Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

25 août 2006

 

Région :

Laurentides

 

Dossier :

273662-64-0510

 

Dossier CSST :

120898549

 

Commissaire :

Me Hélène Marchand

 

Membres :

M. Alain Allaire, associations d’employeurs

 

M. Réjean Lemire, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Martine Pépin

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Gilles Leblanc - Dentiste

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 11 octobre 2005, madame Martine Pépin (la travailleuse) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle elle conteste la décision rendue le 26 août 2005 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST modifie la décision initiale du 6 juin 2005 refusant de réviser la base de l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse et déclare sa réclamation hors du délai prescrit.

[3]                À l’audience tenue à Saint-Jérôme le 26 juin 2006, la travailleuse est présente et représentée. Gilles Leblanc - Dentiste (l’employeur) n’est pas représenté. La CSST ayant d’abord déposé un avis d’intervention dans le dossier a par la suite signifié son absence à l’audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision du 26 août 2005, de déclarer sa réclamation recevable et déclarer qu’elle a droit au réajustement de son indemnité de remplacement du revenu sur la base salariale de 36 400 $, soit le revenu qu’elle aurait pu tirer d’un emploi lorsque s’est manifestée sa lésion, n’eut été de circonstances particulières.

LES FAITS

[5]                La travailleuse est née le 19 juillet 1970. Au mois d’août 1995, elle termine ses études et devient hygiéniste dentaire.

[6]                En septembre 1995, elle débute un premier emploi comme hygiéniste en remplacement d’un congé de maternité. Jusqu’à la mi-juillet 1996, elle occupe cet emploi à temps plein, à raison de 40 heures par semaine, au taux horaire de 15,00 $ l’heure.

[7]                En août 1996, débute des investigations pour un cancer de la glande thyroïde pour lequel elle subit une chirurgie le 25 novembre 1996. Des complications postopératoires repoussent la date de consolidation de sa lésion.

[8]                En janvier 1997, elle doit refuser une offre d’emploi permanent à temps plein chez le docteur Jean-Louis Bélanger en raison de sa chirurgie trop récente et des complications postopératoires.

[9]                En avril 1997, la travailleuse débute un deuxième emploi comme hygiéniste en remplacement d’un autre congé de maternité. Son employeur est alors la docteure Josée Bélisle. Elle occupe cet emploi jusqu’au 30 janvier 1998, soit après dix mois à temps plein, à raison de 30 heures par semaine, à un taux horaire de 15,50 $ l’heure.

[10]           Du 23 février au 23 mai 1998, la travailleuse occupe un troisième emploi comme hygiéniste en remplacement d’un congé de maladie. Son employeur est alors le docteur Gilles Leblanc.  Son taux horaire est de 20,00 $ l’heure.  Dès cette époque, la travailleuse commence à ressentir des douleurs cervicales.

[11]           Du 23 mars 1999 au 29 octobre 1999, la travailleuse occupe un quatrième emploi comme hygiéniste en remplacement d’un autre congé de maternité, à temps plein, 25 heures par semaine à raison de 18,00 $ l’heure. Son employeur est la docteure Bélisle pour qui elle a déjà fait un remplacement en 1997. De façon concomitante, soit du 5 mai 1999 au 15 juin 2001, elle occupe un emploi permanent à temps partiel à raison de neuf à dix heures par semaine pour le docteur Leblanc, pour qui elle avait déjà travaillé trois mois en 1998. Son taux horaire chez le docteur Leblanc est à nouveau à 20,00 $ l’heure.

[12]           Durant cette dernière période, la travailleuse ressent des douleurs sévères au cou et à l’épaule droite.  Elle subit différentes investigations dont une radiographie de la colonne cervicale et un électromyogramme.  Elle doit même arrêter de travailler une semaine en septembre 1999 en raison de ses symptômes.  Elle a ensuite terminé son contrat pour le docteur Bélisle comme prévu le 29 octobre 1999, de peine et de misère, tout en continuant à travailler pour le docteur Leblanc.

[13]           À la fin de son contrat pour la docteure Bélisle le 29 octobre 1999, la travailleuse s’est vue offrir par cette dernière la possibilité d’un emploi permanent à temps partiel à raison de 15 à 20 heures par semaine, ce qui lui aurait permis de combler les heures qu’elle faisait déjà pour le docteur Leblanc. Cette offre a été confirmée par la docteure Bélisle dans une lettre du 14 février 2006 déposée dans le dossier de la travailleuse.   Cette dernière a dû refuser cette offre en raison de ses problèmes de santé.

[14]           La travailleuse a poursuivi son emploi permanent à temps partiel chez le docteur Leblanc, comme nous l’avons vu, jusqu’au 15 juin 2001. Pourtant, jusqu’à cette dernière date, elle avait mal un peu partout, plus particulièrement à la main droite qui engourdit régulièrement. Finalement, en juin 2001, sa main engourdissait au point où elle a échappé un instrument dans la bouche d’un patient. C’est alors qu’elle a fait sa réclamation à la CSST le 22 juin 2001 puisque le 19 juin 2001, le médecin consulté diagnostiquait un syndrome du canal carpien droit et prescrivait un arrêt de travail.

[15]           La réclamation de la travailleuse pour un syndrome du canal carpien droit a d’abord été refusée par la CSST lors de la décision initiale, mais a été acceptée en révision administrative le 28 mars 2002.

[16]           Dans une décision rendue le 19 décembre 2003[1], la Commission des lésions professionnelles déclare que les traitements pour le syndrome du canal carpien droit sont encore indiqués après le 19 décembre 2002. D’ailleurs, la travailleuse a subi une opération pour ce syndrome le 8 décembre 2003.

[17]           Le 9 janvier 2004, la CSST a d’abord refusé le nouveau diagnostic de syndrome du défilé thoracique posé dès le 10 juin 2003 par le docteur Normand Taillefer. Le 31 mai 2004, la révision administrative a accepté ce diagnostic.

[18]           Le 28 mars 2005, la travailleuse a demandé la révision de la base salariale ayant servi au calcul de son indemnité de remplacement du revenu depuis le 15 juin 2001 au motif que n’eut été de sa lésion professionnelle, elle aurait tiré un revenu brut plus élevé que celui retenu comme base salariale ayant permis le calcul de son indemnité de remplacement du revenu.

[19]           La décision du 6 juin 2005 refusant de réviser la base salariale de la travailleuse, de même que la décision en révision administrative du 26 août 2005 déclarant irrecevable cette réclamation sont les deux décisions à l’origine du présent litige.

[20]           Le 1er mars 2006, le docteur Leblanc signe une lettre dans laquelle il écrit notamment que le 6 août 2001, un poste d’hygiéniste dentaire à temps complet, soit 35 heures par semaine, aurait été disponible pour la travailleuse, n’eut été de son incapacité de travail en raison de sa lésion professionnelle.

[21]           La preuve non contredite, à savoir le témoignage crédible de la travailleuse, est à l’effet qu’elle a commencé à ressentir différents symptômes reliés à son emploi dès septembre 1997, soit cinq mois après le début de son emploi à temps plein pour la docteure Bélisle. D’autres symptômes se sont ajoutés à l’hiver et au printemps 1998 de même qu’en 1999 où elle a dû arrêter une semaine au mois de septembre en raison de douleurs sévères à plusieurs sites de lésion. Comme nous l’avons vu, ces douleurs se sont intensifiées et diversifiées jusqu’à l’arrêt de travail du 15 juin 2001.

[22]           Le syndrome du défilé thoracique a été consolidé le 15 février 2006 et la travailleuse est actuellement en réadaptation à la CSST.

[23]           Le docteur Leblanc, qui procède actuellement à un agrandissement de sa clinique, a offert à la travailleuse un emploi de consultante spécialement créé pour elle. Elle est actuellement en retour progressif trois jours par semaine. Elle doit cependant être formée en informatique pour être en mesure d’occuper ses nouvelles fonctions.

L’AVIS DES MEMBRES

[24]           Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis d’accueillir la requête de la travailleuse.  Ils croient en effet que la travailleuse a démontré de façon claire qu’elle aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s’est manifestée sa lésion, n’eut été de circonstances particulières.  Ces circonstances découlent de problèmes personnels mais surtout des symptômes reliés à ses lésions professionnelles qui, très tôt, l’ont empêchée d’accepter des offres d’emploi permanent.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[25]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a droit à une révision de la base salariale ayant servi au calcul de son indemnité de remplacement du revenu à compter du 15 juin 2001.

[26]           L’article 76 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) est nécessaire à la solution de cette question et se lit comme suit :

76. Lorsqu'un travailleur est incapable, en raison d'une lésion professionnelle, d'exercer son emploi pendant plus de deux ans, la Commission détermine un revenu brut plus élevé que celui que prévoit la présente sous-section si ce travailleur lui démontre qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion, n'eût été de circonstances particulières.

 

Ce nouveau revenu brut sert de base au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu due au travailleur à compter du début de son incapacité.

__________

1985, c. 6, a. 76.

 

 

[27]           Tout comme le souligne la commissaire Beauregard dans Rivest et Voyages au Nordest inc.[3], l’article 76 exige du travailleur qu’il fasse la preuve de deux choses : une incapacité à exercer son emploi pendant plus de deux ans à la suite d’une lésion professionnelle et le fait qu’il aurait pu exercer un emploi plus rémunérateur lorsque s’est manifestée sa lésion, n’eut été de circonstances particulières.

[28]           Dans le cas sous étude, il est clair que la travailleuse est en incapacité de travail depuis plus de deux ans puisque son incapacité a débuté le 15 juin 2001 et que sa dernière lésion a été consolidée le 15 février 2006. Elle a donc satisfait à la première condition d’application de cet article.

[29]           Quant aux circonstances particulières auxquelles réfère cet article, dans la décision Pilon et Restaurant Steak Cie[4], il a été reconnu que l’expression « circonstances particulières » qu’on y retrouve ne réfère pas exclusivement au milieu de travail mais permet tout autant de référer à des circonstances propres au travailleur.

[30]           Dans le cas sous étude, il a été mis en preuve que la travailleuse a dû refuser un premier emploi permanent auprès de la docteure Bélisle en novembre 1999 en raison des nombreux symptômes qu’elle ressentait déjà en relation avec son travail et pour lesquels elle a débuté des investigations dès septembre 1999 après avoir subi des investigations et une chirurgie pour un cancer de la glande thyroïde en 1996-1997.

[31]           Qui plus est, la preuve est à l’effet que la travailleuse aurait pu débuter un emploi permanent à temps plein chez le docteur Leblanc dès le 6 août 2001, n’eut été de son arrêt de travail pour maladie professionnelle le 15 juin 2001.

[32]           La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que la travailleuse a satisfait aux deux conditions d’application de l’article 76 de la loi.  Elle est également d’avis que la travailleuse pouvait demander la révision de la base salariale ayant servi au calcul de son indemnité de remplacement du revenu, le 28 mars 2005.

[33]           D’une part, la demande de révision de la base salariale prévue à l’article 76 de la loi n’est soumise à aucun délai particulier. C’est la conclusion à laquelle en arrive la commissaire Mathieu dans Akkari et Entreprises Deland 2000 inc.[5]  D’autre part, le tribunal est d’avis que dans le cas sous étude, la travailleuse a été diligente en faisant sa réclamation en mars 2005 compte tenu des nombreuses démarches qu’elle a dû faire pour se voir reconnaître ses lésions professionnelles.

[34]           En effet, ce n’est finalement que le 31 mai 2004 que la révision administrative accepte le deuxième diagnostic de syndrome du défilé thoracique. Jusqu’à cette période, la travailleuse a vécu des mois d’incertitude l’ayant obligée à demander tantôt de l’assurance-emploi, tantôt de l’aide sociale, ce qui a rendu sa convalescence très difficile.

[35]           La travailleuse a demandé que la base pour le calcul de son indemnité de remplacement du revenu, à compter du 15 juin 2001, soit calculée sur le revenu brut qu’elle aurait tiré de l’emploi offert par le docteur Leblanc en août 2001, soit 36,400 $ représentant 35 heures de travail hebdomadaire à 20,00 $ l’heure. Cette demande apparaît fondée puisque dès le mois de novembre 1999, la travailleuse a dû refuser un emploi permanent à temps partiel qui, jumelé à l’autre emploi à temps partiel qu’elle occupait déjà pour le docteur Leblanc, lui aurait permis d’occuper l’équivalent d’un emploi à temps plein dès cette période.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête déposée le 11 octobre 2005 par madame Martine Pépin à la Commission des lésions professionnelles;

INFIRME la décision rendue le 26 août 2005 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE recevable la demande de révision de la base salariale déposée par madame Martine Pépin;

DÉCLARE que le calcul de l’indemnité de remplacement du revenu de madame Martine Pépin doit être révisé à compter du 15 juin 2001, sur la base du revenu brut de 36 400 $.

 

 

 

__________________________________

 

Me Hélène Marchand

 

Commissaire

 

 

 

 

Me François Parizeau

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Jean-Sébastien Noiseux

Panneton, Lessard

Représentant de la partie intervenante

 



[1]           C.L.P. 202360-64-0303 et 207401-64-0305, L. Landriault.

[2]           L.R.Q., c. A-3.001.

[3]           C.L.P. 134493-63-0003, 00-11-30.

[4]           [2004] C.L.P. 803 .

[5]           156435-62-0103, 01-06-18.

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