Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Modèle de décision CLP - juin 2011

Provigo Distribution inc.

2012 QCCLP 3498

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Jérôme :

30 mai 2012

 

Région :

Laval

 

Dossier :

462669-61-1202

 

Dossier CSST :

132647157

 

Commissaire :

Isabelle Piché, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Provigo Distribution inc.

 

Partie requérante

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 16 février 2012, Provigo Distribution inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) rendue le 3 février 2012, à la suite d’une révision administrative.

[2]         Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 15 novembre 2011 et déclare que le coût des visites médicales effectuées par madame Nathalie-Sophia Vetter, la travailleuse, doit être imputé au dossier de l’employeur.

[3]           L’employeur a renoncé à la tenue d’une audience et a demandé par conséquent que la Commission des lésions professionnelles procède sur analyse de dossier. Le dossier a ainsi été pris en délibéré en date du 16 mai 2012.


L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il ne doit pas être imputé des sommes correspondant à des visites médicales effectuées après le 15 juillet 2008.

LES FAITS

[5]           Le 4 mai 2008, la travailleuse est victime d’une lésion professionnelle alors qu’elle est frappée par une porte et une barrière.

[6]           Elle consulte un médecin le jour même qui diagnostique à ce moment une entorse cervicodorsale. Il ordonne un arrêt de travail, la prise de médicaments et l’amorce de traitements de physiothérapie.

[7]           À compter du 12 mai, des travaux légers sont autorisés.

[8]           Le 15 juillet 2008, l’employeur convoque madame Vetter en expertise. Le médecin désigné est le docteur Carl Giasson. Au terme de l’examen, ce dernier conclut à un examen squelettique dans les limites de la normale et retient une contusion cervicodorsale résolue, qualifiée d’entorse. Il consolide donc la lésion au jour de l’examen sans désignation de séquelles permanentes.

[9]           Le 8 septembre 2008, le docteur De Sanctis, médecin qui a charge de la travailleuse, répond à cette expertise par le biais du Rapport complémentaire. Il indique ne pas être d’accord avec les conclusions émises par le docteur Giasson puisqu’il estime les traitements de physiothérapie toujours requis.

[10]        Considérant ce différend, le dossier est acheminé au Bureau d’évaluation médicale. Le membre désigné est l’orthopédiste Michel Fallaha. Il signe un avis le 22 septembre 2008 dans lequel il retient un diagnostic de contusion cervicale et périscapulaire droite qui n’est pas consolidée au jour de l’évaluation puisque nécessitant toujours des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie.

[11]        Le 5 février 2009, une résonance magnétique est réalisée au niveau thoracique et de l’épaule droite. L’interprétation effectuée par le docteur Hudon révèle de légers signes de tendinopathie au sus-épineux sans évidence de déchirure partielle focalisée significative ou complète, ainsi qu’une légère composante inflammatoire à la bourse sous-acromiale sous-deltoïdienne.

[12]        Le 24 mars 2009, madame Vetter est de nouveau convoquée en expertise par son employeur. À la suite de l’examen, le docteur Giasson estime que la date de consolidation et les autres conclusions qu’il a préalablement établies sont toujours valides du point de vue médical, mais désigne un plateau thérapeutique en date du 24 mars 2009 à titre administratif.

[13]        Le 27 avril 2009, le docteur De Sanctis signe de nouveau son désaccord à l’opinion du docteur Giasson.

[14]        Le 22 juin 2009, l’orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale Hany Daoud émet un avis relativement aux sujets 2 à 5 énoncés à l’article 212 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1].

[15]        Ce spécialiste retient finalement à titre de date de consolidation le 15 juin 2009 avec suffisance de soins et absence de séquelles permanentes.

[16]        Le médecin qui a charge complète pour sa part un Rapport final trois jours plus tard et signale que la travailleuse peut reprendre son travail régulier considérant l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.

[17]        Le 5 janvier 2011, la Commission des lésions professionnelles[2] rend une décision par laquelle elle déclare la lésion professionnelle de la travailleuse consolidée en date du 15 juillet 2008 avec suffisance de soins.

[18]        Le 15 novembre 2011, la CSST refuse de désimputer les visites médicales, les frais d’établissement de santé et les frais de déplacement après le 15 juillet 2008. Cette décision est maintenue ultérieurement par la révision administrative.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[19]      La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a lieu de désimputer le dossier de l’employeur des coûts reliés à ces visites médicales effectuées après le 15 juillet 2008.

[20]      L’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles se lit comme suit :

326.  La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.

__________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

 

 

[21]      Le premier alinéa de cette disposition prévoit spécifiquement que la CSST impute à l’employeur le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail survenu à un travailleur alors qu’il était à son emploi. (notre soulignement)

[22]      La loi définit la notion de prestation à son article 2 :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

 « prestation » : une indemnité versée en argent, une assistance financière ou un service fourni en vertu de la présente loi;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

[23]      Dans le présent dossier, l’employeur demande au tribunal de retirer certains coûts de son dossier qui sont postérieurs au 15 juillet 2008 au motif qu’ils ne sont pas reliés à l’accident du travail du 4 mai 2008 considérant la consolidation de la lésion professionnelle à cette même date. Il s’agit de sommes rattachées à des frais d’assistance médicale tel que définis aux articles 188 et 189 de la loi :

188.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

 

189.  L'assistance médicale consiste en ce qui suit :

 

1° les services de professionnels de la santé;

 

2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.

 

[24]        L’employeur réfère au soutien de sa demande aux conclusions qui ont été retenues récemment par les décideurs majoritaires dans l’affaire Centre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Mailloux et al. et CSST[3], alors qu’un banc de trois juges était saisi spécifiquement de cette question. La position arrêtée est ainsi résumée :

[447] En conclusion, le tribunal rappelle que :

a) les employeurs ont un intérêt réel à demander le retrait de leur dossier d’expérience des coûts relatifs aux visites médicales effectuées après la date de la consolidation d’une lésion attribuable à un accident du travail sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, même si ces coûts considérés individuellement peuvent sembler minimes;

b) le premier alinéa de l’article 326 de la loi constitue le fondement juridique d’une telle démarche;

c) l’employeur doit agir dans le délai de trois ans prévu à l’article  2925 du Code civil du Québec;

d) le point de départ de ce délai est la date où il prend ou il aurait dû prendre connaissance de l’imputation de coûts postérieurs à la date de la consolidation de la lésion professionnelle sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle;

e) toutefois, conformément à ce qui est édicté à l’article 2878 du Code civil du Québec, le tribunal n’a pas à suppléer d’office le moyen résultant de la prescription et à soulever d’office un tel délai;

f) l’article 2 de la loi énonce qu’une lésion professionnelle peut faire l’objet d’une guérison ou d’une stabilisation;

g) une lésion professionnelle guérie est celle qui entraîne un rétablissement complet du travailleur et, donc, une non-nécessité de soins ou de traitements et une absence d’atteinte permanente et de limitation fonctionnelle;

h) une lésion professionnelle guérie ne génère plus de conséquences médicales et n’est donc plus sujette à l’indemnisation, sauf si la preuve révèle des situations particulières permettant d’écarter un tel constat;

i) la consolidation d’une lésion professionnelle sans nécessité de traitements, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle entraîne la fin de l’imputation des coûts relatifs aux visites médicales au dossier d’expérience des employeurs, sans égard au fait que cette consolidation soit déterminée par le médecin qui a charge du travailleur ou qu’elle soit acquise au terme d’un processus d’évaluation médicale et de décisions rendues par la CSST ou par la Commission des lésions professionnelles;

j) le fardeau de la preuve qui incombe à l’employeur est donc de démontrer que les coûts des visites médicales dont il requiert le retrait de son dossier d’expérience émanent d’un accident du travail et sont générés après la date de la consolidation de la lésion professionnelle sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle;

k) les frais relatifs à la procédure d’évaluation médicale doivent toutefois, s’ils n’ont pas déjà été retirés du dossier d’expérience de l’employeur, demeurer imputés à ce dossier puisqu’ils sont toujours générés en raison de la lésion professionnelle et qu’ils sont essentiels à la détermination des conséquences médicales finales de cette lésion.

[448] Le tribunal procédera donc à l’analyse de chacun des cas types soumis par les employeurs et elle en décidera à la lueur des critères énoncés précédemment.

[25]        Il y a lieu de mentionner cependant qu’une dissidence se rattache à cette décision et que cette dernière ne règle conséquemment pas la polémique en cours. Ainsi, bien qu’il aurait été préférable pour favoriser l’équité, la prévisibilité et l’égalité de traitement de parvenir à un consensus, ce résultat souhaité n’a toutefois pas été atteint et autorise clairement la poursuite de la réflexion en semblable matière, et ce, d’autant qu’une requête en révision judiciaire de cette décision a été portée.


[26]        La juge Perron tient les propos suivants lorsqu’elle signe sa dissidence :

[472] D’autre part, comme la Cour supérieure a eu l’occasion de le rappeler « la notion de consolidation est essentiellement médicale »[72]. La question de la consolidation d’une lésion doit être tranchée sur la base de considérations médicales[73].

[473] Ces mêmes remarques s’appliquent à l’égard des conclusions relatives à l’absence de la nécessité des soins ou traitements, l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.

[474] Toutefois, au contraire, la détermination qu’une prestation est due en raison d’un accident du travail relève essentiellement de l’ordre juridique, car il s’agit alors de vérifier l’existence ou l’absence d’une relation de cause à effet (lien causal) entre l’accident du travail et, en l’occurrence, la visite médicale.

[475] Je ne crois pas que des conclusions essentiellement médicales doivent automatiquement emporter le sort d’une question essentiellement juridique.

[476] Avec respect pour l’opinion contraire, je suis donc d’avis que l’on ne peut conclure à l’absence de relation entre des services de professionnels de la santé et un accident du travail pour la seule raison qu’une lésion professionnelle est consolidée sans déficit anatomo-physiologique ni limitation fonctionnelle. Cela explique ma dissidence avec les conclusions émises par le tribunal aux paragraphes i) et j).

[477] À mon avis, il y a toujours lieu d’examiner si la visite médicale est bel et bien effectuée « en raison de la lésion » pour déterminer si son coût peut être imputé à l’employeur parce qu’il est alors dû « en raison de l’accident du travail ».

[478] Notons ici que cette vérification est simple. En général, un rapport médical complété par le médecin qui a charge figure au dossier. Tel qu’indiqué par un des témoins des employeurs et comme la Commission des lésions professionnelles est elle-même en mesure de le constater, en pratique, le médecin complète toujours un rapport médical pour la CSST lorsqu’il s’agit d’une consultation qu’il constate être en raison de l’accident du travail. À l’inverse, en l’absence d’un tel rapport, il y a lieu d’avoir de sérieux doutes quant à la relation entre la consultation et l’accident du travail. Également, plus le temps s’écoule entre la date de la consolidation d’une lésion et une visite médicale, plus le lien de causalité entre les deux s’amenuise. On s’approche alors davantage à une guérison qu’à une stabilisation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. Il s’agit toujours d’une appréciation de l’ensemble des faits.

[479] En pratique, la date de consolidation de la lésion est fixée dans l’un ou l’autre des scénarios suivants :

· La date de la consolidation de la lésion professionnelle est déterminée par la CSST à la suite de l’émission d’un rapport final par le médecin qui a charge;

· La date de la consolidation de la lésion professionnelle est déterminée par la CSST à la suite d’un avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale qui l’a fixée à la date de son examen ou à une date antérieure;

· La date de la consolidation de la lésion professionnelle est déterminée par la Commission des lésions professionnelles à la suite d’une audience ou d’une entente qui l’a fixée nécessairement à une date antérieure à la décision.

[480] Dans la plupart des cas, la première situation met fin aux visites médicales. Au cas contraire, les faits particuliers du dossier doivent être analysés pour déterminer si les coûts engendrés sont oui ou non en raison de l’accident en dépit de la consolidation.

[481] Les litiges (demandes de transfert d’imputation) surgissent surtout dans les cas où la date de consolidation a été fixée par un membre du Bureau d’évaluation médicale ou par la Commission des lésions professionnelles alors qu’elle est saisie d’une contestation à ce sujet. L’employeur demande alors de ne pas être imputé pour les visites médicales effectuées par le travailleur pendant la période où il y avait une contestation médicale et que la date de consolidation de la lésion n’était pas définitivement établie, ni médicalement, ni juridiquement.

La procédure d’évaluation médicale et les recours

[482] Rappelons qu’en cas de litige, la loi offre à la fois une procédure d’évaluation médicale détaillée pour contester des conclusions médicales précises et une procédure de contestation sur le plan juridique, à plusieurs paliers.

[483] En ce qui concerne les conclusions médicales contestables, celles-ci sont décrites à l’article 212 de la loi :

212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :

1° le diagnostic;

2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

__________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

[484] On remarque que les services de professionnels de la santé prévus à titre d’assistance médicale n’y figurent pas. Peut-on assimiler les services d’un professionnel de la santé, ici une visite médicale, aux termes « soins ou traitements administrés ou prescrits » que l’on retrouve au troisième alinéa de l’article 212 ?

[485] Dans la Loi médicale[74], l’article 31 énonce en quoi consiste l’exercice de la médecine :

31. L'exercice de la médecine consiste à évaluer et à diagnostiquer toute déficience de la santé de l'être humain, à prévenir et à traiter les maladies dans le but de maintenir la santé ou de la rétablir.

Dans le cadre de l'exercice de la médecine, les activités réservées au médecin sont les suivantes:

1° diagnostiquer les maladies ;

2° prescrire les examens diagnostiques;

3° utiliser les techniques diagnostiques invasives ou présentant des risques de préjudice;

4° déterminer le traitement médical;

5° prescrire les médicaments et les autres substances;

6° prescrire les traitements;

7° utiliser les techniques ou appliquer les traitements, invasifs ou présentant des risques de préjudice, incluant les interventions esthétiques;

8° exercer une surveillance clinique de la condition des personnes malades dont l'état de santé présente des risques;

9° effectuer le suivi de la grossesse et pratiquer les accouchements;

10° décider de l'utilisation des mesures de contention.

__________

1973, c. 46, a. 29; 2002, c. 33, a. 17.

[486] On comprend que lors d’une visite médicale, le médecin peut poser une foule d’actes différents. Notamment, il peut prescrire un traitement qu’il prodiguera lui-même. Il apparaît donc clairement, qu’une visite médicale ne peut être assimilable à un soin ou traitement. D’ailleurs, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles, à laquelle se rallie le tribunal, considère que le législateur, lorsqu’il traite des « services de professionnels de la santé » à l’article 189 de la loi et des « soins et traitements » à l’article 212, fait appel à deux notions distinctes, non assimilables.

[487] La soussignée estime qu’il faut donc tenir compte de cette distinction et non simplement la constater et déclarer ensuite « qu’il s’agit de deux entités » mais qu’elles doivent connaître le même sort.

[488] Si le législateur avait voulu qu’on confonde ces deux notions ou qu’on les traite pareillement, il n’aurait eu qu’à inclure les visites médicales avec les soins et traitements au point 3 des éléments médicaux contestables énoncés à l’article 212 de la loi. Ou, il n’aurait eu qu’à indiquer, au chapitre de l’Assistance médicale, qu’un travailleur n’a plus droit aux services de professionnels de la santé lorsque sa lésion est consolidée et même y préciser que ceci s’applique que lors d’une consolidation sans déficit anatomo-physiologique ni limitation fonctionnelle.

[489] L’article 224.1 de la loi établit que la CSST est liée par l’avis du membre du Bureau d'évaluation médicale lorsqu’il se prononce sur les points médicaux prévus à l’article 212 de la loi et rend une décision en conséquence :

224.1. Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.

[…]

__________

1992, c. 11, a. 27.

[490] Par conséquent, à la suite de l’examen par le membre du Bureau d'évaluation médicale, le travailleur est avisé, et ce par une décision de la CSST, de la date de la consolidation de sa lésion professionnelle. Celle-ci est, soit rétroactive à la date de l’examen par le médecin désigné de l’employeur, soit fixée à la date de l’examen par le membre du Bureau d'évaluation médicale.

[491] Notons que l’article 361 de la loi prévoit que la décision rendue a un effet immédiat, malgré une demande de révision :

361. Une décision de la Commission a effet immédiatement, malgré une demande de révision, sauf s'il s'agit d'une décision qui accorde une indemnité pour dommages corporels ou une indemnité forfaitaire de décès prévue par les articles 98 à 100 et 101.1, le deuxième alinéa de l'article 102 et les articles 103 à 108 et 110, auquel cas la décision a effet lorsqu'elle devient finale.

__________

1985, c. 6, a. 361; 1989, c. 74, a. 10; 1992, c. 11, a. 34; 2009, c. 19, a. 8.

[492] La procédure d’évaluation médicale prévue à la loi est alors complétée.

[493] Par ses articles 349, 358 et suivants et 359 et suivants, la loi instaure un système décisionnel à trois niveaux : la décision initiale, la décision à la suite d’une révision administrative et la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles.

[494] Il ressort de ce qui précède que la loi permet les visites médicales et qu’elle n’instaure pas de mécanisme médical pour contester leur bien-fondé comme elle le fait pour les soins et traitements. Ainsi, à l’issue de la procédure d’évaluation médicale, aucune décision n’est rendue quant au droit du travailleur de consulter son médecin ni à l’issue de la contestation sur le plan juridique, cette question ne pouvant faire partie du litige.

L’analyse et le fardeau de preuve

[495] Le tribunal considère que pour donner effet à la consolidation et aux décisions portant sur les conséquences médicales d’un accident du travail il faut, sur simple preuve de la consolidation, sans déficit anatomo-physiologique ni limitation fonctionnelle, conclure que la visite médicale ne peut avoir eu lieu« en raison de l’accident du travail » à moins d’une preuve contraire, précise-t-on. Ce faisant, le tribunal procède à un transfert d’imputation puisque la preuve de la date de consolidation et de l’absence de déficit anatomo-physiologique et de limitations fonctionnelles a été fournie. Il considère tenir ainsi compte de « l’ensemble des conséquences médicales finales résultant de la lésion professionnelle ». Par ailleurs, le tribunal estime que de demander une preuve additionnelle à l’employeur serait lui imposer un fardeau trop lourd et, dans la très grande majorité des cas, impossible à respecter.

[496] La soussignée est plutôt d’avis que, dans les faits, lors d’une demande de retrait des coûts des visites médicales, le dossier démontre qu’il y a eu des visites médicales qui ont été faites auprès du médecin qui a charge ou auprès d’un consultant et que ces médecins ont complété un rapport médical. Avec respect, décider en de telles circonstances, que le travailleur n’a pas ainsi consulté son médecin en raison de son accident du travail équivaut à fonder sa décision sur certains faits seulement (la preuve de la consolidation sans déficit anatomo-physiologique ni limitation fonctionnelle établie par la Commission des lésions professionnelles) sans tenir compte du reste de la preuve (par exemple, que le travailleur a consulté son médecin parce que ce dernier était d’avis que la lésion n’était pas consolidée). Ce n’est pas parce que la Commission des lésions professionnelles subséquemment, avec l’ensemble de la preuve présentée y compris souvent des expertises médicales supplémentaires par les deux parties, conclut à une consolidation sans déficit anatomo-physiologique ni limitation fonctionnelle que l’on doive conclure que le travailleur n’a pas consulté « en raison de son accident du travail ». Ce raisonnement m’apparaît ne pas tenir compte de l’ensemble de la preuve présentée. De plus, il s’agit là d’un raisonnement basé sur une déduction et non sur des faits prouvés : on « infère » que le travailleur n’a pas consulté « en raison de sa lésion professionnelle » malgré que, tel que permis par la loi, il a consulté et le médecin a complété un rapport médical et que ceci figure au dossier.

[497] Pour ces motifs, la soussignée ne peut se rallier à l’opinion voulant que, dans de telles conditions, ces visites médicales n’ont pas été effectuées en raison de l’accident du travail subi et que les frais qui en découlent ne constituent pas un risque assurable pour l’employeur concerné.  (références omises)

[27]        La soussignée estime plus conforme à l’esprit du régime de même qu’au caractère exceptionnel de la désimputation de se rallier à cette dernière position.

[28]        Il est intéressant de noter sur cette question que tous les décideurs du banc de trois s’entendent à l’effet qu’il faut imputer au dossier de l’employeur le coût des frais reliés au processus de contestation médicale, et ce, peut importe la rétroaction en cause d’une date de consolidation et la manière d’y parvenir. La majorité décisionnelle cependant soustrait de ce principe le coût afférant aux visites au médecin qui a charge du travailleur.

[29]        La soussignée estime pour sa part que ces visites au médecin traitant font partie intégrante du mécanisme de contestation puisque sans un avis de ce professionnel de la santé, il ne saurait y avoir amorce du mécanisme de contestation médicale. Il est clair en effet que l’article 212 de la loi, notamment, ne réfère pas seulement aux formulaires de Rapport final ou de Rapport d’évaluation médicale, mais bien à tout rapport ou attestation produit par le médecin qui a charge. Ainsi, dans un esprit logique, il y a lieu également de conclure que les frais de ces visites médicales se doivent de demeurer facturées à l’employeur.

[30]        Le tribunal considère que la visite médicale appartient à un processus évolutif permettant à un employeur ou à la CSST d’enclencher les contestations médicales. La question de savoir si le soin est ou non toujours requis appelle pour sa part une réponse strictement médicale. Il y a donc lieu en définitive de distinguer le véhicule ou le moyen versus le résultat.

[31]        À cet égard , la juge administrative Perron écrit avec justesse dans l’affaire Entrepôt non-périssable Montréal[4] ce qui suit :

[20]      Par ailleurs, selon la Commission des lésions professionnelles, tant que le médecin qui a charge n’a pas consolidé la lésion et qu’un processus de contestation au Bureau d'évaluation médicale est entamé, les visites médicales au médecin qui a charge ou à des consultants sont nettement en relation avec la lésion professionnelle. Peut-être que le fait de déterminer une date antérieure de consolidation par la suite signifie que la nécessité de ces visites étaient discutables, mais il n’en demeure pas moins qu’elles ont été faites en relation avec la lésion professionnelle et le législateur n’exige pas la démonstration du bien-fondé ou non des visites médicales.

 

 

[32]        la soussignée est d’avis que toute conclusion contraire vide de son sens la procédure de contestation médicale établie par le législateur et le principe général d’imputation voulant qu’un employeur soit responsable des coûts liés à une lésion qui survient chez lui.

[33]        De plus, en optant pour un tel raisonnement, le tribunal est d’opinion qu’il donne malgré tout un effet juridique aux décisions finales faisant suite à un accord ou à une décision déterminant rétroactivement une date de consolidation puisque le mérite de l’affaire concerne alors spécifiquement la question des soins ou des traitements. Or, les frais qui y sont liés sont pour leur part désimputés lorsque jugés non nécessaires postérieurement à la date de consolidation retenue.

[34]        Il est éloquent au surplus, dans le présent dossier, de constater que l’employeur indique dans son argumentaire écrit qu’il demande au tribunal de déclarer que les coûts de même que les frais liés à la lésion professionnelle doivent être désimputés de son dossier à partir du 15 juillet 2008. (nos soulignements)

[35]        En définitive, la Commission des lésions professionnelles juge qu’il y a lieu de rejeter la demande de l’employeur puisque les visites médicales ciblées et les frais de déplacements ou d’établissement qui y sont rattachés appartiennent au mécanisme de contestation médical ayant mené à la décision finale sur la question de la date de consolidation en date du 15 juillet 2008.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de Provigo Distribution inc., l’employeur;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 3 février 2012;

DÉCLARE que l’employeur doit être imputé des frais d’assistance médicale postérieurs au 15 juillet 2008, à savoir les visites médicales, les frais de déplacements et les frais d’établissements qui y sont rattachés relativement à la lésion professionnelle subie par la travailleuse, madame Nathalie-Sophia Vetter, le 4 mai 2008.

 

 

 

__________________________________

 

Isabelle Piché

 

 

 

 

Monsieur Claude Stringer

Claude Stringer inc.

Représentant de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q.,c. A-3.001

[2]           362873-61-0811, 5 janvier 2011, J-David Kushner

[3]           C.L.P. 383712-71-0907, 5 avril 2012, D. Martin, P. Perron et C. Racine.

[4]           C.L.P. 326368-71-0708, 3 septembre 2009, P. Perron.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.