COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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(Division des relations du travail) |
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Dossier : |
245252 |
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Cas : |
CM-2010-1468 et CM-2010-1469 |
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Référence : |
2011 QCCRT 0015 |
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Montréal, le |
12 janvier 2011 |
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DEVANT LE COMMISSAIRE : |
Jean Lalonde, juge administratif |
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Melina Polimeno
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Plaignante |
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c. |
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3550222 Canada inc. |
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Intimée |
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DÉCISION |
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[1]
Le 22 février 2010, Melina Polimeno (la plaignante) dépose deux
plaintes. La première allègue un congédiement illégal en vertu de l’article
[2] L’audience a lieu le 9 novembre 2010, et l’affaire est prise en délibéré le 23 novembre 2010 à la réception des dernières notes.
[3] L’intimée prétend que la plaignante a démissionné de son poste en ne se présentant pas au travail. La plaignante explique son absence par une maladie. L’intimée ignore la maladie de la plaignante. La Commission doit déterminer si la présomption s’applique en faveur de la plaignante pour sa plainte faite en vertu de l’article 122 et déterminer si l’intimée a une cause juste et suffisante de rompre le lien d’emploi dans le cas de la plainte faite en vertu de l’article 124.
[4] En 2004, la plaignante est embauchée au poste de secrétaire juridique par l’intimée qui est une firme de gestion qui prend charge un cabinet où exercent cinq avocats et quatre secrétaires.
[5] Le 6 janvier 2010, la plaignante qui souffre de problèmes d’insomnie se rend à l’Hôpital de Verdun où elle rencontre un médecin. Ce dernier lui remet un certificat médical qui justifie une absence du travail jusqu’au 8 janvier. La plaignante avise la réceptionniste qu’elle ne peut travailler et sera de retour le 8.
[6] Le 8 janvier 2010, la plaignante retourne au travail et remet le document reçu du médecin le 6 janvier précédent. À la fin de la journée, elle se sent fatiguée et durant la fin de semaine elle ne se sent pas bien.
[7] Le 12 janvier 2010, elle consulte un autre médecin au Montreal General Hospital, mais n’obtient pas de certificat médical. Le lendemain, elle se rend en compagnie de sa nièce et consulte à nouveau un médecin à l’Hôpital de Verdun. Celui-ci émet un premier arrêt de travail du 13 au 15 janvier qu’il remet à la plaignante. La nièce constate qu’il y a une erreur sur le document puisque le médecin parlait d’un arrêt de travail du 11 janvier au 15 février.
[8] Le 13 janvier 2010, la nièce de la plaignante téléphone au bureau de l’intimée pour leur faire part de l’erreur constatée sur le certificat médical émis la veille. Elle informe la réceptionniste que sa tante ne va pas bien et qu’elle a un mois de congé. La réceptionniste demande qu’on lui transmette le document. Le premier document qui prévoit un arrêt d’une semaine est expédié par courriel à l’intimée. La nièce de la plaignante demande à la secrétaire ou l’infirmière du médecin de corriger le document et de l’expédier directement chez l’intimée qui recevra une copie amendée faisant état d’un arrêt de travail d’un mois.
[9] Le 14 janvier 2010, Me Brunet, supérieur immédiat de la plaignante, téléphone à cette dernière et lui demande si elle sera présente au travail le 18 janvier prochain. La plaignante a peur de perdre son emploi et répond qu’elle ira travailler. Le même jour à 13 h 1, l’Hôpital de Verdun fait parvenir à l’intimée un document corrigé qui prévoit un arrêt de travail du 11 janvier au 15 février 2010. La nièce de la plaignante envoie des courriels à l’intimée pour l’aviser que sa tante ne peut travailler et que l’Hôpital leur fera parvenir un document corrigé.
[10] Le 15 janvier 2010, Me Brunet fait livrer par messager une lettre à la plaignante l’avisant qu’on l’attend au travail le 18 janvier et qu’à défaut de se présenter, il considère qu’elle démissionne. Ce même jour, la nièce de la plaignante expédie des courriels à l’intimée pour l’aviser que sa tante n’est pas en mesure de reprendre le travail avant un mois.
[11] Le 20 janvier 2010, la plaignante consulte à nouveau et le médecin lui remet un nouveau document qui précise un congé du 12 janvier au 15 février 2010.
[12] Me Brunet prétend qu’après le 15 janvier, il n’a plus de nouvelles de la plaignante et considère qu’elle a démissionné. En ce qui a trait aux documents reçus, il prétend qu’ils ne constituent pas des certificats médicaux puisqu’il n’y a aucun diagnostic et que certains ne portent même pas le numéro du médecin traitant. De plus, il croit que la plaignante a démissionné parce qu’il a constaté qu’elle a repris ses effets personnels. La plaignante répond qu’elle a ramassé ses effets personnels avant les vacances de Noël pour les ramener à la maison.
[13]
La Commission doit déterminer, en premier lieu, si la plaignante peut
bénéficier de la présomption établie à l’article
[14] L’employeur prétend que la présomption ne devrait pas s’appliquer puisqu’il ignorait la maladie de la plaignante.
[15]
Le fait que l’employeur soit au courant ou non de l’état de santé de la
salariée n’est pas un élément constitutif de la présomption. Pour que celle-ci
s’applique, il suffit de démontrer que la salariée se soit absentée pour cause
de maladie et qu’il y a concomitance entre l’absence et la maladie. C’est ainsi
que la Commission a décidé dans l’affaire Diane Meilleur c. Ministère
de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille,
[75] Elle a exercé un droit prévu à l’article
[76] Le non-renouvellement du contrat de Diane
Meilleur étant concomitant à son absence, celle-ci doit bénéficier de la
présomption prévue à la Loi. Il incombe alors au MESSF de démontrer, par
preuve prépondérante, qu’il a mis fin au lien d’emploi de Diane Meilleur pour
une autre cause juste et suffisante. Cette cause doit être sérieuse, par
opposition à un prétexte, et constituer la véritable cause de la fin d’emploi (Lafrance
c. Commercial Photo,
[16] De plus, dans la présente affaire, il est clairement démontré que l’intimée connaissait les problèmes de santé de la plaignante. La nièce de la plaignante a avisé à plusieurs reprises la réceptionniste de l’intimée en plus de lui faire parvenir des courriels. La plaignante a avisé Me Brunet qu’elle ne se sentait pas bien. Prétendre ignorer, comme le fait l’intimée, la maladie de la plaignante parce qu’elle n’a pas de certificats médicaux complets est de l’aveuglement volontaire.
[17] L’intimée ne peut reprocher à la plaignante que ses certificats médicaux ne contiennent pas de diagnostic. Le certificat médical énonce la période d’absence. L’employeur n’a pas à connaître la maladie qui affecte la plaignante. S’il a des doutes sur la vraisemblance de la maladie, il doit demander à la plaignante de se soumettre à un examen médical selon certaines exigences.
[18]
C’est ainsi que la Commission a décidé dans l’affaire Raymonde Duguay
c. Jeanne Blais,
[43] Madame Blais refuse de voir dans le certificat médical remis par madame Duguay, la justification de son absence maladie puisqu’il y est seulement indiqué « Repos pour un temps indéterminé ». Bien qu’elle ne veuille l’admettre, il est évident que la plaignante s’est absentée pour cause de maladie. Le certificat médical qu’elle présente, bien que laconique, jumelé au témoignage de madame Duguay qui se dit épuisée physiquement et moralement, sont concluants à cet égard.
[44] Dans Villeneuve c. Ameublements
Québéko inc.,
[19]
La jurisprudence déposée par l’intimée ne peut trouver application. Les
faits sont très différents. Dans l’affaire Harnois c. Novartis Pharma,
[20]
Telle que l’enseigne la jurisprudence, l’employeur qui doute des motifs
d’absence de son employé ou veut les contester, peut, de bonne foi, recourir à
une expertise médicale, ce que l’employé doit accepter (Blais c. 9096-4636
Québec inc.,
[21] Pour repousser la présomption, l’intimée fait valoir une autre cause. C’est donc dans le cadre de l’étude globale des deux plaintes que ce sujet sera analysé.
[22] L’intimée a le fardeau de démontrer une cause juste et suffisante pour rompre le lien d’emploi qui ne soit pas un prétexte.
[23] L’intimée invoque que la plaignante a soit démissionné ou a été congédiée pour absence au travail. Il s’agit d’une position paradoxale. La jurisprudence constante voulant que la démission appartienne au salarié et doit être libre et volontaire en plus d’être manifestée clairement.
[24] L’affaire Maçonnerie J.L.N. c. Union internationale des journaliers de l’Amérique du Nord, local 62, (arbitre Jean-Pierre Lussier, 19 mars 1981, SA-81-03-194), est la décision clé portant sur la démission et le congédiement déguisé. Les principes qui y sont énoncés sont repris unanimement par la jurisprudence (voir : Georges AUDET, Robert Bonhomme, Clément GASCON et Magali COURNOYER-PROULX, Le congédiement en droit québécois : en matière de contrat individuel de travail, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1991, pages 18-91) :
A) Toute démission comporte à la fois un élément objectif et subjectif.
B) La démission est un droit qui appartient à l’employé et non à l’employeur. Elle doit être volontaire.
C) La démission s’apprécie différemment selon que l’intention de démissionner est ou non exprimée.
D) L’intention de démissionner ne se présume pas si la conduite de l’employé est incompatible avec une autre interprétation.
E) L’expression de son intention de démissionner n’est pas nécessairement concluante quant à la véritable intention de l’employé.
F) En cas d’ambiguïté, la jurisprudence refuse généralement de conclure à une démission.
[25] Pour conclure à une démission, il faut que le salarié ait manifesté, par des actes positifs (volonté éclairée) et sans équivoque, son intention de démissionner. Une démission ne peut se présumer. Lorsque l’employeur prend l’initiative de la rupture du lien d’emploi, il ne peut être question de démission. C’est précisément ce que l’intimée a fait dans le présent dossier, elle a présumé que la plaignante avait démissionné. Ce geste, dans les circonstances, est clairement un congédiement.
[26] L’intimée ne convainc pas la Commission sur ses motifs de rupture du lien d’emploi. L’absence au travail ne peut être une cause juste lorsque la maladie crée une absence de moins de 26 semaines.
[27] La Commission en vient à la conclusion que la plaignante a été congédiée à cause de sa maladie ce faisant l’intimée a posé un geste illégal sans justification valable. Les plaintes doivent être accueillies.
EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail
ACCUEILLE les plaintes;
ANNULE le congédiement imposé le 15 janvier 2010;
ORDONNE à 3550222 Canada inc. de réintégrer Melina Polimeno dans son emploi, avec tous ses droits et privilèges, dans les huit (8) jours de la signification de la présente décision;
ORDONNE à
3550222 Canada inc. de verser à Melina Polimeno à titre d’indemnité,
dans les huit (8) jours de la signification de la présente décision,
l’équivalent du salaire et des autres avantages dont l’a privée le
congédiement, le tout portant intérêt à compter du dépôt de la plainte
conformément à l’article
RÉSERVE sa compétence pour déterminer le quantum de l’indemnité, le cas échéant.
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__________________________________ Jean Lalonde |
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Me Anne-Marie Plouffe |
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RIVEST, TELLIER, BRETON |
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Représentante de la plaignante |
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Me Louis G. Brunet |
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Représentant de l’intimée |
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Date de l’audience : |
9 novembre 2010 |
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Réception des documents : |
23 novembre 2010 |
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/jt
AVIS :
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