Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Travailleuses et travailleurs unis de l'alimentation et du commerce, section 500 c. Hamelin

2015 QCCS 3579

JP 1736

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUEBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

No:

500-17-081977-145

 

 

 

DATE:

4 août 2015

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MICHEL A. PINSONNAULT, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES UNIS DE L’ALIMENTATION ET DU COMMERCE, SECTION 500

 

Demandeur

c.

 

ME FRANÇOIS HAMELIN, ès qualités d’arbitre des griefs

 

Défendeur

c.

 

ALIMENTATION D.M. ST-GEORGES INC.

 

Mise en cause

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Le Tribunal est saisi d’une demande du Syndicat des travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, Local 500 (le «Syndicat »), sollicitant l'intervention de la Cour supérieure afin d'annuler la sentence arbitrale rendue le 13 mars 2014 (la « Sentence ») par le défendeur, Me François Hamelin (l’«Arbitre »).

[2]           La Sentence porte sur un grief déposé par le Syndicat, le 22 avril 2013, puis amendé le 14 mai 2013, aux termes duquel celui-ci conteste le congédiement de madame Nancy Beaulieu (« Beaulieu ») par son employeur, Alimentation D.M. St-Georges inc. (ci-après «l'Employeur »), une compagnie exploitant un marché d'alimentation à Saint-Michel-des-Saints sous la bannière Provigo et opérée par sa propriétaire, madame Danièle St-Georges (« St-Georges »).

[3]           Dans la Sentence, l’Arbitre entre en matière comme suit :

« [1] Le 18 avril 2013, Mme Danielle St-Georges a transmis à la réclamante [Beaulieu] la lettre suivante de suspension à des fins d'enquête [pièce S-2] :

Objet: Avis disciplinaire - Loyauté envers sa compagnie

Madame Beaulieu,

Suite à votre comportement de ce matin, Mme Diane Charrette, votre superviseur, a reçu un courrier d'un client qui dit que vous lui avez suggéré d'aller faire son épicerie au WAL MART parce que c'est moins cher.

Cet évènement est inacceptable, et par la présente, je vous avise que vous êtes suspendue sans solde à compter du 19 avril au 10 mai 2013.

Ce temps de réflexion nous permettra de voir la suite des évènements, car selon nos valeurs et convictions un bris de confiance est un motif de congédiement.

[2] Le 25 avril suivant, Mme St-Georges informait la réclamante qu'elle était congédiée, en lui adressant la lettre suivante [pièce S-3] :

Sujet: Congédiement pour bris de confiance

Madame Beaulieu,

Concernant le sujet en titre, voici la décision rendue après un résumé des faits.

Alors que vous étiez à votre poste de travail de 07 :00 à 12 :00 hres le 18 avril 2013, vous avez suggéré à un client, de magasiner chez Walmart. Ce dernier, étant révolté de constater le manque de loyauté, qui est une faute grave, a dénoncé votre comportement.

Faisant suite à votre avis de suspension sans solde, étant donné qu'il y aura toujours un bris de confiance, nous devons terminer le lien d'emploi.

[...]

[3] Le 22 avril 2013, le syndicat a déposé le grief numéro G26838 [pièce S-4] qu'il a par la suite modifié le 14 mai 2013 [pièce S-5], pour contester le congédiement de la réclamante qu'il estime être sans cause juste et suffisante, et réclamer la réintégration de la salariée avec pleine compensation. »

[4]           Monsieur Yan Grégoire, un homme d'affaires et client du Provigo, a témoigné devant l’Arbitre que la caissière Beaulieu avait pris l'initiative d'attirer son attention sur le fait que les articles qu'il se procurait étaient moins chers chez Walmart.

[5]           Voici comment l’Arbitre décrit les faits menant à la plainte du 18 avril 2013, tels que retenu des témoignages entendus :

« [10] M. Grégoire est propriétaire d'un restaurant à St-Michel-des-Saints et est un fidèle client de l'employeur.

[11] Vers 8 h 30 le 18 avril 2013, après avoir fait son marché, M. Grégoire s'est présenté à la caisse où la réclamante était seule en poste.

[12] Pendant que la réclamante enregistrait les achats de M. Grégoire, elle lui a demandé s'il était allé au Walmart de Joliette depuis la fin des rénovations et ce dernier a répondu par l'affirmative. Selon M. Grégoire, la réclamante lui a ensuite dit que les prix de Walmart étaient moins élevés que ceux de l'employeur et à cet effet, elle lui a donné quelques exemples, dont le prix d'un fromage dans chacun des deux commerces. M. Grégoire ne se rappelle toutefois pas des détails alors fournis par la réclamante, dont le nom et les prix du fromage en question.

[13] Bouche bée et choqué par les propos de la réclamante, M. Grégoire n'a rien répondu.

[14] Vers midi, de retour à la maison, M. Grégoire a rapporté à sa conjointe les propos de la réclamante, laquelle a décidé d'en informer Mme St-Georges - qui est sa cousine - en lui transmettant le texto suivant [pièce S-7]:

Dsl mais il faut que je te parle de quelque chose... Nancy beau lieu suggere a tout le monde d'aller faire son epicerie au Waal mart parq c moins cher qu'ici!! Elle la suggere a Yan a matin ... Je me suis dit que cavalait la peine de vous en aviser pcq ca ma fait chier!

[Sic]

[15] Vers 13 h, Mme St-Georges a appelé Mme Provost - qui agissait alors à titre de déléguée syndicale substitut pendant les vacances de M. François Dubeau - afin de lui faire part de la situation, l'informer de sa décision de rencontrer la réclamante dans l'heure suivante et lui demander si elle pouvait accompagner cette dernière à cette occasion, ce que Mme Provost a accepté. »

[6]           Le Syndicat demande l’annulation de la Sentence qui conclut à la validité et à la légitimité du congédiement de Beaulieu aux motifs que l’Arbitre a commis plusieurs erreurs qui ont pour effet de conférer à celle-ci un caractère déraisonnable tel que l’intervention de la Cour supérieure s’impose en l’espèce.

[7]           À cette fin, le Syndicat soumet au Tribunal les quatre questions suivantes en litige, auxquelles il répond par l’affirmative :

1-    L'arbitre a-t-il commis une erreur révisable en recevant en preuve un fait qu'il n'aurait pas dû entendre et en lui accordant un poids que la convention P-4 lui interdit de faire?

2-    L'arbitre a-t-il commis une erreur révisable en refusant de considérer des éléments de preuve favorables à la salariée?

3-    L'arbitre a-t-il commis une erreur révisable en tirant des conclusions à partir d'éléments n'ayant fait l'objet d'aucune preuve?

4-    L'arbitre a-t-il commis une erreur révisable en ne considérant pas le défaut de respect de l'équité procédurale par l'employeur?

[8]           L’Employeur répond plutôt par la négative à chacune de ces questions, ajoutant que la Sentence de l’Arbitre est une décision raisonnable, transparente et dont les conclusions relèvent d'issues possibles et acceptables, justifiées par les faits mis en preuve et le droit.

[9]           D’entrée de jeu, tous s’entendent sur le fait que la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable.

[10]        Le Tribunal doit donc se demander si la décision arbitrale et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Autrement dit, il faut déterminer si les motifs retenus par l'arbitre appartiennent aux issues possibles acceptables pouvant se justifier en regard des faits et du droit.

[11]        Le Tribunal retient également les éléments suivants :

« a) L'arbitre détient une expertise en matière de relations de travail et d'arbitrage de grief et tient ses pouvoirs de l'article 100.12 du Code du travail[1];

b) Le législateur a prévu une clause privative aux articles 139 et 139.9 du Code du travail concernant les décisions prises par un arbitre. »

[12]        En considérant ces éléments additionnels, force est de constater qu’en rendant la Sentence en fonction de son appréciation des faits mis en preuve, l’Arbitre a appliqué et interprété la convention collective, ce qui relevait de sa juridiction exclusive et qu’en ce faisant, celui-ci a exercé pleinement son champ de compétence en décidant du grief soumis par le Syndicat.

[13]        Lorsqu’il doit apprécier le caractère raisonnable de la Sentence, le Tribunal doit :

-       accorder à l’Arbitre, un décideur spécialisé dans le domaine dans lequel il a été appelé à trancher le présent différend, une attention respectueuse aux motifs invoqués dans la Sentence et faire preuve d’une grande déférence relativement à son appréciation de la preuve, celui-ci ayant eu, entre autres, l’avantage de voir et d’entendre les témoins; et

-       se garder de substituer sa propre opinion à celle de l’Arbitre quant au résultat approprié.

[14]        Ainsi, dans la mesure où les motifs de la Sentence permettent au Tribunal de comprendre le fondement de la décision de l’Arbitre et de déterminer si la conclusion qu’il a tirée faisait partie des issues possibles acceptables, le Tribunal devra alors conclure au caractère raisonnable de la Sentence, conformément aux critères établis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir[2].

[15]        Les erreurs identifiées par le Syndicat sont-elles telles que le Tribunal doive conclure au caractère déraisonnable de la Sentence, comme celui-ci le propose?

[16]        Le Tribunal ne le croit pas.

[17]        Avec grand respect pour l’opinion contraire, il n’y a pas lieu pour la Cour supérieure d’intervenir dans cette affaire en vue de réviser judiciairement la Sentence, laquelle aux yeux du Tribunal, ne souffre d’aucune faiblesse ou lacune qui justifierait l’intervention du Tribunal.

[18]        À la lecture de la Sentence, le Tribunal a constaté que celle-ci était bien justifiée, transparente et intelligible. Non seulement la décision de l’Arbitre appartient à l’une des issues possibles, mais elle apparaît, aux yeux du Tribunal, être la bonne décision en l’occurrence.

[19]        Voici pourquoi.

1-    L'arbitre a-t-il commis une erreur révisable en recevant en preuve un fait qu'il n'aurait pas dû entendre et en lui accordant un poids que la convention [collective] P-4 lui interdit de faire?

[20]        Cette première question découle du fait que l’Arbitre a rejeté une objection formulée par le Syndicat quant au caractère recevable d’une preuve offerte par l’Employeur. L’Arbitre réfère dans la Sentence à l’incident survenu en février 2011 en ces termes :

« [30] En février 2011, Mme Legault était chef du département des fruits et légumes. À une date qu'elle n'a pas précisée, elle a fait son marché chez l'employeur et lorsqu'elle est passée à la caisse, la réclamante - qui agissait à titre d'emballeuse - lui a dit qu'elle devrait acheter ses escargots à la Ferme Réjean, parce qu'elle les paierait 0,99 $ le panier, alors qu'elle venait de les payer 1,29 $.

[31] Dans son témoignage, Mme Legault a affirmé avoir trouvé cette remarque « imbécile », mais avoir alors préféré taire l'incident afin « d'acheter la paix », a-t-elle expliqué.

[32] Ce n'est qu'à l'automne 2013 - à l'occasion d'une fête organisée pour souligner son départ - que Mme Legault a finalement informé Mme St-Georges de cet incident qui était similaire à celui qui avait entrainé le congédiement de la réclamante.

[33] Le syndicat s'est opposé à l'admissibilité en preuve de cet incident, mais j'ai rejeté cette objection parce que le cas échéant, en raison de la similitude des faits, cette preuve pourrait constituer une circonstance aggravante.

[34] La réclamante s'est pour sa part contentée de nier avoir tenu les propos que lui a prêtés Mme Legault. »

[21]        Dans son mémoire, le Syndicat invoque essentiellement qu’à l’époque, Mme Suzanne Legault (« Legault ») occupait le poste de gérante de la section des fruits et légumes et par conséquent, elle était une cadre de l’entreprise et une représentante de l’Employeur. Dans un tel contexte, le Syndicat considère que l’Employeur, par l’entremise de Legault, était au courant de « l’incident » dès 2011 et qu’il a alors jugé inopportun de porter des mesures disciplinaires à l’endroit de Beaulieu. L’Employeur est donc mal venu d’invoquer maintenant des faits qu’il n’a jamais considérés assez sérieux pour exercer des mesures disciplinaires à l’endroit de Beaulieu en 2011. Qui plus est, le Syndicat a invoqué devant le Tribunal que l’Arbitre a fait défaut de considérer et d’appliquer une clause d’amnistie (6.04) prévue à la convention collective et dont le libellé est le suivant :

« 6.04 Aucun avis écrit de l’Employeur inscrit au dossier d'un salarié ne peut être invoqué s'il est daté de six (6) mois et plus. »

[22]        Ainsi, l’Arbitre aurait commis une erreur en acceptant de considérer cet incident survenu quelque deux ans avant l’événement qui a suscité la plainte de Grégoire et qui a mené au congédiement de Beaulieu, et ce, d’autant plus qu’en 2011, l’Employeur, par l’entremise de Legault, avait considéré « d’imbécile » cet événement.

[23]        Le Syndicat soutient qu’en retenant ce fait antérieur comme une circonstance aggravante, l'Arbitre a contourné le texte obligatoire de la convention collective P-4, ce qui lui était expressément prohibé.

[24]        Ainsi, l'Arbitre aurait accordé une portée à l'incident de février 2011 que l'Employeur lui-même n'avait pas accordée à l’époque, car dans tout l'éventail de mesures disciplinaires alors possibles, l’Employeur avait décidé de n’exercer aucune telle mesure à l’endroit de Beaulieu. L'Arbitre aurait ainsi rendu une décision déraisonnable en écartant la qualification [d’imbécile] que l'Employeur avait lui-même donné à la discussion de février 2011 entre Beaulieu et Legault.

[25]        Enfin, l'Arbitre avait le devoir de motiver sa décision d'écarter l'interprétation donnée par l'Employeur à ce fait similaire, ce qu'il n'a pas fait.

[26]        L’avocat de l’Employeur apporte un éclairage différent.

[27]        Dans un premier temps, en aucun temps et même au moment de sa plaidoirie devant l’Arbitre, l’avocate du Syndicat n’a invoqué au soutien de son objection à la preuve d'un fait similaire l’existence de la clause d’amnistie se trouvant dans la convention collective de quelque 131 pages. L’Arbitre n’a jamais été appelé à trancher cette question particulière.  

[28]        Le fait de ne pas avoir soulevé l'argument de la clause d'amnistie prévue à l'article 6.04 constitue un acquiescement à l'administration d'une preuve de fait qui irait à l'encontre de la règle prévue à cet article. Selon l’avocat de l’Employeur, il serait déraisonnable de réviser la décision d'un arbitre sur la base d'arguments dont on reproche à l'arbitre de ne pas avoir tenu compte, mais qui n'ont jamais été soulevés en temps opportun devant lui[3].

[29]        Cet argument perd de son importance à la lumière du fait que l’Arbitre a retenu que l’incident survenu en février 2011 n’est venu à la connaissance de l’Employeur [St-Georges] pour la première fois qu’après le congédiement survenu le 25 avril 2013[4]. Selon l’Arbitre, l'acte reproché n'était donc pas connu de l’Employeur au moment du congédiement. Il n’est donc pas étonnant que St-Georges n’en ait pas fait mention dans ses lettres adressées à Beaulieu dans le cadre de son congédiement.

[30]        Le Tribunal comprend par ailleurs qu’aucune preuve n’a été offerte par le Syndicat devant l’Arbitre établissant qu’en 2011, Legault, avec qui Beaulieu s’était entretenue, détenait effectivement une position de gérante bénéficiant de pouvoirs disciplinaires envers Beaulieu. Le Tribunal remarque que l’Arbitre a identifié Legault comme étant chef du département des fruits et légumes[5] alors que madame Gail Provost, qui a également témoigné, était chef de la charcuterie. Or, cet autre « chef » était la déléguée syndicale substitut[6]. Le Tribunal doute qu’un gérant aurait pu agir comme délégué syndical. Bref, aucune preuve du genre n’a été soumise à l’Arbitre par le Syndicat.

[31]        En pareilles circonstances, il n’est pas surprenant que l’Arbitre n’ait pas retenu l’objection formulée par le Syndicat. Avec égard, le Tribunal ne perçoit aucune erreur commise par l’Arbitre en retenant de la preuve, qu’avant le congédiement, l’Employeur (St-Georges) ignorait complètement l’existence  de l’incident survenu en février 2011 et qu’il constate que les faits entourant l’échange entre Legault et Beaulieu, laquelle agissait à l’époque à titre d’emballeuse, s’apparentaient étrangement aux faits faisant l’objet de la plainte formulée en 2013 par le client Grégoire.

[32]        Il est pour le moins étonnant qu’en allant payer ses achats à la caisse, la caissière ou la personne qui emballe vos emplettes vous informe que les produits que vous venez d’acheter sont moins chers chez d’autres détaillants. Il ne s’agit clairement pas du type de « conseils » auxquels les clients d’une épicerie s’attendent de recevoir du personnel et, par le fait même, il ne s’agit pas d’un comportement suggéré ou approuvé par l’Employeur, propriétaire de l’épicerie. Ce dernier ne s’attend certainement pas à ce que ses employés alertent les clients et les exhortent, à toutes fins pratiques, à aller acheter ailleurs et à moins cher, par surcroît, les produits qu’il offre en vente à sa clientèle.  

2-    L'arbitre a-t-il commis une erreur révisable en refusant de considérer des éléments de preuve favorables à la salariée?

[33]        Le Syndicat reproche à l'Arbitre d’avoir fait défaut de tenir compte de toutes les circonstances de la présente affaire en matière disciplinaire.

[34]        D’emblée, le Syndicat débute son argumentation sur cette question en soulevant la soi-disant erreur commise par l’Arbitre qui mentionne, au paragraphe 9 de la Sentence, que Beaulieu n’était à l’emploi du marché Provigo que depuis « une dizaine d’années ». Manifestement, le Syndicat fait flèche de tout bois en ignorant qu’au paragraphe 41 de la même Sentence, l’Arbitre réfère aux 18 années d'ancienneté de la salariée. 

[35]        En fait, au moyen de cette question, le Syndicat soulève de multiples facteurs qu’il considère atténuants et favorables à Beaulieu, tout en déplorant que l’Arbitre ait omis de les considérer dans sa Sentence.

[36]        Le Tribunal est d’avis qu’une distinction s’impose entre ne pas considérer un facteur atténuant par rapport à le considérer, mais lui attribuer un poids insuffisant eu égard à la faute commise.

[37]        D’une part, en rendant sa Sentence, l’Arbitre n’avait pas à discuter en détail et à disposer de tous les arguments formulés par les deux parties. Un silence sur un sujet particulier n’infère pas automatiquement que ce sujet a été simplement ignoré, oublié ou qu’il n’a pas été considéré par le décideur. 

[38]        D’autre part, le rôle du juge appelé à réviser judiciairement une sentence arbitrale n’est pas de réévaluer tout un chacun des arguments soulevés en première instance ainsi que tout un chacun des faits mis en preuve de part et d’autre.

[39]        En invoquant de nombreux faits apparemment ignorés ou non considérés par l’Arbitre à la lecture de la Sentence, la partie qui recherche la révision judiciaire invite, à toutes fins pratiques, le Tribunal à substituer sa propre analyse de ces faits à celle effectuée par l’Arbitre. Il ne revient pas au Tribunal d’exercer un tel rôle ou plutôt un tel contrôle.

[40]        Il est opportun de rappeler l’arrêt Béton Brunet ltée c. Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, section locale 700 (SCEP)[7], dans lequel la Cour d’appel, sous la plume du juge Morrissette, s’est prononcée ainsi sur l’application de la norme de contrôle de la décision raisonnable en matière de révision judiciaire en droit du travail :

« [32] La norme de contrôle dans un cas comme celui-ci est, je le répète, celle de la décision raisonnable, une notion sur laquelle la Cour suprême du Canada a pris position à plusieurs reprises depuis son important arrêt de principe prononcé dans l’affaire Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick[8]. Un arrêt plus récent encore, et qui s’inscrit  dans le droit sillage de l’arrêt Dunsmuir, est l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses' Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor)[9], dont je reproduirai ici quelques passages. Je rappelle d’abord ce qui était en litige.

[33] Un arbitre du travail, appelé à interpréter une convention collective, devait trancher une question assez technique : il devait déterminer si les heures travaillées par un employé occasionnel avant d’acquérir sa permanence pouvaient être prises en compte dans le calcul du nombre de congés annuels payés auxquels l’employé avait droit après avoir acquis sa permanence. Dans une sentence de douze pages, l’arbitre répondit à cette question par la négative, en donnant raison à l’employeur. Cette décision fut attaquée en révision judiciaire devant un juge de première instance qui se demanda, conformément à l’arrêt Dunsmuir, « si le résultat fait partie des issues possibles », mais se demanda également si les motifs de l’arbitre fournissaient « une analyse permettant raisonnablement d'étayer sa conclusion ». Estimant que les motifs de l'arbitre devaient être « plus solides » et que sa conclusion « ne reposait sur aucun raisonnement pouvant être qualifié de raisonnable »[10], le juge cassa la sentence. Ce jugement fut infirmé à son tour par la Cour d’appel dans un arrêt que confirme la Cour suprême.

[34] L’un des aspects intéressants de cet arrêt est qu’il revient sur l’idée d’un « résultat qui fait partie des issues possibles » (en anglais, « an outcome that falls within the range of possible outcomes »). Cette idée est indissociable de certaines notions connexes, comme le soulignait la Cour suprême dans l’arrêt Dunsmuir : « Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l'intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu'à l'appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit[11]. » Voici certaines des précisions qu’apporte la Cour, sous la plume de la juge Abella. Après avoir cité avec approbation un extrait d’un article de doctrine[12], elle le commente en ces termes :

[13]      C'est dans cette optique, selon moi, qu'il faut interpréter ce que la Cour voulait dire dans Dunsmuir lorsqu'elle a parlé de la « justification de la décision [et de] la transparence et [de] l'intelligibilité du processus décisionnel ». À mon avis, ces propos témoignent d'une reconnaissance respectueuse du vaste éventail de décideurs spécialisés qui rendent couramment des décisions - qui paraissent souvent contre-intuitives aux yeux d'un généraliste - dans leurs sphères d'expertise, et ce en ayant recours à des concepts et des termes souvent propres à leurs champs d'activité. C'est sur ce fondement que notre Cour a changé d'orientation dans Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227, où le juge Dickson a insisté sur le fait qu'il y avait lieu de faire preuve de déférence en appréciant les décisions des tribunaux administratifs spécialisés. Cet arrêt a amené la Cour à faire preuve d'une déférence accrue envers les tribunaux, comme en témoigne la conclusion, tirée dans Dunsmuir, qu'il doit être « loisible au tribunal administratif d'opter pour l'une ou l'autre des différentes solutions rationnelles acceptables » (par. 47).

[…]

[16]       Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l'analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n'est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Assn., [1975] 1 R.C.S. 382, à la p. 391). En d'autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s'ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

[17]       Le fait que la convention collective puisse se prêter à une interprétation autre que celle que lui a donnée l'arbitre ne mène pas forcément à la conclusion qu'il faut annuler sa décision, si celle-ci fait partie des issues possibles raisonnables. Les juges siégeant en révision doivent accorder une [TRADUCTION] « attention respectueuse » aux motifs des décideurs et se garder de substituer leurs propres opinions à celles de ces derniers quant au résultat approprié en qualifiant de fatales certaines omissions qu'ils ont relevées dans les motifs.

Tel est le cadre d’analyse dans lequel on doit aborder la révision judiciaire d’une décision comme celle rendue ici par la CRT. »

[Soulignements et caractères gras ajoutés]

[41]        Examinons maintenant l’analyse effectuée par l’Arbitre dans sa Sentence pour motiver sa décision :

« IV- DÉCISION ET MOTIFS

[46] Le grief à l'étude conteste la décision de l'employeur d'avoir congédié la réclamante pour avoir été déloyale à son égard.

[47] En matière disciplinaire, les règles sont bien connues : il appartient à l'employeur de prouver que les faits reprochés se sont réellement produits et que, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, la mesure imposée est juste et proportionnelle à la faute commise.

[48] Avant de traiter le fond du litige, il y a toutefois lieu de répondre aux objections soulevées par la partie syndicale.

A) Les objections préliminaires

[49] Avec habileté, la procureure syndicale a d'abord soutenu qu'en ne transmettant pas à la réclamante l'avis prévu au paragraphe 6.01 A), l'employeur n'a pas respecté les dispositions du paragraphe 6.01 C) de la convention collective.

[50] Les dispositions en question se lisent comme suit :

6.01 A) Le délégué d'Union ou, en son absence, l'assistant-délégué est présent lorsqu'un salarié est réprimandé officiellement.

Un avis est rédigé par le Directeur de l'établissement ou s'il est absent, par son remplaçant. Une copie de l'avis est remise au salarié, une autre remise au délégué d'Union et une autre adressée à l'Union dans les soixante-douze (72) heures suivant l'avertissement pour être valable.

[ ... ]

C) Aucun salarié qui a complété sa période de probation n'est congédié ou suspendu sans que la procédure établie en 6.01 ait été suivie ou sans que son dossier antérieur ne comporte au moins un (1) avis écrit. La seule exception a trait au cas de congédiement ou de suspension pour cause grave.

[ ... ]

[51] Il est vrai que le paragraphe 6.01 C) stipule qu'aucun salarié ne peut être congédié« sans que la procédure établie en 6.01 ait été suivie [...]». La clause prévoit toutefois une exception à ce principe en édictant que « la seule exception a trait au cas de congédiement ou de suspension pour cause grave ».

[52] Avant de répondre à l'objection syndicale, il y a donc lieu de déterminer si la faute reprochée à la réclamante constituait une faute grave. Dans la négative, l'objection sera accueillie, mais dans l'affirmative, je devrai conclure que l'employeur n'a pas contrevenu au paragraphe 6.01 C) de la convention collective.

[53] La seconde objection soulevée par le syndicat est fondée sur le principe de l'équité procédurale que l'employeur n'aurait pas respecté en congédiant la réclamante sans lui avoir d'abord donné l'occasion de fournir sa version des faits.

[54] Je ne peux faire droit à cette objection, parce que la preuve révèle que l'employeur a offert à la réclamante d'aller exposer sa version des faits, mais que c'est cette dernière qui a refusé de le faire en invoquant mille et un prétextes : elle était occupée et irait plus tard; elle refusait d'être accompagnée de Mme Provost et exigeait de l'être de M. Dubeau, sachant pourtant qu'il était absent; elle attendait un appel téléphonique.

[55] Avec égard, j'estime que lorsqu'une salariée se sait accusée d'une faute qu'elle estime ne pas avoir commise, il est de son devoir de prendre tous les moyens nécessaires pour aller rapidement s'expliquer auprès de son employeur. En l'espèce, l'attitude fuyante de la réclamante - jointe au fait qu'après avoir été suspendue, elle n'a pas daigné communiquer avec l'employeur pour aller s'expliquer - constitue une négligence qu'elle ne peut maintenant invoquer en sa faveur.

B) La faute

[56] Ceci étant précisé, il faut maintenant déterminer si l'employeur a su démontrer l'existence de la faute reprochée à la réclamante.

[57] À mon avis, une preuve nettement prépondérante établit que le 18 avril 2013, la réclamante a effectivement suggéré à M. Grégoire, un fidèle client de l'employeur, d'aller faire son marché au Walmart, parce que les prix y sont moins élevés.

[58] M. Grégoire, qui n'a aucun intérêt dans la présente affaire, a en effet fourni un témoignage détaillé et fort crédible sur le sujet, alors qu'après avoir d'abord nié les faits, la réclamante a reconnu qu'il était possible que le 18 avril 2013, elle ait comparé les prix de Walmart à ceux de l'employeur, mais sans jamais suggérer à M. Grégoire d'aller y faire son marché.

[59] Non seulement cette distinction est spécieuse, mais je ne crois tout simplement pas la réclamante.

[60] Pour ces motifs, je suis d'avis que la réclamante a effectivement fait preuve de déloyauté, une faute grave, susceptible, selon les circonstances, de rompre le lien de confiance et d'entrainer le congédiement.

C) La sanction

[61] Il reste maintenant à déterminer si, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, le congédiement de la réclamante constituait une sanction juste, équitable et proportionnelle à la faute commise.

[62] En raison de plusieurs circonstances aggravantes, j'estime devoir répondre par l'affirmative à cette question.

[63] La première de ces circonstances est sans contredit le contexte. À l'époque pertinente, la réclamante travaillait pour l'employeur, un marché d'alimentation de taille moyenne, situé dans une petite ville éloignée des grands centres. Or, non seulement les entreprises de taille moyenne comme l'employeur doivent désormais compter des géants tels Walmart parmi ses concurrents, mais elles doivent de plus consentir à leurs salariés syndiqués des conditions de travail largement supérieures à celles offertes par les grandes surfaces à leurs salariés non syndiqués. Dans un tel contexte, la déloyauté d'une caissière ne constitue non seulement une faute grave, mais également une faute odieuse.

[64] Une seconde circonstance aggravante réside dans le fait que ce n'était pas la première fois que la réclamante faisait ainsi preuve de déloyauté à l'égard de l'employeur. Une preuve prépondérante a en effet démontré que la réclamante avait agi de la même façon en 2011. Son témoignage de pure dénégation ne fait évidemment pas le poids devant le témoignage précis et désintéressé de Mme Legault.

[65] Il est bien difficile de surprendre les paroles déloyales d'un employé, de sorte que la connaissance de deux incidents de ce genre permet vraisemblablement de croire que l'attitude de la réclamante était délibérée, voire même fréquente.

[66] Une troisième circonstance aggravante réside dans le poste de confiance qu'elle occupait chez l'employeur, en ce sens qu'à ce titre, elle le représentait souvent auprès de la clientèle.

[67] J'ajouterai finalement l'absence de regret et de remords dont a fait preuve la réclamante en persistant à nier ou à travestir les faits. Dans les circonstances, sa longue ancienneté et son dossier disciplinaire vierge ne sauraient lui être de quelque secours que ce soit.

[68] Pour tous ces motifs, je suis d'avis que la faute commise par la réclamante était grave au point de rompre définitivement le lien de confiance qui devait l'unir à l'employeur. C'est donc à bon droit que ce dernier l'a congédiée. »

[42]        À la lumière de ce qui précède, le Tribunal constate que l’Arbitre a effectivement considéré la « longue ancienneté » de Beaulieu et son dossier disciplinaire vierge, mais a conclu qu’en fonction de l’ensemble des circonstances qu’il a retenues, « ceux-ci ne sauraient lui être de quelque secours que ce soit ».

[43]        En l’espèce, le comportement et la crédibilité de Beaulieu (ou plutôt son absence de crédibilité) aux yeux de l’Arbitre, ont clairement joué dans la décision de l’Arbitre[13]. Avec respect, le Tribunal ne décèle aucune erreur commise par l’Arbitre dans son appréciation des faits mis en preuve devant lui et dans le poids qu’il a accordé à ces faits, ainsi qu’à la crédibilité des témoignages entendus.

3-    L'arbitre a-t-il commis une erreur révisable en tirant des conclusions à partir d'éléments n'ayant fait l'objet d'aucune preuve?

[44]        Le Syndicat reproche à l’Arbitre d’avoir tenu compte de faits qui n’ont jamais été mis en preuve.

[45]        À cet égard, le Syndicat réfère au paragraphe 63 de la Sentence dans lequel l’Arbitre mentionne les difficultés d’entreprises de taille moyenne, comme celle de l'Employeur, qui doit désormais compter des géants tels Walmart parmi ses concurrents, et qu’elles doivent de plus consentir à leurs salariés syndiqués des conditions de travail largement supérieures à celles offertes par les grandes surfaces à leurs salariés non syndiqués.

[46]        Au surplus, en aucun temps une preuve ne fut offerte à l'Arbitre à l'effet que l'Employeur avait perdu de la clientèle au profit de grandes surfaces telles que Walmart, suite à l’incident ayant suscité la plainte.

[47]        Selon le Syndicat, il s'agirait d'un accroc important à la justice naturelle qui invaliderait la Sentence.

[48]        Quant aux conditions de travail consenties aux salariés d’entreprises de taille moyenne par rapport à des entreprises telles Walmart, le Tribunal ne voit aucune erreur commise par l’Arbitre à cet égard.

[49]        À la lecture du paragraphe 22 de la Sentence, il est manifeste que l’Arbitre s’est inspiré du témoignage non contredit de St-Georges, qu’il a considéré crédible :

« [22] À l'audience, Mme St-Georges a rappelé que son entreprise, située dans une petite ville éloignée, évoluait dans le difficile secteur de l'alimentation. Elle a souligné que son personnel syndiqué bénéficie néanmoins de salaires et de conditions de travail bien supérieurs à ceux des employés non syndiqués travaillant dans des grandes surfaces situées dans les grands centres. Elle trouve donc inconcevable, a-t-elle indiqué, de « devoir subir la concurrence déloyale de ses propres employés ». Elle a finalement ajouté qu'en agissant comme elle l'a fait, la réclamante a perdu sa confiance et c'est pour cette raison qu'elle l'a congédiée. »

[Soulignements ajoutés]

[50]        À ce sujet, le Tribunal partage l’affirmation suivante, exprimée par l’avocat de l’Employeur dans son mémoire :

« [50] L'arbitre a jugé que d'inciter un client à magasiner chez un concurrent plus puissant alors que l'employeur doit en plus assumer des conditions de travail largement supérieures est un facteur aggravant. Ce jugement est rationnel, intelligent et fait partie des conclusions raisonnables auxquelles un arbitre peut arriver; »

[51]        Quant à l’argument d’absence de preuve d’une perte de clientèle suite aux agissements de Beaulieu, le Tribunal est d’avis que l’Arbitre n’avait pas à imposer un tel fardeau de preuve à l’Employeur pour que celui-ci puisse se décharger de son fardeau de preuve en matière de congédiement. Le comportement ultérieur d’un client invité à aller acheter chez un concurrent des produits à moindre prix n’est pas pertinent en l’espèce, et ce, surtout lorsque les gestes posés par l’employée au moment de l’incident ainsi que son comportement et son attitude depuis lors eurent pour effet de rompre définitivement le lien de confiance qui devait l'unir à l'Employeur. L’Arbitre n’a pas commis d’erreur en concluant à une faute grave commise par Beaulieu en pareilles circonstances. 

[52]        L'Arbitre aurait également erré en considérant des éléments n'ayant pas fait l'objet de preuve en déclarant que l'attitude de la salariée était délibérée, voire même fréquente.

[53]        Au paragraphe 65 précité de la Sentence, l’Arbitre a mentionné qu’ « il est bien difficile de surprendre les paroles déloyales d'un employé, de sorte que la connaissance de deux incidents de ce genre permet vraisemblablement de croire que l'attitude de la réclamante était délibérée, voire même fréquente. » Cette conclusion de fait est compréhensible et raisonnable dans les circonstances, d’autant plus qu’elle s’appuie et se justifie à la lumière de son appréciation de la crédibilité des témoins qu’il a entendus et des témoignages qu’il a retenus.

4-    L'arbitre a-t-il commis une erreur révisable en ne considérant pas le défaut de respect de l'équité procédurale par l'employeur?

[54]        Cette dernière question soulève le fait que Beaulieu ne s’est pas vu offrir l’opportunité de fournir sa version des faits à l’Employeur avant d’être congédiée.

[55]        La preuve prépondérante contredit la position du Syndicat à cet égard.

[56]        L'Arbitre a conclu que Beaulieu a été invitée à deux reprises par St-Georges et qu’elle a décidé de ne pas se prévaloir de son droit d'être entendue.

[57]        Dans son appréciation de la preuve administrée, l’Arbitre a donné préséance à la version de St-Georges, l’Employeur, par rapport à celle de Beaulieu.

[58]        Les paragraphes 53, 54 et 55 précités[14] de la Sentence illustrent bien le raisonnement de l’Arbitre pour conclure qu’il n’y pas eu, en l’espèce, d’accrocs au niveau de l’équité procédurale.

[59]        La décision de conclure que l'Employeur avait donné une réelle opportunité à Beaulieu de donner sa version des faits et que seule cette dernière devait assumer la responsabilité de ne pas avoir été entendue était raisonnable, compte tenu de la preuve administrée.

[60]        En conclusion, le Tribunal ne note aucune erreur commise par l’Arbitre qui nécessite une révision de la Sentence par la Cour supérieure. 

[61]        Son analyse de la preuve lui a permis de conclure à l’existence d’une faute grave commise par Beaulieu compte tenu du caractère stratégique du poste occupé par Beaulieu en 2013. Il est impensable qu’une caissière qui sert un client, au moment où il paie pour ses emplettes, lui dise que certains produits qu’il achète sont moins chers chez un compétiteur.

[62]        S’ensuivent une attitude et un comportement de Beaulieu dépourvus de remords sincères face à cet incident, tels que constatés par l’Arbitre, qui l’ont amené à la conclusion que le lien de confiance devant exister entre l’Employeur et Beaulieu avait été atteint irrémédiablement, d’autant plus qu’un événement similaire survenu en 2011, découvert récemment par l’Employeur, permettait de conclure raisonnablement que ce comportement déloyal n’était pas nécessairement un fait isolé.

[63]        Il y a donc lieu de rejeter la présente requête en révision judiciaire.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[64]        REJETTE la requête en révision judiciaire du demandeur, le Syndicat des travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, Local 500;

[65]        MAINTIENT à toutes fins que de droit la sentence arbitrale rendue le 13 mars 2014 par le défendeur, Me François Hamelin;

[66]        LE TOUT, avec entiers dépens.

 

 

__________________________________

MICHEL A. PINSONNAULT, J.C.S.

 

Me Michel Davis

Rivest, Schmidt

Procureurs de la demanderesse

 

Me Marc Lapointe

Étude légale Lapointe,Leblanc, avocats

Procureurs de la mise en cause

 

Date d’audience:

11 février 2015

 



[1] L.R.Q., c. C-27.

[2] [2008] 1 R.C.S. 190.

[3] MORIN, Fernand et BLOUIN, Rodrigue avec la collaboration de BRIÈRE, Jean-Yves et VILLAGGIE, Jean-Pierre, Droit de l'arbitrage de grief, 6e édition, Éditions Yvon Blais, Cowansville, 2012, page 433.

[4] Paragraphe 32 de la Sentence.

[5] Paragraphe 30 de la Sentence.

[6] Paragraphe 5 de la Sentence.

[7] 2015 QCCA 188.

[8] [2008] 1 R.C.S. 190.

[9] [2011] 3 R.C.S. 708.

[10] Ibid., paragr. 8.

[11]    Supra, note 11, paragr. 47.

[12]    David Dyzenhaus, « The Politics of Deference : Judicial Review and Democracy », dans M. Taggart (dir.), The Province of Administrative Law, Oxford : Hart, 1997,  p. 279, à la p. 304 « [TRADUCTION] Le « caractère raisonnable » s'entend ici du fait que les motifs étayent, effectivement ou en principe, la conclusion. Autrement dit, même si les motifs qui ont en fait été donnés ne semblent pas tout à fait convenables pour étayer la décision, la cour de justice doit d'abord chercher à les compléter avant de tenter de les contrecarrer. Car s'il est vrai que parmi les motifs pour lesquels il y a lieu de faire preuve de retenue on compte le fait que c'est le tribunal, et non la cour de justice, qui a été désigné comme décideur de première ligne, la connaissance directe qu'a le tribunal du différend, son expertise, etc., il est aussi vrai qu'on doit présumer du bien-fondé de sa décision même si ses motifs sont lacunaires à certains égards. »

[13] Lire les paragraphes 57, 58, 59 et 60 de la Sentence.

[14] Voir paragraphe 41 du présent Jugement.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.