p. 586.

[69]    Id., p. 586-587.

[70]    Olivier F. KOTT et Claudine ROY (dir.), La Construction au Québec : perspectives juridiques, Montréal, Wilson & Lafleur ltée, 1998, p. 225.

[71]    Banque de Montréal c. Bail ltée, préc., note 67, p. 587.

[72]    Préc., note 61.

[73]    J.-L. BAUDOUIN et P.-G. JOBIN, préc., note 61. Voir également Hydro-Québec c. Construction Kiewit Cie, préc., note 61, par. 55.

[74]    Pièce D-6.

[75]    Id., p. 1 de 4.

[76]    Témoignage de Couture; pièce P-14-5, p. 4 de 5.

[77]    Pièce P-14-6, p. 7 de 7.

[78]    Pièce P-14-7, p. 6 de 6, P-14-8, p. 4 de 4 et P-14-11, p. 3 de 3.

[79]    Témoignage de Couture; pièce P-14-11, p. 2 de 3.

[80]    En date du 16 novembre, le MTQ ne les a pas reçus (pièce P-14-12 (1), p. 2 et 4 de 5, cette dernière modifiée par P-14-13, p. 1 de 5)).

[81]    Témoignage de Couture.

[82]    Pièce P-3.

[83]    Cet Addenda no. 4 ne modifie l’article visé des documents d’appel d’offres que pour exclure l’échangeur Cross Loop, ajouté récemment aux travaux et qui est sans conséquence sur le litige. La version de cet article contenue aux documents d’appel d’offres d’origine n’est pas déposée en preuve, mais Couture confirme que la même affirmation concernant la détention des autorisations environnementales y est faite, sans l’exclusion pour l’échangeur Cross Loop.

[84]    Pièce D-2, art. 9.

[85]    Id., art. 17.

[86]    Témoignages de Couture et de Henry.

[87]    Supra, par. [66].

[88]    Supra, par. [67].

[89]    Pièce P-4.

[90]    Par exemple Entreprises R & G St-Laurent inc. c. Québec (Procureur général) (Ministère des Transports du Québec), 2013 QCCA 953, par. 12, et 9075-5619 Québec inc. c. Longueuil (Ville de), préc., note 60, par. 10-12.

[91]    Témoignages de Couture et de Shaneen; pièce P-14.

[92]    Témoignages de Couture et de Shaneen; pièce P-14-12 (2) à P-14-17 et P-14-19.

[93]    2009 QCCA 145.

[94]    1996 CanLII 6522 (QC CA).

[95]    Témoignage de Henry.

[96]    Pièce P-14-12 (2), p. 3 de 3 telle que corrigée par P-14-13, p. 2 de 5.

[97]    Témoignages de Henry et de Shaneen.

[98]    Pièce P-14-15.

[99]    Témoignage de Shaneen.

[100]   Témoignage de Shaneen.

[101]   Pièce D-2, art. 5; témoignage de Couture.

[102]   Voir par analogie Confédération des caisses populaires et d’économie Desjardins du Québec c. Services informatiques Decisionone, préc., note 10, par. 62.

[103]   Témoignage de Coudé.

[104]   Pièce P-14-19, p. 4 de 5.

[105]   Id., p. 5 de 5.

[106]   Témoignage de Riverin.

[107]   Pièce P-9A.

[108]   Plan d’argumentation, Procureur général du Québec, par. 17.

[109]   Plan d’argumentation, Procureur général du Québec, par. 18.

[110]   Pièce P-11A.

[111]   Pièce P-10A.

[112]   Préc., note 94.

[113]   Préc., note 18.

[114]   Témoignages de Couture et de Henry.

[115]   Black c. Alharayeri, 2015 QCCA 1350, par. 75.

[116]   Pièce P-16; témoignage de Coudé.

[117]   Celles à partir de la ligne pour le Komatsu PC750, en descendant, dans les tableaux P-10A et P-12A (témoignage de Coudé).

[118]   Pièce P-12A.

[119]   Pièce E-10 des engagements pris lors de l’interrogatoire préalable du 28 avril 2011 de Coudé.

[120]   Le taux horaire de Gagné, établi de la manière décrite précédemment (supra, par. [197]-[198]), est 34,99 $.

[121]   Une seule pièce d’équipement de moindre envergure est concernée après le 9 juin 2010 (tableau P - 12A).

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