Décision

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Agence du revenu du Québec c. Lavoie

2015 QCCA 750

 

COUR D'APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE MONTRÉAL

 

N:

500-09-024273-146

 

(500-80-018620-113)

 

 

PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE

 

 

DATE :

Le 29 avril 2015

 

CORAM : LES HONORABLES

ALLAN R. HILTON, J.C.A.

marie st-pierre, J.C.A.

claude c. gagnon, J.C.A.

 

APPELANTE

AVOCAT

 

L’AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC

 

 

Me éric labbé

(Revenu Québec -Larivière Meunier)

 

INTIMÉE

AVOCAT

 

CHRISTINE LAVOIE

 

 

Me RICHARD GÉNÉREUX

(Richard Généreux Avocat Inc.)

 

 

En appel d'un jugement rendu le 3 février 2014 par l'honorable Sylvain Coutlée de la Cour du Québec, district de Montréal.

 

 

NATURE DE L'APPEL :

 
Fiscalité - Impôt sur le revenu - interprétation de «résident»

 

Greffière d’audience :  Marcelle Desmarais

Salle : Antonio-Lamer


 

 

AUDITION

 

 

10 h 41

Argumentation par Me Éric Labbé.

11 h 01

Suspension de la séance.

11 h 22

Reprise de la séance.

11 h 22

Suite de l'argumentation de Me Éric Labbé.

11 h 33

Argumentation par Me Richard Généreux.

12 h 13

Réplique par Me Éric Labbé.

12 h 20

Fin de l'argumentation de part et d'autre.

12 h 24

Suspension de la séance.

12 h 24

Reprise de la séance.

12 h 24

Arrêt unanime prononcé par la Cour - voir page 3.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Marcelle Desmarais

Greffière d’audience

 


PAR LA COUR

 

 

ARRÊT

 

[1]            Après des études de licence, de maîtrise et de doctorat à Montréal, l’intimée a quitté le Canada et a passé cinq ans à l’Université de Californie (San Diego) où elle a exécuté des travaux de recherche postdoctoraux en biologie cellulaire sans entretenir l’intention de revenir un jour exercer son métier au Québec. Elle a, cependant, contre toute attente, reçu une offre d’embauche de la Faculté de pharmacologie de l’Université de Sherbrooke.

[2]           Au départ réfractaire à l’idée d’exercer sa profession au Québec où les conditions favorisant la recherche scientifique ne sont pas, à son avis, très propices, elle s’est tout de même laissé convaincre par une offre alléchante qui comprenait en plus d’un salaire :

a)           une chaire de recherche du Canada;

b)           un accès au Fonds d’innovation du Canada;

c)            le bénéfice d’un crédit d’impôt provincial (100 %) réservé aux professeurs étrangers durant cinq années.

[3]           Le crédit d’impôt lui a cependant été refusé pour les années fiscales 2007 et 2008 au motif qu’elle avait gardé une résidence fiscale au Québec durant son séjour (2000 à 2005) en Californie et qu’elle ne se qualifiait donc pas au titre de « professeur étranger ».

[4]           Le juge qui a tranché l’appel formulé à l’encontre de la cotisation en sa faveur a conclu, sur la foi de son témoignage et de la preuve documentaire, que l’intimée avait réussi à contrer la présomption de validité (article 1014 de la Loi sur les impôts[1]), à démontrer de façon prépondérante qu’elle n’avait plus, entre 2000 et 2005, de résidence fiscale au Québec et qu’elle avait, en conséquence, droit au crédit d’impôt réservé aux professeurs étrangers.

[5]           La détermination de la résidence fiscale relève d’une appréciation factuelle de l’existence et de la suffisance de facteurs de rattachement entre l’autorité cotisante et le contribuable.

[6]           La preuve disponible était, en l’espèce, contradictoire et permettait de nourrir la thèse respective de chaque partie quant au lieu de résidence fiscale de l’intimée et, le cas échéant, à son droit au bénéfice du crédit d’impôt.

[7]           En effet, l’existence, durant la période pertinente, d’un compte de placement au Québec, le renouvellement de son permis de conduire et de sa carte d’assurance-maladie, de même que ses affirmations contradictoires relativement à sa résidence contenues dans ses déclarations fiscales canadiennes et américaines, constituaient des éléments favorisant principalement la thèse de l’appelante quant au maintien par l’intimée d’une résidence fiscale au Québec durant son séjour aux États-Unis.

[8]           Mais les explications fournies par elle et retenues comme étant fiables et crédibles par le juge relativement à chacun des facteurs de rattachement invoqués par l’appelante étaient de nature à en réduire considérablement l’effet. Elles constituaient une partie substantielle d’une preuve susceptible de satisfaire au fardeau requis pour contrer la présomption de validité de la cotisation et de démontrer de façon prépondérante qu’elle n’était pas, immédiatement avant la signature de son contrat d’embauche, résidente du Canada aux fins de la Loi sur les impôts.

[9]           Rappelons que la preuve soumise au juge démontrait également, à cet égard, qu’entre 2000 et 2005 l’intimée habitait en permanence en Californie où elle était locataire d’appartements, propriétaire de meubles et de véhicules automobiles, titulaire d’un permis de conduire, d’une carte d’assurance sociale, de cartes de crédit, d’un compte de banque et, d’un emploi à temps plein, membre d’associations professionnelles, de clubs sportifs et sociaux ainsi que détentrice d’un visa de travail et participante à des régimes collectifs d’assurance-santé. De plus, durant cette période, elle n’est revenue au Québec qu’à quatre reprises (des séjours de moins de 10 jours) pour visiter ses père, mère, frère et sœur. S’ajoutait à ce contexte particulier, une intention bien arrêtée et démontrée de faire carrière aux États-Unis de façon permanente.

[10]        Le jugement entrepris est fondé sur des principes juridiques reconnus auxquels se réfèrent d’ailleurs les deux parties. C’est plutôt l’application de ceux-ci aux faits de l’espèce qui pose problème pour l’intimée.

[11]        La Cour n’a de cesse de répéter que, pour s’attaquer à une conclusion de fait ou à une inférence tirée de la preuve, il faut pouvoir isoler cette conclusion ou inférence et pointer du doigt l’erreur flagrante du juge qui l’affecte. Ce fardeau est lourd et les cas où la Cour intervient sont relativement rares.

[12]        En l’espèce, l’appelante nous convie à un exercice qui exigerait de réévaluer la crédibilité des témoins et à redéfinir les facteurs de rattachement entre le contribuable et l’autorité cotisante et à procéder à une nouvelle pondération de ceux-ci. Bref, il s’agit ni plus ni moins que de refaire le procès en appel.

[13]        Il ne suffit pas, pour prétendre à l’erreur manifeste et dominante, de proposer, comme le suggère l’appelante, une interprétation différente de la preuve qui met l’accent sur certains faits plutôt que sur d’autres de façon à atteindre un résultat tout aussi différent.

[14]        L’argument fondé sur une mauvaise formulation de la question litigieuse n’est pas sans mérite, mais est toutefois sans effet déterminant sur le sort du pourvoi. Il est, en effet, juste d’affirmer que la détermination de la résidence fiscale en 2007 et 2008 n’est aucunement pertinente au droit de l’intimée de bénéficier du crédit d’impôt pour ces mêmes années. Ce droit dépend plutôt de son lieu de résidence immédiatement avant qu’elle signe son contrat d’embauche ou qu’elle entre en fonction à l’Université de Sherbrooke. La période pertinente est donc celle qui précède immédiatement le 1er septembre 2005. Il appert toutefois du paragraphe [45] du jugement entrepris que le juge a utilisé la bonne période de référence (février 2000 à septembre 2005), durant laquelle l’intimée est absente du Canada, pour déterminer son admissibilité au crédit d’impôt.

[15]        La prétention selon laquelle le juge a mal apprécié le fardeau de preuve requis pour repousser la présomption de la validité de la cotisation est également dénuée de fondement. Pour l’appelante, le témoignage du contribuable ne peut à lui seul contrer l’effet de la présomption s’il est contredit par certains éléments de la preuve. Cette vision confond le fardeau de preuve et les moyens de preuve nécessaires pour y satisfaire. Il est bien évident que la confirmation d’un témoignage par une preuve documentaire, testimoniale ou circonstancielle augmente généralement les probabilités qu’il soit retenu, mais n’est pas pour autant exigée. Au surplus, en l’espèce, le témoignage de l’intimée était corroboré par différents documents admis en preuve.

[16]        L’appelante ne fait pas la démonstration en l’espèce d’une erreur révisable qui justifie une intervention.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[17]       REJETTE l’appel, avec dépens.

 

 

 

 

ALLAN R. HILTON,     J.C.A.

 

 

 

marie st-pierre,     J.C.A.

 

 

 

claude c. gagnon,     J.C.A.

 

 

Me Éric Labbé

LARIVIÈRE MEUNIER

Procureur de l'appelante

 

Me Richard Généreux

RICHARD GÉNÉREUX AVOCAT

Procureur de l'intimée



[1]     RLRQ, c. I-3.

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